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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE KOKOTT

présentées le 20 juin 2013 (1)

Affaire C-319/12

Minister Finansów

contre

MDDP sp. z o.o. Akademia Biznesu, sp. komandytowa

[demande de décision préjudicielle formée par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne)]

«Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 132, paragraphe 1, sous i) – Exonération de prestations de services éducatifs accomplies par des organismes commerciaux – Effet direct»





I –    Introduction

1.        Il n’est pas toujours aisé de saisir d’emblée le régime de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»). C’est ainsi que le litige qui a donné lieu à la présente demande de décision préjudicielle est quelque peu surprenant au premier abord. Un assujetti veut y entendre dire pour droit que son activité n’est pas exonérée. Il le veut avant tout pour bénéficier du droit à déduction de la taxe versée en amont, qui n’est en principe ouvert que pour des activités soumises à la TVA. Un assujetti peut ainsi avoir intérêt à ce que son activité propre ne soit pas exonérée, en particulier lorsque ses clients bénéficient eux-mêmes d’un droit à déduction (2).

2.        La présente demande de décision préjudicielle souhaite, d’une part, voir approfondir le régime d’exonération des prestations de services éducatifs et connaître, à cet égard, l’étendue du pouvoir d’appréciation conféré aux États membres dans la définition des organismes d’éducation privés, qui sont exonérés de la TVA. La réponse que la Cour apportera peut avoir une portée plus large quand on sait que les dispositions du droit de l’Union à interpréter à cet effet n’ont pas vocation à s’appliquer au seul domaine de l’éducation, mais également, de manière comparable, aux domaines de la santé, de la prévoyance sociale et de la culture, notamment.

3.        D’autre part, la question posée va un peu plus loin en visant les conséquences d’une erreur entachant la définition des organismes exonérés que donne un État membre dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Le point à clarifier ici, en particulier, est celui de savoir si un assujetti peut invoquer après coup l’obligation de soumettre ses activités à la taxe au titre du droit de l’Union, pour bénéficier de la déduction de la taxe versée en amont, sans voir a posteriori soumises à la taxe les activités qu’il a accomplies jusque-là en exonération de la taxe, conformément aux dispositions de droit interne.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

4.        Le prélèvement de la TVA est régi dans l’Union européenne par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (3) (ci-après la «directive TVA»). Le chapitre 2 du titre IX de cette directive contient des «exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général». Il comporte l’article 132, paragraphe 1, sous i), aux termes duquel les États membres exonèrent les opérations suivantes:

«l’éducation de l’enfance ou de la jeunesse, l’enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d’autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l’État membre concerné».

5.        L’article 133 de la directive TVA permet aux États membres de subordonner l’octroi, notamment, de cette exonération «à des organismes autres que ceux de droit public [...] au respect de l’une ou plusieurs des conditions suivantes:

a)      les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, [...]

[...]»

6.        L’article 134 de la directive TVA restreint notamment l’exonération de l’article 132, paragraphe 1, sous i):

«Les livraisons de biens et les prestations de services sont exclues du bénéfice de l’exonération [...] dans les cas suivants:

a)      lorsqu’elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées;

b)      lorsqu’elles sont essentiellement destinées à procurer à l’organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d’opérations effectuées en concurrence directe avec celles d’entreprises commerciales soumises à la TVA.»

7.        Les dispositions susmentionnées correspondent à celles qui figuraient à l’article 13, A, paragraphes 1, sous i), et 2, sous a) et b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (4) (ci-après la «sixième directive»).

8.        Aux termes de l’article 168 de la directive TVA, le droit à déduction requiert que l’assujetti utilise des biens et des services «pour les besoins de ses opérations taxées»:

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants:

a)      la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[...]»

B –    Le droit polonais

9.        Les dispositions combinées de l’article 43, paragraphe 1, point 1, et de la rubrique 7 de l’annexe 4 de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Ustawa r. o podatku od towarów i usług), du 11 mars 2004 (ci-après le «code de la TVA»), exonèrent de la taxe, pour l’exercice 2010 qui nous intéresse ici, les prestations de services éducatifs quelle que soit la personne qui les accomplit.

III – La procédure au principal et la procédure devant la Cour

10.      La société privée MDDP sp. z o.o. Akademia Biznesu, sp. komandytowa (ci-après «MDDP») offre, en Pologne, des cours, notamment, de droit fiscal et de gestion du personnel. Son activité a un but lucratif.

11.      MDDP a sollicité du Minister Finansów une attestation officielle de l’assujettissement de son activité à la TVA. Elle estime que c’est au mépris de la réglementation de l’Union que la loi polonaise de transposition l’empêche de faire jouer la déduction des taxes versées en amont. L’exonération que la législation polonaise prévoit pour ses cours n’est pas conforme, selon elle, à la directive TVA. Elle estime que cette directive ne permet pas d’exonérer des prestations de services éducatifs accomplies par des organismes qui ont pour seul but la recherche systématique du profit. Les prestations de MDDP devant être assujetties à la TVA, elle prétend bénéficier aussi d’un droit à déduction.

12.      Le Minister Finansów a rejeté cette analyse. En première instance, le recours de MDDP a abouti. Le jugement a reconnu à MDDP un droit à déduction même si elle a bénéficié dans le passé de l’exonération au titre de la législation polonaise.

