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Avis juridique important

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62000C0315

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 6 juin 2002. - Rudolf Maierhofer contre Finanzamt Augsburg-Land. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Sixième directive TVA - Exonérations - Opération de location de biens immeubles - Bâtiment en préfabriqué destiné à être démonté et susceptible d'être reconstruit. - Affaire C-315/00.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-00563


Conclusions de l'avocat général


1. Dans cette demande préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) (Allemagne), la Cour est invitée à donner des précisions sur l'interprétation de la notion de «biens immeubles» au sens de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive en matière de TVA .

La réglementation communautaire pertinente

2. En vertu de l'article 2 de la sixième directive, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA.

3. Selon l'article 4, paragraphe 1, est considéré comme assujetti quiconque accomplit une activité économique. En application de l'article 4, paragraphe 2, l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence constitue une activité économique. L'article 4, paragraphe 3, autorise les États membres à considérer également comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées au paragraphe 2 et notamment une seule des opérations suivantes:

«a) la livraison d'un bâtiment ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation; les États membres peuvent définir les modalités d'application de ce critère aux transformations d'immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant [...]

Est considérée comme bâtiment toute construction incorporée au sol;

b) la livraison d'un terrain à bâtir.

Sont considérés comme terrains à bâtir les terrains nus ou aménagés définis comme tels par les États membres.»

4. L'article 5, paragraphe 1, définit une livraison de biens comme «le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire». L'article 6, paragraphe 1, définit une prestation de services comme «toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien».

5. L'article 13, B, énumère une série d'exonérations de la TVA, dont:

«b) l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception:

1. des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper;

2. des locations d'emplacement pour le stationnement des véhicules;

3. des locations d'outillages et de machines fixés à demeure;

4. des locations de coffres-forts.

Les États membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d'application de cette exonération;

[...]

g) les livraisons de bâtiments ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l'article 4 paragraphe 3 sous a);

h) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l'article 4 paragraphe 3 sous b).»

6. Aux termes de l'article 13, C, «[l]es États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation:

a) de l'affermage et de la location de biens immeubles;

b) des opérations visées sous B sous d), g) et h).»

La législation nationale pertinente

7. L'article 4, paragraphe 12, sous a), de l'Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires, ci-après la «loi») prévoit d'exonérer de la taxe sur le chiffre d'affaires «la location et l'affermage de biens immeubles [Grundstücke]». Plusieurs exclusions de cette exonération sont ensuite prévues, lesquelles reflètent plus ou moins celles prévues par l'article 13, B, sous b), paragraphes 1 à 3.

8. La première phrase de l'article 94, paragraphe 1, du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand, ci-après le «BGB») stipule:

«Sont comprises parmi les parties constitutives essentielles d'un bien immeuble [Grundstück, au sens littéral parcelle de terrain] les choses [Sachen] solidement fixées au fonds et au sol [Grund und Boden], notamment les bâtiments [...]»

9. L'article 95, paragraphe 1, du BGB dispose:

«N'appartiennent pas aux parties constitutives d'un bien immeuble les choses qui ne sont attachées au fond et au sol que dans un but provisoire [...]»

Les faits et la procédure au principal

10. L'affaire concerne la qualification aux fins de l'exonération prévue par l'article 13, B, sous b), de deux transactions conclues entre M. Maierhofer et le Freistaat Bayern (Land de Bavière). La juridiction de renvoi décrit les faits dans l'ordonnance de renvoi de la manière suivante.

11. M. Maierhofer donnait en location au Land de Bavière des logements collectifs destinés à l'hébergement temporaire de demandeurs d'asile. La durée des deux baux concernés avait été fixée à un minimum de cinq ans, avec possibilité de renouvellement, et les terrains devaient être complètement remis à nu et rendus au terme du bail avec M. Maierhofer.

12. Certains des bâtiments se trouvaient sur un terrain que M. Maierhofer avait loué à la ville de Bamberg et d'autres sur des terrains loués par le Land de Bavière à la ville de Bayreuth. La nature précise des arrangements dans ce dernier cas n'est pas claire. Il résulte de l'ordonnance de renvoi et des déclarations à l'audience de l'avocat de M. Maierhofer que le terrain a été mis à la disposition de ce dernier sans bail formel ni obligation de payer une contrepartie. Toutefois, l'ordonnance de renvoi dit que M. Maierhofer donne en location les logements «avec le terrain nécessaire».

