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Avis juridique important

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61999C0398

Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 20 septembre 2001. - Yorkshire Co-operatives Ltd contre Commissioners of Customs & Excise. - Demande de décision préjudicielle: VAT and Duties Tribunal, Manchester - Royaume-Uni. - Sixième directive TVA - Bons de réduction émis par un fabricant - Base d'imposition du détaillant. - Affaire C-398/99.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-00427


Conclusions de l'avocat général


I - Introduction

1. La présente procédure concerne la base d'imposition des opérations réalisées par des détaillants qui accordent une réduction de prix aux consommateurs finaux sur présentation d'un coupon lors de l'achat de marchandises et reçoivent du fabricant qui délivre ces coupons le remboursement du montant de la réduction.

II - Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

2. Entre février 1974 et janvier 1996, Yorkshire Co-operatives Ldt (ci-après «Yorkshire») a exercé l'activité de vente au détail de produits alimentaires et non alimentaires dans différents magasins du nord de l'Angleterre. Dans le cadre de son activité, la demanderesse au principal a accepté des coupons de réduction («money-off» coupons) émis par des producteurs de produits fournis par la demanderesse à ses clients. Ces coupons étaient émis dans le cadre de promotions spéciales organisées par les fabricants. Ils étaient émis à l'intention du public par les fabricants, soit directement, soit sous la forme de bons à découper dans les journaux et magazines. Chaque coupon indiquait une somme d'argent ou une méthode de calcul d'une telle somme («la réduction») et ses termes permettaient au client qui présentait le coupon à un détaillant qui l'acceptait d'acheter les produits indiqués sur le coupon au prix de détail normal diminué de la réduction.

3. Yorkshire a accepté de tels coupons de la part de ses clients. Elle a acheté des produits pertinents pour ces coupons auprès des fabricants et les a offerts à la vente à leur prix de détail normal. Un client qui ne présentait pas de coupon devait payer le prix de détail normal. Un client qui présentait un coupon payait le prix de détail normal diminué de la réduction. Ensuite, conformément aux instructions imprimées sur le coupon, Yorkshire envoyait le coupon au fabricant et celui-ci lui versait le montant de la réduction.

4. Lorsque Yorkshire recevait la somme remboursée, elle l'intégrait dans sa recette brute journalière et déclarait ainsi aux Commissioners of Customs & Excise (ci-après les «Commissioners») au titre de la TVA l'intégralité du prix de détail normal des produits sans déduction du montant des coupons.

5. Le prix payé par Yorkshire au fabricant des produits pertinents pour les coupons était calculé sans qu'il soit tenu compte de ces derniers. Dans certains cas, les produits avaient été achetés par Yorkshire avant même que le fabricant ait émis à l'attention du public les coupons se rapportant à ces produits.

6. Par lettre du 2 décembre 1996, Yorkshire a introduit une demande de remboursement de l'excédent de TVA payé selon elle au titre des exercices comptables couvrant une période allant de février 1974 à janvier 1996 et lié au remboursement des coupons. La demande était fondée sur le fait que les seules sommes reçues par Yorkshire pour la fourniture des biens à ses clients étaient les sommes versées comptant par ces derniers et que la somme remboursée était un remboursement ou une réduction accordée par les fabricants à Yorkshire sur le prix de la livraison originale des produits pertinents. Yorkshire ayant comptabilisé la TVA applicable à ses livraisons de marchandises à ses clients sur la base du prix réduit payé comptant par les clients majoré de la somme remboursée au titre des coupons, elle était autorisée à recouvrer la TVA sur la somme remboursée puisque celle-ci ne constituait pas un élément de la contrepartie acquittée pour la fourniture de marchandises par la demanderesse à ses clients. En outre, aucune note de crédit n'ayant été établie par les fabricants à l'intention de Yorkshire, celle-ci n'était pas tenue d'opérer un ajustement de la taxe payée par elle en amont dans le cadre de la fourniture de marchandises par les fabricants et n'était donc pas tenue de procéder à un ajustement compensatoire dans ses déclarations de TVA liées à ces fournitures. Yorkshire a invoqué à cet égard l'arrêt Elida Gibbs .

