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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
MME CHRISTINE STIX-HACKL
présentées le 4 mars 2004(1)


Affaire C-365/02



Marie Lindfors




[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande)]

«Interprétation de l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 83/183/CEE du Conseil relative aux franchises fiscales applicables aux importations définitives de biens personnels des particuliers en provenance d'un État membre – Taxe sur les véhicules (‘autovero’) – Taxe à la consommation ou taxe spécifique pour l'utilisation d'un véhicule – Taxe d'immatriculation – Double imposition»






I –   Introduction

1.        Dans la présente demande préjudicielle, le Korkein hallinto-oikeus (Finlande) demande à la Cour d’interpréter l’article 1er de la directive 83/183/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables aux importations définitives de biens personnels des particuliers en provenance d’un État membre  (2) . Il s’agit en particulier de savoir si la taxe sur les véhicules prévue par l’autoverolaki (loi n° 1482/1994, du 29 décembre 1994, relative à la taxe sur les véhicules, dans sa version en vigueur en 1999, ci-après l’«AVL»), perçue sur l’importation ou la mise en service de véhicules, constitue un droit ou une taxe dont un véhicule importé dans le cadre d’un changement de résidence devrait être exempté en vertu de la disposition précitée.

II –  Cadre juridique

A –   Le droit national

2.        D’après l’article 1er de l’autoverolaki, une taxe (ci-après l’«autovero») est exigible préalablement à l’immatriculation ou à la mise en service d’un véhicule.

3.        Par «mise en service», on entend la mise en circulation du véhicule sur le territoire de la Finlande, et cela même s’il n’y est pas immatriculé (article 2 de l’AVL).

4.        D’après la disposition essentielle concernant l’assujettissement (l’article 4, paragraphe 1, de l’AVL), le redevable de l’autovero est soit l’importateur d’un véhicule, soit le fabricant d’un véhicule fabriqué en Finlande.

5.        En application de l’article 5 de l’AVL, le redevable supporte en outre une taxe sur la valeur ajoutée, assise sur l’autovero, au taux fixé par l’arvonlisäverolaki (loi n° 1501/1993 relative à la taxe sur la valeur ajoutée).

6.        Le montant de l’autovero est, d’après l’article 6, paragraphe 1, de l’AVL, égal à la valeur imposable du véhicule réduite de 4 600 FIM (maintenant 770 euros), mais sans pouvoir être inférieur à 50 % de cette valeur imposable.

7.        D’après l’article 7, paragraphe 1, de l’AVL, un véhicule importé d’occasion supporte la même taxe qu’un véhicule neuf, toutefois réduite selon un barème proportionnel en fonction de la durée (exprimée en mois) d’utilisation du véhicule. La valeur imposable d’un véhicule importé est définie, à l’article 11, paragraphes 1 et 2, de l’AVL, comme la valeur transactionnelle du véhicule pour le redevable, c’est-à-dire sa valeur en douane.

8.        D’après l’article 25, paragraphe 1, de l’AVL, un abattement fiscal n’excédant pas 80 000 FIM (maintenant 13 450 euros) est accordé, aux conditions fixées par cette disposition, pour un véhicule imposable importé par un particulier dans le cadre d’un changement de résidence.

B –    Le droit communautaire

9.        La directive vise, d’après ses considérants, à supprimer les entraves fiscales à la libre circulation des personnes dans la Communauté. Son champ d’application est ainsi défini à l’article 1er:

«1. Les États membres accordent, aux conditions et dans les cas visés ci-après, une franchise des taxes sur le chiffre d’affaires, des accises et autres taxes à la consommation normalement exigibles à l’importation définitive, par un particulier, de biens personnels en provenance d’un autre État membre.

2. Ne sont pas visés par la présente directive les droits et taxes spécifiques et/ou périodiques concernant l’utilisation de ces biens à l’intérieur du pays, tels que, par exemple, les droits perçus lors de l’immatriculation des voitures automobiles, les taxes de circulation routière, les redevances télévision.»