13. M. Maierhofer avait construit les bâtiments d'un ou deux étages à partir d'éléments préfabriqués. Ces bâtiments reposaient sur des socles en béton édifiés sur une semelle de béton coulée dans le sol. Les murs étaient constitués de panneaux vissés par des boulons dans les fondations. Les toits en tuile reposaient sur une charpente. Les sols et les murs des sanitaires et de la cuisine étaient carrelés. Le système de construction permettait à tout moment le démontage du bâtiment par une équipe de huit personnes en dix jours et son éventuelle réutilisation ailleurs.

14. M. Maierhofer n'a pas déduit la taxe versée en amont pour la construction des bâtiments en 1992. Pour les années litigieuses, couvrant la période allant de 1993 à 1995, il a déclaré des opérations exonérées (à savoir le loyer qu'il percevait du Land de Bavière) résultant de la location de biens immeubles. L'administration fiscale a taxé les opérations de M. Maierhofer au motif qu'il ne louait pas des biens immeubles mais seulement des bâtiments constituant des «parties constitutives fictives» («Scheinbestandteile»). Pour fixer l'impôt, l'administration a également tenu compte des taxes en amont.

15. La conclusion de l'administration fiscale est le reflet de la jurisprudence du Bundesfinanzhof, qui a affirmé jusqu'à présent que la notion de «bien immeuble» au sens de l'article 4 de la loi doit être interprétée conformément au droit civil, et donc par référence aux règles du BGB. La notion a donc été considérée comme englobant les bâtiments et parties de bâtiments parce que, en application de la première phrase de l'article 94, paragraphe 1, du BGB, ils constituent des parties constitutives essentielles de l'immeuble lorsqu'ils sont solidement fixés au sol. Cependant, en vertu de l'article 95, paragraphe 1, du BGB, même les bâtiments et parties de bâtiments ne forment pas des parties constitutives de l'immeuble lorsqu'ils ne sont rattachés au sol qu'à titre provisoire. La location de ces parties constitutives fictives n'a donc pas été considérée comme une location de biens immeubles au sens de l'exemption prévue par l'article 4 de la loi.

16. Sur recours, le Finanzgericht (tribunal des finances) a confirmé les décisions d'imposition et exposé que les bâtiments loués ne sont pas des parties constitutives d'un bien immeuble puisqu'ils ne sont attachés au sol que dans un but provisoire. Les accords relatifs à la mise à disposition des terrains obligeaient M. Maierhofer à les rendre après remise à nu. Les propriétaires des terrains n'avaient pas non plus de droit d'option sur la reprise des bâtiments. Comme les bâtiments devaient être qualifiés de parties constitutives fictives, M. Maierhofer ne pouvait pas bénéficier de l'exonération.

17. M. Maierhofer s'est pourvu en «Revision» devant le Bundesfinanzhof. Dans son ordonnance de renvoi, cette juridiction, revenant apparemment sur la jurisprudence antérieure, déclare que la notion de location de biens immeubles de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive est un concept autonome de droit communautaire. Même si cet article accorde aux États membres un large pouvoir d'appréciation en matière d'exonération ou de taxation , l'interprétation de la notion de biens immeubles ne peut pas dépendre du droit civil d'un État membre, puisqu'il serait alors impossible d'assurer l'application uniforme de cette disposition dans tous les États membres.

18. Le Bundesfinanzhof observe aussi que, selon la jurisprudence de la Cour de justice, la notion de «location de biens immeubles» inclut la location de bâtiments , mais pas la location de tentes, caravanes et résidences mobiles . Les critères pour la location de «biens immeubles» n'ont donc pas encore été clarifiés. On en saurait par conséquent exclure que les termes «biens immeubles» utilisés dans les articles 9, paragraphe 2, sous a), et 13, B, sous b), de la directive indiquent, conformément à leur sens littéral, un bien immeuble solidement («fest») fixé au sol, par opposition aux objets qui peuvent être déplacés. Si cela est exact, la location de bâtiments construits à titre provisoire constituera une location de biens immeubles puisque la disposition applicable ne prescrit pas de durée spécifique de rattachement au sol.