7. Par lettre du 10 février 1997, les Commissioners ont rejeté l'intégralité de la demande de Yorkshire au motif que cette dernière aurait interprété de manière erronée l'arrêt Elida Gibbs et que la base imposable pour la fourniture de biens à ses clients serait constituée par la somme au comptant payée par les clients majorée de la somme remboursée. Si la base imposable pour la fourniture de biens aux clients de Yorkshire était constituée uniquement par les montants payés comptant par les clients, Yorkshire aurait alors dû compenser la déclaration excessive, liée à la fourniture de biens qu'elle a reçus des fabricants et dont elle fait état, avec une déclaration sous-évaluée équivalente.

8. En 1998, Yorkshire a fait appel de la décision rendue par les Commissioners. Dans sa décision mentionnée précédemment, la juridiction de renvoi a indiqué qu'elle n'était pas convaincue de l'exactitude de l'interprétation que la demanderesse avait faite de l'arrêt Elida Gibbs, mais qu'elle ne pouvait pas non plus rejeter comme non fondée l'interprétation de cet arrêt par les parties. Après avoir entendu les divers arguments tirés de la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier des arrêts Elida Gibbs, Glawe , Naturally Your Cosmetics , Boots Company et Empire Stores , la juridiction de renvoi a jugé nécessaire de saisir la Cour de justice d'une demande de décision préjudicielle conformément à l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) afin de pouvoir statuer sur l'appel interjeté.

9. Bien que certaines des fournitures litigieuses aient été effectuées avant l'entrée en vigueur de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (ci-après la «sixième directive»), les parties se sont fondées exclusivement sur cette dernière.

10. Il a été invoqué que l'intervention d'un grossiste était envisageable. Les parties conviennent qu'il est nécessaire de prendre en compte l'hypothèse dans laquelle un fabricant vend des biens à un grossiste qui les revend ensuite à un détaillant. Dans la mesure où cette situation, bien que théorique dans la présente affaire, est cependant courante, les deux possibilités sont prises en compte dans les questions adressées à la Cour de justice.

11. Ces questions sont les suivantes:

«1) Si on interprète adéquatement l'article 11, A, paragraphe 1er, sous a), et 11, C, paragraphe 1er, de la sixième directive, quelle est la base imposable dans le cadre d'une fourniture de biens à un client par un détaillant se trouvant dans la situation de la demanderesse, lorsque

a) le fabricant des biens les a vendus au détaillant (ou par hypothèse à un grossiste qui les a revendus au détaillant),

b) au cours d'une promotion des ventes, le fabricant émet un coupon dont les termes prévoient:

i) que le détenteur peut, sur présentation du coupon au détaillant, acheter les biens à un prix correspondant au prix de détail normal diminué d'une somme (la réduction) spécifiée par les termes du coupon ou déterminable conformément à ces termes, et

ii) que le fabricant, une fois que le détaillant a vendu les biens conformément aux termes du coupon et a présenté le coupon au fabricant, verse au détaillant une somme égale à la réduction.

c) que le détaillant vend les biens à un client au prix réduit sur présentation du coupon, et

d) que le détaillant présente le coupon au fabricant, qui lui verse une somme égale à la réduction?

La base imposable est-elle

i) la somme payée comptant par le client ou

ii) la somme payée comptant par le client majorée de la somme correspondant à la réduction payée par le fabricant?

2) Au cas où la première question appellerait une réponse dans le sens du point i), le détaillant doit-il ajuster, dans sa déclaration de TVA se rapportant à la fourniture de biens par le fabricant (ou le cas échéant par le grossiste), la taxe qu'il a payée en amont lorsque le fabricant, ou un autre fournisseur, n'a pas émis de note de crédit à l'attention du détaillant pour le remboursement de la réduction?»

III - Cadre légal

A - Droit communautaire

12. L'article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 réglemente la base d'imposition.

13. L'article 11, A, paragraphe 1, sous a), dispose que:

«1. La base d'imposition est constituée:

a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

14. L'article 11, A, paragraphes 2 et 3, sous a) et b), prévoit que:

«2. Sont à comprendre dans la base d'imposition :

a) les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même;

b) les frais accessoires tels que les frais de commission, d'emballage, de transport et d'assurance demandés par le fournisseur à l'acheteur ou au preneur. Les États membres peuvent considérer comme frais accessoires ceux faisant l'objet d'une convention séparée.

3. Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition:

a) les diminutions de prix à titre d'escompte pour paiement anticipé;

b) les rabais et ristournes de prix consentis à l'acheteur ou au preneur et acquis au moment où s'effectue l'opération».

15. L'article 11, C, paragraphe 1, se lit comme suit:

«1. En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

Toutefois, en cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger à cette règle.»

B - Droit national

16. Au Royaume-Uni, la transposition en droit national de la sixième directive a été réalisée avant tout par le biais de la Value Added Tax Act 1994 (ci-après la «loi sur la TVA de 1994»).

17. L'article 19 de la loi sur la TVA de 1994 dispose, dans sa partie pertinente en l'espèce, que:

«(1) Dans le cadre de la présente loi, la valeur d'une livraison de biens ou de services doit être déterminée, sauf disposition contraire prévue dans ou en vertu de la présente loi, conformément à cet article et à l'annexe 6, et les paragraphes 2 et 4 ci-après s'appliquent conformément à cette annexe.

(2) Si la contrepartie de la fourniture est une somme d'argent, sa valeur est considérée comme égale au montant de la contrepartie majorée de la TVA facturable.

(3) Si la contrepartie de la livraison effectuée n'est pas, ou pas entièrement, une somme d'argent, sa valeur est considérée comme égale à une somme d'argent équivalente à la contrepartie majorée de la TVA facturable.

(4) Si une fourniture de biens ou de service n'est qu'un des éléments auxquels correspond une contrepartie en argent, cette fourniture doit être considérée comme équivalant à la part de la contrepartie qui lui est imputable.»

IV - Sur la première question préjudicielle

A - Arguments des parties

18. Yorkshire commence par décrire le fonctionnement du système des coupons de réduction et fait remarquer que les coupons litigieux correspondent à ceux en cause dans l'arrêt Elida Gibbs . L'objectif poursuivi par les fabricants avec les coupons de réduction est de faire bénéficier les consommateurs finaux de l'avantage. En exigeant du détaillant que celui-ci vende à un prix réduit, le fabricant diminuerait la contrepartie des livraisons.

Premièrement, Yorkshire souligne à l'égard de la détermination de la base d'imposition qu'il ressort des motifs de la proposition de sixième directive que cette détermination doit être applicable à chaque opération. De plus, en vertu de la jurisprudence de la Cour, la contrepartie imposable est la contrepartie effectivement perçue et non la valeur objective et elle doit pouvoir être exprimée en monnaie. De surcroît, il doit exister un lien direct entre la livraison ou la prestation et la contrepartie reçue. Enfin, la contrepartie qui constitue la base d'imposition de chaque maillon de la chaîne des prestataires en amont du consommateur final ne peut pas être plus élevée que le prix acquitté par ce dernier.

En outre, Yorkshire considère que tant les fabricants que les détaillants ne sont soumis à la TVA que sur la contre-prestation effectivement reçue, c'est-à-dire le montant net. Une alternative à cela serait de considérer le remboursement accordé par un fabricant comme un rabais sur la livraison ou la prestation au sens de l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive.

Deuxièmement, Yorkshire fait valoir que seule la contrepartie fournie par le consommateur final peut être incluse dans la base d'imposition d'un détaillant. Un paiement effectué par l'un des maillons de la chaîne de prestataires ne peut pas être pris en compte. Un coupon de réduction délivré par un fabricant ne peut en aucun cas être considéré comme une contrepartie fournie par un tiers. Le coupon représente certes une valeur pour le détaillant, mais celle-ci consiste uniquement dans la possibilité pour lui d'obtenir une restitution sur le prix payé au fabricant.

Troisièmement, la conception selon laquelle le fabricant doit être considéré comme un tiers à l'égard de la restitution qu'il accorde est contraire au principe selon lequel la TVA doit être prélevée à chaque maillon de la chaîne des prestataires sur la base du montant effectivement reçu. Cette thèse contredit également le principe selon lequel aucun maillon de la chaîne des prestataires ne doit calculer la TVA sur un montant supérieur au prix payé par le consommateur final. À cet égard, Yorkshire indique qu'il existe une différence entre les coupons de réduction litigieux dans la présente affaire et les coupons de remboursement en cause dans l'arrêt Elida Gibbs. En effet, dans le cas des coupons de remboursement, les consommateurs finaux perçoivent directement des fabricants une somme déterminée. Les prix d'achat et de vente ne s'en trouvent pas modifiés.

