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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO Cruz Villalón

présentées le 8 septembre 2011 (1)

Affaire C-347/10

A. Salemink

contre

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank Amsterdam (Pays-Bas)]

«Sécurité sociale de travailleurs migrants — Assurance obligatoire — Refus d’allocation d’incapacité de travail — Travailleurs employés sur des plates-formes gazières situées sur le plateau continental adjacent à la mer territoriale d’un État membre»





Table des matières

I —   Le cadre juridique

A —   Le droit international

B —   Le droit de l’Union

C —   Le droit national

II — En fait

III — La question posée

IV — La procédure devant la Cour

V —   Allégations

VI — Appréciation

A —   Considération préliminaire

B —   Le droit international comme point de départ: le plateau continental en tant que domaine d’exercice de pouvoirs souverains des États

C —   Les conséquences pour le droit de l’Union

D —   Les compétences des Pays-Bas sur le plateau continental

E —   L’éventuelle pluralité de régimes de sécurité sociale et leur fondement

F —   Le droit des Pays-Bas en tant que loi nationale applicable sur le plateau continental adjacent à sa côte — Conséquences de l’application du droit de l’Union

VII — Conclusion

1.        La jurisprudence établie dans les arrêts Prodest (2) et Aldewereld (3) peut permettre de donner une réponse à la présente affaire fondée sur le critère du lien particulier entre la relation de travail et l’ordre juridique d’un État membre. Alternativement, la question posée par le Rechtbank Amsterdam (Pays-Bas) peut toutefois également donner à la Cour la possibilité de se prononcer sur la condition du plateau continental (4) en tant que domaine d’exercice de la souveraineté des États membres, et donc sur le champ d’application territorial du droit de l’Union (article 52, paragraphe 1, TUE).

2.        Si, comme je le soutiens dans les présentes conclusions, le plateau continental doit être considéré comme «territoire de l’Union» aux fins de l’application du droit de l’Union dans le domaine des compétences qui lui ont été attribuées par les États membres, la situation juridique des travailleurs employés dans l’exploitation de ses ressources ne peut différer de celle de ceux qui exercent leur activité professionnelle sur le territoire étatique stricto sensu, ou, pour être plus précis, le régime d’assurance de ces travailleurs ne peut présenter d’autres différences que celles s’avérant compatibles avec les libertés garanties par les traités, à la lumière du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit international

3.        L’article 77, paragraphe 1, de la CNUDM dispose:

«L’État côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles.»

4.        Dans des termes similaires, l’article 2, paragraphe 1, de la convention sur le plateau continental (5) (ci-après la «CPC») stipule:

«L’État riverain exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de l’exploration de celui-ci et de l’exploitation de ses ressources naturelles.»

B –    Le droit de l’Union

5.        En vertu de l’article 13 du règlement no 1408/71 (6):

«1. Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2. Sous réserve des articles 14 à 17:

a)      la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre;

[…]»

C –    Le droit national

6.        Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la loi sur l’assurance maladie (Ziektewet, ci-après la «ZW»), on entend par «travailleur» la personne physique n’ayant pas atteint l’âge de 65 ans qui est employée sur la base d’une relation de droit privé ou de droit public. L’article 3, paragraphe 2, de la ZW prévoit que la personne dont l’emploi s’exerce en dehors des Pays-Bas n’est pas considérée comme un travailleur salarié, à moins qu’elle ne réside aux Pays-Bas et que son employeur ne réside également ou ne soit établi aux Pays-Bas.

L’article 7, paragraphe 1, de la loi sur le travail et le revenu en fonction de la capacité de travail (Wet werk en inkomen naar arbeidsvermogen, ci-après la «WIA») prescrit l’assurance obligatoire du travailleur salarié. L’article 8 de la WIA considère quant à lui comme travailleur salarié au sens de ladite loi le «travailleur au sens de la ZW».

7.        En vertu de l’article 18, paragraphes 1 et 2, de la WIA, une assurance volontaire peut être souscrite par la personne n’ayant pas atteint l’âge de 65 ans qui ne peut pas être considérée comme un travailleur salarié au sens de la ZW, dont l’assurance obligatoire a pris fin, qui réside en dehors des Pays-Bas et qui est liée par un contrat de travail d’une durée maximale de cinq ans avec un employeur résidant ou établi aux Pays-Bas.

8.        La loi relative au travail minier en mer du Nord (Wet arbeid Mijnbouw Noordzee, ci-après la «WAMN») ne prévoit pas d’assurance obligatoire pour les travailleurs employés dans la partie néerlandaise du plateau continental. L’article 2 de ladite loi dispose que le droit néerlandais en matière de contrats de travail s’applique au contrat de travail d’un travailleur salarié. Aux fins de l’application des règles de droit international privé, le travail effectué par un travailleur est considéré comme exercé sur le territoire des Pays-Bas. La WAMN ne contient pas de disposition comparable en matière de sécurité sociale.

9.        En vertu de l’article 7 de la convention sur la sécurité sociale conclue entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume d’Espagne le 5 février 1974, les travailleurs occupés sur le territoire de l’une des parties contractantes sont soumis à la législation de cette partie, même s’ils résident sur le territoire de l’autre partie ou si leur employeur ou le siège de l’entreprise qui les emploie se trouve sur le territoire de l’autre partie.

II – En fait

10.      M. A. Salemink, ressortissant néerlandais, a travaillé à partir de 1996 en tant qu’infirmier pour une entreprise néerlandaise sur une plate-forme gazière située sur le plateau continental adjacent à la mer territoriale des Pays-Bas.

11.      Le 10 septembre 2004, M. Salemink, jusqu’alors résident aux Pays-Bas, a transféré sa résidence en Espagne.

12.      Tant qu’il résidait aux Pays-Bas, M. Salemink était couvert par l’assurance obligatoire conformément aux lois néerlandaises applicables aux travailleurs salariés (article 3 de la ZW).

13.      À sa demande et à compter du 4 octobre 2004, M. Salemink a été couvert par l’assurance volontaire conformément à la loi relative au régime général de l’assurance contre l’incapacité de travail (Wet op de arbeidsongeschiktheidsverzekering).

14.      Par décision du 15 juillet 2005, l’Institut de gestion des assurances pour les salariés (Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen, ci-après l’«UWV») a mis fin à cette couverture, faute de paiement de la cotisation correspondante par M. Salemink, avec effet au 4 décembre 2004. Cette décision n’a pas été attaquée par M. Salemink.

