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Avis juridique important

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62000C0108

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 14 décembre 2000. - Syndicat des producteurs indépendants (SPI) contre Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. - Demande de décision préjudicielle: Conseil d'Etat - France. - Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de la taxe sur la valeur ajoutée - Article 9, paragraphe 2, sous e), deuxième tiret, de la sixième directive TVA - Détermination du lieu de rattachement fiscal - Prestations de publicité - Inclusion des prestations fournies par l'intermédiaire d'un tiers. - Affaire C-108/00.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-02361


Conclusions de l'avocat général


1. Dans la présente procédure, le Conseil d'État (France) demande à la Cour de justice d'interpréter l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive TVA (ci-après la «sixième directive»). Il s'agit de savoir si la notion de «prestations de publicité» mentionnée dans cette disposition vise seulement des prestations fournies directement et facturées par le fournisseur à un annonceur assujetti ou si elle vise aussi des prestations fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un tiers (comme une agence de publicité) qui à son tour les refacture à l'annonceur.

Les dispositions juridiques pertinentes

Les dispositions communautaires

2. En vertu de l'article 2 de la sixième directive, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA. D'après l'article 4, paragraphe 1, est assujetti quiconque accomplit une activité économique, quel qu'en soit le but ou le résultat. D'après l'article 4, paragraphe 2, les activités des prestataires de services sont des activités économiques. En vertu de l'article 6, paragraphe 1, premier alinéa, est une prestation de services «toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien».

3. Le titre VI de la sixième directive expose les règles qui déterminent le lieu des opérations imposables. Ces règles sont importantes lorsque la livraison de biens ou la prestation de services intéresse deux ou plusieurs pays. La finalité principale de ces règles ressort du septième considérant du préambule de la sixième directive:

«considérant que la détermination du lieu des opérations imposables a entraîné des conflits de compétence entre les États membres, notamment en ce qui concerne la livraison d'un bien avec montage et les prestations de services; que, si le lieu des prestations de services doit en principe être fixé à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité professionnelle, il convient toutefois de fixer ce lieu dans le pays du preneur, notamment pour certaines prestations de services effectuées entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens».

4. Pour la réalisation de l'objectif énoncé dans ce considérant, l'article 9, paragraphe 1, de la directive dispose que:

«Le lieu d'une prestation de services est réputé se situer à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.»

5. L'article 9, paragraphe 2, énonce un certain nombre d'exceptions à cette règle. En vertu de la lettre e):

«le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l'endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:

[...]

- les prestations de publicité,

[...]

- les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui, lorsqu'ils interviennent dans la fourniture de prestations de services visées à la présente lettre e).»

Dispositions nationales

6. L'article 9 de la sixième directive a été intégré au droit français par les articles 28 et 49 de la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978. Ces dispositions ont été codifiées aux articles 259 à 259 C du code général des impôts. En vertu de l'article 259 B de ce code:

«Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle:

[...]

3) Prestations de publicité;

[...]

Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France, même si le prestataire est établi en France, lorsque le preneur est établi hors de la Communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre État membre de la Communauté.»

7. Au fil du temps, les autorités fiscales françaises ont modifié leur interprétation de l'article 259 B. Cette interprétation figurait initialement dans une instruction administrative du 14 décembre 1983 publiée au Bulletin officiel des Impôts (ci-après le «BOI») 3 A-28-83. Cette instruction a été remplacée par une instruction du 25 juillet 1995 publiée au BOI 3-A-97 à la suite de l'arrêt Commission/France . Dans cette affaire, la Cour de justice avait dit pour droit que l'interprétation de la notion de «prestations de publicité» contenue dans l'instruction du 14 décembre 1983 était contraire à la sixième directive dans la mesure où elle excluait, entre autres, la prestation de certains services particuliers par des agences de publicité. Afin de se conformer à l'arrêt de la Cour, l'administration française a émis une nouvelle instruction, plus détaillée, le 5 novembre 1998, qui a été publiée au BOI 3 A-8-98 (ci-après l'«instruction»). L'instruction se lit ainsi, pour ce qui intéresse la présente procédure:

«III. La prestation de publicité est directement rendue à un annonceur assujetti

Selon le septième considérant de la sixième directive, la fixation du lieu d'imposition des prestations de publicité à l'endroit où le preneur a le siège de son activité économique est justifiée par le fait que le coût de ces prestations, effectuées entre assujettis, entre dans le prix des biens. Dans la mesure où le preneur vend habituellement les marchandises ou fournit les services faisant l'objet de la publicité dans l'État où il a son siège, en percevant la TVA correspondante sur le consommateur final, la TVA ayant pour assiette la prestation de publicité doit elle-même être versée par le preneur à cet État (point 15 de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 novembre 1993).