À la différence des coupons de remboursement, le remboursement est effectué par le fabricant au détaillant dans le cas d'un coupon de réduction sur le prix. Par conséquent, il convient d'adapter le prix de vente à acquitter par le consommateur final au détaillant. En cas d'intervention de grossistes, ceux-ci ne devraient procéder à aucun ajustement, car seul le prix de vente acquitté par le détaillant à la suite du remboursement est modifié.

Quatrièmement, Yorkshire fait valoir que la Cour a jugé en matière de prestations de services qu'il doit exister entre le prestataire de services et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel sont échangées des prestations synallagmatiques pour que l'on puisse parler d'une prestation à titre onéreux au sens de la sixième directive. Par analogie, il convient de prendre en compte les rapports juridiques entre les parties pour déterminer la base d'imposition des livraisons. En cas de vente d'une marchandise à un consommateur final, il n'existe donc en principe qu'un rapport juridique entre celui-ci et le détaillant. Le rapport entre le fabricant et le détaillant ne joue un rôle que lorsque le détaillant accepte un coupon d'un consommateur final comme paiement partiel. C'est précisément cette acceptation et non pas la livraison de la marchandise au consommateur final qui constitue la prestation fournie par le détaillant au fabricant en contrepartie du remboursement effectué par le fabricant au détaillant.

À la lumière de ces considérations, Yorkshire propose que seul le montant acquitté par le consommateur final puisse constituer la base d'imposition.

19. Le gouvernement allemand allègue que les coupons de réduction constituent une sorte de ristourne pour la livraison effectuée par le détaillant. L'acceptation du coupon ne peut jouer aucun rôle dans la détermination de la base d'imposition de la livraison d'une marchandise. Le gouvernement allemand ne partage pas l'opinion de Yorkshire selon laquelle la limitation de la base d'imposition résulte de l'arrêt Elida Gibbs. Celui-ci concerne en effet une livraison effectuée par le fabricant au détaillant et ne fournit aucune réponse à la question de la détermination de la base d'imposition en cas de livraison par un détaillant à un consommateur final. Dans le système de coupons en cause dans la présente procédure, le rapport de prestataire concernant une partie de la contrepartie se répercute sur les maillons de la chaîne de prestataires (fabricant-détaillant-consommateur final).

Une diminution de la base d'imposition au sens de l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive ne peut résulter que d'un procédé (ristourne, rabais, remboursement sur le prix) qui concerne la base d'imposition de l'opération conclue entre le fournisseur de la livraison et le bénéficiaire. L'existence d'un tel procédé en l'espèce résulte du fait que le détaillant peut consentir un rabais en raison du remboursement effectué par le fabricant. Le montant remboursé au détaillant par le fabricant constitue donc une ristourne sur le prix de la livraison effectuée par le second au premier qui affecte également le prochain niveau de l'opération, c'est-à-dire la livraison effectuée par le détaillant au consommateur final, et a donc pour cette raison des effets sur le montant de la base d'imposition de cette livraison.

Eu égard à ces allégations, le gouvernement allemand propose que seul le montant acquitté par le consommateur final constitue la base d'imposition.

20. Le gouvernement irlandais fait valoir en substance que la base d'imposition de la livraison des marchandises est composée à la fois des montants acquittés par le consommateur final et des remboursements effectués par le fabricant. La base d'imposition au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive se compose de la valeur globale constituée par la contrepartie que le fournisseur reçoit ou doit recevoir pour ses opérations. Il convient de prendre en compte la contrepartie effectivement reçue. D'autre part, il convient de reprendre les trois critères développés par la Cour de justice: le lien direct entre la livraison et la contrepartie, la contrepartie doit pouvoir être exprimée en argent, la valeur subjective de cette contrepartie.

Se référant à l'arrêt Elida Gibbs, le gouvernement irlandais souligne notamment que, dans cette affaire, la Cour ne s'est pas exprimée sur la base d'imposition d'un détaillant.

