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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. M. POIARES MADURO

présentées le 27 janvier 2005 (1)

Affaire C-452/03

RAL (Channel Islands) Ltd

RAL Ltd

RAL Services Ltd

RAL Machines Ltd

contre

Commissioners of Customs & Excise

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni)]

«TVA – Prestation de services – Montage opéré dans un but d’évasion fiscale – Société établie hors de l’Union et autres sociétés du même groupe établies dans un État membre – Salles de jeux automatiques – Remboursement de la taxe payée en amont»






1.     La High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes relatives à l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (2) (ci-après la «sixième directive»), modifiée, ainsi que, à un deuxième degré, de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté (3) (ci-après la «treizième directive»).

2.     Ces questions portent essentiellement sur la détermination du lieu où s’effectue une prestation de services, le litige au principal dont est saisie la High Court concernant une société qui assure la prestation de services de jeux sur des machines à sous à des consommateurs dans un État membre, mais a établi le siège de son activité économique en dehors de la Communauté aux seules fins, voire surtout, d’échapper à l’assujettissement à la TVA.

I –    Les faits de l’espèce au principal, le droit applicable et les questions posées à la Cour

3.     RAL (Channel Islands) Ltd (ci-après «CI») est une société constituée à Guernesey. RAL Ltd (ci-après «RAL»), RAL Services Ltd (ci-après «Services») et RAL Machines Ltd (ci-après «Machines») sont des sociétés constituées au Royaume-Uni. Ces quatre sociétés sont des filiales de RAL Holdings Ltd (ci-après «Holdings»), également constituée au Royaume-Uni. CI, RAL, Services, Machines et Holdings sont ci-après collectivement désignées comme constituant le «groupe RAL». Le groupe RAL opère dans l’industrie du jeu. Sa principale activité concerne l’exploitation de machines à sous.

4.     Jusqu’en octobre 2000, RAL fournissait des services de jeux sur des machines à sous dans des locaux qu’elle possédait ou louait au Royaume-Uni. Elle était propriétaire des machines utilisées dans ses «salles de jeux automatiques» et détenait les licences nécessaires tant à l’exploitation des salles que des machines. Elle employait son propre personnel, bien que certains services soient exécutés par des contractants indépendants, et la TVA était due sur les recettes nettes des machines à sous.

5.     Le litige au principal a pour origine un mécanisme d’évasion fiscale préparé par des conseillers fiscaux externes du groupe RAL portant sur les machines à sous exploitées par RAL au Royaume-Uni. Ce mécanisme se fonde sur le fait que le lieu de la prestation des services de jeux sur des machines à sous aux clients soit situé en dehors du territoire de la Communauté au regard de la TVA. Le groupe RAL ne serait donc plus assujetti à la TVA sur les services des machines à sous et pourrait récupérer la TVA en amont. À cette fin, un prestataire, CI, a été constitué en tant que filiale offshore de Holdings. CI a été constituée en tant que société à responsabilité limitée à Alderney. Son établissement commercial est situé à Guernesey avec des bureaux employant trois dirigeants à temps partiel et deux salariés à temps plein. Dans le cadre de la même restructuration, deux autres filiales de Holdings ont été constituées au Royaume-Uni: Machines et Services. Concomitamment, CI, Services, Machines, RAL et Holdings ont conclu une série d’accords.

6.     En vertu de ces accords, RAL est titulaire des baux relatifs aux locaux dans lesquels les machines à sous sont installées ainsi que des licences autorisant l’exploitation de salles de jeux automatiques. RAL a accordé à CI le droit d’installer et d’exploiter les machines à sous dans ces locaux. Elle a en outre autorisé l’accès du public aux locaux pendant les heures d’ouverture et veille à ce qu’ils soient nettoyés, chauffés, ventilés et éclairés. Machines possède la totalité des machines à sous, des changeurs de monnaie, des accessoires et pièces détachées utilisés par le groupe RAL et est titulaire des licences nécessaires à l’exploitation de ces machines. En vertu d’un contrat de location conclu avec CI, Machines est tenue de fournir des machines à CI et d’assurer leur bon état de marche.

7.     L’activité de CI consiste à permettre au public l’utilisation des machines à sous fournies par Machines, dans les locaux mis à sa disposition par RAL. Pour exercer cette activité, CI a sous-traité la quasi-totalité du travail quotidien à Services, l’une des autres filiales de Holdings, en tant que cocontractant exclusif. À la suite de la réorganisation interne du groupe RAL, cette société est l’employeur de l’ensemble du personnel du groupe RAL affecté au travail quotidien dans les salles de jeux automatiques, soit environ 600 salariés. Les fonctions qui restent dévolues à CI directement, avec ses effectifs de cinq personnes travaillant exclusivement dans les bureaux de CI à Guernesey, sont essentiellement limitées à la comptabilité et au suivi des flux d’espèces des machines.

8.     À la suite de la restructuration décrite ci-dessus, CI affirmait, en s’appuyant sur les articles 2, 4 et 9 de la sixième directive, que le lieu de la prestation de services liés aux machines à sous était Guernesey et que, dès lors, elle n’était pas assujettie à la TVA au Royaume-Uni. Elle demandait également le remboursement de la TVA payée en amont sur les services qui lui ont été fournis par les autres sociétés du groupe RAL, conformément aux articles 1er et 2 de la treizième directive.

9.     Par décision du 28 août 2001, les Commissioners of Customs and Excise (ci-après les «Commissioners») ont rejeté les demandes de CI, estimant que CI était assujettie à la TVA au Royaume-Uni. À titre subsidiaire, les Commissioners ont jugé que la structure constituée par le groupe RAL devait être considérée comme revenant à un abus de droit. En conséquence, la prestation de services de jeux sur des machines à sous continue à être effectuée par Holdings au Royaume-Uni.

10.   CI, RAL, Machines et Services (ci-après les «demanderesses au principal») ont contesté cette décision devant le VAT and Duties Tribunal London. Celui-ci a jugé que les services de jeux sur des machines à sous étaient fournis par CI à partir d’établissements stables au Royaume-Uni, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive. Il a toutefois accueilli le recours en sa partie dirigée contre les conclusions subsidiaires des Commissioners au motif que les prestations de services étaient effectuées par CI et que la doctrine de l’abus de droit n’était pas applicable. CI a interjeté appel de la décision du VAT Tribunal devant la High Court et les Commissioners ont interjeté un appel incident contre la partie du dispositif par lequel ledit tribunal rejette leurs conclusions subsidiaires.

11.   Pour une parfaite compréhension des mécanismes décrits ci-dessus et des questions posées à titre préjudiciel à la Cour, il convient de tenir compte de certaines dispositions des sixième et treizième directives.

12.   L’article 2, point 1, de la sixième directive dispose que «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel» sont soumises à la TVA.

13.   L’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive définit l’«assujetti» comme «quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité».

14.   L’article 4, paragraphe 2, dispose en outre que «[l]es activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services».

15.   S’agissant de la détermination du lieu d’exécution d’une opération assujettie, l’article 9 de la sixième directive dispose:

«1.      Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

2.      Toutefois:

[…]

c)      le lieu des prestations de services ayant pour objet:

–       des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, y compris celles des organisateurs de telles activités ainsi que, le cas échéant, des prestations de services accessoires à ces activités,

[…]

est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées».

