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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 30 juin 2016 (1)

Affaire C-340/15

Christine Nigl,

Gisela Nigl sen.,

Gisela Nigl jun.,

Josef Nigl et

Martin Nigl,

contre

Finanzamt Waldviertel

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Sixième directive – Article 4, paragraphes 1 et 4, et article 25 – Directive 2006/112/CE – Articles 9 à 11 et article 296 – Notion d’“assujetti” – Activité économique exercée de façon indépendante – Sociétés de droit civil effectuant des livraisons de biens sous une dénomination de vente commune et par l’intermédiaire d’une société commerciale – Retrait de la reconnaissance du statut d’assujetti – Régime commun forfaitaire des producteurs agricoles – Exclusion du régime forfaitaire »





 Introduction

1.        Dans la présente affaire, le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances, Autriche) a saisi la Cour de justice d’une série de questions préjudicielles concernant le statut des opérateurs économiques en tant qu’assujettis individuels dans le cadre de l’application, à leur cas, du régime commun forfaitaire des producteurs agricoles prévu par les dispositions en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La Cour aura l’occasion de rappeler et de préciser sa jurisprudence relative à la question du sens véritable de la notion d’« activité économique exercée d’une façon indépendante », de l’interprétation des dispositions relatives à ce que l’on appelle un « groupe TVA » ainsi que du problème de l’abus de droit.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2.        Les faits de la procédure au principal s’étendent tant sur la période d’application de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (2) que sur la période d’application de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (3). Cependant, étant donné que le texte des dispositions essentielles pour la présente affaire des deux directives est en substance identique, je me limiterais à citer les dispositions de la directive 2006/112.

3.        L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112 dispose :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

[...] »

4.        L’article 10 de cette directive dispose :

« La condition que l’activité économique soit exercée d’une façon indépendante visée à l’article 9, paragraphe 1, exclut de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l’employeur. »

5.        L’article 11 de la même directive dispose :

« Après consultation du comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée […], chaque État membre peut considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur le territoire de ce même État membre qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

Un État membre qui fait usage de la faculté prévue au premier alinéa peut prendre toutes mesures utiles pour éviter que l’application de cette disposition rende la fraude ou l’évasion fiscales possibles. »

6.        Enfin, l’article 296, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/112 dispose :

« 1.      Les États membres peuvent appliquer aux producteurs agricoles pour lesquels l’assujettissement au régime normal de la TVA ou, le cas échéant, au régime particulier prévu au chapitre 1 se heurterait à des difficultés, un régime forfaitaire visant à compenser la charge de la TVA payée sur les achats de biens et services des agriculteurs forfaitaires, conformément au présent chapitre.

2.      Chaque État membre peut exclure du régime forfaitaire certaines catégories de producteurs agricoles, ainsi que les producteurs agricoles pour lesquels l’application du régime normal de la TVA ou, le cas échéant, des modalités simplifiées prévues à l’article 281 ne présente pas de difficultés administratives. »

 Le droit autrichien

7.        Aux termes de l’article 1175, paragraphe 1, de l’Allgemeines bürgerliches Gesetzbuch (code civil), une société civile est formée par deux ou plusieurs personnes qui décident, par voie contractuelle, d’exercer une activité commune en vue d’un but commun décrit. Un tel contrat n’est soumis à aucune exigence de forme.

8.        La directive 2006/112 a été transposée dans l’ordre juridique autrichien par l’Umsatzsteuergesetz 1994 (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires de 1994, ci-après l’« UStG »). Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de l’UStG, est assujetti à la TVA toute personne qui exerce d’une façon indépendante une activité industrielle, commerciale ou professionnelle. Le paragraphe 2 de cette disposition précise qu’une activité n’est pas qualifiée d’indépendante si elle est exercée par des personnes physiques soumises aux instructions d’une entreprise ou par une personne morale soumise à la volonté d’une (autre) entreprise sur les plans financier, économique ou de l’organisation, de sorte qu’elle n’a pas de volonté propre.