Si on limite la base d'imposition au montant payé par le consommateur final, on doit alors en vertu du principe de neutralité de la TVA procéder à une rectification de la base d'imposition pour les transactions intermédiaires entre le fabricant et le détaillant. Dans l'arrêt Elida Gibbs, la Cour a cependant considéré qu'une rectification de la base d'imposition pour les transactions intermédiaires entre fabricant, grossiste et détaillant n'était pas nécessaire.

Le gouvernement irlandais souligne en outre que l'administration fiscale ne peut pas prélever un montant supérieur à celui acquitté par le consommateur final. Ce montant ne doit pas non plus se situer en dessous de celui payé par le consommateur final, ce qui serait le cas si le remboursement accordé en échange du coupon n'était pas inclus dans la base d'imposition.

Le gouvernement irlandais propose comme alternative de considérer que la transaction entre le détaillant et le consommateur final se compose de deux parties: d'une part, la livraison de marchandises par le détaillant à un consommateur final et, d'autre part, la réalisation d'une action promotionnelle par le détaillant au bénéfice du fabricant. La contrepartie de cette prestation serait constituée par la valeur des coupons acceptés par le détaillant et pour lesquels le fabricant effectue plus tard un remboursement.

Le gouvernement irlandais propose donc que la base d'imposition inclue le montant acquitté par le consommateur final et la somme remboursée par le fabricant.

21. Le gouvernement britannique part du principe qu'il résulte de l'arrêt Elida Gibbs qu'une diminution de la base d'imposition du fabricant n'entraîne pas une diminution du prix d'achat ou de la base d'imposition de celui qui acquiert directement la marchandise auprès du fabricant.

Le gouvernement britannique estime que la solution à laquelle la Cour est parvenue dans l'arrêt Elida Gibbs est inexacte et que la base d'imposition d'un fabricant ne peut pas être diminuée de la valeur des coupons remboursés par celui-ci. Il en découle que la base d'imposition d'un détaillant comprend aussi bien le prix acquitté par le consommateur final que la valeur des coupons remboursés par le fabricant en faveur du détaillant parce que les deux montants reçus sont directement liés à la livraison effectuée par le détaillant.

Même si l'on considère que la solution de l'arrêt Elida Gibbs est correcte, le gouvernement britannique estime que la thèse défendue par Yorkshire est en contradiction avec le point 33 de cet arrêt. Il ressort clairement de cet arrêt que le fait que la base d'imposition du fabricant soit diminuée de la valeur du coupon ne signifie pas que le prix d'achat acquitté par le détaillant et sa base d'imposition doivent nécessairement être diminués de la même somme. Cela vaut de la même façon pour les coupons de réduction. Un tel coupon est sans effet tant sur le prix payé par le détaillant au fabricant que sur le montant finalement perçu par le détaillant pour la fourniture de la marchandise. Ce prix correspond toujours au prix normal de détail.

L'inexactitude de la position défendue par Yorkshire apparaît dans les cas dans lesquels un détaillant achète les marchandises non pas au fabricant mais à un grossiste. Dans un tel cas, le prix d'achat acquitté par le détaillant ne dépend pas du point de savoir s'il existe des coupons et si le fabricant procède ensuite à un remboursement.

L'argumentation est enfin confirmée par l'arrêt Boots Company, qui concernait également un système de coupons en vertu duquel le fabricant remboursait au détaillant tout ou partie de la réduction. À cet égard, la Cour a dit pour droit que les remboursements doivent être inclus dans la base d'imposition.

À la lumière de ces considérations, le gouvernement britannique propose que la base d'imposition corresponde à la somme payée par le consommateur final majorée du montant remboursé par le fabricant au titre de la réduction.

22. Sur la base d'une analyse du système de coupons en cause dans la présente affaire et de la jurisprudence pertinente de la Cour, le gouvernement néerlandais parvient à la conclusion que la contrepartie de la vente d'une marchandise correspond au prix acquitté par le consommateur final majoré du montant remboursé par le fabricant au titre de la réduction lorsque la vente s'effectue à l'aide d'un coupon.