III –  Les faits, la procédure au principal et la demande préjudicielle

10.      Après avoir vécu plusieurs années à l’étranger, Mme Marie Lindfors a, dans le cadre de son installation en Finlande, importé le 4 août 1999, d’un autre État membre, une voiture, de marque Audi A6 Avant, qui lui appartenait. Mme Lindfors avait acheté ce véhicule, livré le 20 mars 1995, en Allemagne et l’avait mis en circulation le 5 avril 1995 aux Pays-Bas.

11.      Dans un avis d’imposition du 4 août 1999, le bureau des douanes de Hanko (Hangon tullikamari), accordant à Mme Lindfors un abattement de 80 000 FIM, a fixé l’autovero dont elle était redevable à 16 556 FIM, auxquels s’ajoutait une TVA de 3 642 FIM, soit au total 20 198 FIM.

12.      Mme Lindfors a, devant le tribunal administratif de Helsinki (Helsingin hallinto-oikeus), engagé un recours contre cette décision dont elle a demandé l’annulation ainsi que le remboursement de la taxe. Elle a fait valoir que l’autovero était une taxe à la consommation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive, qui ne pouvait être prélevée sur un véhicule importé à l’occasion d’un changement de résidence.

13.      Le tribunal administratif de Helsinki a rejeté le recours, considérant que l’autovero était lié à l’immatriculation du véhicule ou à son utilisation sur route en Finlande et qu’il s’agissait donc d’une taxe spécifique concernant l’utilisation d’un bien à l’intérieur du pays au sens de l’article 1er, paragraphe 2, à laquelle la directive ne s’appliquait pas.

14.      Mme Lindfors a ensuite demandé à la Cour administrative suprême (Korkein hallinto-oikeus) de recevoir un pourvoi contre la décision du tribunal administratif, ainsi que d’annuler cette décision et l’avis d’imposition émis par le bureau des douanes.

15.      La Cour administrative suprême a décidé, par ordonnance du 10 octobre 2002, de saisir la Cour de justice d’une demande préjudicielle pour éclairer l’affaire et de lui poser la question suivante:

«Convient-il d’interpréter l’article 1er de la directive 83/183/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables aux importations définitives de biens personnels des particuliers en provenance d’un État membre en ce sens que la taxe sur les véhicules (autovero) au sens de la loi relative à la taxe sur les véhicules (autoverolaki) perçue sur un véhicule importé d’un autre État membre en Finlande dans le cadre d’un changement de résidence est une taxe à la consommation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive, ou bien un droit ou une taxe spécifique concernant l’utilisation de ce bien à l’intérieur du pays au sens de l’article 1er, paragraphe 2?»

IV –  La demande préjudicielle

A –   Remarques préliminaires

16.      En dehors de la taxe sur la valeur ajoutée, pour laquelle, du reste, certaines règles particulières s’appliquent à l’acquisition de véhicules neufs  (3) , la fiscalité des véhicules à moteur n’est, pour l’essentiel, pas harmonisée dans la Communauté  (4) .

17.      Les droits et taxes prélevés dans les États membres sur les voitures de tourisme se différencient donc non seulement, et de manière considérable, par leurs montants, mais aussi par leurs structures  (5) . Certaines taxes d’un État membre n’ont pas le moindre équivalent dans d’autres États membres. Il convient donc de garder à l’esprit, notamment dans un cas tel que celui dont la Cour est saisie, dans lequel la juridiction de renvoi a besoin de savoir si une imposition nationale spécifique relève d’une notion fiscale visée dans un acte de la Communauté, qu’il n’existe pas de nomenclature commune qui autorise une classification exacte des diverses impositions.

18.      Pour les besoins de l’exposé, et aussi parce que les parties intéressées à la présente procédure ont manifestement procédé de même, nous souhaiterions distinguer ici, sans entrer dans le détail, trois types de droits ou taxes prélevés par les États membres sur les voitures de tourisme.

19.      Il y a tout d’abord des taxes uniques, que nous appellerons «taxes d’immatriculation», qui sont prélevées à l’occasion de l’achat de la voiture ou qui constituent une condition de sa mise en service sur le territoire d’un État membre.

20.      Par ailleurs, des taxes périodiques ou annuelles sont prélevées aussi dans presque tous les États membres, selon des modalités diverses. On citera, à titre d’exemple de cette catégorie, la taxe sur les véhicules («Kraftfahrzeugsteuer») en Allemagne et en Autriche.