13.      Le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) à présent saisi du litige doute de l’appréciation portée par le premier juge et pose dès lors à la Cour, au titre de l’article 267 TFUE, les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les dispositions des articles 132, paragraphe 1, sous i), 133 et 134 de la directive [TVA], telle que modifiée, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce que les prestations de services éducatifs effectuées par des organismes non publics, à des fins commerciales, soient exonérées de TVA, comme prévu à l’article 43, paragraphe 1, point 1, du code de la TVA, combiné à l’annexe 4, rubrique 7, de cette loi, tels qu’en vigueur en 2010?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, et eu égard à la non-conformité d’une telle exonération avec les dispositions de la directive [TVA], l’assujetti peut-il en faire application tout en bénéficiant du droit de déduire la TVA acquittée en amont, conformément à l’article 168 de ladite directive?»

14.      Dans la procédure écrite devant la Cour, des observations ont été présentées par MDDP, la République de Pologne, la République hellénique et la République portugaise ainsi que par la Commission européenne. Le Minister Finansów, MDDP, la République de Pologne, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la Commission ont participé à l’audience qui s’est tenue le 15 mai 2013.

IV – Appréciation juridique

A –    L’exonération des prestations de services éducatifs

15.      Par sa première question préjudicielle, le juge de renvoi souhaite savoir si la directive TVA empêche les États membres d’accorder à des organismes privés agissant à des seules fins commerciales l’exonération prévue à son article 132, paragraphe 1, sous i), pour les prestations de services éducatifs. Cette notion de fins commerciales n’étant pas précisée plus avant par le juge de renvoi, nous l’assimilerons dans la suite des conclusions au but lucratif d’une activité.

16.      Cette question se pose dans le contexte de la législation polonaise qui exonère tout organisme qui accomplit des prestations de services éducatifs.

1.      Le pouvoir d’appréciation des États membres est-il absolu?

17.      La question appellerait tout simplement une réponse négative si les États membres pouvaient déterminer en toute liberté les organismes privés exonérés au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA.

18.      Aux termes de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA, les prestations de services éducatifs visés ne sont toutefois exonérées que si elles sont effectuées par des organismes de droit public à vocation éducative ou par d’autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l’État membre concerné. Il s’ensuit que les «autres» organismes, c’est-à-dire les organismes privés, doivent répondre à la condition voulant qu’ils poursuivent des fins comparables à celles desdits organismes de droit public.

19.      L’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA étant muet quant aux conditions auxquelles ces fins comparables peuvent être reconnues, il appartient en principe à la législation de chaque État membre d’établir les règles auxquelles cette reconnaissance obéit (5). Les États membres disposent d’un pouvoir d’appréciation à cet égard, tout comme dans la reconnaissance des organismes exonérés à d’autres titres par l’article 132 de la directive TVA (6). Cette économie des dispositions de cette directive consacrées à l’exonération pourrait s’expliquer par la diversité des services éducatifs dans les États membres. Les exonérations des prestations de services éducatifs au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous i) et j), de la directive TVA doivent néanmoins recevoir l’application la plus uniforme possible en dépit de ces disparités dans les services éducatifs des États membres (7).

20.      Il n’est toutefois pas possible de se rallier à la conception de la République de Pologne voulant que les États membres soient libres de reconnaître comme autre organisme ayant des fins comparables tout organisme qui effectue des prestations de services éducatifs. Une telle approche méconnaît les conditions requises par l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA à l’égard de la personne qui accomplit les prestations de services éducatifs. Si les États membres avaient la faculté d’exonérer les prestations de services éducatifs de toute personne, cela irait à l’encontre de la volonté manifeste du législateur de l’Union en ôtant toute portée à la caractéristique énoncée par l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA dans les termes exprès de fins comparables.

21.      La Cour de justice a elle aussi déjà indiqué que tous les organismes ne peuvent pas bénéficier de l’exonération pour des services éducatifs. C’est ainsi que, dans un arrêt, elle a exclu qu’une société organisant des séjours scolaires et universitaires à l’étranger puisse être un organisme ayant des fins comparables au sens de l’exonération prévue à présent à l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA (8).

22.      On doit dès lors approuver l’analyse du juge de renvoi quand il indique que les États membres n’ont pas un pouvoir d’appréciation absolu dans la définition des organismes privés exonérés au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA.

2.      Les limites du pouvoir d’appréciation

23.      La question qui se pose dès lors est celle de savoir si un État membre déborde des limites de son pouvoir d’appréciation lorsqu’il accorde à des organismes privés qui accomplissent des prestations de services éducatifs à des fins commerciales l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA.

24.      Le juge de renvoi a émis des doutes sur ce point car, selon son intitulé, l’article 132 de la directive TVA ne prévoit d’exonérations que pour certaines activités d’intérêt général. La Cour a néanmoins déjà déterminé en des termes généraux que le caractère commercial d’une activité n’exclut pas, dans le contexte de cet article, qu’elle présente le caractère d’une activité d’intérêt général (9).

25.      Il en va de même tout spécialement de l’exonération des prestations de services éducatifs au titre dudit article, sous i).

26.      La notion d’«organisme» est, d’une part, suffisamment large pour inclure des personnes physiques et des sociétés privées poursuivant un but lucratif (10). D’autre part, la limitation, prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA, aux organismes privés ayant des fins comparables à celles des organismes de droit public, n’exclut pas non plus les activités à caractère commercial.