En conséquence, pour l'application de l'article 259 B du code général des impôts, constituent des prestations de publicité les opérations qui visent à promouvoir la vente de biens ou de services et qui sont fournies directement par le prestataire de services à un annonceur assujetti.

Le service doit donc être rendu à l'annonceur et lui être facturé.»

8. En raison du dernier paragraphe de l'article 259 B, les prestataires français de prestations de publicité ne sont pas tenus d'ajouter la TVA lorsqu'ils fournissent et facturent leurs prestations à un preneur établi en dehors de la Communauté ou à un preneur assujetti à la taxe et établi dans un autre État membre. Le passage précité de l'instruction a pour effet que la dérogation de l'article 259 B, qui est le reflet de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, ne s'applique que pour autant que les services sont fournis directement par le prestataire à un annonceur assujetti. («Annonceur» désigne ici, et ci-après, un preneur de services qui ont pour but de promouvoir les produits ou les services vendus par lui.) Cette dérogation s'applique donc à des services fournis directement par une agence de publicité ou par un autre prestataire à l'annonceur. Elle ne s'applique pas toutefois, ainsi qu'il ressort de l'instruction, aux prestations de publicité fournies par un prestataire établi en France non pas directement à l'annonceur mais indirectement, par le biais d'une agence de publicité, quel que soit le lieu d'établissement de l'annonceur et de l'agence de publicité.

Les faits et la question déférée

9. La partie demanderesse au principal, le Syndicat des producteurs indépendants (ci-après le «SPI»), est une organisation professionnelle qui défend les intérêts des producteurs de films français, y compris ceux des producteurs de films publicitaires.

10. À la suite d'un certain nombre de conflits opposant des membres du SPI aux autorités fiscales françaises, le SPI a attaqué l'instruction devant le Conseil d'État, la jugeant contraire à l'article 259 B du code général des impôts ainsi qu'à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive dans la mesure où elle exclut de l'application de ces articles la fourniture de films publicitaires par l'intermédiaire d'agences de publicité.

11. Considérant que ce recours soulevait une question d'interprétation du droit communautaire, le Conseil d'État, en vertu de l'article 234 CE, a posé la question suivante à la Cour de justice:

«Les prestations de publicité telles qu'elles sont mentionnées au e) du 2 de l'article 9 de la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1997 s'entendent-elles, s'agissant d'opérations qui visent à promouvoir la vente de biens ou de services, des seules prestations fournies directement et facturées par le prestataire de services à un annonceur assujetti, à l'exclusion des prestations de même nature fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un tiers qui la refacture à ce dernier?»

12. Le SPI, le gouvernement français et la Commission ont déposé des observations écrites. Le SPI, le gouvernement français et la Commission ont également été représentés lors de l'audience qui a eu lieu le 9 novembre 2000.

13. Le SPI et la Commission invitent la Cour à répondre par la négative à la question de la juridiction de renvoi. Ils soutiennent que l'interprétation du gouvernement français est contraire au texte et à la finalité de l'article 9, paragraphe 2, sous e), et qu'elle aboutit en pratique à des résultats anormaux. La Commission affirme en outre que l'interprétation du gouvernement français est contraire au principe de neutralité de la TVA. Le gouvernement français défend son interprétation de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive et demande à la Cour de répondre affirmativement à la question déférée. Il soutient que l'article 9, paragraphe 2, en tant qu'exception à la règle générale de l'article 9, paragraphe 1, est d'interprétation stricte, que les services fournis par des producteurs de films pour des agences de publicité sont d'une nature différente de ceux qui sont fournis directement aux annonceurs et que son interprétation est donc conforme au principe de neutralité de la TVA.