15.      Le 15 mai 2006, M. Salemink a de nouveau demandé à l’UWV à être couvert par l’assurance volontaire, ce qui lui a été refusé, en raison du caractère tardif de la demande, par décision du 11 juillet 2006. Le 11 mars 2008, l’UWV a déclaré irrecevable, pour caractère tardif, la réclamation introduite par M. Salemink contre ce refus. M. Salemink n’a pas introduit de recours contre cette déclaration d’irrecevabilité.

16.      Le 24 octobre 2006, M. Salemink a fait savoir qu’il était malade, demandant, à ce titre, le 11 septembre 2007, une allocation en application de la WIA. Par décision du 11 octobre 2007, l’UWV a rejeté sa demande au motif que, depuis la date de transfert de sa résidence en Espagne, M. Salemink a été exclu de l’assurance obligatoire.

17.      Par décision du 12 mars 2008, l’UWV a déclaré non fondée la réclamation présentée par M. Salemink contre la décision du 11 octobre 2007. M. Salemink a alors introduit un recours en justice contre cette décision.

18.      Devant la juridiction de renvoi, M. Salemink soutient avoir le droit de percevoir une allocation d’incapacité de travail, en se fondant sur le règlement no 1408/71. Selon lui, l’UWV doit considérer la partie néerlandaise du plateau continental comme une partie du territoire néerlandais, invoquant à cet égard l’arrêt Aldewereld, précité, et la politique suivie par la Sociale Verzekeringsbank (banque d’assurances sociales, ci-après la «SVB»), qui vise à considérer couverts par la sécurité sociale néerlandaise, à compter du 1er janvier 2006, les travailleurs salariés exerçant une activité professionnelle dans la partie néerlandaise du plateau continental (politique dite «élargie»).

19.      L’UWV soutient, quant à lui, devant la juridiction de renvoi que M. Salemink n’était pas assuré au titre de la WIA le premier jour d’application de celle-ci (le 24 octobre 2008, deux ans après l’avis de maladie).

20.      Selon lui, l’arrêt Aldewereld ne serait en outre pas applicable à l’affaire débattue, dans la mesure où il n’existe pas de conflit positif entre plusieurs États s’estimant compétents, mais, au contraire, un conflit négatif. L’arrêt Weber (7), qui se prononçait sur une question de compétence et non, comme en l’espèce, de détermination de la législation applicable, ne serait pas non plus applicable.

III – La question posée

21.      En vertu de ce qui précède, la juridiction de renvoi a décidé de poser la question suivante:

«Les règles du droit communautaire européen qui visent à instaurer la libre circulation des travailleurs, et en particulier les règles énoncées aux titres I et II du règlement no 1408/71, ainsi que les articles 39 CE et 299 CE (devenus, respectivement, articles 45 TFUE et 52 TUE, lu en combinaison avec l’article 355 TFUE), font-ils obstacle à ce que le travailleur salarié exerçant ses activités professionnelles en dehors du territoire néerlandais sur une installation fixe située sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas, pour un employeur établi aux Pays-Bas, ne soit pas assuré au titre de la législation nationale d’assurances sociales, pour la seule raison qu’il ne réside pas aux Pays-Bas, mais dans un autre État membre (en l’espèce, l’Espagne), même s’il possède la nationalité néerlandaise et même si la possibilité lui est offerte de s’assurer à titre volontaire à des conditions identiques en substance à celles de l’assurance obligatoire?»

22.      La juridiction de renvoi indique que, par mémoires du 11 juillet et du 30 septembre 2009, la Commission européenne lui a fait parvenir une série de considérations dans le cadre de la procédure ouverte contre le Royaume des Pays-Bas pour prétendu manquement aux obligations imposées en vertu des articles 13, paragraphe 2, sous a), et 3, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, ainsi que des articles 45 TFUE à 48 TFUE (8):

a)      Relativement au champ d’application du règlement no 1408/71, la Commission affirmait que, eu égard au silence du règlement sur ce point, les activités exercées sur la partie du plateau continental appartenant à un État membre devaient être considérées comme exercées sur le territoire dudit État membre, car c’est ce qui ressort des principes du droit international public relatifs au régime juridique du plateau continental. Aux fins de l’exploitation des ressources naturelles, le plateau continental appartient donc au territoire néerlandais et le droit néerlandais en matière de sécurité sociale y est applicable. Par ailleurs, le champ d’application géographique du traité sur l’Union européenne peut s’étendre au-delà du territoire d’un État membre, dans la mesure où un État membre exerce ses droits de souveraineté, comme la Cour l’a indiqué dans l’arrêt du 14 juillet 1976, Kramer e.a. (3/76, 4/76 et 6/76, Rec. p. 1279).

b)      En ce qui concerne le règlement no 1408/71, la Commission considérait, s’appuyant sur l’arrêt Aldewereld, qu’il était applicable à l’affaire, y compris dans le cas où le plateau continental ne ferait pas partie du territoire néerlandais.

c)      La Commission soulignait enfin que, conformément à la jurisprudence, les règles de droit communautaire interdisant la discrimination peuvent s’appliquer même à des activités professionnelles exercées hors du territoire de la Communauté, dès lors que la relation de travail garde un rattachement suffisamment étroit avec ledit territoire (arrêts Prodest et Aldewereld, précités, ainsi que Lopes da Veiga (9)). Dans l’affaire en cause, il existerait, conformément à l’arrêt Weber, un rattachement étroit avec l’ordre juridique néerlandais. Selon la Commission, le régime spécifique applicable aux plates-formes d’extraction conduit en pratique à une discrimination indirecte contraire à l’article 39, paragraphe 2, CE et à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, car ce régime est appliqué dans presque tous les cas uniquement aux travailleurs migrants et non aux travailleurs néerlandais travaillant sur les mêmes plates-formes d’extraction et résidant aux Pays-Bas. Ces derniers se voient appliquer la législation néerlandaise générale en matière de sécurité sociale, ce qui signifie qu’ils peuvent percevoir l’ensemble des allocations de sécurité sociale néerlandaises. Puisque tous les travailleurs exerçant une activité sur des plates-formes d’extraction doivent être assimilés aux travailleurs exerçant une activité sur le territoire néerlandais, la fixation d’une condition de résidence pour obtenir l’accès à une protection de sécurité sociale étendue serait une forme dissimulée de discrimination en raison de la nationalité.

23.      La juridiction de renvoi indique que l’article 3, sous a), de la ZW ne donne un droit à la couverture sociale que dans la mesure où ledit droit découle du droit international. Elle se demande donc jusqu’à quel point le droit international (en particulier le droit de l’Union européenne) fournit une base à ce droit.

24.      La juridiction de renvoi affirme que l’arrêt Weber pourrait être interprété en ce sens que le champ d’application territorial du règlement no 1408/71 n’est pas limité au territoire des États membres de l’Union européenne, mais s’étend également au plateau continental. Le Rechtbank se demande toutefois si cette interprétation est correcte.