19. Si tel est le cas, le Bundesfinanzhof pose la question supplémentaire de savoir si la position est la même lorsque le bailleur ne loue que le bâtiment et non le terrain sur lequel celui-ci a été érigé. Dans le cadre de la location par M. Maierhofer du bâtiment sur un terrain appartenant à la ville de Bayreuth, le Land de Bavière, en tant que locataire, avait pris à bail ce terrain et simplement permis à M. Maierhofer de construire le bâtiment sur celui-ci. On ne saurait exclure que la location dans ce cas ne concernait donc pas un bien immeuble.

20. Le Bundesfinanzhof a par conséquent posé les questions suivantes à titre préjudiciel:

«1) La mise à disposition à titre onéreux d'un bâtiment construit à base d'éléments préfabriqués, qui doit être enlevé à la fin du contrat et peut être réutilisé sur un autre terrain, relève-t-elle de la notion de location de biens immeubles visée à l'article 13, B, sous b), de la directive 77/388/CEE?

2) Est-il important à cet égard que le bailleur mette à la disposition du locataire le terrain et le bâtiment ou seulement le bâtiment qu'il a construit sur le terrain du locataire?»

21. M. Maierhofer, le gouvernement allemand et la Commission ont déposé des observations écrites et ont été, avec le gouvernement du Royaume-Uni, représentés à l'audience devant la Cour.

La première question déférée

22. Le Bundesfinanzhof demande si la notion de «location de biens immeubles» visée à l'article 13, B, sous b), couvre la mise à disposition à titre onéreux d'un bâtiment construit à base d'éléments préfabriqués qui doit être enlevé à la fin du contrat et peut être réutilisé sur un autre site.

23. Il résulte de l'ordonnance de renvoi dans son ensemble et du contexte factuel que les doutes de la juridiction de renvoi concernent principalement l'interprétation des termes «biens immeubles» plutôt que la qualification des opérations entre M. Maierhofer et le Land de Bavière comme une «location». Le problème principal est donc de savoir si la notion de «biens immeubles» de l'article 13, B, sous b), inclut des bâtiments tels que ceux qui sont en cause dans la procédure au principal.

24. M. Maierhofer, le Royaume-Uni et la Commission considèrent que ces bâtiments constituent des biens immeubles au sens de l'article 13, B, sous b). Le gouvernement allemand allègue en premier lieu que la question n'est pas pertinente et, à titre subsidiaire, que de tels bâtiments ne constituent pas des biens immeubles aux fins de l'article 13, B, sous b).

Pertinence de la question

25. L'argument principal du gouvernement allemand est que la première question n'est pas pertinente parce que le législateur allemand a prévu, conformément à l'article 13, B, sous b), deuxième alinéa, de la directive, une exclusion supplémentaire au champ d'application de l'exonération de la TVA. Il a légiféré par voie d'instructions administratives élaborées par le Bundesfinanzministerium (ministère fédéral des Finances) qui requièrent l'accord du Bundesrat, la deuxième chambre parlementaire. Ces instructions reflètent apparemment la jurisprudence du Bundesfinanzhof évoquée au point 15 ci-dessus en ce sens que la notion de «biens immeubles» visée à l'article 4, paragraphe 12, sous a), de la loi doit être interprétée conformément au droit civil, et donc par référence au BGB, y compris les dispositions sur les parties constitutives fictives. Ces instructions prévoient donc qu'il n'y a pas location de biens immeubles lorsque les bâtiments ne sont rattachés au sol qu'à titre provisoire et que la location d'unités d'habitation préfabriquées peut donc être assujettie à la TVA.

26. Nous ne saurions accepter cet argument.

27. Nous avons examiné la portée de l'option prévue par l'article 13, B, sous b), dans nos conclusions dans l'affaire Henriksen , dans lesquelles nous avons exprimé l'opinion selon laquelle, bien que le pouvoir d'appréciation conféré par cette disposition soit large et que la question de savoir si l'exclusion a été étendue d'une certaine manière soit une question d'interprétation de la législation nationale et relève de la compétence des juridictions nationales, «il nous paraît clair compte tenu de l'économie de la directive, que, sur la base d'une interprétation exacte de ses dispositions, la législation nationale ne saurait avoir un tel effet à moins qu'elle ne contienne elle-même des dispositions spécifiques en ce sens. Lorsque la législation nationale se borne à reproduire les dispositions de la directive, avec ses exonérations et ses exclusions spécifiques, la législation doit être interprétée conformément à ces dispositions et les autorités fiscales nationales n'ont pas la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires à moins que l'État membre n'ait adopté des mesures législatives complémentaires visant à étendre l'assujettissement à la TVA à ces locations».

