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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Christine Stix-Hackl

présentées le 1er juin 2006 (1)

Affaire C-150/04

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume de Royaume de Danemark

«Manquement – Articles 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE – Impôt sur le revenu – Prévoyance vieillesse – Refus d’allégements fiscaux si les cotisations sont versées à des organismes de prévoyance vieillesse établis dans d’autres États membres – Justification pour des motifs tenant à la cohérence du système fiscal – Convention contre la double imposition»





I –    Introduction

1.     Par le présent recours en manquement, la Commission des Communautés européennes demande de faire constater que, en adoptant et en maintenant un régime d’assurances vie et de prévoyance vieillesse prévoyant que le droit de déduire et le droit d’omettre les cotisations [articles 18 et 19 de la loi sur l’imposition de la prévoyance vieillesse (Pensionsbeskatningslov, ci-après la «PBL») (2)] ne sont accordés que pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des organismes de prévoyance vieillesse établis au Royaume de Danemark, alors qu’aucun allégement fiscal de cette nature n’est accordé pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des organismes de prévoyance vieillesse établis dans d’autres États membres (articles 53 A et 53 B), le Royaume de Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE.

2.     Cette affaire a en substance pour objet la question de savoir si et dans quelle mesure une différence de traitement fiscal des versements de cotisation à des organismes de prévoyance vieillesse établis en dehors de l’État membre en cause peut être justifiée par des motifs tenant à la cohérence du système fiscal – à savoir pour assurer que les prestations de prévoyance vieillesse concernées soient correctement imposées.

II – Le cadre juridique: disposition de droit interne

 La loi sur l’imposition de la prévoyance vieillesse

3.     La PBL (3) contient des dispositions relatives à l’imposition des plans de prévoyance vieillesse, y compris les assurances vie. À cet égard, elle distingue deux catégories de plans de prévoyance vieillesse recevant chacune un traitement fiscal différent.

4.     Les plans de la première catégorie – selon la section I de la PBL – bénéficient d’avantages fiscaux en ce sens que les cotisations afférentes à de tels plans sont déductibles ou ne sont pas prises en considération.

5.     Les autres plans font l’objet de la section II A de la PBL.

6.     Les employeurs peuvent déduire les cotisations afférentes aux plans de prévoyance vieillesse de leurs salariés comme frais professionnels (4). Cette disposition s’applique qu’il s’agisse de plans visés à la section I ou de plans visés à la section II A.

1. Section I de la PBL – Plans de prévoyance vieillesse bénéficiant d’avantages fiscaux

7.     Le titulaire d’un plan de prévoyance vieillesse visé à la section I peut déduire ou omettre les cotisations y afférentes en vertu de la loi (5). Tant les cotisations afférentes à des plans souscrits dans le cadre d’une relation de travail que les cotisations à des plans privés souscrits en dehors d’une relation de travail peuvent faire l’objet de cet avantage fiscal.

8.     Le rendement courant de l’épargne retraite est imposé à 15 % (6). L’impôt, qui est calculé et payé par l’organisme de prévoyance vieillesse concernée, est prélevé sur l’épargne du titulaire.

9.     Les prestations perçues au titre d’un plan de prévoyance vieillesse visé à la section 1 sont imposées au niveau du bénéficiaire. Les prestations versées à l’échéance au titre d’un plan de prévoyance vieillesse avec versements périodiques sont imposées en tant que revenus personnels au taux marginal applicable (7). Les prestations versées à l’échéance au titre d’un plan de prévoyance vieillesse avec versement d’un capital sont imposées à 40 % (8). Les prestations servies par anticipation sont imposées à 60 % du montant versé, quel que soit le plan de prévoyance vieillesse (9).

10.   Pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux de la section I, le plan de prévoyance vieillesse doit remplir les conditions énoncées au chapitre 1 de la PBL (articles 2 à 17). Ces conditions portent notamment sur l’âge de la retraite, sur les bénéficiaires autorisés et sur la nature des prestations. Des exigences sont en outre formulées en ce qui concerne l’organisme de prévoyance vieillesse auprès duquel le plan est souscrit. Les plans de prévoyance vieillesse doivent être souscrits auprès d’entreprises d’assurance vie, d’organismes de prévoyance vieillesse ou d’établissements financiers qui remplissent les conditions suivantes:

Les entreprises d’assurance vie doivent 1) être établies au Royaume de Danemark, ou 2) exercer leur activité d’assurance vie au Royaume de Danemark au moyen d’un établissement stable et être autorisées par l’autorité de surveillance du secteur financier à exercer l’activité d’assurance vie au Royaume de Danemark ou 3) exercer l’activité d’assurance vie au Royaume de Danemark au moyen d’une filiale et être autorisées dans un autre État membre de l’Union européenne.

Les caisses de retraite doivent 1) relever de la loi sur la surveillance des organismes de prévoyance retraite d’entreprises, qui suppose leur établissement au Royaume de Danemark, ou 2) relever de la loi relative aux activités financières, qui vise certains organismes de prévoyance retraite établis au Royaume de Danemark, ainsi que les organismes de prévoyance vieillesse étrangers qui exercent leur activité au Royaume de Danemark au moyen d’une filiale après avoir été autorisés dans un autre État membre de l’Union européenne.

Les établissements financiers doivent 1) être autorisés par l’autorité de surveillance du secteur financier à exercer leur activité au Royaume de Danemark, ce qui suppose qu’ils sont établis dans cet État ou 2) être un établissement de crédit étranger exerçant ses activités au Royaume de Danemark au moyen d’une filiale après avoir été autorisé dans un autre État membre de l’Union européenne.

2. Section II A de la PBL – Plans de prévoyance vieillesse ne bénéficiant pas d’avantages fiscaux

11.   La section II A contient les dispositions relatives aux plans de prévoyance vieillesse qui ne remplissent pas les conditions requises pour relever de la section I, ainsi qu’aux plans de prévoyance vieillesse pour lesquels l’assuré a renoncé à l’imposition conformément à la section I. La section II A comprend les articles 53 A et 53 B et porte notamment sur les plans de prévoyance vieillesse souscrits auprès d’organismes de prévoyance vieillesse étrangers. Elle prévoit notamment:

«Section II A plan de prévoyance vieillesse, assurances et autres soumis à l’impôt sur le revenu

Article 53 A

1. Les dispositions des paragraphes 2 à 5 sont applicables aux cas suivants:

1. Assurance vie non soumise aux dispositions du chapitre 1,

2. assurance vie satisfaisant aux conditions du chapitre 1, mais pour laquelle le titulaire de l’assurance a, au moment de la souscription, renoncé à une imposition conformément aux dispositions de la section I,

3. plan de retraite souscrit auprès d’une caisse de retraite, non soumis aux dispositions du chapitre 1,

4. plan de retraite souscrit auprès d’une caisse de retraite, satisfaisant aux conditions du chapitre 1, mais pour lequel l’ayant droit a, au moment de la souscription, renoncé à une imposition conformément aux dispositions de la section I, et

5. assurance maladie et accident dont l’assuré est le titulaire.

2. Les primes de cotisations pour les plans de prévoyance vieillesse et autres assurances énumérés au paragraphe 1 ne sont pas déductibles lors du calcul du revenu imposable. Lors du calcul du revenu imposable d’un salarié, les primes aux cotisations versées par l’employeur ou par un employeur précédent sont prises en compte. […]

3. Lors du calcul du revenu imposable, le rendement des plans d’assurance vie et de prévoyance vieillesse visés au paragraphe 1 est pris en compte. […]

4. […]

5. Les prestations au titre de plans de prévoyance vieillesse ou autres assurances mentionnés au paragraphe 1 ne sont pas prises en compte lors du calcul du revenu imposable.

Article 53 B

1. Nonobstant l’article 53 A, les dispositions des paragraphes 4 à 6 sont applicables aux assurances vie mentionnées à l’article 53 A, paragraphe 1, point 1, aux plans de prévoyance vieillesse souscrits auprès d’une caisse de retraite mentionnée à l’article 53 A, paragraphe 1, point 3, et aux assurances maladie et accident mentionnées à l’article, 53 A, paragraphe 1, point 5, si les conditions des paragraphes 2 et 3 sont remplies. Il en va de même des plans de prévoyance vieillesse étrangers souscrits auprès d’établissements financiers.

2. Le plan de prévoyance vieillesse ou autre assurance mentionné au paragraphe 1 doit avoir été souscrit alors que le preneur d’assurance ou l’ayant droit n’était pas assujetti à l’impôt en vertu de l’article 1er de le loi relative à la retenue de l’impôt à la source ou qu’il était assujetti à l’impôt en vertu de l’article 1er de la loi relative à la retenue de l’impôt à la source, mais était résident d’un pays étranger, des Îles Féroé ou du Groenland, au sens des dispositions d’une convention contre la double imposition.