9.        Le régime commun forfaitaire des producteurs agricoles prévu par la directive 2006/112 est transposé à l’article 22 de l’UStG. Il s’applique aux producteurs agricoles non soumis à l’obligation de tenir une comptabilité. Cette obligation dépend toutefois, conformément à l’article 12, paragraphe 1, du Bundesabgabenordnung (code fédéral des impôts) du chiffre d’affaires et de la valeur de l’entreprise.

 Les circonstances de fait, le déroulement de la procédure et les questions préjudicielles

10.      La famille Nigl exerce depuis longtemps une activité dans le domaine viticole et de la production de vin. Avec le développement de la production et l’agrandissement des cultures, l’activité a concerné de plus en plus de nouveaux membres de la famille. Actuellement, ils forment trois sociétés civiles, chacune exerçant une activité viticole sur ses propres parcelles. De même, le vin produit provient des récoltes issues des parcelles appartenant à chaque société et, bien qu’il soit commercialisé sous l’appellation commune « Nigl », il porte une indication renvoyant à la parcelle appartenant à une société civile concrète. De plus, en 2001, les membres de la famille ont constitué la société à responsabilité limitée Weingut Nigl GmbH. Cette société s’occupe avant tout de la commercialisation du vin au nom et pour le compte des trois sociétés civiles. Elle produit également du vin en son nom propre à partir de fruits achetés auprès des trois sociétés civiles. Les outils nécessaires à la culture et à la production sont en principe la propriété des sociétés civiles individuelles, à l’exception des immeubles et de certains équipements, tels que les machines pour l’embouteillage, qui sont une propriété commune.

11.      Les quatre sociétés, c’est-à-dire les trois sociétés civiles et la société à responsabilité limitée, ont été enregistrées, dès leur création, en tant qu’assujettis distincts à la TVA, les sociétés civiles relevant du régime commun forfaitaire des producteurs agricoles. Ce statut a été confirmé par les contrôles réalisés par les autorités fiscales. Cependant, en 2012, à la suite d’un nouveau contrôle, les autorités fiscales ont considéré que les trois sociétés civiles devaient être traitées comme une seule entreprise à compter de l’année 2005 et, partant, comme un seul assujetti à la TVA. Seule la société à responsabilité limitée a conservé le statut d’assujetti distinct. Pour cette raison, les autorités fiscales défenderesses dans la procédure au principal ont adopté, à l’encontre des requérants au principal, une série d’avis d’imposition rectificatifs pour les années 2005-2012, ainsi que des décisions limitant la validité de leurs numéros d’identification fiscale en tant qu’assujettis à la TVA.

12.      Le fait de considérer les trois sociétés commerciales comme une seule entreprise entraîne également, à la lumière de la réglementation autrichienne, leur exclusion du régime commun forfaitaire des producteurs agricoles.

13.      Les autorités fiscales justifient leur décision par la forte intégration économique et organisationnelle des trois sociétés civiles. Tout d’abord, elles font observer que toutes ces sociétés apparaissent à l’égard des tiers sous l’appellation « Weingut Nigl », qui est également la dénomination de vente de leurs produits, qu’elles utilisent des bâtiments et des installations communs, et que le processus de vinification fondamental pour la production du vin est réalisé en fait par une personne, M. Martin Nigl, qui est un spécialiste reconnu dans ce domaine.

14.      Les requérants dans la procédure au principal ont attaqué les décisions précitées devant la juridiction de renvoi. Ils avancent notamment les arguments suivants : les différentes sociétés civiles ont été créées individuellement, à différent moments, et il n’est pas possible de constater la création implicite d’une société civile contre la volonté expresse de ses associés présumés ; l’utilisation commune des bâtiments et des équipements est une pratique courante, en particulier dans l’agriculture, et l’on ne saurait en déduire le caractère non indépendant des entreprises individuelles ; la commercialisation du produit final, à savoir le vin, sous une dénomination de vente commune, n’est pas non plus un critère déterminant, notamment lorsque le vin porte en outre une indication de chacune des sociétés civiles.

