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CONCLUSIONS DE Mme TRSTENJAK – AFFAIRE C-37/08

RCI EUROPE

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 2 avril 2009 (1)

Affaire C-37/08

RCI Europe

contre

Her Majesty’s Commissioners of Revenue and Customs

[demande de décision préjudicielle formée par le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni)]

«Droit fiscal – Harmonisation – Taxes sur la valeur ajoutée – Interprétation de l’article 9 de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de TVA – Règles de détermination du lieu des opérations imposables – Prestations de services se rattachant à un bien immeuble – Prestations de services consistant à faciliter l’échange, entre leurs titulaires, de droits d’utilisation à temps partagé portant sur des résidences de vacances déterminées – Bourse d’échange»







Table des matières


I –   Introduction

II – Le cadre normatif

III – Les faits

A –   L’activité de RCI Europe

B –   La procédure devant les autorités fiscales nationales

1.     Le point de vue de l’administration fiscale du Royaume-Uni

2.     Le point de vue de l’administration fiscale espagnole

IV – La procédure au principal et les questions préjudicielles

V –   La procédure devant la Cour

VI – Principaux arguments des parties

A –   Les première et deuxième questions

B –   La troisième question

C –   La quatrième question

VII – Appréciation juridique

A –   Remarques introductives

1.     Nécessité d’une détermination uniforme du lieu de prestation

2.     Les principes fondamentaux régissant le lieu de prestation

B –   Analyse des questions préjudicielles

1.     Considérations générales

a)     Distinction entre livraison et prestation de services

b)     Clarification des questions préjudicielles

2.     Appréciation des différentes prestations aux fins de la TVA

a)     Frais d’adhésion

i)     Qualification de contrepartie

ii)   Détermination du lieu de prestation

b)     Cotisations

i)     Qualification de contrepartie

ii)   Détermination du lieu de prestation

c)     Frais d’échange

i)     Qualification de contrepartie

ii)   Détermination du lieu de prestation

–       Applicabilité de la règle spécifique pour les agences de voyages

–       Qualité d’agence de voyages ou d’organisateur de circuits touristiques

–       Agir en son propre nom

–       Utilisation de livraisons et de prestations de services d’autres assujettis

–       Applicabilité de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive

VIII – Conclusions de l’analyse

IX – Conclusion

I –    Introduction

1.        Dans son recours préjudiciel, introduit en vertu de l’article 234 CE, le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni, ci-après la «juridiction de renvoi») pose plusieurs questions à la Cour, relatives à l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (2).

2.        Ce renvoi préjudiciel intervient dans le cadre d’un recours formé par RCI Europe (ci-après la «requérante») devant les Value Added Tax Tribunals du Royaume-Uni (ci-après le «VAT Tribunal») à l’encontre de trois décisions de l’administration fiscale de cet État membre (Her Majesty’s Commissioners of Revenue and Customs, ci-après les «Commissioners»). La requérante conteste en justice la perception a posteriori de TVA sur les opérations réalisées, qu’elle avait, selon les Commissioners, sous-évaluée dans ses déclarations.

3.        Le litige entre les parties de la procédure au principal porte, en substance, sur l’appréciation de prestations de services transfrontalières aux fins de la TVA, en particulier sur le critère de rattachement décisif pour déterminer le lieu de prestation. L’existence même d’une compétence fiscale du Royaume-Uni, où la requérante a son siège social, pour les opérations en cause, en dépend.

II – Le cadre normatif

4.        La sixième directive prévoit des règles de détermination du lieu des opérations imposables. Elle a été remplacée par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006 (3), entrée en vigueur le 1er janvier 2007, qui reprend presque telles quelles les dispositions pertinentes en l’espèce.

5.        L’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive (4) pose la règle générale suivante:

«Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.»

6.        L’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive (5) prévoit plusieurs règles spécifiques. Ainsi, en vertu de cette disposition, sous a), «le lieu des prestations de services se rattachant à un bien immeuble, y compris les prestations d’agents immobiliers et d’experts, ainsi que les prestations tendant à préparer ou à coordonner l’exécution de travaux immobiliers comme, par exemple, les prestations fournies par les architectes et les bureaux de surveillance, est l’endroit où le bien est situé».

7.        L’article 26 de la sixième directive (6) prévoit une règle spécifique pour les agences de voyages. Celle-ci est libellée comme suit:

«1. Les États membres appliquent la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent article, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d’autres assujettis. Le présent article n’est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d’intermédiaire et auxquelles l’article 11 sous A paragraphe 3 sous c) est applicable. Au sens du présent article, sont également considérés comme agences de voyages les organisateurs de circuits touristiques.

2. Les opérations effectuées par l’agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l’agence de voyages au voyageur. Celle-ci est imposée dans l’État membre dans lequel l’agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. Pour cette prestation de services est considérée comme base d’imposition et comme prix hors taxe, au sens de l’article 22 paragraphe 3 sous b), la marge de l’agence de voyages, c’est-à-dire la différence entre le montant total à payer par le voyageur hors taxe à la valeur ajoutée et le coût effectif supporté par l’agence de voyages pour les livraisons et prestations de services d’autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur.»

III – Les faits

A –    L’activité de RCI Europe

8.        La requérante a été créée le 29 novembre 1973 au Royaume-Uni. Son activité consiste à permettre et à organiser l’échange, entre ses membres, de leurs droits d’utilisation à temps partagé portant sur des logements de vacances situés à l’étranger (ce modèle est également appelé «time-sharing»).

9.        La nature juridique du droit d’utilisation à temps partagé dépend du droit du pays dans lequel le bien immeuble est situé. Il donne à son titulaire le droit d’occuper un bien déterminé dans une résidence de vacances déterminée, pour une durée déterminée, pendant des périodes déterminées. Le droit d’utilisation à temps partagé d’un multipropriétaire est appelé son «droit d’utilisation en période de vacances».

10.      La requérante gère un programme d’échange de droits d’utilisation à temps partagé, sur une base hebdomadaire, appelé «RCI Weeks», qui présente les caractéristiques particulières exposées ci-après.

11.      Les promoteurs de résidences de vacances sont invités à se joindre au programme en tant qu’«affiliés». Les particuliers titulaires de droits d’utilisation à temps partagé dans une résidence de vacances (achetés à un promoteur) peuvent demander à devenir membres de RCI Weeks.

12.      L’adhésion à RCI Weeks permet au membre de déposer ses propres droits d’utilisation en période de vacances, détenus dans des biens immeubles en multipropriété, dans un fonds de logements en multipropriété (ci-après le «Weeks Pool») et de recevoir les droits d’utilisation déposés par d’autres membres. Dans ce cadre, les membres n’ont de contact qu’avec la requérante. Le dépôt de droits d’utilisation en période de vacances dans le Weeks Pool n’entraîne pas de transfert à la requérante de droits sur le bien immeuble auquel ils se rapportent. Au contraire, le titulaire initial du droit d’utilisation à temps partagé conserve ce dernier tout au long du processus.

13.      Les membres de RCI Weeks versent des frais d’adhésion, couvrant une période de un à cinq ans, ainsi que des cotisations annuelles. En outre, ils doivent s’acquitter de frais d’échange, et ce au moment du dépôt de la demande d’échange. La requérante comptabilise ces frais d’échange comme une avance remboursable. Lorsqu’elle ne peut pas trouver d’offre d’échange du Weeks Pool à la convenance d’un membre, elle lui accorde un avoir imputable sur un prochain échange ou, sur demande, le rembourse.

14.      La requérante peut compléter le Weeks Pool par achat de logements à des tiers ou mise à disposition de semaines supplémentaires par un promoteur. Moyennant le versement de frais d’échange, les membres peuvent également demander un échange contre un logement issu de telles offres complémentaires.

B –    La procédure devant les autorités fiscales nationales

15.      Le siège de la requérante est situé au Royaume-Uni. Une grande partie de ses membres sont ressortissants de cet État membre. En revanche, une grande partie des biens immeubles concernés par le programme d’échange RCI Weeks sont situés en Espagne.

16.      Ces circonstances ont conduit les autorités fiscales britanniques et espagnoles à des conclusions divergentes quant au statut de la requérante au regard de la TVA. Elles considèrent que les prestations fournies par la requérante sont régies par leurs législations respectives en la matière. Par conséquent, elles lui ont toutes deux réclamé le versement de la TVA sur ses opérations, ce qui conduit en fin de compte à une double imposition dans deux États membres différents.

1.      Le point de vue de l’administration fiscale du Royaume-Uni

17.      Selon les Commissioners, une prestation consistant à accorder la qualité de membre d’un club d’échange de droits d’utilisation à temps partagé est un service fourni au lieu où la requérante a établi le siège de son activité économique, c’est-à-dire au Royaume-Uni. Par conséquent, les frais d’adhésion et les cotisations des membres sont soumis à la TVA au Royaume-Uni. Les Commissioners ont considéré que les frais d’échange étaient régis par les dispositions du droit interne portant transposition de l’article 26 de la sixième directive. La contrepartie des frais d’échange ayant été qualifiée par les Commissioners de «prestation de voyage spécifique», celle-ci est imposable au Royaume-Uni.

18.      Il ressort de l’ordonnance de renvoi que, jusqu’au 31 décembre 2003, la requérante s’est acquittée de la TVA au Royaume-Uni sur tous les frais d’adhésion versés par les nouveaux membres, ainsi que sur toutes les cotisations versées par les membres déjà admis au titre de l’année suivante. En outre, jusqu’au 31 décembre 2005, elle s’est acquittée de la TVA au Royaume-Uni également sur tous les frais d’échange versés par les membres qui avaient acquis le droit d’usage d’un droit d’utilisation à temps partagé se rapportant à un bien immeuble situé dans l’Union européenne. Elle ne s’acquittait pas de la TVA au Royaume-Uni sur tous les frais d’échange versés par les membres qui avaient acquis le droit d’usage d’un droit d’utilisation à temps partagé se rapportant à un bien immeuble situé en dehors de l’Union européenne.

