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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉGER

présentées le 12 mai 2005 (1)

Affaire C-291/03

My Travel plc

contre

Commissioners of Customs & Excise

[demande de décision préjudicielle formée par le VAT and Duties Tribunal, Manchester (Royaume-Uni)]

«TVA – Article 26 de la sixième directive TVA – Régime des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques – Prestations propres et prestations acquises auprès de tiers – Méthode de calcul de la base d'imposition – Ventilation du prix forfaitaire entre les prestations acquises et les prestations propres – Application du critère de la valeur de marché»





1.     La sixième directive 77/388/CEE (2) a prévu à son article 26 un régime particulier en matière de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») pour les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques. Ce régime particulier s’applique à ces agences et à ces organisateurs qui, moyennant un prix forfaitaire, vendent à des voyageurs une prestation qui comprend plusieurs services, notamment en matière d’hébergement et de transport, achetés auprès de tiers. Selon ce même régime, la base d’imposition pour la TVA n’est pas constituée par le prix hors taxe du voyage, mais par la marge bénéficiaire réalisée par l’agence, c’est-à-dire la différence entre le prix hors taxe payé par l’acheteur et le coût des services que l’agence a acquis auprès des tiers.

2.     Dans l’arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (3), la Cour a précisé que, lorsque la prestation vendue par une agence de voyages pour un prix forfaitaire est composée de prestations en partie achetées auprès de tiers et en partie fournies par elle-même, le régime particulier de l’article 26 de la sixième directive s’applique uniquement aux prestations fournies par des tiers.

3.     Elle s’est également prononcée sur la méthode à appliquer afin d’isoler la partie du prix forfaitaire relative aux prestations fournies par l’agence de voyages elle-même. Plus précisément, la question s’est posée de savoir si cette méthode devait prendre en compte le coût effectif de ces prestations pour l’opérateur, comme l’exigeait la législation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, ou bien leur valeur de marché. La Cour a dit pour droit qu’il ne peut pas être exigé d’un opérateur économique qu’il calcule la partie du forfait correspondant à ses prestations propres en appliquant le critère des coûts effectifs lorsqu’il est possible d’isoler cette partie du forfait sur la base de la valeur de marché de prestations analogues.

4.     À la suite de cet arrêt, la société Airtours, devenue My Travel plc (4), un organisateur de circuits touristiques également soumis à la TVA au Royaume-Uni et qui avait calculé sa dette pour les années 1995 à 1999 en appliquant le critère des coûts effectifs, a demandé à son administration nationale la possibilité de recalculer celle-ci, pour certaines années, en utilisant le critère de la valeur de marché.

5.     Le VAT and Duties Tribunal, Manchester (Royaume-Uni), demande à la Cour de dire si et à quelles conditions un organisateur de circuits touristiques tel que My Travel peut recalculer sa dette de TVA conformément à la méthode de la valeur de marché décrite dans l’arrêt Madgett et Baldwin, précité.

I –    Le cadre juridique

A –    L’article 26 de la sixième directive

6.     Les services fournis par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques se caractérisent par le fait que, le plus souvent, pour un prix forfaitaire, ils se composent de plusieurs prestations, notamment en matière de transport et d’hébergement, qui se réalisent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire de l’État membre où l’entreprise a son siège ou un établissement stable.

7.     L’application des règles de droit commun concernant le lieu d’imposition, la base d’imposition et la déduction de la taxe en amont se heurterait, en raison du nombre et de la localisation des prestations fournies, à des difficultés d’ordre pratique pour ces opérateurs économiques, qui seraient de nature à entraver l’exercice de leur activité. Ainsi, afin de récupérer la taxe payée en amont sur les prestations de services achetées à d’autres entreprises pour l’organisation du voyage, ces assujettis seraient contraints d’effectuer les formalités administratives nécessaires dans chaque État membre dans lequel ils ont acheté ces prestations.

8.     L’article 26 de la sixième directive a donc pour objectif de simplifier l’application des règles communautaires en matière de TVA pour ces opérateurs (5) et, en particulier, d’assurer une déduction simplifiée de la taxe payée en amont, quel que soit l’État membre où elle a été perçue (6).

9.     Il instaure ainsi un régime particulier en faveur des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques qui agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et qui utilisent pour la réalisation du voyage des livraisons et des prestations de services d’autres assujettis (7).

10.   Selon ce régime, toutes les opérations effectuées par l’agence de voyages sont considérées comme une prestation unique et celle-ci est imposée au lieu où cette agence a établi le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services (8).

11.   Ce régime particulier prévoit également une dérogation au régime général énoncé à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, selon lequel la base d’imposition à la TVA est constituée par toute la contrepartie que le prestataire obtient de l’acheteur (9). Ainsi, l’article 26 de la même directive dispose, à son paragraphe 2, troisième phrase:

«Pour cette prestation de services est considérée comme base d’imposition et comme prix hors taxe, au sens de l’article 22paragraphe 3 sous b), la marge de l’agence de voyages, c’est-à-dire la différence entre le montant total à payer par le voyageur hors taxe à la valeur ajoutée et le coût effectif supporté par l’agence de voyages pour les livraisons et prestations de services d’autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur.»

12.   En corollaire à cette base d’imposition réduite à la marge bénéficiaire, «[l]es montants de la [TVA] qui sont portés en compte à l’agence de voyages par d’autres assujettis pour les opérations visées au paragraphe 2 et qui profitent directement au voyageur ne sont ni déductibles ni remboursables dans aucun État membre» (10).

B –    Le droit national

13.   L’article 26 de la sixième directive a été transposé au Royaume-Uni par l’article 52 de la loi de 1994 relative à la TVA (Value Added Tax Act 1994) et par le règlement de 1987 relatif à la TVA applicable aux organisateurs de circuits touristiques [Value Added Tax (Tour Operators) Order 1987].

14.   Le régime de calcul de la marge bénéficiaire réalisée par les organisateurs de circuits touristiques qui fournissent aux voyageurs des prestations acquises auprès de tiers est déterminé, pour les périodes d’imposition en cause dans le litige au principal, par la circulaire 709/5/88, puis par la circulaire 709/5/96 des Commissioners of Customs and Excise (11), dites «Tour Operators’ Margin Scheme» (régime concernant la marge applicable aux organisateurs de circuits touristiques). La juridiction de renvoi indique que, pour les besoins de la présente procédure, les régimes prévus par ces deux circulaires peuvent être considérés comme identiques (12).

15.   Le régime TOMS prévoit que l’organisateur de circuits touristiques dont les forfaits comprennent à la fois des prestations acquises auprès de tiers et des prestations propres doit ventiler le montant total du forfait entre le coût que représentent pour lui les prestations de chacune de ces deux catégories. Le coût des prestations acquises correspond au montant réclamé à l’organisateur de circuits touristiques par le fournisseur tiers. Le coût des prestations propres est calculé à partir de la comptabilité de cet organisateur. Une fois parvenu à établir des montants distincts pour le coût des services acquis et pour celui des services propres, il doit déduire la somme de ces coûts du montant total du forfait pour obtenir la marge globale. Il doit ensuite ventiler cette marge globale en fonction de la proportion du coût total des prestations propres par rapport à celui des prestations acquises. La marge des prestations acquises est alors soumise au régime de l’article 26 de la sixième directive et la part du forfait correspondant aux prestations propres fait l’objet d’une taxation conformément au droit commun de la même directive.

C –    L’arrêt Madgett et Baldwin

16.   MM. Madgett et Baldwin exploitaient un hôtel situé dans le Devon, en Angleterre. Leur clientèle se composait, à 90 %, de clients qui leur achetaient un «forfait», c’est-à-dire qu’ils acquittaient un prix fixe en contrepartie d’un hébergement en demi-pension, de leur transport depuis différents points de ramassage et d’une excursion d’une journée en autocar. Les autres clients de l’hôtel se chargeaient eux-mêmes de leur transport aller-retour jusqu’à l’hôtel, ne bénéficiaient pas de la visite touristique et ne payaient pas le même prix. MM. Madgett et Baldwin recouraient, pour assurer le transport de leurs clients jusqu’à l’hôtel et les voyages en autocar, à des entreprises tierces.

