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Avis juridique important

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62001C0149

Conclusions de l'avocat général Tizzano présentées le 12 septembre 2002. - Commissioners of Customs & Excise contre First Choice Holidays plc. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) - Royaume-Uni. - Sixième directive TVA - Article 26, paragraphe 2 - Régime particulier de taxation des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques - Base d'imposition - Marge - Montant total à payer par le voyageur. - Affaire C-149/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-06289


Conclusions de l'avocat général


1. Par ordonnance du 13 mars 2001, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) a adressé à la Cour, en application de l'article 234 CE, une question préjudicielle concernant l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (ci-après la «sixième directive») . En particulier, la Court of Appeal désire savoir si la notion de «montant total à payer par le voyageur» visée à l'article 26, paragraphe 2, comprend ou non le montant qu'une agence de voyages, opérant en tant qu'intermédiaire pour le compte d'un organisateur de circuits touristiques (tour operator), a versé à ce dernier en complément du prix payé par l'acheteur d'un voyage organisé.

I - Cadre juridique

A - Dispositions communautaires

2. L'article 26 de la sixième directive institue un régime particulier pour déterminer la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») relativement à certaines opérations des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques. Les paragraphes 1 et 2 de cet article prévoient en particulier que:

«1. Les États membres appliquent la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent article, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent article n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaire et auxquelles l'article 11, sous A, paragraphe 3, sous c), est applicable. Au sens du présent article, sont également considérés comme agences de voyages les organisateurs de circuits touristiques.

2. Les opérations effectuées par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de service unique de l'agence de voyages au voyageur. Celle-ci est imposée dans l'État membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. Pour cette prestation de services est considérée comme base d'imposition et comme prix hors taxe, au sens de l'article 22, paragraphe 3, sous b), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total à payer par le voyageur hors taxe à la valeur ajoutée et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons et prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur.»

B - Dispositions nationales

3. Le régime particulier de l'article 26 de la sixième directive est connu dans la législation du Royaume-Uni comme le Tour Operators' Margin Scheme (régime relatif à la marge des organisateurs de circuits touristiques, ci-après le «TOMS»). Il est régi par l'article 53 du Value Added Tax Act 1994 (loi de 1994 sur la TVA) et par le Value Added Tax (Tour Operators) Order 1987 (règlement de 1987 relatif à la TVA applicable aux organisateurs de circuits touristiques). Le fonctionnement du TOMS est précisé dans le VAT Leaflet 709/5/88 (circulaire 709/5/88 en matière de TVA) des Commissioners of Customs & Excise (ci-après les «Commissioners») .

II - Faits, procédure nationale et question préjudicielle

A - Faits à l'origine du litige au principal

4. Selon ce qui est indiqué dans l'ordonnance de renvoi, la société First Choice Holidays Plc (ci-après «First Choice») organise des voyages à forfait qui, présentés dans un catalogue, sont vendus au public par l'intermédiaire d'agences de voyages. Les contrats qui régissent les rapports entre First Choice et ses agences se limitent à établir que, pour tout voyage vendu, l'agence est tenue de lui verser le prix du catalogue et perçoit pour sa part une commission égale à un certain pourcentage (généralement 10 %) de ce prix. Ces contrats ne prévoient en revanche rien sur les prix à facturer aux clients, laissant ainsi les agences libres d'accorder des rabais sur les prix de catalogue. En définitive, donc, à chaque fois qu'elles accordent un rabais, les agences doivent supporter la différence entre le prix du voyage sur catalogue et le prix effectivement payé par l'acheteur du voyage.

5. Toujours selon l'ordonnance de renvoi, en général First Choice n'a pas connaissance du fait que ses voyages sont vendus à des prix réduits ni du montant des rabais pratiqués. De leur côté, les clients ignorent les accords financiers entre First Choice et ses agences. Il résulte en outre de cette ordonnance que le montant des rabais en question est dans la majeure partie des cas inférieur à la commission due par First Choice à l'agence, tout en pouvant parfois l'égaler ou même la dépasser.

