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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. L. A. GEELHOED
présentées le 27 novembre 2003(1)


Affaire C-381/01



Commission des Communautés européennes
contre
République italienne


Affaire C-495/01



Commission des Communautés européennes
contre
République de Finlande


Affaire C-144/02



Commission des Communautés européennes
contre
République fédérale d'Allemagne


Affaire C-463/02



Commission des Communautés européennes
contre
Royaume de Suède


«Manquement, article 11 de la sixième directive 77/388/CEE – Absence de prélèvement de la TVA sur les subventions octroyées en vertu du règlement nº 603/95 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés – Notion de 'subventions directement liées au prix'»






I –   Introduction

1.        Dans les quatre affaires ici en cause, que nous aborderons conjointement, la Commission des Communautés européennes a demandé à la Cour de constater que la République italienne (affaire C-381/01), la république de Finlande (affaire C-495/01), la République fédérale d’Allemagne (affaire C-144/02) et le royaume de Suède (affaire C-463/02) ont manqué aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (ci-après la «sixième directive»)  (2) . En vertu du règlement (CE) nº 603/95 du Conseil, du 21 février 1995, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés  (3) , une aide forfaitaire pour les fourrages séchés artificiellement et les fourrages séchés au soleil est accordée aux entreprises de transformation. Les quatre affaires portent sur la question de savoir si l’aide forfaitaire pour les fourrages séchés artificiellement et les fourrages séchés au soleil doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

II –  Les faits et la procédure

2.        En novembre 1998, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République italienne, à la République fédérale d’Allemagne, à la république de Finlande et au royaume de Suède, étant donné qu’elle estimait que la non-application de la TVA à l’aide octroyée dans le cadre du règlement nº 603/95 était contraire à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. Par cette lettre, la Commission invitait les États membres à lui présenter leurs observations dans les deux mois, ce qu’ils ont fait. En juillet, août et septembre 1999, la Commission leur a alors adressé des avis motivés les invitant à prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois à compter de la notification.

3.        Les 4 octobre 2001, 21 décembre 2001, 17 avril 2002 et 23 décembre 2002 respectivement, la Commission a introduit, conformément à l’article 226, paragraphe 2, CE, un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes contre, dans l’ordre, la République italienne, la république de Finlande, la République fédérale d’Allemagne et le royaume de Suède. La Commission a demandé à la Cour de constater que, en s’abstenant d’appliquer la TVA sur le montant des aides versées en application du règlement nº 603/95, la République italienne, la république de Finlande, la République fédérale d’Allemagne et le royaume de Suède ont manqué aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 11 de la sixième directive et de les condamner aux dépens. Les États membres concernés demandent à la Cour de rejeter le recours de la Commission et de la condamner aux dépens  (4) .

III –  Le cadre juridique

A –   La réglementation des aides au secteur des fourrages séchés et l’historique de son application

4.        Le 22 mai 1978, le Conseil a adopté le règlement (CEE) nº 1117/78  (5) . Ce règlement prévoit, en combinaison avec les règlements (CEE) nº 1417/78  (6) et (CEE) n° 1528/78 du 30 juin 1978  (7) , qui ont été pris pour sa mise en œuvre, une aide à la production de fourrage séché récolté dans la Communauté.

5.        Il ressort des considérants du règlement nº 1117/78 que, à l’époque, la production de fourrage séché était nettement inférieure aux possibilités d’écoulement dans la Communauté, notamment en ce qui concerne la demande destinée à l’alimentation des animaux. Pour promouvoir la production, un système d’aide forfaitaire aux producteurs a été mis en place, complété par un système d’aide complémentaire qui visait à garantir que les producteurs puissent dans tous les cas écouler leur production à un prix d’objectif fixé d’avance. Cette aide complémentaire était égale à un certain pourcentage de la différence entre le prix du marché mondial et le prix d’objectif. Les règles gouvernant ces mesures sont énoncées aux articles 3, 4 et 5, du règlement nº 1117/78.

6.        L’aide illimitée à la production a eu pour conséquence prévisible une surproduction de fourrage (vert) séché dans la Communauté. C’est pourquoi l’organisation des marchés pour le fourrage séché a été adaptée en 1995 par le biais des règlements nº 603/95 et (CE) 785/95  (8) . Ces derniers visaient désormais à restreindre l’octroi de l’aide forfaitaire pour la production de fourrage séché à une quantité maximale indiquée par le règlement nº 603/95. L’aide complémentaire a été totalement abrogée  (9) . Ce dernier règlement établit encore une différence entre le fourrage séché au soleil et le fourrage déshydraté. Les coûts de transformation du fourrage séché au soleil étant moins élevés que ceux du fourrage déshydraté, l’aide forfaitaire pour le premier groupe de produits est sensiblement moins élevée que celle pour le second groupe de produits.

7.        Pour délimiter la production subventionnée de fourrage séché, les articles 4 et 5 du règlement nº 603/95 prévoient un mécanisme dont les principales caractéristiques sont les suivantes:

–pour chaque campagne de commercialisation, une quantité maximale garantie de fourrages déshydratés et de fourrages séchés au soleil est instaurée;

–les quantités maximales garanties sont réparties entre les États membres, dont chacun se voit attribuer des quantités nationales garanties;

–si, au cours d’une campagne de commercialisation, la quantité maximale garantie est dépassée, l’aide à verser au cours de cette campagne est calculée comme suit:

–pour les cinq premiers pour cent au-delà de la quantité maximale garantie, l’aide est diminuée, dans tous les États membres, d’un pourcentage proportionnel à celui du dépassement,

–au-delà des 5 %, des diminutions supplémentaires sont effectuées dans tout État membre dans lequel la production dépasse la quantité nationale garantie, majorée de 5 % au prorata du dépassement.

8.        Ces corrections doivent être telles que les dépenses totales ne dépassent pas celles qui devraient être consenties en l’absence de dépassement de la quantité maximale garantie.

9.        Selon l’article 9 du règlement nº 603/95, l’aide forfaitaire est accordée aux entreprises de transformation qui exercent l’une des activités décrites ci-après:

a)entreprises ayant passé des contrats avec des producteurs de fourrage à sécher,

b)entreprises ayant transformé leur propre production ou, en cas de groupements, celle de leurs adhérents,

c)entreprises ayant été fournies par des personnes physiques ou morales offrant certaines garanties à déterminer et ayant passé des contrats avec des producteurs de fourrage à sécher.

10.      Il ressort du onzième considérant du règlement nº 603/95 que l’aide n’est accordée dans certains cas que si les producteurs et les entreprises de transformation ont conclu des contrats  (10) . Cette disposition a pour but de favoriser l’approvisionnement régulier des entreprises de transformation en fourrage vert et de permettre aux producteurs de bénéficier de l’aide.