3. L’ensemble des cotisations au plan de prévoyance vieillesse ou autre assurance mentionné au paragraphe 1, versées au cours de la période pendant laquelle le preneur d’assurance ou l’ayant droit n’était pas assujetti à l’impôt ou résident au Royaume de Danemark, doivent avoir été déduites du revenu positif imposable conformément à la législation fiscale de l’État dans lequel le preneur d’assurance ou l’ayant droit était assujetti à l’impôt ou résident au moment du versement des cotisations ou avoir été versées par un employeur, de telle sorte que, conformément à la législation fiscale de l’État dans lequel le preneur d’assurance ou l’ayant droit était assujetti à l’impôt ou résident au moment du versement des cotisations, elles n’aient pas été prises en compte lors du calcul du revenu imposable de l’intéressé.

4. En ce qui concerne les primes et cotisations à des plans de prévoyance vieillesse ou autres mentionnés au paragraphe 1, l’article 53 A, paragraphe 2, est applicable.

5. Lors du calcul du revenu imposable, le rendement des plans de prévoyance vieillesse ou autres mentionnés au paragraphe 1, notamment les intérêts et participations aux bénéfices, n’est pas pris en compte.

6. Les prestations au titre de plans de prévoyance vieillesse et autres assurances mentionnés au paragraphe 1 entrent dans le calcul du revenu imposable. […] Les prestations n’entrent pas dans le calcul du revenu imposable si elles constituent la contrepartie de cotisations qui ont été versées par le preneur d’assurance ou l’ayant droit au cours de la période postérieure à la date à laquelle l’intéressé est devenu assujetti à l’impôt ou résident au Royaume de Danemark, et qui n’ont pas pu être déduites lors du calcul du revenu imposable conformément au paragraphe 4 et à l’article 53 A, paragraphe 2.»

12.   Les cotisations des plans de prévoyance vieillesse visées à la section II A ne bénéficient donc ni de la déductibilité ni du droit d’omission.

13.   Le rendement courant du plan de prévoyance vieillesse est imposé en tant que revenu du capital (10). Si le plan de prévoyance vieillesse relève de l’article 53 B, le rendement courant n’est cependant pas imposable.

14.   Les prestations servies au titre de plans de prévoyance vieillesse visées à l’article 53 A sont exonérées. Les prestations servies au titre de plans de prévoyance vieillesse visées à l’article 53 B sont imposées en tant que revenu professionnel si le preneur d’assurance a pu déduire ou omettre ses cotisations.

15.   L’article 53 B vise les plans de prévoyance vieillesse souscrits à l’étranger par des personnes qui, au moment de la souscription, n’étaient pas résidentes au Royaume de Danemark. Si l’assureur s’établit au Royaume de Danemark et y est toujours résident au moment du versement de la retraite, les prestations sont imposées dans cet État. L’article 53 B confère au Royaume de Danemark la base juridique nécessaire pour imposer les prestations au titre de plans de prévoyance vieillesse étrangers dans les cas où il a le droit de percevoir l’impôt en tant qu’État de résidence en vertu d’une convention contre la double imposition.

3. Imposition des prestations servies par des régimes de prévoyance vieillesse en vertu des conventions contre la double imposition conclues par le Royaume de Danemark.

16.   Le Royaume de Danemark a conclu des conventions contre la double imposition avec de nombreux pays. Ces conventions suivent les principes de la convention type élaborée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et consacrent notamment le droit d’imposer les prestations servies par des régimes de prévoyance vieillesse privés. Selon l’article 18 de la convention type, les pensions privées sont en principe imposables dans l’État de résidence du bénéficiaire.

17.   Des dispositions correspondant à l’article 18 de la convention type figurent dans les conventions conclues avec la République française (11), le Grand-Duché de Luxembourg (12), le Royaume des Pays-Bas (13), le Royaume d’Espagne (14) et la République d’Autriche (15). Une disposition analogue figure dans la convention conclue avec la Confédération suisse (16).

4. Déductibilité des cotisations à des régimes de prévoyance vieillesse étrangers en vertu des conventions contre la double imposition conclues par le Royaume de Danemark.

18.   Certaines des conventions contre la double imposition conclues par le Royaume de Danemark permettent aux preneurs d’assurance résidant dans un État contractant de déduire des revenus imposables dans cet État les cotisations afférentes à des plans de prévoyance vieillesse souscrits dans l’autre État contractant. Il s’agit des conventions avec le Royaume des Pays-Bas (17), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne (18), le Royaume de Suède (19) et la Confédération suisse (20).

III – La procédure administrative

A –    Lettres de mises en demeure

19.   Dans sa lettre de mise en demeure du 5 avril 1991, sa lettre du 31 juillet 1992 et sa lettre de mise en demeure complémentaire du 11 avril 2000, la Commission a attiré l’attention des autorités danoises sur l’incompatibilité de certaines dispositions relatives à l’imposition de la prévoyance vieillesse avec les articles 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE.

20.   Les lettres de mise en demeure portaient sur les dispositions danoises relatives à la déductibilité des cotisations à des régimes de prévoyance vieillesse lors du calcul du revenu imposable. En vertu de ces dispositions, les cotisations sont déductibles si elles sont versées pour un plan de prévoyance vieillesse souscrit auprès d’un organisme de prévoyance vieillesse établi au Royaume de Danemark. En revanche, les cotisations pour des plans de prévoyance vieillesse souscrits auprès d’organismes de prévoyance vieillesse établis dans d’autres États membres ne sont pas déductibles. Dans ses lettres de mise en demeure, la Commission indiquait que cette imposition différenciée était incompatible avec les principes de libre circulation des personnes, des services et des capitaux. Selon elle, les dispositions en question ne sauraient être objectivement justifiées par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal.

21.   Eu égard à la réponse du gouvernement danois du 12 mars 1992 à la lettre de mise en demeure, à sa lettre du 22 décembre 1992 et à sa réponse du 29 juin 2000 à la lettre de mise en demeure complémentaire, et après avoir entendu le point de vue du Royaume de Danemark lors de réunions entre les autorités danoises et ses services les 4 novembre 1997 et 14 janvier 2000, la Commission a décidé d’adresser un avis motivé au Royaume de Danemark.

B –    Avis motivé

22.   Le 5 février 2003, la Commission adressait au Royaume de Danemark un avis motivé. Elle y concluait que, en maintenant des dispositions prévoyant que des cotisations de plans de prévoyance vieillesse ne peuvent être déduites ou omises que si le plan de prévoyance vieillesse est souscrit auprès d’un organisme de prévoyance vieillesse établi ou ayant une filiale au Royaume de Danemark, il avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE.

23.   Le gouvernement danois a répondu à l’avis motivé de la Commission par lettre du 15 avril 2003. Dans cette lettre, il a reconnu, en se référant à l’arrêt de la Cour rendu dans l’affaire Danner (21), et notamment au point 31, que les dispositions relatives à l’imposition de la prévoyance vieillesse peuvent constituer des restrictions à la libre circulation des travailleurs et des services et à la liberté d’établissement consacrées par les articles 39 CE, 49 CE et 43 CE.

24.   Il considère cependant que les restrictions sont justifiées par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal danois. Il estime que les dispositions danoises relatives à l’imposition de la prévoyance vieillesse sont symétriques, puisqu’il existe un lien direct entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des prestations.

25.   Le gouvernement danois considère que l’arrêt dans l’affaire Danner confirme sans équivoque que la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal, énoncée dans l’arrêt du 28 janvier 1992, Bachmann, (C-204/90, Rec. p. I-249), est une préoccupation licite susceptible de justifier des restrictions à la libre circulation des travailleurs et des services, ainsi qu’à la liberté d’établissement.

IV – La procédure devant la Cour

26.   Par recours enregistré au greffe de la Cour le 23 mars 2004, il est demandé qu’il plaise à la Cour de constater que, en adoptant et en maintenant un régime d’assurance vie et de prévoyance vieillesse prévoyant que le droit de déduire et le droit d’omettre les cotisations (articles 18 et 19 de la PBL) ne sont accordés que pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des organismes de prévoyance vieillesse établis au Royaume de Danemark, alors qu’aucun allégement fiscal n’est accordé pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des organismes de prévoyance vieillesse établis dans d’autres États membres (articles 53 A et 53 B), le Royaume de Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE et de condamner le Royaume de Royaume de Danemark aux dépens.

27.   Par le mémoire en défense déposé le 10 juillet 2004, il est demandé de rejeter le recours comme non fondé et de condamner la Commission aux dépens.

28.   À la suite du dépôt des mémoires en réplique et en duplique, la procédure écrite s’est clôturée après que le Royaume de Suède a eu la possibilité de déposer un mémoire en intervention au soutien des conclusions du Royaume de Danemark.