2.      Le point de vue de l’administration fiscale espagnole

19.      Les autorités fiscales espagnoles considèrent, en revanche, que les services fournis par la requérante se rattachent directement à un bien immeuble et sont, par conséquent, soumis à la TVA dans le pays où est situé le bien immeuble en multipropriété.

20.      Les avis d’imposition émis par les autorités fiscales espagnoles à l’encontre de la requérante, ainsi que les décisions des juridictions fiscales rejetant les recours de celle-ci, font actuellement l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Tribunal Supremo.

IV – La procédure au principal et les questions préjudicielles

21.      En raison du point de vue des autorités espagnoles, que nous venons d’exposer, à compter du 1er janvier 2004, la requérante a cessé de s’acquitter de la TVA au Royaume-Uni sur les frais d’adhésion et les cotisations des membres dont les droits d’utilisation à temps partagé se rapportent à des biens immeubles situés en Espagne. Elle a également cessé de s’acquitter de la TVA au Royaume-Uni sur les frais d’échange versés par des membres qui échangeaient leurs droits d’utilisation à temps partagé contre des droits correspondants, se rapportant à des biens immeubles situés en Espagne.

22.      Le 23 mars 2005, les Commissioners ont décidé d’émettre un avis d’imposition visant à percevoir la TVA que, selon eux, la requérante aurait dû déclarer au titre de l’année 2004 sur les frais d’adhésion et les cotisations des membres dont les droits d’utilisation de périodes de vacances se rapportent à des biens immeubles situés en Espagne et sur les frais d’échange de droits d’utilisation à temps partagé se rapportant à des biens situés en Espagne. L’avis d’imposition, d’un montant de 1 339 709 GBP, a été émis le 5 avril 2005.

23.      Le 5 mai 2005, la requérante a formé un recours contre cet avis d’imposition devant la juridiction de renvoi.

24.      Dans son ordonnance de renvoi, cette juridiction évoque l’incertitude juridique persistante quant à la détermination du lieu de prestation, ainsi que le risque de perturbation de l’activité de la requérante que cela comporte. Elle a par conséquent décidé de surseoir à statuer et de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour:

«1)       Dans le cadre des services fournis par la partie requérante en contrepartie:

–        des frais d’adhésion;

–        des cotisations; et

–        des frais d’échange

payés par des membres de son système RCI Weeks, quels éléments convient-il de prendre en compte pour déterminer si les services sont ‘rattachés’ à des biens immeubles au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive sur la TVA (à présent l’article 45 de la directive ‘refonte’)?

2)       Dans l’hypothèse où certains ou l’ensemble des services fournis par la partie requérante sont ‘rattachés’ à des biens immeubles au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive sur la TVA (à présent l’article 45 de la directive ‘refonte’), les biens immeubles auxquels certains ou l’ensemble des services sont rattachés sont-ils ceux qui sont déposés auprès de la bourse d’échange, ceux qui sont demandés en échange des biens immeubles déposés, ou bien ces deux catégories de biens immeubles?

3)       Si certains des services sont ‘rattachés’ aux deux catégories de biens immeubles, comment convient-il de classer ces services en vertu de la sixième directive sur la TVA (à présent la directive ‘refonte’)?

4)       Compte tenu des solutions divergentes adoptées par différents États membres, comment la sixième directive sur la TVA (à présent la directive ‘refonte’) caractérise-t-elle les revenus tirés par un assujetti des ‘frais d’échange’ perçus pour les services suivants:

–        la facilitation de l’échange de droits d’utilisation de périodes de vacances dont est titulaire un adhérent à un système d’échange exploité par l’assujetti contre des droits d’utilisation de périodes de vacances dont est titulaire un autre adhérent à ce système; et/ou

–        la fourniture de droits d’utilisation d’un logement acquis par l’assujetti auprès de tiers assujettis pour compléter la bourse d’échange de logements mise à la disposition des membres dudit système?

V –    La procédure devant la Cour

25.      L’ordonnance de renvoi en date du 9 janvier 2008 est parvenue au greffe de la Cour le 31 janvier 2008.

26.      La requérante, le gouvernement du Royaume-Uni, le gouvernement espagnol et le gouvernement grec, ainsi que la Commission des Communautés européennes, ont déposé des observations écrites dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour de justice.

27.      Les représentants de la requérante, du gouvernement du Royaume-Uni, du gouvernement espagnol et du gouvernement grec, ainsi que de la Commission, ont assisté à l’audience du 19 février 2009, pour présenter des observations orales.

VI – Principaux arguments des parties

A –    Les première et deuxième questions

28.      Selon la requérante, les services fournis en contrepartie du versement des frais d’adhésion et des cotisations ne présentent pas de lien suffisant avec un bien immeuble déterminé et ne relèvent donc pas du champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive. Elle considère qu’il convient au contraire d’appliquer la règle générale prévue à l’article 9, paragraphe 1, de ladite directive, avec pour conséquence, selon elle, que le lieu des prestations de services, à savoir l’inscription et l’adhésion des nouveaux membres, est celui où le prestataire a établi le siège de son activité économique. En l’espèce, il s’agit du Royaume-Uni.

29.      Selon elle, il devrait en aller de même des prestations de services fournies en contrepartie du versement des frais d’échange, d’autant plus que cela permettrait un traitement fiscal cohérent de l’ensemble des prestations de services fournies. Elle considère qu’il n’est pas raisonnable de traiter de manières différentes une prestation de services en substance unique.

30.      Le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que les prestations de services fournies en contrepartie du versement des frais d’adhésion et des cotisations devraient relever du champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive. À l’instar de la requérante, il estime qu’il n’existe pas de lien direct suffisant entre les prestations de services fournies en contrepartie des frais et des cotisations en cause et un quelconque bien immeuble. Ce point de vue est fondé, notamment, sur le fait que la requérante se contente d’accorder l’accès à une espèce de marché, sur lequel les membres peuvent échanger leurs droits d’utilisation. Quant aux frais d’échange, le gouvernement du Royaume-Uni soutient qu’ils ne présentent pas de lien avec un quelconque bien immeuble, d’autant moins qu’un membre peut, non seulement, déposer son droit d’utilisation, mais aussi verser les frais d’échange, jusqu’à 24 mois avant de récupérer son droit d’utilisation.

31.      Le gouvernement espagnol considère, quant à la première question, qu’il convient de prendre en compte deux facteurs principaux pour savoir s’il y a lieu d’appliquer la règle régissant les prestations de services se rattachant à un bien immeuble ou bien la règle spécifique aux agences de voyages. Selon lui, il faut, d’une part, se fonder sur le comportement de l’intermédiaire et vérifier si celui-ci agit en son propre nom ou au nom d’autrui. Il faut, d’autre part, déterminer si les livraisons et prestations de services nécessaires à l’activité de l’intermédiaire lui sont fournies par d’autres assujettis.

32.      Quant à la deuxième question, le gouvernement espagnol soutient que, s’il y a lieu de considérer que les prestations de services en cause se rattachent effectivement aux biens immeubles respectifs, alors les frais d’adhésion et les cotisations se rapportent directement aux biens sur lesquels portent les droits d’utilisation en temps partagé que les membres ont déposés dans la bourse d’échange. Selon lui, il s’agit en effet de rémunérations dues du seul fait de l’appartenance au système, même si le membre n’en fait pas usage.

33.      Le gouvernement grec considère que, parmi les facteurs pertinents pour déterminer s’il s’agit de prestations de services «se rattachant à un bien immeuble», au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, il convient de prendre en compte le type d’activité économique exercé par la requérante, ainsi que le lien entre les prestations de services en cause et le bien immeuble. Selon lui, il faut, notamment, examiner s’il s’agit de services indépendants, fournis aux titulaires de droits d’utilisation en temps partagé, sous forme de prestations de voyage ou, au contraire de services réciproques, fournis par l’intermédiaire de la requérante, entre titulaires de droits d’utilisation à temps partagé membres du programme d’échange.

34.      Le gouvernement grec propose de répondre à la deuxième question en ce sens que les frais d’adhésion et les cotisations se rapportent directement au bien immeuble sur lequel porte le droit d’utilisation à temps partagé du membre, alors que les frais d’échange se rapportent directement au bien immeuble sur lequel porte l’exercice du droit d’échange.

35.      La Commission fait valoir que la prestation de services fournie par la requérante consiste à permettre l’échange de droits d’utilisation à temps partagé. Il y a donc lieu de considérer les cotisations et les frais dus comme la contrepartie de la participation à ce système. Selon elle, les droits d’utilisation à temps partagé constituent des droits portant sur un bien immeuble et leur transfert, en échange de droits correspondants, une prestation de services se rattachant à un bien immeuble, au sens de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive. Le lieu de prestation du service en contrepartie duquel sont versés les frais d’adhésion et les cotisations est l’endroit où est situé le bien immeuble auquel se rapportent les droits d’utilisation à temps partagé du membre. En revanche, le lieu de prestation du service en contrepartie duquel sont versés les frais d’échange est l’endroit où est situé le bien immeuble pour lequel le membre a obtenu en échange des droits d’utilisation à temps partagé.

B –    La troisième question

36.      Pour la requérante, la troisième question ne se pose pas du tout comme la juridiction de renvoi l’a formulée dans son recours préjudiciel. Selon elle, ses observations relatives à la première et à la deuxième question montrent que ses prestations de services ne présentent pas un lien suffisant avec un bien immeuble.

37.      Elle estime, en outre, que la conclusion selon laquelle la prestation de services pourrait se rattacher aux deux biens immobiliers – c’est-à-dire à la fois à celui qui est proposé et à celui qui est souhaité en échange – est contraire au sens et à la finalité de l’article 9 de la sixième directive. Ce dernier traduit l’intention du législateur communautaire d’éviter les conflits de compétence en matière de perception de la TVA, et donc la double imposition. C’est pourquoi l’article 9, paragraphe 2, sous a), ne peut s’appliquer qu’à un bien immeuble, celui avec lequel existe le lien le plus étroit.