21.      Enfin, des droits destinés à couvrir les frais administratifs peuvent être perçus à l’occasion de l’immatriculation d’un véhicule dans un État membre (redevances d’immatriculation).

22.      D’après le dossier et les explications du gouvernement finlandais, les voitures de tourisme donnent lieu en Finlande à la perception de droits ou taxes relevant de ces trois catégories.

23.      Ainsi que l’indique déjà l’AVL, une taxe unique, assise sur la valeur imposable, est prélevée en Finlande sur les voitures de tourisme et les autres véhicules préalablement à leur immatriculation ou à leur mise en service. À cette taxe, l’autovero, vient s’ajouter encore la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions de l’arvonlisäverolaki.

24.     À côté, on trouve aussi des taxes perçues périodiquement, qui sont donc des taxes sur les véhicules au sens strict: l’«ajoneuvovero» (taxe différentielle ou «vignette») et la «moottoriajoneuvovero» (qui concerne les véhicules Diesel).

25.      Enfin, on perçoit en outre en Finlande, à l’occasion de l’immatriculation, des droits destinés à en couvrir les coûts administratifs (redevance d’immatriculation).

26.      La présente procédure ne concerne que l’autovero dont la Cour a déjà eu à connaître dans l’affaire Tulliasiamies et Siilin, dans laquelle nous avons également présenté des conclusions  (6) .

27.      Il s’agissait dans cette affaire de constater si une taxe comme l’autovero, telle qu’elle se présentait à l’époque quant à sa forme et à son montant, constituait une taxe intérieure discriminatoire interdite visant un véhicule importé d’occasion d’un autre État membre, ce que la Cour a dit pour droit. En l’occurrence, il s’agit plutôt de dire si une taxe comme l’autovero finlandaise peut être prélevée dans un certain contexte, à savoir l’importation définitive d’une voiture de tourisme lors d’un transfert de résidence, et ce quels que soient le mode de calcul ou le montant de la taxe.

28.      La juridiction de renvoi voudrait savoir en substance si la directive et la franchise fiscale qui est prévue à son article 1er, s’opposent à cette imposition.

29.      Nous souhaiterions enfin attirer l’attention sur le fait que la Commission a déjà soulevé cette question dans l’affaire Weigel, encore pendante devant la Cour, concernant la taxe autrichienne dénommée «Normverbrauchsabgabe» ou «NoVA», dont la compatibilité avec les articles 23 CE, 25 CE et 39 CE, ainsi qu’avec la sixième directive TVA, est contestée, et que l’avocat général Tizzano, dans ses conclusions dans cette affaire, a lui aussi exprimé un point de vue à ce sujet  (7) .

B –   Les arguments essentiels des intéressés

30.      D’après MmeLindfors et la Commission, la directive et son exigence de franchise fiscale s’opposent à une taxe telle que celle qui est en cause dans la procédure au principal. À leur avis, l’autovero est une taxe à la consommation prélevée lors d’une importation définitive, qui est visée à l’article 1er, paragraphe 1.

31.      Mme Lindfors fait valoir entre autres que l’autovero, en réalité, et ainsi qu’il ressort des formalités de déclaration fiscale, a pour fait générateur l’importation du véhicule en Finlande. Sa nature de taxe à la consommation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive ressort selon elle indirectement du champ d’application de la directive 83/182/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables à l’intérieur de la Communauté en matière d’importation temporaire de certains moyens de transport  (8) , ainsi que de la proposition de directive du Conseil régissant le traitement fiscal des véhicules à moteur de tourisme transférés définitivement dans un État membre autre que celui où ils sont immatriculés  (9) (ci-après la «proposition de la Commission»).

32.      La Commission explique que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive interdit de prélever des impôts dont le fait générateur est l’imposition. D’après elle, cette interdiction ne saurait être contournée par la substitution à l’importation d’un fait générateur différent, telle l’immatriculation. La Commission fait remarquer aussi que la directive est à interpréter à la lumière des dispositions relatives à la libre circulation des personnes et à la prévention de la double imposition.