En application du principe de neutralité du système TVA, la base d'imposition du détaillant ne doit pas être inférieure au montant qu'il a effectivement perçu pour la livraison.

La solution retenue par la Cour dans l'arrêt Elida Gibbs n'est pas transposable au cas d'espèce parce que celui-ci concerne la base d'imposition du détaillant. Chaque maillon de la chaîne des prestataires doit acquitter la TVA sur la valeur qu'il ajoute. Une diminution de la base d'imposition par le fabricant ne modifie pas la valeur ajoutée par le détaillant.

En conséquence de cela, le gouvernement néerlandais propose que la base d'imposition comprenne également, outre le prix acquitté par le consommateur final, le montant remboursé par le fabricant correspondant au rabais consenti.

23. La Commission allègue que la contrepartie, au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, reçue par le détaillant dans un cas comme celui de la procédure au principal est composée de l'intégralité du prix de la marchandise. Celui-ci est payé en partie par le consommateur final et en partie par le fabricant. En référence à cette disposition, le fabricant doit être considéré comme un tiers et c'est pourquoi il y a lieu d'inclure le remboursement auquel il a procédé dans la base d'imposition du détaillant.

La Commission estime défendable de pouvoir considérer le remboursement par le fabricant comme celui d'une partie du prix d'achat initial payé par le détaillant. Cela n'influe en rien sur le montant de la TVA que le détaillant doit acquitter. Celui-ci demeure en effet le même indépendamment de l'appréciation du montant remboursé par le fabricant.

De plus, l'argument invoqué par Yorkshire selon lequel la diminution du montant de la taxe payée par le détaillant dépendrait de l'établissement d'une note de crédit par le fabricant est inexact.

Concernant l'arrêt Elida Gibbs, en particulier son point 33, la Commission souligne que les observations formulées par la Cour s'appliquent à son avis non pas uniquement aux coupons de remboursement, mais également aux coupons de réduction en cause dans la présente procédure.

En définitive, seul un fabricant peut invoquer l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive pour réduire sa base d'imposition et ainsi la taxe qu'il doit acquitter.

La Commission propose donc que la base d'imposition corresponde à l'intégralité du prix de détail, c'est-à-dire au prix payé par le consommateur final majoré du montant remboursé au détaillant par le fabricant.

B - Analyse

24. Il convient tout d'abord de procéder à certaines clarifications concernant la première question préjudicielle.

25. Par «clients», il y a lieu d'entendre les consommateurs finaux au sens de la sixième directive. En outre, il convient d'indiquer que la ristourne est consentie par le détaillant. Dans le cas du versement par le fabricant d'une ristourne ainsi décrite par la juridiction de renvoi, il s'agit donc à proprement parler d'un remboursement par le fabricant au détaillant. Ce n'est que parce que le montant de ce remboursement correspond à celui de la ristourne qu'il est possible de dire que le fabricant paie la ristourne.

26. De plus, il faut constater qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte dans la présente procédure le cas, évoqué en complément dans la question préjudicielle, dans lequel les marchandises sont vendues par le fabricant à un grossiste. Il s'agit là en effet, comme cela est explicitement indiqué, d'un cas théorique et donc d'une question hypothétique. En vertu d'une jurisprudence constante de la Cour , de telles questions sont irrecevables. De plus, l'examen d'un tel cas n'est pas nécessaire à la solution du litige au principal.

27. Pour commencer l'examen, il convient de rappeler le principe de la neutralité fiscale qui caractérise la sixième directive. Celui-ci comporte le principe selon lequel la base d'imposition ne peut pas être inférieure à la contrepartie effectivement reçue. En vertu de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, cela couvre «tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers».

28. Le cas présent concernant la base d'imposition d'un détaillant, il y a donc lieu de déterminer la valeur de la contrepartie qu'il perçoit.

29. Le détaillant reçoit premièrement comme contrepartie le montant que lui versent les consommateurs finaux, c'est-à-dire ses clients. Cette somme correspond soit au prix «normal» de détail soit - en cas de remise d'un coupon - au prix diminué de la ristourne consentie.