25.      En outre, la juridiction de renvoi admet que la réglementation nationale examinée peut être incompatible avec le principe de libre circulation des travailleurs, car M. Salemink a perdu un avantage dont il bénéficiait lorsqu’il résidait aux Pays-Bas. Elle se demande toutefois si cette incompatibilité pourrait être atténuée par le fait que M. Salemink aurait pu souscrire une assurance volontaire.

IV – La procédure devant la Cour

26.      La question préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 8 juillet 2010.

27.      M. Salemink, l’UWV, la Commission et les gouvernements espagnol, grec et néerlandais ont présenté des observations écrites.

28.      Lors de l’audience, qui s’est tenue le 14 juin 2011, les représentants de M. Salemink, de l’UWV, des gouvernements néerlandais, grec et espagnol, ainsi que de la Commission ont comparu et présenté oralement leurs observations.

V –    Allégations

29.      M. Salemink insiste sur l’applicabilité du droit néerlandais, affirmant que sa situation est comparable à celle de ceux qui naviguent sur un navire néerlandais et qui sont obligatoirement affiliés à la sécurité sociale néerlandaise.

30.      L’UWV, les gouvernements espagnol, grec et néerlandais, ainsi que la Commission se sont penchés sur la question du régime applicable au plateau continental, notamment sur le point de savoir si l’activité exercée sur ledit plateau doit être considérée comme exercée sur le territoire des Pays-Bas.

31.      À cet égard, l’UWV et le gouvernement néerlandais rejettent cette possibilité, invoquant, d’une part, le caractère limité des droits de souveraineté exercés par les États sur le plateau continental et, d’autre part, le fait que la portée territoriale du règlement no 1408/71 est limitée au territoire des États membres. Les deux parties s’accordent en outre à nier l’applicabilité en l’espèce de la jurisprudence établie dans les arrêts Weber et Aldewereld. En tout état de cause, le gouvernement néerlandais soutient que, même en considérant que M. Salemink aurait exercé son travail sur le territoire des Pays-Bas, le règlement no 1408/71, dans la mesure où il ne régit que des conflits de lois, n’empêche pas les États membres d’adopter des régimes de protection sociale différents pour des situations distinctes, l’application sur le plateau continental du même régime que sur le territoire néerlandais proprement dit n’étant pas obligatoire.

32.      Le gouvernement néerlandais conteste en outre que la législation nationale entraîne une discrimination, directe ou indirecte, en raison de la nationalité ou entrave la libre circulation des travailleurs, en premier lieu car la nationalité n’est pas une condition d’accès à l’assurance obligatoire et que celui qui ne peut en bénéficier a la possibilité de souscrire une assurance volontaire ou, s’il ne le souhaite pas, de bénéficier des dispositions de la WAMN, et en second lieu car le droit de l’Union n’impose pas l’obligation de reconnaître le droit à l’assurance obligatoire à ceux qui ne résident ni ne travaillent aux Pays-Bas et que, s’il existait une différence de traitement, celle-ci serait en tout état de cause justifiée par les caractéristiques du travail sur les plates-formes gazières, qui sont parfois déplacées vers des parties du plateau continental non adjacentes aux Pays-Bas. Enfin, le gouvernement néerlandais exclut que l’on puisse parler d’entrave à la libre circulation (qui, si elle existait, serait de toute façon justifiée), car M. Salemink a été désavantagé de son propre fait, puisqu’il lui était possible de souscrire une assurance volontaire.

33.      La Commission et les gouvernements espagnol et grec soutiennent quant à eux que le droit de l’Union est pleinement applicable à la situation d’un travailleur qui, comme M. Salemink, travaille sur le plateau continental adjacent à un État membre.

34.      Dans le cas où le plateau continental ne ferait pas partie du territoire néerlandais aux fins de l’application du droit de l’Union, la Commission considère que, à la lumière de la jurisprudence établie dans l’arrêt Aldewereld, il existe un lien de rattachement suffisamment étroit avec l’ordre juridique néerlandais.

35.      Le gouvernement grec partage l’appréciation selon laquelle, dans les limites de l’exercice par l’État côtier de ses droits sur le plateau continental, ce dernier doit être assimilé, aux fins du droit applicable, au territoire en tant que tel dudit État.

36.      Le gouvernement espagnol affirme pour sa part que, si les droits exclusifs d’exploitation sur le plateau continental reviennent à l’État côtier, c’est lui qui est compétent pour toutes les questions relatives à l’activité pouvant être exercée dans cet espace, y compris celles portant sur la couverture de sécurité sociale.

37.      Tant la Commission que les gouvernements espagnol et grec s’accordent à affirmer que la législation nationale est discriminatoire et entrave la libre circulation des travailleurs. En particulier, la Commission rappelle le recours en manquement introduit pour cette même raison contre l’État néerlandais, soulignant que la possibilité de souscrire une assurance volontaire ne modifie en rien la situation. Le gouvernement grec se prononce dans le même sens, le gouvernement espagnol affirmant enfin que, dans le pire des cas, un lien avec le territoire de l’Union suffirait pour que le règlement no 1408/71 soit applicable, le fait que l’employeur de M. Salemink réside aux Pays-bas étant, selon lui, suffisant.

VI – Appréciation

A –    Considération préliminaire

38.      À mon avis, la présente affaire peut faire l’objet de deux approches de portée très différente. D’une part, il serait possible d’adopter une approche qui pourrait être qualifiée de «continuiste», selon laquelle, faisant abstraction de la problématique relative au rattachement du plateau continental au «territoire» des États membres et donc de l’Union, je me centrerai exclusivement sur le fait que l’activité exercée par M. Salemink présente une relation qualifiée avec l’ordre juridique des Pays-Bas.

39.      De ce point de vue, la jurisprudence univoque établie dans les affaires Prodest et Aldewereld fournirait des raisons suffisantes pour fonder une réponse à la juridiction de renvoi en ce sens que, en présence d’une relation de travail avec une entreprise établie dans un État membre, le fait que le travail soit en pratique exercé hors du territoire dudit État membre est dénué de pertinence, aux fins de l’application du règlement no 1408/71. En effet, conformément à ladite jurisprudence, confirmée dans l’affaire Habelt e.a. (10), l’existence d’un lien suffisamment étroit entre la relation de travail et l’ordre juridique d’un État membre suffit pour que les dispositions du droit de l’Union en matière de droit du travail soient applicables.