33.      La république de Finlande, le royaume de Danemark et la Républiquehellénique soutiennent au contraire, dans les observations qu’ils ont présentées en l’occurrence, qu’une taxe telle que l’autovero n’est pas incluse dans la franchise prévue à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive, et se réfèrent à ce propos aux conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire Weigel  (10) . Ils s’accordent à souligner en substance que l’autovero n’est pas une taxe prélevée à l’importation, mais bien plutôt une taxe liée à l’utilisation. Si le véhicule n’est pas mis en service en Finlande – par exemple, pour reprendre l’exemple cité par la république de Finlande, s’il s’agit d’une voiture destinée à être exposée dans un musée – l’autovero n’est pas due. Il convient par conséquent de la considérer comme une taxe concernant l’utilisation du véhicule ou comme un «droit perçu lors de l’immatriculation d’une voiture automobile» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive, et, partant, comme exclu de la franchise.

34.      Pour autant que ces États membres parlent de la proposition de la Commission, ou de la directive 83/182, ces textes leur inspirent, quant à l’interprétation du champ d’application de la directive, une conclusion inverse de celle de Mme Lindfors et de la Commission. Ils font valoir aussi que les taxes d’immatriculation comme l’autovero ne sont pas encore harmonisées dans la Communauté et qu’il faut donc bien accepter l’éventuelle double imposition qui peut résulter de cette situation. Le royaume de Danemark indique que l’exception relative aux «droits perçus lors de l’immatriculation des voitures automobiles» a justement été insérée à sa demande à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive afin d’exclure expressément des taxes d’immatriculation telles que l’autovero du champ d’application de la directive.

35.      La Commission, tout comme MmeLindfors, interprète cependant l’exception de l’article 1er, paragraphe 2, en ce sens qu’elle ne concerne que les redevances représentant les frais administratifs liés à l’immatriculation des véhicules, appuyant sa démonstration surtout sur le fait que les versions française et anglaise de la directive emploient les termes de «droits» et de «fees» dans ce contexte.

36.      Les États membres intéressés rejettent cette interprétation pour des raisons linguistiques et d’économie de la directive. Ils font valoir notamment que la perception de redevances destinées à couvrir les coûts administratifs ne soulève de toute façon aucune objection de droit communautaire.

C –   Appréciation

37.      D’après l’article 1er, paragraphe 1, de la directive, le champ d’application de celle-ci s’étend aux taxes à la consommation – «taxes sur le chiffre d’affaires», «accises et autres taxes à la consommation» – qui sont «normalement» exigibles «à l’importation définitive, par un particulier, de biens personnels en provenance d’un […] État membre». À ces taxes à la consommation s’opposent, à l’article 1er, paragraphe 2, les «droits ou taxes spécifiques et/ou périodiques concernant l’utilisation de ces biens», qui ne sont pas visés par la directive. Celle-ci cite expressément, à titre d’exemples de ces droits ou taxes, les «droits perçus lors de l’immatriculation des voitures automobiles, les taxes de circulation routière, les redevances télévision».

38.     À l’évidence, la directive fonde la délimitation de son champ d’application sur une distinction entre les taxes (à la consommation) liées à l’importation et celles qui concernent l’utilisation des biens à l’intérieur du pays.

39.      Cette distinction semble de prime abord lumineuse dans la mesure aussi où l’on ne voit pas pourquoi un citoyen communautaire qui établit sa résidence normale dans un autre État membre et qui donc y vit et y utilise des biens devrait être exempté des taxes liées à l’utilisation de ces objets dans cet État membre.

40.      En revanche, des droits et taxes liés à l’importation de biens sont tout à fait de nature à créer une entrave fiscale directe à la libre circulation des personnes.

41.      Quant aux droits ou taxes liés à l’importation qui pourraient être concernés par l’article 1er, paragraphe 1, de la directive, il ne s’agit cependant pas, par exemple, des droits de douane ou assimilés visés aux articles 23 CE et 25 CE, même si bien sûr une caractéristique de ces taxes, d’après la jurisprudence, est justement d’être prélevées à l’importation ou au franchissement de la frontière d’un État membre  (11) . Comme les charges financières de ce type sont de toute façon interdites par le droit primaire, et qu’elles ne peuvent être sous-tendues par aucune mesure d’harmonisation prise en vertu de l’article 99 CE, il est clair que la directive ne les vise pas.