27.      La République de Pologne et la République portugaise ont indiqué à juste titre que, contrairement à d’autres exonérations du même article, l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA ne comporte aucune restriction liée au caractère commercial ou au but lucratif d’un organisme. Tel est pourtant le cas des exonérations prévues audit article, sous l), m) et q), qui excluent de leur champ d’application les organismes à but lucratif ou les activités à caractère commercial. On doit en conclure que, à l’inverse, les organismes à caractère commercial, dont l’activité est exclusivement tournée vers le profit, peuvent bénéficier de l’exonération prévue pour les prestations de services éducatifs (11).

28.      En outre, l’objectif de cette exonération n’empêche pas d’en faire bénéficier les entreprises commerciales pour des prestations de services éducatifs (12). Si l’on se réfère à une indication donnée par la Cour à l’égard de l’enseignement supérieur, on voit que cet objectif peut en effet consister à ne pas bloquer l’accès aux prestations de services éducatifs par les surcoûts qui découleraient de leur assujettissement à la TVA (13). Même si cet objectif ne permet pas directement de dégager les critères qui doivent caractériser les organismes privés exonérés, il nous semble que la réalisation de cet objectif n’est en principe pas tributaire de la nature commerciale ou non des fins de ces prestations de services éducatifs.

29.      Dans la mesure où, dans ses observations écrites, la Commission s’est fondée sur les articles 133 et 134 de la directive TVA pour récuser l’exonération fiscale aux organismes commerciaux, il convient d’évoquer ces deux dispositions.

30.      D’une part, la Cour a déjà précisé que l’article 133 permet aux États membres d’ajouter aux conditions et aux modalités de la reconnaissance d’organismes privés au titre même de l’exonération, les autres conditions énoncées à l’article 133 (14). À l’inverse, il est donc également loisible aux États membres de ne pas imposer aux organismes privés les conditions énoncées à l’article 133 (15). C’est la raison pour laquelle la Cour a précisément déduit de la condition énoncée à l’article 133, premier alinéa, sous a), de la directive TVA que le but lucratif ne peut pas exclure le bénéfice de l’exonération. Aux termes de cette disposition, en effet, les États membres peuvent subordonner l’octroi de l’exonération prévue pour les services éducatifs à la condition que l’organisme privé n’ait pas pour but la recherche systématique du profit. Cette faculté des États membres serait sans objet si cette condition était déjà requise pour reconnaître des organismes privés au titre même de l’exonération (16).

31.      D’autre part, l’article 134 de la directive TVA ne récuse pas non plus la possibilité d’étendre l’exonération à des organismes privés qui accomplissent des prestations de services éducatifs à des fins commerciales. Contrairement à l’article 133, il est vrai que cette disposition exclut impérativement un certain nombre de prestations de l’exonération prévue notamment pour les services éducatifs (17). Toutefois, dans sa logique interne, en particulier en raison de la condition énoncée à son point a), elle n’a vocation à s’appliquer qu’aux opérations «étroitement liées» aux prestations de services éducatifs exonérées au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA, et donc pas aux opérations qui sont au cœur de l’exonération (18). On voit ainsi que l’exclusion, prévue à l’article 134, sous b), de la directive TVA, du bénéfice de l’exonération pour les opérations accomplies en concurrence directe avec celles d’entreprises commerciales soumises à la TVA ne permet de tirer aucune conclusion sur la faculté de faire bénéficier en principe des entreprises commerciales de l’exonération.

32.      On doit ainsi en conclure que la législation nationale ne déborde pas des limites du pouvoir d’appréciation que l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA laisse aux États membres lorsqu’elle exonère aussi des organismes privés qui accomplissent des prestations de services éducatifs à des fins commerciales.

3.      La réponse à la première question

33.      La première question appelle donc une réponse négative.

34.      Ce constat ne suffit néanmoins pas à donner au juge de renvoi une réponse utile à la solution du litige, car, ainsi que le montre en particulier la formulation de la seconde question, ce qui intéresse le juge de renvoi c’est de savoir en définitive si l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’exonération que la législation polonaise a mise en place pour les prestations de services éducatifs.

35.      Certes, nous avons à présent déterminé aux titres 1 et 2 ci-dessus que rien n’interdit à la République de Pologne d’exonérer au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA des prestations de services éducatifs accomplies par des organismes privés à des fins commerciales. Toutefois, elle ne peut pas non plus le faire sans lier la moindre exigence à la reconnaissance des organismes. C’est en cela que la loi polonaise applicable dans la procédure au principal n’a pas parfaitement transposé l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA.

36.      Il convient dès lors de répondre à la première question que les dispositions des articles 132, paragraphe 1, sous i), 133 et 134 de la directive TVA doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce que les prestations de services éducatifs effectuées par des organismes privés, à des fins commerciales, soient exonérées de TVA. Toutefois, elles s’opposent à une transposition qui en est faite sans lier la moindre exigence à la reconnaissance des fins comparables d’organismes privés.