40.      Dans la présente affaire, il s’agirait par conséquent de déterminer si, à la lumière de cette jurisprudence, la relation de travail entre M. Salemink et son employeur présente, comme cela semble être clairement le cas, un tel degré de rattachement avec les Pays-Bas qu’il en résulte que l’exigence que M. Salemink réside lui aussi aux Pays-Bas pour avoir accès à l’assurance obligatoire constitue, en fait, une limitation à sa liberté de circulation en tant que travailleur.

41.      Alternativement, une seconde approche pourrait consister, comme l’ont montré les positions soutenues par les parties dans la présente procédure, à aborder le problème plus directement sous l’angle de la «condition territoriale» du plateau continental. Cette approche pourrait être qualifiée de plus innovatrice, bien que, comme nous le verrons, seulement en apparence, car il s’agirait ainsi, d’une certaine manière, de systématiser et de réduire à l’état de notion les solutions adoptées par la Cour lors de l’examen de différentes questions relatives à la définition du champ d’application des dispositions du droit de l’Union.

42.      J’estime que la jurisprudence à laquelle je viens de me référer ne nécessite pas de considération particulière de ma part. Toutefois, la présente affaire peut permettre à la Cour de considérer cette occasion comme une possibilité d’avancer dans le développement d’une question aussi sensible que celle de la définition du domaine «territorial» de l’exercice des compétences. Les considérations que j’exposerai ci-après doivent donc être considérées comme faites dans ce but.

B –    Le droit international comme point de départ: le plateau continental en tant que domaine d’exercice de pouvoirs souverains des États

43.      Le droit de l’Union s’applique aux États membres (article 52, paragraphe 1, TUE), dont le territoire constitue ainsi le «champ d’application territoriale des traités» (11). Il n’existe, par conséquent, pas de définition propre ou autonome du «territoire de l’Union» (12), celui-ci résultant de la somme des territoires des États membres, dont la délimitation en tant qu’espace physique sous souveraineté étatique peut être vérifiée dans le cadre du droit international au moyen des traités d’établissement de frontières (13).

44.      En tant qu’espace physique se trouvant sous la souveraineté de l’État, la notion de territoire comprend tant l’espace territorial proprement dit que l’espace aérien et les espaces maritimes. Il s’agit dans tous les cas de domaines d’exercice de la souveraineté exclusive de chaque État reconnus par le droit international, bien que le domaine dans lequel les États peuvent exercer leurs pouvoirs souverains ne se résume pas à eux seuls, car le droit international admet également l’existence de compétences étatiques sur une base extraterritoriale (14).

45.      De même que le domaine d’exercice de la souveraineté des États ne coïncide pas exactement ni nécessairement avec l’étendue de leur territoire, les compétences étatiques découlant de la souveraineté ne présentent pas non plus toujours les notes d’exclusivité et de plénitude caractéristiques du pouvoir souverain. Au contraire, précisément en raison de la juridisation progressive de la communauté internationale, l’exercice de la souveraineté fait l’objet de gradations d’intensité, la souveraineté étant d’autant moins marquée que le rattachement du domaine de son exercice avec la base territoriale de l’État est faible.

46.      En ce qui concerne, notamment, la mer comme domaine d’exercice de la souveraineté, le droit international ne reconnaît pas aux États la plénitude de pouvoirs admise dans l’espace territorial proprement dit, pas même sur la «mer territoriale» (15) en tant que telle, sur laquelle «[l]a souveraineté […] s’exerce dans les conditions prévues par les dispositions de la Convention et les autres règles du droit international», comme le stipule l’article 2, paragraphe 3, de la CNUDM et où, en particulier, le droit de passage inoffensif des navires de tous les États doit être respecté (article 17 de la CNUDM), ce qui implique une restriction de principe de la juridiction de l’État côtier, comme la Cour l’a reconnu dans son arrêt du 24 novembre 1992 (16).

47.      Si la souveraineté de l’État sur la mer territoriale fait déjà l’objet de la restriction indiquée, le pouvoir imperium caractéristique de l’État souverain est progressivement relativisé plus on s’éloigne, pour bien nous comprendre, de la «terre ferme», se réduisant, comme nous le verrons ci-après plus en détail, à un faisceau de «droits souverains», à certains effets, lorsqu’il s’agit du plateau continental, et se diluant dans le seul exercice de certaines libertés lorsqu’on atteint la haute mer (17), où toute revendication de pouvoir souverain est tout simplement illégitime (18).

48.      En ce qui concerne, en particulier, la zone économique exclusive (19), l’État côtier est titulaire, d’une part, de certains droits souverains, fixés à l’article 56, paragraphe 1, sous a), de la CNUDM, «aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents». D’autre part, on lui reconnaît en outre juridiction en ce qui concerne la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages; la recherche scientifique marine, et la protection et la préservation du milieu marin, toujours, toutefois, «conformément aux dispositions pertinentes de la Convention» [article 56, paragraphe 1, sous b), de la CNUDM]. S’ajoutent enfin à ce qui précède les «autres droits et obligations prévus par la Convention» [article 56, paragraphe 1, sous c), de la CNUDM].

49.      Enfin, concernant le plateau continental, qui est l’espace qui nous intéresse particulièrement ici (20), l’État côtier exerce uniquement des droits souverains «aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles» (21) (article 77, paragraphe 1, de la CNUDM). Ces droits souverains sont qualifiés par la CNUDM d’«exclusifs» (22), d’«indépendants de l’occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation expresse» (article 77, paragraphes 2 et 3, de la CNUDM) (23) et dans aucun cas n’affectent la condition juridique des eaux surjacentes ou de l’espace aérien situé au-dessus de ces eaux (article 78, paragraphe 1, de la CNUDM) ni ne peuvent affecter la navigation ou d’autres droits et libertés reconnus des autres États (article 78, paragraphe 2, de la CNUDM), en particulier celui de poser des câbles et des pipelines sous-marins (article 79 de la CNUDM).

50.      Tels sont donc les droits souverains que le droit international de la mer reconnaît aux États membres côtiers conformément à la CNUDM, qui lie de même manière le Royaume des Pays-Bas et l’Union.

51.      Ces droits, en tant qu’habilitations pour l’exercice légitime du pouvoir public, s’ajoutent à l’ensemble des pouvoirs imperium qui qualifient les États membres en tant que sujets du droit international et, pour ce qui importe ici, en tant que sujets constitutifs de l’Union européenne.

52.      À la souveraineté en tant que qualité pour l’exercice du pouvoir public à titre exclusif et en plénitude de juridiction s’ajoutent ainsi, en vertu du droit international et dans le cadre de son ordre juridique, des «droits souverains», à savoir des habilitations pour l’exercice du pouvoir public, au caractère conditionnel et limité, dans des domaines par principe exclus de la souveraineté des États. Si la souveraineté est l’expression d’un pouvoir public originaire, reconnu et délimité par le droit international, les droits souverains ont pour origine la volonté de la communauté internationale, dans laquelle ils trouvent leur fondement, leur contenu et leur limite.