28. Comme le font valoir M. Maierhofer et la Commission, la prétendue exception pour les parties constitutives fictives ne peut pas être considérée comme ayant été adoptée par le législateur allemand et ne saurait donc être considérée comme constituant l'exercice par la République fédérale d'Allemagne de la faculté de limiter l'exonération au titre de l'article 13, B, sous b). L'exception en cause est fondée sur des principes développés par les tribunaux et qui se reflètent dans certaines instructions administratives. Il ressort des déclarations faites à l'audience que ces instructions ne lient ni les tribunaux ni le gouvernement: ce sont simplement des critères à appliquer par l'administration. Elles ne sont pas adoptées par le Bundesrat bien qu'elles nécessitent son approbation. Des directives administratives ne peuvent pas modifier des textes de droit primaire comme la loi . Cette approche semble confirmée par le fait que le Bundesfinanzhof n'a pas mentionné les instructions dans son ordonnance de renvoi.

La notion de «biens immeubles» de l'article 13, B, sous b)

29. Il y a lieu de rappeler que les bâtiments en cause

- étaient des bâtiments d'un ou deux étages construits à partir d'élément préfabriqués,

- reposaient sur des socles en béton édifiés sur une semelle de béton coulée dans le sol et étaient retenus par des boulons vissés dans les fondations,

- avaient des sanitaires et des cuisines carrelés et un toit en tuile reposant sur une charpente,

- pouvaient être démontés par une équipe de huit personnes en dix jours et réutilisés ailleurs,

- étaient loués pour un minimum de cinq ans avec possibilité de renouvellement et devaient être enlevés au terme du contrat.

30. Le gouvernement allemand fait valoir que la fourniture de bâtiments préfabriqués ne constitue pas une «location de biens immeubles» au sens de l'article 13, B, sous b). Il note, en premier lieu, que la plupart des versions linguistiques de l'article 13, B, sous b), mais non la version allemande, font référence à la nature immeuble du bien: les bâtiments préfabriqués fournis par M. Maierhofer peuvent toutefois être démontés et reconstruits ailleurs. De plus, les bâtiments en cause en l'espèce sont comparables aux tentes, caravanes, résidences mobiles et habitations légères de loisirs de l'arrêt Commission/France : même s'ils sont fixés au sol, ils peuvent être démontés sans subir aucun dommage et remontés ailleurs. Enfin, la caractéristique commune des opérations expressément exclues de l'exonération de l'article 13, B, sous b), est qu'elles impliquent une exploitation plus active des biens immeubles justifiant une imposition supplémentaire, en plus de celle prélevée sur la vente initiale . Sur cette base, la location de maisons préfabriquées ne peut pas être exonérée au sens de l'article 13, B, sous b): des bâtiments qui sont érigés à titre temporaire seulement et qui peuvent être démontés sans dommage peuvent être utilisés à différents endroits; l'opération génère donc une valeur ajoutée allant bien au-delà de la simple location de biens immeubles et est donc comparable aux exceptions à l'exonération prévue par l'article 13, B, sous b).

31. Ces arguments ne nous convainquent pas et nous sommes d'accord avec M. Maierhofer, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission pour dire que des bâtiments tels que ceux en cause dans la procédure au principal doivent être considérés comme des biens immeubles aux fins de l'article 13, B, sous b).

32. Le seul bien qui est immeuble de manière inhérente est le terrain lui-même: même les bâtiments classiques destinés à être fixés à demeure de façon permanente peuvent dans de nombreux cas être déplacés et reconstruits si l'on prend suffisamment de précautions. D'autre part, il y a évidemment différents degrés de mobilité d'un bien autre que le terrain: un véritable bâtiment avec des murs et des fondations ne sera, étant donné les coûts, que très exceptionnellement déplacé alors que la fonction essentielle d'une tente de cirque est précisément d'être déplaçable.