11.      Dans le cas où l’entreprise de transformation exerce l’activité visée au point 9 ci-dessus, sous a), elle est tenue de verser aux producteurs l’aide qu’elle a reçue pour les quantités transformées en vertu du contrat  (11) . Le règlement nº 603/95 ne précise pas de quelle manière l’aide doit être rétrocédée aux producteurs. Dans le cas des activités énoncées au point 9 ci-dessus, sous b), l’entreprise de transformation et le producteur sont une seule et même personne, ils ne peuvent être distingués l’un de l’autre. Si l’entreprise de transformation exerce l’activité au point 9 ci-dessus, sous c), c’est cette entreprise elle-même qui bénéficie de la subvention accordée.

12.      Avant que la subvention ne puisse être accordée, le fourrage séché doit avoir quitté l’entreprise (article 8 du règlement nº 603/95). L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 785/95 définit plus en détail les conditions permettant de considérer que le fourrage a quitté l’entreprise  (12) . L’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 785/95 indique encore que les fourrages séchés sortis d’une entreprise de transformation ne peuvent être réadmis à l’intérieur de l’enceinte de celle-ci ou de toute autre entreprise ou de tout lieu d’entreposage.

B –   Contenu de la sixième directive et en particulier de son article 11, A, paragraphe 1, sous a), et historique de son apparition

13.      Le principe sur lequel repose la TVA est formulé comme suit à l’article 2 de la première directive 67/227/CEE  (13) :

«Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée, est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.»

14.      Le système des déductions vise à assurer la neutralité de la taxe – la pierre angulaire de la TVA –, en garantissant que la taxe payée par le consommateur final soit toujours la même, quel que soit le nombre de maillons dans la chaîne de production du produit concerné.

15.      En vertu de l’article 2 de la sixième directive  (14) , sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

16.      L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive détermine la base d’imposition de la TVA à l’intérieur du pays de la manière suivante:

«pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

17.      Il ressort de l’historique de la sixième directive que le législateur communautaire a eu beaucoup de mal à concrétiser la notion de «subventions directement liées au prix de ces opérations».

18.      Voici ce que la Commission écrit à ce sujet, dans son premier rapport sur le fonctionnement du système commun de la TVA publié le 14 septembre 1983  (15) :

«L’article 11-A par. 1 litt. a) de la directive dispose que les subventions reçues par un assujetti et qui sont ‘directement liées au prix’ des opérations effectuées par cet assujetti sont à inclure dans la base d’imposition au titre d’éléments du prix payés par des tiers. S’il est relativement facile de considérer, en première analyse, comme ‘directement liées au prix’ les subventions dont le montant est déterminé soit par rapport au prix de vente des biens ou des services fournis, soit en fonction des quantités vendues, soit encore en fonction du coût de biens ou de services offerts gratuitement au public, le plus grand doute subsiste en ce qui concerne d’autres types de subventions, telles que les subventions dites d’équilibre ou les subventions dites de fonctionnement, dont le versement vise à assainir la situation économique d’une entreprise et qui sont octroyées sans référence explicite à quelque prix que ce soit. L’absence de différence substantielle entre ces types de subventions (celles qui sont ‘directement liées au prix’ ayant également un but d’assainissement dans la plupart des cas) ainsi que la possibilité pour un État membre de transformer une subvention du premier type en une subvention du second type montrent le caractère précaire de la distinction, basée sur des éléments purement formels (la manière dont la subvention est octroyée), et donc l’insuffisance du libellé de la directive.»

19.      Dans le deuxième rapport de la Commission sur le fonctionnement du système commun de la TVA  (16) , la gardienne des traités indique que la notion de subvention ne peut s’interpréter que de manière stricte et littérale et que la subvention ne doit être incluse dans la base d’imposition que si les trois conditions suivantes sont réunies:

a)elle doit constituer la contrepartie ou un élément de la contrepartie;

b)elle doit être versée au fournisseur du bien ou du service;

c)elle doit être versée par un tiers.

20.      Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour que, pour interpréter les dispositions de la sixième directive, il faut prendre en considération les principes de base suivants. Premièrement, il faut interpréter de manière large les notions qui délimitent l’application de la TVA, ce qui n’est pas le cas des exonérations, qui doivent s’interpréter de façon restrictive. Deuxièmement, les dispositions doivent s’interpréter de manière stricte afin d’assurer l’égalité de traitement en matière fiscale et d’éviter, par ce biais, les distorsions de concurrence. Troisièmement, il faut garder à l’esprit le principe de la neutralité de la taxe. Par ce principe, le législateur communautaire veut garantir une taxe totalement neutre sur toutes les activités économiques, quels que soient le but ou le résultat de ces activités, pourvu qu’elles rentrent en tant que telles dans le champ d’application de la TVA. Les deux principes d’égalité de traitement en matière fiscale et de neutralité fiscale sont, par ailleurs, des notions comparables mais utilisées dans un contexte différent. La première notion s’utilise dans un contexte interétatique, tandis que la seconde vise un contexte national.

IV –  Observations des parties

A –   Les griefs de la Commission

21.      La Commission estime que l’une des principales caractéristiques de l’aide aux entreprises de transformation est qu’elle est fixée en fonction de la quantité de fourrages séchés produite.

22.      La Commission renvoie ensuite aux différentes modalités selon lesquelles les entreprises de transformation peuvent exercer leurs activités (voir point 9 ci-dessus).

23.      Selon la Commission, les entreprises qui transforment leur propre production ou, dans le cas de groupements, la production de leurs membres sans contrepartie n’effectuent pas d’opérations imposables au sens de l’article 2 de la sixième directive. La Commission en conclut dès lors que ces opérations sont exclues du champ d’application de la TVA.

24.      La Commission estime en revanche qu’acheter du fourrage au producteur afin de le revendre à des tiers après transformation doit être considéré comme une livraison de biens au sens de la sixième directive. Transformer le produit pour le compte du producteur et le lui restituer sous forme de produit transformé, sans qu’il y ait cession de bien doit être considéré comme une prestation de services. Étant donné que les entreprises de transformation exercent une activité économique, elles sont par là même assujetties et les opérations visées au point 9, sous a) et c) doivent en tant que telles être soumises à la TVA.

25.      La question essentielle qui se pose ensuite est de savoir si l’aide accordée conformément au règlement nº 603/95 doit également être soumise à la TVA.

26.      Selon la Commission, une subvention ne peut être taxée qu’à trois conditions:

a)elle doit être versée à l’opérateur qui livre le bien ou fournit le service;

b)elle doit être versée par un opérateur autre que le fournisseur du bien ou du service;

c)il doit exister un lien direct entre la taxe et le prix du bien ou du service.

La Commission estime que les trois conditions sont remplies.

27.      Examinons tout d’abord, la condition selon laquelle la subvention doit être versée à l’opérateur qui livre le bien ou fournit la prestation de service. C’est l’entreprise de transformation qui livre le bien ou fournit le service et qui est le bénéficiaire de la subvention. Cela peut être déduit, selon la Commission, de l’article 9, première phrase, du règlement nº 603/95 qui prévoit que: «[l’]aide visée à l’article 3 n’est accordée qu’aux entreprises de transformation […]».