38.      Le gouvernement du Royaume-Uni considère, pour les mêmes raisons que la requérante, qu’il n’est pas nécessaire de répondre à la troisième question préjudicielle, puisque la prestation de services de la requérante ne se rattache pas à un bien immeuble. Cette question montre en revanche les problèmes que poserait le point de vue opposé. En effet, si la prestation de services se rattachait à la fois au droit d’utilisation d’un bien immeuble déposé et à celui obtenu en échange, alors une même prestation serait soumise à deux taux de TVA nationaux différents.

39.      Le gouvernement espagnol considère également qu’il est très improbable qu’une prestation de services puisse se rattacher aux deux biens immeubles. Cela ressort de ses observations relatives à la deuxième question préjudicielle: l’admission dans le Weeks Pool, prestation de services fournie en contrepartie du versement des frais d’adhésion et des cotisations, se rattache exclusivement au bien immeuble auquel se rapporte le droit d’utilisation à temps partagé du membre; en revanche, la prestation de services fournie en contrepartie des frais d’échange – consistant à proposer au membre un droit d’utilisation à sa convenance déposé par un autre membre, en échange de son droit d’utilisation – se rattache directement au bien immeuble sur lequel le droit d’échange est exercé. Toutefois, si la contrepartie, d’une part, des frais d’adhésion et des cotisations ou, d’autre part, des frais d’échange se rattachait effectivement aux deux biens immeubles, alors il conviendrait de considérer, en transposant l’arrêt Commission/France (7), que le lieu de prestation du service est le siège du prestataire.

40.      Les observations du gouvernement grec relatives à la deuxième question préjudicielle, semblables en fin de compte à celles du gouvernement espagnol, le conduisent également à la conclusion qu’il convient de répondre à la troisième question en ce sens qu’une opération ne se rattache jamais aux deux biens immeubles en même temps.

41.      Enfin, dans ses observations écrites, la Commission n’aborde même pas la troisième question qui, selon elle, ne se pose pas – ce qui correspond en substance au point de vue du Royaume d’Espagne et de la République hellénique. La prestation de services de la requérante se rattache soit au bien immeuble auquel se rapporte le droit d’utilisation à temps partagé du membre (dans le cas de l’admission dans le système d’échange en contrepartie des frais d’adhésion et des cotisations), soit au bien immeuble que le membre peut utiliser en échange (dans le cas de la contrepartie des frais d’échange), mais jamais aux deux biens immeubles en même temps.

C –    La quatrième question

42.      La requérante soutient que l’origine des droits d’utilisation du Weeks Pool n’a aucune incidence sur la détermination du lieu de prestation du service, qu’il s’agisse de droits déposés par un autre membre ou acquis par la requérante auprès d’un tiers assujetti pour compléter son offre. En effet, la prestation de services fournie par la requérante en contrepartie des frais d’échange reste la même, quelle que soit l’origine du droit d’utilisation à temps partagé offert au membre en échange de celui qu’il a apporté. Par conséquent, aux fins de la TVA, il convient de traiter la prestation de services comme le préconise la requérante dans ses observations relatives à la première et à la deuxième question préjudicielle, quelle que soit l’origine des droits d’utilisation à temps partagé obtenus en échange.

43.      Le gouvernement du Royaume-Uni estime également que l’origine du droit d’utilisation à temps partagé n’a pas d’incidence sur le lieu de prestation du service. Selon lui, dans les deux cas de figure que distingue la quatrième question préjudicielle, la requérante ne fournit au membre, en contrepartie des frais d’échange, qu’une prestation à caractère administratif consistant à lui proposer plusieurs droits d’utilisation à temps partagé correspondant à ses souhaits, dans d’autres résidences. Il n’y a pas de transfert effectif d’un droit d’utilisation à temps partagé, puisque la requérante ne peut pas garantir d’en trouver un qui convienne et que le membre n’est obligé d’accepter aucun des droits d’utilisation à temps partagé proposés. C’est pourquoi les prestations de services fournies par la requérante en contrepartie des frais d’échange constituent des opérations imposables en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 77/388, quelle que soit l’origine du droit d’utilisation à temps partagé.

44.      Toutefois, le Royaume-Uni soutient, à titre subsidiaire, que, si jamais il s’était trompé et si les frais d’échange étaient perçus en contrepartie du transfert effectif du droit d’utilisation à temps partagé se rapportant à une autre résidence, alors, dans le deuxième cas de figure de la quatrième question préjudicielle, où la requérante a acquis les droits d’utilisation à temps partagé auprès d’un tiers assujetti, il conviendrait également d’acquitter l’impôt sur les frais d’échange au lieu du siège de la requérante. En effet, il faudrait dans ce cas appliquer la règle spécifique aux agences de voyages.

45.      Pour répondre à la quatrième question préjudicielle, le gouvernement espagnol renvoie à ses observations relatives à l’imposition des frais d’échange. Selon lui, comme il l’a expliqué dans ses observations relatives à la deuxième question préjudicielle, les frais d’échange sont perçus en contrepartie de l’autorisation d’user du droit d’utilisation à temps partagé se rapportant à une autre résidence et se rattachent donc directement à ce bien immeuble, c’est pourquoi ils doivent être imposés au lieu où il se situe.

46.      Le gouvernement grec distingue entre les deux cas de figure de la quatrième question préjudicielle et semble considérer qu’il faut s’acquitter de frais supplémentaires pour la mise à disposition de droits d’utilisation acquis par la requérante auprès de tiers assujettis. Dans le premier cas de figure – lorsque la requérante propose au membre le droit d’utilisation à temps partagé d’un autre membre –, il convient d’acquitter l’impôt sur les frais d’échange au lieu où se situe le bien immeuble auquel se rapporte le droit d’utilisation de cet autre membre. Dans le deuxième cas de figure, il faut encore une fois distinguer: l’hypothèse où la requérante met à disposition un droit d’utilisation appartenant à un promoteur d’une résidence de vacances doit être traitée comme le premier cas de figure; dans l’hypothèse où la requérante acquiert le droit d’utilisation pour satisfaire au souhait du membre et le revend à ce dernier, cette prestation est régie par la règle spécifique aux agences de voyages; enfin, dans l’hypothèse où la requérante met à disposition des droits d’utilisation qui lui appartiennent, elle exerce une activité hôtelière qui est, par conséquent, imposable au lieu où se situe le bien immobilier auquel se rapportent ces droits d’utilisation.

47.      Enfin, la Commission n’aborde nullement la quatrième question préjudicielle dans ses observations écrites. On ne peut donc, à cet égard, que renvoyer à son point de vue, selon lequel la contrepartie des frais d’échange se rattache au bien immeuble qui peut être utilisé en échange du droit d’utilisation à temps partagé apporté.

VII – Appréciation juridique

A –    Remarques introductives

1.      Nécessité d’une détermination uniforme du lieu de prestation

48.      C’est la question du lieu de l’opération imposable qui a déclenché le litige entre la requérante et les Commissioners. Selon la réponse qui lui est apportée, les opérations effectuées par la requérante dans le cadre de son activité relèvent du pouvoir d’imposition de l’administration fiscale espagnole ou bien de celle du Royaume-Uni.

49.      Les dispositions relatives au lieu d’exécution de prestations diverses sont essentielles à l’appréciation de prestations de services transfrontalières du point de vue de la TVA, car elles régissent l’applicabilité des dispositions nationales en matière de TVA (8). Le champ d’application du système de TVA incluant les livraisons de biens et les prestations diverses effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un entrepreneur, dans le cadre de son activité, le droit national relatif à la TVA ne peut s’appliquer que si le lieu de la prestation est situé à l’intérieur du pays.

50.      L’application, par chaque administration fiscale nationale, de critères de rattachement différents pour déterminer le lieu de prestation conduirait immanquablement à des cas, non seulement de double imposition, mais aussi de non-imposition. C’est justement pourquoi il est particulièrement important de déterminer le lieu de la prestation à l’intérieur du marché commun selon un critère de rattachement unique (9). Le septième considérant de la sixième directive montre que celle-ci a pour objectif de délimiter les compétences fiscales de chacun des États membres, de façon à éviter ces conflits de compétence (10). La détermination du critère de rattachement fiscal au niveau communautaire est destinée à parvenir à une délimitation adéquate des domaines d’application respectifs des droits internes en matière de TVA (11).

2.      Les principes fondamentaux régissant le lieu de prestation

51.      Les conflits de compétence entre États membres peuvent être évités grâce à des règles les plus simples et les plus claires possible; du point de vue du législateur, différents critères de rattachement sont envisageables à cet effet, selon que l’on donne la priorité au principe d’origine ou au principe de destination. Le critère de rattachement est, selon le premier principe, le lieu où l’entreprise a établi le siège de son activité économique et, selon le second, le lieu probable de la consommation ou le lieu de l’utilisation des prestations diverses.

52.      Conscient que les deux principes présentent à la fois des avantages et des inconvénients pour le fonctionnement du marché commun, le législateur communautaire a choisi une approche mixte dans les dispositions relatives au lieu de la prestation de la sixième directive (12), puisque l’article 9, paragraphe 1, dispose que le lieu des prestations est, en principe, l’endroit où est située l’entreprise du prestataire. Toutefois, au paragraphe 2, il a prévu de nombreuses dérogations à ce principe, qui limitent considérablement le champ d’application du paragraphe 1 et réduisent le principe d’origine, sur lequel se fonde pourtant la sixième directive, à une exception (13). Il existe en outre des règles spécifiques qui prennent en compte les particularités de certaines activités.

B –    Analyse des questions préjudicielles

1.      Considérations générales

a)      Distinction entre livraison et prestation de services

53.      Il convient, tout d’abord, de constater que ni la juridiction de renvoi ni les parties à la procédure ne contestent que l’activité de la requérante consiste exclusivement à fournir des prestations de services à titre onéreux, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive. L’analyse qui suit doit donc être fondée sur cette appréciation juridique qui est, à mon avis, exacte.