17.   Dans ledit arrêt, la Cour a d’abord dit pour droit, d’une part, que le régime particulier de l’article 26 de la sixième directive, bien qu’il vise à éviter les problèmes liés à l’acquisition de prestations dans différents États membres, a également vocation à s’appliquer lorsque les prestations sont fournies dans un seul État (13). Elle a estimé, d’autre part, que cette application ne devait pas être limitée aux seuls opérateurs économiques qualifiés formellement d’agences de voyages ou d’organisateurs de circuits touristiques, mais qu’elle devait aussi être étendue aux hôteliers tels que MM. Madgett et Baldwin, qui fournissent des services liés à des voyages acquis auprès de tiers, dès lors que ces services ne revêtent pas un caractère purement accessoire par rapport à leurs prestations propres d’hôteliers (14).

18.   La Cour a abordé ensuite le point de savoir comment calculer la marge imposable lorsque le forfait comprend des prestations propres et des services acquis.

19.   En premier lieu, elle a déduit du contenu de l’article 26 de la sixième directive, de ses objectifs et de son caractère dérogatoire au régime général que le régime particulier dudit article ne doit s’appliquer qu’aux prestations acquises auprès de tiers (15).

20.   Cette analyse a pour conséquence que l’agence de voyages doit procéder à la ventilation du prix forfaitaire payé par ses clients, de manière à isoler la marge pratiquée sur les prestations acquises auprès de tiers. Cependant, l’article 26 de la sixième directive, dans la mesure où il n’envisage pas l’hypothèse de voyages à prix forfaitaires comprenant à la fois des prestations acquises auprès de tiers et des prestations propres, ne définit pas les critères permettant de calculer cette marge et de déduire du prix forfaitaire ce qui correspond aux prestations propres. En outre, comme ce prix forfaitaire couvre à la fois les prestations acquises et les prestations propres, la notion de «contrepartie», au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la même directive, ne peut pas non plus être utilisée comme base d’imposition pour ces dernières.

21.   La juridiction de renvoi a donc interrogé la Cour sur l’unité de référence à utiliser afin d’isoler la partie du forfait relative aux prestations propres. Elle a suggéré deux méthodes possibles, fondées, l’une sur le coût réel de ces prestations pour l’opérateur, conformément au régime TOMS, et l’autre sur leur valeur de marché. Cette seconde méthode consistait à prendre comme référence, pour déterminer la valeur de l’hébergement fourni par les hôteliers dans le cadre du forfait, les prix des chambres et de la demi-pension facturés aux clients qui n’utilisent pas ce forfait. Selon cette méthode, il suffit de déduire dudit forfait la valeur totale de l’hébergement, obtenue à partir des prix pratiqués hors forfait, pour calculer la valeur des prestations acquises, puisque cette valeur de l’hébergement recouvre à la fois la marge bénéficiaire et les coûts de celui-ci. La déduction du prix des prestations acquises auprès des tiers conduit ensuite à la marge imposable en application de l’article 26 de la sixième directive.

22.   Confrontée à ce choix, la Cour a indiqué qu’aucune des deux méthodes proposées ne permet de déterminer exactement quelle a été la contrepartie réellement reçue par l’opérateur au titre des prestations qu’il a fournies en propre. Ainsi, la méthode fondée sur les coûts effectifs ne rend pas fidèlement compte de la composition du forfait, parce que rien ne permet de supposer que les marges de chacune des deux catégories de prestations composant le forfait sont proportionnelles à la part qu’occupent leurs coûts respectifs (16).

23.   De même, la méthode fondée sur la valeur de marché des prestations propres, déterminée en l’espèce sur la base des prix des chambres et de la demi-pension pratiqués par l’hôtel lorsque les clients n’utilisent pas le forfait, peut également comporter une part d’arbitraire, dans la mesure où le prix de l’hébergement fourni dans le cadre du forfait n’est pas nécessairement identique au prix de l’hébergement lorsque celui-ci est proposé comme prestation unique (17).

24.   Néanmoins, la Cour a relevé que cette dernière méthode présente l’avantage de la simplicité par rapport à la méthode des coûts effectifs. Elle a conclu son analyse par les points suivants:

«45      Or, la méthode des coûts effectifs relative aux prestations propres nécessite une série d’exercices de sous-ventilation complexes et impose ainsi un important travail supplémentaire à l’opérateur économique. En revanche, l’utilisation de la valeur de marché des prestations propres présente, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 76 de ses conclusions, l’avantage de la simplicité étant donné qu’il n’est pas nécessaire de distinguer les différents éléments de la valeur des prestations propres.

46      Dans ces circonstances – compte tenu du fait qu’en l’espèce il est constant que le calcul de la TVA sur la marge des prestations acquises auprès de tiers en utilisant l’une ou l’autre alternative donne en principe une TVA identique – il ne peut pas être exigé d’un opérateur économique qu’il calcule la partie du forfait correspondant à la prestation propre selon le principe des coûts effectifs lorsqu’il est possible d’isoler cette partie du forfait sur la base de la valeur de marché des prestations analogues à celles faisant partie du forfait.

47      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées par le VAT and Duties Tribunal que l’article 26 de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un opérateur économique soumis aux dispositions de cet article effectue, contre le paiement d’un prix forfaitaire, des opérations composées de prestations de services fournies en partie par lui-même et en partie par d’autres assujettis, le régime de TVA prévu à cette disposition s’applique uniquement aux prestations de services fournies par des tiers. Il ne peut pas être exigé d’un opérateur économique qu’il calcule la partie du forfait correspondant à la prestation propre selon le principe des coûts effectifs lorsqu’il est possible d’isoler cette partie du forfait sur la base de la valeur de marché des prestations analogues à celles faisant partie du forfait.»

II – Les faits du litige au principal

25.   My Travel organise des vacances à prix forfaitaire dans des pays étrangers. Cette société achète systématiquement l’hébergement auprès de tiers. Toutefois, comme elle possède sa propre compagnie aérienne, elle assure généralement le transport des voyageurs vers leur lieu de vacances.

26.   Elle vend aussi au public des billets d’avion à l’unité, qualifiés de «seat only» (vols secs), correspondant à des places à bord de son propre appareil ou à des places acquises auprès d’autres sociétés, ainsi que des places à d’autres organisateurs de circuits touristiques, dites «broked seats» (sièges vendus en gros).

27.   Elle a déclaré sa dette de TVA au titre des années 1995 à 1999 en appliquant le régime TOMS. À la suite de l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, elle a recalculé sa dette de TVA pour les trois années 1995, 1996 et 1997 en soustrayant une «valeur de marché» des places vendues dans le cadre des vacances à prix forfaitaire.

28.   Pour obtenir cette valeur de marché, My Travel a utilisé deux méthodes. Pour l’année 1995 et, semble-t-il, pour l’année 1996, elle a pris comme point de départ le coût des billets d’avion vendus dans le cadre des forfaits auquel elle a ajouté un «pourcentage d’accroissement» égal à celui qu’elle prétend avoir réalisé pour la même période sur les ventes de billets à l’unité.

29.   Au cours de l’année 1995, My Travel a vendu également des vacances à prix forfaitaire comprenant des croisières, des voyages en avion avec mise à disposition d’un véhicule et des hébergements en camping. Cependant, elle n’a recalculé sa dette en appliquant le critère de la valeur de marché que pour ce qui concerne les voyages en avion, estimant qu’elle n’avait pas d’éléments de comparaison appropriés pour les autres prestations propres.