30. Deuxièmement, le détaillant reçoit du fabricant - en cas de remise à ce dernier du coupon présenté par le client - le remboursement de la valeur du bon. Le coupon ne revêt pas une valeur pour le seul consommateur du fait qu'il lui procure une ristourne, mais cela vaut également pour le détaillant. Pour ce dernier, le coupon matérialise le droit au remboursement d'une partie du prix qu'il a payé au fabricant. Cette valeur que le coupon revêt pour le détaillant lui confère le caractère d'un moyen de paiement. Cela résulte de l'arrêt Boots Company dans lequel la Cour a jugé que: «dans le cas où le bon remis à Boots est ensuite repris par son fournisseur [...] le bon représente pour Boots une valeur monétaire à concurrence du montant effectivement payé par le fournisseur».

31. C'est le cas en l'espèce. Les fabricants remettent aux détaillants sur présentation d'un coupon la somme correspondant à la différence entre le prix effectivement acquitté par le consommateur final et le prix «normal» sans ristourne.

32. L'arrêt Argos Distributors , selon lequel «la contrepartie subjective [...] est constituée en totalité ou en partie par les bons présentés par l'acheteur d'une de ces marchandises», plaide en outre en faveur de la qualification du bon comme contrepartie.

33. Le fait que la contrepartie puisse être acquittée non seulement par l'acheteur, mais également par un tiers résulte déjà du libellé de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. Dans l'arrêt Bally , la Cour a reconnu comme «contrepartie» au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), le paiement du prix par «l'intermédiaire» d'un tiers, à savoir un établissement de crédit. Dans le cas d'espèce, il y a également intervention d'un tiers, à savoir le fabricant, qui a acquitté une partie du prix normal - la ristourne - auprès du détaillant et cela sous forme d'un remboursement.

34. On peut déduire de l'arrêt Elida Gibbs qu'outre les ristournes accordées directement entre deux parties contractuelles, comme le fabricant et le consommateur final, celles accordées «par l'intermédiaire des détaillants» jouent également un rôle dans la détermination de la base d'imposition.

35. De même qu'il faut tenir compte pour le fabricant du montant de la réduction et ainsi du remboursement, il convient également d'en tenir compte pour le détaillant. Ce dernier n'étant cependant pas prestataire, mais seulement bénéficiaire de cette somme, celle-ci ne peut pas être prise en compte de la même manière que pour le fabricant. Il n'est pas possible qu'à l'instar du prestataire le bénéficiaire d'une prestation ne soit pas tenu d'inclure le montant ou bien puisse l'inclure pour pouvoir ensuite le déduire à nouveau.

36. Comme l'indique à juste titre le gouvernement irlandais, les trois conditions suivantes de la qualification comme contrepartie sont également réunies en l'espèce: le lien direct entre livraison et contrepartie, la possibilité d'exprimer la contrepartie en argent et la valeur subjective de cette contrepartie.

37. Le lien direct entre la livraison de la marchandise et le consommateur final exigé par la jurisprudence , d'une part, et - dans le cas au principal - entre les deux parties de la contrepartie, d'autre part, réside, dans le système des coupons faisant l'objet de la présente procédure, dans le fait que la livraison n'est effectuée à prix réduit qu'en cas de présentation du coupon.

38. La condition de la possibilité pour les deux parties de la contrepartie d'être exprimées en une somme d'argent est également remplie. Cela vaut tant pour la somme payée par le consommateur final que pour le coupon, c'est-à-dire pour la valeur qu'il concrétise, car le coupon mentionne à la fois le montant de la ristourne consentie par le détaillant au consommateur final et celle remboursée au détaillant par le fabricant.

39. Enfin, les deux éléments de la contrepartie remplissent la condition de la valeur subjective de chacun d'entre eux. Alors que cela est évident pour le montant payé par le consommateur final, cela résulte dans le cas du coupon du fait que celui-ci matérialise une valeur pour le détaillant dans la mesure où ce dernier perçoit du fabricant un remboursement à hauteur de la ristourne.

40. Il résulte enfin du principe de neutralité fiscale du système TVA que «l'administration fiscale ne saurait en définitive percevoir un montant supérieur à celui payé par le consommateur final» . C'est cependant ce qui se produirait si ni le fabricant ni le détaillant ne pouvait réajuster sa part de la TVA.

