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Avis juridique important

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62000C0353

Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 5 février 2002. - Keeping Newcastle Warm Limited contre Commissioners of Customs and Excise. - Demande de décision préjudicielle: VAT and Duties Tribunal, Manchester - Royaume-Uni. - Sixième directive TVA - Article 11, A, paragraphe 1, sous a) - Base d'imposition - Contrepartie pour les livraisons de biens ou les prestations de services - Subvention. - Affaire C-353/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-05419


Conclusions de l'avocat général


I - Introduction

1 Dans la présente espèce, le VAT and Duties Tribunal, Manchester Tribunal Centre, saisit la Cour de la question de savoir comment il convient d'interpréter la notion de «subventions directement liées au prix» au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (ci-après la «sixième directive») (1). Concrètement, il s'agit du point de savoir si le paiement d'un organisme national à une entreprise dans le cadre du conseil en énergie que celle-ci fournit à des occupants de logements est soumis à la taxe sur la valeur ajoutée.

II - Cadre juridique

A - Droit communautaire

2 L'article 11, A, paragraphe 1, de la sixième directive stipule que:

«La base d'imposition est constituée:

a) pour les livraisons de biens et les prestations de services ... par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

B - Droit national

3 L'Energy Action Grants Agency (organisme chargé de l'allocation de subventions dans le domaine de l'énergie, ci-après l'«EAGA») gère le Home Energy Efficiency Scheme (programme pour l'efficacité énergétique dans le logement, ci-après le «HEES»). Le HEES est régi par les Home Energy Efficiency Grants Regulations (règlement sur l'allocation de subventions en matière d'efficacité énergétique dans le logement, ci-après les «Regulations») de 1992. Celles-ci ont remplacé les dispositions d'origine datant de 1990 et elles ont été modifiées par les Home Energy Efficiency Grants (Amendment) Regulations de 1993, 1994, 1995 et 1996. Les parties au principal ont cependant demandé à la juridiction de recours de statuer conformément aux Regulations, au motif que les modifications n'avaient manifestement aucune incidence sur les points litigieux en l'espèce.

4 L'article 2, paragraphe 1, des Regulations définit la notion de conseil en énergie (Energy Advice) comme «le conseil relatif à l'isolation thermique ou à l'utilisation économique et efficace des appareils ménagers et des installations d'éclairage, de chauffage de l'air ou de l'eau» dans certaines habitations définies.

5 L'article 4 régit les demandes de subventions. L'article 4, paragraphe 2, énonce:

«La demande est présentée par écrit et signée soit par le demandeur soit par une personne spécifiée ou dont la qualité est spécifiée par l'organisme responsable de la zone concernée, et cela dans les formes ... fixées par cet organisme».

6 L'article 5 définit les travaux pour lesquels une subvention peut être accordée. Le «conseil en énergie» en fait partie.

7 L'article 7, paragraphe 1, stipule que lorsqu'une demande a été faite auprès de l'installateur du réseau de la localité, celui-ci examine si le demandeur a droit à la subvention. L'article 7, paragraphe 3, dispose que:

«Si l'installateur du réseau constate que le demandeur a droit à la subvention, il:

a) envoie la demande à l'organisme responsable de la zone concernée et, simultanément, il certifie à celui-ci par écrit qu'il a vérifié que les conditions d'allocation de la subvention sont remplies, telles qu'elles sont fixées par intervalles par cet organisme; et

b) décide, pendant que la demande est en cours d'examen auprès de cet organisme, s'il est disposé à réaliser les travaux étant donné qu'il devra supporter le coût des travaux si cet organisme refuse la subvention, sans préjudice de la responsabilité du demandeur telle que décrite au point i) ci-dessus; et

i) s'il y est disposé, il notifie par écrit au demandeur qu'il est disposé à effectuer les travaux étant donné que, à moins que la demande de subvention soit rejetée ou que la subvention ne soit pas payée par l'organisme responsable de la zone concernée en raison d'une déclaration inexacte sur un élément substantiel (material misrepresentation), le demandeur ne sera tenu de payer pour les travaux que le montant qui a été accepté par écrit entre le demandeur et l'installateur du réseau avant la présentation de la demande, ce montant correspondant à la différence entre le montant total des travaux et le montant de la subvention ...»

