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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

F. G. JACOBS

présentées le 2 décembre 2004 (1)

Affaire C-342/03

Royaume d’Espagne

contre

Conseil de l’Union européenne





1.     Dans la présente affaire, le royaume d’Espagne demande l’annulation du règlement (CE) n° 975/2003 du Conseil, du 5 juin 2003, portant ouverture et mode de gestion d’un contingent tarifaire pour les importations de conserves de thon relevant des codes NC 1604 14 11, 1604 14 18 et 1604 20 70 (2).

Le règlement attaqué et le contexte dans lequel il a été adopté

2.     En novembre 2001, la Communauté, le royaume de Thaïlande et la république des Philippines ont convenu d’organiser des consultations en vue d’examiner dans quelle mesure l’application d’un régime de préférences tarifaires à l’égard des conserves de thon originaires du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les «États ACP») portait une atteinte excessive aux intérêts légitimes thaïlandais et philippins.

3.     À l’époque, la Communauté accordait une exemption totale de droits de douane aux conserves de thon originaires des États ACP, tandis que les conserves de thon en provenance de Thaïlande et des Philippines étaient soumises à un taux de droit de douane de 24 %.

4.     Une solution mutuellement acceptable n’ayant pas pu être trouvée, la Communauté, le royaume de Thaïlande et la république des Philippines ont accepté de soumettre l’affaire à une médiation au sein de l’Organisation mondiale du commerce (ci-après l’«OMC»).

5.     Dans son avis du 20 décembre 2002,  le médiateur recommandait à la Communauté d’ouvrir, pour 2003, un contingent tarifaire  de 25 000 tonnes de conserves de thon originaires de  Thaïlande et des Philippines, soumis à un taux de droit de 12 %.

6.     Cette solution a été mise en œuvre par le règlement attaqué qui a été fondé sur l’article 133 CE.

7.     Le contingent tarifaire a été divisé en quatre quotes-parts: 52 % du volume annuel pour les importations originaires de Thaïlande, 36 % pour les importations originaires des Philippines, 11 % pour celles provenant d’Indonésie et 1 % pour les importations originaires d’autres États tiers.

8.     Le royaume d’Espagne soulève huit moyens à l’appui de son recours en annulation.

Violation du principe de la préférence communautaire

9.     Le royaume d’Espagne affirme que le règlement attaqué enfreint le principe de la préférence communautaire qui est l’un des principes du traité CE (3) et est à la base du tarif douanier commun (4), au motif que de telles mesures ne peuvent être arrêtées que si la production communautaire est insuffisante.

10.   Nous n’acceptons pas cet argument. La Cour a expressément dit pour droit que le principe de la préférence communautaire n’est pas une exigence légale, dont la violation entraîne l’invalidité de l’acte concerné (5).

Distorsion de la concurrence

11.   Le royaume d’Espagne réitère que des mesures telles que celles prévues par le règlement attaqué ne peuvent être arrêtées que si la production communautaire est insuffisante pour approvisionner le marché de la Communauté; à défaut d’une telle condition, la mesure entraîne une distorsion des conditions de concurrence sur le marché.

12.   Or, il est clair que toute réduction des droits de douane grevant des marchandises importées de pays tiers est susceptible de produire un certain effet sur la concurrence entre ces marchandises et des produits équivalents de la Communauté, au désavantage de ces derniers. En allant jusqu’au bout de la logique de l’argument du royaume d’Espagne, cela signifierait que la Communauté ne pourrait jamais réduire les droits de douane grevant les marchandises importées. Il est évident qu’il ne pourrait en être ainsi; en tout état de cause, cela serait contraire à l’article 131 CE qui énonce que, en établissant une union douanière entre eux, les États membres entendent contribuer notamment à la réduction des barrières douanières dans le commerce international. Comme l’affirme la Commission, qui est intervenue dans le recours au soutien du Conseil, une analyse plus pointue induit le point de vue selon lequel ce sont les droits de douane qui faussent eux-mêmes la concurrence, leur élimination rétablissant l’équilibre du marché.

Violation de la procédure

13.   Le royaume d’Espagne déclare qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, parmi les garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives, figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (6). Il soutient que le règlement attaqué ne se fonde sur aucune étude établissant que son adoption est nécessaire et donc qu’il a été arrêté en violation de la procédure administrative.