Analyse

14. La réponse à la question déférée par le Conseil d'État doit tenir compte du fait que l'article 9, paragraphe 2, sous e), constitue une règle de conflit de lois qui détermine le lieu d'assujettissement des services de publicité et, par conséquent, délimite les pouvoirs des États membres. Il s'ensuit, selon la jurisprudence de la Cour, que «la notion de prestations de publicité est une notion communautaire qui doit être interprétée uniformément, afin d'éviter des situations de double imposition ou de non-imposition pouvant résulter d'interprétations divergentes» . Il s'ensuit aussi, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement français, qu'il n'est pas nécessaire d'interpréter de façon restrictive l'article 9, paragraphe 2. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, «s'agissant de l'interprétation de l'article 9, il n'existe aucune prééminence du paragraphe 1 sur le paragraphe 2 de cette disposition. La question qui se pose dans chaque situation consiste à se demander si elle est régie par l'un des cas mentionnés à l'article 9, paragraphe 2; à défaut, elle relève du paragraphe 1» .

15. L'article 9, paragraphe 2, sous e), fait référence à des «prestations de publicité» rendues à des «preneurs établis en dehors de la Communauté ou [...] établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire». Afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse qui lui permette de trancher l'affaire dont elle est saisie, il est donc nécessaire d'identifier qui est le preneur et d'éclaircir la notion de «prestations de publicité».

Le preneur

16. Pour identifier le preneur de prestations de publicité, il convient de distinguer entre les situations suivantes.

17. La première situation est celle d'un prestataire, tel qu'un producteur de films, qui accepte, sans l'intervention d'une agence de publicité, de fournir des prestations et de facturer ces prestations à un annonceur. Dans ce cas, il n'y a qu'une seule opération imposable, et le preneur est l'annonceur. L'article 9, paragraphe 2, sous e), s'applique donc - à la condition que les prestations fournies puissent être considérées à juste titre comme des «prestations de publicité» - lorsque le producteur de films est établi en France et le preneur en dehors de la Communauté ou dans un autre État membre.

18. La deuxième situation est celle d'un prestataire, tel qu'un producteur de films, qui fournit et facture directement des prestations à un annonceur mais par le biais d'une agence de publicité. Dans ce cas, il existe deux opérations imposables. La première opération porte sur la prestation de services par le producteur de films à l'annonceur. Dans cette opération, le preneur est l'annonceur. C'est l'annonceur qui passe commande des prestations par le biais de l'agence de publicité, qui emploie ces prestations aux fins de promouvoir ses produits et qui les achète à ce titre . L'agence de publicité agit seulement en tant qu'intermédiaire entre le prestataire et l'annonceur et elle ne saurait donc être considérée comme le preneur. Il en découle, ainsi que dans la situation mentionnée ci-dessus, que l'article 9, paragraphe 2, sous e), s'applique - à la condition que les prestations fournies puissent être considérées à juste titre comme des «prestations de publicité» - lorsque le producteur de films est établi en France et l'annonceur en dehors de la Communauté ou dans un autre État membre. À cet égard, le lieu d'établissement de l'agence de publicité n'est pas pertinent. La seconde opération porte sur la prestation par l'agence de publicité d'un service qui consiste à agir en tant qu'intermédiaire entre le producteur de films et l'annonceur. Ici encore, le preneur est l'annonceur. Le lieu de l'opération est déterminé par l'article 9, paragraphe 2, sous e), et, notamment, par son dernier alinéa qui cite «les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui, lorsqu'ils interviennent dans la fourniture de prestations de services visées à la présente lettre e)».

19. Le droit français, tel qu'il est exposé à la section III de l'instruction, semble être conforme à l'article 9, paragraphe 2, sous e), en ce qui concerne les deux situations précitées. Il existe toutefois une troisième situation qui pose quelques problèmes.

20. Cette situation se produit lorsque, en vertu d'un accord entre une agence de publicité et un prestataire (tel qu'un producteur de films), le second fournit et facture ses prestations à l'agence, laquelle, à son tour, les fournit et les facture à l'annonceur. Les parties n'ont pas présenté à la Cour de justice d'observations détaillées concernant l'identification du preneur dans ce cas. À l'audience, le gouvernement français et la Commission semblent avoir estimé que la prestation - indirecte - de services par le producteur de films à l'annonceur doit être considérée comme une opération unique dans laquelle le preneur est l'annonceur.