53.      Dans les deux cas, toutefois, qu’il s’agisse de la souveraineté proprement dite ou de droits souverains, le fait qu’ils soient détenus par l’État emporte compétence pour l’exercice du pouvoir public, à savoir la réglementation juridique des domaines de la réalité sur lesquels le pouvoir incontestable du souverain s’étend efficacement.

C –    Les conséquences pour le droit de l’Union

54.      Comme l’indique l’article 1er TUE, l’Union européenne est le résultat de la volonté des États, qui l’ont constituée pour atteindre leurs objectifs communs par l’attribution de certaines compétences. Le point de savoir si de telles compétences reviennent aux États membres en vertu de leur souveraineté ou découlent de l’attribution d’un droit souverain par le droit international est indifférent aux fins de la délimitation des compétences de l’Union, qui exercera exactement les compétences qui lui sont attribuées (article 5 TUE), dans les termes dans lesquels l’attribution est décidée dans les traités, en tenant compte du contenu et de la portée avec laquelle les États eux-mêmes ont pu les exercer avant leur engagement vis-à-vis de l’Union.

55.      Le critère déterminant pour la définition du domaine d’application du droit de l’Union est donc donné par la portée des compétences légitimement exercées par les États membres dans le cadre du droit international. Le droit de l’Union est applicable là où entre l’exercice du pouvoir public des États membres dans des domaines de compétences attribuées à l’Union, dans les conditions fixées par cet ordre juridique et indépendamment de l’habilitation originaire d’attribution de la compétence étatique transférée à l’Union européenne, à savoir que ce soit la souveraineté même de l’État (reconnue et garantie par le droit international) ou l’attribution par la communauté internationale d’un droit souverain.

56.      Pour résoudre la question posée dans la présente affaire, il conviendra, par conséquent, de s’attacher au faisceau concret de compétences effectivement attribué à l’Union dans le champ d’application matériel concerné, le point de savoir si lesdites compétences sont exercées sur le territoire des Pays-Bas stricto sensu ou dans un espace géographique distinct et sous le couvert de droits souverains étant indifférent à cette fin. En d’autres termes, aux fins de l’Union, le «territoire» des États membres est le domaine (pas nécessairement territorial, dans le sens spatial ou géographique) d’exercice des compétences de celle-ci (24).

57.      Sur ce point, et de manière cohérente, la Cour a eu l’occasion de se prononcer dans le passé sur la portée du domaine d’application du droit de l’Union en utilisant justement le critère qui vient d’être indiqué. Ainsi, elle a déclaré que la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (25), devait être considérée comme étant applicable au-delà des eaux territoriales des États membres dans la mesure où, parce qu’ils exercent des droits souverains sur certains espaces, les États membres sont également responsables de la conservation de leur biodiversité (26).

D –    Les compétences des Pays-Bas sur le plateau continental

58.      Dans la présente affaire, dans laquelle il n’est pas contesté que la plate-forme gazière sur laquelle M. Salemink a travaillé se trouve sur le plateau continental adjacent à la côte des Pays-Bas, il est de même constant que cet État membre exerce des droits souverains sur cet espace «aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles» (article 77, paragraphe 1, de la CNUDM).

59.      Comme l’UWV l’a souligné au point 13 de ses observations, le droit international n’attribue certes aux États côtiers qu’une juridiction ou souveraineté «fonctionnelle» sur le plateau continental, sans faire de celui-ci une partie intégrante du territoire dudit État. L’observation est toutefois dénuée de pertinence, car ce qui importe est, d’une part, la portée de la compétence attribuée à l’État côtier et, d’autre part, la mesure dans laquelle l’exercice de ladite compétence a été transféré à l’Union européenne.

60.      Le pouvoir d’exploitation des ressources du plateau continental emporte la compétence exclusive pour exercer des activités d’exploitation des richesses de cet espace par l’utilisation d’une main-d’œuvre qui doit nécessairement être soumise à la législation en matière de droit du travail de l’État côtier.

61.      Dans cette dimension concrète, c’est-à-dire aux fins de l’exercice de sa compétence en matière de relations de travail, l’État côtier dispose d’un titre de souveraineté en principe équivalent à celui qui lui permet de réglementer lesdites relations sur son propre territoire.

E –    L’éventuelle pluralité de régimes de sécurité sociale et leur fondement

62.      Le gouvernement néerlandais a reconnu, au point 22 de son mémoire en observations, qu’il considère la loi sur le salaire et les primes de vacances minimums (Wet minimumloon en minimumvakantiebijslag), ainsi que certaines lois fiscales applicables au plateau continental depuis 1990, la loi sur le temps de travail (Arbeidstijdenwet) et la loi relative aux conditions de travail (Arbeidsomstandighedenwet) s’appliquant à cet espace depuis 2007. Il soutient toutefois, au point 23 de son mémoire, que la CNUDM n’oblige pas les États à appliquer un même régime de sécurité sociale au travail exercé sur le plateau continental qu’à celui réalisé sur le territoire national stricto sensu.

63.      La véritable question consiste donc à savoir si les États membres sont libres de décider de la portée des droits souverains dont ils disposent sur le plateau continental, au sens de pouvoir légitimement exercer sur ce domaine leur pouvoir public de manière sélective. En d’autres termes, il convient de déterminer s’ils peuvent appliquer à une même matière des régimes réglementaires distincts en fonction de ce que le pouvoir public exercé tire son origine de la souveraineté originaire de l’État ou d’un droit souverain conféré par le droit international.

64.      On peut partager l’avis du gouvernement néerlandais, selon lequel la CNUDM n’exige pas que les États appliquent un certain régime de sécurité sociale aux travailleurs du plateau continental. En réalité, la convention n’impose aucune obligation aux États quant au contenu du droit matériel résultant de l’exercice du droit souverain qu’elle confère, mais constitue simplement un titre de légitimation pour ledit exercice. Les conditions quant au contenu de ce droit doivent donc être trouvées dans le propre ordre juridique de l’État côtier, ainsi que dans le droit de l’Union lorsque ledit ordre juridique a attribué à l’Union la compétence réglementaire correspondante.

65.      Par conséquent, il convient de conclure que la distinction selon l’origine du titre de légitimation de l’exercice du pouvoir public par un État membre dans le domaine des relations de travail ne justifie pas à elle seule des différences de contenu dans la réglementation juridique desdites relations. Aux fins, par conséquent, de la réglementation du régime des relations de travail, les espaces géographiques sur lesquels les États membres exercent légitimement des pouvoirs souverains font partie pour l’Union, dans toute leur étendue, du «territoire» desdits États.

