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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 25 juin 2008 (1)

Affaire C-527/06

R. H. H. Renneberg

contre

Staatssecretaris van Financiën

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Législation fiscale – Article 39 CE – Impôts sur le revenu des non-résidents – Détermination de l’assiette – Biens immobiliers situés sur le territoire d’un autre État membre – Revenus négatifs non pris en compte – Répartition de la compétence fiscale»





I –    Introduction

1.        Dans la présente affaire, la Cour est saisie d’une demande de décision préjudicielle portant, en substance, sur la question de savoir si l’article 39 CE et/ou l’article 56 CE s’opposent à ce qu’un État membre refuse à un contribuable non-résident, percevant la totalité (ou la quasi-totalité) de ses revenus professionnels imposables dans ledit État membre, la déduction, sur l’imposition desdits revenus, de pertes de revenus locatifs afférentes à un immeuble situé dans l’État membre de résidence du contribuable, alors que le premier État membre (l’État membre d’emploi) accorde une telle déduction aux contribuables résidents, travaillant sur son territoire.

2.        Ainsi que je le développerai dans les présentes conclusions, il s’agit d’apprécier si les enseignements qui découlent de la jurisprudence Schumacker (2), telle qu’elle a été récemment précisée par l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink (3), ainsi que de l’arrêt Ritter-Coulais (4) sont pleinement applicables dans une affaire telle que celle au principal où est en cause, avant tout, l’application des dispositions d’une convention fiscale de prévention de la double imposition conclue entre les deux États membres concernés.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit conventionnel

3.        L’article 4, paragraphe 1, de la convention tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et à régler certaines autres questions en matière fiscale, signée le 19 octobre 1970 entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas (ci-après la «convention fiscale bilatérale») (5), dispose:

«Au sens de la présente Convention, l’expression ‘résident de l’un des États’ désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l’impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue; […]»

4.        L’article 6, paragraphe 1, de la convention fiscale bilatérale dispose:

«Les revenus provenant de biens immobiliers sont imposables dans l’État où ces biens sont situés.»

5.        L’article 19, paragraphe 1, de la convention fiscale bilatérale, se rapportant à l’impôt du traitement des fonctionnaires, se lit comme suit:

«Les rémunérations, y compris les pensions, versées par l’un des États ou par une de ses subdivisions politiques, soit directement, soit par prélèvement sur des fonds qu’ils ont constitués, à une personne physique au titre des services rendus à cet État ou à cette subdivision politique sont imposables dans ledit État. […]»

6.        Selon l’article 24, paragraphe 1, point 1, de la convention fiscale bilatérale, et dans l’objectif d’éviter la double imposition en ce qui concerne les résidents néerlandais, le Royaume des Pays-Bas peut, lors de l’imposition de ses résidents, inclure dans la base imposable les éléments du revenu ou de la fortune qui, conformément aux dispositions de la convention fiscale bilatérale, sont imposables en Belgique.

7.        L’article 24, paragraphe 1, point 2, de ladite convention prévoit que, sous réserve de l’application des dispositions sur la compensation des pertes figurant dans la réglementation interne tendant à éviter la double imposition, le Royaume des Pays-Bas accorde une réduction sur le montant de l’impôt calculé conformément au point 1. Cette réduction est égale à la fraction de l’impôt correspondant au rapport qui existe entre le montant du revenu ou de la fortune compris dans la base imposable visée au point 1 et imposable en Belgique en vertu, notamment, de l’article 6 de la convention fiscale bilatérale et le montant du revenu total ou de la fortune totale constituant la base imposable visée au point 1.

8.        L’article 25, paragraphe 3, de la convention fiscale bilatérale, intitulé «Non-discrimination», dispose que les «personnes physiques non-résidentes de l’un des États bénéficient dans l’autre État des déductions personnelles, abattements et réductions qui sont accordées par cet autre État à ses propres résidents en raison de leur situation ou de leurs charges de famille».

B –    La réglementation nationale

9.        La loi néerlandaise relative à l’impôt sur les revenus (Nerderlandse wet op de Inkomstenbelasting), du 16 décembre 1964 (ci-après la «WIB») (6), définit, à son article 1er, les contribuables «nationaux» (ci-après les «contribuables résidents») comme étant les personnes physiques résidant aux Pays-Bas par opposition aux contribuables «étrangers» (ci-après les «contribuables non-résidents»), personnes physiques qui, sans résider dans cet État membre, y perçoivent toutefois des revenus.

10.      Les contribuables résidents aux Pays-Bas sont assujettis à l’impôt sur la totalité de leurs revenus et les contribuables non-résidents le sont seulement sur certains de leurs revenus provenant des Pays-Bas.

11.      En ce qui concerne les contribuables résidents, l’assiette imposable est constituée par le revenu brut mondial, diminué des pertes déductibles. Le revenu brut comprend notamment les revenus nets du travail et du patrimoine, parmi lesquels l’avantage consistant pour le contribuable à occuper personnellement une habitation lui appartenant.

12.      En vertu de l’article 42a, paragraphe 1, de la WIB, cet avantage est fixé à un montant forfaitaire sans tenir compte d’autres avantages ni des coûts, charges et amortissements, autres que les intérêts de dettes, coûts d’emprunts financiers et versements périodiques au titre de droits d’emphytéose ou de superficie.

13.      Selon l’article 4, paragraphe 2, de la WIB, si le calcul des revenus nets se solde par un montant négatif, ce montant négatif est déduit du revenu brut imposable.

14.      Il est constant que l’application de l’ensemble de ces dispositions aboutit, pour un contribuable résident, à ce que les intérêts d’une dette contractée pour financer une habitation personnelle sont intégralement portés en déduction du revenu brut et, par conséquent, du revenu imposable, même si les intérêts dépassent l’avantage consistant pour le contribuable à habiter personnellement une habitation lui appartenant.

15.      Comme le constate la juridiction de renvoi, si un résident aux Pays-Bas tire un revenu négatif d’un bien immobilier situé en Belgique, cette composante négative du revenu peut être déduite du reste du revenu (néerlandais) étant entendu que, dans un exercice ultérieur au cours duquel un revenu positif est tiré de ce bien immobilier, la déduction pour éviter la double imposition sera calculée en déduisant cette perte de ce revenu positif (article 24, paragraphe 1, point 2, de la convention fiscale bilatérale, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 4, de l’arrêté de 1989 sur la prévention de la double imposition).

C –    Le régime fiscal d’un contribuable résidant en Belgique qui perçoit des revenus professionnels aux Pays-Bas

16.      Si, en principe, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la WIB, le citoyen néerlandais ne résidant pas aux Pays-Bas, qui est au service d’une personne morale de droit public néerlandaise, est réputé résider aux Pays-Bas, la juridiction de renvoi précise qu’il résulte toutefois de la jurisprudence du Hoge Raad der Nederlanden que, pour les revenus que la convention fiscale bilatérale attribue au Royaume de Belgique, la détermination de la résidence opérée par l’article 2, paragraphe 2, de la WIB doit être écartée au bénéfice des dispositions de ladite convention.

17.      Par conséquent, il résulte des constatations de la juridiction de renvoi que le requérant dans l’affaire au principal, M. Renneberg, est, en vertu de l’article 4 de la convention fiscale bilatérale, à considérer comme une personne résidant en Belgique.

18.      Il s’ensuit que, aux Pays-Bas, M. Renneberg n’est pas considéré comme étant assujetti à l’impôt de manière illimitée et qu’il y est soumis, pour ce qui concerne les revenus que la convention fiscale bilatérale attribue au Royaume de Belgique, au régime applicable aux contribuables non-résidents. Partant, les revenus, négatifs ou positifs, dont l’imposition échoit au Royaume de Belgique en vertu de la convention fiscale bilatérale sont sans incidence sur l’imposition grevant les revenus, positifs ou négatifs, que cette même convention attribue au Royaume des Pays-Bas.

III – Le litige au principal et la question préjudicielle

19.      M. Renneberg, de nationalité néerlandaise, a émigré des Pays-Bas en Belgique en décembre 1993. Pendant les années 1996 et 1997, il a occupé en Belgique une habitation propre qu’il avait acquise en 1993 et financée par un emprunt hypothécaire auprès d’une banque néerlandaise.

20.      Durant ces deux mêmes années, M. Renneberg était employé dans la fonction publique auprès de la commune néerlandaise de Maastricht et a obtenu l’intégralité de ses revenus professionnels aux Pays-Bas.

21.      En Belgique, M. Renneberg était redevable d’un impôt au titre de son habitation propre, à savoir le précompte immobilier.

22.      Aux Pays-Bas, l’inspecteur des impôts a établi les avis d’imposition pour les années 1996 et 1997 pour un revenu imposable, respectivement de 75 265 NLG et de 78 600 NLG, sans admettre comme poste de déduction des autres revenus (néerlandais) les revenus négatifs de son habitation belge, à savoir le solde résultant de la différence entre la valeur locative de l’habitation et les intérêts hypothécaires versés. D’après la déclaration fiscale de M. Renneberg, ces montants (négatifs) s’élevaient à 8 165 NLG en 1996 et à 8 195 NLG en 1997.

23.      L’inspecteur des impôts a maintenu les avis d’imposition contre lesquels M. Renneberg avait introduit une réclamation.