14.   Cependant, il est évident que le règlement attaqué est le résultat non pas d’une procédure administrative, mais bien d’une procédure législative. Conformément à l’article 230 CE, la Cour est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir. Parmi les formes substantielles dont la violation est susceptible d’entraîner l’annulation d’un acte législatif communautaire ne figure pas l’exigence de mener une étude d’impact, ce que le royaume d’Espagne fait en réalité valoir.

15.   En tout état de cause, comme cela est clairement indiqué dans son préambule (7), le règlement attaqué a été adopté dans le cadre d’une procédure de médiation à l’OMC et, notamment, pour mettre en œuvre les recommandations du médiateur. L’avis du médiateur, qui est expressément mentionné dans le préambule et que le royaume d’Espagne a présenté devant la Cour, montre que celui-ci a procédé à une analyse très pointue des marchés de conserves de thon concernés, en prenant notamment en considération les données concernant la production et la consommation de la Communauté, ainsi que sa capacité d’absorption de nouvelles importations. Les taux de droit et le tonnage du contingent tarifaire établi par le règlement attaqué reflètent dans une large mesure les chiffres auxquels le médiateur est parvenu à la lumière de cette analyse. Il appert donc que le règlement attaqué n’a pas été adopté sans tenir compte de son impact éventuel.

Violation de l’article 12 de l’accord de Cotonou

16.   Le royaume d’Espagne fait valoir qu’il y a eu violation des dispositions de l’article 12 de l’accord de Cotonou (8).

17.   L’accord de Cotonou a pour objectif de promouvoir et d’accélérer le développement économique, culturel et social des États ACP en vue de contribuer à la paix et à la sécurité, et de promouvoir un environnement politique démocratique et stable.

18.   L’article 12, paragraphe 1, dispose:

«[…] lorsque la Communauté envisage, dans le cadre de ses compétences, de prendre une mesure susceptible d’affecter, au titre des objectifs du présent accord, les intérêts des États ACP, elle en informe ceux-ci en temps utile. À cet effet, la Commission communique simultanément au Secrétariat des États ACP ses propositions concernant les mesures de ce type.»

19.   Le royaume d’Espagne affirme que, bien qu’une réunion ait été tenue avec les exportateurs de thon des États ACP à Bruxelles le 28 janvier 2003, elle a eu lieu avant la présentation par la Commission de la proposition du règlement attaqué, le 27 mars 2003 (9). Par conséquent, l’article 12 de l’accord de Cotonou n’aurait pas été respecté.

20.   D’après le Conseil, la Communauté a régulièrement informé les États ACP de l’évolution du dossier. Outre la réunion du 28 janvier 2003, la question a été abordée à plusieurs reprises, entre autres lors de réunions avec les États ACP tenues le 6 mai 2002, le 1er mars 2003 et le 25 mars 2003. Le Conseil a apporté des copies des procès-verbaux de ces réunions, étayant ses affirmations. Le royaume d’Espagne rétorque que ces réunions ont également eu lieu avant la présentation de la proposition du règlement attaqué; cependant, ainsi que le relève le Conseil, on peut penser que la transmission d’une proposition après que l’acte a été adopté est moins utile qu’une information donnée préalablement. En outre, le royaume d’Espagne mentionne dans son mémoire en réplique une réunion dans le cadre de l’accord de Cotonou qui s’est tenue à Brazzaville (Congo) du 31 mars au 3 avril 2003, au cours de laquelle a été adoptée une résolution se prononçant contre la solution au litige proposée. Il ressort de ce dernier élément de fait que des informations ont été données et échangées dans le cadre de l’accord de Cotonou.

21.   Il s’avère par conséquent qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 12 de l’accord de Cotonou.

Violation des accords préférentiels

22.   Le moyen suivant du royaume d’Espagne concerne de prétendues violations d’accords préférentiels conclus par la Communauté avec i) les États ACP et ii) les États relevant – selon les termes utilisés par le royaume d’Espagne – du régime SPG (schéma de préférences généralisées) «drogues». Cette référence a trait «au régime spécial de lutte contre la production et le trafic de drogues» qui fait partie du schéma de préférences généralisées instauré à l’heure actuelle par le règlement (CE) n°2501/2001 (10) (et qui était applicable durant la période visée en l’espèce).