66.      Une question distincte consiste à savoir si, compte tenu des caractéristiques du travail exercé sur le plateau continental, la réglementation en droit du travail applicable par l’État membre côtier peut admettre des modulations ou des variations par rapport au régime commun applicable au travail exercé sur son territoire proprement dit, notamment, pour ce qui importe ici, dans le domaine de la protection sociale des travailleurs, étant toutefois toujours entendu que de telles modulations ne peuvent être la conséquence d’une portée distincte de la compétence étatique exercée ou, si l’on préfère, d’une différence de qualité dans la nature du pouvoir normatif compétent pour régir les relations de travail. Ce pouvoir sera, toujours et uniquement, celui qui revient exclusivement au pouvoir public de l’État.

67.      En d’autres termes, la différence peut, le cas échéant, être due à l’activité professionnelle considérée en soi, mais non au champ de souveraineté dans lequel l’État membre concerné exerce ses compétences.

F –    Le droit des Pays-Bas en tant que loi nationale applicable sur le plateau continental adjacent à sa côte — Conséquences de l’application du droit de l’Union

68.      C’est à juste titre que le gouvernement néerlandais affirme que le règlement no 1408/71 ne régit que des conflits de lois dans le domaine de la sécurité sociale, sans imposer une portée déterminée à la protection garantie aux travailleurs, matière qui incombe aux États membres.

69.      En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, les dispositions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 «ont pour seul objectif de déterminer la législation nationale applicable aux personnes se trouvant dans l’une des situations visées à ses points a) à f). Elles n’ont pas pour objet de déterminer les conditions de l’existence du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime. Il appartient à la législation nationale de chaque État membre de déterminer ces conditions, y compris celle concernant la cessation de l’affiliation […]» (27).

70.      En l’espèce, et relativement à ce que je viens de dire, l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71 identifierait comme législation applicable à la présente affaire celle des Pays-Bas, car M. Salemink a exercé une «activité salariée sur le territoire» de cet État membre, bien qu’il réside sur le territoire d’un autre État membre. Le «territoire d’exercice de l’activité salariée» a été le plateau continental adjacent aux Pays-Bas, qui, aux fins de la présente affaire, parce qu’il constitue un domaine spatial d’exercice du pouvoir public néerlandais dans le cadre du droit international, est, en ce sens, territoire de cet État membre et, par conséquent, territoire de l’Union, c’est-à-dire champ d’application du droit de l’Union dans l’exercice des compétences qui lui ont été conférées par les traités.

71.      S’il est vrai, comme l’affirme le gouvernement néerlandais, qu’il appartient aux États membres de déterminer la portée de la protection garantie aux travailleurs, il n’en reste pas moins que la marge de manœuvre des États membres quant à la définition du régime de sécurité sociale des travailleurs n’est pas illimitée, trouvant sa première et essentielle limitation dans la libre circulation des travailleurs garantie par l’article 45 TFUE, à la lumière duquel les dispositions du règlement no 1408/71 doivent être interprétées (arrêt du 30 mars 1993, de Wit (28)). En d’autres termes, seules les différences dans les régimes d’assurance des travailleurs ne portant pas atteinte à leur liberté de circulation sont légitimes et conformes au droit de l’Union.

72.      Tant le gouvernement néerlandais que l’UWV ont invoqué, pour justifier la différence de traitement dispensée à ceux qui ne résident pas aux Pays-Bas par rapport à ceux résidant dans cet État membre, les caractéristiques particulières des relations de travail sur le plateau continental, notamment leur nature dynamique, la diversité des contrats utilisés, voire la mobilité des plates-formes elles-mêmes, qui ne sont pas toujours situées dans des parties adjacentes à la mer territoriale.

73.      On ne peut, bien entendu, exclure que les caractéristiques particulières du travail sur le plateau continental puissent justifier un régime de sécurité sociale spécifique, distinct de celui applicable aux relations de travail sur le territoire néerlandais proprement dit. Cela étant dit, il convient de rappeler que, dans la présente affaire, le point déterminant pour le législateur néerlandais n’a pas été le type de travail concerné, mais la simple donnée de la résidence du travailleur.

74.      En effet, en l’espèce, la différence de traitement dispensée par le législateur néerlandais finit par se fonder strictement sur le fait de la résidence. Parmi tous les travailleurs exerçant leur activité sur le plateau continental, la distinction entre ceux qui bénéficient du régime commun, et donc d’une assurance obligatoire, et ceux qui ont pour alternative la souscription d’une assurance volontaire ou, le cas échéant, le bénéfice de certaines prestations complémentaires est déterminée par le fait d’avoir sa résidence soit aux Pays-Bas, soit dans un autre État, même si, dans les deux cas, les personnes travaillent pour des employeurs résidant dans ce premier État membre.

75.      Parvenus à ce stade, il convient de faire observer que la différence en question n’est pas sans importance pour les travailleurs concernés, ne serait-ce que parce que l’employeur est toujours impliqué dans la gestion de l’assurance obligatoire, alors que, dans le cas de l’assurance volontaire, c’est au travailleur de la contracter et de la maintenir. Ce dernier acquiert ainsi une responsabilité individuelle qui, parfois, comme le démontre le cas d’espèce, peut conduire à des situations particulièrement préjudiciables à ses intérêts, qui ne lui sont pas nécessairement imputables, ce qui, étant donné sa position plus faible dans le cadre des relations de travail, ne peut être indifférent pour les pouvoirs publics. Cela ne peut pas non plus l’être du point de vue du droit de l’Union, si cette condition moins favorable est la conséquence d’une différence de traitement uniquement vis-à-vis de ceux qui ne résident pas sur le territoire proprement dit d’un État membre.

76.      En résumé, le législateur néerlandais, bien que dans un espace clairement spécifique, a choisi un critère de différenciation éminemment suspect du point de vue de la libre circulation des travailleurs (29). Il l’a fait, en outre, dans un contexte normatif dans lequel le droit national lui-même considère que le travail effectué dans les industries d’extraction de la mer du Nord est réalisé sur le territoire des Pays-Bas, le droit néerlandais en matière de contrats de travail étant applicable (article 2 de la WAMN). Il s’agit, en bref, d’un contexte dans lequel les liens entre la relation de travail et le droit néerlandais sont particulièrement qualifiés, une exigence supplémentaire qui, comme la résidence du travailleur, constitue un obstacle à la libre circulation des salariés sur le territoire de l’Union n’étant par conséquent pas justifiée.