B –    L’effet direct de la directive TVA

37.      C’est dans cette même perspective qu’il convient d’apporter une réponse à la seconde question. Dans cette seconde question, le juge de renvoi souhaite savoir si un assujetti peut faire jouer à la fois l’exonération et le droit à déduction quand on sait que l’exonération prévue par la législation nationale n’est pas conforme à la directive TVA (19).

38.      Dans la première affaire VDP Dental Laboratory, nous avions soutenu à cet égard que l’on ne saurait invoquer la sixième directive «de manière asymétrique»; c’est-à-dire que, par principe, l’assujetti ne peut pas invoquer directement cette directive, qui ne prévoit pas d’exonération pour des prestations, pour prétendre à la déduction de la taxe acquittée en amont et bénéficier, dans le même temps, de l’exonération non conforme au droit de l’Union prévue dans la législation nationale. Cela heurte selon nous le principe central du système de la TVA réservant fondamentalement le droit à déduction aux dépenses qui ont subi la TVA (20).

39.      Dans son arrêt, la Cour a semblé se rallier à cette conception en ce qu’elle a déterminé qu’un assujetti peut se fonder directement sur la sixième directive en vue d’obtenir l’assujettissement de ses livraisons et, partant, déduire la TVA en amont y afférente. L’arrêt n’aborde toutefois pas directement la possibilité d’invoquer la sixième directive «de manière asymétrique» (21).

40.      MDDP rétorque à présent que, lorsqu’un assujetti invoque le droit à déduction qu’il tire de la directive TVA, il n’est absolument pas possible que ses opérations en aval soient soumises à la TVA au titre de la législation nationale. En effet, la législation nationale prévoit précisément leur exonération. Les bénéficiaires des prestations n’admettraient dès lors pas un surcoût qui répercuterait la TVA après coup. Il est vrai qu’un assujettissement serait conforme à la directive TVA. Celle-ci ne lie toutefois que les États membres aux termes de l’article 288 TFUE et ne peut avoir sur ce point aucun effet direct à l’égard d’un assujetti. La Commission a elle aussi partagé cette analyse au cours de la procédure devant la Cour.

41.      Compte tenu de ces arguments, nous poursuivons en vérifiant notre conception au regard du présent cas d’espèce. Nous la vérifions en nous référant à la jurisprudence constante de la Cour voulant que, dans tous les cas où des dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant le juge national à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (22).

42.      Il convient dès lors de préciser tout d’abord laquelle des dispositions de la directive TVA a été imparfaitement transposée en droit interne (titre 1), ensuite, si et dans quelle mesure cette disposition est, dans son contenu, inconditionnelle et suffisamment précise (titre 2), et, enfin, quelles conséquences juridiques se produisent lorsqu’un assujetti invoque cette disposition (titre 3).

1.      Une disposition imparfaitement transposée

43.      Il convient de préciser, tout d’abord, la disposition de la directive TVA qui a été imparfaitement transposée.

44.      On doit constater à cet égard qu’il est exclu, en l’espèce, d’invoquer l’article 168 de la directive TVA régissant le droit à déduction et que la question préjudicielle vise. On n’aperçoit pas en effet que cette disposition serait mal transposée dans la législation polonaise. Cette législation semble plutôt conforme à l’article 168 de la directive TVA en ce sens que le droit à déduction dépend de prestations en aval soumises à la TVA.

45.      La directive TVA n’a été imparfaitement transposée qu’à l’endroit de son article 132, paragraphe 1, sous i). La législation polonaise a, en effet, étendu trop largement la catégorie des bénéficiaires de l’exonération, en incluant tout le monde dans l’exonération des prestations de services éducatifs.

46.      On pourrait aussi considérer que la réglementation polonaise transpose imparfaitement l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, qui soumet en principe toute prestation de service à la TVA. La Cour a toutefois déjà précisé que l’article 132 de la directive TVA ne définit pas seulement les activités qui doivent être exonérées, mais aussi celles qui ne peuvent pas l’être (23).

47.      Il s’ensuit que, si l’exonération prévue par une législation nationale n’est pas conforme à la directive TVA, un assujetti ne peut, dans ce cas, qu’invoquer l’assujettissement de ses prestations et non pas un droit à déduction autonome directement tiré de la directive TVA. Un tel droit à déduction est davantage le simple corollaire de l’assujettissement qui aura été invoqué. Si un assujetti peut en effet invoquer l’assujettissement de ses prestations à l’encontre de la législation nationale, il bénéficie alors du droit à déduction transposé au plan national conformément à la directive, qui suppose la taxation des opérations en aval.

48.      Cette différenciation entre l’exonération à transposer et le droit à déduction transposé n’est pas contraire à la jurisprudence de la Cour rendue à ce jour. Dans des cas analogues, la Cour n’a pas encore déterminé à ce jour laquelle des dispositions susmentionnées a des effets directs. Elle les a plutôt combinées pour en déduire des droits que le particulier peut faire valoir à l’encontre d’un État membre (24).

49.      C’est en vain que la Commission tente de les repousser en invoquant la jurisprudence voulant qu’une directive ne puisse pas créer d’obligations pour les particuliers (25), car il ne s’agit pas de cela dans le présent cas de figure. Une exonération imparfaitement transposée ne signifie pas, pour un assujetti, que ses prestations soient obligatoirement taxées. Il a simplement le droit, dans certaines circonstances, d’invoquer l’assujettissement.