54.      Étant donné la clarté de la distinction établie par la sixième directive quant à la qualification juridique des opérations soumises à la TVA (14), tout recours aux dispositions de ses articles 5 et 8, relatives à la livraison de biens, est exclu. Les seuls points litigieux concernent donc l’applicabilité aux prestations de services en cause de l’article 9, paragraphes 1 et 2, sous a), ainsi que de la règle spécifique aux agences de voyages, prévue à l’article 26, paragraphe 1.

b)      Clarification des questions préjudicielles

55.      Il convient, par ailleurs, de constater que les questions de la juridiction de renvoi se recoupent parfois largement sur le fond, ce qui, selon moi, impose une clarification.

56.      D’une part, il ressort d’une interprétation raisonnable des questions préjudicielles que celles-ci visent à savoir dans quelle mesure les différents types de cotisations et de frais, dont doivent s’acquitter les membres participant au programme d’échange RCI Weeks, peuvent correspondre à différentes prestations de services de la requérante.

57.      Il est important qu’il existe un rapport de droit synallagmatique, dans le cadre duquel les parties s’engagent mutuellement à un échange de prestations réciproques sous forme d’une prestation de services et d’une contrepartie, puisque, d’après l’article 2, seules les prestations de services effectuées à titre onéreux sont soumises à la TVA (15). Par conséquent, il est nécessaire en l’espèce d’identifier précisément les différentes obligations contractuelles de la requérante.

58.      D’autre part, les questions préjudicielles visent à examiner à quelles dispositions régissant le lieu de prestation sont soumis les services en cause. Cela permettra de déterminer si et dans quelle mesure ces prestations de services relèvent de la compétence fiscale du Royaume-Uni.

59.      Dans un souci de clarté et pour répondre utilement aux questions préjudicielles, je concentrerai mon analyse juridique sur ces deux aspects principaux.

2.      Appréciation des différentes prestations aux fins de la TVA

60.      Il semble que la méthode la plus efficace consiste à analyser les prestations de la requérante en raisonnant, en quelque sorte, a contrario à partir des rémunérations qu’elle perçoit des clients. La requérante perçoit, d’une part, des frais d’adhésion, sous forme de droits d’admission exigibles une seule fois, lors de la première inscription, ainsi que la cotisation annuelle, et, enfin, des «frais d’échange», quand elle a réussi à fournir un échange de droits d’utilisation de logements dans le cadre du programme RCI Weeks. J’examinerai ci-après quelles prestations de la requérante sont liées à chacune de ces rémunérations. J’examinerai dans ce cadre si ces prestations constituent une prestation unique ou des prestations distinctes et si elles représentent une contrepartie adéquate de la rémunération. Sur la base des résultats de cette analyse, il sera alors possible de déterminer de quel fait générateur de la TVA relève le service et, partant, d’en déduire le lieu de prestation.

61.      Il est difficile de définir la prestation fournie dans le cadre de «contrats de time-sharing». Il n’existe pas pour ces derniers de type de contrat unique en droit civil (16). On trouve des droits de jouissance de longue durée sous forme de contrats de bail, ainsi que des modèles de gestion fiduciaire assortis de droits de jouissance d’un bien, de sociétés par actions, de clubs de vacances, et de nombreuses autres formes. C’est également en raison de cette confusion qu’a été adoptée la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens immobiliers (17). Un certain nombre de nouveaux modèles de «time-sharing» sont apparus sur le marché juste après que la directive est entrée en vigueur, c’est pourquoi, afin de combler les vides juridiques, la Commission a présenté, en 2007, des propositions de modifications renforçant la protection des consommateurs, dont le Parlement européen a adopté une version légèrement modifiée, le 22 octobre 2008.

62.      Toutefois, en l’espèce, il ne s’agit pas de la conclusion de contrats de «time-sharing» en elle-même, mais de l’échange de droits d’utilisation en période de vacances entre membres d’une bourse d’échange.

a)      Frais d’adhésion

i)      Qualification de contrepartie

63.      Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un rapport de droit synallagmatique suppose l’existence d’un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue, les sommes versées constituant la contrepartie effective d’un service individualisable fourni dans le cadre d’un rapport juridique où des prestations réciproques sont échangées (18).

64.      Il faudrait donc pouvoir constater l’existence d’un lien direct entre les frais d’adhésion et un service suffisamment individualisable.

65.      Il ressort d’un examen attentif du modèle commercial de la requérante, tel que présenté de façon détaillée par celle-ci et par le gouvernement du Royaume-Uni dans leurs observations, qu’un membre n’obtient tout d’abord qu’un accès au programme d’échange RCI Weeks en contrepartie du versement des frais d’adhésion.

66.      Toutefois, la simple adhésion ne permet pas encore de faire usage des droits d’utilisation à temps partagé d’autres membres. Pour cela, il faut non seulement être membre de RCI Weeks, mais aussi apporter ses propres droits d’utilisation à temps partagé dans la bourse d’échange. Le titulaire d’un droit d’utilisation à temps partagé doit faire une demande d’échange, premièrement, en mettant à disposition un droit d’utilisation à temps partagé lui appartenant et, deuxièmement, en choisissant un droit correspondant en échange.

67.      En plus de la possibilité de participer au programme d’échanges, le membre a accès à un ensemble d’informations relatives aux immeubles de vacances proposés, sous forme d’un catalogue imprimé, actualisé régulièrement, et d’une présentation sur Internet. Un numéro de téléphone communiqué aux membres leur permet, le cas échéant, de prendre contact avec le personnel de la requérante pour obtenir des précisions sur les modalités d’échange et pour s’informer sur des prestations supplémentaires de celle-ci, accessibles sur demande.

68.      Ainsi, pour un nouveau membre, l’accès à RCI Weeks constitue en quelque sorte un préalable à la participation au programme d’échanges, le paiement des frais d’adhésion lui ouvrant, en principe, toutes les possibilités. Les informations mises à la disposition du nouveau membre sont destinées à le préparer au programme d’échanges proprement dit. L’adhésion ne porte pas encore transfert de droits, mais donne seulement accès à une espèce de marché où les membres peuvent échanger leurs droits d’utilisation à temps partagé avec l’aide de la requérante. La qualité de membre n’oblige pas en soi à participer à ce programme d’échanges.

69.      Par conséquent, un lien direct au sens de la jurisprudence existe uniquement entre l’activité consistant à accorder l’accès au programme d’échanges en cause et le versement de frais d’adhésion.

70.      En revanche, il n’est pas possible d’établir aussi facilement un lien direct entre l’adhésion et la réalisation effective du programme d’échanges, qui suppose une démarche supplémentaire des partenaires contractuels, à savoir la demande d’échange du membre et la confirmation par la requérante que celui-ci peut être effectué, ainsi que, bien sûr, le versement des frais d’échange.

ii)    Détermination du lieu de prestation

71.      Il faut en outre examiner où classer ce service dans le système de règles régissant le lieu de prestation prévu par la sixième directive. Une application des dispositions de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive est envisageable. À cet effet, l’interprétation de ces dispositions requiert quelques remarques préliminaires.

72.      L’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive contient une règle générale de détermination du lieu de rattachement fiscal, alors que le paragraphe 2 de ce même article prévoit plusieurs critères de rattachement spécifiques (19).

73.      La sixième directive ne régit pas explicitement le rapport entre la règle de base, prévue à l’article 9, paragraphe 1, et les règles spécifiques, prévues au paragraphe 2, mais la Cour a jugé qu’il n’existe aucune prééminence du paragraphe 1 sur le paragraphe 2 de cette disposition. La question qui se pose dans chaque situation consiste à se demander si elle relève de l’une des dispositions de l’article 9, paragraphe 2; à défaut, elle relève du paragraphe 1 (20). La Cour en a déduit que la règle spécifique de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive ne saurait être considérée comme une exception à une règle générale, devant recevoir une interprétation stricte (21).

74.      Ainsi, la Cour considère manifestement que l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive contient les règles spéciales dont il faut examiner l’applicabilité de prime abord, conformément au principe lex specialis derogat legi generali, et qu’il convient d’appliquer si les conditions sont réunies (22).

75.      Il faut donc, tout d’abord, étudier si l’opération déjà décrite relève du champ d’application de la règle spécifique prévue à l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive. Il faut, pour cela, que le service en cause «se rattach[e] à un bien immeuble».

76.      Il convient toutefois de savoir à quel bien immeuble exactement se rapporte le service en cause. Un rattachement au bien immeuble auquel se rapporte déjà le droit d’utilisation à temps partagé du membre, comme le préconisent les gouvernements espagnol et grec ainsi que la Commission, est en principe envisageable.

77.      Indépendamment des conditions précises devant être réunies pour qu’existe un tel lien, que j’examinerai de plus près par la suite (23), il me semble à première vue que, en l’espèce, il n’existe pas de lien direct entre le service proprement dit et le bien immeuble en cause.

78.      Comme cela a déjà été exposé, pour un nouveau membre, l’accès à RCI Weeks constitue en quelque sorte un préalable à la participation effective au programme d’échanges (24). Les prestations de services de la requérante, consistant à fournir l’accès et des informations, sont en fait destinées à préparer le membre au programme d’échanges, sans comporter d’obligation de participation. En conséquence, à ce stade, il n’y a pas encore d’échange de droits d’utilisation en période de vacances.

79.      L’adhésion à RCI Weeks donne certes au membre la possibilité d’apporter ses propres droits d’utilisation à temps partagé dans la bourse d’échange, cependant, l’obtention de ce droit ne lui donne rien tant que les conditions de réalisation effectives d’un échange ne sont pas réunies.

80.      Le seul fait de donner la possibilité d’apporter ses propres droits d’utilisation à temps partagé dans une bourse d’échange ne peut en soi être considéré comme une prestation principale aux fins de la TVA. D’un point de vue objectif, cela constitue tout au plus une prestation purement accessoire et non une fin en soi pour un membre, mais le moyen permettant de recourir dans les meilleures conditions au service principal du prestataire – consistant à permettre l’échange de droits d’utilisation à temps partagé.