42.      En revanche, l’article 1er, paragraphe 1, de la directive vise les impositions intérieures – pour reprendre le terme de l’article 90 CE – ou les impositions indirectes ou – plus précisément – les taxes à la consommation dont le fait générateur est l’importation.

43.      On peut ne pas avoir immédiatement présents à l’esprit des exemples d’impositions de ce type, mais il ne faut pas oublier que la directive a précédé l’instauration du marché intérieur au 1er janvier 1993 et les progrès réalisés dans ce contexte en matière d’élimination des entraves fiscales à la circulation intracommunautaire des marchandises. À l’époque, les États membres pouvaient encore percevoir notamment des taxes sur le chiffre d’affaires à l’importation ou d’autres taxes (spécifiques) à la consommation, qui étaient fiscalement liées à l’importation d’une marchandise  (12) .

44.      Pour ce qui est de la taxe sur la valeur ajoutée, la directive 91/680/CEE  (13) a aboli le principe de l’imposition des importations dans le commerce intracommunautaire, condition de l’élimination des frontières fiscales, pour le remplacer par la notion d’imposition à l’achat, en vertu du principe du pays de destination. Depuis, les taxes à l’importation ne sont plus autorisées que dans le cadre des échanges avec les pays tiers.

45.      Les États membres conservent certes, en vertu de l’article 33 de la sixième directive TVA, la faculté de maintenir ou d’introduire librement des taxes à la consommation et autres impositions indirectes dès lors que celles-ci n’ont pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires au sens de la même directive et qu’elles n’affectent pas le fonctionnement du système commun de TVA  (14) . En ce qui concerne toutefois les taxes à la consommation – y compris également des taxes spécifiques à la consommation perçues sur les voitures automobiles – il convient en tout cas d’observer que, d’après l’article 3, paragraphe 3, de la directive 92/12/CEE  (15) , ces impositions ne peuvent donner lieu dans les échanges entre États membres «à des formalités liées au passage d’une frontière». Ainsi, la faculté pour les États membres d’introduire ou de maintenir des taxes spécifiques à la consommation reposant sur l’importation ou le franchissement de frontières est-elle de facto sérieusement restreinte, mais pas totalement exclue  (16) .

46.      Même si nous ne souhaitons pas aller plus avant dans ces considérations, elles nous amènent à rechercher si une imposition présentant les traits de l’autovero relève de la franchise prévue par la directive.

47.      D’après l’AVL, l’autovero est fiscalement lié à l’immatriculation ou à la mise en service d’un véhicule en Finlande.

48.      Or, la Commission et Mme Lindfors partent quant à elles du principe que la franchise fiscale de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive a trait à des taxes qui sont liées à l’importation. Elles soutiennent cependant que, malgré le lien, mentionné par la loi, avec l’immatriculation ou la mise en service, l’autovero doit être considéré en réalité comme une imposition perçue à l’occasion de l’importation.

49.     À l’audience, la république de Finlande a démontré, à notre avis de manière convaincante, que la déclaration fiscale relative à l’autovero ou à son paiement n’est pas en réalité la conséquence obligatoire du franchissement de la frontière ou de l’importation et que les formalités douanières décrites par Mme Lindfors se rapportent à une importation en provenance d’un État tiers. Les modalités pratiques du transfert ne permettent donc pas de conclure qu’une taxe telle que l’autovero est en réalité une taxe prélevée à l’importation.

50.      Plus important est, à notre avis, l’argument de la Commission selon lequel même une imposition comme l’autovero, qui est formellement liée à l’immatriculation ou à la mise en service, est à considérer comme une taxe à l’importation ou une taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive, et que l’on ne saurait contourner cette disposition en prévoyant un autre fait générateur que l’importation.

51.      On remarquera d’abord à ce sujet que – ainsi que l’a illustré la république de Finlande avec son exemple d’un véhicule à exposer dans un musée – une taxe comme l’autovero ne produit pas l’effet d’une «vraie» taxe à la consommation exigible à l’importation parce que, malgré le transport vers la Finlande, elle n’est pas perçue, du moins tant que la voiture n’y est pas mise en circulation ou immatriculée.