50.      Dans la mesure où la Commission invoque, par ailleurs, l’arrêt RBS Deutschland Holdings à l’appui de son analyse, il suffit d’indiquer que cet arrêt concerne l’interprétation de l’actuel article 169, sous a), de la directive TVA. Contrairement à l’article 168 à appliquer en l’espèce, ce régime spécial de déduction de la taxe versée en amont ne requiert précisément pas d’affectation à des fins d’opérations taxées. Du reste, l’affaire RBS Deutschland Holdings concernait une opération qui n’était effectivement pas soumise à la taxe en raison de divergences de vues entre deux États membres sur le lieu de la prestation, et non pas en raison d’une prestation exonérée de plein droit (26).

51.      L’effet direct d’une directive ne pouvant jouer qu’à l’égard d’une disposition imparfaitement transposée, on doit dès lors constater que, lorsqu’une exonération prévue par le droit national est incompatible avec la directive TVA, l’article 168 de cette directive ne permet pas à un assujetti de bénéficier de l’exonération tout en prétendant au droit à déduction.

52.      Cela répond déjà à la seconde question du juge de renvoi. Afin de donner audit juge une réponse utile dans la procédure au principal, il reste toutefois à examiner si, dans le présent cas de figure, un assujetti tel que MDDP peut bel et bien invoquer l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA pour parvenir à voir assujettir ses prestations de services éducatifs et, partant, à bénéficier du droit à déduction.

2.      Une disposition inconditionnelle et suffisamment précise

53.      La question qui se pose à présent est de savoir si l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA est, dans son contenu, inconditionnel et suffisamment précis à l’endroit de l’exonération des prestations de services éducatifs d’organismes privés.

54.      La première de ces conditions est remplie. L’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA est inconditionnel quant à son contenu en ce qu’il ne laisse aucune option aux États membres, mais impose à chaque État membre d’accorder l’exonération qui y est définie.

55.      Toutefois, il est plus difficile de répondre à la question de savoir si l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA est aussi suffisamment précis quant aux personnes à exonérer. Cette exonération requiert encore de chaque État membre, on l’a vu, qu’il définisse les organismes privés qui ont des fins comparables à celles des organismes de droit public (27).

56.      Fondamentalement, l’effet direct d’une disposition d’une directive suppose qu’elle ne soit subordonnée à l’intervention d’aucun autre acte, émanant soit des institutions de l’Union, soit des États membres (28). Il est exclu, en principe, qu’un particulier invoque la disposition d’une directive là où elle laisse un pouvoir d’appréciation aux États membres (29).

57.      Toutefois, l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA admet bien que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation à l’endroit d’une catégorie d’établissements, l’État membre doive respecter ses termes tant dans l’exonération de prestations de services éducatifs que dans leur assujettissement à la taxe (30). Compte tenu de ces éléments, l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA n’est donc suffisamment précis à l’égard des organismes privés exonérés de la taxe qu’en ce qu’il trace les limites du pouvoir d’appréciation des États membres. En d’autres termes, il existe des organismes privés ayant des fins comparables qui doivent être reconnus par les États membres et d’autres, de nouveau, pour lesquels cela est exclu. Mais lorsqu’il s’agit d’organismes privés dont la reconnaissance relève précisément du pouvoir d’appréciation de l’État membre conformément à l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA, cette disposition n’est pas suffisamment précise pour avoir un effet direct.

58.      Dans d’autres affaires mettant en cause le pouvoir d’appréciation des États membres dans la définition de l’étendue d’exonérations fiscales, la Cour semble avoir récusé cette analyse en considérant que la disposition de droit de l’Union en question est suffisamment précise pour avoir un effet direct, même dans le volet laissé au pouvoir d’appréciation des États membres.

59.      C’est ainsi que la Cour a déterminé, par exemple, qu’un assujetti peut en principe invoquer directement l’exonération des soins médicaux au titre de l’actuel article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, lorsque les États membres ont réglementé la reconnaissance des organismes exonérés d’une manière qui reste incompatible avec le droit de l’Union, en dépit du pouvoir d’appréciation conféré en la matière (31). La Cour a statué dans le même sens à l’égard de l’actuel article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, qui exonère la gestion de certains fonds communs de placement. Bien que cette disposition laisse aux États membres un pouvoir d’appréciation dans la définition des fonds de placement exonérés, elle produit un effet direct lorsque les États membres ne donnent pas des fonds communs de placement bénéficiant de l’exonération une définition conforme au droit de l’Union (32). La Cour a également décidé que l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA, qui confère aux États membres un pouvoir d’appréciation pour tracer les limites de l’exonération des jeux de hasard, a effet direct dans le cas où les limites tracées par une réglementation nationale ne sont pas conformes au droit de l’Union (33).

60.      Toutes ces affaires concernent, toutefois, des limites apportées par des États membres à l’étendue d’une exonération, certes dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, mais au mépris du principe de neutralité fiscale. Ces États avaient en effet exclu de l’exonération des assujettis qui devaient être traités de la même manière que leurs concurrents (34). L’effet direct commande dès lors, dans ces cas, de faire bénéficier de l’exonération ceux qui en avaient été écartés au mépris du principe d’égalité.

