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Avis juridique important

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62000C0287

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 13 décembre 2001. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Manquement d'État - Sixième directive TVA - Articles 2, point 1, et 13, A, paragraphe 1, sous i) - Activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur accomplies à titre onéreux - Exonération. - Affaire C-287/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-05811


Conclusions de l'avocat général


1 Dans la présente affaire, introduite en application de l'article 226 CE, la Commission vise à faire constater que, en exonérant de la taxe sur la valeur ajoutée les activités de recherche menées par les universités d'État, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive sur la TVA (1).

La sixième directive

2 L'article 2, point 1, de la sixième directive dispose que «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel», sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

3 L'article 4, dans ses dispositions pertinentes, se lit comme suit:

«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

[...]

5. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.

[...]»

4 L'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive prévoit ce qui suit:

«Exonérations à l'intérieur du pays

A. Exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général

1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[...]

i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'État membre concerné».

La législation nationale

5 L'article 4, paragraphe 1, point 21a, de la loi allemande sur la taxe sur le chiffre d'affaires (Umsatzsteuergesetz (2), ci-après l'«Ustg») exonère de la TVA le chiffre d'affaires réalisé par les établissements publics d'enseignement supérieur dans le cadre d'activités de recherche.

6 L'article 48 de la loi-cadre de l'enseignement supérieur (3) prévoit que les établissements d'enseignement supérieur sont en règle générale régis par le droit public.

7 Nous désignerons ces établissements sous le nom d'universités d'État.

Procédure

8 Le 6 novembre 1998, la Commission a envoyé au gouvernement allemand, en application de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), une lettre de mise en demeure selon laquelle l'exonération de la TVA des activités de recherche effectuées par les universités d'État était contraire à l'article 2, point 1, de la sixième directive. Cette lettre est restée sans réponse.

9 Le 26 août 1999, en application de l'article 226 CE, la Commission a adressé à la République fédérale d'Allemagne un avis motivé exposant sa position une nouvelle fois et l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à l'infraction dans un délai de deux mois.

10 Dans sa réponse du 4 avril 2000, le gouvernement allemand s'est prévalu de deux dispositions de la sixième directive qui justifiaient à ses yeux l'exonération litigieuse. Il a tout d'abord soutenu que, les activités relatives aux contrats de recherche étant étroitement liées à l'enseignement dispensé dans les universités d'État, l'exonération en cause pouvait se fonder sur l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive. Il a ensuite fait valoir que, dans la mesure où l'exonération ne provoque pas de distorsion de concurrence sensible, elle pouvait se baser sur l'article 13, A, paragraphe 2, de la sixième directive, qui permet aux États membres de subordonner l'octroi à des organismes autres que ceux de droit public de certaines exonérations, y compris celle prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), au respect d'une ou de plusieurs condition(s) spécifique(s), et notamment à la condition que l'exonération des services en cause ne provoque pas de distorsion de concurrence susceptible de désavantager des entreprises commerciales assujetties à la TVA.

11 En juillet 2000, la Commission a introduit le présent recours. Elle a conclu à ce qu'il plaise à la Cour de constater que, en exonérant de la taxe sur le chiffre d'affaires les activités de recherche menées par les universités d'État, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive. La requête présente les motifs à l'appui de l'allégation de la Commission selon laquelle l'exonération est contraire à l'article 2, point 1, de la sixième directive. Elle expose également les raisons pour lesquelles la Commission ne considère pas que l'exonération soit justifiée en vertu de l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), ou de l'article 13, A, paragraphe 2, de la sixième directive.

Recevabilité

12 La République fédérale d'Allemagne soutient que le recours de la Commission est irrecevable pour deux raisons.

13 Elle considère tout d'abord que la Commission n'a pas respecté la procédure précontentieuse imposée par l'article 226 CE: son avis motivé - comprenant sept phrases en tout et pour tout - n'exposerait pas complètement l'objet de la procédure comme l'exige la jurisprudence de la Cour (4), mais se bornerait à reprendre le contenu de la lettre de mise en demeure.

14 La République fédérale d'Allemagne soutient en second lieu que la Commission a élargi de façon inacceptable l'objet du litige, en violation du principe de continuité entre la procédure précontentieuse et le recours, qui est l'expression du droit d'être entendu (5): alors que l'avis motivé ferait seulement valoir une violation de l'article 2 de la sixième directive, le recours invoquerait également l'article 13, A, de cette directive. Les moyens de la Commission basés sur l'article 13, A, constitueraient un aspect essentiel de son argumentation. L'article 2 définirait uniquement l'assiette de l'imposition et établirait la liste des divers chiffres d'affaires devant en principe être soumis à la TVA. Il ne découlerait toutefois pas directement de l'article 2 que les activités qui y sont citées seraient imposables d'office: cela résulterait plutôt des critères spécifiques d'exonération fixés aux articles 13 et suivants. L'assujettissement ou non à la TVA d'une activité ne pourrait donc être déterminé que sur la base d'une appréciation de ces critères.