29.   Le 31 janvier 2006 s’est tenue l’audience de plaidoirie, à laquelle les deux parties ainsi que le Royaume de Suède ont pris part.

V –    Examen du recours

A –    Remarques préliminaires

30.   La Cour a déjà eu l’occasion à plusieurs reprises d’interpréter les libertés fondamentales dans le cadre de l’imposition de la prévoyance vieillesse complémentaire dans les États membres – que ce soit les régimes de prévoyance vieillesse professionnelle, ce qu’il est convenu d’appeler le deuxième pilier, ou que ce soit les régimes de prévoyance vieillesse volontaires, ce qu’il est convenu d’appeler le troisième pilier (22). Le point de départ de cette jurisprudence reposait sur les arrêts Bachmann (23) et Commission/Belgique (24), relatifs à des dispositions de la loi belge en vertu desquelles la déductibilité des cotisations d’assurance n’était possible que si ces cotisations étaient versées à des compagnies d’assurances nationales. La Cour a jugé que cela constituait une violation de la libre circulation des travailleurs et de la libre prestation des services, mais que celle-ci pouvait être justifiée par des motifs tenant au maintien de la cohérence du régime fiscal.

31.   Dans l’affaire Wielockx (25), il s’agissait de dispositions néerlandaises qui refusaient aux contribuables non-résidents la possibilité de déduire du revenu imposable les sommes qu’ils affectaient à la constitution d’une réserve vieillesse, tandis qu’une convention fiscale préventive de la double imposition s’opposait à une imposition aux Pays-Bas en cas de suppression d’une telle réserve. La Cour a jugé qu’il s’agissait d’une violation non justifiée du droit d’établissement.

32.   Dans l’affaire Safir (26) concernant une réglementation suédoise, la Cour a jugé que la libre prestation des services s’opposait à l’application d’un régime fiscal différent pour les assurances vie en capital selon qu’elles sont souscrites auprès de compagnies établies ou non dans cet État membre.

33.   L’affaire Danner (27) avait pour objet une réglementation finlandaise qui restreignait ou même excluait la faculté de déduire aux fins de l’impôt sur le revenu des cotisations d’assurance retraite volontaire versées à des assureurs établis dans un autre État membre. Selon la Cour, les dispositions du traité CE relatives à la libre prestation des services s’opposent à ce genre de dispositions.

34.   Dans l’affaire Skandia et Ramstedt (28), il s’agissait enfin du traitement fiscal des cotisations versées par un employeur à une assurance retraite complémentaire en Suède. Selon la Cour, les dispositions du traité relatives à la libre circulation des services s’opposent à une réglementation selon laquelle des cotisations versées à un assureur étranger doivent être traitées différemment que celles versées à un assureur national, dans la mesure où l’assurance de retraite en cause remplit par ailleurs l’ensemble des exigences requises par le droit national en matière d’assurance de retraite professionnelle.

35.   La présente procédure s’inscrit manifestement dans la ligne de la communication de la Commission sur l’élimination des entraves fiscales à la fourniture transfrontalière des retraites professionnelles (29). Dans ce contexte, il est intéressant de noter que la Commission a entamé de semblables procédures en manquement en matière d’imposition des retraites à l’encontre d’autres États membres (30). Et elle a également introduit un recours contre le Royaume de Belgique (31) et le Royaume d’Espagne (32).

B –    Les entraves aux libertés fondamentales

1. Arguments principaux des parties

36.   Selon la Commission, le fait que l’assuré ne peut déduire de son revenu les cotisations d’assurance que si l’organisme de prévoyance vieillesse est établi en Allemagne constitue une entrave à la libre circulation des services, des travailleurs, et des capitaux, ainsi qu’au droit d’établissement.

37.   Le gouvernement danois reconnaît que sa législation est susceptible d’entraver la libre circulation des services, des travailleurs ainsi que le droit d’établissement. Cependant, la libre circulation des capitaux ne serait pas affectée au motif que l’article 56 CE n’interdit pas les restrictions qui ne visent pas les transferts de capitaux, mais qui résultent indirectement de restrictions aux autres droits fondamentaux (33).

2. Analyse

38.   À la lumière des arguments soulevés par le gouvernement danois, qui ne conteste pas la présentation des dispositions nationales danoises en cause (34), et de la jurisprudence citée ci-dessus, de brèves explications suffiront afin d’examiner les restrictions apportées à la libre circulation des travailleurs, des services et des capitaux et à la liberté d’établissement.

La libre circulation des services (article 49 CE)

39.   L’absence de déductibilité ou d’omission des cotisations versées à des régimes de prévoyance vieillesse étrangers a, d’une part, pour effet que des assurés établis au Royaume de Danemark perdent une incitation – fiscale – importante pour conclure une prévoyance vieillesse auprès d’organismes de prévoyance vieillesse établis dans d’autres États membres que le Royaume de Danemark (35).

40.   De même, une telle réglementation a également pour effet que des organismes de prévoyance vieillesse étrangers ne peuvent fournir leurs services sur le marché danois sur un pied d’égalité en libre circulation des services. Ils se retrouvent placés devant l’alternative de soit rester en dehors du marché danois, soit de s’établir au Royaume de Danemark. Cela a pour effet d’affecter le droit à la libre prestation des services au Royaume de Danemark à partir d’autres États membres.

41.   À cet égard, il convient de relever que la Commission – se démarquant ainsi des affaires C-522/04 et C-47/05 – n’a pas fondé ses griefs sur la directive 92/96/CEE (36) ni sur la directive 2002/83/CE (37), dans la mesure où la réglementation litigieuse concerne des entreprises d’assurance vie.

42.   Au-delà de la question relativement peu problématique du caractère éventuellement restrictif de la réglementation litigieuse, la Cour pourrait en outre saisir l’opportunité de clarifier sa position – ainsi que cela a été souvent souhaité par la doctrine et par certains avocats généraux (38) – quant au caractère éventuellement discriminatoire de dispositions nationales telles que les dispositions en cause qui font une distinction suivant l’établissement de l’entreprise d’assurances et/ou de l’organisme de prévoyance vieillesse.

43.   Tant dans l’arrêt Danner, précité, que dans l’arrêt Skandia et Ramstedt, précité, la Cour n’a pas tranché la question de savoir si de telles dispositions constituaient une discrimination directe ou indirecte ou s’il s’agissait de restrictions non discriminatoires.

44.   Cette absence de réponse claire nous semble particulièrement inopportune, au motif que la Cour reste formellement attachée au principe (39) selon lequel les discriminations directes fondées sur la nationalité et/ou le siège de l’entreprise ne peuvent être justifiées pour des raisons impérieuses d’intérêt général, dans la mesure où celles-ci ne sont pas citées dans le traité (40).

45.   Dans l’affaire Danner, l’avocat général Jacobs considérait que la disposition finlandaise en cause, qui liait l’octroi d’un avantage fiscal à la conclusion d’une assurance avec une société établie sur le territoire finlandais, constituait une discrimination manifeste fondée sur la nationalité, alors que, dans l’affaire Skandia et Ramstedt, précitée, l’avocat général Léger qualifiait la réglementation suédoise correspondante de discrimination indirecte.

46.   Cette dernière thèse nous semble plus convaincante, car les dispositions nationales en cause ne font pas de distinction selon le siège ou la nationalité du prestataire de services, mais plutôt suivant le lieu d’origine de la prestation de services (41): seuls sont désavantagés les assureurs étrangers qui ne disposent d’aucune filiale dans l’État en cause (42).

47.   Le fait qu’une telle réglementation indirectement discriminatoire puisse être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général non retenues dans le traité semble correspondre à l’état de la jurisprudence (43). Toutefois, compte tenu de ce qui précède, il apparaît pertinent d’apprécier le traitement fiscal distinct des versements de cotisations selon le lieu d’établissement du destinataire de celles-ci comme étant un problème de discrimination – et non pas uniquement comme un problème de restriction. Par conséquent, il y a lieu de considérer que la réglementation litigieuse conduit à une discrimination indirecte des sociétés d’assurances non établies.

Libre circulation des travailleurs et droit d’établissement (articles 39 CE et 43 CE)

48.   La réglementation danoise selon laquelle il n’existe aucun droit de déduction fiscale des versements de cotisation à des régimes d’assurance étrangers affecte particulièrement les travailleurs migrants et les indépendants provenant d’autres États membres. De tels travailleurs ou indépendants qui s’installent au Royaume de Danemark et qui ont déjà conclu dans un autre État membre une assurance retraite complémentaire à la retraite obligatoire légale doivent subir un traitement fiscal moins avantageux par rapport aux régimes de prévoyance vieillesse qui existent au Royaume de Danemark, s’ils veulent maintenir cette couverture à l’étranger (44).