24.      Le Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch ayant rejeté les recours qu’il avait introduits contre ces décisions, M. Renneberg s’est pourvu en cassation contre ces jugements devant le Hoge Raad der Nederlanden.

25.      Le Hoge Raad der Nederlanden relève, d’une part, que M. Renneberg invoque la jurisprudence Schumacker, précitée, et, d’autre part, que l’avantage fiscal en cause dans l’affaire au principal n’est pas fondé sur la situation personnelle et familiale du contribuable.

26.      Il estime que, contrairement à la prise en compte, dans la fiscalité directe, de la situation personnelle et familiale au titre du principe de progressivité, la possibilité d’imputer – à l’intérieur d’un même système fiscal – des revenus négatifs provenant d’une catégorie de revenus déterminée sur des revenus positifs relevant d’une autre catégorie de revenus n’est pas à ce point une caractéristique universelle de la fiscalité directe que le contribuable, qui est assujetti à l’impôt dans différents États membres en raison du fait qu’il a exercé un droit de libre circulation garanti par le traité CE, devrait pouvoir en bénéficier dans un de ces États membres.

27.      C’est dans ces circonstances que, après avoir sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Ritter-Coulais, précitée, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Faut-il interpréter les articles 39 CE et 56 CE en ce sens qu’un de ces articles ou les deux s’opposent à ce qu’un contribuable qui enregistre en définitive des revenus négatifs provenant de l’habitation propre qu’il occupe dans son État de résidence et qui recueille l’intégralité de ses revenus positifs, à savoir des revenus professionnels, dans un autre État membre que celui dans lequel il réside, ne soit pas autorisé par l’autre État membre (l’État d’emploi) à déduire de ses revenus professionnels imposables les revenus négatifs alors que l’État d’emploi accorde cette déduction à ses résidents?»

IV – La procédure devant la Cour

28.      M. Renneberg, les gouvernements néerlandais et suédois ainsi que la Commission des Communautés européennes ont présenté des observations écrites. Le gouvernement néerlandais et la Commission ont également été entendus en leurs plaidoiries à l’audience du 22 mai 2008, les autres parties intéressées ne s’y étant pas fait représenter.

V –    Analyse

A –    Sur l’applicabilité des libertés de circulation

29.      Dans leurs observations écrites, le gouvernement néerlandais et la Commission font valoir, à titre principal, que ni l’article 39 CE ni l’article 56 CE ne seraient applicables dans une situation telle que celle de l’affaire au principal. S’agissant de la libre circulation des travailleurs, ils considèrent, en référence aux arrêts Werner (7) et Turpeinen (8), qu’un ressortissant d’un État membre ne pourrait se prévaloir d’une telle liberté lorsqu’il a travaillé en permanence dans son État d’origine et a seulement transféré son domicile dans un autre État membre. Quant à l’article 56 CE, s’appuyant sur l’arrêt van Hilten-van der Heijden (9), ils estiment que le simple transfert de domicile d’un État membre à un autre ne constitue pas un mouvement de capitaux. La Commission propose néanmoins d’examiner la situation à l’origine du litige au principal au regard de l’article 18 CE, proposition qui a été réitérée à l’audience.

30.      Pour ma part, si je ne suis pas insensible à l’argumentation se rapportant à l’article 56 CE, je ne saurais cependant souscrire à l’interprétation restrictive de l’article 39 CE défendue par le gouvernement néerlandais et la Commission.

31.      À cet égard, cette interprétation paraît erronément confondre la situation d’un ressortissant d’un État membre, salarié dans cet État, qui tenterait de se prévaloir de la libre circulation des travailleurs à l’encontre de ce même État membre lors du transfert initial de son domicile à des fins privées vers un autre État membre et celle d’un ressortissant qui, tout en conservant son activité salariée dans son État membre d’origine, souhaite se prévaloir de la libre circulation des travailleurs à l’encontre de ce dernier après avoir transféré son domicile à des fins privées dans un autre État membre, situation qui le conduit à effectuer des déplacements quotidiens entre ces deux États en tant que travailleur frontalier.

32.      Ce second cas de figure est précisément celui de M. Renneberg. En effet, celui-ci tente d’opposer l’application des dispositions du traité relatives à la liberté de circulation des travailleurs aux prétendus obstacles posés par le régime fiscal du Royaume des Pays-Bas, son État d’emploi, se rapportant à l’imposition des revenus qu’il a perçus dans cet État membre postérieurement au transfert de son domicile en Belgique à des fins privées. Or, une telle situation relève bel et bien de l’article 39 CE.

33.      C’est d’ailleurs à une conclusion identique qu’est parvenue la Cour dans les récents arrêts Hartmann et Hendrix (10). Ainsi, dans le premier arrêt, après avoir rappelé que la situation à l’origine du litige au principal était celle d’une personne qui résidait, depuis le transfert de son domicile, dans un État membre autre que celui dans lequel elle exerçait son activité professionnelle, la Cour a jugé que l’installation de M. Hartmann en Autriche à des fins non professionnelles ne justifiait pas que lui soit déniée la qualité de travailleur migrant qu’il avait acquise à partir du moment où, à la suite du transfert de son domicile en Autriche, il exerçait pleinement son droit à la libre circulation des travailleurs en se rendant en Allemagne pour y exercer son activité professionnelle (11). De même, dans l’arrêt Hendrix, la Cour a considéré que la circonstance que M. Hendrix, de nationalité néerlandaise, avait conservé un emploi dans son État d’origine après le transfert de son domicile en Belgique lui conférait la qualité de travailleur migrant et le faisait entrer, pour la période postérieure au transfert de son domicile, dans le champ d’application des dispositions du droit communautaire concernant la liberté de circulation des travailleurs (12).

34.      La Cour n’a ainsi pas fait sienne l’argumentation, développée par l’administration néerlandaise et le gouvernement du Royaume-Uni dans leurs observations dans l’affaire Hendrix, selon laquelle, en substance, il convenait de transposer, dans le cadre de l’article 39 CE, la solution dégagée dans l’arrêt Werner, précité, prononcé dans le domaine de la liberté d’établissement (13). Pour les raisons qui viennent d’être exposées, j’estime qu’un sort identique doit être réservé aux observations du gouvernement néerlandais et de la Commission portant sur l’inapplicabilité de l’article 39 CE dans la présente affaire. L’arrêt Turpeinen, invoqué par la Commission pour justifier son examen de l’affaire au principal au regard de l’article 18 CE, n’infirme pas cette appréciation. En effet, dans cet arrêt, la Cour a écarté l’applicabilité de l’article 39 CE au profit de l’article 18 CE sur la base de la circonstance que Mme Turpeinen, de nationalité finlandaise, avait fait usage de son droit de séjourner dans un autre État membre qu’après avoir pris sa retraite et donc sans aucune intention d’exercer une activité salariée dans ce dernier État (14) (ni a fortiori dans son État d’origine dont elle percevait sa pension de retraite). Cette situation se distingue donc parfaitement de celle dont la Cour est présentement saisie.

35.      Je considère donc que rien ne fait obstacle à ce que la situation du litige au principal soit appréciée à l’aune de l’article 39 CE (15).

36.      Dans ces conditions, il convient d’interpréter en priorité l’article 39 CE, l’examen de l’applicabilité de l’article 56 CE ne revêtant d’utilité que si la réglementation fiscale en cause dans l’affaire au principal s’avère être compatible avec l’article 39 CE, ce qui, ainsi qu’il sera exposé ci-après, ne me paraît pas être le cas.

B –    Sur l’existence d’une discrimination indirecte prohibée par l’article 39 CE

37.      Comme je l’ai déjà esquissé dans mes propos introductifs, la problématique qu’il incombe à la Cour de résoudre ici se résume, à mon sens, à déterminer si la jurisprudence Schumacker précitée, telle qu’elle a été ultérieurement précisée par l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, ainsi que la solution retenue dans l’arrêt Ritter-Coulais, précité, peuvent être valablement transposées dans une situation telle que celle du litige au principal.

38.      En consacrant le principe de la libre circulation des travailleurs, l’article 39 CE interdit toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres (16). Cette interdiction comprend ainsi tant les discriminations directes ou ostensibles fondées sur la nationalité que celles qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (17).

39.      Dans la présente affaire, le régime fiscal néerlandais s’applique indépendamment de la nationalité du contribuable concerné. En revanche, ainsi que cela ressort de la décision de renvoi, ce régime accorde aux contribuables qui résident et travaillent aux Pays-Bas le droit de voir les pertes de revenus locatifs afférentes à un immeuble situé dans un autre État membre prises en compte dans l’établissement de l’imposition de leurs revenus professionnels perçus aux Pays-Bas, à l’exclusion des contribuables non-résidents travaillant aux Pays-Bas et subissant des pertes similaires.

40.      Si la Cour a considéré que des avantages fiscaux réservés aux seuls résidents d’un État membre sont susceptibles de constituer une discrimination indirecte selon la nationalité, encore faut-il que la situation des résidents et celle des non-résidents soient comparables (18).

41.      Or, en principe, le revenu perçu sur le territoire d’un État membre par un non-résident ne constitue le plus souvent qu’une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence. De plus, le droit fiscal international et le droit communautaire admettent que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l’ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s’apprécier le plus aisément au lieu où celui-ci a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général au lieu où la personne concernée a sa résidence (19). Il s’ensuit que, en règle générale, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident d’avantages fiscaux que cet État accorde aux résidents n’est pas discriminatoire puisque ces deux catégories de contribuables ne se trouvent pas dans une situation comparable (20).