41. Il résulte de l'arrêt Elida Gibbs que la base d'imposition du fabricant est «égale au prix de vente pratiqué par le fabricant, diminué du montant indiqué sur le coupon et remboursé» en vertu de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), et C, paragraphe 1, de la sixième directive.

42. Il résulte cependant également de cet arrêt que le détaillant n'a pas le droit de réajuster la TVA. Conformément à cet arrêt, «il n'est pas nécessaire de réajuster la base d'imposition relative aux transactions intermédiaires» .

43. Si l'on permettait également au détaillant un réajustement correspondant, son revenu ne serait pas imposé globalement et la TVA aurait une influence sur son bénéfice commercial, car il représenterait un poste de produits.

44. Selon l'arrêt Freemans , un assujetti ne doit pas percevoir «une somme correspondant à une partie du prix de vente lequel constitue la contrepartie des biens livrés, ladite somme ne faisant toutefois pas partie de la base d'imposition». Ce serait justement le cas si le montant du coupon n'était pas inclus dans la base d'imposition du détaillant.

45. Le montant du coupon ne diminuant que la base d'imposition du fabricant, mais devant en revanche être comptabilisé dans celle du détaillant, il est ainsi garanti que ce montant ne soit ni complètement écarté ni pris en compte à double titre. Il est en revanche ainsi garanti que la somme ne soit imposée qu'une seule fois. On empêche ainsi que la TVA échappe à l'administration fiscale ou que celle-ci perçoive trop de taxe.

46. Ce résultat correspond enfin au système TVA de la sixième directive qui repose sur l'idée qu'à chaque maillon de la chaîne de prestataires la plus-value produite par celui-ci soit soumise à l'imposition.

47. Il convient donc de répondre à la première question préjudicielle que, dans un cas comme celui de la procédure au principal, la base d'imposition est la somme payée comptant par le client majorée du montant correspondant à la ristourne payée par le fabricant.

V - Sur la deuxième question préjudicielle

A - Arguments des parties

48. Yorkshire allègue que la TVA contenue dans le remboursement doit être déduite de la taxe perçue en amont et que le remboursement de la taxe ne dépend pas de l'établissement d'une note de crédit ou de débit. Dans le cas de la procédure au principal, l'établissement d'une telle note serait également contraire au droit national. Yorkshire propose donc que le détaillant ne soit pas tenu d'ajuster la déduction de la taxe en amont.

49. Le gouvernement allemand ne considère pas que l'obligation de rectification découle de l'arrêt Elida Gibbs. Dans ce contexte, il renvoie en revanche à l'article 20, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive d'où résulte selon lui l'obligation de rectification du détaillant. La diminution de la base d'imposition ne pourrait se produire que si le montant remboursé par le fabricant au détaillant devait être comptabilisé comme remboursement du détaillant. Seul un tel système garantit en définitive la neutralité de la TVA dans la mesure où le montant déductible au titre de la taxe payée en amont correspond à celui dû auparavant comme TVA par le fabricant.

50. Le gouvernement britannique estime lui que le détaillant doit procéder à l'ajustement parce que seule la valeur ajoutée doit être imposée.

51. Selon le gouvernement néerlandais, le principe de neutralité fiscale exige l'ajustement au cas où la base d'imposition ne couvre que le montant payé par le consommateur final.

52. Eu égard à la réponse qu'il convient d'apporter, selon eux, à la première question, le gouvernement irlandais et la Commission considèrent qu'il n'y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

B - Analyse

53. La deuxième question préjudicielle a été posée pour le cas où il conviendrait de répondre à la première question que la base d'imposition correspond à la seule somme payée comptant par le client.

54. Dans la mesure où il est proposé ici à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que la base d'imposition correspond à la somme acquittée par le consommateur final majorée du montant remboursé par le fabricant, il n'est pas nécessaire d'approfondir davantage la seconde question.

VI - Conclusion

55. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles comme suit:

«1) Nonobstant le cas théorique de l'intervention d'un grossiste, il y a lieu de répondre à la première question que, dans un cas comme celui de la procédure au principal, la base d'imposition est la somme payée comptant par le client majorée du montant correspondant à la ristourne payée par le fabricant.

2) En raison de la réponse proposée pour la première question, il n'y a pas lieu de répondre à la seconde question.»