30.   Pour l’année 1997, My Travel, à partir d’un document interne appelé «Route Profitability Report» (rapport sur la rentabilité des liaisons), a évalué le «revenu moyen linéaire» obtenu par elle pour les billets d’avion vendus au public hors forfait à 153 GBP.

31.   Après avoir recalculé sur ces bases le coût des billets d’avion vendus dans le cadre des vacances à prix forfaitaire, My Travel a demandé aux Commissioners le remboursement des sommes de 212 000 GBP au titre de l’année 1995, de 2 004 857 GBP pour l’année 1996 et de 711 051 GBP au titre de l’année 1997.

32.   L’importance de ces montants est notamment due au fait que la méthode employée par My Travel a pour effet d’augmenter la part du prix forfaitaire qui est attribuée au transport et que celui-ci, en vertu du droit national applicable, fait l’objet d’une taxation à 0 %.

33.   Les Commissioners ont rejeté ces demandes. Ainsi qu’ils l’ont fait valoir devant la juridiction de renvoi, il ressort, selon eux, de l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, que la méthode fondée sur la valeur de marché ne peut pas être utilisée lorsque, comme dans le cas de My Travel, elle n’a pas l’avantage de la simplicité, elle produit un montant artificiel quant à la marge sur les prestations acquises et elle change significativement la dette de TVA. Ils ont soutenu, en outre, que cet arrêt ne permet pas d’appliquer une telle méthode de façon sélective et que la somme de 153 GBP ne représente pas la valeur de marché des places d’avion vendues dans le cadre des forfaits.

34.   My Travel a exposé, à l’inverse, que, dans l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, la Cour a rejeté l’argument selon lequel le critère des coûts effectifs constituerait un indicateur plus fiable de la valeur des différents éléments d’un forfait. Elle a fait valoir également qu’il ne saurait être exigé que les deux méthodes aboutissent à des dettes de TVA identiques, parce que cela obligerait les opérateurs à effectuer les calculs correspondant à chacune d’elles. Quant au motif retenu dans cet arrêt, tenant au caractère plus simple de la méthode fondée sur la valeur de marché, il ne constituerait qu’un facteur pris en compte pour aboutir à la solution retenue, et non une condition à laquelle l’emploi de ladite méthode serait subordonné.

35.   Selon My Travel, elle serait en droit d’utiliser la méthode fondée sur la valeur de marché dès lors qu’elle dispose d’un élément de comparaison satisfaisant, comme ce serait le cas pour les voyages en avion, et l’article 26 de la sixième directive ne s’opposerait pas à ce qu’elle utilise à la fois ladite méthode et celle fondée sur les coûts réels. Quant au montant de 153 GBP, il refléterait la valeur moyenne des billets d’avion vendus séparément et pourrait servir de base d’évaluation des voyages fournis dans le cadre des forfaits, parce que, dans l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, la Cour n’a pas exigé que l’opérateur fixe la valeur de marché des prestations propres par rapport à des prestations identiques mais au regard de prestations analogues.

III – Les questions préjudicielles

36.   C’est au vu de ces éléments que le VAT and Duties Tribunal, Manchester, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, portant sur l’interprétation de l’article 26 de la sixième directive et de l’arrêt Madgett et Baldwin, précité:

«1)      Dans quelles conditions, pour autant que cela soit possible, un organisateur de circuits touristiques, qui a rempli sa déclaration relative à la [TVA] pour un exercice financier en utilisant la méthode des coûts effectifs, qui était la seule méthode prévue par la législation nationale transposant la directive, a-t-il le droit de recalculer par la suite sa dette [de] TVA partiellement en conformité avec la méthode de la valeur de marché décrite au point 46 de cet arrêt?

a)      Cet organisateur de circuits touristiques peut-il plus particulièrement utiliser la méthode de la valeur de marché de façon sélective selon les différents exercices financiers, et si oui, dans quelles conditions?

b)      Lorsque l’organisateur de circuits touristiques vend hors forfait au public une partie des composants propres de ses forfaits (en l’espèce, des voyages en avion), mais ne vend pas hors forfait au public les autres composants propres de ses forfaits (en l’espèce, des croisières et des installations de camping), cet organisateur de circuits touristiques peut-il:

–       utiliser la méthode de la valeur de marché pour ces forfaits (qui sont largement les plus nombreux) lorsqu’il peut déterminer la valeur de l’ensemble de ses livraisons ou prestations propres (en l’espèce, les voyages en avion) par référence aux ventes hors forfait réalisées auprès du public;

–       dans les cas où le forfait comprend des éléments propres que l’organisateur de circuits touristiques ne vend pas hors forfait au public (en l’espèce les croisières et les installations de camping), cet organisateur de circuits touristiques peut-il utiliser la méthode de la valeur de marché pour déterminer la valeur des livraisons ou prestations propres qu’il vend au public (en l’espèce, les voyages en avion) lorsqu’il n’a pas été possible de déterminer une valeur de marché pour d’autres éléments du forfait?

c)      L’utilisation d’une combinaison de méthodes doit-elle être a) plus simple, b) significativement plus simple ou c) pas significativement plus complexe?

d)      La méthode de la valeur de marché doit-elle aboutir à la même dette [de] TVA, ou à une dette analogue à celle qui résulte de la méthode fondée sur les coûts?

2)      Est-il possible dans les circonstances de la présente espèce d’établir la part des prestations propres relatives aux voyages en avion vendus comme partie d’un forfait de vacances en prenant soit a) le coût moyen d’une place d’avion augmenté de la marge moyenne réalisée par l’organisateur de circuits touristiques sur les ventes de places uniquement, dans l’exercice financier en cause ou b) le revenu moyen réalisé par l’organisateur de circuits touristiques sur les ventes de places uniquement, dans ce même exercice financier?»

IV – Analyse

A –    Sur la première question

37.   La première question comprend plusieurs interrogations. À titre liminaire, la juridiction de renvoi, ainsi que cela ressort, notamment, des termes «pour autant que cela soit possible» figurant dans la première phrase de cette question, cherche à savoir si un organisateur de circuits touristiques, qui a rempli sa déclaration relative à la TVA pour une période d’imposition en utilisant la méthode prévue par la législation nationale transposant la sixième directive, a le droit de recalculer sa dette de TVA en application d’un arrêt de la Cour, selon la méthode jugée dans cet arrêt conforme à ladite directive.

38.   Nous sommes d’avis qu’il convient de répondre par l’affirmative à cette interrogation. Il est de jurisprudence constante que, lorsque la Cour, dans le cadre de la compétence que lui confère l’article 234 CE, interprète une disposition du droit communautaire, elle précise le sens et la portée de cette disposition telle que celle-ci aurait dû être comprise et appliquée depuis son entrée en vigueur (18). Il n’en va différemment que lorsque la Cour elle-même, à titre exceptionnel, limite dans son arrêt la portée dans le temps de cette interprétation (19). Un arrêt préjudiciel a donc vocation à produire des effets sur des relations juridiques nées avant qu’il ait été rendu, et ce même si ces relations ne faisaient pas l’objet d’une contestation pendante. Il en résulte, notamment, qu’une règle du droit communautaire ainsi interprétée doit être appliquée par un organe administratif dans le cadre de ses compétences même à des rapports juridiques nés et constitués avant le prononcé de l’arrêt de la Cour statuant sur la demande d’interprétation (20).

39.   Il est également de jurisprudence établie que, lorsqu’un État membre a perçu d’un justiciable des sommes en violation des règles du droit communautaire telles qu’elles ont été interprétées par la Cour, ce justiciable est en droit d’en obtenir le remboursement. Selon une formule habituellement reprise, ce droit à remboursement constitue la conséquence et le complément des droits qui sont conférés audit justiciable par les dispositions du droit communautaire telles qu’elles ont été interprétées par la Cour (21).