15 Il existe une jurisprudence abondante sur la procédure que doit observer la Commission avant de pouvoir introduire un recours en application de l'article 226 CE. Le but de cette procédure précontentieuse est de donner à l'État membre concerné l'occasion, d'une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d'autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission (6).

16 La Commission est d'abord tenue d'envoyer à l'État membre concerné une lettre de mise en demeure. Cette lettre a pour but de circonscrire l'objet du litige et d'indiquer à l'État membre qui est invité à présenter ses observations les éléments nécessaires à la préparation de sa défense (7).

17 Dans la présente affaire, la lettre de mise en demeure de la Commission du 6 novembre 1998 comporte trois paragraphes portant sur le fond. En premier lieu, la Commission relève que la législation allemande exonère certains services de la TVA, puis précise qu'en vertu de l'article 4, point 21a, de l'UStG les activités de recherche menées par les universités d'État sont exonérées de la TVA. Elle déclare ensuite i) qu'un organisme public comme une université d'État est incontestablement assujetti à la TVA dans la mesure où il n'agit pas en tant qu'autorité publique, mais réalise des prestations à titre onéreux et ii) que les activités de recherche menées par un assujetti constituent des opérations imposables, et non pas exonérées, en vertu de la sixième directive. Enfin, elle relève que l'article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel»; dans la mesure où les activités de recherche ne sont pas exonérées de la TVA - et notamment pas en vertu de l'article 13 de la sixième directive -, la Commission en conclut que, en exonérant de la TVA les activités de recherche effectuées par les universités d'État, la République fédérale d'Allemagne a enfreint l'article 2, point 1, de la sixième directive.

18 La Cour a jugé que le but de l'obligation incombant à la Commission, en vertu de l'article 226 CE, d'émettre un avis motivé, est de «donner l'occasion à l'État membre de justifier sa position et, le cas échéant, de permettre à la Commission d'amener l'État membre à se conformer volontairement aux exigences du traité CE. Au cas où cet effort de règlement n'est pas couronné de succès, l'avis motivé a pour fonction de définir l'objet du litige» (8).

19 L'avis motivé expose l'argumentation de la Commission en quatre paragraphes. En premier lieu, il relève que la législation allemande exonère certains services de la TVA, puis précise qu'en vertu de l'article 4, point 21a, de l'UStG les activités de recherche menées par les établissements publics d'enseignement supérieur sont exonérées de la TVA. Il relève en deuxième lieu que l'article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel». Troisièmement, il déclare i) qu'un organisme public comme une université d'État est incontestablement assujetti à la TVA dans la mesure où il n'agit pas en tant qu'autorité publique, mais réalise des prestations à titre onéreux, ii) que les activités de recherche menées par un assujetti constituent des opérations imposables, et non pas exonérées, en vertu de la sixième directive et iii) que, en exonérant de la TVA les activités de recherche effectuées par les universités d'État, la République fédérale d'Allemagne a enfreint l'article 2 de la sixième directive. Quatrièmement, l'avis motivé expose que la Commission a notifié, en application de l'article 226 CE, cette infraction à la République fédérale d'Allemagne en novembre 1998, sans recevoir de réponse, malgré l'extension du délai accordé à la République fédérale d'Allemagne pour répondre.

20 Si la République fédérale d'Allemagne avait répondu à la lettre de mise en demeure, la Commission aurait été en mesure d'apporter la contradiction aux moyens de défense ou arguments soulevés dans cette réponse (9). En l'absence de toute réponse de la République fédérale d'Allemagne, l'avis motivé s'est borné à reprendre, dans des termes largement identiques, le contenu de la lettre de mise en demeure. C'est seulement lorsque la République fédérale d'Allemagne a répondu à l'avis motivé que cette dernière a cherché à justifier sa position en se prévalant de l'article 13, A, de la sixième directive.