28.      Aux États membres qui lui objectent que l’aide bénéficie également aux producteurs, la Commission rétorque qu’il existe une différence fondamentale entre un bénéficiaire au sens juridique et un opérateur à qui l’aide apporte un avantage économique. La subvention octroyée peut avoir des effets économiques complémentaires au sein du cycle de production, que ce soit pour les producteurs de fourrages frais ou pour les entreprises consommatrices de fourrages séchés. Lorsque des entreprises de transformation ont conclu des contrats à façon portant sur la transformation de fourrages livrés par les producteurs, le législateur communautaire entend que l’entreprise de transformation verse l’aide reçue aux producteurs. Le fait que d’autres entreprises puissent également tirer profit de la subvention ou l’obligation qu’a l’entreprise de transformation de reverser l’aide à d’autres opérateurs ne change rien, selon la Commission, au fait que l’entreprise de transformation est le bénéficiaire de cette aide. S’il est vrai que du point de vue économique, le cercle des bénéficiaires est plus large, il n’en reste pas moins que, du point de vue juridique, ce sont uniquement les entreprises de transformation qui sont les bénéficiaires de l’aide en leur qualité de fournisseurs de biens (ou de services).

29.      Pour que l’aide puisse être accordée, il faut que les produits aient quitté l’entreprise (article 8 du règlement n° 603/95). La Commission concède aux États membres défendeurs que l’expression «ayant quitté l’entreprise de transformation» ne correspond pas totalement à une livraison de biens au sens de l’article 2 de la sixième directive, mais ajoute que les deux notions se recouvrent dans la pratique. La subvention peut donc être considérée comme la contreprestation d’une livraison de biens ou d’une prestation de services et elle est par conséquent taxable.

30.      Au gouvernement allemand qui lui objecte que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 785/95, le lieu d’entreposage du fourrage séché peut se trouver en dehors de l’enceinte de l’entreprise de transformation et que, dès lors, l’expression «ayant quitté l’entreprise» ne peut pas désigner une livraison de bien, la Commission fait encore remarquer que l’élément essentiel pour savoir si la subvention pour les fourrages séchés est taxable est que ces produits soient vendus au bout du compte. L’entreposage n’est dès lors qu’une étape préalable à la vente des fourrages séchés.

31.      La deuxième condition est que la subvention soit versée par un tiers, c’est-à-dire par un autre opérateur que le fournisseur du bien ou du service. La Commission est d’avis que cette deuxième condition est également remplie. L’autorité compétente qui accorde la subvention est un autre opérateur que le fournisseur du bien ou du service.

32.      La troisième condition pour que l’aide rentre dans la base imposable résulte de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive et veut qu’il existe un lien direct entre la subvention et le prix du bien ou du service. Ce lien doit être précisément quantifié ou quantifiable: l’aide est accordée si et dans la mesure où le bien ou le service sont mis sur le marché. Il s’agit donc d’une subvention présentant un lien direct avec le prix.

33.      La Commission a exposé à l’audience que, grâce à la subvention, les entreprises de transformation étaient en mesure de commercialiser les fourrages séchés au prix du marché mondial. Sans l’aide, le prix serait plus élevé à cause des coûts de production importants que les entreprises de transformation doivent supporter. Le montant de l’aide est donc un élément constitutif du prix, ce qui est conforme à l’objectif de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, qui veut que la subvention soit taxable au titre d’élément de la contrepartie obtenue pour la fourniture du bien ou du service.

34.      La Commission prétend que, même dans le cas où il n’est pas possible de déterminer, pour chaque vente prise séparément, le montant de subvention correspondant contenu dans la contreprestation, la base imposable découle des contreparties obtenues et du total de l’aide reçue pour la livraison des fourrages séchés ou pour le séchage des fourrages frais.

35.      Pour la Commission, il importe peu que le montant de l’aide soit identique pour la livraison des fourrages séchés et pour le séchage des fourrages frais, car, dans un cas comme dans l’autre, on poursuit le même but économique, à savoir une production suffisante de fourrages séchés au sein de la Communauté à un prix acceptable pour les acheteurs. Il est dès lors logique que le montant de l’aide soit le même dans les deux cas et qu’il soit taxé.

36.      Une règle de correction du montant de l’aide en cas de dépassement de la quantité maximale garantie n’enlève rien non plus à l’existence d’un lien direct entre l’aide et le prix  (17) . L’aide a pour but de soutenir la production de fourrages séchés. S’il est vrai que la quantité maximale garantie limite l’impact de l’aide, il n’en demeure pas moins que celle-ci exerce un effet direct sur le prix.

37.      Le fait que le versement de la subvention ne soit pas prévu par le contrat de vente des fourrages séchés conclu entre l’entreprise de transformation et l’acheteur est tout aussi dépourvu d’importance. Les subventions publiques sont octroyées dans un cadre de droit public par l’organisme compétent à un bénéficiaire. Par leur nature même, elles ne font pas partie des conditions de ventes qui peuvent être stipulées par les parties dans le cadre d’une relation de droit privé.

38.      Pour la Commission, l’analyse qui précède confirme qu’il existe un lien direct entre la subvention et le prix. La subvention doit dès lors être comprise dans la base imposable. Elle estime que ce point de vue est confirmé par l’arrêt Office des produits wallons  (18) .

B –   Observations des États membres

39.      Les États membres contestent que l’entreprise de transformation doive être considérée comme le seul bénéficiaire de l’aide. Il découle de l’article 11, paragraphe 2, du règlement nº 603/95 que, dans le cas des contrats de travail à façon portant sur la transformation de fourrages livrés par les producteurs, l’entreprise de transformation est tenue de verser aux producteurs l’aide qu’elle reçoit pour les quantités transformées dans le cadre des contrats. Dans ces dispositions, le producteur est donc également considéré comme le bénéficiaire de l’aide octroyée, de sorte que contrairement à ce que prétend la Commission, l’entreprise de transformation n’est pas le seul bénéficiaire au sens juridique.

40.      Il est vrai que, aux termes de l’article 9 du règlement nº 603/95, l’aide n’est versée qu’à l’entreprise qui transforme les fourrages. Cette disposition n’est toutefois destinée qu’à simplifier les démarches administratives. L’entreprise de transformation sert seulement d’intermédiaire; elle n’a pas le droit de conserver l’aide lorsqu’elle transforme les fourrages pour le compte des producteurs.

41.      Il importe, selon les États membres, de connaître les bénéficiaires de l’aide, car la réponse à cette question permet de déterminer s’il existe un lien direct entre la subvention et le prix  (19) .

42.      Les États membres font valoir que le règlement nº 603/95 ne dit en aucune manière que l’aide doit bénéficier à l’acheteur des fourrages séchés par le biais d’un prix réduit  (20) . L’aide n’a donc aucun effet sur le prix des fourrages séchés, mais elle en a sur celui des fourrages frais, dont les producteurs peuvent demander un prix plus élevé. Dans le cas des contrats de travail à façon portant sur la transformation de fourrages livrés par les producteurs, ce sont les producteurs eux-mêmes qui profitent directement de l’aide. Dans cette hypothèse, les entreprises de transformation ne peuvent intégrer l’aide octroyée (et reversée) dans le prix du séchage des fourrages frais. La subvention a donc pour but de réduire les coûts de production.