42.      Toutefois, selon une jurisprudence constante initiée par l’arrêt Schumacker, précité, la Cour a jugé qu’il en allait différemment dans le cas où le non-résident ne perçoit pas de revenu significatif dans l’État de sa résidence et tire l’essentiel de ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’État d’emploi, de sorte que l’État de résidence n’est pas en mesure de lui accorder les avantages résultant de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale (21). En effet, s’agissant d’un non-résident qui perçoit, dans un État membre autre que celui de sa résidence, l’essentiel de ses revenus et la quasi-totalité de ses revenus familiaux, la discrimination consiste en ce que la situation personnelle et familiale de ce non-résident n’est prise en compte ni dans l’État de résidence ni dans l’État d’emploi (22).

43.      L’arrêt Ritter-Coulais, précité, d’une part, et l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, d’autre part, ont marqué une évolution dans la jurisprudence postérieure à l’arrêt Schumacker, précité, quant aux obligations qui incombent à l’État membre d’emploi de non-résidents qui y perçoivent la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus professionnels imposables.

44.      Dans l’arrêt Ritter-Coulais, précité, la Cour était interrogée sur les questions de savoir si les libertés de circulation consacrées par le traité exigeaient que des personnes physiques, percevant des revenus d’un État membre (Allemagne) au titre d’un travail salarié et y étant imposables de manière illimitée, puissent bénéficier du droit de demander, aux fins tant de la détermination de la base imposable que du taux d’imposition desdits revenus et en l’absence de revenus positifs, la prise en compte des pertes de revenus locatifs afférentes à une maison d’habitation qu’ils utilisaient personnellement à cette fin et qui était située dans un autre État membre (France), à l’instar des contribuables résidents en Allemagne.

45.      Il convient de faire observer que la Cour n’a pas répondu à la première question posée par la juridiction de renvoi concernant la prise en compte des pertes de revenus locatifs pour la détermination de l’assiette de l’impôt, en raison du caractère hypothétique de cette question pour la solution du litige dans l’affaire portée devant le juge national (23). Cette question est à nouveau directement soulevée dans la présente affaire, dans un contexte qui, toutefois, ainsi que je l’exposerai plus loin, diffère à quelques égards de celui de l’affaire Ritter-Coulais.

46.      Quant à sa réponse à la seconde question relative au calcul du taux de l’impôt des revenus professionnels des non-résidents dans l’État membre d’emploi, la Cour a jugé que l’article 48 du traité s’opposait à ce que cet État membre traite différemment les pertes de revenus locatifs afférentes à des immeubles situés en dehors du territoire allemand et dont les propriétaires étaient le plus souvent des non-résidents, tels que les époux Ritter-Coulais, et celles afférentes à des immeubles situés en Allemagne, en subordonnant exclusivement la prise en compte des premières, pour le calcul du taux de l’impôt, à l’existence de revenus positifs de même nature (24).

47.      Il est intéressant d’observer que, bien que la situation à l’origine du litige qui opposait les époux Ritter-Coulais à l’administration fiscale allemande concernait assurément des travailleurs qui résidaient dans un État membre, mais qui percevaient la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus dans un autre État membre, l’arrêt Ritter-Coulais ne se réfère aucunement à l’arrêt Schumacker, contrairement au raisonnement suivi par l’avocat général Léger dans ses conclusions qui était essentiellement fondé sur les enseignements à tirer de cet arrêt (25).

48.      Cette omission, assurément volontaire, pourrait s’expliquer par la circonstance que les avantages fiscaux en cause dans cette affaire correspondaient non pas à ceux afférents à la prise en compte de la situation personnelle et familiale des contribuables non-résidents concernés, au sens de la jurisprudence Schumacker, précitée, mais, plus largement, à la prise en considération de leur capacité contributive, incluant donc l’ensemble de leurs revenus, par l’État membre d’emploi (26). Il a peut-être dès lors paru malaisé à la Cour de rattacher la situation de l’affaire Ritter-Coulais à la ligne jurisprudentielle initiée par l’arrêt Schumacker.

49.      Une explication supplémentaire à l’omission de toute référence à la jurisprudence Schumacker, précitée, dans l’arrêt Ritter-Coulais, précité, peut également résider dans le fait que la réglementation allemande en cause dans cette affaire n’établissait pas directement une différence de traitement entre résidents et non-résidents, mais excluait la prise en considération, aux fins de la détermination du taux d’imposition des revenus des assujettis, des revenus locatifs négatifs provenant d’immeubles situés en France en l’absence de revenus positifs. Cette circonstance a entraîné la Cour à considérer que, dans la mesure où les propriétaires d’immeubles situés en dehors du territoire allemand, qu’ils occupaient personnellement, étaient le plus souvent des non-résidents, la réglementation allemande en cause leur réservait un traitement moins avantageux que celui dont bénéficiaient les travailleurs résidant en Allemagne dans leur propre maison (27).

50.      La Cour paraît cependant avoir franchi un pas supplémentaire dans l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, dans une situation proche de celle ayant donné lieu à l’arrêt Ritter-Coulais, précité, en étendant la jurisprudence Schumacker, précitée, pour sa partie relative aux obligations qui incombent à l’État membre d’emploi de non-résidents percevant la quasi-totalité de leurs revenus dans cet État, à la situation des époux Lakebrink.

51.      Il convient de rappeler que les époux Lakebrink, travaillant au Luxembourg tout en résidant en Allemagne, n’avaient pas, à la différence des personnes travaillant et résidant au Luxembourg, le droit, selon la législation luxembourgeoise, de demander la prise en compte des pertes de revenus locatifs liés à leurs biens immobiliers situés en Allemagne (qu’ils n’occupaient pas personnellement) pour la détermination du taux d’imposition de leurs revenus perçus au Luxembourg, lesquels constituaient l’essentiel de leurs ressources imposables.

52.      En se fondant sur la jurisprudence Schumacker, précitée, la Cour a considéré, d’une part, qu’il existait une discrimination, au sens de ladite jurisprudence, des travailleurs non-résidents, tels que les époux Lakebrink, qui ne perçoivent aucun revenu dans leur État de résidence et tirent la totalité de leurs revenus familiaux d’une activité exercée dans l’État d’emploi (28). D’autre part, au point 34 de l’arrêt, la Cour a explicité la ratio sur laquelle se fonde la discrimination constatée dans l’arrêt Schumacker, en précisant qu’elle porte sur tous lesavantages fiscaux liés à la capacité contributive du non-résident qui ne sont pris en compte ni dans l’État de résidence ni dans l’État d’emploi et en adoptant le raisonnement que j’avais exposé au point 36 de mes conclusions dans cette affaire ainsi qu’en renvoyant à l’analyse développée par l’avocat général Léger aux points 97 et 99 de ses conclusions présentées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ritter-Coulais, précité (29). La Cour a également ajouté, au même point de l’arrêt, qu’une telle capacité contributive pouvait d’ailleurs être qualifiée comme faisant partie de la situation personnelle du non-résident au sens de la jurisprudence Schumacker. Elle en a donc déduit que le refus de l’administration fiscale d’un État membre, en l’occurrence le Grand-Duché de Luxembourg, de prendre en considération des revenus locatifs négatifs relatifs à des biens immobiliers d’un contribuable situés à l’étranger constituait une discrimination prohibée par l’article 39 CE (30).

53.      Dans l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, la Cour paraît donc mettre à la charge de l’État membre d’emploi de contribuables non-résidents, qui perçoivent l’essentiel de leurs revenus professionnels dans cet État membre, la prise en considération, aux fins de la détermination du taux d’imposition desdits revenus, de la capacité contributive desdits contribuables – y compris, partant, des pertes locatives qu’ont subies ces contribuables afférentes à un immeuble situé dans l’État membre de leur résidence – à la condition que ce dernier État membre ne tienne pas compte de ladite capacité contributive.

54.      L’indication, exposée au point 34 in fine de l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, selon laquelle la capacité contributive du non-résident fait d’ailleurs partie de la situation personnelle de celui-ci au sens de la jurisprudence Schumacker, précitée, revêt, me semble-t-il, le caractère d’un obiter dictum. Cette précision me paraît aussi quelque peu hasardeuse pour deux motifs essentiels.

55.      D’une part, elle semble assimiler la capacité contributive et la situation personnelle du non-résident alors que, selon la jurisprudence Schumacker, la capacité contributive découle, simplement pour partie, de la prise en compte de la situation personnelle du contribuable.

56.      D’autre part, et de manière corollaire, alors que la prise en compte d’éléments se rapportant à la situation personnelle et familiale d’un contribuable conduit nécessairement à diminuer l’impôt sur le revenu qu’il doit acquitter, la prise en compte de la capacité contributive du contribuable, incluant donc l’ensemble de ses revenus, est susceptible d’entraîner l’augmentation de l’impôt dû. Tel pourrait être par exemple le cas dans la situation où l’État membre d’emploi de contribuables non-résidents y percevant l’essentiel de leurs revenus professionnels exigerait desdits contribuables, à l’instar des contribuables résidents, qu’ils incluent tous les revenus positifs de source étrangère aux fins de la détermination de l’assiette et/ou du taux d’imposition tout en leur permettant d’y inclure également, le cas échéant, tous leurs revenus négatifs de même source. Dans le cas de figure où un tel contribuable non-résident percevrait uniquement des revenus positifs de source étrangère, la prise en compte de sa capacité contributive par l’État membre de son emploi ne réduira pas, in fine, l’impôt sur les revenus qu’il doit acquitter, à l’instar de l’application d’une règle identique à l’égard du contribuable résident.