61.      Les choses se présentent toutefois différemment en l’espèce. Dans la présente affaire, la législation polonaise n’apporte pas, au mépris du droit de l’Union, une limitation à l’exonération des prestations de services éducatifs, qui pourrait être écartée par un effet direct de l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA. L’exonération du code de la TVA ne se concilie à l’inverse pas avec le droit de l’Union par son absence totale de limite. Dans un tel cas, un État membre ne déborde, dès lors, indûment du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA qu’en ce qu’il exonère ainsi des assujettis qu’il n’aurait pas pu exonérer dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Il s’agit des assujettis qui n’auraient en aucun cas pu être reconnus comme des organismes ayant des fins comparables.

62.      On doit dès lors constater que l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA est certes inconditionnel quant à son contenu en ce qui concerne l’exonération des prestations de services éducatifs d’organismes privés, mais qu’il n’est suffisamment précis au regard du présent cas d’espèce qu’en ce qu’il ne permet pas d’exonérer l’ensemble des organismes privés dans la législation nationale.

3.      Les conséquences juridiques du moyen invoquant la disposition

63.      Les conséquences juridiques du moyen invoquant l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA ne dépendent, en l’espèce, que de la réponse à la question de savoir si l’assujetti qui conclut à l’effet direct de la disposition aurait pu être qualifié par l’État membre exerçant son pouvoir d’appréciation d’organisme ayant des fins comparables. Si tel est le cas, le moyen invoquant la disposition ne conduit pas à écarter la législation nationale. Ce n’est que si l’État membre n’avait pas été autorisé, au titre de son pouvoir d’appréciation, à reconnaître un assujetti comme un organisme ayant des fins comparables que l’assujetti pourrait alors invoquer l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA pour l’opposer à la législation nationale et voir ainsi assujettir ses prestations.

64.      Dans certains arrêts qui ont concerné l’actuel article 132, paragraphe 1, sous b) et g), de la directive TVA, la Cour a certes déterminé l’incompatibilité de la reconnaissance d’organismes privés définie par l’État membre et, de surcroît, l’effet direct des dispositions, mais sans en déduire de conséquences directes tirées du droit de l’Union. Elle a plutôt chargé à chaque fois la juridiction nationale de vérifier elle-même dans le cas d’espèce, au vu de tous les éléments à prendre en compte et en particulier des circonstances de fait de la procédure au principal, si l’assujetti remplit les conditions d’un organisme à reconnaître (35). Cela revient au final à substituer dans le cas d’espèce le pouvoir d’appréciation du juge national au pouvoir d’appréciation erronément exercé par le législateur de l’État membre.

65.      En l’espèce, cela signifierait que, si MDDP invoque l’effet direct de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA, le juge de renvoi devrait examiner si, dans son appréciation propre, MDDP doit être reconnue comme étant un organisme aux fins comparables. Si le juge national ne la qualifie pas comme un tel organisme, alors MDDP pourrait invoquer l’assujettissement de ses prestations de services éducatifs.

66.      Cette approche différente pourrait s’expliquer parce que, à ce jour, la Cour n’a pas encore précisé sous quelle forme les États membres doivent exercer leur pouvoir d’appréciation dans l’application ou non de la reconnaissance d’assujettis au titre des exonérations de l’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA: par une législation énoncée en catégories abstraites ou par une appréciation au cas par cas. D’un côté, la Cour indique qu’il appartient au droit national de chaque État membre d’édicter les règles régissant cette reconnaissance (36). De l’autre, la Cour donne l’impression qu’il appartient aux autorités nationales elles-mêmes d’exercer le pouvoir d’appréciation en déterminant les organismes à reconnaître (37).

67.      Nous sommes convaincue que les États membres ne peuvent abandonner ni aux autorités nationales ni aux juridictions nationales l’exercice de leur pouvoir d’appréciation dans la reconnaissance d’organismes privés aux fins de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA. Leurs analyses, forcément centrées sur le cas d’espèce, ne peuvent pas remplacer l’exercice du pouvoir d’appréciation du législateur national dans l’établissement d’une règle abstraite de reconnaissance. Ainsi que l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer l’a déterminé à juste titre, les critères d’exonération doivent être neutres, abstraits et prédéterminés (38).

68.      De surcroît, ce n’est que récemment que la Cour a indiqué que l’approche adoptée par les autorités fiscales lorsqu’elles examinent des établissements comparables et concurrents doit être cohérente (39). Cette cohérence est irréalisable si chaque autorité nationale ou chaque juridiction nationale tranche chaque cas d’espèce dans un pouvoir d’appréciation propre qui doit presque nécessairement conduire à un traitement distinct des différents assujettis.

69.      Donc, si, dans la mise en place d’une législation, un État membre a exercé, au mépris du droit de l’Union, le pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA dans la reconnaissance d’organismes privés, cette entorse ne peut être redressée que par la voie d’un texte législatif à caractère abstrait et non par une juridiction nationale dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation.

70.      Dans la procédure au principal, le juge de renvoi doit donc uniquement vérifier si l’exonération d’un organisme comme MDDP au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA déborde du pouvoir d’appréciation laissé au législateur polonais. Il appartient au juge national d’examiner le but et les modalités de l’activité de MDDP en les comparant à ceux des organismes polonais de droit public chargés de missions éducatives. On doit toutefois relever que l’exonération d’un organisme comme MDDP ne déborderait pas du pouvoir d’appréciation laissé au législateur polonais si la seule raison qui récuserait la comparaison résidait dans les fins commerciales de l’activité. Cela n’est en effet pas une raison susceptible, on l’a dit, d’empêcher une reconnaissance au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA (40).