43.      Les États membres avancent encore d’autres raisons pour lesquelles, selon eux, il n’existe aucun lien direct entre la subvention et le prix de vente des fourrages séchés.

–Le droit à l’aide est reconnu si les fourrages ont quitté l’entreprise de transformation et s’ils satisfont à un certain nombre d’exigences qualitatives. L’octroi de l’aide ne dépend pas du fait qu’une opération taxable soit effectuée (la livraison des fourrages séchés à un acheteur).

–La Communauté vise, par le biais d’une subvention, à assurer l’approvisionnement régulier des entreprises de transformation et à garantir un certain niveau de revenus aux producteurs et non pas à assurer la livraison des fourrages séchés à un prix acceptable aux acheteurs de ces fourrages.

–L’aide est calculée sur la base de la quantité de fourrages séchés ayant quitté l’entreprise. Le prix que l’entreprise de transformation obtient pour les fourrages séchés fluctue en fonction du prix du marché, mais l’aide n’est pas modifiée.

–Le montant de l’aide pour la livraison des fourrages séchés et le montant de l’aide pour la transformation des fourrages frais sont identiques, alors que le coût des deux activités est différent.

–Le règlement nº 603/95 prévoit un maximum pour les subventions à recevoir. Selon les États membres, un tel plafond implique qu’il n’y a pas de lien direct entre la subvention et le prix parce que la hauteur définitive de l’aide à accorder n’est pas quantifiable au moment où prend naissance le fait imposable  (21) .

44.      Le gouvernement finlandais a expliqué à l’audience pourquoi il estime qu’il n’existe pas de lien direct entre la subvention et le prix. Tout comme la Commission, il souligne que la subvention permet aux entreprises de transformation de mettre les fourrages séchés sur le marché au prix du marché mondial. Si, du fait de l’absence de subvention, les entreprises de transformation finlandaises réclamaient un prix plus élevé parce que les coûts de production sont plus importants, les acheteurs de fourrage se fourniraient auprès de producteurs concurrents qui appliquent le prix du marché mondial. Ils ne peuvent donc pas réclamer un prix plus élevé. Étant donné que les entreprises de transformation écoulent leurs fourrages à un seul et même prix, indépendamment de la subvention, il ne peut y avoir qu’un lien indirect entre le prix des biens et la subvention. La subvention n’exerce aucune influence effective sur le prix du marché, mais ne fait que compenser les coûts de production élevés.

V –  Analyse

A –   Généralités

45.      Notre point de départ est le suivant: la taxation des subventions est, à en juger par l’historique de la législation, une exception.

46.      Ce n’est que lorsque la subvention est «directement liée […] au prix des opérations» qu’elle rentre dans la base imposable de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. Les autres subventions, quelles qu’elles soient, ne rentrent pas dans la base imposable et ne sont pas en tant que telles imposables au titre de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. S’il en était autrement, d’autres formes de subventions, comme les subventions à l’investissement ou les subventions d’exploitation, seraient soumises à la TVA d’une façon non conforme au système.

47.      Comme nous allons le démontrer, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive n’oblige en aucune manière à percevoir la TVA sur la subvention accordée en faveur du secteur des fourrages. La subvention n’est pas taxable pour deux raisons. Premièrement, parce qu’en taxant la subvention en cause il n’est pas possible d’assurer la neutralité du système de TVA. Deuxièmement, parce qu’il n’existe pas de lien nécessaire entre la subvention et le prix de vente.

48.      Par ailleurs, justifier la taxation d’une subvention par des arguments fonctionnels ne résiste pas à l’analyse. En effet, l’autorité reprend d’une main un pourcentage de ce qu’elle a donné de l’autre  (22) , ce qui ne pourrait être justifié que si l’absence de prélèvement de la TVA aboutissait à un résultat insatisfaisant. Ce résultat insatisfaisant peut résulter du fait qu’une subvention non taxée, qui se répercute directement et intégralement dans un prix moins élevé des transactions, entraîne un rendement moins élevé de la taxe. Lorsqu’une subvention influence notablement le prix des transactions en sorte que le prix d’un bien est moins élevé, on peut compenser le rendement réduit de la taxe en taxant la subvention. Appliquer la TVA sur la subvention accordée permet de maintenir le rendement de la taxe au même niveau que si aucune subvention n’avait été accordée.

B –   Remarque préalable

49.      Il n’est, en général, pas logique de percevoir la TVA sur une subvention si le consommateur final et le bénéficiaire de la subvention ne sont pas les mêmes. Puisque le système commun de TVA engendre un impôt sur la consommation, l’assujetti doit percevoir et supporter la taxe sur la valeur des biens livrés ou des services fournis par lui. Cette valeur est une valeur subjective étant donné que la base imposable pour les biens et les services est la contreprestation réellement reçue, et non une valeur estimée selon des critères objectifs. C’est ce que la Cour a décidé dans l’arrêt Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats  (23) .

50.      Dans le cas où l’assujetti reçoit une subvention directement liée au prix des transactions, il doit supporter la taxe sur celle-ci conformément à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. Nous avons exposé au point 14 ci-dessus que le principe du système commun de TVA veut que la taxe repose effectivement, à la fin de la chaîne, sur le consommateur final. De ce fait, l’assujetti, qui a supporté la taxe sur les subventions qu’il a reçues, doit pouvoir reporter cette taxe sur le consommateur final.

51.      Dans une série de décisions, à commencer par l’arrêt Rompelman  (24) , la Cour a déclaré que la déduction visait à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Étant donné que c’est dans le cadre des activités économiques qu’est obtenue la subvention et qu’est payée la TVA due sur celle-ci, il faut pouvoir reporter la taxe sur le consommateur final. Ce n’est que de cette façon que le principe de neutralité totale de la TVA peut être respecté.

52.      Toutefois, lorsque la TVA est payée sur la subvention reçue, l’application de ce principe a pour conséquence que le consommateur final payera la taxe sur la valeur concrète subjective de la contreprestation effectivement reçue, c’est-à-dire sur la valeur concrète, telle qu’elle est déterminée notamment par l’effet à la baisse de la subvention sur le prix, augmentée de la taxe payée sur la subvention. De cette manière, le montant de la taxe qui échappe à l’autorité fiscale du fait que la valeur subjective de la contreprestation est négativement influencée par la subvention, est bel et bien compensé par la taxe sur la valeur de la subvention. On s’écarte cependant du principe formulé dans l’arrêt Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats  (25) , selon lequel la base imposable sur laquelle la taxe est perçue est déterminée par la contreprestation effectivement reçue.

53.      Compte tenu de ce qui précède, il faut considérer la disposition de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive comme une exception au principe général du système commun de la TVA. Il faut interpréter et appliquer cette exception de manière restrictive et stricte.

54.      Une interprétation restrictive suppose que la taxe ne peut s’appliquer que sur les subventions qui s’expriment directement dans le prix de la transaction. Dans l’arrêt Office des produits wallons  (26) , la Cour a donné à ce propos quelques indications qui seront discutées plus en détail aux points 71 à 76.