15.      Dans ces circonstances, le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) a décidé de suspendre la procédure et de saisir la Cour de justice des questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Trois groupements de personnes qui se composent de différents membres d’une famille, qui apparaissent en tant que tels de façon indépendante vis-à-vis de leurs fournisseurs et vis-à-vis des autorités publiques, qui disposent chacun, à l’exception de deux biens économiques, de leurs propres outils d’exploitation, mais qui commercialisent une grande partie de leurs produits sous une marque commune par l’intermédiaire d’une société de capitaux dont les parts sont détenues par les membres des groupements de personnes ainsi que par d’autres membres de la famille, sont-ils trois entreprises indépendantes (assujettis) ?

2)      Pour le cas où les trois groupements de personnes ne seraient pas à considérer comme trois entreprises indépendantes (assujettis), est-ce alors :

      a)      la société de capitaux assurant la commercialisation, ou

      b)      un groupement de personnes composé des membres des trois groupements de personnes, qui n’apparaît en tant que tel sur le marché ni vis-à-vis des fournisseurs ni vis-à-vis des clients, ou

      c)      un groupement de personnes composé des trois groupements de personnes et de la société de capitaux, qui n’apparaît en tant que tel sur le marché ni vis-à-vis des fournisseurs ni vis-à-vis des clients, qui doit être considéré comme une entreprise indépendante ?

3)      Pour le cas où les trois groupements de personnes ne seraient pas à considérer comme trois entreprises indépendantes (assujettis), le refus de cette qualité d’entreprise (assujetti)

      a)      peut-il leur être opposé rétroactivement, ou

      b)      ne peut-il leur être opposé que pour le futur, ou

      c)      ne peut-il pas leur être opposé du tout,

si, dans un premier temps, ces groupements de personnes ont été, après des contrôles fiscaux, reconnus par le Finanzamt [centre des impôts] comme des entreprises indépendantes (assujettis) ?

4)      Pour le cas où les trois groupements de personnes seraient à considérer comme trois entreprises indépendantes (assujettis), celles-ci sont-elles, en tant que viticulteurs et, partant, en tant que producteurs agricoles, des agriculteurs forfaitaires si chacun de ces groupements de personnes, qui coopèrent sur le plan économique, relève certes individuellement du régime forfaitaire des producteurs agricoles, mais que la société de capitaux, un groupement de personnes propre constitué des membres des trois groupements de personnes ou un groupement de personnes propre constitué de la société de capitaux et des membres des trois groupements de personnes est exclu de ce régime par le droit national en raison de la taille de l’exploitation ou de la forme juridique ?

5)      Pour le cas où le régime forfaitaire des producteurs agricoles devrait être en principe exclu pour les trois groupements de personnes, cette exclusion :

      a)      s’applique-t-elle rétroactivement, ou

      b)      ne s’applique-t-elle que pour le futur, ou

      c)      ne s’applique-t-elle pas du tout ? »

16.      La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour de justice le 7 juillet 2015. Des observations écrites ont été déposées par les requérants au principal, le gouvernement autrichien et la Commission européenne. Ces mêmes parties ont été représentées lors de l’audience qui s’est tenue le 13 avril 2016.

 Analyse

17.      La juridiction de renvoi n’indique pas dans sa décision les dispositions concrètes du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation. Cependant, il convient de déduire du libellé des questions préjudicielles ainsi que des informations figurant dans la décision de la juridiction de renvoi que les première, deuxième et troisième questions concernent l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 11 de la directive 2006/112, alors que les quatrième et cinquième questions portent en outre sur l’interprétation des dispositions relatives au régime commun forfaitaire des producteurs agricoles, en particulier de l’article 296, paragraphes 1 et 2, de cette directive. Je propose de diviser de la même manière l’analyse juridique dans la présente affaire.

 Sur les première, deuxième et troisième questions préjudicielles, relatives à l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 11 de la directive 2006/112

 Sur la première question préjudicielle

18.      Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche en substance à déterminer si l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, et l’article 11 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’ils autorisent un État membre, ou exigent de celui-ci, de retirer le statut d’assujetti distinct à des personnes qui, dans l’exercice d’une activité taxée, sont à ce point liées, sur le plan économique et de l’organisation, qu’il est possible de les considérer comme une seule entreprise. Dans le cadre de la réponse à une question ainsi formulée, il convient, selon moi, de distinguer l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de celle de l’article 11 de ladite directive.