8 Selon l'article 7, paragraphe 4, on entend par «déclaration inexacte sur un élément substantiel» toute fausse déclaration par le demandeur ou pour le compte de celui-ci, portant sur un point essentiel des conditions devant être remplies en vue de l'octroi de la subvention.

9 L'article 9 fixe le montant maximum des subventions, qui, s'agissant du conseil en énergie, est de 10 GBP.

10 L'article 10, paragraphe 2, prévoit que, lorsque les conditions du versement de la subvention sont remplies, celle-ci est versée par l'organisme responsable de la zone concernée, au moment qu'il détermine. Si les travaux ont été effectués par un installateur du réseau, la subvention est versée à ce dernier.

11 Le formulaire exigé par l'EAGA en application de l'article 4 porte le titre «formulaire de demande d'une subvention en application du programme pour l'efficacité énergétique dans le logement»; des «notes explicatives» et un «accord» sont annexés au formulaire.

L'accord stipule que:

«Dans cet accord, `vous' signifie la personne demandant la subvention et `l'entrepreneur' signifie l'installateur du réseau. Vous et l'entrepreneur convenez de ce qui suit:

1. L'entrepreneur réalisera les travaux pour le prix décrit au point 3 de la première page.

a) L'entrepreneur a droit à ce qui suit:

- s'il y a lieu, au paiement auquel vous êtes tenu conformément au point 3 de la première page. Cependant, vous ne devez procéder au paiement que si les travaux ont été effectués conformément à ce que vous pouvez raisonnablement attendre;

- à la subvention payable en vertu des Home Energy Efficiency Grants Regulations lorsque l'EAGA Ltd paie la subvention à l'entrepreneur.

b) Si l'entrepreneur effectue les travaux et que l'EAGA Ltd. n'approuve pas la demande de subvention ou qu'elle ne verse pas la subvention en raison d'une déclaration inexacte sur un élément substantiel, vous devrez alors payer à l'entrepreneur la totalité des travaux (lorsque ceux-ci ont été réalisés conformément à ce que vous pouviez raisonnablement attendre).

3. L'entrepreneur doit réaliser les travaux et effectuer tous les actes relatifs à ceux-ci conformément aux Home Energy Efficiency Grants Regulations.»

III - Faits et procédure

12 Keeping Newcastle Warm (ci-après «KNW») est une société à engagement limité par garantie (company limited by guarantee), enregistrée au Royaume-Uni aux fins de la TVA. Elle a principalement pour objet la promotion et l'utilisation efficace de l'énergie en général et, en particulier, parmi les personnes qui sont dans le besoin, ainsi que la réalisation des travaux appropriés, la promotion et la délivrance de conseils et de formations en matière d'efficacité énergétique. Selon ses propres indications, KNW est une «non-profit-organisation» (organisation à but non lucratif).

13 KNW a été désignée installatrice du réseau et cela, d'après le dossier, dans une zone incluant Tyne et Wear, Northumberland, Cumbria et certaines régions bordant les frontières écossaises. Dans cette zone, elle a conclu, avec les occupants de certains logements, des accords portant sur le conseil en énergie. De ce fait, l'EAGA lui a octroyé la subvention de 10 GBP, prévue à cet effet.

14 La procédure au principal porte sur un litige entre KNW et les Commissioners of Customs and Excise devant le VAT and Duties Tribunal, Manchester Tribunal Centre, concernant la demande introduite par KNW afin d'obtenir le remboursement de la TVA versée par elle entre le 1er avril 1991 et le 31 août 1996, qui, selon elle, correspond à un trop-perçu; la somme réclamée s'élève, au total, à 939 492,01 GBP.