55.      Une stricte interprétation suppose qu’on ne peut prélever de taxe sur des subventions données que pour autant qu’elles s’expriment dans le prix de la transaction. En effet, si une subvention qui fait baisser le prix était entièrement taxée, alors que cette subvention ne fait que partiellement sentir ses effets dans le prix payé par le consommateur final, l’autorité fiscale concernée récupérerait davantage par le biais de la taxe que ce qui lui aurait échappé du fait de la subvention. Une telle surcompensation est contraire à la portée de la règle d’exception de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, qui n’a d’autre objectif que de compenser la taxe qui a effectivement échappé à l’autorité du fait de la subvention.

56.      Dans une telle situation, le consommateur final est en outre surtaxé puisqu’il doit supporter la TVA à la fois sur la contreprestation plus élevée – à cause de l’effet partiellement prolongé de la subvention dans le prix final – et sur la subvention totalement taxée. Dans cette hypothèse, il doit acquitter davantage de TVA qu’il n’aurait dû le faire en l’absence de subvention.

57.      Pour que ladite taxe, en ce compris l’exception limitée prévue à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive demeure conforme à la logique du système, il faut dès lors, avant d’appliquer la TVA sur les subventions, examiner si celles-ci se répercutent sur le prix au stade de la consommation finale et, si c’est le cas, dans quelle mesure il en est ainsi. Autrement dit, les autorités fiscales concernées devront pouvoir démontrer que la subvention a entraîné une baisse des recettes TVA et, le cas échéant, elles devront pouvoir déterminer de façon plausible l’ampleur des taxes qui leur ont échappé.

C –   Neutralité du système TVA

58.      Des subventions forfaitaires qui, selon l’article 9 du règlement nº 603/95 sont liées à la transformation des fourrages frais en fourrages séchés, sont octroyées pour la production de fourrages séchés. Comme on l’a montré brièvement ci-dessus au point 9, les subventions peuvent être accordées dans trois types de situations:

–dans le cas d’une production intégrée, dans laquelle l’entreprise de transformation transforme sa propre production ou celle de ses membres;

–dans le cas où l’entreprise de transformation intervient dans le cadre d’un «contrat de travail à façon», et transforme (sèche) les fourrages frais pour compte du producteur et les lui retourne par la suite;

–dans le cas où l’entreprise de transformation achète des fourrages frais au producteur, transforme ceux-ci pour son propre compte et les revend ensuite.

59.      La Commission part du principe que, dans la première de ces trois situations, on ne peut prélever de taxe, parce que, dans ce cas, la transformation des fourrages frais n’est pas une activité économique indépendante. Dans une entité de production intégrée, il n’y a aucune livraison de biens ou prestation de services qui puisse donner lieu à l’application de la TVA. C’est pourquoi le prélèvement de la TVA ne peut être lié à la transformation des fourrages frais en fourrages séchés. Cette analyse est également partagée par les défendeurs et nous nous y rallions. Puisque aucun bien n’a été livré ou qu’aucun service n’a été fourni, on ne peut prélever aucune TVA.

60.      Les opinions divergent sur la deuxième situation. La Commission estime que la subvention est accordée à l’entreprise de transformation pour les besoins de la prestation de service fournie au producteur. Selon elle, c’est l’entreprise de transformation qui est le bénéficiaire juridique de la subvention et le fait que le règlement nº 603/95 lui impose de la céder au producteur ne fait que rendre compte des effets économiques qu’une subvention peut avoir au sein d’une chaîne de production. Il s’agirait donc d’une prestation de service au profit d’un producteur, de sorte que la subvention octroyée à cet effet doit être taxée.

61.      En affirmant que la subvention serait octroyée à l’entreprise de transformation pour stimuler la prestation de service, c’est-à-dire la transformation, la Commission crée une fiction juridique dénuée de fondement.

62.      La subvention est octroyée pour les fourrages séchés qui ont quitté l’entreprise et qui répondent à certaines exigences de qualité  (27) . Dans le même temps, l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 603/95 impose à l’entreprise de transformation de verser au producteur la subvention qu’elle reçoit pour les quantités transformées en vertu du contrat. Puisque le règlement n° 603/95 lui-même dit explicitement que les producteurs sont les bénéficiaires de l’aide, ce ne peut pas être l’entreprise de transformation, laquelle fait seulement office d’intermédiaire qui transmet la subvention au producteur. La disposition qui prévoit que les fourrages séchés doivent avoir quitté l’entreprise de transformation pour pouvoir être pris en compte pour l’aide vient à l’appui de cette constatation. En outre, il ne ressort nulle part dudit règlement que la subvention est octroyée pour la prestation du service de transformation des fourrages. En effet, comme on l’a dit précédemment, la subvention est octroyée en faveur du producteur pour réduire ses coûts de production. Le règlement nº 603/95 n’offre aucun point d’ancrage à la fiction juridique de la Commission. Elle ne peut dès lors être acceptée.

63.      Nous ajouterons encore à cela que la Commission elle-même a souligné, dans son deuxième rapport sur le fonctionnement du système commun de TVA  (28) , que la subvention ne doit être comprise dans la base imposable que si, notamment, elle est payée au fournisseur ou au prestataire de service. En l’espèce, la subvention instituée par le règlement nº 603/95 revient au producteur initial et non à l’entreprise de transformation. Par ailleurs, la subvention n’est pas versée au producteur subventionné pour lui permettre de livrer une marchandise bien déterminée ou d’effectuer une prestation de service bien déterminée, mais elle lui est octroyée après qu’un service lui a été fourni afin de réduire ses coûts de production.

64.      Le législateur communautaire aurait pu choisir d’octroyer la subvention à l’entreprise de transformation au profit de la transformation des fourrages. Si tel avait été le cas, la subvention aurait dû bénéficier intégralement à l’entreprise de transformation. Il ressort cependant des considérants du règlement nº 1117/78 que le législateur communautaire a expressément choisi d’octroyer la subvention au profit de la production de fourrages verts.

65.      La Commission ne peut ainsi aucunement soutenir que c’est pour stimuler la transformation des fourrages que la subvention est accordée à l’entreprise de transformation. Et c’est pour cette raison qu’elle ne peut non plus soutenir que la subvention pourrait être taxée dans le chef de l’entreprise de transformation.

66.      Dans la dernière situation enfin, la subvention pourrait être taxable au titre de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. L’entreprise de transformation transforme ici les fourrages frais qu’elle a achetés auprès des producteurs initiaux et les vend par la suite comme fourrages séchés à des tiers, qui paieront un prix en contrepartie. L’entreprise de transformation reçoit par ailleurs une subvention qui fera potentiellement sentir ses effets dans un prix de transaction moins élevé lors de la vente.