Libre circulation des capitaux (article 56 CE)

49.   La condition requise pour se prévaloir des avantages fiscaux, à savoir que les institutions d’assurance doivent être établies au Royaume de Danemark, conduit – ainsi que nous l’avons déjà expliqué – à ce que les preneurs d’assurance soient dissuadés de conclure une prévoyance vieillesse auprès d’organismes de prévoyance vieillesse établis dans un autre État membre. Dès lors, les dispositions danoises pourraient constituer une entrave à la libre circulation des capitaux dans la forme de paiements versés à des organismes de prévoyance vieillesse ou versés par ces derniers.

50.   Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que les «transferts en exécution de contrats d’assurances» et plus précisément les «primes et prestations au titre de l’assurance vie» sont mentionnés (45) en tant que mouvement de capitaux dans la nomenclature de la directive 88/361 (46).

51.   Toutefois, le gouvernement danois fait référence dans ce contexte à l’arrêt Bachmann (47), selon lequel «l’article 67 [abrogé par le traité d’Amsterdam] n’interdit pas les restrictions qui ne visent pas les transferts de capitaux, mais qui résultent indirectement de restrictions aux autres libertés fondamentales». Dans cet arrêt, la Cour n’a constaté aucune restriction à la libre circulation des capitaux au motif que le traitement fiscal des cotisations d’assurance n’empêchait pas en soi le paiement de cotisations d’assurance à des assureurs établis à l’étranger.

52.   Il n’y a pas lieu de considérer ce principe comme dépassé à la suite de la nouvelle réglementation en matière de libre circulation des capitaux adoptée après le traité de Maastricht. En effet, l’arrêt Safir, relatif à l’imposition en Suède de primes d’assurance vie en capital, se fonde également sur ce principe (48).

53.   Dans la mesure où la différence de traitement en cause en l’espèce concerne uniquement la déductibilité et/ou les possibilités d’exemption en matière de dépenses de prévoyance vieillesse, il en résulte que ce principe pourrait être transposé en sorte qu’il y aurait lieu d’exclure l’existence d’un obstacle à la libre circulation des capitaux. Il y aurait lieu, dès lors, de rejeter le recours de la Commission portant sur une éventuelle violation des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.

C –    Justification par des raisons impérieuses d’intérêt général

1. Principaux arguments des parties

54.    Le gouvernement danois fait valoir que la réglementation litigieuse est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général et fait référence dans ce contexte, d’une part, au besoin d’efficacité des contrôles fiscaux et, d’autre part, à la nécessité d’assurer la cohérence du régime fiscal. La Commission considère que ces deux justifications sont dépourvues de pertinence. En tout état de cause, les atteintes aux libertés fondamentales ne seraient pas conformes au principe de proportionnalité.

Efficacité des contrôles fiscaux

55.   Selon la Commission, la directive 77/799/CEE, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et des taxes sur les primes d’assurance (49), assure la prise en compte de l’impôt sur les revenus versé dans d’autres États membres. Par conséquent, le Royaume de Danemark ne pourrait justifier l’application de la réglementation litigieuse en se fondant sur les difficultés d’obtenir des informations susceptibles de lui permettre le calcul correct des impôts sur le revenu.

56.   Le gouvernement danois soutient que l’efficacité de la directive 77/799 serait réduite par le fait que les informations dont pourraient disposer les États membres et qu’ils seraient tenus de transmettre en vertu de ladite directive seraient définies par leurs ordres juridiques nationaux. Certes, les contrôles pourraient s’effectuer sur une base volontaire par la collaboration des autorités danoises avec les organismes de prévoyance vieillesse étrangers. Toutefois, une telle collaboration serait limitée, car les institutions financières étrangères pourraient se fonder sur des obligations de confidentialité.

Cohérence du régime fiscal

57.   La Commission soutient que la cohérence du régime fiscal commande qu’il existe une corrélation directe entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des prestations. Cette corrélation devrait exister au niveau d’un même contribuable (50). Il résulterait par ailleurs de l’arrêt Bachmann, précité, l’obligation d’autoriser la déductibilité des cotisations versées à un régime de prévoyance vieillesse d’un autre État membre, sauf si l’État en cause n’a pas le droit d’imposer des prestations de prévoyance vieillesse accordées en vertu de ce régime.

58.   Selon le gouvernement danois, le refus de la déductibilité selon les critères de l’arrêt Bachmann est justifié. La cohérence serait assurée en ce qui concerne un même contribuable et il n’existerait pas de lien direct entre la déduction des cotisations versées et l’imposition des prestations accordées (51). Dès lors, il serait conforme au traité d’exclure la possibilité de déduire les primes d’assurance retraite volontaire qui auraient été versées à des organismes de prévoyance vieillesse établis dans d’autres États membres, dans la mesure où les dispositions nationales excluent l’imposition des prestations de retraite payées, et ce en tant que contrepartie pour les primes ou les cotisations non déduites (52). Bien au contraire, les dispositions danoises satisferaient à la condition relative au lien direct existant entre l’absence de déduction et la non-imposition. En ce qui concerne l’autre condition, il conviendrait de faire référence à l’arrêt Bachmann et, à cet égard, l’incertitude que pourrait avoir un État membre quant à sa capacité de percevoir l’impôt sur les sommes dues par l’assureur étranger pourrait justifier la cohérence du régime fiscal, dans la mesure où l’impôt ne serait pas perçu effectivement.

59.   Le gouvernement suédois fait valoir que la Cour ne s’est jamais écartée de la jurisprudence Bachmann. Au contraire, elle a tenu à en préciser sa portée, en particulier par l’arrêt Manninen (53), en ce sens que la cohérence du régime fiscal implique que les autorités fiscales ne devraient admettre la déductibilité des cotisations d’assurance vie des revenus imposables que si elles avaient la certitude que le capital versé par les sociétés d’assurances à l’expiration du contrat serait effectivement imposé par la suite.

Symétrie du système danois

60.   Selon la Commission, l’avantage fiscal existant pour les plans de prévoyance vieillesse conclus auprès d’organismes établis au Royaume de Danemark rend ces plans de prévoyance vieillesse plus attractifs. En revanche, l’absence d’avantage fiscal pour les plans de prévoyance vieillesse étrangers n’est pas compensée par une symétrie fiscale. Le Royaume de Danemark pourrait imposer l’ensemble des pensions versées aux preneurs d’assurance qui résident sur son territoire, que le contrat ait été conclu sur son territoire ou à l’étranger. Le Royaume de Danemark ne perdrait ce droit que si le preneur d’assurance transférait sa résidence dans un autre État. Sous réserve de l’existence de conventions fiscales contre la double imposition, ce n’est que dans cette hypothèse que s’imposerait la nécessité d’assurer la cohérence du régime fiscal. Pour garantir cette cohérence, les dispositions relatives à l’imposition de prévoyance vieillesse devraient être appliquées de manière ciblée et ne devraient pas être disproportionnées.

61.   Le gouvernement danois soutient que l’argument de la Commission selon lequel un État ne peut refuser la déductibilité des cotisations versées que s’il ne perçoit pas l’impôt sur les sommes dues par l’assureur est nouveau. S’agissant du changement de résidence de l’assuré, le gouvernement danois souligne que les autorités de l’État membre ignorent, au jour du versement des cotisations, si cet assuré émigrera et donc si, en application d’une convention fiscale contre les doubles impositions, l’impôt sera acquitté soit dans l’État de la nouvelle résidence, soit dans l’État où les cotisations sont versées et sur la base desquelles les déductions ont été accordées dans l’État de résidence d’origine. Le gouvernement danois considère que, si la position de la Commission sur le changement de résidence doit s’interpréter comme une obligation pour un État d’accorder la déductibilité des cotisations versées à des régimes de prévoyance vieillesse étrangers tout en conservant la possibilité d’exiger la restitution des sommes déduites si le bénéficiaire s’établit dans un autre État membre, dans un tel cas, il convient que ce régime soit compatible avec le droit communautaire (54).

Les conventions fiscales contre la double imposition

62.   Selon la Commission, les conventions fiscales contre la double imposition portent atteinte à la symétrie du système fiscal danois au motif que la cohérence du régime fiscal n’est plus établie au niveau d’une même personne par une corrélation étroite entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des prestations, mais elle est reportée au niveau de la réciprocité des règles applicables entre les États contractants (55). Les arrêts Wielockx et Danner préciseraient les principes qui ont été dégagés dans les arrêts Bachmann et Commission/Belgique. Il en résulterait que la cohérence, dans une législation fiscale nationale, entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des prestations perd sa pertinence si des conventions contre la double imposition ont été conclues, car celles-ci auraient une incidence sur cette prétendue cohérence. Dans un tel cas, les États membres ne sauraient plus invoquer le principe de la cohérence du régime fiscal.