40.   Il est aussi constant que, si, en l’absence de réglementation communautaire en matière de restitution de taxes, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles ce droit peut être exercé, ces conditions doivent respecter les principes d’équivalence et d’effectivité, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables fondées sur des dispositions de droit interne ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (22). Conformément à cette jurisprudence, un assujetti qui a acquitté indûment des sommes au titre de la TVA peut demander le remboursement de celles versées à tort depuis l’entrée en vigueur de la législation nationale contraire à la sixième directive, suivant les modalités procédurales définies par son ordre juridique interne, sous réserve que celles-ci répondent aux exigences d’équivalence et d’effectivité (23).

41.   Il peut être logiquement déduit, selon nous, de l’ensemble de cette jurisprudence qu’un assujetti, qui se voit ainsi reconnaître le droit d’obtenir de son administration ou de son juge national, dans les conditions prévues par son droit interne, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité, le remboursement de la TVA payée indûment, doit également avoir la possibilité, dans les mêmes conditions, de recalculer le montant de la taxe dont il est redevable selon la méthode jugée par la Cour conforme au droit communautaire et de rectifier en conséquence ses déclarations faites au titre de la TVA.

42.   Nous proposerons donc de répondre à cette interrogation liminaire qu’une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques, qui a rempli sa déclaration relative à la TVA pour une période d’imposition en utilisant la méthode prévue par la législation nationale transposant la sixième directive, a le droit de recalculer sa dette de TVA selon la méthode jugée conforme au droit communautaire par la Cour, dans les conditions prévues par son droit national, qui doivent respecter les principes d’équivalence et d’effectivité.

43.    Dans le cadre de la première question, la juridiction de renvoi interroge également la Cour sur les conditions dans lesquelles un organisateur de circuits touristiques qui, contre le paiement d’un prix forfaitaire, fournit des prestations assurées par lui-même et des prestations effectuées par des tiers, peut utiliser la méthode fondée sur la valeur de marché pour isoler la partie de ce prix forfaitaire correspondant à ses prestations propres.

44.   Plus précisément, elle demande, en substance, si l’article 26 de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques qui, contre le paiement d’un prix forfaitaire, fournit au voyageur des prestations acquises et des prestations propres doit, en principe, isoler la partie du forfait correspondant à ses prestations propres sur la base de leur valeur de marché, dès lors que cette valeur peut être déterminée, ou bien si cet assujetti peut choisir librement d’utiliser ce critère ou celui des coûts réels. Dans ce contexte, ladite juridiction interroge aussi la Cour sur le point de savoir dans quelle mesure l’application de la méthode fondée sur la valeur de marché doit être plus simple pour l’assujetti concerné et si elle est soumise à la condition qu’elle aboutisse à une dette de TVA identique ou analogue à celle qui aurait été obtenue en utilisant la méthode fondée sur le coût réel des prestations.

45.   Elle demande également si le critère de la valeur de marché s’applique pour les prestations propres dont ladite valeur peut être déterminée lorsque, dans le cadre de la même période d’imposition, la valeur de marché de certains composants propres du forfait ne peut pas être déterminée parce que l’assujetti ne vend pas de prestations analogues hors forfait.

46.   La juridiction de renvoi indique qu’elle pose ces questions parce que, dans l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, elle n’a trouvé aucun élément qui serait de nature à démontrer que la Cour ait voulu restreindre d’une manière ou d’une autre l’utilisation de la méthode fondée sur la valeur de marché lorsqu’il est possible à un assujetti «d’isoler cette partie du forfait sur la base de la valeur de marché des prestations analogues à celles faisant partie du forfait». Elle n’a pas non plus été en mesure de déterminer avec certitude si les points 43 à 47 de cet arrêt contiennent des conditions qui doivent être obligatoirement satisfaites pour qu’un assujetti soit autorisé à utiliser cette méthode de ventilation, ou bien si ces points exposent simplement les facteurs dont la Cour a tenu compte pour aboutir à sa décision.

47.   Ces questions doivent nous conduire à examiner, en premier lieu, si l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, doit être compris en ce sens que la possibilité pour un assujetti de ventiler le prix forfaitaire en utilisant le critère de la valeur de marché est soumise aux conditions que l’utilisation de ladite méthode soit effectivement plus simple dans la situation particulière de cet assujetti et qu’elle aboutisse à une dette de TVA équivalente à celle qui serait obtenue à partir du critère des coûts réels.

48.   Nous verrons en deuxième lieu, le cas échéant, si la méthode fondée sur la valeur de marché peut être utilisée librement par un assujetti d’une période d’imposition à l’autre. Nous examinerons, en dernier lieu, si un assujetti peut employer cette méthode pour certaines prestations propres seulement lorsque, dans le cadre d’une même période d’imposition, il n’est pas en mesure de déterminer la valeur de marché d’autres composants propres du forfait.

49.   Il convient donc d’examiner, tout d’abord, si la ventilation, par un assujetti relevant de l’article 26 de la sixième directive, du prix forfaitaire en utilisant le critère de la valeur de marché est subordonnée à la condition que l’utilisation de ce critère soit effectivement plus simple dans sa situation particulière et qu’elle aboutisse à une dette de TVA semblable à celle qui serait obtenue à partir du critère des coûts réels. Il s’agit de savoir si, comme le soutient le gouvernement du Royaume-Uni, un assujetti comme My Travel ne serait pas en droit de modifier ses déclarations de TVA en appliquant le critère de la valeur de marché aux motifs qu’il aurait été en mesure de les établir sans difficulté particulière en utilisant le critère des coûts réels et que cette modification aurait pour effet de réduire sa dette fiscale de manière significative.

50.   Nous ne partageons pas l’interprétation de l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, défendue par le gouvernement du Royaume-Uni.

51.   Il ressort, selon nous, de l’examen du point 45 de cet arrêt que les motifs pour lesquels la Cour a considéré que la méthode fondée sur la valeur de marché présente l’avantage de la simplicité ne se rattachent pas aux circonstances particulières de cette affaire. La Cour n’a pas constaté cette plus grande simplicité dans la situation spécifique de MM. Madgett et Baldwin, mais par rapport aux conditions générales d’application des deux méthodes en concours, en se référant expressément au point 76 de nos conclusions dans cette affaire (24). C’est donc parce que la méthode fondée sur la valeur de marché présente, intrinsèquement, l’avantage de la simplicité par rapport à celle fondée sur les coûts réels que, selon ledit arrêt, elle mérite d’être retenue (25).

52.   En outre, comme le soulignent la juridiction de renvoi et la requérante au principal, subordonner l’utilisation de cette méthode pour déterminer la TVA due par une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques à la condition que, dans la situation particulière de chaque assujetti, elle soit effectivement plus simple que celle fondée sur les coûts réels reviendrait à faire dépendre la détermination de la base imposable, qui constitue un élément essentiel du système de la TVA, d’une appréciation empreinte d’incertitude et d’une certaine part de subjectivité. Une telle condition irait donc à l’encontre du principe de sécurité juridique, qui exige, tout particulièrement dans les matières qui, comme la TVA, ont des répercussions financières, que la réglementation communautaire présente les caractères de certitude et de prévisibilité (26).

53.   La circonstance qu’un assujetti tel que My Travel a pu établir ses déclarations de TVA selon le régime TOMS, en utilisant le critère des coûts réels, sans rencontrer, semble-t-il, de difficultés particulières ne devrait donc pas s’opposer, à notre avis, à ce qu’il les établisse à nouveau en employant la méthode fondée sur la valeur de marché.

54.   Ensuite, nous ne croyons pas non plus que la mention figurant au point 46 de l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, selon laquelle «compte tenu du fait qu’en l’espèce il est constant que le calcul de la TVA sur la marge des prestations acquises auprès de tiers en utilisant l’une ou l’autre alternative donne en principe une TVA identique», doive être comprise comme l’expression d’une condition à laquelle se trouverait subordonnée l’application du critère de la valeur de marché. Une telle interprétation ne correspond pas, selon nous, à la rédaction des motifs examinés. En effet, cet argument est présenté entre tirets, après les termes «dans ces circonstances», qui indiquent que la conclusion exprimée par la Cour audit point 46 et au point suivant découle des éléments exprimés dans les points précédents. La circonstance selon laquelle les deux méthodes en concours produisent en l’espèce une dette fiscale identique apparaît donc comme un élément surabondant.