6. Concrètement donc, lors de la vente d'un voyage, l'agence en perçoit le prix auprès de l'acheteur et le reverse à First Choice, en le complétant, le cas échéant, d'une somme égale au rabais pratiqué. En même temps, toutefois, l'agence déduit du montant dû à First Choice la commission qui lui revient pour la vente, augmentée de la TVA. Le paiement final reçu par First Choice est donc net de la commission due à l'agence ainsi que de la TVA sur cette commission.

B - Procédure nationale et question préjudicielle

7. Selon ce qui résulte du dossier, jusqu'en 1998 First Choice a calculé sa marge imposable aux fins de l'application du TOMS sur la base du montant total qui lui avait été versé par les agences de voyages, indépendamment de savoir si celles-ci avaient ou non accordé des rabais aux acheteurs des voyages. Toutefois, par lettre du 29 septembre 1998, elle a demandé aux Commissioners le remboursement de la TVA versée à concurrence de la somme de 921 456 GBP, au motif que, dans le calcul de la marge imposable, elle aurait dû tenir uniquement compte du prix des voyages effectivement payé par les acheteurs, et non des montants correspondant aux éventuels rabais pratiqués par les agences de voyages et restés à la charge de ces dernières. Contestant cette interprétation, les Commissioners ont cependant rejeté la demande de First Choice par lettre du 9 octobre 1998.

8. First Choice a donc attaqué le refus des Commissioners devant le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni), qui, par décision du 22 novembre 1999, a accueilli sa demande. Ce tribunal a estimé que la différence entre le prix catalogue des voyages et le prix effectivement facturé aux acheteurs, restée à la charge des agences de voyages et versée par celles-ci à First Choice, ne devait pas être incluse dans le calcul de la marge d'imposition aux fins de l'application du TOMS. Les Commissioners ont fait appel de cette décision devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), qui, toutefois, par arrêt du 28 juin 2000, a confirmé le jugement de première instance. Dans cette décision, la High Court a exclu que la différence de prix versée par les agences de voyages à First Choice puisse constituer un montant «à payer par le voyageur» au sens de l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive. Par ailleurs, la High Court a en tout état de cause jugé que l'appréciation du VAT and Duties Tribunal, selon laquelle ce montant représentait la rémunération versée par l'agence de voyages à First Choice en contrepartie de la faculté de décider librement du prix du voyage, constitue une constatation de fait ne pouvant pas être remise en cause en appel .

9. Les Commissioners ont attaqué l'arrêt de la High Court devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division), laquelle a sursis à statuer pour demander à la Cour à titre préjudiciel:

«Lorsqu'un organisateur de circuits touristiques, au sens de l'article 26 de la directive 77/388/CEE,

a) vend des voyages à forfait par l'intermédiaire d'une agence de voyages, dans le cadre d'un contrat de commission;

b) permet à l'agence de vendre les voyages à forfait en appliquant le prix du catalogue de l'organisateur diminué d'un rabais (le voyageur n'étant tenu de payer pour le voyage que le prix réduit);

c) oblige l'agence qui a vendu le voyage à un prix réduit non seulement à lui reverser le prix effectivement porté en compte au voyageur, mais également à lui payer un montant additionnel égal au rabais accordé au voyageur (lequel ne sait rien des arrangements financiers entre l'organisateur et l'agence), de sorte que l'organisateur est payé par l'agence à concurrence du prix plein du voyage tel qu'il figure dans le catalogue;

d) s'engage à payer à l'agence une commission, calculée sur la base du prix du voyage tel qu'il figure dans le catalogue, qui vient en pratique réduire par compensation le montant dû par l'agence mentionné au point c) ci-dessus;

e) ignore si l'agence a accordé un rabais lors de la vente d'un voyage particulier et ne connaît pas, le cas échéant, le montant de ce rabais;

f) en ce qui concerne sa relation avec l'agence, enregistre la vente du voyage sur la base du paiement du prix plein figurant dans le catalogue;

1) comment le montant additionnel payé par l'agence à l'organisateur [voir le point c), ci-dessus] doit-il, compte tenu des circonstances rappelées ci-avant, être qualifié aux fins de l'application de l'article 26, paragraphe 2, de la directive?