57.      Dès lors, bien que je souscrive à l’appréciation qui résulte de l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, selon laquelle, dès lors que la situation d’un résident et d’un non-résident sont objectivement comparables du point de vue de l’État membre de leur emploi, la capacité contributive du contribuable non-résident doit être prise en considération par cet État membre de manière analogue à celle du contribuable résident, je suis toutefois réservé quant à l’assimilation qui ressort de cet arrêt entre ladite capacité contributive et la situation personnelle du contribuable, au sens de la jurisprudence Schumacker, précitée, sans davantage de précision.

58.      Cela dit, indépendamment de la question de leur rattachement à la jurisprudence Schumacker, précitée, les solutions dégagées par la Cour dans les arrêts précités Ritter-Coulais et Lakebrink et Peters-Lakebrink aboutissent, selon moi, à des résultats similaires. Cette jurisprudence exige ainsi que l’État membre d’emploi accorde le droit aux non-résidents percevant la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus dans cet État membre de demander, aux fins de la détermination du taux d’imposition applicable auxdits revenus, la prise en compte de leurs revenus locatifs négatifs afférents à des immeubles situés dans l’État membre de résidence, que ces derniers soient occupés personnellement (cas des époux Ritter-Coulais) ou non (cas des époux Lakebrink) et dans la mesure où des avantages fiscaux similaires ne peuvent être accordés par ce dernier État membre (31).

59.      Le fait que, contrairement à la réglementation allemande en cause dans l’affaire Ritter-Coulais, la législation luxembourgeoise écartait la prise en compte, aux fins de la détermination du taux d’imposition, tant des pertes que des bénéfices locatifs afférents aux immeubles situés à l’étranger dont étaient propriétaires des non-résidents travaillant au Luxembourg n’a pas constitué un élément empêchant la constatation de l’incompatibilité d’une telle législation avec l’article 39 CE, en l’absence de l’invocation formelle de la part des gouvernements ayant déposé des observations dans l’affaire Lakebrink et Peters-Lakebrink, précitée, d’éventuelles causes de justification, telle que la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal, de la différence de traitement mise en évidence par la Cour (32). À cet égard, la qualification de la mesure nationale en cause dans l’affaire Lakebrink et Peters-Lakebrink comme constituant une discrimination indirecte en raison de la nationalité, contrairement à la qualification retenue dans l’affaire Ritter-Coulais, précitée, de mesure désavantageant les non-résidents, semble reposer sur la circonstance que la législation luxembourgeoise, au contraire de la législation allemande en cause dans l’affaire Ritter-Coulais, établissait une différence de traitement reposant directement sur l’existence ou non d’une résidence sur le territoire luxembourgeois.

60.      Il importe aussi de faire observer que les refus auxquels les contribuables se heurtaient respectivement dans les affaires précitées Ritter-Coulais et Lakebrink et Peters-Lakebrink résultaient exclusivement de l’application des réglementations fiscales nationales concernées et ne trouvaient donc pas leur origine dans les dispositions des conventions fiscales bilatérales conclues entre la République fédérale d’Allemagne et la République française, d’une part, et le Grand-Duché de Luxembourg et la République fédérale d’Allemagne, d’autre part (33).

61.      L’affaire dont est présentement saisie la Cour se rapproche à plusieurs égards des affaires ayant donné lieu aux deux arrêts qui viennent d’être examinés. Elle concerne, en effet, la situation d’un non-résident qui, dans l’exercice de son droit à la libre circulation des travailleurs, souhaite obtenir de l’État membre dans lequel il perçoit l’essentiel de ses revenus professionnels imposables et à l’instar des résidents dudit État membre, la prise en compte des revenus locatifs négatifs afférents à un immeuble qu’il occupe dans l’État membre de sa résidence. À l’exception du fait que M. Renneberg occupe personnellement l’immeuble sis en Belgique, elle paraît davantage être assimilable à l’affaire Lakebrink et Peters-Lakebrink, précitée, du fait que, à l’instar de la législation luxembourgeoise en cause dans cette dernière affaire, le refus du Royaume des Pays-Bas, en tant qu’État membre d’emploi d’un contribuable, de prendre fiscalement en compte les pertes locatives subies par celui-ci, afférentes à un immeuble sis dans l’État membre de sa résidence, repose directement sur l’absence d’une résidence aux Pays-Bas du contribuable concerné, ainsi qu’il sera davantage précisé plus loin dans les présentes conclusions.

62.      La présente affaire se distingue cependant tant de l’affaire Ritter-Coulais que de l’affaire Lakebrink et Peters-Lakebrink, précitées, par deux aspects saillants et intrinsèquement liés.

63.      D’une part, contrairement aux litiges à l’origine des deux affaires précitées, le refus opposé à M. Renneberg par l’administration fiscale néerlandaise paraît découler non pas exclusivement de la législation interne néerlandaise, mais des dispositions de la convention fiscale bilatéral, et plus particulièrement de la manière dont cette convention a réparti les compétences entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas.

64.      D’autre part, M. Renneberg demande la prise en compte des pertes de revenus locatifs afférentes à son immeuble sis en Belgique aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu qu’il acquitte aux Pays-Bas et non, comme c’était le cas dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Ritter-Coulais et Lakebrink et Peters-Lakebrink, aux fins du calcul du taux dudit impôt acquitté dans l’État membre d’emploi.

65.      Le premier de ces deux aspects entraîne les gouvernements néerlandais et suédois à considérer qu’il existe une différence objective de situation entre un contribuable non-résident aux Pays-Bas, tel que M. Renneberg, et celle d’un contribuable qui réside aux Pays-Bas de sorte à exclure l’éventualité même d’une discrimination indirecte prohibée par l’article 39 CE.

66.      À cet égard, et ainsi que les gouvernements néerlandais et suédois le concèdent d’ailleurs, il ne fait, à mon sens, aucun doute qu’il existe une différence de traitement entre la situation d’un contribuable tel que M. Renneberg et celle d’un contribuable, résidant et exerçant une activité salariée aux Pays-Bas, qui perçoit des revenus locatifs négatifs provenant d’un immeuble sis en Belgique. En effet, et ainsi que cela a été confirmé par le gouvernement néerlandais en réponse aux questions écrites de la Cour ainsi qu’à l’audience, un contribuable tel que M. Renneberg ne peut inclure dans le calcul de l’impôt sur les revenus professionnels qu’il acquitte aux Pays-Bas, les pertes locatives se rapportant à un immeuble situé en Belgique, contrairement au contribuable qui réside et travaille aux Pays-Bas et qui, subissant des pertes locatives afférentes soit à un immeuble situé aux Pays-Bas qu’il occupe personnellement soit à un immeuble situé en Belgique qu’il n’occupe pas personnellement, de manière permanente, pourrait faire valoir ces pertes au titre de l’impôt sur le revenu acquitté aux Pays-Bas.

67.      Les gouvernements néerlandais et suédois prétendent toutefois qu’une telle différence de traitement fiscal, du fait qu’elle résulterait de la répartition du pouvoir d’imposition prévue par la convention fiscale bilatérale conclue entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, se rapporte à des situations qui ne sont pas objectivement comparables, de sorte que toute discrimination serait à exclure.

68.      En revanche, la Commission considère, en substance, que, du point de vue de l’État membre d’emploi, les situations d’un résident et d’un non-résident qui perçoivent la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus imposables dans ce même État sont comparables. Selon elle, cette mesure établit une différence de traitement entre ces deux catégories de contribuables en fonction du seul lieu de résidence.

69.      Ainsi que les deux points précédents le mettent en exergue, le débat théorique – quoique non dépourvu de conséquences pratiques –, sous-jacent aux observations des gouvernements intervenants et de la Commission, porte avant tout sur la question de savoir si, aux fins de l’examen de la comparabilité objective des situations, doivent être prises en compte les normes à l’origine de la différence de traitement en cause ou si, à ces mêmes fins, seule la prise en compte d’une similarité factuelle (à savoir, la comparaison du résident et du non-résident percevant l’essentiel ou la totalité de leurs revenus imposables dans l’État membre d’emploi) est suffisante.

70.      La position défendue par la Commission me semble correspondre davantage à la logique développée par la jurisprudence de la Cour. En effet, une discrimination consistant dans l’application de règles différentes à des situations comparables (34), il paraît à tout le moins malaisé, aux fins de l’examen de la comparabilitéobjective des situations, d’utiliser comme critère d’appréciation les règles nationales et/ou conventionnelles à l’origine de la différence de traitement dont la Cour est précisément appelée à vérifier l’éventuel caractère discriminatoire. En d’autres termes, je perçois mal comment pourrait être accepté l’argument circulaire, pourtant défendu par les gouvernements intervenants, selon lequel des situations ne seraient pas objectivement comparables au motif qu’un État membre les traite différemment.