16.   Il convient en outre de tenir compte de certaines dispositions de la treizième directive pertinentes à l’espèce, à savoir son article 1er qui dispose:

«Au sens de la présente directive, on entend par:

1)       assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, l’assujetti visé à l’article 4 paragraphe 1 de la directive 77/388/CEE qui, au cours de la période visée à l’article 3 paragraphe 1 de la présente directive, n’a eu sur ce territoire, ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle et qui, au cours de la même période, n’a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services réputée se situer dans l’État membre visé à l’article 2 […]

2)       territoire de la Communauté, les territoires des États membres où la directive 77/388/CEE est applicable.»

17.   L’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive dispose:

«Sans préjudice des articles 3 et 4, chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, dans les conditions fixées ci-après, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17 paragraphe 3 points a) et b) de la directive 77/388/CEE ou des prestations de services visées à l’article 1er point 1 sous b) de la présente directive.»

18.   C’est dans ces conditions que la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour:

«1)      Dans les circonstances de l’espèce et

2)      compte tenu de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, en particulier ses articles 2, 4 et 9, et de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté, en particulier ses articles 1er et 2, et des principes généraux du droit communautaire:

1)      Comment convient-il d’interpréter l’expression ‘établissement stable’ figurant à l’article 9 de la sixième directive?

2)      Quels éléments faut-il prendre en considération pour déterminer si la prestation de services de machines à sous s’effectue depuis le siège commercial d’une société telle que CI ou depuis tout établissement stable qu’une société telle que CI pourrait avoir?

3)      En particulier:

a)      Lorsque l’activité d’une société (‘A’) est structurée comme celle du cas d’espèce de sorte qu’une société liée (‘B’), dont le siège se situe en dehors du territoire de la Communauté, fournit des services de machines à sous et lorsque le seul objectif de la structure est d’éviter l’assujettissement de A à la TVA dans l’État où elle est établie:

i)      peut-on considérer que les services de machines à sous sont fournis depuis un établissement stable dans cet État membre; et, si tel est le cas,

ii)      doit-on considérer que les services de machines à sous sont fournis depuis l’établissement stable ou depuis le lieu où B a établi son activité?

b)      Lorsque l’activité d’une société (‘A’) est structurée de sorte que, aux fins des règles relatives au lieu de prestation d’un service, une société liée (‘B’), dans des circonstances comme celles de l’espèce, envisage de fournir des services de machines à sous depuis un siège établi en dehors du territoire de la Communauté et qu’elle n’a pas d’établissement stable, depuis lequel ces services sont fournis, dans l’État membre dans lequel A est établie et que le seul objectif de la structure est d’éviter l’assujettissement de A à la TVA dans cet État pour ces services:

i)      les transactions entre B et les sociétés liées situées à l’intérieur de l’État membre (‘A’, ‘C’ et ‘D’) remplissent-elles les conditions, au regard de la TVA, pour être qualifiées de fournitures effectuées par ou pour ces sociétés dans le cadre de leurs activités économiques; si tel n’est pas le cas,

ii)      quels éléments doit-on prendre en considération pour déterminer l’identité du fournisseur des services de machines à sous?

4)      a) Existe-t-il un principe d’abus de droit qui (indépendamment de l’interprétation donnée aux directives en matière de TVA) est susceptible de s’opposer à l’avantage recherché dans un cas tel que celui de l’espèce?

         b) Si tel est le cas, comment opère-t-il dans des circonstances comme celles de l’espèce?

5)      a) Quelle importance doit-on donner, le cas échéant, au fait que A, C et D ne sont pas des filiales de B et que B ne contrôle pas A, C ou D du point de vue juridique ou économique?

         b) Les réponses aux questions ci-dessus auraient-elles été différentes si le type de gestion entreprise par B dans son siège situé en dehors du territoire de la Communauté était nécessaire pour la fourniture de services de machines à sous aux clients et que ni A ni C ni D n’effectuent ces activités?»

19.   En deux mots, la High Court pose trois questions à la Cour. La première est relative au problème de déterminer si une société telle que CI, dont le siège de l’activité économique est situé en dehors du territoire TVA de la Communauté (4), mais qui fournit des services de jeux sur des machines à sous dans un État membre, peut être considérée comme effectuant ces services à partir d’un ou de plusieurs «établissements stables» situés dans cet État membre, au sens de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive. Dans l’affirmative se pose une deuxième question, à savoir si le point de rattachement pertinent pour déterminer le «lieu d’une prestation de services» au sens de l’article 9, paragraphe 2, doit être celui où le prestataire a établi «un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue» ou si, au contraire, le point de rattachement pertinent doit être «l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique».

20.   La dernière question ne se pose qu’à titre subsidiaire, au cas où le point de rattachement qu’est l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique serait jugé applicable en l’espèce. Cette question subsidiaire, que nous n’aborderons que si l’analyse des questions précédentes demande à être approfondie, porte sur deux points de droit différents. D’une part, le problème de déterminer si des transactions telles que celles réalisées entre CI et RAL, Services et Machines respectivement peuvent être considérées comme des «prestations» effectuées dans le cadre d’«activités économiques» au sens de la sixième directive, auquel cas un prestataire autre que CI apparaîtrait. D’autre part, le problème de l’application de la doctrine de l’abus de droit dans le domaine de la TVA qui, est-il affirmé, interdirait à CI de soutenir qu’elle n’est pas assujettie à la TVA au Royaume-Uni (5).

II – Appréciation

21.   La réponse aux questions préjudicielles posées à la Cour nécessite une description préalable des règles de l’article 9 de la sixième directive relatives à la détermination du lieu d’une prestation de services. Cet article renferme plusieurs règles de conflit visant à une répartition rationnelle des compétences entre les États membres en matière d’assujettissement des prestations de services à la TVA. Chacune de ces règles détermine l’État membre ayant la compétence exclusive pour assujettir une prestation de services et doit donc être interprétée de manière uniforme pour prévenir des cas de double imposition ou de non-imposition que pourraient faire naître des interprétations conflictuelles (6).

22.   Bien que la juridiction nationale n’ait pas soulevé la question d’une éventuelle application de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive, l’examen du rapport entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 9 peut présenter un intérêt dans la mesure où «[…] la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions de droit communautaire dont les juridictions nationales ont besoin afin de statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions» (7).

23.   S’agissant du rapport entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 9, la Cour a dit pour droit que «[…] le paragraphe 2 de l’article 9 indique toute une série de rattachements spécifiques, alors que le paragraphe 1 donne à ce sujet une règle de caractère général. L’objectif de ces dispositions est d’éviter, d’une part, les conflits de compétence, susceptibles de conduire à des doubles impositions, et, d’autre part, la non-imposition de recettes, ainsi qu’il est relevé au paragraphe 3 de l’article 9, bien que seulement pour des situations spécifiques» (8).