71.      Si le juge de renvoi devait néanmoins déterminer que le but d’un organisme comme MDDP ne peut en aucun cas être reconnu comme comparable par le législateur polonais, MDDP pourrait alors prétendre en l’espèce que l’exonération prévue par le droit national ne lui est pas applicable, eu égard à son incompatibilité avec l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA. Dans ce cas, ses prestations de services éducatifs seraient soumises à la TVA et MMDP pourrait alors faire valoir dans cette mesure un droit à déduction au titre des règles polonaises.

72.      De surcroît, MDDP aurait en plus, sous certaines conditions, le droit de prétendre à une indemnisation ainsi que la Cour l’a déjà indiqué dans l’arrêt Stockholm Lindöpark (41) qui concerne une affaire analogue. Le préjudice à réparer pourrait en effet consister pour MDDP en ce que ses clients n’admettent pas de payer après coup un surcoût lié à l’imposition.

4.      La réponse à la seconde question

73.      Il convient donc de répondre à la seconde question que, lorsqu’une exonération nationale n’est pas conforme à la directive TVA, l’assujetti ne peut pas la faire jouer tout en bénéficiant du droit de déduire la TVA acquittée en amont. L’application directe de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive TVA dans un cas comme celui-ci n’aboutit, du reste, à assujettir les prestations de services éducatifs que si la reconnaissance de l’assujetti concerné comme un organisme ayant des fins comparables à un organisme de droit public débordait des limites du pouvoir d’appréciation laissé à l’État membre.

V –    Conclusion

74.      Par ces motifs, nous proposons de répondre aux deux questions du Naczelny Sąd Administracyjny comme suit:

1)      Les dispositions des articles 132, paragraphe 1, sous i), 133 et 134 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce que les prestations de services éducatifs effectuées par des organismes privés, à des fins commerciales, soient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, elles s’opposent à une transposition qui en est faite sans lier la moindre exigence à la reconnaissance d’organismes privés poursuivant des fins de cette nature.

2)      Lorsqu’une exonération nationale n’est pas conforme à la directive 2006/112, l’assujetti ne peut pas la faire jouer tout en bénéficiant du droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont. L’application directe de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 dans un cas comme celui-ci n’aboutit, du reste, à assujettir les prestations de services éducatifs que si la reconnaissance de l’assujetti concerné comme un organisme ayant des fins comparables à un organisme de droit public débordait des limites du pouvoir d’appréciation laissé à l’État membre.


1 –      Langue originale: l’allemand.


2 –      Voir, pour les avantages d’une imposition, l’exposé circonstancié de l’avocat général Mme Sharpston dans les conclusions qu’elle a présentées le 8 mars 2007 (arrêt du 14 juin 2007, Horizon College, C-434/05, Rec. p. I-4793, points 20 et suiv.).


3 –      JO L 347, p. 1.


4 – JO L 145, p. 1.


5 – Voir en ce sens, s’agissant de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, arrêts du 6 novembre 2003, Dornier (C-45/01, Rec. p. I-12911, point 64), et du 8 juin 2006, L.u.P. (C-106/05, Rec. p. I-5123, point 42), ainsi que, en ce qui concerne l’article 13, A, paragraphe 1, sous g) et h), de la sixième directive, arrêts du 26 mai 2005, Kingscrest Associates et Montecello (C-498/03, Rec. p. I-4427, point 49), et du 15 novembre 2012, Zimmermann (C-174/11, point 26).


6 – Voir, s’agissant de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, arrêts L.u.P., précité (point 42), et du 10 juin 2010, CopyGene (C-262/08, Rec. p. I-5053, point 63), ainsi que, en ce qui concerne l’article 13, A, paragraphe 1, sous g) et h), de la sixième directive, arrêts du 10 septembre 2002, Kügler (C-141/00, Rec. p. I-6833, point 54); Kingscrest Associates et Montecello, précité (point 51), et Zimmermann, précité (point 26).


7 – Voir en ce sens, sur l’interprétation de la notion d’«enseignement scolaire ou universitaire» figurant à l’article 13, A, paragraphe 1, sous j), de la sixième directive, arrêt du 28 janvier 2010, Eulitz (C-473/08, Rec. p. I-907, point 36).


8 – En ce qui concerne l’article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, voir arrêt du 13 octobre 2005, ISt (C-200/04, Rec. p. I-8691, points 45 à 47).


9 – En ce qui concerne l’article 13, A, de la sixième directive, voir arrêts du 3 avril 2003, Hoffmann (C-144/00, Rec. p. I-2921, point 38), ainsi que Kingscrest Associates et Montecello, précité (point 31).


10 – Arrêts du 7 septembre 1999, Gregg (C-216/97, Rec. p. I-4947, points 15 et suiv.), ainsi que Kingscrest Associates et Montecello, précité (point 35).


11 – Voir, en ce sens, arrêt Kingscrest Associates et Montecello, précité (point 37).


12 – En ce qui concerne l’article 13, A, paragraphe 1, sous n), de la sixième directive, sur cette condition dans l’exercice du pouvoir d’appréciation des États membres, voir le point 66 des conclusions de l’avocat général Geelhoed présentées le 14 novembre 2002 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hoffmann, précité.