71.      Corrélativement, il ressort de la jurisprudence Schumacker, précitée, et de l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, que la Cour assimile la situation du résident et celle du non-résident lorsque ce dernier ne perçoit pas de revenu significatif dans son État de résidence et tire l’essentiel de ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’État membre d’emploi aux fins de la prise en compte par ce dernier État membre de la capacité contributive de ce contribuable, sans égard, à ce stade du raisonnement, à l’origine de la différence de traitement.

72.      Telle doit aussi être, à mon sens, l’approche qui mérite d’être suivie dans la présente affaire et paraît, au demeurant, celle sur la base de laquelle se fonde la juridiction de renvoi.

73.      Dans la mesure où, comme cela ressort de la décision de renvoi, il est constant que M. Renneberg, résident en Belgique, tire l’intégralité de ses revenus imposables d’une activité salariée aux Pays-Bas, sans obtenir de revenu significatif dans son État de résidence, il se trouve dès lors dans une situation objectivement comparable, par rapport à l’État membre de son emploi, à celle d’un résident néerlandais exerçant également une activité salariée dans cet État membre, aux fins de la prise en compte de sa capacité contributive (35).

74.      Cette approche ne me paraît pas remettre en cause la liberté des parties contractantes à la convention fiscale bilatérale de fixer les facteurs de rattachement aux fins de la répartition de la compétence fiscale, telle que cette liberté est reconnue par la jurisprudence de la Cour (36).

75.      À cet égard, il importe de préciser que le gouvernement néerlandais fonde le refus d’accorder la prise en compte des pertes de revenus immobiliers subies par M. Renneberg en Belgique sur la circonstance que, au titre de l’article 6 de la convention fiscale bilatérale, il revient exclusivement au Royaume de Belgique d’imposer les revenus provenant d’un bien immobilier situé sur le territoire de cet État membre, alors que, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, de ladite convention, les traitements de M. Renneberg sont imposés au Royaume des Pays-Bas.

76.      J’admets volontiers que, en adoptant les articles 6 et 19, paragraphe 1, de la convention fiscale bilatérale, les parties contractantes ont fait usage de la liberté de fixer les facteurs de rattachement de leur choix, aux fins de la répartition de leurs compétences fiscales respectives (37).

77.      Cependant, je ne pense pas que cette circonstance soit décisive dans l’affaire en cause au principal.

78.      En effet, et dans l’hypothèse où la Cour estimerait que la prise en compte de la capacité contributive d’un non-résident tel que M. Renneberg devrait être assimilée à la prise en compte de sa situation personnelle, à l’instar de l’indication exposée au point 34 in fine de l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, il convient de faire observer que, en vertu de l’article 25, paragraphe 3, de la convention fiscale bilatérale, le Royaume des Pays-Bas est tenu d’accorder aux contribuables non-résidents les déductions personnelles, abattements et réductions qu’il accorde à ses propres résidents en raison de leur situation (personnelle) ou de leurs charges de famille. Or, à mon sens, et ainsi que le gouvernement néerlandais l’a admis à l’audience, une telle disposition, qui concerne le traitement non discriminatoire des résidents de l’autre partie contractante, ne saurait être rattachée à la répartition des compétences fiscales entre lesdites parties contractantes, quand bien même elle ferait partie intégrante de l’économie de la convention fiscale bilatérale (38). Partant, le fait que la convention fiscale bilatérale n’étend pas le respect du principe de non-discrimination dans la situation d’un contribuable non-résident, telle que celle de M. Renneberg, qui relève indubitablement du champ d’application personnel de cette convention, ne saurait, en soi, faire obstacle au respect de ce principe, tel qu’il découle du droit communautaire.

79.      Pour le cas où, aux fins de la solution à donner à la présente affaire, la Cour ne veuille pas suivre l’assimilation réalisée par l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, entre la capacité contributive et la situation personnelle du contribuable non-résident, je considère qu’elle devrait tout de même arriver à un résultat identique à celui exposé au point précédent, à la lumière notamment de sa jurisprudence selon laquelle le respect des droits découlant de l’application des libertés de circulation du droit communautaire ne saurait dépendre du contenu d’une convention fiscale bilatérale (39).

80.      À cet égard, il convient de faire observer que, dans la présente affaire, l’usage par les parties contractantes de leur liberté de fixer les facteurs de rattachement aux fins de la répartition de la compétence fiscale ne signifie pas pour autant que le Royaume des Pays-Bas est automatiquement privé de toute compétence pour prendre en compte, aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu d’un contribuable non-résident qui perçoit l’essentiel ou la totalité de ses revenus imposables aux Pays-Bas, les pertes de revenus immobiliers afférents à un immeuble situé en Belgique.

81.      En effet, il y a lieu à tout le moins de constater que, s’agissant des résidents néerlandais, le seul fait que ces derniers perçoivent des revenus, positifs ou négatifs, d’un immeuble situé en Belgique pour lesquels cet État exerce sa compétence fiscale ne fait pas obstacle à ce que le Royaume des Pays-Bas, en vertu de l’article 24, paragraphe 1, point 1, de la convention fiscale bilatérale, inclue de tels revenus immobiliers dans la base imposable de l’impôt sur les revenus professionnels devant être acquitté par les contribuables qui résident aux Pays-Bas, aux fins de la prévention de la double imposition. Cette circonstance, mise en exergue par la juridiction de renvoi, a d’ailleurs été confirmée par le gouvernement néerlandais dans ses réponses aux questions écrites posées par la Cour. Plus précisément, ce gouvernement a indiqué que, s’agissant des pertes de revenus locatifs encourues sur l’immeuble situé en Belgique, celles-ci sont prises en compte dans la détermination du revenu imposable et sont reportées sur les exercices suivants dans l’hypothèse d’un revenu brut étranger positif, conformément à la réglementation néerlandaise. Quant aux revenus immobiliers positifs inclus dans l’assiette de l’impôt devant être acquitté aux Pays-Bas, ces derniers accordent une réduction équivalente du montant de l’impôt, conformément aux modalités prévues à l’article 24, paragraphe 1, point 2, de la convention fiscale bilatérale, dans le but d’éviter la double imposition.

82.      Dans ces conditions, il ne me semble pas correct d’alléguer, comme tente de le faire le gouvernement néerlandais, que le refus opposé à M. Renneberg par les autorités fiscales néerlandaises prend sa source dans le choix effectué par les parties contractantes d’attribuer la compétence de taxer les revenus immobiliers des contribuables, relevant du champ d’application de la convention fiscale bilatérale, à l’État sur le territoire duquel est situé l’immeuble. Au contraire, ce refus découle en réalité de l’existence ou non d’une résidence aux Pays-Bas desdits contribuables.

83.      Or, si un résident et un non-résident ne se trouvent pas, en règle générale, dans des situations objectivement comparables, en revanche, comme je l’ai déjà indiqué et ainsi que le soutient la Commission, tel n’est pas le cas de la situation d’un contribuable non-résident qui perçoit la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus professionnels imposables dans l’État membre d’emploi par rapport à celle d’un contribuable qui réside et qui exerce une activité salariée similaire dans ledit État membre.

84.      Le fait que cette différence de traitement résulte de l’absence de prise en compte dans la convention fiscale bilatérale de la situation particulière des contribuables non-résidents, qui perçoivent la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus dans l’État membre d’emploi, ne paraît pas faire obstacle, en soi, à l’application des droits découlant de la liberté de circulation des travailleurs, dans la mesure où, comme je l’ai déjà fait observer, leur respect ne saurait être subordonné au contenu d’une telle convention (40). En définitive, l’extension, par le Royaume des Pays-Bas, du traitement réservé aux contribuables résidents à la situation d’un contribuable non-résident, tel que M. Renneberg, ne compromet en rien les droits du Royaume de Belgique au titre de la convention fiscale bilatérale et ne lui impose aucune nouvelle obligation (41).

85.      En outre, la circonstance que le refus opposé par les autorités fiscales néerlandaises à M. Renneberg se rapporte à la détermination de l’assiette de l’impôt devant être acquitté aux Pays-Bas ne me paraît pas non plus décisive, puisque, comme je viens de le faire observer à propos de la situation des résidents néerlandais, au titre de l’application de l’article 24, paragraphe 1, de la convention fiscale bilatérale, la prise en compte des pertes de revenus locatifs afférentes à un immeuble situé en Belgique dont est propriétaire un résident néerlandais, aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu payé aux Pays-Bas, ne prive pas le Royaume de Belgique de son pouvoir de taxer les revenus se rapportant à un tel immeuble.

86.      Je ne perçois donc pas la raison pour laquelle la prise en compte, aux mêmes fins, des mêmes pertes subies par un contribuable non-résident aux Pays-Bas, mais qui perçoit la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus imposables dans cet État membre, emporterait une conséquence opposée.

87.      Toujours à ce propos, il importe également de faire observer, que, en renvoyant aux points 97 à 99 des conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Ritter-Coulais, précitée, consacrés à la prise en compte des pertes de revenus locatifs par l’État membre d’emploi des époux Ritter-Coulais, aux fins tant de la détermination du revenu imposable que du taux d’imposition, le point 34 de l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité, formulé, au demeurant, en termes généraux, semble exclure la distinction suggérée par le gouvernement néerlandais dans la présente affaire entre la prise en compte des pertes de revenus locatifs d’un non-résident, se trouvant dans une situation comparable à celle de M. Renneberg, aux fins de la détermination de l’assiette imposable, d’une part, et celle aux fins de la détermination du taux de l’impôt sur les revenus devant être acquitté dans cet État membre, d’autre part.