15 KNW a introduit un recours auprès de la High Court of Justice contre la décision du VAT and Duties Tribunal. KNW a fait valoir que les 10 GBP qu'elle reçoit de l'EAGA pour chacun des conseils qu'elle a fournis font partie de la contrepartie au sens de la jurisprudence Tolsma (2).

16 KNW a attiré l'attention sur l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), in fine, de la sixième directive, à savoir les termes: «y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations». Elle a soutenu que ces termes ne peuvent avoir un sens que si les autres subventions ne sont pas incluses dans la base d'imposition. Elle a précisé que ces termes ont pour objet d'étendre le champ d'application de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive et que, en dehors de ce cadre, les subventions ne sont pas incluses dans la base d'imposition. En effet, selon elle, toutes les subventions directement liées au prix de ces opérations constituent des paiements effectués au titre de celles-ci et font normalement partie de la contrepartie. En bref, KNW estime que ces termes seraient superflus s'il était possible d'inclure des subventions dans la base d'imposition en dehors du cadre de ceux-ci.

17 Au cours de la procédure devant le VAT and Duties Tribunal, les Commissioners of Customs and Excise ont fait valoir qu'une subvention n'était payable que dans le cas où l'entrepreneur habilité (en l'espèce KNW) et le client ont conclu un accord dans les formes prévues à l'article 8, paragraphe 2, des Regulations de 1992. Ils précisent que, bien que l'article 10, paragraphe 2, autorise le versement direct du paiement à l'installateur du réseau, il doit exister un contrat entre l'installateur du réseau et l'occupant du logement et que la subvention est versée au bénéfice de ce dernier. Selon eux, la subvention fait partie de la contrepartie et donc de la base d'imposition.

18 Par décision du juge compétent de la High Court, le VAT and Duties Tribunal, Manchester Centre, a, par une ordonnance du 8 septembre 2000, déféré les questions suivantes à la Cour.

IV - Questions préjudicielles

19 Les questions préjudicielles sont libellées comme suit:

1) Le paiement versé par l'Energy Action Grants Agency à l'appelante, concernant un conseil en énergie donné à l'occupant d'un logement qui y a droit, est-il une subvention au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive du Conseil 77/388/CEE?

2) Si la réponse à la première question est positive, ce paiement est-il en outre directement lié au prix de l'opération de délivrance de conseil en énergie, de sorte qu'il fait partie de la base d'imposition de cette opération en raison des termes par lesquels se termine l'article 11, A, paragraphe 1, sous a)?

3) Si la réponse à la deuxième question est négative, ce paiement fait-il néanmoins partie de la base d'imposition au motif qu'il constitue la contrepartie (ou une partie de la contrepartie) d'une opération?

V - Arguments des parties

20 Keeping Newcastle Warm (KNW) considère que, conformément à la terminologie usuelle et à l'interprétation de la Cour dans l'affaire Steenkolenmijnen, il convient d'entendre par le terme «subvention» «une prestation en monnaie ou en nature accordée pour le soutien d'une entreprise en dehors du paiement» (3). Selon KNW le versement de 10 GBP constitue une telle subvention. Elle fait valoir qu'une subvention ne peut constituer une contrepartie au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive que lorsqu'elle est directement liée au prix de l'opération.

21 KNW estime que, en l'espèce, ce lien direct fait défaut. Selon elle, si l'on considérait que le montant qu'elle exigerait pour le conseil en énergie correspond au prix, alors, compte tenu du plafond de 10 GBP, d'une part, et, d'autre part, du fait que ce conseil ne peut incontestablement pas être proposé à un prix moindre, le montant précité correspondrait toujours au plafond, de sorte qu'il ne saurait être question d'un lien direct. En revanche - toujours selon KNW -, si on se fondait sur le coût réel pour le consommateur, il conviendrait, comme le coût pour le client est nul, de considérer que, en fait, l'aide agit comme une subvention forfaitaire finançant les frais de fonctionnement de KNW et qu'elle n'a pas de lien direct avec le prix.