24.   Après tout, l’article 9, paragraphe 1, constitue une «catégorie résiduelle» (9) – vis-à-vis des règles spéciales posées par l’article 9, paragraphe 2 – utilisant in fine des points de rattachement pointant vers le lieu du prestataire pour des raisons pragmatiques de simplification (10) et pour éviter les difficultés inhérentes à la détermination du lieu où la prestation de services est effectuée ou exploitée (11). Relevons toutefois que le principe général qui prévaut en matière de TVA est qu’elle doit être perçue là où intervient la consommation. Il est dès lors compréhensible que, dans l’arrêt Dudda (précité), la Cour ait jugé que, «[…] s’agissant de l’interprétation de l’article 9, il n’existe aucune prééminence du paragraphe 1 sur le paragraphe 2 de cette disposition. La question qui se pose dans chaque situation consiste à se demander si elle est régie par l’un des cas mentionnés à l’article 9, paragraphe 2; à défaut, elle relève du paragraphe 1» (12). De plus, comme l’a soutenu l’avocat général Fennelly dans ses conclusions dans l’affaire Linthorst, Pouwels en Scheres, rien ne permet d’affirmer «[…] qu’il faille interpréter le champ d’application du paragraphe 2 de manière stricte, comme une exception à une règle générale» (13).

25.   Au vu de ce qui précède, la Cour doit en toute logique commencer par vérifier si les services de jeux sur des machines à sous dont il est question en l’espèce sont couverts par l’article 9, paragraphe 2, sous c). Ce n’est que dans la négative que le régime résiduel de l’article 9, paragraphe 1, est applicable.

A –    La notion d’«activités de divertissement ou similaires» au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c)

26.   L’article 9, paragraphe 2, sous c), dispose que «le lieu des prestations de services ayant pour objet: […] des activités […] de divertissement ou similaires, y compris celles des organisateurs de telles activités […] est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées». Dans ses observations écrites, le gouvernement portugais soutient que la prestation de services de jeux sur des machines à sous devrait être soumise à ce régime et donc assujettie à la TVA au Royaume-Uni, nonobstant la règle résiduelle de l’article 9, paragraphe 1.

27.   Lors de l’audience, quand il a été demandé aux parties intervenantes ce qu’elles pensaient de la proposition du gouvernement portugais dans ses observations écrites, celles-ci se sont surtout concentrées sur la caractérisation des services de jeux sur des  machines à sous en tant que divertissement, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c). Pour les demanderesses au principal, les machines à sous doivent être exclues de la notion de divertissement, au sens de cet article, et ce pour deux raisons principales. D’abord parce que la mise à disposition de machines à sous ne fait intervenir aucun divertissement réalisé par un artiste. Dans ce sens, selon les demanderesses au principal, le client se divertit lui-même en utilisant la machine à sous de manière analogue à l’utilisation d’un téléphone portable. Ensuite parce que l’espoir, chez le joueur, de réaliser un gain n’est pas une caractéristique habituelle du divertissement. Nous pensons que ces arguments ne sauraient exclure les services de jeux sur des machines à sous, tels que ceux fournis par CI dans les salles de jeux automatiques au Royaume-Uni, de la notion d’«activités de divertissement ou similaires», au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c).

28.   Rappelons, comme la Commission des Communautés européennes l’a souligné tant dans ses observations écrites qu’à l’audience, que dans l’affaire Berkholz, qui avait à connaître de services de jeux sur des machines à sous fournis à bord de ferry-boats, la Cour a jugé que l’objet des installations de machines à sous «est de divertir la clientèle» (14). Dans la présente espèce, les machines à sous, également appelées «machines de loisir avec des prix» situées dans des «salles de jeux automatiques», ont exactement le même objet qui est de divertir leurs utilisateurs.

29.   À notre avis, l’objet essentiel de l’activité doit être le facteur décisif à retenir pour caractériser une activité donnée en tant que «divertissement» au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c) (15). S’agissant d’une machine à sous, quel peut donc être son objet sinon de divertir le joueur en lui permettant de gagner ou de perdre de manière aléatoire? Les demanderesses au principal n’ont apporté aucun élément de réponse à ce sujet (16). Les machines à sous n’ont certainement pas pour objet principal de permettre aux joueurs de gagner leur vie. De plus, l’éventuelle déception d’un joueur qui perd au lieu de gagner est précisément un élément essentiel de ce type de divertissement. Gagner ou perdre de l’argent est, dans ce cas, un aspect de la forme de divertissement qui fait partie du jeu (17). Au vu de ces considérations, l’argument des demanderesses au principal selon lequel le divertissement exige une forme quelconque de prestation physique par un artiste est sans importance. Chaque machine à sous est un appareil automatique de l’exploitant, programmé à se substituer à l’action physique d’une personne physique qui fait face au client et lui distribue des cartes de manière aléatoire. Même s’il est peut-être regrettable que la technique contribue ainsi à éliminer l’effet du jeu, relevé par Joseph De Maistre, qui est «qu’il force les hommes à se regarder» (18), une telle substitution n’a pas d’effet pour le client sur le caractère divertissant de l’activité de la machine. Nous ne voyons pas, non plus, en quoi le fait que les prix remis par une machine à sous ne soient pas des médailles ou l’inscription du nom du gagnant à son panthéon mais, au contraire, de l’argent puisse modifier le caractère essentiel de divertissement qu’a une machine à sous.

30.   Mis à part les arguments des demanderesses au principal que nous venons d’examiner, aucun autre argument n’a été présenté en audience en faveur d’une exclusion de l’activité de prestations de services de jeux sur des machines à sous de l’article 9, paragraphe 2, sous c) (19). Tout comme la Commission, nous ne voyons pas de motifs de politique générale pour exclure de l’article 9, paragraphe 2, sous c), les activités dont il est question en l’espèce. De plus, et surtout, nous voyons de nombreux avantages militant en faveur de l’application de l’article 9, paragraphe 2, sous c), à la présente espèce. Les services figurant dans cet article sont soumis au point de rattachement qu’est l’endroit où ils sont exécutés, justement parce que cet endroit peut aisément être identifié physiquement et coïncidera avec l’endroit où ils sont consommés (20). L’application du point de rattachement qu’est l’endroit où les activités sont exécutées est, en outre, beaucoup plus conforme au principe général selon lequel la TVA doit être prélevée sur le lieu de consommation (21). Dans la mesure où la détermination de l’endroit où les activités sont exécutées (et consommées) ne soulève aucune difficulté, comme c’est le cas en l’espèce, un retour à la catégorie résiduelle de l’article 9, paragraphe 1, ne peut se justifier (22).

31.   L’application de l’article 9, paragraphe 2, sous c), offre un point de rattachement bien plus clair et facile à manier que celui de l’article 9, paragraphe 1, pour la localisation de la prestation dans la présente espèce. Cette catégorie résiduelle, comme nous le verrons, exige une analyse complexe (à l’issue incertaine) sur la question de savoir si une société donnée dispose d’un établissement stable au lieu où elle effectue la prestation de services et, dans l’affirmative, de savoir si un tel établissement stable prévaut sur le lieu où elle a établi le siège de son activité économique. Les impératifs de certitude juridique ne militent pas en faveur du choix du cheminement le plus tortueux pour déterminer le lieu d’exécution de la prestation de services de jeux sur des machines à sous quand une solution plus claire et logique est possible et, de plus, quand elle est plus conforme au principe général selon lequel la TVA doit être prélevée sur le lieu de consommation.

32.   De plus, l’application à la présente espèce de la règle du lieu d’établissement du prestataire provoquerait des conséquences indésirables en termes de distorsion de la concurrence et de redéfinition du lieu du siège des activités économiques de ces prestataires (23). En réalité, nonobstant le fait que de tels services soient fournis à des consommateurs finaux dans un État membre et qu’ils y soient consommés, ils seraient assujettis au régime de TVA de l’État du prestataire. Il y aurait là une incitation pour les prestataires de tels services à délocaliser le siège de leur activité économique dans des territoires à faible pression fiscale. En réalité se créeraient des situations soit de non-imposition des prestataires établis en dehors du territoire TVA de la Communauté, soit d’imposition dans la Communauté de prestations de services effectuées et consommées en dehors de ce territoire.