2) le montant total à payer par le voyageur, au sens de l'article 26, paragraphe 2, de la directive comprend-il le montant additionnel mentionné au point c), ci-dessus?»

III - Procédure devant la Cour

10. Au cours de la phase écrite de la procédure, First Choice, le Royaume-Uni, la République fédérale d'Allemagne et la Commission ont déposé des observations devant la Cour. À l'exception du gouvernement allemand, ceux-ci ont en outre présenté des observations orales à l'audience qui s'est tenue le 14 mars 2002.

IV - Analyse juridique

A - Considérations préliminaires sur l'objet et la portée de la question préjudicielle

11. Pour aborder l'analyse de la question posée par la Court of Appeal, il convient d'en préciser d'abord l'objet et la portée; et ce en particulier à la lumière du débat entre les parties en ce qui concerne la première partie de la question, que First Choice suggère même de reformuler.

12. Nous commencerons donc précisément par la première partie de la question. Si nous avons bien compris ses arguments, First Choice entend soutenir que, selon la répartition de compétences prévue à l'article 234 CE, il appartient au juge national de se prononcer sur la qualification juridique, au sens de l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive, du montant additionnel versé, dans les circonstances indiquées dans la question, par l'agence de voyages à l'organisateur de circuits touristiques. À son avis, en effet, une telle appréciation porte non sur l'interprétation des dispositions communautaires en cause, qui incombe à la Cour, mais sur l'application de celles-ci aux faits du litige au principal, qui incombe en revanche au juge national .

13. En outre, ajoute First Choice, au niveau national, la qualification des faits pertinents de l'espèce a déjà été réalisée par le VAT and Duties Tribunal, tandis que le litige devant le juge de renvoi porte sur la possibilité, à la lumière des règles de procédure internes, de remettre en cause cette qualification en appel. Dans ce contexte, il y aurait donc lieu de penser que la première partie de la question vise en réalité à établir si, comme - au dire de First Choice - l'ont affirmé les Commissioners devant la Court of Appeal, le droit communautaire fait obstacle à l'application des règles de procédure du Royaume-Uni dans la mesure où celles-ci excluent que la qualification des faits opérée par le VAT and Duties Tribunal puisse faire l'objet d'un appel.

14. Pour notre part, nous estimons toutefois qu'une reformulation de la première partie de la question dans les termes suggérés par First Choice, reformulation à laquelle d'ailleurs s'opposent à la fois le Royaume-Uni et la Commission, n'est pas justifiée. À cet égard, nous devons rappeler que, dans le cadre de la coopération entre les juges nationaux et la Cour instituée par l'article 234 CE, il appartient à cette dernière, en présence de questions formulées de façon impropre ou dépassant le cadre de sa compétence, d'extraire de l'ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de l'acte portant renvoi, les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation, compte tenu de l'objet du litige au principal. Dans ces conditions, la Cour reformule, si nécessaire, les questions qui lui sont soumises .

15. Toutefois, même s'il est vrai que le texte de la question formulée par la Court of Appeal reflète de façon précise les faits à l'origine de l'affaire dont elle est saisie, cela ne signifie pas que la Cour est pour autant appelée à juger directement de ces faits, en allant au-delà des fonctions qui lui sont assignées par l'article 234 CE . De la lecture de cette question, il nous semble qu'il faut au contraire déduire que les éléments de fait qui y sont rappelés, du reste en termes généraux, par le juge de renvoi servent seulement à circonscrire le cadre du problème juridique par rapport auquel ce juge demande à la Cour de se prononcer.