13 – En ce qui concerne l’article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, voir arrêt du 20 juin 2002, Commission/Allemagne (C-287/00, Rec. p. I-5811, point 47).


14 – S’agissant de l’article 13, A, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, voir arrêts précités Dornier (points 64 à 66); Kingscrest Associates et Montecello (point 38); L.u.P. (points 41 à 43), ainsi que Zimmermann (point 27).


15 – À propos de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, voir point 39 des conclusions présentées par l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt L.u.P., précité.


16 – À propos de l’article 13, A, paragraphes 2, sous a), et 1, sous g) et h), de la sixième directive, voir arrêt Kingscrest Associates et Montecello, précité (point 40).


17 – Voir la distinction déjà opérée dans l’économie de ces dispositions par l’avocat général Jacobs au point 38 de ses conclusions du 13 décembre 2001 (arrêt du 21 mars 2002, Kennemer Golf, C-174/00, Rec. p. I-3293), ainsi que, à propos de l’article 13, A, paragraphe 2, de la sixième directive, par l’avocat général Léger au point 31 de ses conclusions du 15 septembre 2005 (arrêt du 1er décembre 2005, Ygeia, C-394/04 et C-395/04, Rec. p. I-10373).


18 – Voir en ce sens, à propos de l’article 13, A, paragraphe 2, de la sixième directive, arrêts Ygeia, précité (point 26), ainsi que du 9 février 2006, Stichting Kinderopvang Enschede (C-415/04, Rec. p. I-1385, points 22 et 25).


19 – Voir à cet égard, également, la première question préjudicielle dans l’affaire VDP Dental Laboratory (C-144/13), pendante devant la Cour.


20 – Voir points 95 à 97 des conclusions que nous avons présentées le 7 septembre 2006 (arrêt du 14 décembre 2006, VDP Dental Laboratory, C-401/05, Rec. p. I-12121); voir, également, point 46 des conclusions antérieures de l’avocat général Fennelly présentées le 18 juin 1998 (arrêt du 12 novembre 1998, Victoria Film, C-134/97, Rec. p. I-7023).


21 – Arrêt du 14 décembre 2006, VDP Dental Laboratory, précité (point 41).


22 – Arrêts du 19 janvier 1982, Becker (8/81, Rec. p. 53, point 25); du 22 juin 1989, Costanzo (103/88, Rec. p. 1839, point 29); Kügler, précité (point 51), et du 8 mai 2013, Marinov (C-142/12, point 37). Voir, déjà, arrêt du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, Rec. p. 1337, point 12).


23 – En ce qui concerne l’article 13, A, de la sixième directive, voir arrêt Zimmermann, précité (point 51).


24 – Voir arrêts du 18 janvier 2001, Stockholm Lindöpark (C-150/99, Rec. p. I-493, point 35), et du 14 décembre 2006, VDP Dental Laboratory, précité (point 40).


25 – Voir arrêt du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48).


26 – Arrêt du 22 décembre 2010 (C-277/09, Rec. p. I-13805, points 37 et 41).


27 – Voir point 19 des présentes conclusions.


28 – Arrêt du 3 mars 2011, Auto Nikolovi (C-203/10, Rec. p. I-1083, point 62).


29 – Arrêt du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen (51/76, Rec. p. 113, points 25 à 29).


30 – À propos de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, voir arrêt CopyGene, précité (points 77 et suiv.).


31 – Arrêt Dornier, précité (points 81 et suiv.).


32 – Arrêt du 28 juin 2007, JP Morgan Fleming Claverhouse Investment Trust et The Association of Investment Trust Companies (C-363/05, Rec. p. I-5517, points 59 à 62).


33 – Arrêts du 17 février 2005, Linneweber et Akritidis (C-453/02 et C-462/02, Rec. p. I-1131, point 37), ainsi que du 10 novembre 2011, The Rank Group (C-259/10 et C-260/10, Rec. p. I-10947, point 68).


34 – Voir arrêts précités Dornier (points 69 et suiv.); Linneweber et Akriditis (point 37), ainsi que JP Morgan Fleming Claverhouse Investment Trust et The Association of Investment Trust Companies (point 48).


35 – Arrêts précités Kügler (points 55 à 61); Dornier (points 81 et suiv.), ainsi que Zimmermann (point 32).


36 – À propos de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, voir arrêts précités Dornier (point 64); L.u.P. (point 42), et CopyGene (point 63), ainsi que, à propos de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g) et h), de la sixième directive, arrêts précités Kingscrest Associates et Montecello (point 49) et Zimmermann (point 26).


37 – À propos de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, voir arrêt CopyGene, précité (point 64), ainsi que, à propos de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g) et h), de la sixième directive, arrêts précités Kügler (points 56 et suiv.) et Zimmermann (points 31 et 33).


38 – À propos de l’article 13, A, paragraphe 1, sous g) et h), de la sixième directive, voir point 36 des conclusions présentées le 22 février 2005 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kingscrest Associates et Montecello, précité.


39 – En ce qui concerne l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, voir arrêt CopyGene, précité (point 73).


40 – Voir points 23 et suiv. des présentes conclusions.


41 – Arrêt précité (points 34 et suiv.).