33.   Notons enfin que l’application de l’article 9, paragraphe 2, sous c), dans la présente espèce ne serait pas contradictoire avec l’arrêt rendu dans l’affaire Dudda (précitée). Aucune des parties intervenantes n’a éprouvé de telle contradiction lors de l’audience (24) et nous non plus. Au point 23 de cet arrêt, la Cour a dit pour droit que «[…] l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive vise, dans son ensemble, à établir un régime spécial pour des prestations de services effectuées entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens» (25). Cette affirmation de la Cour doit cependant être comprise à la lumière des circonstances propres à l’affaire Dudda qui ne concernait que des assujettis. La prestation en cause dans cette affaire ne concernait que des assujettis, mais ni une lecture littérale ni une lecture téléologique de la sixième directive ne permettent d’étayer la conclusion selon laquelle l’article 9, paragraphe 2, sous c), ne serait pas applicable aux prestations de services de divertissement intervenant entre un assujetti et un consommateur final.

34.   Pour conclure, quand une société telle que CI effectue une prestation de services de jeux sur des machines à sous à des consommateurs dans un État membre, au moyen de machines qu’elle loue et exploite dans ledit État, elle doit être considérée comme effectuant une prestation de services de divertissement dans cet État membre, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive. Il s’ensuit que l’application de la catégorie résiduelle de l’article 9, paragraphe 1, doit être refusée dans la présente espèce.

B –    L’applicabilité de l’article 9, paragraphe 1

35.   Si la Cour devait juger que l’article 9, paragraphe 2, sous c), n’est pas applicable à l’espèce au principal, il convient de se tourner vers le régime de l’article 9, paragraphe 1, selon lequel le lieu de la prestation est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue.

36.   Le texte de l’article 9, paragraphe 1, témoigne de l’autonomie entre les deux critères que sont l’«établissement stable» et l’«endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique» (26). En tout état de cause, l’article 9, paragraphe 1, ne donne aucune indication sur la manière de réconcilier la mise en œuvre de ces deux points de rattachement dans les cas où ils ne désignent pas le même lieu ou, dans des cas difficiles, où un seul de ces points de rattachement conduit à désigner un lieu situé en dehors du territoire TVA de la Communauté, comme dans la présente espèce.

37.   La corrélation entre les deux points de rattachement qui, d’après le texte littéral de l’article 9, paragraphe 1, semblent exclusifs l’un de l’autre a été clairement établie dans la jurisprudence de la Cour. Après avoir constaté que l’objectif général de l’article 9 est «[…] d’éviter, d’une part, les conflits de compétence, susceptibles de conduire à des doubles impositions, et, d’autre part, la non-imposition de recettes, ainsi qu’il est relevé au paragraphe 3 de l’article 9, bien que seulement pour des situations spécifiques» (27), la Cour dit pour droit que, «[s]elon l’article 9, paragraphe 1, l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît, à cet égard, comme un point de rattachement prioritaire, en ce sens que la prise en considération d’un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présente un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre» (28).

38.   Cette approche, selon laquelle l’«établissement stable» est considéré, dans les conditions décrites ci-dessus, comme un point de rattachement subsidiaire par rapport à celui du «siège de l’activité économique», a été réaffirmé par la suite par la Cour dans des arrêts du 2 mai 1996, Faaborg-Gelting Linien (29); du 17 juillet 1997, ARO Lease (30), et DFDS (31).

39.   S’agissant de la définition de la notion de «l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique», elle ne soulève pas de réelle difficulté (32). Il en va de même de son application dans la présente espèce où il ne fait pas l’ombre d’un doute que le siège de l’activité économique de CI est bien situé à Guernesey et donc en dehors du territoire TVA de la Communauté.

C –    La notion d’«établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue» au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive

40.   Des problèmes se posent quant à l’interprétation de la notion d’«établissement stable». Dans l’affaire Berkholz, la Cour a défini le critère pertinent pour interpréter cette notion en statuant qu’une prestation de services ne peut être considérée comme rendue à partir d’un établissement stable, au sens de l’article 9, paragraphe 1, si celui-ci ne présente pas «[…] une consistance minimale, par la réunion permanente des moyens humains et techniques nécessaires à des prestations de services déterminées» (33). La Cour en a donc conclu que «[…] il n’apparaît pas que l’installation d’automates de jeu à bord d’un bateau de mer, qui font l’objet d’un entretien intermittent, puisse constituer un tel établissement [stable]». L’absence totale de personnels affectés de manière permanente à la réalisation de la prestation de services d’automates de jeu à bord des navires a été décisive pour le rejet de l’idée qu’il puisse y avoir un «établissement stable» au sens de l’article 9, paragraphe 1.

41.   En tout état de cause, la Cour n’a exigé qu’une «consistance minimale» de l’établissement et ni plus ni moins que les moyens «nécessaires» à des prestations de services de caractère permanent. La Cour n’a pas posé comme condition préalable à l’existence d’un établissement stable que le prestataire de services réunisse en permanence, dans un certain endroit, tous les moyens humains et techniques nécessaires qu’il possède lui-même. À notre avis, cela équivaut à l’adoption de critères minimaux pour déterminer si, dans des circonstances données, il y a bien «établissement stable» au sens de l’article 9, paragraphe 1, ce que la Cour a précisé et confirmé dans des arrêts ultérieurs, notamment les arrêts ARO Lease et DFDS (précités).

42.   L’affaire ARO Lease concernait des activités de leasing de voitures particulières par une société néerlandaise à des consommateurs établis en Belgique. La seule présence humaine aux Pays-Bas de cette société consistait en des intermédiaires indépendants qui ne faisaient que mettre les clients en relation avec ARO Lease. Ces intermédiaires indépendants n’intervenaient ni dans la conclusion ni dans l’exécution des contrats de leasing qui étaient préparés et conclus aux Pays-Bas où ARO Lease avait établi le siège de son activité économique. De plus, comme la Cour l’a relevé, la société de leasing néerlandaise ne «[…] dispose ni de bureau ni de lieu d’entreposage des voitures» en Belgique (34). C’est dans ce contexte que la Cour a jugé que, «[…] lorsqu’une société de leasing ne dispose dans un État membre ni de personnel propre ni d’une structure présentant un degré suffisant de permanence, dans le cadre de laquelle des contrats puissent être établis ou des décisions administratives de gestion puissent être prises, […] elle ne peut être considérée comme disposant d’un établissement stable dans cet État» (35).