52.      On pourrait certes soutenir que, en réalité, l’immatriculation ou la mise en circulation constituent un fait générateur de substitution, comparable en pratique à l’importation, d’autant plus que l’on peut présumer que, dans la grande majorité des cas, les véhicules introduits dans un État membre y sont aussi utilisés.

53.      Dans un autre contexte, la Cour a été déjà amenée dans l’affaire Commission/Belgique à examiner la thèse de la Commission selon laquelle la taxe d’immatriculation des véhicules neufs alors en vigueur en Belgique était en réalité une taxe sur la valeur ajoutée. Le royaume de Belgique soutenait entre autres que les deux impositions étaient à distinguer en ce que leurs faits générateurs étaient différents (la livraison, d’une part, l’immatriculation, d’autre part)  (17) .

54.      La Cour a observé que «cette thèse ne pourrait être retenue que si les deux taxes étaient effectivement indépendantes l’une de l’autre». Elle a exclu en conclusion le caractère autonome de la taxe d’immatriculation, au motif toutefois que, dans le cas d’espèce, il existait entre la taxe d’immatriculation et la taxe sur la valeur ajoutée, par le biais d’un mécanisme d’imputation, un lien direct, qui excluait toute distinction entre les faits générateurs des deux taxes  (18) .

55.      Or, en l’occurrence, il n’existe aucun lien de ce genre entre l’autovero et une taxe sur la valeur ajoutée qu’il faudrait payer à l’importation. À la lumière de ce fait, il semble que la différence entre une taxe comme l’autovero et une taxe à la consommation prélevée à l’importation soit suffisamment marquée pour que l’on ne puisse mettre la première sur le même plan que la seconde aux fins de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive.

56.      Nous en concluons donc qu’une taxe comme l’autovero n’est pas une taxe sur le chiffre d’affaires perçue à l’importation, une accise ou une autre taxe à la consommation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive. Les développements qui précèdent ont toutefois montré aussi que ces notions fiscales ne se laissent pas délimiter nettement et que le seul fait qu’une taxe soit prélevée à la suite d’une immatriculation, ou en soit la condition, n’exclut pas en soi toute possibilité d’y voir aussi une sorte de taxe à la consommation prélevée à l’importation.

57.      Dans ce contexte, il convient maintenant de s’intéresser à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive. Les ébauches qui ont abouti à la directive montrent que cette disposition, qui ne figurait pas initialement dans la proposition de la Commission, a été intégrée dans la directive dans le but d’en préciser le champ d’application, à la demande de quelques États membres  (19) . Cette disposition fait mention expresse des «droits perçus lors de l’immatriculation des véhicules», notion qui, d’après les États membres ici intéressés, vise des taxes telles que l’autovero.

58.      Nous ne sommes pas convaincu par la thèse de la Commission selon laquelle cette notion ne s’attacherait qu’à une éventuelle redevance destinée à couvrir les coûts administratifs de l’immatriculation, et ce pour plusieurs raisons.

59.      D’une part et surtout, le royaume de Danemark, à l’audience notamment, a observé à juste titre qu’une interprétation purement textuelle de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive ne confirmait pas ce point de vue. Compte tenu des procédures et des traditions fortement divergentes entre les États membres en matière d’imposition, la prudence à ce sujet se recommande d’emblée. Verrait-on, par exemple, dans la distinction entre les «taxes» et les «droits» de la version française de la directive un appui à la thèse de la Commission, cet appui ne se retrouverait guère dans, disons, le texte allemand, puisque les notions de «Steuern» et d’«Abgaben» seraient interchangeables.

60.      D’autre part, les «droits perçus lors de l’immatriculation des voitures automobiles» à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive sont cités en tant qu’exemple de taxe fondée sur l’utilisation de biens importés. Or, ce ne serait justement pas le cas d’une taxe destinée à couvrir des coûts administratifs ou qui serait la contrepartie d’un service administratif.

61.      Il convient ensuite de constater que la circonstance qu’une taxe comme l’autovero n’est pas périodique et que sa perception (de même que son montant) ne dépend pas de l’ampleur ou de la durée réelles de l’utilisation du véhicule après son immatriculation ne s’oppose à ce que cette imposition soit classée en taxe concernant l’utilisation d’un bien au sens de la directive. En témoigne déjà le fait que, d’après l’article 1er, paragraphe 2, les taxes au sens de cette disposition ne sont pas obligatoirement périodiques («taxes spécifiques et/ou périodiques»).