21 La Cour a jugé que, dans le cadre d'une procédure en manquement contre un État membre, la Commission pouvait invoquer pour la première fois dans la requête une législation communautaire lorsqu'elle se borne à répondre ainsi à un moyen de défense soulevé par l'État membre concerné et, ce faisant, ne modifie ni la définition ni le fondement du manquement allégué (10). Selon nous, en faisant valoir dans sa requête que l'article 13, A, de la sixième directive n'est pas applicable, la Commission se contente de répondre au moyen de défense soulevé par la République fédérale d'Allemagne et ne modifie ni la définition ni le fondement du manquement allégué à ses obligations: l'argument principal de la Commission reste tiré du manquement de la République fédérale d'Allemagne à l'article 2, point 1, de la sixième directive.

22 Cette disposition prévoit que la livraison de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA. L'article 13, A, de la sixième directive contient une liste d'exonérations obligatoires et facultatives. Il résulte clairement de l'économie de la réglementation en matière de TVA que c'est l'article 2 qui prévoit l'assujettissement de principe à la TVA (11). La Commission argumente en ce sens que les activités de recherche effectuées par les universités d'État constituent des prestations de services au sens de l'article 2, point 1, et, partant, devraient être soumises à la TVA; dans la mesure, toutefois, où la législation allemande exonère de telles activités, la Commission en conclut que la République fédérale d'Allemagne a enfreint l'article 2, point 1, de la sixième directive. À nos yeux, ce raisonnement est correctement exposé tant dans la lettre de mise en demeure que dans l'avis motivé.

23 En outre, il résulte du fait que la République fédérale d'Allemagne a répondu à l'avis motivé en tentant de justifier en détail la législation nationale en cause que cet avis - et donc également la lettre de mise en demeure puisque ses termes, de l'aveu de la République fédérale d'Allemagne, sont largement identiques - a permis à l'État membre concerné de préparer sa défense.

24 En conséquence, nous estimons que le recours de la Commission est recevable.

Le fond

25 La Commission expose que, conformément à l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive, un organisme de droit public tel qu'une université d'État est considéré comme assujetti dans la mesure où il exerce une activité économique telle que la fourniture de services. Lorsqu'elles effectuent des recherches commandées et rémunérées dans le cadre d'un contrat, les universités d'État fourniraient donc des prestations de services et, partant, seraient assujetties en application de l'article 4 de la sixième directive. Dans la mesure où l'article 2, point 1, prévoit que les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti sont soumises à la TVA, la législation nationale en cause enfreindrait l'article 2, point 1, de la sixième directive.

26 La République fédérale d'Allemagne invoque deux arguments principaux au soutien de sa défense.

27 Tout d'abord, elle fait valoir que le reproche de la Commission n'est pas fondé puisque l'article 2 ne constitue ni une obligation ni une interdiction, mais définit uniquement l'assiette de la taxe, et, en tant que tel, ne peut pas être enfreint.

28 Elle fait valoir ensuite que l'exonération des activités de recherche effectuées par les universités d'État se justifie en vertu de l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive.

L'article 2, point 1, de la sixième directive

29 Nous n'acceptons pas l'affirmation de la République fédérale d'Allemagne selon laquelle il ne découlerait de l'article 2 aucune obligation d'assujettissement à la TVA. Cette thèse n'est pas étayée par la jurisprudence de la Cour. La Cour a jugé que l'article 2 est enfreint par une législation nationale exonérant certaines opérations de la TVA (12) ou par les États membres ayant omis de soumettre certaines opérations à la TVA (13), et elle a expressément indiqué que, «selon le principe fondamental inhérent au système de TVA et résultant des articles 2 des première et sixième directives, la TVA s'applique à chaque transaction de production ou de distribution [...]» (14) et qu'«une prestation de services n'est effectuée `à titre onéreux', au sens de l'article 2, point 1, de la sixième directive, et n'est dès lors taxable [...]» (15).

L'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive

30 La République fédérale d'Allemagne soutient que les activités de recherche effectuées par les universités d'État remplissent les critères d'exonération prévus à l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive. Les services liés à la recherche seraient étroitement liés à l'enseignement supérieur. Les activités de recherche et d'enseignement dans les universités ne pourraient être séparées.

31 L'article 13, A, paragraphe 1, sous i), contraint les États membres à exonérer de la TVA «l'enseignement universitaire [...], ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui lui sont étroitement liées, effectué par des organismes de droit public [...]».

32 Comme le relève la Commission, cette disposition ne mentionne pas les activités de recherche effectuées par les universités d'État. Il est de jurisprudence constante que les termes employés pour désigner les exonérations visées par l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'ils constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (16), que l'article 13, A, de la sixième directive vise à exonérer de la TVA certaines activités d'intérêt général et que cette dernière disposition n'exonère pas toutes les activités accomplies dans l'intérêt général, mais seulement celles qui sont énumérées et décrites de manière très détaillée (17). Les activités de recherche effectuées par les universités d'État n'étant pas mentionnées séparément dans l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), elles ne seront exonérées de la TVA sur la base de cette disposition que si elles sont «étroitement liées» à l'enseignement universitaire.