43.   L’affaire DFDS s’inscrit dans la même lignée, bien qu’elle aille plus loin sur certains points que nous examinerons bientôt. Dans cette affaire, la filiale britannique d’une société danoise agissait en tant qu’agent commercial pour sa société mère, commercialisant des voyages organisés par cette dernière. La Cour a jugé que la filiale britannique était un établissement stable de la société mère danoise. Pour conclure ainsi, la Cour s’est fondée sur le fait que la circonstance que «[…] les locaux de la filiale anglaise, qui a sa propre personnalité juridique, appartiennent à celle-ci et non pas à DFDS ne suffit pas en elle-même à établir que la première est réellement indépendante de la seconde. Il ressort, au contraire, des indications contenues dans l’ordonnance de renvoi, et notamment de la détention par DFDS de la totalité du capital social de sa filiale et des diverses obligations contractuelles imposées à celle-ci par sa maison mère, que la société établie au Royaume-Uni agit comme un simple auxiliaire de cette dernière» (36). La filiale britannique présentait donc les caractéristiques d’un «établissement stable», suivant les critères de l’arrêt Berkholz, dès lors qu’elle «[…] présente la consistance minimale requise en termes de moyens humains et techniques nécessaires» (37).

44.   Comme la Cour l’a affirmé expressément dans l’arrêt DFDS, «[…] il y a lieu de rappeler […] que la prise en compte de la réalité économique constitue un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA» (38). Nous sommes d’avis qu’il convient ici de se livrer à une analyse qui tienne particulièrement compte de la réalité économique et commerciale de l’espèce.

45.   Sous cet angle et compte tenu de la jurisprudence précitée, il paraît évident, comme le souligne la Commission dans ses observations écrites, qu’en l’espèce les prestations de services de jeux sur des machines à sous installées dans les «salles de jeux automatiques» décrites ci-dessus sont rendues à partir d’établissements stables situés au Royaume-Uni. À cet égard, nous sommes en accord avec le gouvernement irlandais qui, dans ses observations écrites, fait valoir que la perception extérieure ressentie par les consommateurs doit jouer un rôle déterminant. Dans les faits, les machines à sous dont il est question en l’espèce sont installées de manière permanente dans des locaux exclusivement dédiés à cet effet, sous le concept commercial de «salles de jeux automatiques», à la création d’un environnement agréable unique pour les joueurs. Ces locaux ont des horaires d’ouverture réguliers, comme tout autre établissement commercial, et il y a en permanence du personnel au service de la clientèle et pour surveiller les locaux et les machines.

46.   La présence de cet élément humain, notamment, est importante pour distinguer la présente espèce de la situation qui prévalait dans l’affaire Berkholz. Une telle présence humaine permanente sur les lieux apporte une stabilité à la prestation par CI de services de jeux sur machines à sous dans les salles de jeux automatiques, allant dans le sens de la conclusion que de telles prestations sont rendues dans des «établissements stables» situés au Royaume-Uni. En outre, et plus important encore, ces établissements stables ne sont pas à bord de navires de haute mer se déplaçant d’un pays à l’autre, circonstance qui pourrait justifier le choix en faveur de la solution du siège de l’activité économique du prestataire situé sur le territoire TVA de la Communauté.

47.   Le problème qui se pose en l’espèce n’est donc pas de savoir si la prestation de services de jeux sur des machines à sous est rendue dans des établissements stables situés au Royaume-Uni. Il est de savoir si de tels établissements stables doivent être considérés comme les établissements stables de CI situés au Royaume-Uni.

48.   Les gouvernements du Royaume-Uni et irlandais, ainsi que la Commission, sont d’avis que CI dispose d’établissements stables au Royaume-Uni. À l’inverse, CI soutient que sa seule présence au Royaume-Uni n’intervient que sous la forme de machines à sous louées et exploitées dans les locaux où elle est autorisée à le faire pour fournir la prestation de services de jeux sur des machines à sous. Selon ce principal argument, pour que CI dispose d’un établissement stable au Royaume-Uni, il faudrait qu’elle y dispose elle-même de tous les moyens humains et matériels nécessaires. Nous sommes en désaccord avec ce point de vue. Sur cette question essentielle de la détermination des moyens dont CI doit disposer au Royaume-Uni pour que les établissements stables existants puissent être considérés comme les siens, les arrêts ARO Lease et DFDS sont particulièrement éclairants.

49.   Rappelons que, dans l’affaire ARO Lease, la Cour a jugé que pour conclure qu’un prestataire de services dispose d’un «établissement stable» au sens de l’article 9, paragraphe 1, il suffit qu’il «dispose dans un État membre […] de personnel propre [et] d’une structure présentant un degré suffisant de permanence, dans le cadre de laquelle des contrats puissent être établis […]». Il n’est absolument pas indispensable que le personnel travaillant dans les salles de jeux automatiques soit le personnel propre de CI pour pouvoir conclure que les établissements stables existants lui appartiennent. De plus, comme la Commission l’a fait remarquer à juste titre dans ses observations écrites et à l’audience, la «structure» nécessaire variera nécessairement en fonction du secteur d’activités en cause.

50.   Dans l’affaire DFDS, la société qui opérait au Royaume-Uni, bien qu’étant une filiale, avait sa propre personnalité juridique distincte de celle de sa société mère danoise. Dans la présente espèce, les sociétés sœurs de CI sont également des entités juridiques distinctes de CI. Nonobstant cette circonstance, la Cour a jugé dans l’affaire DFDS que la filiale britannique équivalait à un établissement stable au Royaume-Uni de la société danoise. La société danoise ne disposait pas elle-même de personnel au Royaume-Uni et n’y possédait pas de locaux (39). Toutefois, par une série d’accords contractuels avec la filiale britannique, agissant en qualité de son agent, la société danoise avait obtenu les moyens humains et techniques nécessaires pour effectuer au Royaume-Uni ses prestations de services d’organisation de circuits touristiques. La Cour en conclut que «[…] la société établie au Royaume-Uni agit comme un simple auxiliaire de [sa maison mère]» (40).

51.   À notre avis, la présente espèce est encore plus claire, aussi n’y a-t-il pas lieu d’examiner les liens de subordination entre CI et ses sociétés sœurs. Dans les faits, et à la différence de la filiale britannique de DFDS vis-à-vis de sa société mère danoise, Services et ses employés, tout comme Machines et d’autres prestataires indépendants, n’accomplissent que des tâches secondaires dans le cadre de la prestation de services de jeux sur machines à sous.

52.   La présente espèce appelle à procéder à une distinction fondamentale entre deux catégories de moyens: d’une part, ceux qui seront nécessairement sous la subordination directe du prestataire dans un certain endroit afin de pouvoir tirer la conclusion que l’établissement stable qui s’y trouve est le sien; d’autre part, les moyens qui, bien que donnant un caractère de stabilité à un établissement, alors qu’ils ne sont pas sous la subordination directe du prestataire, ne modifient en rien la conclusion selon laquelle l’établissement stable est bien celui du prestataire. La première catégorie comprendra les moyens intervenant directement dans la prestation du service en question, à savoir la conclusion et l’exécution de contrats avec la clientèle, nécessaires à la réalisation de la prestation. Seuls ces moyens doivent être sous la subordination directe du prestataire pour qu’il soit conclu que l’établissement stable d’où les prestations sont exécutées est bien le sien au sens de l’article 9, paragraphe 1.

53.   En réalité, demander, comme le fait CI en l’espèce, que les personnes dont la présence est un facteur important pour conférer le caractère de stabilité à un établissement, au sens de l’article 9, paragraphe 1, doivent toutes être employées par le prestataire ou directement sous sa subordination conduirait à des solutions absurdes. Il suffit de considérer l’exemple d’un établissement où le personnel de sécurité serait le seul à en détenir les clés et aurait la charge d’ouvrir et de fermer les locaux à heures fixes. Ces personnes sont certainement indispensables pour assurer que l’établissement ne soit pas ouvert de façon purement intermittente. Elles méritent d’être considérées comme un moyen humain dont la présence permanente est indispensable à la prestation des services dudit établissement et donc de lui donner un caractère stable. En tout état de cause, il ne serait certainement pas admissible qu’un tel établissement cesse d’être considéré comme un établissement stable du prestataire de services au seul motif qu’il a décidé d’externaliser la sécurité de l’établissement à une entreprise indépendante.