55.   De plus, l’interprétation soutenue par le Royaume-Uni aurait pour effet d’obliger les assujettis, après avoir établi leur déclaration fiscale conformément à la méthode fondée sur la valeur de marché, à effectuer toutes les opérations nécessaires à la mise en œuvre de la méthode fondée sur les coûts réels. Cette solution priverait donc l’application du critère de la valeur de marché de l’avantage pour lequel la Cour a estimé qu’il devait constituer le critère pertinent, selon lequel ce critère est, d’une manière générale, plus facile à mettre en œuvre que celui des coûts réels. Cette solution pourrait également rendre inopérante l’application du critère de la valeur de marché lorsque, comme en l’espèce, les prestations propres et les prestations acquises se trouvent soumises à des taux de TVA différents.

56.   L’utilisation par un assujetti relevant de l’article 26 de la sixième directive, qui fournit aux voyageurs en contrepartie d’un prix forfaitaire des prestations acquises et des prestations propres, du critère de la valeur de marché pour ventiler ce prix forfaitaire n’est donc pas subordonnée, à notre avis, à la condition qu’elle aboutisse à une dette de TVA équivalente à celle qui serait obtenue en utilisant le critère des coûts réels. La circonstance, dans le litige au principal, que l’utilisation de ce critère aurait pour conséquence de réduire de manière significative la dette fiscale de My Travel ne devrait donc pas, en tant que telle, constituer un obstacle à cette utilisation.

57.   Il convient d’examiner, en deuxième lieu, si l’utilisation du critère de la valeur de marché, lorsque celle-ci peut être déterminée, doit être laissée à la discrétion de l’assujetti.

58.   L’enjeu de cette question ressort clairement de la décision de renvoi. Il s’agit de savoir si un assujetti comme My Travel, qui a établi ses déclarations de TVA pour les années 1995 à 1999 en utilisant le critère des coûts réels, est en droit de recalculer sa dette fiscale en utilisant le critère de la valeur de marché uniquement pour les trois années pour lesquelles l’utilisation de ce dernier critère a pour effet de réduire sa dette fiscale de manière significative.

59.   Comme l’indique la juridiction de renvoi, il est vrai que le libellé de la réponse aux questions donnée par la Cour dans l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, aux termes de laquelle «[i]l ne peut pas être exigé d’un opérateur économique qu’il calcule la partie du forfait correspondant à la prestation propre selon le principe des coûts effectifs lorsqu’il est possible d’isoler cette partie du forfait sur la base de la valeur de marché des prestations analogues à celles faisant partie du forfait» (27), peut présenter sur ce point une certaine ambiguïté. Toutefois, nous ne croyons pas que, par cette réponse, la Cour ait voulu dire qu’un assujetti qui peut établir la valeur de marché de ses prestations propres serait en droit de choisir librement d’utiliser ce critère ou celui des coûts réels dans le seul but de minimiser sa dette fiscale.

60.   Une telle approche ne serait pas conforme, à notre avis, au principe de base sur lequel repose la TVA. Il convient de rappeler, en effet, que ce principe réside dans le fait que ladite taxe constitue un impôt à la consommation. Elle est exactement proportionnelle au prix des biens et des services et elle est perçue par les assujettis à chaque étape du processus de production ou de distribution pour le compte de l’administration fiscale, à laquelle ils sont tenus de la verser, et elle ne grève en définitive que le consommateur final (28). La mise en œuvre de ce système implique, par conséquent, que les assujettis soient identifiés par l’autorité fiscale de leur pays, qu’ils tiennent une comptabilité précise et qu’ils fassent à cette autorité des déclarations périodiques. Selon le principe de base de ce système et ses modalités de fonctionnement, la TVA à percevoir par les autorités fiscales doit donc être égale à la taxe effectivement encaissée auprès du consommateur final.

61.   Les conditions d’application du régime particulier instauré par l’article 26 de la sixième directive au profit des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques, lorsque l’assujetti fournit au voyageur contre le paiement d’un prix forfaitaire à la fois des prestations acquises et des prestations propres, ne devraient pas remettre en cause ce principe de base du système de la TVA. Nous adhérons, par conséquent, à la position exprimée par la Commission des Communautés européennes, selon laquelle la méthode de ventilation du forfait devrait être, en principe, celle de nature à aboutir, pour ce qui concerne les prestations propres, à un résultat qui soit le plus proche possible de celui qui résulterait de l’application du régime normal de la TVA, tel qu’il ressort de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de ladite directive et de la jurisprudence constante, selon laquelle la base d’imposition doit être constituée par la contrepartie réellement reçue par l’opérateur pour les biens ou les services qu’il a fournis, et non par une valeur estimée selon des critères objectifs (29).

62.   Pour autant, nous ne sommes pas convaincu, à la différence de la Commission, que le critère de la valeur de marché doit être préféré à celui des coûts réels parce que, selon cette institution, il aurait pour avantage de permettre, d’une manière générale, de déterminer avec plus d’exactitude les parts du prix forfaitaire qui doivent être attribuées, respectivement, aux prestations acquises et aux prestations propres. Ce n’est pas au vu d’un tel avantage que la Cour a, dans l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, décidé de retenir ce critère comme le critère de ventilation pertinent.

63.   Dans cet arrêt, elle a relevé, en effet, que la méthode fondée sur la valeur de marché présente également une part d’arbitraire, parce qu’elle conduit à présumer que le prix des prestations propres offertes dans le cadre du forfait est identique à leur prix lorsque ces prestations sont proposées comme prestations uniques. Cela revient, dans l’affaire au principal, à présumer que le prix du billet d’avion vendu par My Travel dans le cadre de vacances à prix forfaitaire est identique au prix d’un billet d’avion pour la même destination lorsqu’il est vendu par cet assujetti séparément. Or, cette prémisse n’est pas toujours fondée. Comme nous l’avons indiqué dans nos conclusions dans l’affaire Madgett et Baldwin, précitée, (30) il n’est pas rare que le recours à un forfait constitue l’occasion de proposer un service à un moindre prix pour rendre l’offre d’un ensemble de prestations plus attrayante.

64.   Selon l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, la méthode fondée sur la valeur de marché doit être retenue non pas, comme le soutient la Commission, parce qu’elle permettrait, d’une manière générale, d’obtenir un résultat qui serait le plus proche possible de celui que produirait l’application du régime normal de la TVA, mais parce qu’elle est intrinsèquement plus simple que celle fondée sur les coûts réels.

65.   Pour autant, cela ne doit pas conduire, selon nous, à reconnaître à un assujetti la faculté d’utiliser ce critère de manière discrétionnaire, selon qu’il a ou non pour effet de réduire sa dette fiscale par rapport à celle qui résulterait de la méthode fondée sur les coûts réels. D’une part, en effet, aucun élément dans l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, ne permet réellement d’accréditer la thèse selon laquelle la Cour aurait voulu conférer un tel droit aux opérateurs économiques.

66.   D’autre part, l’interprétation de cet arrêt proposée par My Travel aurait pour conséquence de permettre aux assujettis de modifier à leur guise la base d’imposition relevant de l’application de l’article 26 de la sixième directive et celle soumise au régime général. Or, conférer un tel pouvoir aux assujettis pourrait avoir pour conséquence de leur permettre d’augmenter artificiellement la base d’imposition soumise au taux le moins élevé et de créer ainsi une inégalité concurrentielle entre les opérateurs économiques, en faveur de ceux qui ont établi le siège de leur activité ou un établissement stable dans un État membre qui taxe certaines opérations à des taux très réduits ou à 0 %, comme le Royaume-Uni en ce qui concerne le transport de personnes (31). Une telle interprétation pourrait, par conséquent, aller à l’encontre du principe de neutralité concurrentielle de la TVA.