63.   Par conséquent, la Commission considère que la réglementation fiscale en cause n’est pas cohérente au motif que le Royaume de Danemark accorde le droit de déduction pour certains preneurs d’assurance en exécution des conventions contre la double imposition qu’il a signées. Le Royaume de Danemark ne pourrait pas justifier les entraves aux libertés fondamentales par des raisons impérieuses d’intérêt général, au motif que celles-ci ne poursuivraient pas le but poursuivi d’une manière cohérente et systématique.

64.   En revanche, le gouvernement danois considère que cette réglementation fiscale accorde au contribuable résident, comme au contribuable non-résident qui se trouve dans la même situation et indépendamment des conventions contre la double imposition, le même droit à déduction des cotisations versées à des organismes de prévoyance vieillesse danois. Si l’on devait considérer que la cohérence du régime fiscal pouvait être mise en péril par une disposition de droit national dérogeant aux conventions contre la double imposition, il y aurait lieu de se référer aux arrêts Bachmann et Commission/Belgique. En effet, il résulterait de ces arrêts que l’existence d’une convention contre la double imposition, selon laquelle l’imposition des pensions payées à des bénéficiaires non établis en Belgique, quelle que soit la possibilité de déduire les cotisations en Belgique, est exclue, n’aurait pas empêché la Cour de juger que la réglementation fiscale belge était cohérente.

65.   Selon les gouvernements danois et suédois, une convention contre la double imposition ne fait pas partie intégrante du régime fiscal national. Selon le gouvernement suédois, une telle convention permet d’éviter des résultats iniques pouvant résulter de la rencontre de plusieurs systèmes fiscaux nationaux. Une convention fiscale ne pourrait jamais étendre le pouvoir d’imposition prévu par le droit national d’un État, mais, en revanche, elle ne pourrait que le réduire. Une telle convention n’a donc pas pour objet de modifier la systématique des régimes fiscaux nationaux, mais uniquement de résoudre les conflits qui peuvent naître entre deux régimes fiscaux nationaux. Le principe qui a été adopté dans l’arrêt Wielockx et confirmé dans l’arrêt Danner serait qu’une convention contre la double imposition ne pourrait justifier un refus de déductibilité des cotisations versées à un régime de prévoyance vieillesse. En d’autres termes, la cohérence du régime fiscal devrait être maintenue au niveau du contribuable par un parallélisme strict dans la législation nationale entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des sommes dues par les assureurs.

2. Analyse

66.   L’entrave constatée ci-dessus (56) à certaines libertés fondamentales n’est légitime que si elle poursuit un objectif légitime et compatible avec le traité et si elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. Toutefois, dans un tel cas, il convient que sa mise en œuvre permette d’atteindre l’objectif poursuivi et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire à cet effet (57).

67.   Les parties sont en substance en désaccord sur l’étendue et la signification concrète du motif de justification tenant à assurer la cohérence du système fiscal. De plus, le fait de savoir si la réglementation litigieuse est nécessaire pour assurer l’efficacité des contrôles fiscaux est contesté.

68.   Lors de l’audience, le gouvernement danois a déclaré que la déductibilité et/ou l’omission des dépenses de prévoyance vieillesse doit être considérée en lien avec l’imposition des futures prestations de retraite: la réglementation en cause consisterait en une sorte de «crédit d’impôt», et c’est la raison pour laquelle les autorités fiscales devraient s’assurer de pouvoir taxer des prestations futures provenant de cotisations exemptes d’impôt, ce qui pourrait alors devenir problématique si, au moment de l’exercice du droit à bénéficier des prestations de retraite, l’épargnant n’avait plus de résidence sur le territoire national. Dans ce cadre, il serait cohérent de refuser les avantages fiscaux litigieux si les dépenses de prévoyance ont été faites à l’étranger, ce qui autoriserait à considérer comme improbable l’imposition des prestations de retraite.

69.   Il résulte, du point qui précède, que la présente affaire avait en fin de compte pour objet le problème relatif à l’imposition en raison de l’abandon de la résidence fiscale et que les arguments du Royaume de Danemark relatifs à l’efficacité des contrôles fiscaux ont un lien étroit avec les questions tenant à la cohérence.

70.   Il semble nécessaire d’examiner tout d’abord la validité et la portée du principe de cohérence.

a)      Considération générale relative au principe de la cohérence du système fiscal en tant que cause de justification

71.   Dans les conclusions rendues dans l’affaire Marks & Spencer (58), l’avocat général Poiares Maduro a souligné la signification du principe de cohérence du système fiscal en déclarant que «la notion de cohérence fiscale occupe une fonction corrective importante en droit communautaire. Elle doit servir à corriger les effets de l’extension des libertés communautaires aux systèmes fiscaux dont l’organisation relève en principe de la seule compétence des États membres. Il faut éviter, en effet, que l’application des libertés de circulation puisse être à l’origine d’atteintes injustifiées à la logique interne des régimes fiscaux nationaux. […] La cohérence fiscale a donc pour fonction de protéger l’intégrité des systèmes fiscaux nationaux, pourvu qu’elle ne fasse pas obstacle à l’intégration de ces systèmes dans le cadre du marché intérieur» (59).

72.   Toutefois, la notion de cohérence du système fiscal semble quelque peu diffuse. La Cour voulait manifestement tenir compte de la circonstance que – d’un point de vue national – les réglementations fiscales qui constituent une charge pour les contribuables doivent être considérées en lien avec d’autres réglementations qui leur sont avantageuses telles que la relation éventuelle existant entre l’imposition de prestations d’assurance avec la déductibilité des cotisations (60). La notion de cohérence viserait à justifier les dispositions nationales qui ont pour finalité d’éviter une double imposition et de garantir une imposition unique, ainsi que l’avocat général Kokott l’écrivait dans ses conclusions dans l’affaire Manninen (61). Toutefois, en ce qui concerne l’imposition des prestations de prévoyance vieillesse, il y a lieu d’ajouter que dans des systèmes qui imposent les rendements courants des plans de prévoyance vieillesse, comme cela semble être le cas du régime danois, une imposition économique multiple n’est en principe pas exclue, nonobstant le lien éventuel existant entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des prestations.

73.   Enfin, nous observons à titre accessoire que, dans la présente affaire, le gouvernement danois n’a pas fait valoir que la réglementation en cause semblait être également justifiée au motif que l’octroi de la déductibilité des cotisations versées à des organismes non établis, dans le cadre de l’imposition des pensions versées, conduirait à ce que ces organismes bénéficient d’une situation plus favorable dans la mesure où les rendements courants tirés de contrats conclus dans d’autres États membres ne pourraient être imposés.

74.   En tout état de cause, cela explique également le fait que, au-delà du cas précis du traitement fiscal des pensions de la prévoyance vieillesse, la Cour ait dû examiner la notion de cohérence dans un autre contexte – en matière de réglementation nationale relative à l’impôt sur les sociétés – et qu’elle ait notamment dû examiner s’il y a lieu de considérer qu’il existe un lien de même nature entre des règles fiscales spécifiques, et en particulier lorsque des avantages et des inconvénients ne se retrouvent pas dans le même type d’impôt (62) ou dans le chef d’un même contribuable (63). On remarquera enfin que le principe contesté de territorialité (64) se base sur une même réflexion en ce qui concerne la relation économique existant entre les revenus et la déductibilité des dépenses.

75.   Néanmoins, il est frappant de voir que, depuis les arrêts retentissants Bachmann (65) et Commission/Belgique (66), la Cour n’a plus admis de justification fondée sur des motifs tenant à la cohérence fiscale et n’a plus reconnu que dans de rares cas (67) une cohérence au régime fiscal national. La justification tenant à la cohérence fiscale connaît ainsi un sort particulier en ce sens que, dans les procédures relatives aux impôts directs, elle est invoquée de manière pratiquement systématique comme justification pour une éventuelle entrave aux libertés fondamentales, sans pour autant, la plupart du temps, être retenue. C’est dans ce contexte que la doctrine spécule sur un abandon de la jurisprudence Bachmann et, à cet égard, les critiques sont, d’une part, dirigées contre le manque de clarté de la Cour en la matière et, d’autre part, sur les résultats mêmes. À l’audience, le gouvernement danois a fermement mis en garde contre un tel revirement et a soutenu que le recours de la Commission était déjà non fondé pour le motif qu’il ne serait pas compatible avec les conséquences des arrêts Bachmann et Commission/Belgique, précités.