23.   Le royaume d’Espagne soutient que les accords susvisés octroient un traitement préférentiel permettant aux conserves de thon originaires des États ACP et des États bénéficiaires du régime SPG «drogues» de pénétrer sur le marché de la Communauté. Elle affirme que le contingent tarifaire établi par le règlement attaqué videra de leur contenu ces accords préférentiels dans la mesure où ce contingent permettra aux conserves de thon originaires de pays développés d’entrer en concurrence avec celles provenant des États ACP et des États bénéficiaires du régime SPG «drogues». Par ailleurs, ces accords soumettent les conserves de thon à des règles d’origine plus restrictives que celles prévues par le règlement attaqué. Dans ce sens, d’après le royaume d’Espagne, les contingents établis par le règlement attaqué porteraient préjudice aux États ayant conclu des accords préférentiels avec la Communauté.

24.   Nous allons examiner séparément les deux branches du moyen soulevé par le royaume d’Espagne.

Les États ACP

25.   L’accord souscrit par la Communauté avec les États ACP, auquel se réfère le royaume d’Espagne, est l’accord de Cotonou (11). Cet accord prévoit des dispositions en vue de l’élimination totale des droits de douane (12), alors que le contingent tarifaire établi par le règlement attaqué est soumis à un taux de droit de 12 %. Nous ne voyons dès lors pas comment le règlement attaqué pourrait être considéré comme vidant de son contenu l’accord de Cotonou.

26.   De surcroît, les préférences tarifaires prévues par l’accord de Cotonou ne sont soumises à aucune limitation quantitative; en revanche, le règlement attaqué prévoit l’ouverture d’un contingent de 25 000 tonnes qui, d’après la Commission (qui n’a pas été contredite par le royaume d’Espagne sur ce point), représente à peine 10 % du total des importations originaires à la fois des États ACP et des pays bénéficiaires du régime SPG «drogues».

27.   En tout état de cause, la seule obligation légale résultant de l’accord de Cotonou pour la Communauté, s’agissant des importations, est d’exempter celles-ci de droits de douane; il n’existe aucune disposition garantissant aux États bénéficiaires de cet accord une marge tarifaire préférentielle ou un volume minimal d’importations par rapport à celles provenant d’autres États. Par conséquent, même si le règlement attaqué produisait les effets allégués par le royaume d’Espagne, il ne serait pas en conflit avec les accords antérieurs.

Les États bénéficiaires du régime SPG «drogues»

28.   Le royaume d’Espagne se réfère à un accord préférentiel conclu entre la Communauté et les États bénéficiaires du régime SPG «drogues». En réalité, ainsi que le relève la Commission, les préférences tarifaires accordées par la Communauté aux pays bénéficiaires du régime SPG «drogues» n’ont fait l’objet d’aucun accord avec ces pays: il s’agit de préférences à caractère unilatéral accordées par la Communauté dans le cadre du «régime spécial de lutte contre la production et le trafic de drogues», mentionné ci-dessus (13).

29.   Ce régime prévoit notamment la suspension des droits du tarif douanier commun pour «les produits qui, selon l’annexe IV, sont inclus dans le régime spécial de lutte contre la production et le trafic de drogues visé au titre IV et qui sont originaires d’un pays qui, selon l’annexe I, colonne I, bénéficie de ce régime» (14). Cependant, il apparaît que les conserves de thon ne figurent pas parmi ces produits (15).

30.   Même si le régime préférentiel accordé par la Communauté au titre du schéma SPG «drogues» englobait les conserves de thon, nous considérons que, pour les motifs exposés ci-dessus dans le cadre de la première branche du moyen du royaume d’Espagne relatif à l’accord de Cotonou, on ne saurait affirmer que le règlement attaqué vide de son contenu ce régime.