88.      De plus, dans l’arrêt Deutsche Shell – sur lequel je reviendrai plus en détail ultérieurement – je relève que la Cour s’est opposée à ce qu’un État membre exclue la prise en compte de pertes de change supportées par un établissement stable situé dans un autre État membre de la base d’imposition de l’établissement principal situé dans le premier État membre, lesquelles, de fait, ne pouvaient pas être subies par l’établissement stable, malgré l’existence d’une convention préventive de la double imposition répartissant les compétences respectives des parties contractantes quant à l’imposition des revenus attribuables à des établissements stables (42).

89.      J’ajoute que la différence de traitement en cause dans la présente affaire ne provient pas, contrairement à ce qu’allèguent également les gouvernements néerlandais et suédois, de la simple existence de disparités entre les différentes législations fiscales nationales. En effet, quand bien même le Royaume de Belgique autoriserait la prise en compte des pertes en cause dans l’affaire au principal aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu de ses résidents, un contribuable dans la situation de M. Renneberg, qui perçoit la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus aux Pays-Bas, serait insusceptible, en tout état de cause, de tirer profit d’un tel avantage. Cette possibilité paraît d’ailleurs exclue en Belgique si l’on en croit les observations formulées par le gouvernement néerlandais à cet égard. En outre, alors qu’il ne ressort pas de la décision de renvoi − et qu’il est au demeurant peu probable − que le Royaume de Belgique accorderait à ses contribuables résidents le report de pertes de revenus locatifs, subies durant un ou plusieurs exercices fiscaux, lors d’exercices postérieurs donnant lieu à des revenus positifs de même nature, l’existence éventuelle d’une telle possibilité ne semble d’ailleurs pas déterminante dans la jurisprudence de la Cour, laquelle limite régulièrement son raisonnement aux exercices fiscaux en cause dans les affaires dont elle est saisie et durant lesquels les pertes ont été encourues (43).

90.      En tout état de cause, l’argument développé succinctement à l’audience par le gouvernement néerlandais dans ce contexte et tiré, en substance, du risque d’une double prise en compte des pertes encourues sur l’immeuble situé en Belgique, ne me convainc pas. En premier lieu, pour la raison que la réalisation même tel d’un risque est déjà évitée dans le cadre de l’application de l’article 24 de la convention fiscale bilatérale pour ce qui concerne des situations comparables à celle de M. Renneberg. En second lieu, au motif que la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (44), peut, dans l’hypothèse où une partie des opérations d’un contribuable serait effectuée sur le territoire d’un État membre autre que celui où il exerce son activité salariée, être invoquée par un État membre afin d’obtenir, de la part des autorités compétentes d’un autre État membre, toutes les informations susceptibles de lui permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu ou toutes les informations qu’il juge nécessaires pour apprécier le montant exact de l’impôt sur le revenu dû par un redevable en fonction de la législation qu’il applique (45).

91.      Au final, je considère que, dans la présente affaire, la différence de traitement fondée sur la résidence présente un caractère discriminatoire puisque, alors que les pertes de revenus immobiliers afférentes à un immeuble situé en Belgique sont toujours prises en considération dans l’établissement de l’assiette de l’imposition des revenus professionnels des contribuables résidents néerlandais travaillant aux Pays-Bas, elle ne le sont jamais dans la situation d’un contribuable non-résident tirant la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus imposables d’une activité salariée dans ce même État membre.

92.      Une telle différence de traitement est, en principe, contraire à l’article 39 CE, à moins qu’elle soit propre à garantir la réalisation d’un objectif d’intérêt général compatible avec le traité et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (46).

93.      Or, à ce propos, il convient de faire observer que ni la juridiction de renvoi ni les gouvernements intervenants n’évoquent ou, a fortiori, n’invoquent une justification éventuelle de la discrimination indirecte qui vient d’être constatée, ce qui devrait conduire la Cour à exclure l’examen de celle-ci dans la présente affaire.

94.      Je suis conscient que l’approche ici suggérée, fondée sur le respect du droit communautaire, consiste, en définitive, à imposer aux États membres, parties contractantes à une convention fiscale bilatérale, la prise en considération de la situation spécifique de certains contribuables, entrant dans le champ d’application personnel de ladite convention, de sorte à éviter ce que l’on pourrait appeler un «no man’s land fiscal», quelle que soit la répartition bilatérale des compétences fiscales sur laquelle ces États ont pu s’accorder.

95.      En d’autres termes, les États membres, parties à une convention fiscale bilatérale, devraient, selon cette approche, être soumis à une véritable obligation de résultat de sorte à exclure que des aspects de la capacité contributive d’un contribuable d’un de ces États membres, tels que celui en cause dans l’affaire au principal, ne soient pris en compte par aucun desdits États.

96.      Cette approche, de type finaliste, n’est pas entièrement nouvelle. On retrouve en effet une ligne de raisonnement similaire notamment dans les arrêts précités de Groot et Deutsche Shell.

97.      Dans la première de ces affaires, la Cour a précisé, au point 101 de l’arrêt, que «les mécanismes utilisés en vue d’éliminer la double imposition ou les systèmes fiscaux nationaux qui ont pour effet de l’éliminer ou de l’atténuer doivent […] assurer aux contribuables des États concernés que, au total, l’ensemble de leur situation personnelle et familiale sera dûment prise en compte, quelle que soit la manière dont les États membres concernés ont réparti cette obligation entre eux, sous peine de créer une inégalité de traitement incompatible avec les dispositions du traité sur la libre circulation des travailleurs, qui ne résulterait nullement des disparités existant entre les législations fiscales nationales» (47).

98.      Appliquant cette appréciation dans l’affaire en cause, la Cour a constaté, au point 102 de l’arrêt, que «le droit national néerlandais et les conventions conclues avec l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni n’assurent pas un tel résultat. En effet, l’État de résidence est partiellement délié de son obligation de prendre en compte la situation personnelle et familiale du contribuable, sans que, pour la partie des revenus perçus sur leur territoire, les États membres d’emploi acceptent de supporter les conséquences fiscales d’une telle prise en compte ni que celles-ci soient mises à leur charge en application des conventions de prévention de la double imposition conclues avec l’État de résidence. Il n’en va autrement qu’en ce qui concerne la convention avec l’Allemagne, dans l’hypothèse seulement ou 90 % des revenus sont perçus dans l’État d’emploi, ce qui n’est pas le cas dans l’affaire au principal».

99.      Il convient certes de faire remarquer que l’appréciation qui vient d’être exposée a été développée par la Cour dans le contexte de l’exercice par un État membre de son pouvoir d’imposition découlant de la répartition préalable des compétences fiscales.

100. En effet, dans l’affaire à l’origine de l’arrêt de Groot, précité, il était constant que, en vertu de la répartition bilatérale des compétences fiscales entre le Royaume des Pays-Bas, État membre de résidence de M. de Groot, et les États membres dans lequel celui-ci avait exercé une activité professionnelle salariée au cours de la même année fiscale, il revenait au Royaume des Pays-Bas de prendre en compte la situation personnelle et familiale du contribuable. Dans le litige opposant M. de Groot à l’administration fiscale néerlandaise, le Royaume des Pays-Bas refusait toutefois d’exercer totalement la compétence fiscale qui découlait des conventions bilatérales conclues avec les États membres d’emploi, en n’accordant pas à M. de Groot l’intégralité des abattements fiscaux auxquels ce dernier aurait eu droit, en raison du versement d’une pension alimentaire aux Pays-Bas, s’il avait exercé exclusivement son activité professionnelle salariée dans ce dernier État membre. Ainsi que le précisent notamment les points 93 et 94 de l’arrêt de Groot, la Cour était donc saisie d’une affaire où était en cause l’exercice (incomplet) du pouvoir d’imposition d’un État membre, exercice qui ne saurait s’affranchir du respect du droit communautaire, et plus particulièrement de celui de l’article 39 CE.

101. Je me demande néanmoins si cette circonstance est de nature à exclure l’extension à la présente affaire des considérations effectuées au point 101 de l’arrêt de Groot, précité.

102. Dans la présente affaire et ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le faire observer, l’article 24, paragraphe 1, de la convention fiscale bilatérale confère au Royaume des Pays-Bas la compétence de prendre en considération les pertes de revenus locatifs afférents à un immeuble situé en Belgique subies par des résidents néerlandais dans le cadre de la détermination de l’assiette de l’impôt devant être acquitté par ces derniers aux Pays-Bas, sans que, au demeurant, ne soit affectée la compétence du Royaume de Belgique de taxer les revenus afférents à un tel immeuble. Or, puisque la compétence du Royaume des Pays-Bas pour inclure les pertes de revenus locatifs d’un immeuble situé en Belgique aux fins de la détermination de la base imposable des revenus professionnels imposés aux Pays-Bas existe sur la base de la convention fiscale bilatérale, le refus opposé à M. Renneberg peut s’analyser, à mon sens, comme le refus d’appliquer, dans son intégralité, une telle compétence préétablie au cas d’un contribuable, couvert par ladite convention, qui se trouve dans une situation objectivement comparable à celle des résidents néerlandais qui tirent profit de l’application des dispositions de l’article 24, paragraphe 1, de la convention fiscale bilatérale.