22 Selon KNW, l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), in fine, de la sixième directive, aux termes duquel il convient également d'entendre par contrepartie les subventions directement liées au prix des opérations, a pour but d'effectuer une distinction entre les subventions en fonction de la manière dont est calculé leur montant - et non pas en fonction de l'existence ou non d'un lien direct entre la subvention et la fourniture - afin de les exclure, le cas échéant, du champ d'application de la TVA. KNW fait valoir que, de manière générale, les subventions ne sont pas soumises à la TVA, sauf disposition expresse en ce sens. D'après elle, cette interprétation est confirmée par l'article 19 de la sixième directive, relatif au calcul du prorata de déduction.

23 KNW en déduit que les critères qui permettent d'inclure les subventions dans la «contrepartie» sont plus restreints que ceux permettant d'identifier cette dernière. Selon KNW, il convient, dès lors, de considérer que ce sont non pas les critères développés par la Cour dans l'arrêt Tolsma, mais l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive qui est déterminant.

24 Pour le gouvernement britannique, il s'agirait, en revanche, uniquement de savoir si l'aide financière en cause doit être considérée comme une «contrepartie» conformément aux principes généraux en matière de TVA, tels qu'ils ressortent de la jurisprudence de la Cour en la matière (4), sans qu'il soit nécessaire de tenir compte du fait que l'aide financière a été fournie sous la forme d'une subvention. Selon le gouvernement britannique, l'aide financière pour le conseil en énergie remplit les critères établis par la Cour pour l'existence et la valeur d'une contrepartie. Il signale, entre autres, qu'il existe un lien direct entre les subventions et les prestations fournies par KNW.

25 Le gouvernement britannique constate par ailleurs que la jurisprudence de la Cour a donné un champ d'application très large à la TVA et qu'il convient d'attribuer une signification aussi large que possible à la notion de «contrepartie», afin de garantir le respect du principe de la neutralité fiscale. Il considère que, vu sous cet éclairage, le passage «y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations» à l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), doit être considéré comme une simple mise au point. Selon lui, l'intégralité de ce passage final de la disposition en cause a pour objectif de confirmer que l'origine de la contrepartie n'a aucune importance. Le gouvernement britannique estime que cette interprétation est confirmée par la genèse et les travaux préparatoires du texte en question.

26 Le gouvernement britannique en conclut que l'applicabilité de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive aux subventions ne dépend pas de l'existence d'un lien direct entre celles-ci et le prix. Selon lui, on peut imaginer une subvention qui n'a certes pas de lien direct avec le prix de la fourniture, mais avec la fourniture elle-même et qui constitue, par conséquent, une contrepartie aux fins de la TVA.

27 D'ailleurs, le gouvernement britannique est d'avis que KNW se trompe lorsqu'elle estime que les subventions sont, en principe, exclues du champ d'application de la TVA et que ce dernier a, en fait, été étendu aux subventions par le biais du passage final des dispositions en question. Il considère que cette analyse n'est pas logique compte tenu du principe, selon lequel tout ce que le fournisseur d'une prestation obtient pour celle-ci constitue la valeur de la contrepartie.

28 Enfin, le gouvernement britannique signale que le conseil en énergie n'est pas gratuit. Il indique que, lorsqu'aucune subvention n'est accordée, il convient de payer le prix du conseil. Le gouvernement britannique précise que, dans ce cas, l'intégralité du montant serait soumise à la TVA. Selon lui, la question de savoir s'il existe un lien direct entre la subvention et le prix est une question de fait qui relève plutôt de la compétence des juridictions nationales.

29 Au cours de la procédure orale, le gouvernement britannique a invoqué l'affaire Office des produits wallons (5) au soutien de la thèse selon laquelle il existerait, en l'espèce, un lien direct entre la subvention et le prix au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

30 La Commission fait valoir que la référence aux subventions à l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive montre clairement que la notion de contrepartie obtenue de la part d'un tiers comprend également les subventions directement liées au prix. D'après la Commission, la règle, selon laquelle un versement effectué par un tiers, qui peut être un organisme public, pour la fourniture d'un bien ou d'un service fait partie de la base d'imposition, ne s'étend cependant pas aux subventions générales ni aux subventions d'exploitation. Dans ce contexte, la Commission renvoie aux arrêts rendus par la Cour dans les affaires Mohr (6) et Landboden-Agrardienste (7).