Violation du principe de la confiance légitime

31.   Le royaume d’Espagne considère que le règlement attaqué enfreint le principe de la protection de la confiance légitime. Apparemment, ces attentes seraient celles des opérateurs de la Communauté qui ont consenti des investissements dans les États ACP et dans les pays bénéficiaires du régime SPG «drogues». Le royaume d’Espagne fait valoir que le règlement attaqué aura une incidence sur les investissements qui ont été réalisés dans ces États, ce qui aura des répercussions négatives sur leur économie, dans la mesure où, si ces investissements cessent d’être rentables, ils pourraient éventuellement disparaître.

32.   Nous avouons avoir certaines difficultés à saisir cet argument; il semble quelque peu fantasque en ce qu’il suggère que les opérateurs de la Communauté pourraient faire valoir une confiance légitime dans le non-déclin des économies des États ACP et des pays bénéficiaires du régime SPG «drogues». En toute hypothèse, il est clair que, en général, une réglementation adoptée en vertu du pouvoir d’appréciation dont dispose l’institution ne porte pas atteinte à la confiance légitime.

33.   Certes, la Cour a jugé, ainsi que le relève le royaume d’Espagne, que «rien ne s’oppose à ce qu’un État membre fasse valoir, dans le cadre d’un recours en annulation, qu’un acte des institutions porte atteinte à la confiance légitime de certains particuliers» (16). Cependant, au point suivant, la Cour a déclaré que «les institutions communautaires disposant d’une marge d’appréciation lors du choix des moyens nécessaires pour la réalisation de la politique commerciale commune, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante, qui peut être modifiée par des décisions prises par ces institutions dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation» (17).

34.   Dans la présente affaire, nous ne voyons pas comment l’accord de Cotonou ou le régime SPG «drogues» (dans l’hypothèse où celui-ci est effectivement pertinent en l’espèce) pourraient faire naître une confiance raisonnable dans la non-ouverture par la Communauté de contingents tarifaires pour les conserves de thon originaires de Thaïlande et des Philippines.

Absence de motivation

35.   Le royaume d’Espagne fait valoir que le règlement attaqué viole l’exigence prévue à l’article 253 CE selon laquelle les règlements doivent être motivés: d’après elle, le premier considérant du préambule du règlement attaqué se borne à renvoyer à l’avis du médiateur de l’OMC, ce rapport n’étant pas contraignant pour la Communauté, et le règlement ne traite pas le problème dans sa globalité dans la mesure où il n’examine pas l’incidence des mesures qu’il prévoit sur l’industrie des conserves dans la Communauté.

36.   En réalité, le préambule du règlement attaqué, lu dans son ensemble, loin de se contenter de renvoyer simplement à l’avis du médiateur, envisage la question de manière complète. Lu dans son entièreté, le préambule énonce ce qui suit:

«(1)      En novembre 2001, la Communauté européenne, la Thaïlande et les Philippines ont convenu d’organiser des consultations en vue d’examiner dans quelle mesure l’application d’un régime de préférences tarifaires à l’égard des conserves de thon originaires des États ACP portait une atteinte excessive aux intérêts légitimes thaïlandais et philippins. Ces consultations n’ayant pas permis de parvenir à une solution mutuellement acceptable, la Communauté, la Thaïlande et les Philippines ont accepté de soumettre l’affaire à une médiation. Le 20 décembre 2002, le médiateur a rendu son avis, indiquant que la Communauté devrait ouvrir, pour 2003, un contingent tarifaire NPF de 25 000 tonnes soumis à un taux de droit ad valorem de 12 %.

(2)      Compte tenu de son désir de résoudre ce problème déjà ancien, la Communauté a décidé d’accepter cette proposition. En conséquence, un contingent tarifaire supplémentaire concernant un volume limité de conserves de thon devrait être ouvert.

(3)      Il convient d’allouer, aux pays ayant un intérêt substantiel dans la fourniture de conserves de thon, des quotes-parts contingentaires spécifiques fixées sur la base des quantités livrées par chacun d’eux à des conditions non préférentielles au cours d’une période représentative. Le volume restant du contingent devrait être accessible à tous les autres pays.

(4)      La solution la mieux à même d’assurer une utilisation optimale du contingent tarifaire consiste à l’allouer dans l’ordre chronologique des dates d’acceptation des déclarations de mise en libre pratique.