16. En tout cas, il ressort à l'évidence de l'examen du dossier de l'affaire que le point de droit pertinent pour la solution du litige au principal, sur lequel la Cour devrait se prononcer, n'est en rien celui indiqué par First Choice, à savoir l'éventuelle incompatibilité avec le droit communautaire des règles de procédure du Royaume-Uni en matière de voies de recours. Au contraire, la motivation de l'ordonnance de renvoi indique explicitement que le juge national s'interroge sur l'interprétation à donner à la notion de «montant total à payer par le voyageur» visée à l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive, afin d'en déterminer correctement la portée . Tel est, à notre avis, le point que la Cour est appelée à examiner dans la présente affaire.

17. Plus précisément, nous estimons que, prise dans son ensemble, la question posée par la Court of Appeal tend à établir si le montant additionnel versé par l'agence de voyages à l'organisateur de circuits touristiques doit ou non être considéré comme une partie du «montant total à payer par le voyageur» aux fins du calcul de la marge d'imposition de l'organisateur au sens de l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive. À y bien regarder, en effet, les deux parties de la question ont en réalité le même objet: savoir quelle est la qualification juridique du montant additionnel en question au sens de l'article 26, paragraphe 2, précité ne nous paraît pas différent de demander si ce même montant rentre dans la notion de «montant total à payer par le voyageur» visée à la même disposition. Dans les deux cas il s'agit, en substance, d'établir si le paiement effectué par l'agence de voyages peut être considéré comme la contrepartie du service fourni au voyageur par l'organisateur de circuits touristiques.

18. Par la suite, nous traiterons donc conjointement les deux parties de la question.

B - Sur le fond de la question préjudicielle

19. Passant maintenant à l'examen du fond de la question préjudicielle, dans la formulation que nous avons suggérée, nous croyons qu'il convient de procéder par étapes, en établissant d'abord si la notion de «montant total à payer par le voyageur» visée à l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive comprend aussi les montants versés par des tiers à une agence de voyages ou (dans le cas d'espèce) à un organisateur de circuits touristiques. Dans l'affirmative, il conviendra ensuite de déterminer si cette notion inclut le «montant additionnel» versé par l'agence de voyages dans les circonstances particulières indiquées par le juge de renvoi.

20. Sur le premier point, la position de First Choice peut être résumée comme suit. Elle estime que le régime de l'article 26 de la sixième directive constitue une exception aux règles générales en matière de détermination de la base imposable fixées par l'article 11 de la même directive, et non un cas particulier d'application de ces règles. Il serait donc erroné d'interpréter l'expression «montant total à payer par le voyageur» de l'article 26, paragraphe 2, à la lumière de la notion de «contrepartie» utilisée par l'article 11, qui, selon la partie A, paragraphe 1, sous a), de cette disposition, inclut toutes les sommes versées pour une prestation de services, indépendamment de savoir si elles sont versées par le destinataire de la prestation ou par un tiers . En effet, selon First Choice, à la différence de ce qui se passe dans le régime général prévu audit article 11, dans le cadre du régime particulier des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques prévu à l'article 26, paragraphe 2, seul importe le rapport spécifique entre le destinataire et le fournisseur du service, c'est-à-dire entre le voyageur et (dans le cas d'espèce) l'organisateur de circuits touristiques. Dans ces conditions, les sommes éventuellement versées par un tiers à un tel organisateur ne pourraient rentrer dans la notion de «montant total à payer par le voyageur» que lorsque le tiers a agi en qualité de mandataire ou de représentant du voyageur.