–       Sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112

19.      Dans la présente affaire, il est constant que l’activité exercée par les requérants est une activité économique au sens de l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2006/112. Reste donc à répondre à la question de savoir si cette activité est exercée par ceux-ci de façon indépendante au sens de ce paragraphe, premier alinéa, et, plus précisément, si chacune des sociétés civiles instituées par les requérants exerce cette activité de façon indépendante, obtenant ainsi le statut d’assujetti.

20.      Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, le caractère indépendant d’une activité au sens de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112 doit être appréhendé à la lumière de l’article 10 de cette directive. Or, cette disposition indique clairement que la définition de l’expression « de façon indépendante » a pour objectif d’exclure de la taxation les activités exercées par des personnes liées à une entreprise par un contrat de travail ou une autre relation de travail similaire. Cela signifie qu’une activité n’est pas exercée de façon indépendante uniquement lorsque la personne qui l’exerce est subordonnée à une autre personne de telle manière qu’elle n’exerce pas cette activité en son nom propre ou pour son propre compte, qu’elle ne dirige pas cette activité de manière personnelle et qu’elle ne supporte pas le risque économique lié à son exercice (4).

21.      Le fait même d’une collaboration, même étroite, entre plusieurs personnes sous la forme de sociétés civiles dans le cadre de l’exercice d’une activité n’indique cependant pas, selon moi, une subordination de ces personnes à une autre personne. Par la force des choses, des personnes collaborant entre elles exercent une activité en leur propre nom, pour leur propre compte et sous leur propre direction et elles supportent le risque économique lié à l’exercice de cette activité, car il n’y pas de personne supérieure pour le compte et sous la responsabilité de laquelle cette activité pourrait être exercée. Il convient d’ajouter que, dans la procédure au principal, selon les informations figurant dans la décision de la juridiction de renvoi, la société à responsabilité limitée fondée par les requérants ne semble pas non plus remplir une telle fonction.

22.      Dans une telle situation, il n’est pas possible de considérer que l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112 constituait le fondement pour retirer aux personnes intéressées le statut d’assujetti en raison du caractère non indépendant de l’activité qu’elles exercent.

–       Sur l’interprétation de l’article 11 de la directive 2006/112

23.      L’article 11 de la directive 2006/112 autorise les États membres à considérer comme un seul assujetti des personnes indépendantes du point de vue juridique, mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation (un tel assujetti est défini comme étant un « groupe TVA »). La reconnaissance d’un seul assujetti peut concerner à la fois des assujettis distincts actuels ou potentiels et des personnes n’ayant pas le statut d’assujetti (5).

24.      La disposition examinée poursuit un double objectif. Premièrement, elle permet de simplifier les procédures administratives tant du point de vue des autorités fiscales que des personnes intéressées (6). Deuxièmement, elle peut servir à lutter contre les pratiques abusives, telles que la division de l’entreprise en plusieurs personnes dans le but de bénéficier d’un régime particulier de taxation (7).

25.      L’application de cette disposition dans l’ordre juridique national requiert toutefois le respect de deux conditions.

26.      Premièrement, cette disposition doit être expressément transposée dans le droit interne. En effet, elle n’est pas inconditionnelle, de sorte qu’elle ne peut être directement appliquée (8). Il en va ainsi même dans le cas où ses effets devraient avantager les assujettis, et cela est d’autant plus vrai si son application, ainsi que le fait observer à juste titre la Commission, désavantage ces derniers, comme dans le cas d’espèce.

27.      Deuxièmement, le recours par les États membres à la possibilité prévue à l’article 11 de la directive 2006/112 requiert la consultation préalable du comité de la TVA (9).