54.   D’après ce que nous en rapporte la juridiction nationale, le personnel des salles de jeux automatiques accomplit surtout des tâches manuelles telles qu’assurer la sonorisation, servir des rafraîchissements et faire de la monnaie aux clients, vider les caisses des machines, assister aux paiements de gros gains, assurer la sécurité, la maintenance, etc. De telles tâches, accomplies par Services, Machines et d’autres prestataires pour le compte de CI, sont, à notre avis, accessoires par rapport à la prestation de services de jeux sur des machines à sous objet de notre analyse.

55.   Il appert, en effet, que le personnel des salles de jeux automatiques n’intervient pas directement dans la conclusion des contrats de jeu entre CI et les clients (41). De fait, les prestations exécutées dans le secteur particulier des services de jeux sur des machines à sous se fondent sur des contrats tacites conclus directement entre chaque client et CI par l’intermédiaire des machines elles-mêmes. De tels contrats sont conclus et exécutés en totalité sur le territoire du Royaume-Uni chaque fois qu’un client introduit une pièce dans une machine à sous exploitée par CI (42). Si cette analyse est juste, les machines louées et exploitées par CI permettent en elles-mêmes, en tant que dispositifs automatisés, à CI d’assurer directement à chaque client au Royaume-Uni la prestation de services de jeux sur machines à sous (43). Dans ce secteur d’activités particulier, les machines à sous sont les seules structures, indispensables, installées dans les «salles de jeux automatiques» qui doivent être sous la subordination directe de CI pour permettre de conclure que chacune de ces «salles de jeux automatiques» où sont installées ses machines constitue un établissement stable de CI.

56.   En outre, au vu de ce qui précède et contrairement à ce qu’en pense CI, les activités réelles de CI à Guernesey ne paraissent pas, non plus, constituer un élément décisif à la prestation des services de jeux sur des machines à sous en question à chaque client, prestation qui intervient automatiquement à l’intérieur des frontières du Royaume-Uni au moyen de chacune des machines louées et exploitées par CI sur ce territoire. Les demanderesses au principal relèvent dans leurs observations écrites que l’article 9, paragraphe 1, se fonde sur la localisation du prestataire de services. Elles ignorent cependant le fait que, dans ce secteur d’activités, CI est un prestataire de services de jeux sur des machines à sous effectivement présent sur le territoire du Royaume-Uni, où elle conclut et exécute les contrats de jeux directement avec chaque client au moyen des machines qu’elle y exploite, les services annexes à cette prestation faisant l’objet d’arrangements contractuels avec d’autres sociétés. Dans ce sens, CI dispose d’une structure au Royaume-Uni qui est «[…] apte à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services en question» (44).

57.   Pour conclure, une société telle que CI qui, dans des circonstances telles que celles de l’espèce au principal, assure directement à ses clients la prestation de services de jeux sur des machines à sous au moyen de machines à sous louées qu’elle exploite dans des locaux situés au Royaume-Uni, avec l’assistance de personnels auxiliaires externalisés mis à disposition par des sociétés tierces pour exécuter des activités accessoires nécessaires pour donner un caractère permanent à la prestation, doit être considérée comme disposant d’une structure commerciale au Royaume-Uni dotée des moyens minimaux requis pour être jugée comme y ayant un «établissement stable» au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive.

D –    Le choix entre «l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique» et celui où il a «un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue» au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive

58.   Ayant conclu que CI dispose d’établissements stables au Royaume-Uni, il convient de déterminer si ce point de rattachement prévaut sur celui du siège de l’activité économique. À cet égard, la Cour a jugé que, «[s]elon l’article 9, paragraphe 1, l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît, à cet égard, comme un point de rattachement prioritaire, en ce sens que la prise en considération d’un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présente un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre» (45). Dans la présente espèce, il n’existe pas de tel conflit avec un autre État membre. La question qui subsiste est alors de savoir si, oui ou non, le fait de retenir le siège comme point de rattachement conduit à «une solution rationnelle du point de vue fiscal».

59.   Nous devons certainement admettre qu’«[i]l appartient […] aux autorités fiscales de chaque État membre de déterminer, dans le cadre des options offertes par la [sixième] directive, quel est, pour une prestation de services déterminée, le point de rattachement le plus utile du point de vue fiscal» (46). De plus, conformément à ce qui est dit ci-dessus, l’avocat général La Pergola a déclaré que «[l]a Cour, quant à elle, est appelée à expliquer et à contrôler les conditions qui doivent amener à préférer un critère à l’autre». Rien n’interdit donc aux autorités nationales de retenir l’établissement stable comme point de rattachement si celui du siège conduit à des résultats irrationnels. Dans la mesure où un tel résultat irrationnel pourrait se produire dans la présente espèce, les autorités devraient être autorisées à retenir l’endroit de l’établissement stable comme point de rattachement et non celui du siège de l’activité économique du prestataire.

60.   Quand la Cour a défini le critère pour déterminer si le rattachement au lieu du siège de l’activité économique conduisait à un résultat irrationnel du point de vue fiscal, elle a exigé qu’il soit procédé à une analyse préalable des conséquences ainsi qu’à un examen de celles-ci au regard des objectifs de la TVA. Dans l’affaire Berkholz, ce critère n’avait pas à être appliqué, car les machines à sous installées à bord des navires ne constituaient pas d’établissement stable au sens de l’article 9, paragraphe 1.

61.   Au contraire, dans l’affaire DFDS, un tel examen de la rationalité des résultats du point de vue fiscal a été entrepris. La Cour a alors jugé que traiter les services exécutés par une société, par l’intermédiaire d’entreprises agissant pour son compte dans un pays, comme s’ils l’étaient à partir d’un autre pays, où le tour opérateur avait établi le siège de son activité économique, ne serait pas rationnel du point de vue fiscal. Dans les faits, «[l]’application systématique de la solution du siège de l’activité économique pourrait d’ailleurs conduire à des distorsions de concurrence, dans la mesure où elle risquerait d’encourager les entreprises exerçant des activités dans un État membre à fixer leur siège, pour échapper à l’imposition, sur le territoire d’un autre État membre ayant fait usage de la possibilité de maintenir l’exonération de TVA pour les prestations en cause» (47).

62.   Nous voudrions souligner que, en tout état de cause, la Cour a déjà jugé dans l’arrêt Berkholz que les machines installées à bord de navires ne pouvaient constituer un établissement stable, «[…] spécialement dans le cas où le siège permanent de l’exploitant de ces automates fournit un point de rattachement utile en vue de l’imposition» (48). Cette approche a été suivie dans l’affaire Faaborg-Gelting Linien où il s’agissait de déterminer l’endroit où s’effectuaient des opérations de services de restauration à bord de navires naviguant entre l’Allemagne et le Danemark. Nonobstant le fait que les moyens humains et techniques nécessaires, suivant l’arrêt Berkholz, étaient présents à bord en permanence, la Cour a jugé que l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique était le point de rattachement pertinent, «[…] spécialement lorsque, comme en l’espèce, le siège permanent de l’exploitant du navire fournit un point de rattachement utile en vue de l’imposition». La Cour a manifestement retenu l’aspect décisif que l’assujettissement au système de TVA des machines à sous et des services de restauration n’était pas en jeu dans les circonstances particulières de ces deux espèces. Si dans ces espèces les prestataires avaient décidé d’établir le siège de leurs activités économiques en dehors du territoire de la Communauté, l’application de ce point de rattachement aurait certainement soulevé de nombreuses interrogations.