77.      En effet, à mon avis, le lien entre la relation de travail examinée et le droit néerlandais n’est pas juste qualifié — comme la Cour l’a considéré dans le cas de travaux exercés à l’étranger par des employés résidant dans l’État membre (30) —, mais hyperqualifié, étant donné l’assimilation fonctionnelle, en l’espèce, du plateau continental au territoire de l’État. Le territoire étant entendu comme le domaine spatial de manifestation du pouvoir souverain de l’État à travers l’exercice des compétences dont il est le titulaire légitime dans le cadre du droit international, le plateau continental adjacent à sa côte constitue le territoire de l’État membre dans le sens indiqué, à savoir en tant qu’espace sur lequel il a compétence exclusive relativement, dans la présente affaire, aux relations de travail conclues pour l’exploitation économique dudit plateau. Et, en tant que «territoire» étatique dans ce sens précis, le plateau continental est également «territoire» de l’Union aux fins de l’applicabilité du droit de l’Union.

78.      Partant de cette correspondance, je considère qu’il ne reste qu’à appliquer la jurisprudence constante relative au règlement no 1408/71. Par conséquent, conformément aux termes de l’arrêt du 3 mars 1990, Kits van Heijningen (31), il convient de rappeler que, lorsqu’ils fixent les conditions de l’existence du droit de s’affilier à un régime de sécurité sociale, les États membres ne peuvent «exclure de l’application de la législation en cause les personnes auxquelles, en vertu du règlement no 1408/71, cette législation est applicable».

79.      Ainsi, il a été déclaré dans ledit arrêt que «l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement dispose expressément que la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État ‘même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre’. Cette disposition serait privée de tout effet utile si la condition de résidence imposée par la législation de l’État membre sur le territoire duquel l’activité salariée est exercée, afin d’être admis au régime de l’assurance qu’elle prévoit, était opposable aux personnes visées par l’article 13, paragraphe 2, sous a). En ce qui concerne ces personnes, l’article 13, paragraphe 2, sous a), a pour effet de substituer à la condition de résidence une condition fondée sur l’exercice de l’activité salariée sur le territoire de l’État membre visé».

VII – Conclusion

80.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question posée par le Rechtbank Amsterdam comme suit:

«Les règles du droit de l’Union qui visent à instaurer la libre circulation des travailleurs, et en particulier les règles énoncées aux titres I et II du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, ainsi que les articles 39 CE et 299 CE (devenus, respectivement, articles 45 TFUE et 52 TUE, lu en combinaison avec l’article 355 TFUE), font obstacle à ce que le travailleur salarié exerçant son activité professionnelle en dehors du territoire néerlandais proprement dit, sur une installation fixe située sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas, pour un employeur établi aux Pays-Bas, ne soit pas assuré au titre de la législation nationale d’assurances sociales, pour la seule raison qu’il ne réside pas aux Pays-Bas, mais dans un autre État membre, même si la possibilité lui est offerte de s’assurer à titre volontaire.»


1 – Langue originale: l’espagnol.


2 – Arrêt du 12 juillet 1984 (237/83, Rec. p. 3153).


3 – Arrêt du 29 juin 1994 (C-60/93, Rec. p. I-2991).


4 – Espace qui, conformément à l’article 76, paragraphe 1, de la convention des Nations unies sur le droit de la mer (ci-après la «CNUDM»), signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982, entrée en vigueur le 16 novembre 1994, ratifiée par le Royaume des Pays-Bas le 28 juin 1996 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 98/392/CE du Conseil, du 23 mars 1998 (JO L 179, p. 1), «comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de [la] mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de [l’État côtier] jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure».


5 – Conclue à Genève le 29 avril 1958 et entrée en vigueur le 10 juin 1964 (Nations unies, Recueil des traités, vol. 499, p. 311).


6 – Règlement du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 209, p. 1).


7 – Arrêt du 27 février 2002 (C-37/00, Rec. p. I-2013).


8 – Affaire Commission/Pays-Bas (C-141/10), procédure en cours (JO 2010, C 161, p. 19).


9 –      Arrêt du 27 septembre 1989 (9/88, Rec. p. 2989).


10 – Arrêt du 18 décembre 2007 (C-396/05, C-419/05 et C-450/05, Rec. p. I-11895, point 122).


11 – Champ d’application qui, conformément au paragraphe 2 de l’article 52 TUE lui-même, «est précisé à l’article 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne». Cette spécification est dénuée de pertinence en l’espèce.


12 – Lenaerts, K., et van Nuffel, P., European Union Law, Sweet & Maxwell, 3e éd., Londres, 2011 (12-006).


13 – Conformément au droit international, la frontière fixée par traité «acquiert […] une permanence que le traité lui-même ne connaît pas nécessairement. Un traité peut cesser d’être en vigueur sans que la pérennité de la frontière en soit affectée» (arrêt de la Cour internationale de justice du 3 février 1994, Jamahiriya arabe libyenne/Tchad, CJI Recueil 1994, p. 37). Cette permanence des frontières au-delà des traités qui les établissent montre l’extraordinaire importance des limites territoriales comme facteur de stabilité de la communauté internationale.


14 – De manière générale, voir González Campos, J. D., Sánchez Rodríguez, L I., et Sáenz de Santa María, P. A., Curso de Derecho Internacional Público, 4e éd. révisée, Thomson-Civitas, Cizur Menor, 2008.


15 – La zone de mer adjacente à la côte et dont la largeur ne peut dépasser 12 milles marins mesurés à partir de lignes de base établies conformément à la CNUDM (articles 2 et 3 de la CNUDM).


16 – Arrêt Poulsen et Diva Navigation (C-286/90, Rec. p. I-6019, point 25).


17 – Libertés énumérées à l’article 87 de la CNUDM et reconnues «à tous les États, qu’ils soient côtiers ou sans littoral»: «a) la liberté de navigation; b) la liberté de survol; c) la liberté de poser des câbles et des pipelines sous-marins […]; d) la liberté de construire des îles artificielles et autres installations autorisées par le droit international […]; e) la liberté de la pêche […]; f) la liberté de la recherche scientifique […]».


18 – Conformément à l’article 89 de la CNUDM, «[a]ucun État ne peut légitimement prétendre soumettre une partie quelconque de la haute mer à sa souveraineté». Quant au «fond des mers et des océans, ainsi que de leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale» constitutif de la «zone» définie et réglementée par la CNUDM, il a été déclaré, avec ses ressources, patrimoine commun de l’humanité (article 136 de la CNUDM), toute revendication ou exercice de souveraineté ou de droits souverains par les États étant exclu (article 137, paragraphe 1, de la CNUDM).


19 – Qui «ne s’étend pas au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale» (article 57 de la CNUDM).


20 – Et qui, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du CNUDM, «comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de [l]a mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de [l’]État côtier jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure».