33 La Cour s'est récemment penchée sur l'étendue des activités «étroitement liées» à l'hospitalisation et aux soins médicaux au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, qui contraint les États membres à exonérer de la TVA «l'hospitalisation et les soins médicaux, ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public [...]». Dans cette affaire, la Commission avait soutenu que la République française, en percevant la TVA sur les indemnités forfaitaires de prélèvements d'analyses médicales, avait enfreint cette disposition. La Cour a jugé que la notion d'activités «étroitement liées» à l'hospitalisation et aux soins médicaux n'appelait pas «une interprétation particulièrement étroite dans la mesure où l'exonération des opérations étroitement liées à l'hospitalisation ou aux soins médicaux est destinée à garantir que le bénéfice des soins médicaux et hospitaliers ne devienne pas inaccessible en raison du coût accru de ces soins s'ils étaient eux-mêmes, ou les opérations qui leur sont étroitement liées, soumis à la TVA» (18). Cette affirmation suit de près la suggestion de l'avocat général Fennelly, qui a estimé que «toutes les activités directement et étroitement liées aux fournitures de soins médicaux et hospitaliers devraient, quelle que soit leur forme, être considérées comme couvertes par l'exonération» (19).

34 La Cour a donc décidé de prendre en considération le but des activités prétendument étroitement liées aux activités exonérées. Il y a lieu en particulier de rechercher si le service concerné constitue pour la clientèle une fin en soi ou le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (20).

35 L'application de ces principes à la présente affaire commande à nos yeux de conclure que les activités de recherche commandées et payées aux universités d'État ne relèvent pas du champ de l'exonération prévue pour l'enseignement universitaire à l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive.

36 Dans son mémoire en défense, la République fédérale d'Allemagne fait valoir que les activités de recherche et d'enseignement sont inséparables. Les universités - contrairement à d'autres établissements de formation orientés exclusivement vers la pratique - ont besoin de la recherche aux fins de l'enseignement, ces deux activités leur permettant de développer et de transmettre de nouvelles connaissances. L'étroite corrélation entre les activités de recherche et d'enseignement dans les universités se refléterait à la fois dans la loi constitutionnelle allemande, selon laquelle la recherche et la formation sont libres («frei») (21), et dans la loi-cadre sur les établissements d'enseignement supérieur (22), qui dispose que la recherche universitaire contribue à l'acquisition de connaissances scientifiques et au développement de l'enseignement et des études (23). Enfin, la République fédérale d'Allemagne estime que, si l'on devait distinguer entre les activités de recherche et d'enseignement aux fins de la TVA, la séparation entre les activités soumises à la taxe et celles qui en sont exonérées serait inefficace et présenterait un caractère bureaucratique.

37 Nous admettons que, dans la vie universitaire, la recherche et l'enseignement soient étroitement liés. Il convient toutefois de garder à l'esprit que, si la Commission se voit donner raison, cela ne signifiera pas que toutes les activités de recherche devront être distinguées à toutes fins de toutes les activités d'enseignement. La TVA doit être perçue sur les prestations de services effectuées à titre onéreux. En conséquence, lorsqu'une université réalise des recherches contre rémunération, cette prestation est soumise à la TVA. Inversement, lorsque la recherche est effectuée gratuitement, la question de la TVA ne se posera pas. Nous ne pensons pas qu'il soit particulièrement difficile d'opérer une distinction entre prestations de services rémunérées - qui feront nécessairement l'objet de contrats - et activités générales d'enseignement, en ce comprises les recherches effectuées gratuitement dans le cadre d'études approfondies.

38 En outre, la Commission rappelle qu'à sa connaissance tous les États membres, à l'exception de la République fédérale d'Allemagne et de l'Irlande (24), opèrent une distinction, s'agissant des établissements d'enseignement supérieur, entre les activités d'enseignement, exonérées de la TVA en application de l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, d'une part, et les activités de recherche, soumises à la TVA, d'autre part. En conséquence, nous ne pouvons pas concevoir que la séparation entre activités exonérées et imposables soit aussi problématique que le prétend la République fédérale d'Allemagne. En tout état de cause, il est constant que les difficultés pratiques rencontrées lors de la transposition d'une directive ne sauraient justifier un défaut de transposition.

39 Nous souhaiterions ajouter que la définition des activités de recherche donnée par le droit national n'est pas pertinente: il est clair que l'assujettissement à la TVA d'une opération déterminée, ou son exonération, ne saurait dépendre de sa qualification en droit national (25).