67.   Il importe de rappeler, à cet égard, que le législateur communautaire, comme cela ressort du neuvième considérant de la sixième directive, a voulu que la base d’imposition fasse l’objet d’une harmonisation «afin que l’application du taux communautaire aux opérations imposables conduise à des résultats comparables dans tous les États membres». L’harmonisation de la base d’imposition vise donc à garantir que des situations semblables d’un point de vue économique ou commercial fassent l’objet d’un traitement identique au regard de l’application du système de la TVA. Cette harmonisation contribue ainsi à garantir la neutralité de ce système.

68.   Nous partageons, par conséquent, la position de la Commission, selon laquelle la ventilation du prix forfaitaire entre les prestations acquises et les prestations propres devrait être effectuée sur la base de la valeur de marché de ces dernières prestations, chaque fois que cette valeur peut être déterminée.

69.   Pour autant, il nous semble difficile d’exclure totalement qu’il puisse être dérogé à ce principe. Nous l’avons vu, le critère de la valeur de marché comporte lui aussi une part d’arbitraire et l’un des principes essentiels de la TVA est sa neutralité pour les assujettis. Il est constant que, dans le régime général de la TVA, la base d’imposition de la taxe à percevoir par les autorités fiscales ne peut pas être supérieure à la contrepartie effectivement payée par le consommateur final (32). Dès lors, il nous semblerait possible d’admettre qu’une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques, qui serait en mesure de démontrer que la méthode fondée sur les coûts effectifs rend fidèlement compte de la structure réelle du forfait, puisse procéder à la ventilation de ses prix forfaitaires en utilisant cette méthode au lieu de celle fondée sur la valeur de marché.

70.   Tel pourrait être le cas, par exemple, lorsqu’un assujetti serait en mesure de démontrer, à partir de sa comptabilité, que, pour la période d’imposition en cause, il a systématiquement fixé ses prix forfaitaires de manière à dégager une marge fixe de bénéfice sur chaque élément de dépense qu’il supporte. Il nous semble que, dans un tel cas de figure, l’objectif d’harmonisation de la base d’imposition, qui conduit à ériger le critère de la valeur de marché en critère de principe, devrait céder le pas devant l’exigence de neutralité.

71.   Nous sommes donc d’avis qu’une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques qui, contre le paiement d’un prix forfaitaire, fournit au voyageur des prestations acquises et des prestations propres doit, en principe, isoler la partie du forfait correspondant à ses prestations propres sur la base de leur valeur de marché, dès lors que cette valeur peut être déterminée, sauf s’il est en mesure de démontrer que, pour la période d’imposition considérée, la méthode fondée sur le critère des coûts réels rend fidèlement compte de la structure effective du forfait.

72.   C’est à l’administration fiscale nationale et, le cas échéant, au juge national qu’il appartient d’apprécier s’il est possible d’isoler la partie du forfait correspondant aux prestations propres sur la base de leur valeur de marché.

73.   Dans l’arrêt Madgett et Baldwin, précité, la Cour a considéré que cette valeur de marché devait être déterminée sur la base du prix de prestations analogues fournies par l’assujetti lui-même hors forfait (33). La Commission estime, quant à elle, qu’il pourrait également être tenu compte de prestations analogues fournies par d’autres assujettis.

74.   Nous ne sommes pas favorables à cette dernière solution pour les raisons suivantes. Tout d’abord, elle rejoint la proposition qui avait été faite par le gouvernement suédois dans l’affaire Madgett et Baldwin, précitée, et qui, bien qu’elle n’ait pas été écartée expressément par la Cour, n’a pas été reprise dans son arrêt. Ensuite, comme nous l’avions indiqué dans nos conclusions dans cette affaire (34), elle pourrait présenter plus de difficultés que d’avantages. D’une part, en effet, la valeur retenue sur la base de prestations analogues fournies par d’autres assujettis serait en grande partie fictive, puisqu’elle n’aurait pas de rapport direct avec la prestation qui doit être imposée. D’autre part, il existerait un risque d’imprécision dû au fait que la valeur de référence pourrait être contestée et faire ainsi l’objet de querelles d’experts.

75.   Les circonstances factuelles du litige au principal nous paraissent plutôt de nature à confirmer notre analyse. La grande fluctuation des prix des billets d’avion et la diversité de leur coût en fonction des destinations, dues, en particulier, à la concurrence faite en ce domaine par les sociétés dites «low cost» (à bas prix), pourraient rendre difficile et sujette à discussions la détermination de valeurs de comparaisons pertinentes à partir de transports réalisés par d’autres assujettis. En outre, la juridiction de renvoi ne remet pas en cause la manière de déterminer la valeur de marché des prestations propres, telle qu’elle ressort de l’arrêt Madgett et Baldwin, précité. Il lui incombera donc d’apprécier si les billets d’avion vendus par My Travel à l’unité peuvent constituer des prestations analogues à celles fournies par cet assujetti dans le cadre des forfaits et, le cas échéant, d’établir la valeur de marché de ces billets sur la base des prix de ceux vendus à l’unité.

76.   Se trouve également posée, en l’espèce, la question de savoir comment procéder à la ventilation du prix forfaitaire lorsque l’assujetti n’est pas en mesure de déterminer la valeur de marché de certaines prestations propres, parce qu’il ne vend pas de prestations analogues hors forfait. Ce cas de figure correspond à l’exercice 1995, au cours duquel My Travel a vendu des vacances à prix forfaitaire pour lesquelles elle a fourni elle-même, outre des voyages en avion, des croisières et des hébergements en camping, alors qu’elle ne vendait pas de prestations de ce type hors forfait. La juridiction de renvoi demande ainsi, en troisième lieu, si, lorsque le forfait comprend des prestations propres dont la valeur de marché ne peut pas être déterminée parce que l’assujetti ne vend pas de prestations analogues hors forfait, ce critère s’applique néanmoins aux prestations propres dont la valeur de marché peut être connue.

77.   La circonstance que la valeur de marché ne puisse pas être déterminée pour l’intégralité des prestations propres fournies par l’assujetti ne saurait justifier, selon nous, de déroger à l’application de ce critère pour l’évaluation des prestations dont ladite valeur peut être connue. Dans un tel cas de figure, il est vrai que l’assujetti se trouve contraint de ventiler le prix forfaitaire en utilisant les deux méthodes de calcul. Il doit ainsi déterminer la valeur de marché des prestations propres qu’il vend hors forfait pour déduire leur valeur du prix forfaitaire, puis procéder à la ventilation du solde de ce prix entre les prestations acquises et les autres prestations propres pour déterminer la marge imposable en vertu de l’article 26 de la sixième directive en utilisant la méthode fondée sur les coûts réels.

78.   Nous ne croyons pas, cependant, que l’application ainsi combinée de ces deux méthodes se heurte à des difficultés d’ordre pratique insurmontables. La juridiction de renvoi n’a pas fait mention de telles difficultés et il ressort du dossier que My Travel a été en mesure de recalculer sa dette de TVA pour l’année 1995 en déduisant uniquement la valeur de marché des voyages en avion. En outre, nous avons indiqué précédemment pour quelles raisons l’application du critère de la valeur de marché ne devait pas, à notre avis, être subordonnée à la condition qu’elle soit plus facile à mettre en œuvre dans la situation particulière de chaque assujetti.