81.      Le principe de l’[«unité de la prestation» (25) aux fins de la TVA interdit de considérer une telle prestation accessoire comme une prestation indépendante. Selon une jurisprudence constante de la Cour (26), l’opération imposable ne peut être décomposée en ses différents éléments constitutifs pour les soumettre séparément à la TVA. Il faut, au contraire, prendre en compte la composante principale d’un ensemble de prestations pour qualifier une opération. A fortiori, une telle prestation accessoire ne saurait être considérée comme déterminante pour identifier le lieu de prestation, c’est au contraire la véritable prestation principale qui doit l’emporter. Seule cette dernière est considérée comme une prestation imposable au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive.

82.      L’application de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive est en fin de compte exclue puisque, en l’espèce, on ne peut discerner de lien suffisamment étroit entre la prestation véritable, en contrepartie de laquelle un membre verse des frais d’adhésion, et le bien immeuble, auquel se rapportent ses droits d’utilisation à temps partagé.

83.      Si l’on considère, comme à présent, que la prestation en cause, pour laquelle un membre verse des frais d’adhésion, consiste uniquement en l’accès à la bourse d’échange, ainsi qu’en la fourniture d’informations relatives aux possibilités d’échanges de droits d’utilisation à temps partagé, alors une application de l’article 26 de la sixième directive doit également être exclue, puisque la requérante ne recourt pas à cet effet à des livraisons et à prestations de services d’autres assujettis, qui seraient destinées à l’organisation d’un voyage.

84.      Comme aucune règle spécifique n’est applicable, c’est la règle générale prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive qui s’applique. Par conséquent, le lieu de prestation de la contrepartie des frais d’adhésion est l’endroit où la requérante a établi le siège de son activité économique.

b)      Cotisations

i)      Qualification de contrepartie

85.      Il ressort des observations de la requérante qu’il n’y a pas de distinction matérielle entre les frais d’adhésion et les cotisations, puisque ces frais sont payables par les membres pour participer au programme RCI Weeks et pour se prévaloir des avantages associés à la qualité d’adhérent au programme (27).

86.      Le versement des cotisations ne semble pas être autre chose que le paiement régulier d’un montant forfaitaire en contrepartie de l’utilisation de l’ensemble de la gamme de services offerte par la requérante. En conséquence, il doit être effectué même si le membre ne participe pas au programme d’échanges, que ce soit parce qu’il n’a pas apporté de droits d’utilisation à temps partagé lui appartenant ou parce qu’il n’a pas trouvé de droit correspondant en échange.

87.      Il est indiscutable que, en l’espèce, il existe un rapport juridique, au cours duquel des prestations réciproques sont échangées. À cet égard, il importe peu que les cotisations ne puissent être rapportées à chaque utilisation personnelle du programme d’échanges. Comme l’a jugé la Cour dans l’affaire Kennemer Golf (28), il existe un rapport juridique synallagmatique dès lors qu’une association fournit de nombreuses prestations et que, en contrepartie, ses membres versent un montant forfaitaire sous forme de cotisation annuelle. Partant, les prestations fournies par la requérante remplissent les conditions requises pour constituer des prestations de services effectuées à titre onéreux au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive et sont donc, en principe, soumises à la TVA.

ii)    Détermination du lieu de prestation

88.      Dans la mesure où les cotisations sont conçues comme contrepartie de nombreuses prestations de services, qui, premièrement, ne sont pas toujours rattachées à un bien immeuble et, deuxièmement, ne sont pas nécessairement fournies dans le cadre de l’échange de droits d’utilisation à temps partagé, il serait cependant faux à mon avis de considérer qu’il existe un lien avec un bien immeuble au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive. Cela ne correspondrait pas aux faits exposés et conduirait, de plus, à une extension injustifiable de cette règle spécifique.

89.      Tout comme les frais d’adhésion, les cotisations sont liées à la qualité de membre et aux avantages qu’elle comporte. Il semble, par conséquent, logique de les traiter comme les frais d’adhésion aux fins de la TVA.

90.      En conséquence, le lieu de prestation de la contrepartie des cotisations est l’endroit où la requérante a établi le siège de son activité économique, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive.

c)      Frais d’échange

i)      Qualification de contrepartie

91.      À la différence des rémunérations évoquées précédemment, le membre verse les frais d’échange en contrepartie de la réalisation effective du programme d’échanges. La requérante, qui, ce faisant, remplit surtout une fonction de coordination (29), facture les frais d’échange au membre, au plus tard au moment où un tel échange est effectué en bonne et due forme.

92.      Ainsi, les deux parties au contrat fournissent leur prestation pour obtenir la contrepartie. Il est donc indiscutable que les droits des deux parties résultent d’un rapport juridique synallagmatique.

ii)    Détermination du lieu de prestation

93.      En revanche, la règle régissant le lieu de prestation est controversée.

–       Applicabilité de la règle spécifique pour les agences de voyages

94.      La première règle envisageable est le régime spécifique prévu à l’article 26 de la sixième directive. À la différence des autres intervenants dans la procédure, le gouvernement du Royaume-Uni n’exclut pas totalement qu’elle soit applicable.

Esprit et finalité de la règle

95.      L’article 26 de la sixième directive institue une exception au régime général relativement à la base imposable pour ce qui concerne certaines opérations des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques (30). Cet article constitue une exception au régime normal de la sixième directive et ne doit être appliqué que dans la mesure nécessaire pour atteindre son objectif (31).

96.      Le régime particulier de TVA institué par l’article 26 de la sixième directive vise à adapter le droit applicable aux spécificités de l’activité des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques. Les services fournis par ces entreprises se caractérisent par le fait que, le plus souvent, ils se composent de multiples prestations, notamment en matière de transport et d’hébergement, qui se réalisent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire de l’État membre où l’entreprise a son siège ou un établissement stable. L’application des règles de droit commun concernant le lieu d’imposition, la base d’imposition et la déduction de la taxe amont se heurterait, en raison de la multiplicité et de la localisation des prestations fournies, à des difficultés pratiques pour ces entreprises, qui seraient de nature à entraver l’exercice de leur activité (32).

97.      Pour éviter cela, l’article 26, paragraphe 2, prévoit, notamment, que les opérations effectuées pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique au voyageur. Celle-ci est imposée dans l’État membre dans lequel l’agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services.

Conditions d’applicabilité

–       Qualité d’agence de voyages ou d’organisateur de circuits touristiques

98.      Il convient, tout d’abord, d’observer que le fait que la requérante ne soit, à proprement parler, ni une agence de voyages ni un organisateur de circuits touristiques ne constitue pas, en soi, un obstacle à l’application de l’article 26 de la sixième directive, dès lors que, conformément à la jurisprudence de la Cour, elle effectue des opérations identiques dans le cadre d’une autre activité (33).

99.      En l’espèce, cette condition est remplie. En proposant des services qui permettent à ses membres d’utiliser des résidences de vacances situées à l’étranger pour y passer leurs vacances, la requérante exerce une activité qui ressemble, dans une certaine mesure, à celle d’une agence de voyages ou d’un organisateur de circuits touristiques, sans lui correspondre tout à fait. De surcroît, l’esprit et la finalité de l’article 26 de la sixième directive justifient d’inclure l’activité de la requérante dans son champ d’application. En effet, l’activité de la requérante est soumise aux mêmes risques de double imposition qu’une agence de voyages ou qu’un organisateur de circuits touristiques, en raison du grand nombre de prestations qu’elle fournit et de la séparation entre le siège de l’entreprise et l’objet de la prestation.

–       Agir en son propre nom

100. Conformément au paragraphe 1 de l’article 26, pour que ce dernier soit applicable, il faut que l’agence de voyages agisse en son propre nom à l’égard du voyageur et utilise, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d’autres assujettis. En revanche, une agence de voyages se contentant de servir d’intermédiaire ne relève pas du champ d’application de l’article 26, mais fournit des prestations d’intermédiaire depuis son siège, conformément à la règle générale énoncée à l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive (34).

101. Ce qui est décisif, c’est donc d’abord de savoir si la requérante fournit ses prestations de services en son propre nom ou au nom d’autrui.

102. Comme le fait remarquer à juste titre le gouvernement espagnol (35), tout dépend de la question de savoir si l’activité de la requérante se limite à rapprocher deux membres, afin qu’ils puissent convenir contractuellement d’un échange de droits d’utilisation en période de vacances. Dans cette hypothèse, il s’agirait d’une médiation, car la requérante agirait pour le compte d’autrui. En revanche, si les membres échangent leurs droits sans savoir qui en bénéficiera, parce que la requérante se charge elle-même de la coordination et distribue les droits d’utilisation en période de vacances, celle-ci agit alors en son propre nom.

103. D’après les indications de la requérante au principal, celle-ci agit à chaque fois «au nom de l’adhérent», tant lors de la vérification de la disponibilité de la résidence de vacances choisie que de la recherche d’offres alternatives (36). Elle indique, en outre, que les membres n’ont de contact qu’avec son personnel et qu’il n’existe aucune communication directe entre eux (37). Ces explications conduisent à considérer que la requérante au principal est le seul partenaire contractuel des membres.

104. La requérante n’agit donc pas en tant qu’intermédiaire. Elle agit au contraire en son propre nom, au sens de l’article 26, paragraphe 1, de la sixième directive.

–       Utilisation de livraisons et de prestations de services d’autres assujettis

105. En revanche, il n’est pas certain qu’une autre condition essentielle nécessaire à l’application de cette règle soit remplie en l’espèce, à savoir l’utilisation de livraisons et de prestations d’autres assujettis. Il s’agirait par exemple de services d’hébergement et de transport fournis par des tiers. Il faudrait toutefois que ces prestations fournies par des tiers représentent plus qu’un moyen de bénéficier dans de meilleures conditions du service principal de cet opérateur économique. Autrement, d’après la jurisprudence de la Cour (38), ces prestations resteraient purement accessoires et il n’y aurait pas lieu de les taxer conformément à l’article 26 de la sixième directive. L’article 26 de la sixième directive serait applicable si, outre les services liés à l’échange de droits d’utilisation de logements, la requérante proposait d’autres prestations, fournies de manière habituelle par des tiers, comme le transfert en Espagne.