40 Les activités de recherche effectuées à titre lucratif par les universités d'État ne relevant pas, pour les raisons exposées ci-dessus, du champ d'application de l'exonération prévue pour l'enseignement universitaire à l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, il s'ensuit que la République fédérale d'Allemagne enfreint l'article 2 de la directive. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'examiner l'argument avancé par la République fédérale d'Allemagne selon lequel l'exonération de la TVA de telles activités contribue aux mesures de simplification fiscale et permet d'éviter des coûts administratifs: la République fédérale d'Allemagne admet en effet que cet argument ne serait pertinent que dans le cas où l'exonération prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), trouverait application.

Conclusion

41 Dès lors, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:

1) constater que, en exonérant de la taxe sur le chiffre d'affaires les activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme;

2) condamner la République fédérale d'Allemagne aux dépens.

(1) - Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).

(2) - Loi du 27 avril 1993, BGBl. I, p. 565, telle que modifiée par l'article 4, paragraphe 5, de l'Umsatzsteuer-Änderungsgesetz (loi modificative de la législation en matière de taxes sur le chiffre d'affaires) du 12 décembre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1851 et suiv.).

(3) - Hochschulrahmengesetz, version du 19 janvier 1999, BGBl. I, p. 18.

(4) - Arrêts du 13 décembre 1990, Commission/Grèce (C-347/88, Rec. p. I-4747, point 29), et du 20 mars 1997, Commission/Allemagne (C-96/95, Rec. p. I-1653, points 22 et 24).

(5) - Arrêt du 25 avril 1996, Commission/Luxembourg (C-274/93, Rec. p. I-2019, point 11).

(6) - Voir, par exemple, l'arrêt du 2 février 1988, Commission/Belgique (293/85, Rec. p. 305, point 13).

(7) - Arrêt du 15 décembre 1982, Commission/Danemark (211/81, Rec. p. 4547, point 8).

(8) - Arrêt du 27 mai 1981, Essevi et Salengo (142/80 et 143/80, Rec. p. 1413, point 15).

(9) - Arrêt du 31 janvier 1984, Commission/Irlande (74/82, Rec. p. 317, point 20).

(10) - Arrêt Commission/Danemark, précité, note 8, point 16.

(11) - Arrêt du 12 novembre 1998, Institute of the Motor Industry (C-149/97, Rec. p. I-7053, point 18). Voir le point 29 ci-après pour une discussion plus approfondie des effets de l'article 2.

(12) - Voir, par exemple, les arrêts du 21 février 1989, Commission/Italie (203/87, Rec. p. 371, point 11 et dispositif); du 17 octobre 1991, Commission/Espagne (C-35/90, Rec. p. I-5073, point 10 et dispositif), et du 23 mai 1996, Commission/Grèce (C-331/94, Rec. p. I-2675, point 19 et dispositif).

(13) - Voir, par exemple, les affaires de péage: arrêts du 12 septembre 2000, Commission/France (C-276/97, Rec. p. I-6251, point 49 et dispositif); Commission/Irlande (C-358/97, Rec. p. I-6301, point 58 et dispositif), et Commission/Royaume-Uni (C-359/97, Rec. p. I-6355, point 70 et dispositif).

(14) - Arrêt du 6 juillet 1995, BP Soupergaz (C-62/93, Rec. p. I-1883, point 16); voir également le point 20 des présentes conclusions.

(15) - Arrêt du 3 mars 1994, Tolsma (C-16/93, Rec. p. I-743, point 14).

(16) - Voir cependant les arguments de l'avocat général Fennelly dans ses conclusions dans l'affaire Commission/France (arrêt du 11 janvier 2001, C-76/99, Rec. p. I-249, points 21 à 23) et mes conclusions dans l'affaire London Zoological Society (C-267/00, présentées ce jour, points 17 à 19).

(17) - Arrêt Institute of the Motor Industry, précité, note 12, points 17 et 18, ainsi que la jurisprudence qui y est citée.

(18) - Arrêt du 11 janvier 2001, Commission/France, précité, note 17, point 23.

(19) - Point 23 des conclusions.

(20) - Points 24 et 27 du jugement.

(21) - Article 5, paragraphe 3, du Grundgesetz.

(22) - Précitée, note 4.

(23) - Article 22.

(24) - Ce dernier État fait également l'objet d'une procédure en manquement, actuellement au stade de la lettre de mise en demeure.

(25) - Arrêt du 11 janvier 2001, Commission/France, précité, note 17, point 26.