103. L’extension d’un tel traitement en faveur d’un contribuable non-résident, percevant la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus imposables aux Pays-Bas, État membre d’emploi, ne remet donc pas en cause la répartition des compétences fiscales entre les parties contractantes à la convention fiscale bilatérale (48).

104. Dans la mesure où, conformément à la convention fiscale bilatérale, il revient au Royaume des Pays-Bas de prendre en considération les pertes de revenus locatifs afférents à un immeuble situé en Belgique aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt acquitté aux Pays-Bas, il leur revient également, s’agissant des non-résidents percevant la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus imposables aux Pays-Bas et ne tirant aucun revenu significatif de l’État membre de leur résidence, de prendre en compte ces mêmes pertes aux mêmes fins, à défaut de quoi la situation de ces contribuables ne serait prise en considération dans aucun des deux États membres concernés (49).

105. L’obligation de résultat à laquelle sont soumis les États membres à l’égard de la situation particulière de certains contribuables, entrant dans le champ d’application de conventions fiscales bilatérales, me semble également découler de l’arrêt Deutsche Shell, précité.

106. Dans cette affaire, il convient de rappeler que la Cour était saisie d’une demande de décision préjudicielle au sujet du traitement fiscal, par les autorités allemandes, de la dépréciation monétaire (de lires italiennes en marks allemands) d’une dotation en capital allouée par Deutsche Shell, société ayant sont siège en Allemagne, à l’un des établissements stables de cette société, situé en Italie, lors du rapatriement de ce capital à la suite de la cession de l’établissement stable (50). Principalement, la juridiction nationale demandait en substance si la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux s’opposaient à ce que la République fédérale d’Allemagne exclue la perte de change subie par Deutsche Shell à l’occasion du rapatriement du capital de dotation de la base d’imposition de l’impôt allemand en raison de l’exonération accordée conformément à la convention fiscale la liant à la République italienne, bien que cette perte de change ne puisse pas entrer dans le bénéfice de l’établissement stable à calculer aux fins de l’imposition italienne et ne soit dès lors pas prise en considération ni en Allemagne ni en Italie.

107. En effet, ainsi que cela ressort de la décision de renvoi et des conclusions de l’avocat général Sharpston (51), la juridiction nationale considérait que l’administration fiscale avait correctement interprété la convention préventive de la double imposition conclue entre la République fédérale d’Allemagne et la République italienne de sorte qu’il n’était pas possible de prendre en compte la perte de change litigieuse en Allemagne puisque les revenus de l’établissement stable devaient, conformément à cette convention, être imposés en Italie et que la perte de change se rapportait à l’activité de celui-ci sur le territoire italien.

108. Par conséquent, en vertu de la convention, la perte de change ne pouvait être prise en considération à des fins fiscales qu’en Italie. Toutefois, bien que la République italienne ait imposé les bénéfices de l’établissement stable générés par sa cession, elle n’avait pas inclus, dans l’assiette de l’imposition de ce dernier, la dépréciation monétaire de la valeur du capital de dotation qu’il lui avait été allouée, puisque cette assiette avait été établie en lires italiennes.

109. Après avoir constaté que, pour autant que la perte de change s’analysait en une véritable perte économique affectant la société établie en Allemagne, le régime fiscal en cause constituait une entrave à la liberté d’établissement de la société établie en Allemagne (52), la Cour a notamment rejeté l’argument, invoqué par le gouvernement allemand, selon lequel la République fédérale d’Allemagne et la République italienne auraient conventionnellement réparti leurs compétences fiscales de sorte qu’elles auraient décidé d’exonérer de l’impôt les revenus des établissements stables qui sont situés sur le territoire de l’autre État contractant, ce qui exclurait la prise en compte de la perte de change en cause par l’État membre de résidence de la société.

110. Dans ce contexte, la Cour a certes reconnu que la compétence des États membres pour fixer les critères d’imposition des revenus et de la fortune impliquait qu’un État membre ne saurait être tenu de prendre en considération, aux fins de l’application de sa législation fiscale, les résultats négatifs d’un établissement stable situé dans un autre État membre et appartenant à une société dont le siège se trouve sur le territoire du premier État membre pour la seule raison que de tels résultats ne sont pas susceptibles d’être pris en compte, sur le plan fiscal, dans l’État membre où l’établissement stable est situé (53). En effet, la Cour précise que «la liberté d’établissement ne saurait être comprise en ce sens qu’un État membre est obligé d’établir ses règles fiscales en fonction de celles d’un autre État membre afin de garantir, dans toutes les situations, une imposition qui efface toute disparité découlant des réglementations fiscales nationales, étant donné que les décisions prises par une société quant à l’établissement de structures commerciales à l’étranger peuvent, selon les cas, être plus ou moins avantageuses ou désavantageuses pour une telle société» (54).

111. La Cour écarte toutefois l’application de cette ligne de raisonnement dans l’affaire en cause au motif que «le désavantage fiscal porte sur une circonstance opérationnelle particulière qui ne peut être prise en considération que par les autorités fiscales allemandes. S’il est vrai qu’il appartient à tout État membre ayant conclu une convention préventive de la double imposition de mettre en œuvre une telle convention par l’application de son propre droit fiscal et de déterminer ainsi les revenus attribuables à un établissement stable, il ne saurait être admis qu’un État membre exclue la prise en compte de pertes de change de la base d’imposition de l’établissement principal [Deutsche Shell] qui, par leur nature, ne peuvent jamais être subiespar l’établissement stable» (55).

112. En effet, dans la mesure où la perte de change subie par Deutsche Shell était uniquement provoquée par la dépréciation monétaire entre le moment où le capital de dotation a été alloué et celui de son rapatriement en Allemagne lors de la conversion de sa valeur des lires italiennes en marks allemands, elle était donc générée uniquement sur le territoire allemand et ne pouvait, par nature, être prise en considération par les autorités fiscales italiennes, ainsi que le constate la Cour.

113. Au final, dans l’arrêt Deutsche Shell, précité, la Cour paraît donc exiger de l’État membre de résidence de la société que celui-ci exerce sa compétence fiscale sur une opération transfrontalière au motif que cet État membre s’avère être, de fait, le seul à pouvoir prendre en compte la perte de change en cause afin de garantir le respect du droit communautaire, nonobstant l’interprétation retenue par le juge de renvoi des dispositions de la convention préventive de la double imposition litigieuse en matière de répartition des compétences fiscales.

114. Il est indéniable que la situation à l’origine de l’arrêt Deutsche Shell diffère de celle en cause dans la présente affaire. Toutefois, à mon sens, c’est l’approche retenue par la Cour qui importe le plus, à savoir celle d’assurer que, quelle que soit la manière dont la répartition des compétences fiscales est intervenue, la situation particulière d’un contribuable entrant dans le champ d’application d’une convention préventive de la double imposition soit prise en considération dans un des États membres parties à cette convention.

115. Si l’on étend ainsi la logique qui résulte des arrêts précités de Groot et Deutsche Shell à la situation d’un contribuable tel que M. Renneberg, qui perçoit la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus imposables aux Pays-Bas, ceci tend, à signifier, selon moi, qu’il revient à ces derniers d’assurer, au-delà des dispositions de la convention fiscale bilatérale, la prise en compte, pour les exercices fiscaux litigieux, des pertes de revenus locatifs subies par ce contribuable relatives à son immeuble situé en Belgique, État membre dans lequel il ne peut, de fait, bénéficier d’un avantage comparable à défaut de revenus imposables.

116. À la lumière de l’ensemble de ces développements, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’interprétation de l’article 56 CE, je considère que l’article 39 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre refuse à un contribuable non-résident qui perçoit la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus imposables d’une activité professionnelle dans cet État membre, la prise en compte, aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt sur les revenus devant être acquitté dans ledit État membre, des pertes de revenus locatifs afférentes à un immeuble situé dans l’État membre de résidence du contribuable, mais dans lequel ce dernier ne perçoit aucun revenu, alors que le premier État membre (l’État membre d’emploi) accorde cet avantage à ses propres résidents se trouvant dans une situation comparable.

VI – Conclusion

117. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose que la Cour statue comme suit sur la demande de décision à titre préjudiciel adressée par le Hoge Raad der Nederlanden:

«L’article 39 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre refuse à un contribuable non-résident, qui perçoit la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus imposables d’une activité professionnelle dans cet État membre, la prise en compte, aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt sur les revenus devant être acquitté dans ledit État membre, des pertes de revenus locatifs afférentes à un immeuble situé dans l’État membre de résidence du contribuable, mais dans lequel ce dernier ne perçoit aucun revenu, alors que le premier État membre (l’État membre d’emploi) accorde cet avantage à ses propres résidents se trouvant dans une situation comparable.»


1 – Langue originale: le français.


2 – Arrêt du 14 février 1995 (C-279/93, Rec. p. I-225).


3 – Arrêt du 18 juillet 2007 (C-182/06, Rec. p. I-6705).


4 – Arrêt du 21 février 2006 (C-152/03, Rec. p. I-1711).


5 – Trb. 1970, 192 et Moniteur Belge du 25 septembre 1971.


6 – Staatsblad 1964, n °519.