62.      Il ressort du dossier et de l’exposé de la république de Finlande que la mise en service ou l’utilisation légales d’un véhicule en Finlande ne sont en principe possibles qu’après l’immatriculation  (20) . Le prélèvement de l’autovero constitue donc en tout état de cause une condition de l’utilisation (légale) d’un véhicule en Finlande.

63.      On pourrait considérer non sans raisons qu’une telle imposition est une taxe concernant l’utilisation d’un bien, que l’article 1er, paragraphe 2, exclut expressément du champ d’application de la directive.

64.      Du reste, on ne saurait, à l’instar de Mme Lindfors, déduire, sans autre examen, du fait que la franchise fiscale prévue par la directive 83/182, qui ne concerne que l’importation temporaire de véhicules, inclut aussi les taxes d’immatriculation, que ces taxes sont aussi comprises dans la franchise instituée par la directive 83/183, qui a trait à l’importation définitive des véhicules.

65.      Les parties  (21) ont aussi considéré la proposition de la Commission comme une réglementation devant succéder à ces directives et dans laquelle l’interdiction d’imposition s’étend désormais explicitement à des taxes d’immatriculation comme l’autovero. À en juger d’après ses considérants, la proposition vise à éliminer les problèmes subsistants en matière d’imposition des véhicules dans le cadre d’un transfert de résidence, de sorte que, à l’évidence, cette proposition procède plutôt de la constatation que, dans le système de la directive actuelle, la franchise fiscale ne concerne pas (encore) les taxes à l’immatriculation  (22) . On ne saurait cependant en tirer une indication sûre pour interpréter le sens de la directive actuelle.

66.      Enfin, il y a lieu d’examiner la thèse de la Commission selon laquelle la directive est à interpréter à la lumière des objectifs d’harmonisation fiscale ou des libertés fondamentales.

67.      Ce qui vaut pour la directive 83/182 vaut certainement aussi pour la directive qui est ici en cause, à savoir que «les dispositions de la directive doivent être interprétées à la lumière des objectifs fondamentaux poursuivis par l’effort d’harmonisation en matière de TVA, tels que, notamment, la promotion de la libre circulation des personnes et des marchandises et la prévention des cas de double imposition»  (23) .

68.      Certes, on ne saurait à notre avis en tirer, en se fondant sur la directive, des conclusions sur des taxes liées à l’immatriculation comme l’autovero qui, ainsi qu’on l’a vu, sont exclues de son champ d’application.

69.      En outre, l’interdiction de la double imposition, mise en exergue par la Commission, qui poursuit un objectif d’harmonisation dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée  (24) , ne s’applique pas automatiquement à tous les types d’impositions.

70.      En matière d’imposition des véhicules, la Cour a bien plutôt établi, dans son arrêt Cura Anlagen, que les États membres sont libres, dans l’exercice de leur compétence dans ce domaine, et que l’immatriculation apparaît comme «le corollaire naturel de l’exercice de cette compétence fiscale». Ils ont la faculté de «répartir entre eux cette compétence fiscale […] et de conclure entre eux des accords assurant qu’un véhicule ne fasse l’objet d’une taxation indirecte que dans un des États signataires»  (25) .

71.      Il s’ensuit que, dans l’état actuel du droit communautaire en matière de taxes liées à l’immatriculation – comme l’autovero – il faut accepter les conséquences d’un défaut d’harmonisation, telles que la double imposition. Tout au plus, les États membres pourraient-ils prendre de leur propre chef des mesures pour la prévenir.

72.      Toutes ces considérations nous amènent à répondre à la demande préjudicielle que l’article 1er de la directive ne s’oppose pas à ce qu’une taxe telle que l’autovero soit prélevée sur des véhicules importés d’un État membre dans un autre État membre dans le cadre d’un changement de résidence.

V –  Conclusion

73.      Nous proposons donc à la Cour de répondre à la question préjudicielle ce qui suit:

«L’article 1er de la directive 83/183/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables aux importations définitives de biens personnels des particuliers en provenance d’un État membre, est à interpréter en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une taxe telle que celle prévue par l’autoverolaki (1482/1994), du 29 décembre 1994, dans sa version en vigueur en 1999, soit prélevée sur des véhicules importés d’un État membre dans un autre État membre dans le cadre d’un changement de résidence.»