21. Or, il convient à notre avis d'admettre qu'il existe deux opérations imposables dans ce cas. La première porte sur la prestation de services par le producteur de films à l'agence de publicité. Aux fins de cette opération, l'agence de publicité est le preneur. Donc, l'article 9, paragraphe 2, sous e), s'applique - à la condition que les prestations fournies puissent être considérées à juste titre comme des «prestations de publicité» - à cette opération lorsque le producteur de films est établi en France et l'agence de publicité en dehors de la Communauté ou dans un autre État membre. La seconde opération porte sur la prestation de services de l'agence de publicité à l'annonceur. Ici, l'annonceur est le preneur. L'article 9, paragraphe 2, sous e), s'applique donc - à la condition que les prestations fournies puissent être considérées à juste titre comme des «prestations de publicité» - lorsque l'agence de publicité est établie en France et l'annonceur en dehors de la Communauté ou dans un autre État membre.

22. Or, en vertu de la section III de l'instruction, une prestation de services par un prestataire en France à une agence de publicité établie en dehors de la Communauté ou dans un autre État membre ne relève pas de l'article 259 B du code général des impôts, et les prestataires doivent donc prélever la TVA française sur ces prestations. Afin de déterminer si ce système est compatible avec la sixième directive, il convient d'interpréter la notion de «prestations de publicité» à l'article 9, paragraphe 2, sous e).

Les prestations de publicité

23. Selon le gouvernement français, un annonceur qui passe un contrat directement avec un producteur de films achète une prestation de publicité à ce producteur. Or, l'agence de publicité qui passe un contrat avec un producteur de films n'achète pas de prestation de publicité. Elle achète une prestation qui consiste à produire un film. L'article 9, paragraphe 2, sous e), et son deuxième alinéa ne s'appliquent donc que lorsque la prestation en cause est fournie et facturée directement à l'annonceur, consommateur final. L'instruction, qui a pour effet d'exclure du champ de l'article 259 B du code général des impôts les prestations fournies par des producteurs de films à des agences de publicité est donc conforme à la sixième directive.

24. Nous ne pensons pas que, dans sa généralité, cet argument emporte la conviction.

25. Dans l'arrêt Commission/France, la Cour de justice a dit pour droit que, afin de déterminer si une opération constitue une prestation de publicité, «il convient chaque fois de prendre en considération toutes les circonstances entourant la prestation concernée» . L'instruction française semble exclure une telle appréciation de la nature des prestations fournies par des prestataires tels que des producteurs de films à des agences de publicité. On peut ajouter que la Cour a dit, dans la même affaire Commission/France, que «la notion de publicité comporte nécessairement la diffusion d'un message destiné à informer les consommateurs de l'existence et des qualités d'un produit ou d'un service, dans le but d'en augmenter les ventes» . Il est clair que, définie de cette manière, la notion de «prestations de publicité» est susceptible d'inclure des services fournis indirectement à un annonceur par le biais d'une agence de publicité. De plus, ainsi que l'a dit l'avocat général Gulmann dans ses conclusions relatives à cette affaire, «on peut partir du principe que l'article 9, paragraphe 2, sous e), doit s'appliquer, au moins dans les cas où un opérateur établi dans un pays fait appel aux services d'une agence de publicité établie dans un autre pays en vue de mener une campagne de publicité et que les différents moyens mis en oeuvre dans cette campagne visent vraiment à promouvoir la vente des produits de l'opérateur concerné. Il n'y a pas lieu, dans une telle situation, de donner à la notion de prestations de publicité un champ d'application étroit» .

26. Donc, s'il peut exister des cas dans lesquels les services fournis par un producteur de films à une agence de publicité ne peuvent être considérés comme des «prestations de publicité» au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous e), cette disposition ne se limite pas à des prestations fournies et facturées directement par un prestataire à un annonceur assujetti.