31 La Commission indique que la subvention réduit, voire couvre le montant dû, indépendamment de la question de savoir si le conseil en énergie constitue une opération séparée ou une partie d'une opération complexe.

32 Contrairement à KNW, la Commission n'estime pas qu'il découle du paiement systématique du montant de 10 GBP que la subvention n'a pas de lien direct avec le prix. En effet, comme le rappelle la Commission, la subvention est accordée en vue de couvrir les frais du conseil en énergie à hauteur de 10 GBP au maximum.

33 Enfin, la Commission fait valoir qu'il ne s'agit pas tellement de la notion de subvention, mais de la question de savoir si cette dernière constitue une partie de la contrepartie. Tel serait le cas en l'espèce. KNW fournit un service, à savoir le conseil d'occupants de logements concernant des mesures d'économie d'énergie, pour lequel elle perçoit un certain montant. Pour la Commission, ce montant constitue donc la base d'imposition, indépendamment de la question de savoir si ce paiement correspond à une subvention au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), à une contrepartie versée par un tiers pour un service fourni à l'occupant du logement ou, effectivement, à la contrepartie d'un service fourni à l'EAGA, mais consistant dans le conseil d'occupants de logements.

34 Au cours de la procédure orale, la Commission a signalé que, en l'espèce, les critères établis par la Cour dans l'affaire Office des produits wallons pour inclure des subventions dans la base d'imposition sont remplis.

IV - Appréciation

35 Les questions déférées par la juridiction nationale concernent l'interprétation de la notion de «subventions directement liées au prix» au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, et, notamment, le point de savoir s'il convient d'inclure dans la base d'imposition le versement qui, comme en l'espèce, est effectué par un organisme national à une entreprise pour un conseil en énergie que celle-ci fournit à certains occupants de logements. Les trois questions préjudicielles seront examinées de manière commune.

36 À titre introductif, il convient de donner raison à KNW et au gouvernement britannique, lorsque ceux-ci affirment que, de manière générale, on entend par subvention un paiement effectué - normalement dans l'intérêt général - par un organisme public. La sixième directive n'impose a priori pas de signification particulière pour ce terme et la Cour semble, quant à elle, employer la notion de «subvention» dans le sens précité (8).

37 En mentionnant les subventions à l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, le législateur communautaire a, en tout état de cause, clairement fait savoir que, en principe, les subventions peuvent être soumises à la TVA. Reste à savoir, comme en l'espèce, dans quelle mesure et dans quelles conditions cela peut se faire.

38 Aux termes de l'article 2, point 1, de la sixième directive, qui définit le champ d'application de la TVA, sont soumises à la TVA «les livraisons de biens et de prestations de services, effectuées à titre onéreux». L'élément déterminant d'une opération imposable consiste donc dans l'existence d'une livraison à laquelle on peut attribuer une contrepartie et vice versa.

39 Il est un fait qu'une subvention émanant d'un organisme public peut revêtir les formes les plus diverses. Ainsi, il peut s'agir d'une subvention générale destinée à couvrir les frais d'exploitation de manière globale, auquel cas il n'y aurait, en dehors de celui qui octroie la subvention et du bénéficiaire de celle-ci, aucun tiers qui serait concerné en tant que consommateur, ou alors seulement des tiers concernés de manière indirecte. Il peut également s'agir d'une subvention qu'un organisme verse à un bénéficiaire afin qu'un tiers puisse profiter (à un prix moindre) d'une prestation concrète. En général, on n'a d'opération taxable que dans l'hypothèse d'une subvention au sens de celle citée en dernier, c'est-à-dire une subvention accordée dans le cadre d'une relation triangulaire.