67.      Il faut ici immédiatement noter qu’il est très improbable que la subvention fasse sentir ses effets sous la forme d’un prix moins élevé lors de la vente des fourrages verts séchés. En pratique, la subvention se fera surtout sentir sous la forme d’un prix d’achat plus élevé des fourrages frais pour le producteur initial. En effet, si l’entreprise de transformation ne répercutait pas dans une large mesure la subvention qu’elle a reçue sur les producteurs primaires en leur consentant un prix d’achat plus élevé, ces derniers pourraient préférer faire sécher leurs produits auprès d’une entreprise de transformation dans le cadre d’un contrat de travail à façon, de manière à bénéficier eux-mêmes de la subvention. Un tel résultat découle par ailleurs de la portée et du système du règlement nº 603/95, qui vise à promouvoir la production de fourrages séchés, quelle que soit la manière dont la chaîne de production est organisée.

68.      En effet, si on le soumet au test de la portée du système du règlement nº 603/95, le raisonnement de la Commission entraîne le résultat inacceptable que, en fonction de l’organisation des circuits de production, les subventions ne seraient pas taxables dans une situation, mais bien dans les deux autres, alors que, dans chaque hypothèse, elles viseraient le même résultat, à savoir la stimulation de la production de fourrages par un soutien financier au processus de production. À cela s’ajoute que, comme nous l’avons montré précédemment, dans la deuxième situation, la TVA ne peut pas s’appliquer à cause de la situation de fait et de droit de l’entreprise de transformation. Ce n’est que dans la troisième situation que l’on pourrait envisager de taxer la subvention. Celle-ci devrait alors toutefois faire sentir ses effets dans le prix de vente. Nous avons déjà exposé qu’une telle conséquence était hautement improbable et ne tenait aucunement compte du fait que la subvention octroyée à l’entreprise de transformation ne vise pas à faciliter la vente du produit transformé par le biais d’un prix moins élevé, mais qu’elle vise au contraire à permettre à l’entreprise de transformation de payer au producteur initial un prix plus élevé.

69.      Rapportée au système communautaire de TVA, la proposition de la Commission donne un résultat non moins inacceptable. Selon son raisonnement, l’aide à la production de fourrages séchés est taxée différemment en fonction de l’emplacement qu’occupe la transformation dans la chaîne de production. Ce raisonnement enfreint cependant le principe de neutralité en tant que principe essentiel du système, c’est-à-dire que la TVA totale supportée dans la phase de consommation finale doit être la même, indépendamment du nombre de maillons de la chaîne de production. Ne serait-ce que pour cette raison, la demande de la Commission doit être rejetée.

D –   Lien nécessaire entre la subvention et le prix de vente pour un bien

70.      Il ressort du deuxième rapport de la Commission sur le fonctionnement du système commun de TVA  (29) que la subvention doit être la contrepartie ou un élément de la contrepartie. Cependant, dans l’arrêt Office des produits wallons  (30) , la Cour a donné une large interprétation de la notion de «subventions directement liées au prix des opérations».

71.      Cet arrêt concerne la question de savoir si la subvention allouée par la Région wallonne à l’ASBL Office des produits wallons pour la réalisation de publicité et la vente de produits wallons doit être soumise à la TVA. Plus particulièrement, il s’agissait de savoir si les subventions d’exploitation, qui ne sont pas directement allouées au profit de la livraison de biens ou de la prestation de services, mais qui peuvent bel et bien permettre de fournir les biens et les services à un prix moins élevé, sont soumises à la TVA. La Cour a donné une série d’indications permettant de répondre à cette question.

72.      Premièrement, la subvention doit être spécifiquement payée à l’organisme subventionné afin qu’il fournisse un bien ou un service déterminé. Ce n’est que dans ce cas où la subvention peut être considérée comme une contrepartie de la livraison d’un bien ou de la prestation d’un service qu’elle est imposable  (31) .

73.      Deuxièmement, le prix du bien ou du service doit être déterminé, quant à son principe, au plus tard au moment où intervient le fait générateur.

74.      Troisièmement, il doit être constaté que l’engagement de verser la subvention pris par celui qui octroie celle-ci a pour corollaire le droit de la percevoir reconnu au bénéficiaire dès lors qu’une opération taxable a été accomplie par ce dernier. Ce lien entre la subvention et le prix doit apparaître de manière non équivoque au terme d’une analyse au cas par cas des circonstances qui sont à l’origine du versement de cette contrepartie. En revanche, il n’est pas nécessaire que le prix du bien ou du service – ou une partie du prix – soit déterminé. Il suffit qu’il soit déterminable.

75.      L’interprétation plus large de la Cour repose sur l’idée que la subvention doit avoir un effet réducteur sur le prix. La Cour indique que, «[e]n effet, il est nécessaire que le prix à payer par l’acheteur ou par le preneur soit fixé de telle façon qu’il diminue à proportion de la subvention accordée au vendeur du bien ou au prestataire du service, laquelle constitue alors un élément de détermination du prix exigé par ces derniers»  (32) .

76.      Comme le montrent nos remarques préalables, la portée de la notion de «subventions directement liées au prix des opérations» doit s’interpréter en ce sens qu’on ne peut prélever de taxe sur des subventions données que pour autant qu’elles s’expriment dans le prix de la transaction. L’exception limitée prévue à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), exige dès lors que, avant d’appliquer la TVA aux subventions, on examine attentivement si elles se répercutent sur le prix au stade de la consommation finale et, si c’est le cas, dans quelle mesure il en est ainsi.

77.      On peut déduire des règlements décrits aux points 4 à 12 qu’une aide forfaitaire est octroyée pour promouvoir la production de fourrages frais. Cette subvention octroyée au secteur des fourrages peut être qualifiée de subvention à la production. Contrairement à la subvention des prix, la subvention à la production n’a pas pour but d’influencer directement le prix de vente  (33) . La subvention est accordée sur la base de la quantité de fourrages transformée et non comme contribution au prix de la prestation. Il est vrai que la subvention est limitée à une quantité produite déterminée, mais cela n’enlève rien au fait que son but est de promouvoir la production de fourrages dans la Communauté du fait qu’elle diminue les coûts de production pour les producteurs.

78.      Il ressort du système légal d’aide à la production de fourrages séchés décrit aux points 4 à 12 des présentes conclusions que la production de ces fourrages restait en retrait par rapport à la demande parce que les coûts de production étaient trop élevés dans la Communauté pour qu’il soit possible de les commercialiser au prix du marché en vigueur.

79.      Grâce à la subvention forfaitaire, qui comprime les coûts de production, les producteurs de la Communauté ont eu la possibilité de produire de façon rentable au regard du prix du marché (mondial). La croissance rapide de la part de marché des fourrages frais communautaires dans le marché commun confirme également ce propos. C’est un développement qui a même amené le législateur communautaire à limiter l’importance de la production subventionnée afin d’éviter la surproduction.