27. Limiter l'article 9, paragraphe 2, sous e), aux prestations qui sont fournies directement peut, de plus, être contraire à la finalité de l'article 9, paragraphe 2, de la sixième directive.

28. Il ressort clairement du septième considérant au préambule de la sixième directive que la finalité de l'article 9, paragraphe 2, sous e), est de garantir que la TVA est acquittée dans le pays de la personne à qui les prestations sont fournies et «[où] le coût entre dans le prix des biens». Ainsi que l'a dit la Cour, «le législateur communautaire a donc considéré que, dans la mesure où le preneur vend habituellement les marchandises ou fournit les services faisant l'objet de la publicité dans l'État où il a son siège, en percevant la TVA correspondante sur le consommateur final, la TVA ayant pour assiette la prestation de publicité devait elle-même être versée par le preneur à cet État» . S'il se peut, comme le dit le gouvernement français, que le coût d'une prestation de publicité ne soit pas inclus immédiatement dans le prix des biens et/ou des services vendus par l'annonceur si la prestation est fournie et facturée à une agence de publicité, ce coût sera - ainsi que le soulignent le SPI et la Commission - inclus en fin de compte dans le prix de ces biens, étant donné que l'agence facturera à l'annonceur le coût du service en même temps que ses honoraires.

29. Enfin, l'article 9, paragraphe 2, sous e), doit être interprété dans le contexte du régime de TVA envisagé dans son ensemble, ainsi que des principes qui s'appliquent à ce régime.

30. À cet égard, on rappellera que la TVA est un impôt sur la consommation. Même si la TVA est prélevée par les fournisseurs de biens et les prestataires de services, c'est dans tous les cas le consommateur final qui la supporte. Il est douteux, à notre avis, que l'interprétation de la notion de «prestations de publicité» donnée dans l'instruction soit conforme à ce principe. Une agence de publicité qui achète un service de publicité auprès d'un prestataire établi en France, tel qu'un producteur de films publicitaires, acquitte la TVA sur le prix de ce service en France. L'agence de publicité ajoutera cette TVA au prix de la prestation facturée à l'annonceur. Or, si l'annonceur est établi en dehors de la Communauté ou dans un État membre autre que la France, il ne pourra pas déduire cette TVA de sa propre TVA nationale. L'annonceur supportera donc en définitive la TVA à moins qu'il ne puisse obtenir des autorités françaises compétentes un remboursement de TVA. Lorsque l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive a été adopté, il n'existait pas de mécanisme communautaire d'obtention de tels remboursements. Un mécanisme de remboursement a été introduit par la suite par la huitième directive TVA , mais ce mécanisme est considérablement plus lent et plus difficile à mettre en oeuvre qu'une déduction directe de la TVA interne de l'annonceur.

31. On se rappellera aussi que la TVA est soumise au principe de neutralité. En vertu de ce principe, la TVA doit être égale pour des produits ou des prestations identiques et doit rester constamment proportionnelle au prix des biens et des services indépendamment du nombre d'étapes de la chaîne commerciale. Le gouvernement français soutient que l'interprétation des «prestations de publicité» donnée dans l'instruction est conforme à ce principe, parce que les prestations de publicité fournies et facturées directement à un annonceur, consommateur final, n'ont pas le même caractère que des prestations consistant en la réalisation de films fournies à une agence de publicité .

32. Cet argument n'emporte pas notre conviction. Ainsi que nous l'avons expliqué ci-dessus, la distinction entre prestations de publicité et autres services fournis par des producteurs de films ne dépend pas exclusivement du point de savoir si ces prestations sont fournies à un annonceur, consommateur final, ou à une agence de publicité. Afin de déterminer si un service est une «prestation de publicité» au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous e), il convient dans tous les cas de tenir compte de l'ensemble des circonstances qui entourent la prestation concernée.

Conclusion

33. Selon nous, la Cour devrait répondre ce qui suit à la question de la juridiction de renvoi:

«L'article 9, paragraphe 2, sous e), deuxième alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, s'applique en ce qui concerne les prestations de publicité non seulement aux prestations fournies directement et facturées par le prestataire de service à un annonceur assujetti, mais aussi à des prestations fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un tiers qui les refacture à ce dernier.»