40 Cela est dû au fait que les subventions émanant d'un organisme public sont octroyées dans l'intérêt général et non pas en vue de la consommation d'un bien ou d'un service par l'organisme public lui-même. Pour que l'on soit en présence d'une consommation et donc d'une opération taxable au sens de l'article 2 de la sixième directive, il faut qu'il y ait un tiers bénéficiant de la prestation.

41 D'ailleurs, la Cour a, dans son arrêt rendu dans l'affaire Office des produits wallons, constaté que: «En effet, l'article 11, A, de la sixième directive vise des situations où trois parties sont en cause, à savoir l'autorité qui accorde la subvention, l'organisme qui en bénéficie et l'acheteur du bien ou le preneur du service respectivement livré ou fourni par l'organisme subventionné. Ainsi, les opérations visées par l'article 11, A, de la sixième directive ne sont pas celles accomplies au profit de l'autorité qui octroie la subvention.» (9)

42 Dans la présente espèce, une relation triangulaire de ce type est constituée par l'Energy Action Grants Agency en tant qu'autorité qui accorde la subvention pour le conseil en énergie, par KNW en tant qu'organisme fournissant le service de conseil en énergie et bénéficiant de la subvention et par l'occupant du logement en tant preneur du service fourni par KNW.

43 Les dispositions relatives aux subventions figurant à l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), in fine, de la sixième directive visent donc des subventions comme celle dont il s'agit en l'espèce, comportant une telle relation triangulaire.

44 S'agissant de ce type de cas, où une livraison ou un service n'intervient pas au profit de l'organisme qui a accordé la subvention, l'exigence d'un lien direct entre la subvention et le prix de l'opération montre clairement que la subvention ne peut - comme l'indique l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de manière générale - être taxée que lorsqu'elle constitue une partie de la contrepartie, c'est-à-dire qu'elle est spécifiquement versée en vue de la fourniture d'un bien ou d'une prestation de services à un consommateur (10).

45 Selon la jurisprudence constante de la Cour, il doit exister un «lien direct» entre la fourniture d'un bien ou d'une prestation de services et la rémunération versée en échange, pour qu'un paiement puisse être considéré comme la contrepartie d'un service ou de la livraison d'un bien (11).

46 Le lien direct exigé par la jurisprudence doit par conséquent également exister entre la subvention et la fourniture d'un bien ou d'une prestation de services (12).

47 S'agissant des subventions, la Cour a établi les critères suivants, permettant de constater si la subvention a un lien direct avec une fourniture et si, de ce fait, elle constitue une contrepartie (13): le prix du bien ou du service doit être déterminé, quant à son principe, au plus tard au moment où intervient le fait générateur. Par ailleurs, il doit être constaté que l'engagement de verser la subvention pris par celui qui octroie celle-ci a pour corollaire le droit de la percevoir, reconnu au bénéficiaire, dès lors qu'une opération taxable a été accomplie par ce dernier. De plus, le prix du bien ou du service doit être déterminable.

48 Ainsi qu'il ressort des faits décrits par la juridiction de renvoi, KNW fournit aux occupants des logements un service de conseil en énergie sur le fondement d'un accord stipulant que ce service doit être fourni à un prix déterminé et indiqué («au point 3 de la première page»). Le prix du conseil en énergie est donc établi et déterminable.

49 De plus, KNW n'a droit à la subvention que si elle s'engage à effectuer le conseil en énergie. C'est ce qui découle également de l'accord et de l'article 10 des Regulations.

50 Par conséquent, la subvention a un rapport manifeste avec la fourniture d'un conseil en énergie; elle est destinée au paiement de l'intégralité ou d'une partie du prix de ce service et elle est donc versée à titre de contrepartie et non pas de manière globale afin de couvrir l'ensemble des coûts de fonctionnement de KNW (14). Une subvention dans le sens précité en dernier lieu ne constituerait, en l'absence de lien avec une fourniture, pas une contrepartie et elle ne serait donc pas soumise à la TVA.