76.   Cette thèse du gouvernement danois n’est pas convaincante au motif que la Cour a, depuis les arrêts Bachmann et Commission/Belgique, précisé le contenu de la notion de cohérence du régime fiscal en sorte que les exigences qui en découlent pour les réglementations nationales ont été indubitablement renforcées. Déjà dans l’arrêt Wielockx (68), la Cour a affirmé que, lorsque «la cohérence fiscale [est] assurée sur la base d’une convention bilatérale conclue avec un autre État membre, ce principe ne saurait être invoqué pour justifier le refus d’une déduction […]» (69). Cette thèse a été confirmée par l’arrêt Danner (70). Par conséquent, dans la présente affaire, la Cour ne se trouve en aucun cas confrontée à la simple alternative de soit confirmer la solution de l’arrêt Bachmann, soit renoncer totalement à la justification fondée sur la cohérence fiscale.

77.   En fin de compte, il semble que le caractère diffus de la justification fondée sur la cohérence s’explique par une compréhension systématique peu convaincante de la notion de cohérence. Si le traitement distinct de situations transfrontalières en droit fiscal national était analysé comme un problème de discrimination (71), il serait possible de lier plus justement les arguments des autorités fiscales nationales en matière de cohérence à la question de savoir si la différence de traitement en cause est effectivement justifiée (72).

b)      Cohérence au niveau national

78.   Il convient d’observer tout d’abord que la préoccupation du gouvernement danois en tant que tel – à savoir garantir l’imposition des prestations de retraite dans le cas où les dépenses de prévoyance vieillesse ont bénéficié d’un privilège fiscal, et ce également si le contribuable a transféré sa résidence dans un autre État membre – semble en principe digne d’être reconnue.

79.   La jurisprudence de la Cour contient de multiples indications en ce sens: dans les arrêts Bachmann (73) et Commission/Belgique (74), la Cour a jugé que la cohérence du régime fiscal suppose que, dans le cas où le Royaume de Belgique «serait obligé d’accepter la déduction des cotisations d’assurance vie versées dans un autre État membre, il puisse percevoir l’impôt sur les sommes dues par les assureurs». La Cour a confirmé cette jurisprudence dans l’arrêt Manninen, selon lequel la cohérence du régime fiscal implique que, «si les autorités fiscales belges devaient admettre la déductibilité des cotisations d’assurance vie des revenus imposables, elles devaient avoir la certitude que le capital versé par la société d’assurances à l’expiration du contrat serait effectivement imposé par la suite» (75).

80.   La jurisprudence relative à l’imposition des plus-values latentes qui ont été accumulées lorsque le contribuable était résident sur le territoire national (76) va bien dans la même direction: le souci exposé par le gouvernement danois a été reconnu de manière indirecte par la Cour dans les arrêts X et Y (77) ainsi que de Lasteyrie du Saillant (78), en ce sens, que dans ces arrêts, elle a jugé que la réglementation en cause était incompatible avec les libertés fondamentales et en ce qu’elle ne respectait pas le principe de proportionnalité.

81.   En ce qui concerne la cohérence du régime en cause au niveau national, il y a lieu toutefois de rappeler que les arrêts Bachmann et Commission/Belgique, précités, se fondaient sur le constat que, en vertu du droit belge, il existait un lien direct entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des prestations à verser par les compagnies d’assurances. Le régime fiscal belge considérait qu’il existait une compensation entre la perte de revenu résultant de la déduction des cotisations d’assurance et des rentrées fiscales prévues à la suite de l’imposition des pensions de retraite, rente ou montant en capitaux à payer par les compagnies d’assurances. De plus, il convient de rappeler que, dans le régime belge, l’absence de possibilité de déduction en ce qui concerne les cotisations conduisait à une dispense de paiement des prestations.

82.   D’après les principes de la réglementation litigieuse résumés au point 14 ci-dessus, il existe en l’espèce manifestement un tel lien direct entre la déductibilité des dépenses de prévoyance vieillesse et l’imposition des prestations payées par les organismes de prévoyance vieillesse. En effet, dans le régime fiscal danois, l’imposition des prestations payées à des personnes résidant au Royaume de Danemark dépend du fait que les cotisations prélevées des revenus imposables du bénéficiaire aux fins de la mise en place de ces prestations sont déductibles ou non.

83.   La «symétrie» (79) qui en résulte – pour reprendre l’expression de la Commission – ne suffit pas pour justifier les entraves constatées, en raison du fait qu’à cet effet il y aurait lieu de clarifier si le Royaume de Danemark n’aurait pas pu atteindre l’objectif poursuivi avec des moyens moins entravants.

84.   Indépendamment du traitement fiscal des prestations, il y a lieu de remarquer que l’entrave constatée aux libertés fondamentales résulte du défaut de déductibilité et/ou du fait de ne pas tenir compte des cotisations et que cette absence de déductibilité ou ce défaut de prise en compte ne concerne pas uniquement les contribuables qui transfèrent leur résidence dans un autre État membre. En effet, même les contribuables qui ont maintenu leur résidence au Royaume de Danemark au moment où ils recevaient les prestations sont concernés par l’absence de déductibilité des cotisations versées à l’organisme de prévoyance vieillesse établi à l’étranger, bien que l’imposition des prestations de retraite soit assurée en principe dans leur cas. Par conséquent, la réglementation en cause semble aller au-delà de la finalité qu’elle poursuit et, partant, est disproportionnée.

85.   Contrairement aux affirmations du Royaume de Danemark (80), la Commission n’a pas exposé de nouvel argument à cet égard, qui serait en tant que tel irrecevable: selon la jurisprudence de la Cour, l’objet d’un recours introduit au titre de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse, sans qu’il en résulte toutefois que, dans tous les cas, il existe une concordance exacte entre l’exposé des griefs dans la lettre de mise en demeure, dans le dispositif de l’avis motivé et dans les demandes exposées dans la requête, dans la mesure où l’objet du litige n’est pas étendu ou modifié (81). Toutefois, le Royaume de Danemark n’a pas fait valoir une extension ou une modification de l’objet du litige.

c)      La cohérence au niveau des conventions contre la double imposition

86.   L’absence de possibilité d’imposer les prestations de retraite payées par les organismes de prévoyance vieillesse en cas de transfert du contribuable constitue une conséquence de la convention danoise contre la double imposition calquée sur le modèle de convention de l’OCDE, selon laquelle le droit d’imposition des prestations de retraite ou des autres prestations d’assurance relève exclusivement de la compétence de l’État d’établissement du bénéficiaire de la pension, et ce indépendamment du lieu où est situé l’organisme versant les prestations (82). Une compétence accordée par la convention contre la double imposition est ainsi susceptible d’écarter en droit interne le lien existant entre la déductibilité des cotisations et l’imposition ultérieure des prestations de retraite.

87.   Depuis l’arrêt Wielockx (83), la Cour a tenu compte de cette circonstance et a précisé que «la cohérence fiscale n’est pas établie au niveau d’une même personne, par une corrélation rigoureuse entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des pensions, mais elle est reportée au niveau de la réciprocité des règles applicables dans les États contractants», en sorte que «ce principe ne saurait être invoqué pour justifier le refus d’une déduction telle que celle en cause» (84).

88.   Il résulte de ce qui précède que le traitement fiscal défavorable des cotisations versées à des organismes de prévoyance vieillesse non résidents ne peut être justifié par des motifs tenant à la nécessité de garantir la cohérence fiscale.

d)      L’efficacité des contrôles fiscaux

89.   L’efficacité des contrôles fiscaux que le gouvernement danois invoque comme justification n’est pas convaincante, car la Cour a rejeté cette justification dans un contexte similaire, notamment dans l’arrêt Danner (85).

90.   À cet égard, il convient de distinguer les contrôles relatifs au respect des conditions de déductibilité des cotisations versées à des opérateurs non-résidents dans le cadre des régimes de prévoyance vieillesse, d’une part, et, d’autre part, les contrôles des prestations versées par de tels opérateurs.

91.   En ce qui concerne le contrôle du respect des conditions de déductibilité des cotisations, la Cour a jugé dans l’arrêt Danner que «rien n’empêche les autorités fiscales concernées d’exiger du contribuable lui-même les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier si les conditions de déductibilité des cotisations prévues par la législation en cause sont réunies et, en conséquence, s’il y a lieu ou non d’accorder la déduction demandée» (86).

92.   En outre, selon la directive 77/799, un État membre pourrait «obtenir, de la part des autorités compétentes d’un autre État membre, toutes les informations susceptibles de lui permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu […] ou toutes les informations qu’il juge nécessaire pour apprécier le montant exact de l’impôt sur le revenu dû par le contribuable en fonction de la législation qu’il applique» (87).

93.   En ce qui concerne l’imposition des prestations versées à des résidents de l’État en cause – en l’espèce le Royaume de Danemark –, la Cour a jugé dans l’arrêt Danner qu’un contrôle effectif d’un État membre était possible avec des mesures moins intrusives que l’exclusion de la déductibilité des dépenses de retraite (88). La Cour a renvoyé à la directive 77/799 ainsi qu’aux éléments justificatifs fournis aux fins de la demande de déduction (89).