106. Ni l’ordonnance de renvoi ni le mémoire de la requérante ne comportent d’informations précises indiquant que celle-ci utilise des livraisons et des prestations de tiers assujettis pour fournir des services à ses membres. On sait seulement que la requérante peut compléter le Weeks Pool par achat de logements à des tiers ou mise à disposition de semaines supplémentaires par un promoteur. Moyennant le paiement de frais d’échange, un membre peut également demander un échange avec un logement issu de cette offre complémentaire. Toutefois, les précisions nécessaires à une appréciation juridique de ces transactions me paraissent insuffisantes.

107. Il incombe, par conséquent, à la juridiction nationale d’examiner dans le détail s’il y a, en l’espèce, utilisation de livraisons et de prestations. En cas de réponse négative, l’article 26 de la sixième directive ne serait pas applicable.

–       Applicabilité de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive

108. Si l’article 26 de la sixième directive n’est pas applicable, il convient alors d’examiner si une prestation de services, consistant à faciliter l’échange, entre leurs titulaires, de droits d’utilisation à temps partagé portant sur des résidences de vacances déterminées, se rattache à un bien immeuble déterminé au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a).

109. Selon moi, une interprétation de cette disposition fondée sur son libellé permet de considérer qu’un tel lien existe, puisque les prestations fournies par la requérante sont destinées à donner au membre un droit d’utilisation d’un bien immeuble déterminé, appartenant à autrui, pendant une période déterminée.

110. Toutefois, dans ses conclusions dans l’affaire Heger (39), l’avocat général Sharpston a exprimé des réserves à l’encontre d’une interprétation de cette disposition fondée uniquement sur son libellé. Elle a fait remarquer, à juste titre, qu’une interprétation trop extensive de l’expression «se rattachant à» ne serait pas appropriée, puisque tout service peut, en fin de compte, d’une manière ou d’une autre, être «rattaché» à un bien immeuble, entendu comme un espace délimité. De fait, selon la prestation de services, un tel rattachement à un bien immeuble peut être plus ou moins étroit ou marqué.

111. La Cour s’est abstenue jusqu’à présent de préciser les conditions requises quant à la nature et au degré de ce rattachement. Elle a simplement jugé, dans l’arrêt Heger (40), que seules des prestations de services présentant un «lien suffisamment direct» avec un bien immeuble relèvent de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, d’autant plus qu’un tel lien caractérise toutes les prestations de services énumérées dans cette disposition.

112. Cela étant précisé, on peut se demander si l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous a), défendue ici peut également s’appuyer sur sa position dans le système des dispositions régissant le lieu de prestation, ainsi que sur son esprit et sa finalité.

113. La liste d’exemples que contient l’article 9, paragraphe 2, sous a), s’avère révélatrice, étant donné la clarté de son libellé («y compris», «comme, par exemple»), elle n’est nullement limitative puisque, comme la Cour l’a évoqué dans l’arrêt Heger, elle donne des indications importantes quant à la nature et à la qualité d’un tel rattachement.

114. Lors de l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, il convient néanmoins de prendre en compte la jurisprudence de la Cour selon laquelle, à défaut d’une définition explicite ou d’un renvoi à l’ordre juridique des États membres, les notions contenues dans la sixième directive constituent des notions autonomes du droit communautaire et doivent, dès lors, recevoir une définition communautaire (41).

115. En tout état de cause, les exemples de prestations de services se rattachant à un bien immeuble, énumérés à l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, incitent à penser que l’existence d’un lien physique ne saurait constituer un critère impératif, étant donné qu’un agent immobilier et un architecte peuvent fournir leurs prestations, même lorsqu’ils n’ont jamais visité le bien ou n’y ont jamais pénétré. Il suffit, pour l’agent immobilier, de connaître le bien et, pour l’architecte, de disposer des plans.

116. Il ne semble pas non plus nécessaire que la prestation soit fournie exclusivement par celui qui a le droit de disposer du bien, que ce soit en transférant la propriété ou en la grevant d’une charge réelle, ou même en la louant à des tiers, au sens du droit des obligations, puisque le titulaire du droit et l’agent immobilier sont, en règle générale, des personnes différentes.

117. En revanche, le fait que l’élément central de la prestation serait impossible, ou n’aurait pas de sens, en l’absence d’un bien immeuble concret, paraît déterminant. À cet égard, tout lien matériel avec un bien immeuble, ou des parties d’un tel bien, semble suffire (42). Cette formulation désigne, par exemple, les prestations de services portant sur l’utilisation, la disposition, la construction et l’entretien d’un bien immeuble, y compris les services servant directement ces activités sans qu’une autre activité économique prédomine (43).

118. Un agent immobilier et un architecte remplissent sans aucun doute ces conditions, car l’activité de ces deux professions est inconcevable en l’absence de biens immeubles. Il en va de même du modèle d’entreprise de la requérante qui ne peut être mis en œuvre en l’absence de biens immeubles sur lesquels portent des droits d’utilisation à temps partagé.

119. Par ailleurs, si l’on compare les prestations de la requérante avec celles des types de professions mentionnés à titre d’exemple par le législateur, on constate une similitude assez prononcée avec les prestations d’un agent immobilier. Les prestations de services fournies par ce dernier se caractérisent par une mise en relation visant à conclure ou à fournir l’opportunité de conclure des contrats portant sur des biens immeubles, l’objet de ces contrats pouvant être la cession, l’acquisition, mais aussi la location de biens immeubles ou de parties de tels biens. La prestation de services de la requérante a en commun avec celle d’un agent immobilier son objet, consistant à accorder l’usage d’un bien immeuble, en servant en quelque sorte d’intermédiaire entre les parties intéressées, un peu comme un agent immobilier, et moyennant une contrepartie en cas de succès et d’accord sur le transfert de l’usage.

120. Il ressort de la description du type de profession exercé par l’agent immobilier que le transfert de l’usage qu’il permet consistera, en règle générale, en la cession ou la location d’un bien immeuble. Cette dernière activité pourra être qualifiée de prestation au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, en raison de son lien étroit avec un bien immeuble déterminé (44).

121. Toutefois, selon moi, le fait qu’en l’espèce il s’agisse exclusivement de l’échange de droits d’utilisation à temps partagé ne s’oppose pas à l’application de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive.

122. Premièrement, la liste qu’elle comporte, comme nous l’avons déjà dit, n’est pas limitative, mais donne plutôt des exemples et, partant, ne s’oppose pas à une extension, par voie jurisprudentielle, à d’autres types de prestations de services.

123. Deuxièmement, indépendamment de sa nature juridique en vertu des droits respectifs des États membres (45), le droit d’utilisation à temps partagé confère à son titulaire un droit d’usage comparable à celui que lui donne la location d’un logement (46). L’échange de droits d’utilisation à temps partagé qui constitue l’activité de la requérante n’opère certes pas de transfert de droits d’un membre à l’autre. Toutefois, comme les contrats de «time-sharing» prévoient souvent la possibilité de mettre des droits d’utilisation à la disposition de tiers, à titre onéreux ou non, l’autre membre prenant part à l’échange peut invoquer ces droits (47).

124. Troisièmement, imposer les opérations réalisées au lieu où le bien immeuble est situé serait conforme au principe de destination. Cela tiendrait compte du fait que le membre ne peut utiliser le logement de vacances choisi que sur place et ne peut, aux fins de la TVA, consommer la prestation dont il bénéficie que là où le bien est situé.

125. Il résulte de tout ce qui précède qu’il existe un lien suffisamment direct entre une prestation, consistant à faciliter l’échange de droits d’utilisation à temps partagé portant sur des résidences de vacances déterminées entre leurs titulaires, et le bien immeuble sur lequel porte le droit faisant l’objet de l’échange. Par conséquent, le lieu de prestation est l’endroit où est situé ce bien immeuble, conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive.

VIII – Conclusions de l’analyse

126. À l’issue de cette analyse, ma conclusion est que les prestations fournies par la requérante en contrepartie du versement des frais d’adhésion et des cotisations ne se rattachent pas directement à un bien immeuble au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive (ou de l’article 45 de la directive 2006/112) et, partant, relèvent du champ d’application de la règle générale énoncée à l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive (ou à l’article 43 de la directive 2006/112).

127. En revanche, la détermination du lieu de prestation des services fournis par la requérante en contrepartie du versement des frais d’échange dépend de l’utilisation, ou non, par la requérante, des livraisons et des prestations d’autres assujettis pour fournir des prestations de services à ses membres. Comme la Cour ne dispose pas d’indications précises sur ce point, il incombe au juge national de vérifier dans quelle mesure cette condition est remplie en l’espèce. Dans l’affirmative, la règle spécifique de l’article 26, paragraphe 1, de la sixième directive (ou de l’article 307, deuxième alinéa, de la directive 2006/112) est applicable. Toutefois, si cette condition n’est pas remplie, c’est l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive (ou l’article 45 de la directive 2006/112) qu’il convient d’appliquer.

IX – Conclusion

128. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions posées par le VAT and Duties Tribunal:

«1)      Les prestations de services fournies par la requérante en contrepartie du versement des frais d’adhésion et des cotisations ne se rattachent pas directement à un bien immeuble au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (ou de l’article 45 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006) et, partant, relèvent du champ d’application de la règle générale énoncée à l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive (ou à l’article 43 de la directive 2006/112). Par conséquent, le lieu de prestation est l’endroit où la requérante a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue.

2)      Quant aux prestations fournies par la requérante en contrepartie du versement des frais d’échange, il incombe au juge national de vérifier si la requérante utilise des livraisons et des prestations d’autres assujettis. Si cette condition est remplie, la règle spécifique énoncée à l’article 26, paragraphe 1, de la sixième directive (ou à l’article 307, deuxième alinéa, de la directive 2006/112) est applicable. Il convient alors de considérer que le lieu de prestation est l’endroit où la requérante a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue.