21 – Étant entendues comme telles les «ressources minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol […]» (article 77, paragraphe 4, de la CNUDM).


22 – «[…] en ce sens que, si l’État côtier n’explore pas le plateau continental ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès» (article 77, paragraphe 2, de la CNUDM).


23 – Comme la Cour internationale de justice l’a déclaré, ces droits existent ipso facto et ab initio en vertu de la souveraineté de 1’État et par une extension de celle-ci pour explorer le fonds de la mer et exploiter ses ressources (arrêt du 20 février 1969, Plateau continental de la mer du Nord, Recueil 1969, p. 3, point 19).


24 – Le fait que l’histoire du pouvoir étatique de l’époque moderne soit, pour l’essentiel, celle de l’imposition progressive du pouvoir territorial conduit instinctivement à identifier le domaine d’exercice du pouvoir de l’État au territoire sur lequel celui-ci exerce légitimement sa souveraineté (à titre général, Hespanha, A. M., «El espacio político», dans La gracia del Derecho, Economía de la cultura en la Edad Media, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, Madrid, 1993, p. 85 et suiv.). Ce domaine est certes fondamentalement territorial, mais ne se réduit pas au territoire. Dans le cadre du droit international, le pouvoir de l’État peut légalement se projeter au-delà de son territoire, de même que, à l’inverse, l’émergence naissante d’un certain droit à l’ingérence de la communauté internationale dans les affaires étatiques pour des raisons humanitaires conduit également à remettre en cause le traditionnel exclusivisme reconnu aux États dans l’exercice de leurs compétences sur leur propre territoire (Liakopoulos, D., L’ingerenza umanitaria nel Diritto internazionale e comunitario, Cedam, Padoue, 2007). Les deux phénomènes révèlent une rupture dans la correspondance jusqu’à il y a peu presque parfaite entre, d’une part, le territoire en tant qu’espace physique et, d’autre part, le domaine d’exercice de la souveraineté. En réalité, cette correspondance a toutefois été la conséquence de l’évolution historique de l’État moderne et il s’agit donc d’un phénomène plus contingent que nécessaire.


      En outre, en termes de nécessité, la souveraineté, en tant que qualité d’un ordre juridique, a effectivement besoin d’un domaine d’exercice pour le pouvoir juridique qu’elle qualifie, pouvoir qui, en tant que tel, se traduit par la création de règles juridiques dont l’efficacité dépend de la capacité d’imposition de ses ordres par celui qui les donne. Le fait que cette capacité s’avère surtout efficace dans les limites d’un territoire physique ne signifie pas qu’elle ne puisse pas prétendre à (et obtenir) une efficacité «extraterritoriale». De fait, en tant qu’expression d’un sollen, l’ordre juridique ne trouve dans le sein ni le fondement de son existence ni la limite de ses prétentions, ces dernières étant par définition toujours idéales, mais uniquement l’objet des conduites que l’on entend réglementer. Par conséquent, le fait que cette réglementation ne soit efficace que dans les limites d’un territoire ne signifie pas qu’elle n’est juridiquement valable que sur lesdits territoires. Autre chose serait oublier que «la territorialité n’est pas une partie spécifique du contenu du pouvoir étatique, mais uniquement une condition et une qualité de ce pouvoir» (Carré de Malberg, R., Contribution à la théorie générale de l’État, I, Sirey, Paris, 1920, p. 4).


      La preuve que ce qui précède n’est pas un simple jeu d’abstractions est donnée par les difficultés qu’ont les États à mettre en œuvre, par exemple, la réglementation nationale en matière de jeu, face à l’incidence d’Internet, problème soulevé par l’avocat général Mengozzi dans ses conclusions présentées le 4 mars 2010 dans l’affaire Stoß e.a. (arrêt du 8 septembre 2010, C-316/07, C-358/07 à C-360/07, C-409/07 et C-410/07, Rec. p. I-8069), qui affirme au point 79 que «les difficultés qu’un État peut rencontrer dans sa mission consistant à faire respecter une réglementation nationale ne sont pas pertinentes pour juger de sa compatibilité avec le droit de l’Union. La limitation établie par la législation nationale sera en soi compatible ou incompatible avec le traité, et la facilité à développer un comportement contraire à ces règles nationales est sans incidence à cet égard […]».


25 – JO L 206, p. 7.


26 – Arrêt du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni (C-6/04, Rec. p. I-9017, point 117). Avant cela, dans le même ordre d’idée, l’arrêt Kramer e.a., précité (points 30 à 33), avait déjà affirmé qu’une certaine compétence ratione materiae de la Communauté s’étendait à la pêche en haute mer, «dans la mesure où une compétence analogue appartient aux États, en vertu du droit international public» (point 31). À titre général, sur le droit de l’Union et les espaces maritimes, voir Michael, M., L’applicabilité du Traité instituant la CEE et du Droit dérivé au plateau continental des États membres, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1984, ainsi que Blanquet, M., et de Grove-Valdeyron, N., «Zones côtières et droit communautaire», Revue juridique de l’environnement, numéro spécial 2001, p. 53 à 84. En particulier, Jarass, H. D., Naturschutz in der Ausschließlichen Wirtschaftszone, Nomos, Baden-Baden, 2002, et Czybulka, D., «Die Anwendung der Umwelthaftungsrichtlinie in der Ausschließlichen Wirtschaftszone und auf dem Festlandsockel», Natur und Recht (2008) 30, p. 304 à 311.


27 – Arrêt du 7 juillet 2005, van Pommeren-Bourgondiën (C-227/03, Rec. p. I-6101, point 33).


28 – C-282/91, Rec. p. I-1221, point 16.


29 – Condition suspecte à laquelle j’ai déjà renvoyé, dans un autre contexte, au point 36 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Stewart (arrêt du 21 juillet 2011, C-503/09, Rec. p. I-6497), et qui est pertinente en l’espèce, bien que M. Salemink ait la nationalité néerlandaise. En effet, la réglementation nationale citée par le Rechtbank Amsterdam affecte, dans une large mesure, principalement les travailleurs étrangers, au point que, comme la Commission l’a indiqué, un recours sur le fondement de l’article 258 TFUE est actuellement pendant contre le Royaume des Pays-Bas (C-141/10), recours visant à faire constater que ledit État membre a manqué à ses obligations vis-à-vis de l’Union en refusant certaines prestations de sécurité sociale à des citoyens d’autres États membres qui, comme M. Salemink, travaillent sur des plates-formes pétrolières situées sur le plateau continental néerlandais et ne résident pas aux Pays-Bas.


30 – À titre d’exemple, arrêt Habelt e.a., précité, point 122.


31 – C-2/89, Rec. p. I-1755, points 20 et 21.