94.   Par ailleurs, dans ses conclusions rendues dans cette même affaire, l’avocat général Jacobs avait fait observer qu’un «État membre […] peut s’assurer de ce que les institutions d’assurance établies à l’étranger coopèrent et lui fournissent les renseignements nécessaires sur les prestations qu’elles versent aux résidents» (90). Il a été notamment suggéré de conclure des conventions entre les organismes de prévoyance vieillesse étrangers et les autorités de l’État en cause, notamment en vue de la transmission d’informations relatives à l’exécution du contrat. C’est à juste titre que la Cour n’a pas repris cette suggestion, en raison du fait que sa mise en œuvre pratique est dans bien des cas impossible, ne fût-ce que parce que l’organisme de prévoyance vieillesse peut être tenu au secret professionnel en vertu du droit de l’État membre dans lequel il est établi, ce que par ailleurs le gouvernement danois a justement invoqué.

95.   Par conséquent, il y a lieu de s’en tenir au fait que l’entrave constatée à la libre circulation des services, au droit d’établissement et à la libre circulation des personnes ne peut pas non plus être justifiée par des raisons tenant à l’efficacité des contrôles fiscaux.

VI – Les dépens

96.   Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s‘il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 3, de ce même règlement, la Cour peut notamment répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

97.   En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission succombe partiellement en ses moyens, dans la mesure où elle a conclu à faire constater que le Royaume de Royaume de Danemark a violé l’article 56 CE.

98.   Dans ces circonstances, il nous paraît objectif de condamner le Royaume de Royaume de Danemark à supporter ses propres dépens, ainsi qu’aux trois quarts des dépens de la Commission. Il y aurait lieu de condamner la Commission au quart de ses propres dépens.

VII – Conclusions

99.   À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons qu’il plaise à la Cour:

1)      constater que, en adoptant et en maintenant un régime d’assurance vie et de prévoyance vieillesse prévoyant que le droit de déduire et le droit d’omettre les cotisations [articles 18 et 19 de la loi sur l’imposition de la prévoyance vieillesse (Pensionsbeskatningslov)] ne sont accordés que pour les cotisations versées en vertu des contrats conclus avec des organismes de prévoyance vieillesse établis au Royaume de Danemark, alors qu’aucun allégement fiscal de cette nature n’est accordé pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des organismes de prévoyance vieillesse établis dans d’autres États membres (articles 53 A et 53 B) le Royaume de Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE.

2)      rejeter le recours pour le surplus.

3)      condamner le Royaume de Royaume de Danemark à supporter les trois quarts des dépens de la Commission des Communautés européennes, ainsi que ses propres dépens.

4)      condamner la Commission à supporter un quart de ses propres dépens.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Avis n° 816, du 30 septembre 2003.


3 – Avis n° 816 (précité à la note 2).


4 – Article 6, sous a), de la loi n° 149, du 10 avril 1922, relative à l’impôt sur le revenu et sur la fortune.


5 – Articles 18 et 19 de la PBL.


6 – L’article 2 de la loi relative à l’imposition du rendement de la prévoyance vieillesse, avis n° 666, du 31 juillet 2002, relatif notamment à l’imposition de certains capitaux de prévoyance vieillesse.


7 – Article 20 de la PBL.


8 – Article 25 de la PBL.


9 – Articles 28 et 29 de la PBL.


10 – Article 53 A, paragraphe 3, de la PBL.


11 – Convention du 8 février 1957, article 13.


12 – Convention du 17 novembre 1980, article 18, paragraphe 1.


13 – Convention du 1er juillet 1996, article 18.


14 – Convention du 3 juillet 1972, modifiée par le protocole du 17 mars 1999, article 18, paragraphe 1.


15 – Convention du 23 octobre 1961, modifiée par le protocole du 19 octobre 1970, article 15.


16 – Convention du 23 novembre 1973, article 18.


17 – Article 25, paragraphe 5, de la convention précitée à la note 13.


18 – Convention du 11 novembre 1980, modifiée en dernier lieu par le protocole du 15 octobre 1996, article 28, paragraphe 3.


19 – Article 2, paragraphes 1 à 3, de l’accord additionnel du 29 octobre 2003 à la convention du 23 septembre 1996 entre le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède.


20 – Article 25, paragraphe 4, de la convention précitée à la note 16.


21 – Arrêt du 3 octobre 2002 (C-136/00, Rec. p. I-8147).


22 – Pour une présentation des trois piliers des régimes de prévoyance vieillesse, voir communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social [COM (2001) 214 final (JO C 165, p. 3)], sous le point 2.1.


23 – Arrêt précité au point 25 des présentes conclusions.


24 – Arrêt du 28 janvier 1992 (C-300/90, Rec. p. I-305).


25 – Arrêt du 11 août 1995 (C-80/94, Rec. p. I-2493).


26 – Arrêt du 28 avril 1998 (C-118/96, Rec. p. I-1897).


27 – Arrêt précité à la note 21.


28 – Arrêt du 26 juin 2003 (C-422/01, Rec. p. I-6817).


29 – Communication de la Commission (citée à la note 22).


30 – Le communiqué de presse IP/03/179 mentionne aux côtés du Royaume de Danemark, le Royaume de Belgique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne et la République portugaise. Selon le communiqué de presse IP/03/965, une procédure d’infraction à l’article 226 CE a également été engagée contre le Royaume-Uni, qui a été suivie par la notification d’un avis motivé (communiqué de presse IP/04/873). Selon le communiqué de presse IP/03/1756, un avis motivé a été notifié le 17 décembre 2003 au Royaume de Belgique, à la République portugaise, au Royaume d’Espagne et à la République française. En 2004, des avis motivés ont également été notifiés à la République italienne (communiqué de presse IP/04/1283) et au Royaume de Suède (communiqué de presse IP/04/1500).


31 – Affaire Commission/Belgique (C-522/04, pendante devant la Cour). La Commission a conclu à ce qu’il plaise à la Cour reconnaître que, en soumettant la déductibilité des cotisations patronales d’assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré à la condition, prévue dans l’article 59 du code des impôts sur les revenus (ci-après le «CIR») 1992, que ces cotisations soient versées à une entreprise d’assurances ou à un fonds de prévoyance établi en Belgique et en soumettant la réduction d’impôt pour épargne à long terme, accordée en vertu des articles 145/1 et 145/3 du CIR 1992 pour les cotisations personnelles d’assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré à l’intervention de l’employeur par voie de retenues sur les rémunérations, à la condition que ces cotisations soient versées à l’entreprise d’assurances ou à un fonds de prévoyance établi en Belgique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE et des articles 28, 31, 36 et 40 de l’accord EEE, et des articles 4 et 11, paragraphe 2, de la directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe sur la vie, et modifiant les directives 79/267/CEE et 90/619/CEE (troisième directive assurance vie) (JO L 360, p. 1) – après la refonte des articles 5, paragraphe 1, et 53, paragraphe 2, de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 novembre 2002, concernant l’assurance directe sur la vie (JO L 345, p. 91).


32 – Affaire Commission/Espagne (C-97/05, pendante devant la Cour). La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour: constater que, en ayant adopté et maintenu en vigueur un régime en matière d’assurance vie et de pensions, dans lequel la déduction fiscale (article 48 de la loi 40/1998) s’applique uniquement aux contributions réalisées dans le cadre de contrats souscrits auprès d’organismes établis en Espagne et non à celles réalisées dans le cadre de contrats souscrits auprès d’organismes constitués dans d’autres États membres, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 43 CE, 49 CE et 56 CE et des articles 28, 31, 36 et 40 de l’accord EEE.


33 – À cet égard, le gouvernement danois fait référence à l’arrêt Bachmann (précité au point 25 des présentes conclusions) point 34.


34 – Par souci de simplicité, nous ferons référence ci-dessous uniquement à la «réglementation litigieuse» pour rappeler la différence que fait la réglementation nationale pour des raisons fiscales entre les paiements de cotisations à des organismes d’assurances établis dans d’autres États membres et ceux qui sont faits à des organismes établis au Royaume de Danemark.


35 – Dans l’arrêt Danner (précité à la note 21), point 31, la Cour a précisé: «compte tenu, en effet, de l’importance que revêt, lors de la conclusion d’un contrat d’assurance prévoyance vieillesse, la possibilité d’obtenir des allégements fiscaux à ce titre, de telles règles sont susceptibles de dissuader les intéressés de contracter des assurances prévoyance vieillesse volontaires avec des compagnies établies dans un État membre autre […] et celles-ci d’offrir leurs services sur le marché [en question]». Voir, également, arrêt Safir (précité à la note 26, points 26 à 30).