21. Le Royaume-Uni, la République fédérale d'Allemagne et la Commission sont d'un avis opposé. En particulier, le Royaume-Uni et, dans une certaine mesure, la République fédérale d'Allemagne soutiennent que la dérogation au régime général de la sixième directive, introduite par son article 26, doit être limitée, comme toutes les dispositions dérogatoires, au strict nécessaire pour atteindre la finalité que la disposition poursuit, c'est-à-dire simplifier l'application du régime général de la TVA dans le contexte particulier des opérations des agences de voyages, où il pourrait donner lieu à des difficultés pratiques considérables. Dans cette optique, il n'y aurait aucune raison de considérer que l'article 26, paragraphe 2, de ladite directive déroge à la notion de contrepartie visée à l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la même directive. En conséquence, contrairement à ce qui est affirmé par First Choice, il faudrait précisément faire référence à cette dernière notion dans l'interprétation de l'expression «montant total à payer par le voyageur» utilisée audit article 26, paragraphe 2. Il faudrait donc également inclure dans celle-ci les montants payés par un tiers en relation avec la prestation de service rendue par l'organisateur de circuits touristiques, c'est-à-dire avec la réalisation du voyage pour le client.

22. Pour sa part, la Commission insiste en particulier sur le fait que l'inclusion dans le «montant total à payer par le voyageur» de tout ce qui a été versé à l'organisateur de circuits touristiques pour le service fourni au voyageur, y compris les montants versés par des tiers, répond à un principe général en la matière. S'il en était autrement, en effet, on créerait une différence injustifiée entre le régime particulier prévu à l'article 26 de la sixième directive et le régime ordinaire de la TVA. Si l'on tenait compte, aux fins de la détermination de la base imposable, de tout ce qui a été versé au prestataire pour le service rendu, indépendamment du fait que le versement provienne du destinataire de la prestation, de l'acheteur ou d'un tiers, ce régime serait moins favorable que le régime particulier.

23. Entre les deux thèses exposées, c'est la seconde que nous partageons. Nous relevons d'abord que, comme cela a été rappelé à juste titre, le régime introduit par l'article 26 de la sixième directive vise à adapter le régime ordinaire de la TVA en ce qui concerne le lieu d'imposition, la base imposable et la déduction de la taxe payée en amont, aux spécificités de l'activité des agences de voyages, en particulier afin d'éviter les difficultés qui découleraient pour elles de l'application de ce régime . Tout aussi justement, il a été rappelé en outre que, constituant une exception au régime normal de la sixième directive, le régime dudit article 26 ne doit être appliqué que dans la mesure nécessaire pour atteindre son objectif .

24. En effet, l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive prévoit un système spécifique de calcul de la base d'imposition, lequel permet de simplifier la récupération de la TVA payée en amont par les agences de voyages et par les organisateurs de circuits touristiques lors de l'achat à des tiers des services nécessaires à la réalisation d'un voyage. Il y a lieu de considérer, en effet, que les services fournis par ces entreprises se caractérisent par le fait que, souvent, ils se composent de multiples prestations, notamment en matière de transport et de logement, achetées auprès de tiers et réalisées tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire de l'État membre où l'entreprise a son siège ou un établissement stable .

25. Or, dans le régime normal de la TVA, en application de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la base d'imposition pour la majeure partie des prestations de services est constituée par la contrepartie du service fourni; il en résulte que, afin de récupérer la taxe payée en amont sur les prestations de services achetées à d'autres personnes pour l'organisation du voyage, l'opérateur devrait remplir les formalités administratives nécessaires, en premier lieu l'identification aux fins de la TVA, dans chaque État membre dans lequel il a acheté ces services. Il est évident que cela rendrait très difficile le déroulement normal des activités des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques. En revanche, dans le régime prévu par l'article 26, paragraphe 2, de cette directive la base d'imposition de la TVA est constituée par la marge bénéficiaire de l'opérateur, c'est-à-dire par la différence entre le «montant total à payer par le voyageur» hors TVA et le coût effectif TVA comprise supporté par l'agence de voyages (ou, dans notre cas, par l'organisateur de circuits touristiques) pour les prestations de services achetées par d'autres personnes. Étant prise comme un élément de coût, la taxe payée en amont est ainsi implicitement «récupérée» par l'opérateur .