63.   S’agissant de la présente espèce, tant le gouvernement britannique que la Commission ont estimé, dans leurs observations écrites, que le résultat de l’application du point de rattachement qu’est le siège de l’activité économique serait que les prestations de services de jeux sur des machines à sous, exécutées au Royaume-Uni pour des consommateurs qui y résident, ne seraient pas taxées du tout, ni au Royaume-Uni ni dans un autre État membre. Le raisonnement suivi dans l’affaire DFDS devrait donc, a fortiori, l’être dans la présente espèce, car la TVA ne peut tout simplement être prélevée purement et simplement à l’endroit où l’exploitant des machines (CI) a établi le siège de son activité économique (Guernesey).

64.   Nous partageons ce point de vue. Dans la présente affaire, à la différence de la situation qui prévalait dans l’affaire DFDS, il n’y a pas seulement un risque d’inciter les entreprises à établir le siège de leurs activités économiques dans des États membres qui peuvent maintenir des régimes de TVA plus favorables pour les services en question. Le risque en l’espèce est d’encourager les entreprises à délocaliser et à établir le siège de leurs activités économiques en dehors du territoire TVA de la Communauté, tout en continuant à fournir à des consommateurs qui y résident leurs prestations de services à partir d’établissements stables au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive.

65.   À la différence de la position adoptée par les demanderesses au principal, nous ne voyons pas comment l’approche proposée pour la présente espèce, à savoir ne pas retenir l’application du critère du lieu du siège de l’activité économique, conduirait à une violation du principe de neutralité fiscale et fausserait la concurrence. Ce serait le contraire qui se produirait. Un prestataire de services tel que CI, bien qu’ayant en commun avec d’autres le fait qu’il exécute des prestations de services équivalentes à des clients dans un État membre à partir d’établissements stables qui y sont situés, ne serait pas redevable de la TVA dans la mesure où le siège de son activité serait délocalisé en un endroit situé en dehors du territoire de la Communauté au regard de la TVA. Le problème que pose le raisonnement des demanderesses au principal est que, à tort, il fait l’impasse sur le fait que, comme indiqué ci-dessus, CI dispose d’établissements stables au Royaume-Uni à partir desquels sont exécutées les prestations de services de jeux sur des machines à sous à des résidents.

66.   Nous avons dès lors l’honneur de proposer qu’il plaise à la Cour, à titre subsidiaire, au cas où l’article 9, paragraphe 2, sous c), ne serait pas jugé applicable, de répondre aux questions posées dans le sens que, si une entreprise établie en dehors du territoire d’un État membre procure directement à ses clients des services de jeux sur des machines à sous dans ledit État membre, au moyen de machines louées et exploitées dans des locaux qui y sont situés, avec l’assistance de personnels auxiliaires externalisés mis à disposition par des sociétés tierces pour exécuter des tâches accessoires nécessaires pour donner un caractère permanent à la prestation, elle doit alors être considérée comme disposant dans cet État membre d’une structure commerciale dotée des moyens minimaux requis pour être jugée comme y ayant un «établissement stable» au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive. En outre, dans de telles circonstances, cette entreprise est assujettie à la TVA dans l’État membre où se situe cet établissement stable.

67.   Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu pour la Cour de répondre aux questions subsidiaires relatives aux notions de prestations, d’activité économique, d’identité des prestataires et de la possible application de la doctrine de l’abus de droit à l’espèce au principal.

III – Conclusions

68.   Nous avons donc l’honneur de proposer qu’il plaise à la Cour de répondre ainsi aux questions posées:

«Lorsqu’une entreprise établie en dehors du territoire d’un État membre exécute des prestations de services de jeux sur des machines à sous pour des clients dans cet État membre, au moyen de machines à sous qu’elle y loue et y exploite, elle doit être considérée comme exécutant matériellement des prestations de services de divertissement dans cet État membre au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, et est donc assujettie à la TVA dans cet État membre au titre de ces prestations de services.»


1 – Langue originale: le portugais.


2– JO L 145, p. 1.


3– JO L 326, p. 40.


4– Les îles Anglo-Normandes ne font pas partie du Royaume-Uni, aussi les dispositions des traités ne figurant pas expressément au protocole n° 3 de l’acte d’adhésion du Royaume-Uni aux Communautés européennes n’y sont pas applicables. Voir l’article 299, paragraphe 6, sous c), CE et les «actes relatifs à l’adhésion aux Communautés européennes du Royaume de Danemark, de l’Irlande, du Royaume de Norvège et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Protocole n° 3 concernant les îles Anglo-Normandes et l’île de Man (JO 1972, L 73, p. 164). Cette question fait l’objet d’amples développements dans les conclusions de l’avocat général La Pergola présentées dans l’affaire Pereira Roque (arrêt du 16 juillet 1998, C-171/96, Rec. p. I-4607, points 2 à 9).


5– Ces questions sont au cœur de trois affaires actuellement pendantes devant la Cour (affaires Halifax e.a., C-255/02; BUPA Hospitals e.a., C-419/02, et University of Huddersfield Higher Education Corporation, C-223/03).


6– Voir arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz (168/84, Rec. p. 2251, point 14), et du 11 septembre 2003, Cookies World (C-155/01, Rec. p. I-8785, point 46). Voir, également, arrêts du 17 novembre 1993, Commission/France (C-68/92, Rec. p. I-5881, point 14), Commission/Luxembourg (C-69/92, Rec. p. I-5907, point 15) et Commission/Espagne (C-73/92, Rec. p. I-5997, point 12).


7– Arrêt du 18 mars 1993, Viessmann (C-280/91, Rec. p. I-971, point 17).


8– Arrêts Berkholz (précité, point 14); du 26 septembre 1996, Dudda (C-327/94, Rec. p. I-4595, point 20), et du 6 mars 1997, Linthorst, Pouwels en Scheres (C-167/95, Rec. p. I-1195, point 10).


9– Farmer, P., et Lyal, R., EC Tax Law, Clarendon Press, Oxford, 1994, p. 154.


10– Voir arrêts du 15 mars 1989, Hamann (51/88, Rec. p. 767, points 17 et 18), et Cookies World (précité, point 47).


11– Voir Terra., B., The Place of Supply, cit., p. 54, citant l’exposé des motifs du projet de sixième directive. Nonobstant les divergences par rapport au texte finalement adopté de l’article 9, paragraphe 1, cette disposition suivait, pour des raisons pragmatiques, le critère du lieu où le prestataire a établi le siège de son activité économique comme point général de rattachement.


12– Point 21 de l’arrêt.


13– Point 9 des conclusions dans l’affaire précitée.


14– Point 21 de l’arrêt (précité).