1 – Langue originale: l'allemand.


2 – JO L 105, p. 64, ci-après la «directive».


3 – Ainsi ces derniers sont-ils, par exception à la règle générale, imposés selon le principe de l'État membre de destination même dans le cas d'acquisition par une personne privée: voir l'article 28 bis de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive TVA».


4 – Voir arrêt du 21 mars 2002, Cura Anlagen (C-451/99, Rec. p. I-3193, point 40).


5 – On trouvera à ce sujet une vue d'ensemble utile dans la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 6 septembre 2002 relative à l'imposition des voitures de tourisme dans l'Union européenne – Actions au niveau national et au niveau communautaire, ainsi que dans une étude de janvier 2002, établie pour la Commission par TIS/PT (Consultores em Transportes Inovaçao e Sistemas, SA), sur l'imposition des véhicules à moteur dans les États membres, disponible sur Internet:

hhtp://europa.eu.int/comm/taxation_customs/taxation/car_taxes/vehicle_tax_study_15-02-2002.pdf.


6 – Conclusions du 25 octobre 2001 (arrêt du 19 septembre 2002, C-101/00, Rec. p. I-7487).


7 – Conclusions de l'avocat général Tizzano du 3 juillet 2003 dans l'affaire Weigel (C-387/01, non encore publiée au Recueil, points 40 à 56).


8 – JO L 105, p. 59.


9 – COM(1998) 30 final (JO C 108, p. 75), dans la version modifiée de la proposition COM(1999) 165 final (JO C 145, p. 6).


10 – Conclusions précitées note 7.


11 – Voir, entre autres, arrêt du 17 juin 2003, De Danske Bilimportører (C-383/01, Rec. p. I-6065, point 34).


12 – À titre d'exemple, voir la taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation prélevée par le royaume de Belgique sur les véhicules, qui a été examinée dans l'arrêt du 3 octobre 1985, Profant (249/84, Rec. p. 3237).


13 – Directive du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l'abolition des frontières fiscales, la directive 77/388 (JO L 376, p. 1).


14 – Voir, entre autres, arrêts du 8 juillet 1986, Kerrutt (73/85, Rec. p. 2219, point 22), et du 13 juillet 1989, Wisselink e.a. (93/88 et 94/88, Rec. p. 2671, point 17).


15 – Directive du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1).


16 – Voir, à ce propos, aussi Jatzke, Das neue Verbrauchsteuerrrecht im EG-Binnenmarkt, Steuerrecht 1 (1993), 41 (42). Pour un exemple de taxe spécifique prélevée sur un véhicule entre autres à l'importation, voir aussi l'arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Grèce (C-375/95, Rec. p. I-5981).


17 – Arrêt du 4 février 1988 (391/85, Rec. p. 579, points 14 et 22).


18 – Arrêt précité note 17, point 25.


19 – Document interne n° 6205/79 du groupe de travail Finances du Conseil, du 23 avril 1979, p. 3, que le royaume de Danemark a présenté, avec l'autorisation du Conseil, en annexe à ses observations.


20 – De ce point de vue, la mise en service dans la circulation en Finlande pourrait être un fait générateur alternatif, garantissant dans tous les cas la naissance de la dette fiscale au sens de l'AVL même lorsque le véhicule, en infraction à la réglementation, est mis en circulation sans avoir été immatriculé.


21 – Voir article 1er combiné à l'annexe I de la proposition de la Commission.


22 – Voir aussi dans le même sens les conclusions de l'avocat général Tizzano dans l'affaire Weigel (précitée note 7), points 51 et 52.


23 – Arrêt du 29 mai 1997, Klattner (C-389/95, Rec. p. I-2719, point 25); voir aussi, notamment, arrêts Profant (précité note 12); du 6 juillet 1988, Ledoux (127/86, Rec. p. 3741, point 11), et du 23 avril 1991, Ryborg (C-297/89, Rec. p. I-1943, point 13).


24 – Se référer à ce document.


25 – Voir arrêt Cura Anlagen (précité note 4), points 40 et 41.