51 Le fait que la subvention est octroyée par un tiers n'est pas une raison pour ne pas qualifier ladite subvention de contrepartie. Ce cas de figure est comparable à celui des bons de remboursement, où une partie de la contrepartie consiste dans un bon que le consommateur final présente au détaillant afin d'obtenir une réduction du prix d'une marchandise. Dans ce cas, c'est un tiers, à savoir l'émetteur du bon, qui rembourse ensuite au détaillant, sur présentation du bon, la différence entre le prix effectivement payé par le consommateur final et le prix «normal» sans réduction.

52 Ce remboursement par un tiers, qui ne couvre qu'une partie de la contrepartie, a lui aussi été qualifié de contrepartie par la Cour (15).

53 Le fait que la subvention pour le conseil en énergie s'élève au maximum à 10 GBP et qu'elle risque donc de ne couvrir qu'une partie du coût du conseil en énergie n'a, contrairement aux arguments de KNW, pas d'incidence, étant donné qu'il ne change rien au fait que la subvention constitue la rémunération du conseil en énergie.

54 Dans ce contexte, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour (16), aux termes de laquelle l'élément déterminant pour l'appréciation d'une contrepartie est non pas la valeur objective de celle-ci, mais sa valeur subjective.

55 Comme la Commission l'a indiqué à juste titre au cours de la procédure orale, c'est précisément lorsque le prix consiste dans la subvention qu'il y a un lien direct entre le prix et la subvention.

56 Il convient par conséquent de répondre à la juridiction de renvoi qu'un paiement comme celui dont il s'agit en l'espèce doit être inclus dans la base d'imposition à titre de subvention au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

VII - Conclusion

57 Par ces motifs, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à l'ensemble des questions déférées:

Le paiement d'une subvention comme celle dont il s'agit en l'espèce constitue la contrepartie d'une opération et doit être inclus dans la base d'imposition en vue de la détermination de la taxe sur le chiffre d'affaires conformément à la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme.

(1) - JO L 145, p. 1.

(2) - Arrêt du 3 mars 1994, Tolsma (C-16/93, Rec. p. I-743, point 14).

(3) - Arrêt du 23 février 1961 (30/59, Rec. p. 3, spécialement p. 39).

(4) - Arrêts du 5 février 1981, Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats (154/80, Rec. p. 445); du 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council (102/86, p. 1443); du 23 novembre 1988, Naturally Yours Cosmetics (230/87, p. 6365). du 3 mars 1994, Tolsma (C-16/93, précité à la note 3), et du 2 juin 1994, Empire Stores (C-33/93, Rec. p. I-2329).

(5) - Arrêt du 22 novembre 2001 (C-184/00, non encore publié au Recueil, point 10).

(6) - Arrêt du 29 février 1996 (C-215/94, Rec. p. I-959).

(7) - Arrêt du 18 décembre 1997 (C-384/95, Rec. p. I-7387).

(8) - Voir, sur ce point, l'arrêt du 18 décembre 1997, Landboden-Agrardienste (C-384/95, précité à la note 8, point 20).

(9) - Arrêt du 22 novembre 2001 (C-184/00, précité à la note 6, point 10).

(10) - Arrêt du 22 novembre 2001, Office des produits wallons (C-184/00, précité à la note 6, point 12).

(11) - Voir, entre autres, les arrêts du 5 février 1981, Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats (154/80, précité à la note 5, point 12); du 23 novembre 1988, Naturally Yours Cosmetics (230/87, précité à la note 5, point 11), et du 3 mars 1994, Tolsma (C-16/93, précité à la note 3, point 13).

(12) - Voir, sur ce point, la première phrase au point 14 de l'arrêt dans l'affaire C-184/00 (précité à la note 6).

(13) - Arrêt dans l'affaire C-184/00 (précité à la note 6, point 13).

(14) - Voir l'arrêt dans l'affaire C-184/00 (précité à la note 6, point 15).

(15) - Arrêt du 24 octobre 1996, Argos Distributors (C-288/94, Rec. p. I-5311, point 18).

(16) - Arrêt dans l'affaire C-288/94 (précité à la note 16, points 16 et 17) et la jurisprudence y citée.