80.      Il en ressort que la subvention a bel et bien eu des conséquences sur la quantité commercialisée dans la Communauté, mais n’a pas directement fait sentir ses effets sur les prix du marché. Cette absence d’effet est due à la nature du marché (mondial) des fourrages, qui se caractérise, comme beaucoup d’autres marchés de produits agricoles, par un grand nombre de petits offrants. Ces derniers ne disposent pas de la capacité d’influencer les marchés par leur comportement commercial individuel. Les producteurs individuels, qui reçoivent une subvention forfaitaire, ne pourront pas répercuter celle-ci sur les consommateurs finaux. Le prix du marché en vigueur est pour eux une donnée. Ils devront mettre en vente à ce prix, qu’ils reçoivent une subvention ou pas.

81.      La subvention a tout au plus un effet indirect sur le prix de vente. C’est-à-dire que, si la quantité totale de fourrage produite avec subvention était d’une telle ampleur qu’elle conduisait à un changement significatif du rapport entre l’offre et la demande sur le marché mondial, le prix en vigueur sur ce marché pourrait subir une pression à la baisse. Il nous semble très invraisemblable qu’un tel effet se produise, et au demeurant, il n’est en aucun cas déterminant pour apprécier la demande de la Commission parce que la subvention ne fera jamais totalement sentir ses effets dans le prix de vente. En outre, on a précisément essayé d’éviter cet effet, qui, par ailleurs, aurait rendu le rapport entre les coûts de production et le prix de vente encore moins favorable, en limitant la subvention à une quantité maximale donnée.

82.      Tout cela est confirmé par la forme que prend le mécanisme de limitation du règlement nº 603/95. On constate en effet que les producteurs reçoivent une avance pendant la saison de vente tandis que le décompte définitif n’intervient qu’après la fin de cette saison. L’incertitude qui en découle rend dès le départ improbable le fait que les producteurs, quand bien même le pourraient-ils, expriment dans leur prix de vente cette subvention à la production.

83.      La Commission a encore fait valoir dans ses observations que le prix de vente des fourrages séchés montre que celui-ci est en relation causale directe avec l’aide octroyée, parce que les entreprises de transformation sont en mesure, grâce à la subvention, de mettre sur le marché les fourrages séchés au prix mondial. Sans l’aide, le prix serait, selon la Commission, plus élevé, à cause des coûts de production importants que les entreprises de transformation doivent supporter.

84.      Il ressort de ce qui précède que cette allégation de la Commission ne peut être soutenue. Le mécanisme du règlement nº 603/95 n’a pas pour but d’influencer le prix des fourrages séchés, mais d’influencer les coûts de production des producteurs, de sorte que ceux-ci puissent produire au prix du marché. La subvention a eu pour conséquence l’accroissement de la quantité produite dans la Communauté, qu’il a été possible d’écouler au prix en vigueur. L’absence de subvention n’aurait toutefois pas eu pour résultat un prix du marché plus élevé, mais bien une réduction de la quantité de fourrages produite dans la Communauté. Dans la situation d’insuffisance de l’offre qui en résulterait alors éventuellement, comme cela avait été le cas avant 1978, les producteurs des pays tiers, qui peuvent eux bel et bien produire au prix en vigueur sur le marché, pourraient suppléer à cette insuffisance.

85.      Nous en tirons la conclusion que la Commission ne parvient pas à établir ne serait ce que le début d’un lien causal direct entre la subvention à la production et le prix de vente final des fourrages séchés, et qu’elle n’a absolument pas montré dans quelle mesure la subvention influence le prix payé par le consommateur final, comme lui imposait de le faire la condition, exposée précédemment aux points 55 à 57, qui veut que, pour l’application de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, on montre dans quelle mesure la subvention a influencé le prix auprès du consommateur final.

86.      Pour ces motifs également, la demande de la Commission doit être rejetée.

VI –  Conclusion

87.      Pour les raisons qui précèdent, nous proposons à la Cour de:

a)rejeter les recours que la Commission des Communautés européennes a engagés contre la République italienne (affaire C-381/91), la république de Finlande (affaire C-495/01), la République fédérale d’Allemagne (affaire C-144/02) et le royaume de suède (affaire C-463/02);

b)condamner la Commission aux dépens conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure;

c)déclarer que, conformément à l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, la république de Finlande, le royaume de Suède et la République fédérale d’Allemagne supporteront les dépens exposés en tant que parties intervenantes.


1 – Langue originale: le néerlandais.


2 – JO L 145, p. 1.


3 – JO L 63, p. 1.


4 – La République italienne est soutenue par le royaume de Suède et la république de Finlande. Cette dernière est soutenue par la République fédérale d'Allemagne et le royaume de Suède. La République fédérale d'Allemagne est soutenue par le royaume de Suède et la république de Finlande. Le royaume de Suède est soutenu par la république de Finlande.


5 – Règlement du 22 mai 1978, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés (JO L 142, p. 1), modifié par le règlement (CE) nº 3496/93 de la Commission, du 20 décembre 1993 (JO L 319, p. 17).


6 – Règlement du Conseil, du 19 juin 1978, relatif au régime d'aide pour les fourrages séchés (JO L 171, p. 1), modifié par le règlement (CEE) nº 1110/89 du Conseil, du 27 avril 1989 (JO L 118, p. 1).


7 – Règlement de la Commission, du 30 juin 1978, portant modalités d'application du régime d'aide pour les fourrages séchés (JO L 179, p. 10).


8 – Règlement de la Commission, du 6 avril 1995, portant modalités d'application du règlement n° 603/95 (JO L 79, p. 5).


9 – L'article 4 du règlement nº 603/95 détermine la quantité maximale de fourrage séché qui peut bénéficier de l'aide. Modifié par le règlement (CE) nº 1347/95 du Conseil, du 9 juin 1995, modifiant le règlement nº 603/95 (JO L 131, p.1). Le texte est libellé comme suit:

«1. Il est institué, pour chaque campagne de commercialisation, une quantité maximale garantie de 4 412 000 millions de tonnes de fourrages déshydratés pour laquelle l'aide […] peut être accordée.

[…]

3. Il est institué, pour chaque campagne de commercialisation, une quantité maximale garantie de 443 500 tonnes de fourrages séchés au soleil pour laquelle l'aide visée […] peut être accordée».


10 – Pour bénéficier de l'aide, les fourrages doivent avoir été fournis aux entreprises de transformation par des producteurs, des groupements de producteurs ou des acheteurs agréés par les autorités compétentes des États membres.


11 – L'article 11, paragraphe 2, du règlement nº 603/95 est libellé comme suit:

«Lorsque les contrats visés à l'article 9 point c) premier tiret sont des contrats de travail à façon portant sur la transformation de fourrages livrés par les producteurs, ils précisent au moins la superficie dont la récolte est destinée à être livrée et comportent une clause prévoyant l'obligation, pour les entreprises de transformation, de verser aux producteurs l'aide visée à l'article 3 qu'elles reçoivent pour les quantités transformées dans le cadre des contrats.»