36 – Directive du Conseil du 10 novembre 1992 portant coordination des dispositions législatives, règlementaires et administratives concernant l’assurance directe sur la vie, et modifiant des directives 79/267/CEE et 90/619/CEE (troisième directive assurance vie) (JO L 360, p. 1).


37 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie (JO L 345, p. 1).


38 – Voir, par exemple Kofler, B., ÖStZ 2003, 404 (406); Lyal, EC Tax Review 2003, p. 68 (74) avec références citées. Voir, également, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Danner (arrêt précité à la note 21, points 36 et suiv.), ainsi que nos conclusions du 10 avril 2003 dans l’affaire Lindman [arrêt du 13 novembre 2003 (C-42/02, Rec. p. I-13519, points 63 et suiv.)].


39 – Voir, notamment, arrêt du 16 janvier 2003, Commission/Italie (C-388/01, Rec. p. I-721, points 19 et suiv.). Voir, également, arrêt du 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland (C-311/97, Rec. p. I-2651, points 32 et suiv.).


40 – Articles 45 CE et 46 CE, lus en combinaison avec l’article 55 CE.


41 – En ce qui concerne cette distinction, voir nos conclusions dans l’affaire Lindman (précitée à la note 38).


42 – Aux motifs que la constitution et le maintien d’une filiale engendrent des coûts, l’avocat général Jacobs justifie sa thèse en ce sens que les assureurs étrangers sont directement discriminés, dans la mesure où ils sont «obligés» d’avoir une filiale dans l’État membre en cause afin de pouvoir offrir des produits fiscalement avantageux.


43 – Arrêts Bachmann (précité au point 25 des présentes conclusions, points 21 et suiv.); Commission/Belgique (précité à la note 24, points 14 et suiv.) ; du 27 juin 1996, Asscher (C-107/94, Rec. p. I-3089, points 49 et suiv.), et Danner (précité à la note 21, points 33 et suiv. et 44 et suiv.).


44 – Voir, également, l’arrêt Bachmann (précité au point 25 des présentes conclusions, point 13): «En effet, la nécessité de résilier le contrat souscrit auprès d’un assureur établi dans un État membre, pour pouvoir bénéficier de la déduction prévue dans un autre État membre, alors que l'intéressé considère que la continuation d’un tel contrat correspond à ses intérêts, constitue, par les démarches et les charges qu'elle entraîne, une entrave à sa liberté de circulation». Cette affirmation semble d’autant plus remarquable qu’elle a été faite à une époque où le marché de l’assurance vie n’était libéralisé que de matière limitée (c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la directive 92/96) (voir, également, à ce sujet arrêt Bachmann, point 16).


45 – Il est vrai que la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité (JO L 178, p. 5), n’est pas directement applicable en l’espèce; toutefois, la jurisprudence de la Cour fait régulièrement référence à son annexe pour délimiter le champ d’application de la libre circulation des capitaux – également selon la nouvelle version des articles 56 CE et suiv. Voir arrêt du 16 mars 1999, Trummer et Mayer (C-222/97, Rec. p. I-1661, point 21).


46 – Voir annexe I, section  X, lettre A, de la directive.


47 – Précité au point 25 des présentes conclusions, point 34.


48 – Arrêt précité à la note 26, point 17. Voir, également, conclusions de l’avocat général Tesauro du 23 septembre 1997 dans cette affaire.


49 – Directive du Conseil, du 19 décembre 1977 (JO L 336, p. 15), son titre a été modifié pour la dernière fois par la directive 2004/106/CE du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO L 359, p. 30).


50 – La Commission renvoie aux arrêts Wielockx (précité à la note 25) et Danner (précité à la note 21).


51 – Arrêt Wielockx (précité à la note 25), point 24.


52 – Voir arrêt Danner (précité à la note 21).


53 – Arrêt du 7 septembre 2004 (C-319/02, Rec. p. I-7477, points 42 à 47).


54 – Arrêt du 11 mars 2004, De Lasteyrie du Saillant (C-9/02, Rec. p. I-2409).


55 – Arrêt Danner (précité à la note 21), point 41.


56 – Points 38 et suiv.


57 – Arrêts du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer (C-250/95, Rec. p. I-2471, point 26); De Lasteyrie du Saillant (précité à la note 54, point 49), ainsi que du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C-446/03, Rec. p. I-10837).


58 – Arrêt précité à la note 57.


59 – Conclusions de l’avocat général Poiares Maduro précitées à la note 58, point 66.


60 – Voir arrêts Bachmann et Commission/Belgique, précités, dans lesquels la Cour a reconnu un tel lien ainsi qu’arrêt Danner, précité à la note 21, dans lequel l’imposition des prestations d’assurance en vertu de la réglementation finlandaise en cause n’avait manifestement aucun lien avec une éventuelle déductibilité des cotisations d’assurance.


61 – Arrêt précité à la note 53.


62 – Voir, par exemple, arrêts du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN (C-307/97, Rec. p. I-6161); du 15 juillet 2004, Lenz (C-315/02, Rec. p. I-7063), et Manninen (précité à la note 53).


63 – Arrêts du 26 octobre 1999, Eurowings Luftverkehr (C-294/97, Rec. p. I-7447); du 12 décembre 2002, Lankhorst-Hohorst (C-324/00, Rec. p. I-11779); du 6 juin 2000, Verkooijen (C-35/98, Rec. p. I-4071), et du 15 juillet 2004, Weidert et Paulus (C-242/03, Rec. p. I-7379).


64 – Selon l’arrêt Futura Participations et Singer (précité à la note 57), l’article 43 CE ne s’oppose pas à ce qu’un État membre subordonne le report des pertes antérieures, demandé par un contribuable qui a eu une succursale sur son territoire sans y avoir établi sa résidence, à la condition que les pertes soient en relation économique avec des revenus réalisés par le contribuable dans cet État, pourvu que les contribuables résidents ne fassent pas l’objet d’un traitement plus favorable. Toutefois, voir également arrêts du 18 septembre 2003, Bosal (C-168/01, Rec. p. I-9409, points 38 et suiv.); du 10 mars 2005, Laboratoires Fournier (C-39/04, Rec. p. I-2057, points 17 et suiv.), ainsi que Marks & Spencer (précité à la note 57). En ce qui concerne le principe de territorialité, voir notamment Lang, European Taxation 2006, p. 54 (points 59 et suiv.).


65 – Précité au point 25 des présentes conclusions.


66 – Précité à la note 24.


67 – Arrêts du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225, point 42), et Manninen (précité à la note 53, point 45). Dans l’arrêt Marks & Spencer (précité à la note 57), la Cour a renoncé à examiner les arguments tenant à la cohérence du régime fiscal en cause. Sur la situation actuelle, voir toutefois les conclusions de l’avocat général Kokott du 30 mars 2006 dans l’affaire N (C-470/04, pendante devant la Cour), points 102 et suiv., qui se fondent sur la cohérence de leur réglementation relative à l’impôt sur les revenus.


68 – Précité à la note 25.


69 – Ibidem, point 25.


70 – Précité à la note 21, point 41.


71 – Voir ci-dessus, points 42 et suiv.


72 – Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les arguments en matière de cohérence se fondent sur une justification matérielle d’une différence de traitement, telle que cela est le cas dans l’affaire Centro di Musicologia Walter Stauffer (C-386/04, pendante devant la Cour, voir nos conclusions du 15 décembre 2005).


73 – Précité, point 23.


74 – Précité, point 16.


75 – Arrêt précité à la note 53, point 47.


76 – Une partie de la doctrine range cela dans l’argumentaire relatif à la cohérence: Knobbe-Keuk, DB 1991, 298, 298 à 300; le même auteur, EC Tax Review 1994, points 74 et 83, Schön, JbFStR 1998/99, points 74 et 76.


77 – Arrêt du 21 novembre 2002 (C-436/00, Rec. p. I-10829, point 59).


78 – Arrêt précité à la note 54, points 65 et 67.


79 – Soit la déductibilité des cotisations versées à des organismes de prévoyance vieillesse établis au Royaume de Danemark et l’imposition des prestations, soit l’imposition des cotisations et l’exemption de prestations.


80 – Voir ci-dessus, au point 61.


81 – Voir, notamment, arrêts du 16 juin 2005, Commission/Italie (C-456/03, Rec. p. I-5335, point 39), et du 7 juillet 2005, Commission/Autriche (C-147/03 Rec. p. I-5969, point 24).


82 – Articles 18 et 21 du modèle de convention de l’OCDE.


83 – Arrêt précité à la note 25, points 24 et 25.


84 – Arrêt Danner (précité à la note 21), point 41.


85 – Ibidem, points 44 et suiv.


86 – Ibidem, point 50.


87 – Ibidem, point 49.


88 – Ibidem, point 51.


89 – Ibidem, point 52.


90 – Ibidem, point 74.