33. On peut en principe répondre à la question de savoir si des bâtiments ou d'autres objets meubles au sens littéral sont en termes juridiques des biens immeubles par des critères objectifs relatifs à la qualité du rattachement de l'objet visé au sol sur lequel il se trouve, tels que la solidité de la fixation («solidement fixé») ou son caractère inséparable («fixé de façon inséparable»), ou par des critères subjectifs tels que la durée prévue du rattachement.

34. La sixième directive ne définit pas expressément la notion de bien immeuble . Elle ne confie pas davantage cette définition aux ordres juridiques des États membres . Comme, selon une jurisprudence bien établie, il résulte du onzième considérant de la directive que les exonérations prévues par l'article 13 de la sixième directive ont leur sens propre qui doit en principe être indépendant des notions de droit civil des États membres, les termes utilisés pour spécifier l'exonération visée à l'article 13, B, sous b), doivent recevoir une définition communautaire .

35. Nous considérons que le terme «immeuble» doit être le point de départ et la base de l'analyse de la notion de «bien immeuble». Alors que la version allemande utilise le terme «Grundstück» qui signifie littéralement «parcelle de terrain», toutes les autres versions linguistiques de la directive utilisent un terme équivalent à «immeuble».

36. On peut déduire de la jurisprudence existante que la notion de «location de biens immeubles» de l'article 13, B, sous b), ne couvre pas seulement la location de terrains mais aussi la location de bâtiments classiques et de parties de ceux-ci. Cela résulte implicitement des nombreux arrêts concernant d'autres aspects de l'interprétation de l'article 13, B, sous b), dans lesquels ni la Cour ni les parties n'ont mis en doute la qualification de biens immeubles des bâtiments classiques. Il n'y a toutefois pour le moment pas d'indications pertinentes de la Cour quant aux critères à appliquer dans les cas limites: même si l'arrêt Commission/France concernait indirectement la question de savoir si des tentes, caravanes, résidences mobiles et habitations légères de loisirs étaient des «biens immeubles» aux fins de l'article 13, B, sous b), sa valeur comme précédent est limitée puisque la République française n'a pas contesté l'action de la Commission et il n'y a donc pas d'analyse de l'infraction.

37. Pour déterminer le sens du terme «immeuble» dans l'article 13, B, sous b), des critères subjectifs tels que la durée prévue du rattachement ne devraient à notre avis pas être pris en compte. On rappellera que la législation allemande souligne la nature temporaire envisagée du rattachement des bâtiments au terrain et il résulte clairement de l'ordonnance de renvoi que cette question est le souci principal de la juridiction de renvoi. L'intention est cependant un critère notoirement incertain, les critères subjectifs posant des problèmes de vérification. On ne saurait nécessairement supposer que, simplement parce que lors de sa construction l'intention n'était pas de laisser le bâtiment à demeure sur son site, le bâtiment sera ensuite effectivement enlevé: de nombreux bâtiments préfabriqués érigés au lendemain immédiat de la Seconde Guerre mondiale expressément à titre temporaire pour atténuer la crise du logement de l'époque sont encore là aujourd'hui. De plus, rien dans la sixième directive ne corrobore l'utilisation de critères subjectifs pour déterminer la frontière entre biens corporels meubles et immeubles. Au contraire, l'article 4, paragraphe 3, sous a), définit le «bâtiment» objectivement comme «toute construction incorporée au sol». Enfin, en particulier dans le domaine fiscal, la sécurité juridique est de la plus haute importance et les critères subjectifs ont tendance à l'ébranler.

38. Il est donc souhaitable que le critère pour déterminer si un bâtiment ou une construction analogue constitue un bien immeuble au sens de l'article 13, B, sous b), soit objectif. À notre avis, le critère correct est - comme l'ont allégué en particulier le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission - de savoir si la construction est ou non solidement incorporée au sol. Nous parvenons à cette conclusion sur la base du fait que la notion de biens immeubles de l'article 13, B, sous b), doit être interprétée à la lumière des concepts utilisés dans l'article 4, paragraphe 3.