15– À cet égard, un autre critère pour déterminer les activités devant entrer dans la notion de divertissement, fondé sur le caractère itinérant de l’activité, est beaucoup moins convaincant et pratique. Non seulement l’article 9, paragraphe 2, sous c), ne donne aucune indication, en ce sens qu’il ne vise que des artistes itinérants, mais faire reposer la notion d’«activité de divertissement» sur son caractère itinérant ajouterait un élément supplémentaire d’incertitude en raison de la difficulté à définir ce qu’est une activité «itinérante».


16– Un téléphone portable peut certainement être considéré par certains comme un objet de divertissement, mais, manifestement, il a aussi un autre objet qui est d’être un moyen de communication. Il ne nous paraît pas faire l’ombre d’un doute que c’est l’objet principal des services fournis par un téléphone portable.


17– L’article 70 (1) (3) (c) de la loi espagnole n° 37/1992, du 28 décembre 1992, applique comme point de rattachement aux jeux de hasard («juegos de azar») le lieu où les services sont physiquement effectués, conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive. Voir Pérez Herrero, L. La Sexta Directiva Comunitaria del IVA, Cedecs Barcelona, 1997, p. 137.


18– Cité par l’avocat général Mancini dans ses conclusions présentées dans l’affaire Berkholz (précitée, point 3).


19– Le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission n’ont pas adopté une position claire en faveur ou non d’une telle possibilité. D’un autre côté, le gouvernement irlandais a soutenu la position du gouvernement portugais.


20– Voir Hayat, M., «Discordances sur le lieu de fourniture des services en matière de TVA: le rôle de la CJCE et les conséquences de ses décisions pour l’évolution de la sixième directive», Gazette du Palais, 2003, p. 33 à 38, notamment p. 33.


21– Voir conclusions précitées de l’avocat général Mancini dans l’affaire Berkholz (point 2) et de l’avocat général La Pergola dans l’affaire DFDS (arrêt du 20 février 1997, C-260/95, Rec. p. I-1005, point 32).


22– C’est pour cela que l’absence de renvoi à l’article 9, paragraphe 2, sous c), par la Cour dans l’affaire Berkholz se comprend parfaitement. Bien qu’elle n’ait pas examiné la question d’une possible application de l’article 9, paragraphe 2, sous c), qui en tout état de cause n’était pas posée par la juridiction de renvoi, l’avocat général Mancini indique, au point 2 de ses conclusions, qu’«il n’est pas possible de […] comprendre [les prestations de services obtenues de machines à sous installées sur des navires] parmi les activités énumérées» au premier tiret de l’article 9, paragraphe 2, sous c), en raison de leur «caractère, disons, itinérant». Il suffit de rappeler à cet égard que les navires en question faisaient la navette entre l’Allemagne et le Danemark, traversant des hautes mers. Par opposition à l’affaire Berkholz, où l’application du facteur de rattachement de l’article 9, paragraphe 2, sous c), conduirait à désigner un endroit variable et potentiellement fortuit comme lieu d’exécution de la prestation de services de divertissement, les machines à sous dont il est question dans l’espèce au principal sont installées dans des salles de jeux automatiques situées sur le territoire du Royaume-Uni.


23– Voir B. Terra, op. cit., p. 74, et M. Hayat, op. cit., p. 33.


24– Dans ses observations écrites, la Commission a discrètement laissé entrevoir une possible contradiction, mais n’a pas développé ce point en audience.


25– C’est nous qui soulignons.


26– Par opposition au critère subsidiaire de localisation figurant à la fin du paragraphe 1 (le lieu du «domicile» ou de la «résidence habituelle» du prestataire), qui n’entre en ligne de compte que si les deux principaux critères sont inapplicables.


27– Arrêt Berkholz (précité), point 14, suivant en partie le septième considérant de la sixième directive selon lequel «la détermination du lieu des opérations imposables a entraîné des conflits de compétence entre les États membres, notamment en ce qui concerne la livraison d’un bien avec montage et les prestations de services».


28– Point 17 de l’arrêt.


29– C-231/94, Rec. p. I-2395, point 16.


30– C-190/95, Rec. p. I-4383, point 15.


31– Précité, point 19.


32– Voir conclusions de l’avocat général Mancini dans l’affaire Berkholz (précitées), point 2.


33– Point 18 de l’arrêt.


34– Point 27 de l’arrêt.


35– Point 19 de l’arrêt (c’est nous qui soulignons). Cette approche a de nouveau été suivie dans l’arrêt du 7 mai 1998, Lease Plan (C-390/96, Rec. p. I-2553, points 21 à 29, plus particulièrement points 26 et 27).


36– Point 26 de l’arrêt.


37– Point 27 de l’arrêt.


38– Point 23 de l’arrêt, qui reprend les conclusions de l’avocat général La Pergola (point 32).


39– Dans la présente espèce, bien que CI ne dispose pas de droits exclusifs de possession ou d’occupation des locaux détenus par RAL, elle a une concession pour installer les machines dans les locaux appartenant à RAL ou loués par cette dernière. Même si cette concession revient à un acte gratuit, elle est certainement de nature à révéler une présence de CI elle-même dans les locaux qui n’est accordée à aucune autre personne.


40– Point 26 de l’arrêt.


41– Dans l’affaire DFDS, la société britannique joue un rôle actif dans la négociation, la conclusion et l’exécution des contrats de voyage qui constituaient la prestation en cause dans cette espèce. La Cour n’en a pas moins considéré, en raison de la relation sœur-mère entre les deux sociétés, que la société britannique ne jouissait d’aucune indépendance quand elle agissait en tant qu’agent de la société danoise et concluait des contrats avec des tiers pour le compte de celle-ci. Dans la présente espèce, il n’y a même pas de telles opérations menées pour le compte de CI.


42– Il en est ainsi quelle que soit la position adoptée au regard de la question de savoir si le comportement du client s’assimile à une acceptation tacite de la pollicitation faite automatiquement, à une personne indéterminée, par la machine à sous pour le compte de CI ou si, au contraire, la machine invite à négocier et accepte ensuite automatiquement l’offre faite par le client lors de l’introduction de la pièce. Dans les deux cas, il s’ensuivra que si, en raison d’un dysfonctionnement, une machine n’exécute pas la tâche pour laquelle elle est programmée et ne restitue pas la pièce ou le jeton introduit, il y a non-exécution du contrat qui, en principe, engage la responsabilité de CI en tant qu’exploitant des machines.


43– Notons que, dans l’affaire DFDS, le fait que les contrats étaient conclus au Royaume-Uni et que les prestations y étaient exécutées a été un facteur décisif pour conclure que la société danoise disposait d’un établissement stable au Royaume-Uni.


44– Arrêt ARO Lease, précité, point 19.


45– Arrêts précités Berkholz, point 17, et DFDS, point 19.


46– Ibidem.


47– Comme deux commentateurs l’ont récemment écrit, «ce qui paraissait d’abord être une réticence de la Cour [dans l’affaire Berkholz] à se référer à des établissements secondaires […] n’était qu’un moyen pour éviter que des activités échappent au ressort fiscal de la Communauté en créant des établissements nationaux en dehors du territoire de la Communauté; en dernière analyse, […] des résultats rationnels du point de vue fiscal importent, si le résultat mène à une taxation effective plutôt qu’à une exemption» (Terra, B., et Kajus, J., A Guide to the European VAT Directives, vol. 1, 2004, p. 555) (NdT: traduction libre).


48– Point 18 de l’arrêt.