Toutefois, si cette condition n’est pas remplie, il convient d’appliquer l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive et, partant, de considérer que le lieu de prestation est l’endroit où est situé le bien immobilier en cause.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 145, p. 1.


3 – JO L 347, p. 1.


4 – Correspondant à l’article 43 de la directive 2006/112.


5 – Correspondant à l’article 45 de la directive 2006/112.


6 – Correspondant aux articles 306 et suiv. de la directive 2006/112.


7 – Arrêt du 25 janvier 2001 (C-429/97, Rec. p. I-637).


8 – Voir, également, en ce sens Haunold, P., Mehrwertsteuer bei sonstigen Leistungen – Die Besteuerung grenzüberschreitender Dienstleistungen, Vienne, 1997, p. 121. Voir également Terra, B., et Kajus, J., A guide to the European VAT Directives – Introduction to the European VAT 2008, tome 1, p. 497, qui considèrent que la théorie de la détermination du lieu de prestation ne concerne pas les opérations qui relèvent de la compétence fiscale d’un seul et même État membre. À partir du moment où les administrations fiscales de plusieurs États membres sont compétentes, par exemple lorsque des marchandises sont transférées sur le territoire d’un autre État membre ou que des prestations sont fournies à une personne domiciliée dans un autre État membre, il n’est plus possible de déterminer avec certitude si une activité a été réalisée sur le territoire d’un certain État ou hors de celui-ci. La détermination du lieu de la prestation est essentielle pour savoir si une TVA doit être perçue et laquelle.


9 – Weiermayer, R., «Der Leistungsort im Blicke der Rechtsprechung der EuGH», dans EuGH-Rechtsprechung und Umsatzsteuerpraxis (publié par M. Achatz et M. Tumpel), Vienne, 2001, p. 125.


10 – Voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz (168/84, Rec. p. 2251, point 14); du 26 septembre 1996, Dudda (C-327/94, Rec. p. I-4595, point 20); du 6 mars 1997, Linthorst, Pouwels en Scheres (C-167/95, Rec. p. I-1195, point 10), et du 12 mai 2005, RAL (Channel Islands) e.a. (C-452/03, Rec. p. I-3947, point 23). Dans ces arrêts, la Cour a expliqué que l’objectif des dispositions de l’article 9 de la sixième directive était d’éviter des conflits de compétence susceptibles de conduire à des doubles impositions, ainsi que la non-imposition de recettes.


11 – Selon Menner, S., Die Umsatzsteuer-Harmonisierung in der Europäischen Gemeinschaft – Entwicklung und Zukunft unter besonderer Berücksichtigung der freien Berufe, Cologne, 1992, p. 81, l’objectif principal de cette disposition est de délimiter clairement les compétences fiscales entre les États membres, afin d’éviter les doubles impositions et la non-imposition de la consommation.


12 – Dans ses conclusions du 7 mars 2006 dans l’affaire Heger (arrêt du 7 septembre 2006, C-166/05, Rec. p. I-7749), point 27, l’avocat général Sharpston considère que le législateur communautaire a créé un degré de tension interne dans la sixième directive, dans la mesure où la règle concernant le lieu de la prestation de services se fonde sur le principe d’origine plutôt que sur le principe de destination, alors que le principe de base de la TVA, qui est une taxe sur la consommation, est qu’elle doit être prélevée au lieu de consommation.


13 – Communier, J.-M., Droit fiscal communautaire, Bruxelles, 2001, p. 293, explique cela par la genèse de la sixième directive. D’après lui, initialement, le principe du siège de l’entreprise apparaissait beaucoup plus pratique dans la proposition de sixième directive dans la mesure où cette proposition contenait à l’origine peu de dérogations. Cependant, lors des ultimes négociations, les dérogations se sont multipliées et le texte adopté par le Conseil en mai 1977 s’avère désormais délicat à appliquer.


14 – Les notions de livraisons et de prestations de services sont exclusives l’une de l’autre. L’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive dispose que «[e]st considérée comme ‘prestation de services’, toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5». D’après l’article 5, paragraphe 1, de cette même directive, «[e]st considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire». Des difficultés de délimitation apparaissent lorsque des prestations sont constituées d’un ensemble d’éléments, mais ne peuvent être qu’une livraison ou bien une prestation en raison du principe d’unité de la prestation (voir point 21 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, du 23 novembre 2004, dans l’affaire, Hotel Scandic Gåsabäck, arrêt du 20 janvier 2005, C-412/03, Rec. p. I-743; Haunold, P., «Der Steuergegenstand», dans EuGH-Rechtsprechung und Umsatzsteuerpraxis, publié par M. Achatz et M.  Tumpel, Vienne, 2001, p. 110). À l’occasion de plusieurs affaires, la Cour s’est penchée sur la question de savoir si une opération devait être qualifiée de livraison de biens ou de prestation de services aux fins de la TVA (voir, par exemple, arrêts du 14 mai 1985, Van Dijk’s Boekhuis, 139/84, Rec. p. 1405; du 17 novembre 1993, Commission/France, C-68/92, Rec. p. I-5881; du 2 mai 1996, Faaborg-Gelting Linien, C-­231/94, Rec. p. I-2395, et du 14 juillet 1998, First National Bank of Chicago, C-172/96, Rec. p. I-4387).


15 – Quant au caractère onéreux d’une prestation de services, la Cour a déjà jugé qu’une prestation de services n’est effectuée «à titre onéreux», au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive, et n’est dès lors taxable, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (voir, par exemple, arrêts du 3 mars 1994, Tolsma, C-16/93, Rec. p. I-743, point 14; First National Bank of Chicago, précité note 14, points 26 à 29, et du 21 mars 2002, Kennemer Golf, C-174/00, Rec. p. I-3293, point 39).


16 – Kelp, U., Time-Sharing-Verträge, Baden-Baden, 2005, p. 45, fait remarquer que, en raison de la diversité de l’économie des contrats de «time-sharing», ceux-ci ne constituent pas un type de contrat homogène. Selon lui, il n’est pas possible de classer les contrats de «time-sharing» dans l’une des catégories classiques du droit privé allemand, même en distinguant entre contrats de «time-sharing» selon qu’ils relèvent du droit des obligations, d’un droit réel ou bien du droit des sociétés ou des associations. C’est pourquoi, quand ces contrats sont apparus dans l’espace juridique germanique, on les a tout d’abord classés parmi les contrats atypiques ou courants, caractérisés par l’absence de réglementation légale, malgré leur fréquence croissante, ainsi que la conformité entre la situation juridique et le contenu normatif du contrat. Vanbrabant, B., Time-Sharing, Bruxelles, 2006, p. 29 et suiv., et Mostin, C., et Feron, B., «Le time-sharing: une nouvelle forme de propriété? Analyse en droit belge et en droit comparé», Annales de droit de Louvain (1994), p. 33 et suiv., mentionnent différentes constructions juridiques susceptibles de faire rentrer les contrats de «time-sharing» dans les catégories du droit civil français et belge. Selon eux, les schémas envisageables relèvent du droit de créance, d’un droit réel et du droit des sociétés ou des associations. Vanbrabant fait remarquer que, au Portugal et en Espagne, les droits d’utilisation à temps partagé sont considérés comme constituant des droits réels. Au Portugal, le «direito de habitaçao periodica» a été créé dès les années 80, alors que le Royaume d’Espagne a adopté la loi n° 42/1998 du 15 décembre 1998 (Ley 42/1998, de 15 diciembre de 1998, sobre derechos de aprovechiamento por turno de bienes inmuebles de uso turístico y normas tributarias). Papp, T., «Time-sharing Contract», Tanulmányok Dr. Bensenyei Lajos, Egytemi Tanár, to. Születésnapjára, Szeged 2007, p. 573, indique qu’il convient de classer les contrats de «time-sharing» dans la catégorie des contrats atypiques.


17 – JO L 280, p. 83.


18 – Voir arrêts du 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council (102/86, Rec. p. 1443, points 11, 12 et 16); du 23 novembre 1988, Naturally Yours Cosmetics (230/87, Rec. p. 6365, point 11); Tolsma (précité note 15, point 14); du 16 octobre 1997, Fillibeck (C-258/95, Rec. p. I-5577, point 12); Kennemer Golf (précité note 15, point 39); du 19 juin 2003, First Choice Holidays (C-149/01, Rec. p. I-6289, point 30); du 23 mars 2006, FCE Bank (C-210/04, Rec. p. I-2803, point 34), et du 18 juillet 2007, Société thermale d’Eugénie-les-Bains (C-277/05, Rec. p. I-6415, point 19).


19 – Arrêt Heger (précité note 12, point 15).


20 – Voir, en ce sens, arrêts Dudda (précité note 10, point 21); RAL Channel Islands e.a. (précité note 10, point 24); du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen et OV Bank (C-41/04, Rec. p. I-9433, point 33); et Heger (précité note 12, point 15). Cette jurisprudence constitue un revirement par rapport à celle de l’arrêt Berkholz (précité note 10, point 17), estimant que, selon l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive, l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique est, en règle générale, le point de rattachement prioritaire.


21 – Voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2001, SPI (C-108/00, Rec. p. I-2361, point 17).


22 – Voir également Weiermayer, R., précité (note 9), p. 134.


23 – Voir points 108 et suiv. des présentes conclusions.


24 – Voir point 68 des présentes conclusions.


25 – L’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a employé cette expression («principe de l’unité de la prestation») pour la première fois dans ses conclusions dans l’affaire Hotel Scandic Gåsabäck (précitée note 14, point 21). Elle est tirée de Haunold, P., «Der Steuergegenstand», précité (note 14), p. 111.