26. Toutefois, même s'il est vrai, que le système différent de calcul de la base d'imposition de la TVA dans le régime prévu par l'article 26 de la sixième directive se justifie à la lumière des finalités de ce régime particulier, nous ne voyons pas pourquoi, dans le cadre de ce régime, la notion de «montant total à payer par le voyageur» devrait avoir une portée différente de celle de la notion de «contrepartie» dans le régime normal. Le fait que la méthode de calcul de la base d'imposition diffère d'un régime à l'autre n'implique en rien que les autres éléments à prendre en considération à cette fin diffèrent aussi. De toute évidence, ces notions concernent l'une et l'autre la même donnée économique, à savoir le prix payé au prestataire pour le service rendu, et devraient donc avoir la même portée, à moins qu'une interprétation différente se justifie précisément à la lumière des finalités poursuivies par ledit article 26.

27. Or, le seul argument invoqué par First Choice à l'appui d'une interprétation plus restrictive de la notion de «montant total à payer par le voyageur» par rapport à celle de «contrepartie» est la spécificité du régime de l'article 26 de la sixième directive par rapport aux règles générales de cette directive. Toutefois, comme nous l'avons vu, cette spécificité ne peut pas être étendue au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les finalités de ce régime et nous ne voyons pas, nous le répétons, en quoi une interprétation de l'expression «montant total à payer par le voyageur», à la lumière de la règle générale prévue à l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la même directive serait contraire à ces finalités.

28. La distinction opérée par First Choice toujours, selon laquelle les montants versés par un tiers mandataire ou un représentant du voyageur rentreraient dans le «montant total à payer par le voyageur», mais pas les sommes versées par un tiers qui ne serait pas lié au voyageur par un rapport juridique, ne nous paraît pas davantage fondée. En effet, comme on l'a vu, dans le système de l'article 26 de la sixième directive, l'expression «montant total à payer par le voyageur» n'identifie rien d'autre que le prix du voyage, c'est-à-dire la contrepartie de la «prestation de service [...] de l'agence de voyages au voyageur» au sens de cette disposition. Ce que l'article 26 prend en considération c'est l'aspect économique, et non juridique, de l'échange mutuel de prestations (voyage/contrepartie) afin de calculer la marge bénéficiaire de l'opérateur à travers la comparaison entre le prix du voyage et les coûts supportés à cette fin par l'organisateur. En revanche, rien n'autorise à considérer que, en faisant mention du «voyageur», le législateur communautaire a voulu exclure du calcul de la marge bénéficiaire les montants payés à titre de contrepartie par des tiers qui ne sont pas destinataires de la prestation, à la seule exception des tiers qui agissent au nom et pour le compte du voyageur. First Choice n'avance pas non plus d'arguments convaincants en ce sens.

29. Nous ajoutons que, comme cela a aussi été rappelé, une interprétation tendant à englober dans la notion de «montant total à payer par le voyageur» également les montants versés par un tiers à titre de contrepartie pour l'organisation du voyage trouve confirmation dans la jurisprudence de la Cour, laquelle, aussi en matière de ventes à prix réduits, applique le principe de la valeur «subjective», selon lequel, aux fins du calcul de la base d'imposition dans la cadre du régime normal prévu à l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la contrepartie est constituée par tout ce que le fournisseur de biens ou le prestataire de services a réellement perçu dans chaque cas concret .

30. Nous estimons donc que l'expression «montant total à payer par le voyageur» visée à l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive comprend les montants versés par un tiers à l'organisateur de circuits touristiques à titre de contrepartie pour la réalisation du voyage .

31. Étant donné les considérations qui précèdent, il convient maintenant de déterminer, comme nous l'avions annoncé, si cette notion comprend le montant additionnel versé par l'agence de voyages à l'organisateur de circuits touristiques, dans les circonstances particulières indiquées par le juge de renvoi. Autrement dit, il convient d'établir si ce montant additionnel peut être considéré comme une partie de la contrepartie versée à l'organisateur du voyage.