(5)      Afin d’assurer une gestion efficace du contingent, la présentation d’un certificat d’origine devrait être exigée à l’importation de conserves de thon de Thaïlande, des Philippines et d’Indonésie, principaux fournisseurs et bénéficiaires de ce contingent.

(6)      Il y a lieu d’arrêter les mesures nécessaires à la mise en oeuvre du présent règlement en conformité avec la décision 1999/468/CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission.»

37.   Il nous semble que ces considérants constituent une motivation parfaitement appropriée, en totale conformité avec l’exigence énoncée par la Cour, selon laquelle la motivation d’un acte destiné à une application générale indique, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (18). Certes, comme le royaume d’Espagne le fait valoir, le préambule est muet sur la question des conséquences des mesures sur l’industrie des conserves dans la Communauté. Cependant, étant donné qu’il n’existe pas d’exigence imposant une telle formalité, cette omission ne saurait fonder une annulation.

Détournement de pouvoir

38.   En dernier lieu, le royaume d’Espagne considère que le règlement attaqué est entaché d’un vice consistant en un détournement de pouvoir au motif qu’il a été procédé à la distribution du contingent aux États bénéficiaires de manière arbitraire, en incluant non seulement la Thaïlande et les Philippines, mais également l’Indonésie et en allouant le solde à des pays tiers. Le royaume d’Espagne estime que les pourcentages fixés par le règlement attaqué s’opposent à la notion même de contingent et semblent plutôt être le résultat d’une négociation politique. Il fait également valoir que l’octroi de ces préférences tarifaires crée un dangereux précédent qui donnera certainement lieu à de nombreuses demandes revendiquant un traitement similaire et émanant d’États s’estimant lésés par les accords préférentiels conclus par la Communauté européenne et les États ACP et les pays bénéficiaires du régime SPG «drogues»; en outre, d’après lui, il se pourrait même que les États ACP et ceux bénéficiaires du régime SPG «drogues» se sentent eux aussi victimes d’une discrimination en raison des différences découlant de l’application des règles d’origine et pourraient, partant, saisir l’OMC de ce problème.

39.   Il est de jurisprudence constante qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (19). Le royaume d’Espagne n’a pas fourni de tels indices. Il s’ensuit, d’après nous, qu’il y a lieu de rejeter le dernier moyen soulevé par le royaume d’Espagne, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les explications données par la Commission (qui nous paraissent à première vue convaincantes) quant à la raison pour laquelle les arguments du royaume d’Espagne sont, à cet égard, erronés.

 Conclusion

40.   Par conséquent, nous sommes d’avis que la Cour devrait statuer comme suit:

1)      rejeter le recours;

2)      condamner le royaume d’Espagne aux dépens, à l’exception de ceux de la Commission des Communautés européennes qui, en tant que partie intervenante, est tenue de supporter ses propres dépens.


1 – Langue originale: l'anglais.


2  – JO L 141, p. 1, ci-après le «règlement attaqué».


3  – Le royaume d’Espagne cite l'arrêt du 13 mars 1968, Beus (5/67, Rec. p. 125, 147).


4  – Arrêt du 10 décembre 1987,  Nicolet Instrument (232/86, Rec. p. 5025, point 13).


5  – Arrêt du 14 juillet 1994, Grèce/Conseil (C-352/92, Rec. p. I-3411, point 50).


6  – Arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C-269/90, Rec. p. I-5469, point 14).


7  – Le préambule est reproduit dans son intégralité au point 36 ci-après.


8  – Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (JO L 317, p. 3).


9  – COM (2003) 141 final.


10  – Règlement du Conseil, du 10 décembre 2001, portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 (JO L 346, p. 1).


11  – Voir point 17 et note 8 ci-dessus.


12  – Voir article 1er de l'annexe V de l'accord.


13  – Voir point 22.


14  – Voir article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2501/2001.


15  – Voir article 4 et liste figurant à l'annexe IV du règlement n° 2501/2001.


16  – Arrêt du 19 novembre 1998, Espagne/Conseil (C-284/94, Rec. p. I-7309, point 42).


17  – Point 43 qui cite de nombreux autres arrêts.


18  – Arrêt du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil (C-301/97, Rec. p. I-8853, point 189).


19  – Arrêt du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, C-110/97, Rec. p. I-8763, point 137.