79.   En outre, si l’article 26 de la sixième directive a pour objet d’adapter les règles applicables en matière de TVA aux spécificités de l’activité d’une agence de voyages et de réduire ainsi les difficultés pratiques qui pourraient entraver ladite activité, le régime instauré par cet article ne vise pas, contrairement à celui instauré en faveur des petites entreprises et des producteurs agricoles (35), à simplifier les exigences de comptabilité qu’implique le système normal de la TVA. Ainsi, cet article prévoit, à son paragraphe 3, que, lorsque les opérations pour lesquelles ces opérateurs économiques ont recours à d’autres assujettis sont effectuées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Communauté européenne, seule est exonérée la partie du prix forfaitaire qui concerne les opérations réalisées en dehors de la Communauté. Nous voyons bien que l’application d’une telle disposition peut également obliger les agences de voyages à procéder à des opérations de ventilation de leurs forfaits relativement techniques (36).

80.   Nous ne voyons donc pas de motif suffisant, dans le cas de figure envisagé, pour écarter l’application du critère de la valeur de marché et compromettre ainsi l’objectif d’harmonisation de la base d’imposition poursuivi par la sixième directive. Par conséquent, comme la Commission, nous estimons qu’un assujetti, dans le cadre d’une même période d’imposition, peut appliquer le critère de la valeur de marché à certaines prestations et non à d’autres lorsqu’il n’est pas en mesure de déterminer la valeur de marché de ces autres prestations.

81.   Au vu de l’ensemble de ces considérations, nous proposerons de répondre de la manière suivante à la première question: l’article 26 de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques qui, contre le paiement d’un prix forfaitaire, fournit au voyageur des prestations acquises auprès de tiers et des prestations effectuées par lui-même doit, en principe, isoler la partie du forfait correspondant à ses prestations propres sur la base de leur valeur de marché, dès lors que cette valeur peut être déterminée. Dans un tel cas de figure, un assujetti ne peut utiliser le critère des coûts réels que s’il démontre que ce critère rend fidèlement compte de la structure réelle du forfait. L’application du critère de la valeur de marché n’est pas subordonnée à la condition qu’elle soit plus simple que celle de la méthode fondée sur les coûts réels ni à la condition qu’elle aboutisse à une dette de TVA identique ou voisine de celle qui résulterait de la méthode fondée sur les coûts réels. Dès lors:

–       une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques ne peut pas utiliser de manière discrétionnaire la méthode fondée sur la valeur de marché;

–       le critère de la valeur de marché s’applique pour les prestations propres dont ladite valeur peut être déterminée, même si, dans le cadre de la même période d’imposition, la valeur de certains composants propres du forfait ne peut pas être déterminée parce que l’assujetti ne vend pas de prestations analogues hors forfait.

B –    Sur la seconde question

82.   Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, rappelons-le, si, dans les circonstances de l’espèce au principal, il est possible d’établir la part des prestations propres relatives aux voyages en avion vendus dans le cadre de vacances à prix forfaitaire en prenant soit le coût moyen d’une place d’avion augmenté de la marge moyenne réalisée par l’organisateur de circuits touristiques sur les ventes de places à l’unité, au cours de l’exercice financier en cause, soit le revenu moyen réalisé par l’organisateur de circuits touristiques sur les ventes de places à l’unité, dans ce même exercice financier.

83.   Par cette question, ladite juridiction demande donc à la Cour des éclaircissements sur la manière de déterminer concrètement la valeur de marché des prestations propres fournies par My Travel dans le cadre des vacances à prix forfaitaire qu’elle vend.

84.   Il convient de rappeler que, dans le cadre de l’article 234 CE, la Cour n’est pas habilitée à appliquer les règles communautaires à une espèce déterminée, mais seulement à se prononcer sur l’interprétation du traité CE et des actes pris par les institutions de la Communauté (37). Cette question excède donc, à notre avis, la compétence que ledit article confère à la Cour, puisqu’elle nécessiterait d’examiner les calculs effectués par My Travel dans ses nouvelles déclarations de TVA. En outre, la juridiction de renvoi indique elle-même que, si la Cour devait juger que cette société est en droit d’utiliser le critère de la valeur de marché, elle devrait déterminer la méthode précise de calcul de cette valeur lors d’une nouvelle audience consacrée à cette question et tenue par une formation collégiale, comprenant deux personnes qualifiées en matière de comptabilité.

85.   Néanmoins, dans le cadre de l’interprétation de l’article 26 de la sixième directive et en prolongement des indications déjà données sur la manière de ventiler le prix forfaitaire lorsque l’assujetti fournit des prestations acquises et des prestations propres, la Cour pourrait répondre, selon nous, à l’interrogation contenue dans cette question, tenant au point de savoir s’il est possible de se fonder, pour déterminer la valeur de marché, sur des valeurs moyennes.

86.   Comme la Commission, nous pensons que rien ne s’oppose à une telle pratique. Au contraire, une valeur moyenne peut s’avérer plus représentative lorsque, comme en l’espèce, les prix des prestations analogues vendues hors forfait présentent des variations importantes (38). La juridiction de renvoi pourrait donc légitimement déterminer la valeur de marché des voyages en avion vendus par My Travel dans le cadre des vacances à prix forfaitaire sur la base du prix de vente moyen de billets d’avion vendus par cet assujetti pour la même destination ou une destination comparable. Il appartiendra à ladite juridiction d’apporter à ces moyennes les corrections nécessaires pour tenir compte du fait que, dans le cadre des forfaits, des places d’avion sont offertes aux enfants des voyageurs gratuitement ou à prix réduits.

87.   Nous proposerons donc de répondre à la seconde question que c’est au juge national qu’il appartient de déterminer, au vu des circonstances du litige au principal, la valeur de marché des voyages en avion fournis par My Travel dans le cadre des vacances à prix forfaitaires. La juridiction de renvoi peut déterminer cette valeur de marché à partir de valeurs moyennes.

V –     Conclusion

88.   Au vu de ces considérations, nous proposons de répondre de la manière suivante aux questions posées par le VAT and Duties Tribunal, Manchester:

«1)      Une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques, qui a rempli sa déclaration relative à la taxe sur la valeur ajoutée pour une période d’imposition en utilisant la méthode prévue par la législation nationale transposant la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, a le droit de recalculer sa dette de taxe sur la valeur ajoutée selon la méthode jugée conforme au droit communautaire par la Cour, dans les conditions prévues par son droit national, qui doivent respecter les principes d’équivalence et d’effectivité.

2)      L’article 26 de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu’une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques qui, contre le paiement d’un prix forfaitaire, fournit au voyageur des prestations acquises auprès de tiers et des prestations effectuées par lui-même doit, en principe, isoler la partie du forfait correspondant à ses prestations propres sur la base de leur valeur de marché, dès lors que cette valeur peut être déterminée. Dans un tel cas de figure, un assujetti ne peut utiliser le critère des coûts réels que s’il démontre que ce critère rend fidèlement compte de la structure réelle du forfait. L’application du critère de la valeur de marché n’est pas subordonnée à la condition qu’elle soit plus simple que celle de la méthode fondée sur les coûts réels ni à la condition qu’elle aboutisse à une dette de taxe sur la valeur ajoutée identique ou voisine de celle qui résulterait de la méthode fondée sur les coûts réels. Dès lors:

–       une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques ne peut pas utiliser de manière discrétionnaire la méthode fondée sur la valeur de marché;

–       le critère de la valeur de marché s’applique pour les prestations propres dont ladite valeur peut être déterminée, même si, dans le cadre de la même période d’imposition, la valeur de certains composants propres du forfait ne peut pas être déterminée parce que l’assujetti ne vend pas de prestations analogues hors forfait.

3)      C’est au juge national qu’il appartient de déterminer, au vu des circonstances du litige au principal, la valeur de marché des voyages en avion fournis par My Travel plc dans le cadre des vacances à prix forfaitaires. La juridiction de renvoi peut déterminer cette valeur de marché à partir de valeurs moyennes.»


1 – Langue originale: le français.


2 – Directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).


3 – C-308/96 et C-94/97, Rec. p. I-6229.


4 – Ci-après «My Travel».


5 – Arrêts du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C-163/91, Rec. p. I-5723, point 15), ainsi que Madgett et Baldwin, précité (point 18).