39. L'article 13, B, sous b), exonère l'affermage et la location de biens immeubles de la TVA; l'article 13, B, sous g), exonère les livraisons de bâtiments ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l'article 4, paragraphe 3, sous a) (et donc les livraisons autres que celles effectuées avant leur première occupation). L'article 13, B, sous g), exonère donc les ventes de «seconde main» de bâtiments, fractions de bâtiments et du sol y attenant; parallèlement, l'article 13, B, sous b), exonère la location de biens immeubles. Il résulte clairement des termes de l'article 13, B, sous g), que les termes utilisés dans cette disposition doivent être interprétés conformément à l'article 4, paragraphe 3, qui fait référence aux notions de «sol» et de «bâtiment» et définit le bâtiment comme «toute construction incorporée au sol». Les notions de sol et de bâtiment telles que décrites dans l'article 4, paragraphe 3, constituent donc à notre avis les deux éléments de base de la notion de «biens immeubles» de l'article 13, B, sous b). Si le législateur communautaire avait souhaité exclure certains «bâtiments» tels que définis dans l'article 4, paragraphe 3, de la notion de biens immeubles de l'article 13, B, sous b) - et donc en même temps exonérer en application de l'article 13, B, sous g), la livraison de certaines constructions solidement incorporées au sol tout en excluant ces mêmes constructions de l'exonération parallèle de l'article 13, B, sous b) - il est selon nous improbable que la directive ne l'ait pas dit expressément .

40. Nous n'acceptons donc pas la proposition du gouvernement allemand d'adopter le critère plus strict d'une fixation au sol de façon inséparable. Nous avons déjà expliqué plus haut que même des bâtiments classiques peuvent être enlevés et reconstruits ailleurs. Il n'est donc à notre avis pas approprié d'interpréter le terme «immeuble» comme signifiant inséparable du sol: ce critère peut non seulement impliquer l'exclusion de pratiquement tous les bâtiments mais aussi exiger une appréciation complexe de la possibilité ou non de déplacer effectivement le bâtiment.

41. Nous n'estimons pas davantage correct de supposer que la location de constructions solidement incorporées au sol mais qui peuvent être déplacées ailleurs implique nécessairement une exploitation plus active des biens comparable aux opérations énumérées dans l'article 13, B, sous b), points 1 à 4. En l'espèce, par exemple, M. Maierhofer loue simplement les bâtiments en cause au Land de Bavière; ce faisant, il n'exploite pas le bien plus activement qu'il ne le ferait si la location portait sur un bâtiment classique qu'il avait construit. Certes, il est possible que les bâtiments en question puissent être démontés à la fin de chaque bail et remontés et reloués ailleurs; le gouvernement allemand semble préoccupé par le fait que la valeur ajoutée au terrain en question par chaque opération échapperait à la TVA, alors qu'elle ne devrait pas. Toutefois, la vraisemblance d'une telle succession d'événements est selon nous purement hypothétique, et en tant que telle ne peut pas, sans affecter la sécurité juridique, influencer la qualification correcte d'un bâtiment à un moment donné comme «bien immeuble» aux fins de l'article 13, B, sous b).

42. À notre avis, des bâtiments tels que ceux en cause en l'espèce doivent être considérés comme solidement incorporés au sol au sens du critère suggéré. Ils reposent sur des socles en béton édifiés sur une semelle de béton coulée dans le sol et sont retenus par des boulons vissés dans les fondations. Il semble qu'ils soient construits solidement pour durer au moins cinq ans. Les démonter nécessiterait une équipe de huit personnes pendant dix jours. On peut donc les distinguer de tentes, caravanes et résidences mobiles qui sont à la fois mobiles de façon inhérente et moins solidement fixées au sol.

43. Nous concluons par conséquent que la notion de «biens immeubles» visée à l'article 13, B, sous b), de la sixième directive couvre des bâtiments construits à base d'éléments préfabriqués tels que ceux en cause dans la procédure au principal s'ils sont solidement incorporés au sol.

La seconde question déférée

44. Dans sa seconde question, le Bundesfinanzhof demande essentiellement s'il est important dans cette analyse que le bailleur mette à la disposition du locataire le bâtiment et le terrain sur lequel celui-ci est érigé ou simplement le bâtiment qu'il a construit sur le terrain du locataire.