12 – «Au sens du présent règlement, on considère sortis de l'entreprise de transformation, afin d'obtenir le droit à l'aide visée à l'article 3 du règlement (CE) n° 603/95, les produits visés à l'article 2 point 1 qui:

a) sortent en l'état de: – l'enceinte de l'entreprise de transformation, – dans le cas où les fourrages séchés ne peuvent être entreposés dans cette enceinte, tout lieu d'entreposage, en dehors de celle-ci, donnant des garanties suffisantes aux fins du contrôle des fourrages entreposés et qui a été agréé à l'avance par l'autorité compétente, – dans le cas d'un appareil de déshydratation mobile, l'appareillage effectuant la déshydratation et, si les fourrages déshydratés sont entreposés par la personne ayant effectué la déshydratation, tout lieu d'entreposage répondant aux conditions prévues au deuxième tiret ou

b) sortent en mélange, lorsque celui-ci est effectué au sein de l'entreprise de transformation en vue de la fabrication d'aliments composés pour animaux, avec des matières premières autres que celles visées à l'article 1er du règlement (CE) n° 603/95 et autres que celles qui sont utilisées comme liants, de l'enceinte ou de tout lieu d'entreposage visé au point a) et qui, au moment de leur sortie de l'entreprise de transformation, présentent une qualité ‘saine, loyale et marchande’ répondant aux exigences de la mise sur le marché à destination de l'alimentation animale, ainsi que les caractéristiques suivantes: […]».


13 – Directive du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO 1967, 71, p. 1301, ci-après la «première directive»).


14 – Sauf indications contraires, les dispositions auxquelles il est fait référence ci-après sont tirées de la sixième directive.


15 – Premier rapport de la Commission au Conseil sur le fonctionnement du système commun de taxe sur la valeur ajoutée présenté conformément à l'article 34 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, COM (83) 426 final, du 14 décembre 1983, p. 37.


16 – Deuxième rapport de la Commission au Conseil sur le fonctionnement du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée présenté conformément à l'article 34 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, COM (88) 799 final, du 20 décembre 1988, p.26.


17 – Il ressort du troisième considérant du règlement nº 603/95 que cette règle a pour but de limiter la production communautaire de fourrages séchés.


18 – Arrêt du 22 novembre 2001 (C-184/00, Rec. p. I-9115).


19 – Voir aussi arrêt Office des produits wallons, précité note 18, point 14: «Ainsi, il incombera à la juridiction de renvoi d'établir l'existence d'un lien direct entre la subvention et le bien ou le service en cause. Cela nécessite de vérifier, dans un premier temps, que les acheteurs du bien ou les preneurs du service tirent profit de la subvention octroyée au bénéficiaire de celle-ci. En effet, il est nécessaire que le prix à payer par l'acheteur ou par le preneur soit fixé de telle façon qu'il diminue à proportion de la subvention accordée au vendeur du bien ou au prestataire du service, laquelle constitue alors un élément de détermination du prix exigé par ces derniers.»


20 – Voir aussi les onzième et douzième considérants du règlement nº 603/95 libellés comme suit: «considérant que, dans le but de favoriser l'approvisionnement régulier en fourrage vert des entreprises de transformation et de faire bénéficier les producteurs du régime d'aide, l'octroi de l'aide devrait, dans certains cas, être subordonné à la conclusion de contrats entre les producteurs et les entreprises de transformation; considérant que les contrats doivent, d'une part, favoriser l'approvisionnement régulier des entreprises de transformation et, d'autre part, permettre aux producteurs de bénéficier de l'aide; qu'il convient, à cette fin, de prévoir que les contrats portent certaines mentions».


21 – Les États membres estiment que ce point de vue est confirmé par l'arrêt Office des produits wallons, précité à la note 18, point 13.


22 – Voir également conclusions de l'avocat général Jacobs dans l’affaire Landboden-Agrardienste/Finanzamt Calau (arrêt du 18 décembre 1997, C-384/95, Rec. p. I-7387, points 12 et 13 des conclusions).


23 – Arrêt du 5 février 1981 (154/80, Rec. p. 445). Dans cet arrêt, il s'agissait de membres d'une coopérative qui exploitaient un entrepôt de pommes de terre en contrepartie d'un droit de garde réclamé annuellement aux membres. Certaines années, la coopérative a décidé de ne pas réclamer de droit de dépôt parce qu'elle disposait de suffisamment de moyens financiers pour fonctionner du fait d'une opération immobilière avantageuse. Comme aucun droit de dépôt n'avait été réclamé, la valeur des parts de la coopérative s'était réduite, ce qui avait eu pour conséquence que la situation patrimoniale des membres s'était aussi modifiée. La question qui se posait était de savoir si, au sens de l'article 8 de la deuxième directive, la perte de valeur des parts des membres dans la coopérative pouvait être considérée comme la rémunération du service (la garde des pommes de terre). Selon la Cour, ce n'était pas le cas parce que, en contrepartie de ce service de garde, aucune somme d'argent ou contreprestation n'avait été réellement reçue.


24 – Voir entre autres, arrêts des 14 février 1985, Rompelman (268/83, Rec. p. 655, point 19); du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal (C-37/95, Rec. p. I-1, point 15); du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a. (C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 44), et du 8 juin 2000, Midland Bank (C-98/98, Rec. p. I-4177, point 19).


25 – Précité à la note 23.


26 – Précité à la note 18.


27 – Article 8 du règlement nº 603/95.


28 – Voir note 16.


29 – Voir note 16.


30 – Précité à la note 18.


31 – Il faut remarquer ici que les opérations visées à l'article 11, A, de la sixième directive ne sont pas des opérations effectuées au profit de l'autorité qui octroie la subvention. L'article 11, A, de la sixième directive se rapporte en effet à des situations qui concernent trois parties, à savoir l'autorité publique qui octroie la subvention, l'organisme auquel elle est octroyée, et l'acheteur du bien ou le bénéficiaire du service fourni par l'institution subsidiée.


32 – «Ainsi, il incombera à la juridiction de renvoi d'établir l'existence d'un lien direct entre la subvention et le bien ou le service en cause. Cela nécessite de vérifier, dans un premier temps, que les acheteurs du bien ou les preneurs du service tirent profit de la subvention octroyée au bénéficiaire de celle-ci. En effet, il est nécessaire que le prix à payer par l'acheteur ou par le preneur soit fixé de telle façon qu'il diminue à proportion de la subvention accordée au vendeur du bien ou au prestataire du service, laquelle constitue alors un élément de détermination du prix exigé par ces derniers. Le juge devra examiner si, objectivement, le fait qu'une subvention est versée au vendeur ou au prestataire permet à celui-ci de vendre le bien ou de fournir le service à un prix inférieur à celui qu'il devrait exiger en l'absence de subvention.»


33 – On peut encore distinguer d'autres systèmes de subventions, tels que les subventions d'exploitation, les subventions en revenu et les subventions d'investissement. Un exemple de subvention en revenu nous est fourni par le règlement n° 1117/78. Dans ce règlement, une aide complémentaire est encore accordée pour compenser les coûts de production et promouvoir la position concurrentielle à l'égard des pays tiers. Cette aide s'élève à un pourcentage de la différence entre le prix du marché pour le fourrage séché et le prix d'objectif à fixer à cet effet. Toutes ces subventions ont comme dénominateur commun qu'elles n'ont pas de lien direct avec le prix d'un bien.