6 – Arrêt du 19 juin 2003, First Choice Holidays (C-149/01, Rec. p. I-6289, point 25).


7 – Article 26, paragraphe 1.


8 – Paragraphe 2, première et deuxième phrases, du même article.


9 – Aux termes de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive:


«La base d’imposition est constituée:


a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».


10 – Article 26, paragraphe 4.


11 – Ci-après les «Commissioners».


12 – Ci-après le «régime TOMS».


13 – Point 19.


14 – Points 20 à 27.


15 – Points 32 à 35.


16 – Point 43.


17 – Point 44.


18 – Voir, notamment, arrêts du 27 mars 1980, Denkavit italiana (61/79, Rec. p. 1205, point 16); du 6 juillet 1995, BP Soupergaz (C-62/93, Rec. p. I-1883, point 39), et du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C-453/00, non encore publié au Recueil, point 21).


19 – Voir, notamment, arrêts Denkavit Italiana, précité (point 17), et du 29 novembre 2001, Griesmar (C-366/99, Rec. p. I-9383, point 74). Voir, pour une application récente de ces principes en matière de TVA, arrêt du 17 février 2005, Linneweber et Akritidis (C-453/02 et C-462/02, non encore publié au Recueil, points 41 à 45).


20 – Voir, notamment, arrêts du 22 juin 1989, Fratelli Costanzo (103/88, Rec. p. 1839, point 33); du 19 janvier 1993, Commission/Italie (C-101/91, Rec. p. I-191, point 24); du 28 juin 2001, Larsy (C-118/00, Rec. p. I-5063, point 52), et Kühne & Heitz, précité (point 22).


21 – Voir, notamment, arrêts du 2 février 1988, Barra (309/85, Rec. p. 355, point 17), et du 2 octobre 2003, Weber’s Wine World e.a. (C-147/01, Rec. p. I-11365, point 93).


22 – Voir, notamment, arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, Rec. p. 3595, point 12), et Weber’s Wine World e.a., précité (point 103).


23 – Arrêt BP Soupergaz, précité (point 42). Voir, également, arrêt du 11 juillet 2002, Marks & Spencer (C-62/00, Rec. p. I-6325, point 47).


24 – Ce point était rédigé comme suit: «La déduction de la valeur de marché des prestations propres, quant à elle, présente l’avantage de la simplicité, à défaut, comme nous l’avons dit, de refléter exactement la structure du prix de ces prestations au sein du forfait. Alors que, selon la méthode fondée sur le calcul des coûts, il faut identifier la marge imposable à partir de la marge commune, il n’est pas nécessaire ici de distinguer les différents éléments de la valeur des prestations. La marge et les coûts constituent ensemble la valeur de référence des prestations propres, qu’il suffit de déduire du forfait pour obtenir la valeur des prestations acquises. L’opération, précédemment décrite, de déduction du prix de ces dernières prestations conduit ensuite à la marge imposable, ainsi obtenue sans qu’il soit utile de décomposer la valeur des prestations propres.»


25 – Nous avions ajouté aux points 77 et 78 de nos conclusions dans cette même affaire que la méthode des coûts nécessite une reconstitution complexe des différents éléments du prix de revient qui ne peut être réalisée sans une ventilation des frais généraux entre les prestations propres, dont la déduction du forfait donnera la marge commune, laquelle servira au calcul de la base imposable, et les prestations propres hors forfait. En outre, le recours à la valeur de marché évite aussi les incertitudes tenant à la nature des coûts qui devraient être déduits. En effet, l’article 26, paragraphe 2, troisième phrase, de la sixième directive prévoit la déduction du coût effectif supporté par l’agence de voyages pour les prestations acquises, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur. Par suite, les frais généraux, qui ne remplissent pas cette condition, mais servent néanmoins à l’ensemble de l’activité de l’opérateur économique, font partie de la marge imposable des prestations acquises alors qu’ils sont exclus de la marge des prestations propres. Le calcul des coûts obligerait à ventiler ces frais entre l’une et l’autre de ces catégories de prestations. Or, les valeurs de marché des prestations propres les comprennent déjà et le calcul de la marge des prestations acquises ne nécessite pas de les isoler.


26 – Voir arrêt du 13 mars 1990, Commission/France (C-30/89, Rec. p. I-691, point 23), et, en ce qui concerne plus spécialement le régime particulier prévu à l’article 26 de la sixième directive, arrêt du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne (C-74/91, Rec. p. I-5437, point 17).


27 – Points 47 de l’arrêt et 2, deuxième phrase, du dispositif.


28 – Voir, notamment, pour une présentation du système de la TVA, arrêt du 24 octobre 1996, Gibbs (C-317/94, Rec. p. I-5339, points 18 à 24).


29 – Voir, à propos de la notion équivalente de «contre-valeur», figurant dans la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Structure et modalités d’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 71, p. 1303),arrêt du 5 février 1981, Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats (154/80, Rec. p. 445, point 13); à propos de la notion de «contrepartie» figurant dans la sixième directive, arrêts du 23 novembre 1988, Naturally Yours Cosmetics (230/87, Rec. p. 6365, point 16); du 2 juin 1994, Empire Stores (C-33/93, Rec. p. I-2329, point 18); Madgett et Baldwin, précité (point 40), et du 3 juillet 2001, Bertelsmann (C-380/99, Rec. p. I-5163, point 22).


30 – Point 69.


31 – Les règles applicables au taux de TVA sont prévues, principalement, à l’article 12, paragraphe 3, de la sixième directive. Selon les versions de cet article applicables pour les années pertinentes en l’espèce, les États membres doivent fixer un taux normal de TVA qui ne soit pas inférieur à 15 %. Ils peuvent également fixer un ou deux taux réduits, applicables à certaines livraisons de biens et de prestations de services, qui ne soient pas inférieurs à 5 %. Cependant, certains États membres ont, à titre transitoire, la possibilité de fixer des taux inférieurs à ces taux réduits [voir, pour une présentation des taux applicables dans les différents États membres, rapport de la Commission sur les taux réduits de TVA, établi conformément à l’article 12, paragraphe 4, de la sixième directive, COM(2001) 599 final, du 22 octobre 2001].


32 – Arrêts Gibbs, précité (point 19), et du 15 octobre 2002, Commission/Allemagne (C-427/98, Rec. p. I-8315, points 28 et 29).


33 – Point 44. Il s’agissait, rappelons-le, des prix des chambres et de la demi-pension pratiqués par l’hôtel lorsque les clients n’utilisent pas le forfait.


34 – Point 72.


35 – Nous avons évoqué les raisons qui ont conduit le législateur communautaire à prévoir des régimes particuliers en faveur de ces opérateurs économiques aux points 3 à 5 et 39 de nos conclusions dans l’affaire Harbs (arrêt du 15 juillet 2004, C-321/02, non encore publié au Recueil).


36 – Voir, en ce qui concerne les difficultés techniques que peut poser cette ventilation dans le cas de prestations de transports aériens, arrêt du 27 octobre 1990, Commission/Allemagne, précité (point 12).


37 – Arrêts du 15 juillet 1964, Van der Veen (100/63, Rec. p. 1105, 1121); du 2 décembre 1964, Dingemans (24/64, Rec. p. 1259, 1273); du 22 octobre 1998, Jokela et Pitkäranta (C-9/97 et C-118/97, Rec. p. I-6267, point 30); du 25 février 1999, Trans-Ex-Import (C-86/97, Rec. p. I-1041, point 15); du 7 septembre 1999, De Haan (C-61/98, Rec. p. I-5003, point 29), et du 10 mai 2001, Veedfald (C-203/99, Rec. p. I-3569, point 31).


38 – Le gouvernement du Royaume-Uni indique que les billets d’avion vendus en juin 1997 par My Travel à destination de Palma (Espagne) l’ont été à 18 prix différents (point 4.15 de ses observations écrites).