26 – Voir, concernant la nature des prestations liées aux fins de la TVA, mes conclusions du 9 décembre 2008 dans l’affaire RLRE Tellmer Property (C-572/07, pendante devant la Cour, points 33 et suiv.). Il découle de l’article 2 de la sixième directive que chaque prestation de services doit normalement être considérée comme distincte et indépendante [voir arrêts du 25 février 1999, CPP, C-349/96, Rec. p. I-973, point 29; Levob Verzekeringen et OV Bank, précité note 20, point 20, et du 21 février 2008, Part Service, C-425/06, Rec. p. I-897, point 50). Toutefois, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi donner lieu, distributivement, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (voir arrêt Part Service, précité, point 51). Tel est le cas, par exemple, lorsque, au terme d’une analyse même simplement objective, il est constaté qu’une ou plusieurs prestations constituent une prestation principale et que la ou les autres prestations constituent une ou plusieurs prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale (voir arrêts CPP, précité, point 30; du 15 mai 2001, Primback, C-34/99, Rec. p. I-3833, point 45; Levob Verzekeringen et OV Bank (précité note 20, point 21, et Part Service, précité, point 52). En particulier, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (voir arrêts précités CPP, point 29, et Part Service, point 52). Il peut également être considéré que l’on se trouve en présence d’une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (voir arrêts précités Levob Verzekeringen et OV Bank, point 22, et Part Service, point 53).


27 – Voir point 32 du mémoire de la requérante.


28 – Arrêt précité note 15, point 40. Cette affaire portait principalement sur le classement des prestations d’une association sportive en tant que prestations de services au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive. Pour la Cour, la circonstance que la cotisation annuelle versée par les membres d’une association sportive soit forfaitaire et ne puisse être rapportée à chaque utilisation personnelle du parcours de golf ne changeait rien au fait que des prestations réciproques étaient échangées entre les membres d’une association sportive et l’association elle-même. En effet, les prestations de l’association étaient constituées par la mise à disposition de ses membres, de manière permanente, des installations sportives ainsi que des avantages y afférents et non pas par des prestations ponctuelles effectuées à la demande de ces derniers. Il y avait donc un lien direct entre les cotisations annuelles des membres d’une association sportive telle que celle en cause au principal et les prestations fournies par celle-ci.


29 – Selon Kelp, U., précité (note 16), p. 27, une organisation d’échanges coordonne les souhaits d’échange des utilisateurs en proposant les droits d’utilisation des candidats à l’échange à d’autres personnes intéressées, pour que ces candidats puissent, en contrepartie, occuper des biens à temps partagé «étrangers» dans d’autres lieux de villégiature.


30 – Arrêts du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C-308/96 et C-94/97, Rec. p. I-6229, point 5), et du 19 juin 2003, First Choice Holidays (précité note 18, point 21).


31 – Arrêts précités Madgett et Baldwin (point 34) et First Choice Holidays (point 22).


32 – Arrêts du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C-163/91, Rec. p. I-5723, points 11 et suiv.); du 20 février 1997, DFDS (C-260/95, Rec. p. I-1005, point 13); Madgett et Baldwin (précité note 30, point 18); First Choice Holidays (précité note 18, points 23 à 25), et du 13 octobre 2005, iSt (C-200/04, Rec. p. I-8691, point 21).


33 – Dans l’arrêt Madgett et Baldwin (précité, note 30, point 20), la Cour a jugé que les raisons sous-jacentes au régime particulier applicable aux agences de voyages et aux organisateurs de circuits touristiques sont également valables dans l’hypothèse où l’opérateur économique n’est pas une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques au sens généralement donné à ces termes, mais effectue des opérations identiques dans le cadre d’une autre activité, telle que l’activité hôtelière. Une interprétation réservant l’application de l’article 26 de la sixième directive aux seuls opérateurs économiques qui sont des agences de voyages ou des organisateurs de circuits touristiques au sens généralement donné à ces termes aurait pour effet que des prestations identiques relèveraient de dispositions différentes selon la qualité formelle de l’opérateur économique. Confirmé par l’arrêt iSt (précité note 32, point 22).


34 – Voir, également, en ce sens Birkenfeld, W., et Forst, C., Das Umsatzsteuerrecht im Europäischen Binnenmarkt, 3e édition, Bielefeld, 1998, p. 169.


35 – Voir point 20 du mémoire du gouvernement espagnol.


36 – La requérante explique ce qui suit au point 11 de son mémoire: «Once a member selects an available Exchange Property, the Appellant, acting on behalf of the member, seeks to confirm the exchange by checking the availability of the Exchange Property. If there is no availability, the Appellant, still acting on behalf of the member, will seek to identify alternative properties which may be suitable and offer them to the member who is free to accept them or not» (c’est moi qui souligne).


37 – Voir point 33 du mémoire de la requérante.


38 – Voir arrêts Madgett et Baldwin (précité note 30, points 24 à 27) et iSt (précité note 32, points 25 à 27). La Cour a considéré que des prestations sortant des missions traditionnellement dévolues aux hôteliers et dont la réalisation ne peut être dénuée de répercussion sensible sur le forfait pratiqué, telles que le voyage jusqu’à l’hôtel à partir de points de ramassage éloignés, ne peuvent pas être assimilées à des prestations de services purement accessoires. Elle a, en revanche, estimé que des prestations liées de manière habituelle à la formation et à l’éducation linguistiques, telles que le transfert vers l’État de destination et/ou le séjour dans celui-ci, constituaient des prestations purement accessoires.


39 – Conclusions précitées, note 12, points 31 et 33.


40 – Arrêt précité note 12, point 24.


41 – Cette jurisprudence, qui concernait au départ l’interprétation des exonérations prévues à l’article 13 de la sixième directive (voir arrêts du 12 septembre 2000, Commission/Irlande, C-358/97, Rec. p. I-6301, point 51; du 16 janvier 2003, Maierhofer, C-315/00, Rec. p. I-563, point 25, et du 12 juin 2003, Sinclair Collis, C-275/01, Rec. p. I-5965, point 22), doit également s’appliquer à la définition des notions contenues à l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive. Premièrement, l’article 9, paragraphe 2, sous a), ne définit pas les notions qui y sont employées et ne renvoie pas à cet effet aux ordres juridiques nationaux. Deuxièmement, les conflits entre juridictions et administrations fiscales nationales, évoqués au point 51 des présentes conclusions, ne peuvent être évités qu’en appliquant des critères communs et uniformes, comme ceux de la sixième directive, pour déterminer le lieu de prestation. Il faut toutefois, pour y parvenir, que les notions employées à l’article 9, paragraphe 2, sous a), reçoivent une définition communautaire. Voir, en ce sens, déjà point 25 des conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Heger (précitée note 12).


42 – Voir, en ce sens, également Haunold, P., «Mehrwertsteuer bei sonstigen Leistungen – Die Besteuerung grenzüberschreitender Dienstleistungen», précité (note 8), p. 138, ainsi que Martin, S., Umsatzsteuergesetz (édité par Sölch et Ringleb), version du 1er septembre 2005, Munich, § 3a, point 74, p. 14.


43 – Martin, S., précité (note 42), § 3a, point 75, p. 14 et suiv.


44 – Il semble qu’une location de biens immeubles constitue de toute façon une prestation de services se rattachant à un bien immeuble au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive. Voir proposition de sixième directive de la Commission (Bulletin des Communautés européennes, supplément 11/73, p. 12), qui indique explicitement que ce cas de figure relève du champ d’application de la norme, tout comme la location de coffres-forts. Voir également Fuster Gómez, M., El IVA en las operaciones intracomunitaris – Entregas de bienes y prestaciones de servicios, Madrid, 2000, p. 79, qui renvoie à la règle énoncée à l’article 70, paragraphe 1, sous A, de la loi espagnole relative à la TVA (Ley 37/1992, de 28 diciembre, del Impuesto sobre el Valor Añadido), selon lequel la location et le transfert de l’usage sont considérés comme se rattachant directement à un bien immeuble. L’article 3a, paragraphe 2, sous 1, a, en liaison avec l’article 4, sous 12, de la loi allemande relative à la TVA (Umsatzsteuergesetz) prévoit une règle identique en matière de location et d’affermage de biens immeubles.


45 – L’article 1er de la directive 94/47 prévoit que les États membres «restent compétents […] entre autres pour déterminer la nature juridique des droits qui font l’objet des contrats visés par la présente directive». L’article 2 de cette directive définit ainsi le droit d’utilisation à temps partiel comme «un droit réel ou tout autre droit portant sur l’utilisation d’un ou de plusieurs biens immobiliers, pendant une période déterminée ou déterminable de l’année qui ne peut être inférieure à une semaine».


46 – Kelp, U., précité (note 16), p. 118 et suiv., fait observer que, sur le plan du droit des obligations, la mise à disposition du logement constitue l’élément essentiel du «time-sharing», puisque, sans elle, le «time-sharing» portant sur des résidences de vacances n’est pas concevable. C’est pourquoi, selon l’opinion dominante dans la doctrine, le rapport contractuel relève, pour l’essentiel, du droit locatif. L’auteur considère qu’il en va ainsi dès lors que les prestations de services se limitent à l’entretien, au nettoyage et à la gestion du bien sur lequel porte le «time-sharing», d’autant plus que l’entretien du bien locatif fait partie des obligations du bailleur, même dans les contrats de location proprement dits. En outre, le nettoyage et la gestion du bien constituent des prestations accessoires par rapport à la mise à disposition du logement.


47 – Voir Vanbrabant, B., précité (note 16), p. 48; celui-ci fait remarquer que l’échange n’opère pas le transfert du droit d’utilisation. Il donne seulement naissance à des droits de créance entre les utilisateurs et/ou l’entreprise qui gère la bourse d’échange. Kelp, U., précité (note 15), p. 26, estime que la possibilité de mettre des droits d’utilisation à la disposition de tiers explique le succès actuel des bourses d’échange. Les titulaires de droits d’utilisation à temps partagé qui ne veulent pas user eux-mêmes de leur droit devraient en principe trouver eux-mêmes un utilisateur. C’est seulement le placement du bien dans une bourse d’échange, coordonnant les souhaits d’échange des titulaires, qui donne toute sa souplesse au «time-sharing» et permet d’élargir le cercle des clients potentiels.