32. À cet égard, First Choice soutient que le montant additionnel versé par l'agence de voyages est en réalité lié à une opération économique différente de celle relative à la vente du voyage. Il s'agirait, à ses dires, de la contrepartie d'un service fourni par l'organisateur de circuits touristiques à l'agence de voyages, service consistant dans la faculté laissée à celle-ci de fixer librement le prix de vente du voyage. À l'appui de sa thèse, First Choice fait valoir que le client ignore les accords existant entre l'agence et l'organisateur; il est simplement tenu de payer le prix réduit du voyage, tirant bénéfice précisément de cette réduction et non du paiement d'un montant additionnel à l'organisateur par l'agence de voyages. La seule opération économique pertinente aux fins de l'application de l'article 26 de la sixième directive étant donc celle relative à la vente du voyage, First Choice est d'avis que le montant additionnel versé par l'agence échappe à l'application du régime particulier prévu par cette disposition et reste au contraire soumis à taxation dans le cadre du régime normal. En conséquence, même si la notion de «montant total à payer par le voyageur» visée à l'article 26, paragraphe 2, de ladite directive devait être interprétée comme comprenant les sommes versées par des tiers à l'organisateur de circuits touristiques à titre de contrepartie pour la réalisation du voyage, le montant additionnel versé par l'agence de voyages ne releverait pas de cette notion.

33. Pour notre part, tout ce que nous pouvons dire à cet égard est que, à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence constante de la Cour, pour pouvoir considérer le montant additionnel versé par l'agence de voyages comme une partie de la contrepartie du service fourni par l'organisateur de circuits touristiques, il faut qu'il y ait un lien direct entre le versement de ce montant et la prestation du service. Autrement dit, il faut que ce montant additionnel soit versé à l'organisateur de circuits touristiques afin qu'il puisse réaliser le voyage en faveur de l'acheteur . Il semble qu'il faille déduire des éléments de fait rappelés dans la question préjudicielle que tel est précisément le cas: en particulier, il nous paraît significatif que, dans l'hypothèse évoquée par le juge de renvoi, l'organisateur de circuits touristiques soit disposé à vendre le voyage au client uniquement à condition de percevoir l'intégralité du prix de catalogue, et que d'autre part il rémunère l'agence de voyages précisément sur la base de ce prix, et non sur celui éventuellement réduit payé par le client . Cela étant, nous estimons qu'il incombe en tout état de cause au juge de renvoi, à la lumière de tous les éléments dont il dispose, de vérifier l'existence de ces conditions dans les circonstances concrètes du cas d'espèce.

34. Pour conclure, nous croyons qu'il y a lieu de résoudre la question posée par la Court of Appeal en ce sens que la notion de «montant total à payer par le voyageur» visée à l'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive comprend tous les montants perçus par l'agence de voyages ou par l'organisateur de circuits touristiques à titre de contrepartie pour la réalisation du voyage. Il appartient au juge de renvoi de vérifier, sur la base des éléments de fait qui lui sont soumis, si le montant que, dans les circonstances indiquées par ce juge, une agence de voyages, opérant en qualité d'intermédiaire pour le compte d'un organisateur de circuits touristiques, a versé à ce dernier en complément du prix payé par l'acheteur d'un voyage organisé constitue une contrepartie de cette nature.

V - Conclusions

35. À la lumière des considérations exposées plus haut, nous suggérons donc à la Cour de répondre dans les termes suivants à la question soumise par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) par ordonnance du 13 mars 2001:

«L'article 26, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que la notion visée de montant total à payer par le voyageur comprend tous les montants perçus à titre de contrepartie pour la réalisation du voyage par les agences de voyages ou par les organisateurs de circuits touristiques auxquels s'applique le régime particulier prévu par cette disposition, indépendamment de savoir si ces montants sont versés par le voyageur lui-même ou par des tiers. Il appartient au juge de renvoi de vérifier si le montant que, dans les circonstances indiquées par ce juge, une agence de voyages, opérant en qualité d'intermédiaire pour le compte d'un organisateur de circuits touristiques, a versé à ce dernier en complément du prix payé par l'acheteur d'un voyage organisé constitue une contrepartie de cette nature.»