7 – Arrêt du 26 janvier 1993 (C-112/91, Rec. p I-429, points 16 et 17).


8 – Arrêt du 9 novembre 2006 (C-520/04, Rec. p. I-10685, point 16).


9 – Arrêt du 23 février 2006 (C-513/03, Rec. p. I-1957, point 49).


10 – Respectivement, arrêts du 18 juillet 2007 (C-212/05, Rec. p. I-6303), et du 11 septembre 2007 (C-287/05, Rec. p. I-6909). Dans leurs points pertinents, ces deux arrêts se réfèrent au point 31 de l’arrêt Ritter-Coulais, précité, par lequel la Cour a jugé que «tout ressortissant communautaire, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage de son droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité professionnelle dans un État membre autre que celui de sa résidence, relève du champ d’application de l’article 48 du traité CE [(devenu, après modification, article 39 CE)]». Voir également arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité (point 15).


11 – Arrêt précité (point 18).


12 – Arrêt précité (point 46).


13 – Arrêt Hendrix, précité (points 42 et 44).


14 – Arrêt précité (point 16).


15 – J’ajoute, bien que cela soit évident, que la clause excluant les dispositions relatives à la liberté de circulation des travailleurs aux emplois dans l’administration publique, prévue à l’article 39, paragraphe 4, CE, ne saurait être opposée à M. Renneberg puisque ce dernier possède la nationalité néerlandaise et avait déjà accédé à son emploi municipal avant de faire usage de la liberté de circulation des travailleurs.


16 – Voir, notamment, arrêt du 23 février 1994, Scholz (C-419/92, Rec. p. I-505, point 7).


17 – Voir, notamment, arrêts du 12 février 1974, Sotgiu (152/73, Rec. p. 153, point 11); Schumacker, précité (point 26), et du 11 août 1995, Wielockx (C-80/94, Rec. p. I-2493, point 16).


18 – Voir, notamment, arrêts précités Schumacker (points 29 et 31); Wielockx (points 17 à 19), ainsi que Lakebrink et Peters-Lakebrink (points 27 à 29).


19 – Voir, en ce sens, arrêts Schumacker, précité (point 32); du 14 septembre 1999, Gschwind (C-391/97, Rec. p. I-5451, point 22); du 16 mai 2000, Zurstrassen (C-87/99, Rec. p. I-3337, point 21); du 12 décembre 2002, de Groot (C-385/00, Rec. p. I-11819, point 90); du 12 juin 2003, Gerritse (C-234/01, Rec. p. I-5933, point 43); du 1er juillet 2004, Wallentin (C-169/03, Rec. p. I-6443, point 15), et du 25 janvier 2007 Meindl (C-329/05, Rec. p. I-1107, point 23).


20 – Voir, notamment, arrêts Schumacker, précité (point 34); Gschwind, précité (point 23), et du 6 juillet 2006, Conijn (C-346/04, Rec. p. I-6137, point 16).


21 – Voir arrêts précités Schumacker (point 36); Gschwind (point 27); de Groot (point 89); Wallentin (point 17), ainsi que Lakebrink et Peters-Lakebrink (point 30).


22 – Voir arrêts précités Schumacker (point 38); Wielockx (points 21 et 22); Wallentin (point 17), ainsi que Lakebrink et Peters-Lakebrink (point 31).


23 – Arrêt Ritter-Coulais, précité (points 11 à 17).


24 – Arrêt précité (points 34 à 38).


25 – Conclusions présentées le 1er mars 2005 dans l’affaire Ritter-Coulais, précitée (points 84 à 102).


26 – Voir, à cet égard, conclusions précitées de l’avocat général Léger (points 98 à 102).


27 – Voir points 36 et 37 de l’arrêt.


28 – Point 33 de l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité.


29 – Point 34.


30 – Point 35.


31 – Ce qui est, en principe, le cas lorsque ces contribuables ne perçoivent pas de revenus professionnels dans l’État membre de leur résidence.


32 – Pour mémoire, dans mes conclusions sous cette affaire, j’avais tout de même examiné, à titre subsidiaire, les observations par lesquelles le gouvernement luxembourgeois avait, me semblait-il, en substance, tenté de démontrer que la législation en cause tendait à préserver la cohérence de son régime fiscal (voir points 44 à 52 des conclusions précitées).


33 – Voir, à cet égard, arrêts précités Ritter-Coulais (point 7), ainsi que Lakebrink et Peters-Lakebrink (points 6 à 8), et mes conclusions dans cette dernière affaire (point 39).


34 – Ou bien dans l’application de la même règle à des situations différentes [voir notamment, arrêts précités Schumacker (point 30), ainsi que Lakebrink et Peters-Lakebrink (point 27)].


35 – Voir également, en ce sens, conclusions précitées de l’avocat général Léger (points 98 et 99).


36 – Voir arrêts Gilly, précité (points 24 à 30); du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN (C-307/97, Rec. p. I-6161, point 57); de Groot, précité (point 93); du 19 janvier 2006, Bouanich (C-265/04, Rec. p. I-923, point 49); du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden (C-513/03, Rec. p. I-1957, point 47); du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (C-374/04, Rec. p. I-11673, point 52), et du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France (C-170/05, Rec. p. I-11949, point 43).


37 – Cette répartition se fonde d’ailleurs sur la pratique internationale et notamment sur le modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), modèle dont la Cour a régulièrement rappelé qu’il n’était pas déraisonnable pour les États membres de s’inspirer: voir, notamment, arrêts précités Gilly (point 31) et van Hilten-van der Heijden (point 48).


38 – En effet, dans un contexte où il s’agissait de savoir si un ressortissant allemand, résident en Allemagne, était en droit de se prévaloir des dispositions de la convention fiscale bilatérale, la Cour n’a pas, à juste titre selon moi, assimilé la règle du traitement non discriminatoire, inscrite à l’article 25, paragraphe 3, de ladite convention, comme se rattachant à la répartition de la compétence fiscale entre ces deux États membres [voir arrêt du 5 juillet 2003, D. (C-376/03, Rec. p. I-5821, points 60 à 62)].


39 – Voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France (270/83, Rec. p. 273, point 26), ainsi que Denkavit Internationaal et Denkavit France, précité (point 53).


40 – Voir jurisprudence citée à la note 39. On relèvera également que, même dans les affaires dans lesquelles la Cour admet qu’est en cause le choix d’un facteur de rattachement aux fins de la répartition de la compétence fiscale bilatérale, elle vérifie néanmoins si ce choix, qui, en soi, n’est pas discriminatoire, n’entraîne pas des «répercussions négatives pour les contribuables concernés» [voir arrêt Gilly, précité (point 34)].


41 – Voir, pour un raisonnement analogue, arrêt Saint-Gobain ZN, précité (point 60).


42 – Arrêt du 28 février 2008 (C-293/06, non encore publié au Recueil, point 44).


43 – Voir, notamment, arrêt précités Lakebrink et Peters-Lakebrink (point 22), ainsi que Deutsche Shell (points 40 et 50).


44 – JO L 336, p. 15.


45 – Voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2007, Talotta (C-383/05, Rec. p. I-2555, point 29 et jurisprudence citée).


46 – Voir, notamment, en ce sens, arrêts du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer, (C-250/95, Rec. p. I-2471, point 26); du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant, (C-9/02, Rec. p. I-2409, point 49); du 7 septembre 2006, N (C-470/04, Rec. p. I-7409, point 40), et du 18 janvier 2007, Commission/Suède (C-104/06, Rec. p. I-671, point 25).


47 – Italiques ajoutés par mes soins.


48 – Pour dissiper tout doute, il ne s’agit ni d’accorder une telle extension à tout contribuable non-résident entrant dans le champ d’application de ladite convention ni, a fortiori, de l’accorder à des personnes physiques, ressortissantes d’un État membre tiers à la convention fiscale bilatérale, la Cour ayant d’ailleurs refusé une telle extension dans l’arrêt D., précité (points 54 à 60).


49 – À noter que les modalités selon lesquelles doit être pris en considération cet aspect de la capacité contributive du contribuable non-résident qui perçoit dans l’État membre d’emploi la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus imposables devraient relever du droit national, dans le respect du droit communautaire: voir, en ce sens, arrêt de Groot, précité (points 114 et 115), ainsi que mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink, précité (point 41).


50 – Bien entendu, l’exercice fiscal et la dépréciation monétaire à l’origine de cette affaire sont antérieurs à l’entrée en vigueur de l’euro.


51 – Voir, notamment conclusions présentées le 8 novembre 2007 dans l’affaire Deutsche Shell, précitée (point 12).


52 – Points 27, 29 à 32 de l’arrêt. À opposer, semble-t-il, à de simples pertes virtuelles, du type comptable.


53 – Point 42 (italiques ajoutés par mes soins).


54 – Point 43. La Cour renvoie, par analogie, à l’arrêt du 12 juillet 2005, Schempp (C-403/03, Rec. p. I-6421, point 45), aux termes duquel la Cour a jugé que «le traité ne garantit pas à un citoyen de l’Union que le transfert de ses activités dans un État membre autre que celui dans lequel il résidait jusque-là est neutre en matière d’imposition. Compte tenu des disparités des réglementations des États membres en la matière, un tel transfert peut, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le citoyen sur le plan de l’imposition indirecte».


55 – Point 44 (italiques ajoutés par mes soins).