45. M. Maierhofer et la Commission sont d'avis que cette circonstance est sans pertinence: les critères pour déterminer si un bâtiment donné est un «bien immeuble» et donc si la location de celui-ci est exonérée en vertu de l'article 13, B, sous b), n'incluent pas la propriété du terrain sur lequel il se trouve.

46. Le gouvernement allemand ne fait aucune observation sur la seconde question. Le Royaume-Uni fait cependant valoir que la propriété du terrain sur lequel les bâtiments sont construits est très importante pour la qualification de l'opération aux fins de l'article 13, B, sous b). En substance, si M. Maierhofer n'était pas en mesure de fournir à la fois le terrain et les bâtiments au Land de Bavière, les opérations en cause ne peuvent pas être considérées comme l'affermage ou la location de biens immeubles et il faudrait simplement considérer qu'il a construit des bâtiments et donc effectué une prestation taxable de services de construction.

47. Selon nous, toutefois, rien dans l'article 13, B, sous b), ne laisse entendre que les critères pour déterminer ce qui constitue «l'affermage ou la location de biens immeubles» aux fins de cette disposition incluent la propriété du terrain et de tout bâtiment construit dessus.

48. Nous ne sommes pas davantage persuadé par l'argument du Royaume-Uni en ce sens que l'exonération au titre de l'article 13, B, sous b), d'une location d'un bâtiment sur un terrain dont le bailleur ne serait pas propriétaire aurait des «conséquences extrêmes». Le Royaume-Uni suggère que dans ce cas un entrepreneur engagé par un occupant pour remplacer le toit de sa maison - ou même juste une tuile sur son toit - pourrait faire valoir que ses services devraient relever de l'exonération parce que la maison elle-même était un bien immeuble. Le Royaume-Uni admet que les parties dans cet exemple devraient présenter les modalités de paiement comme un bail, mais avance que cela ne présenterait pas de difficultés en termes commerciaux dès lors que le prix refléterait le paiement échelonné. Il conclut donc qu'une importante partie des travaux de construction relèverait de l'exonération prévue par l'article 13, B, sous b).

49. Toutefois, comme le Royaume-Uni l'a lui-même allégué à l'audience dans un contexte légèrement différent, il est de jurisprudence constante que c'est la nature intrinsèque de l'activité en question qui régit son statut fiscal et non la forme des arrangements entre les parties. La Cour a récemment donné des précisions sur la portée de la notion d'«affermage et de location». En premier lieu, elle a déclaré que ne peuvent être inclus dans cette notion des contrats caractérisés par l'absence de prise en compte de la durée de la jouissance du bien immeuble, élément essentiel du contrat de location, dans le consentement des parties . En second lieu, elle a dit pour droit que la location de biens immeubles au sens de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive consiste en substance en ce que le propriétaire d'un immeuble cède au locataire, contre un loyer et pour une durée convenue, le droit d'occuper son bien et d'en exclure d'autres personnes . Nous ne voyons donc pas comment des travaux d'entretien ou de construction dans un bâtiment risquent d'être interprétés comme un affermage ou une location de biens immeubles au sens de l'article 13, B, sous b).

50. En conséquence, nous concluons, s'agissant de la seconde question posée, qu'il n'est pas pertinent pour déterminer si la location d'un bâtiment relève de l'exonération prévue par l'article 13, B, sous b), de savoir si le bailleur met à la disposition du locataire à la fois le bâtiment et le terrain sur lequel celui-ci est érigé ou simplement le bâtiment qu'il a construit sur le terrain du locataire.

Conclusion

51. À la lumière des considérations qui précèdent, nous sommes d'avis que la Cour devrait répondre comme suit aux questions déférées par le Bundesgerichtshof:

«1) La location de biens immeubles au sens de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, couvre la location de bâtiments construits à base d'éléments préfabriqués tels que ceux en cause dans la procédure au principal s'ils sont solidement incorporés au sol.

2) Il n'est pas pertinent pour déterminer si la location d'un bâtiment relève de l'exonération prévue par l'article 13, B, sous b), de savoir si le bailleur met à la disposition du locataire à la fois le bâtiment et le terrain sur lequel celui-ci est érigé ou simplement le bâtiment qu'il a construit sur le terrain du locataire.»