28.      Dans ce contexte, la présente affaire fait apparaître un doute sur le point de savoir s’il existe en droit autrichien un fondement juridique pour considérer les sociétés civiles constituées par les requérants au principal comme un groupe TVA au sens de l’article 11 de la directive 2006/112. La disposition que la République d’Autriche, ainsi que l’a indiqué la Commission au cours de la procédure, a soumise pour consultation au comité de la TVA dans ce contexte est l’article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’UStG. Cette disposition limite la possibilité de considérer des personnes comme un seul assujetti aux personnes morales soumises à une entreprise sur les plans financier, économique ou de l’organisation, de sorte qu’elles n’ont pas de volonté propre.

29.      Les sociétés constituées par les requérants au principal, que les autorités fiscales autrichiennes ont refusé de considérer comme des assujettis distincts dans les décisions litigieuses dans la présente procédure n’ont pas de personnalité juridique et ne sont soumises à aucune autre entreprise. Le gouvernement autrichien affirme toutefois qu’il est possible de leur appliquer l’article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’UStG.

30.      Il s’agit d’une question d’interprétation du droit national pour laquelle seules les juridictions nationales sont compétentes. Je souhaiterais uniquement faire observer que, selon moi, l’appréciation de cette question n’est pas affectée par une éventuelle incompatibilité de cette disposition du droit autrichien avec l’article 11 de la directive 2006/112 à la lumière de l’arrêt Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (10), ce que semble suggérer la Commission dans ses observations. Dans cet arrêt, la Cour a en fait déclaré que la limitation, prévue dans le droit allemand, de la possibilité de constituer un groupe TVA, limitation analogue à celle prévue par la disposition autrichienne examinée en l’espèce, est contraire à l’article 4, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la sixième directive dès lors que ce dernier ne fait pas dépendre son application d’autres conditions que celle d’un lien étroit entre les personnes concernées (11). Cependant, dans le même temps, la Cour a exclu la possibilité pour les assujettis d’invoquer directement la disposition en cause de la directive, même si la disposition nationale transposant celle-ci introduit une limitation incompatible avec la disposition de la directive (12). Par conséquent, les autorités fiscales peuvent d’autant moins invoquer directement l’article 11 de la directive 2006/112 aux fins de l’appliquer au détriment d’un assujetti.

31.      À la lumière des considérations qui précèdent, je pense qu’une éventuelle incompatibilité de l’article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’UStG avec l’article 11 de la directive 2006/112 ne doit pas avoir d’incidence sur l’appréciation de la possibilité d’appliquer cette première disposition aux sociétés civiles constituées par les requérants au principal.

–       Réponse à la première question préjudicielle

32.      Conformément aux considérations ci-dessus, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il ne fonde pas le refus du statut d’assujetti à une personne liée à une autre personne sur les plans d’organisation, économique ou financier si ce lien n’a pas le caractère d’un rapport juridique dont il est question à l’article 10 de cette directive. L’article 11 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que son application requiert l’existence, dans l’ordre juridique national, d’une base juridique expresse adoptée après consultation préalable du comité de la TVA. Il appartient aux juridictions nationales de déterminer si une telle base existe dans le droit national et si elle trouve à s’appliquer dans le cas d’espèce.

 Sur la deuxième question préjudicielle

33.      Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche en substance à déterminer quelles personnes dans la procédure au principal doivent éventuellement être considérées comme un seul assujetti si une telle possibilité existe du point de vue juridique.

34.      Ainsi que cela ressort de la réponse que je propose pour la première question préjudicielle, une telle possibilité découlerait de l’article 11 de la directive 2006/112, si la juridiction de renvoi considère que l’article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’UStG, qui transpose cet article, trouve à s’appliquer dans les circonstances de la procédure au principal. En revanche, la détermination des personnes qu’il convient éventuellement de qualifier de « groupe TVA » est une constatation de fait qui relève totalement de la compétence des autorités fiscales et des juridictions nationales. Je ne pense pas que le droit de l’Union puisse fournir ici une quelconque indication.

35.      Par conséquent, je propose à la Cour de répondre à la deuxième question que la détermination des personnes qui, dans une situation de fait concrète, peuvent être considérées comme un seul assujetti relève totalement de la compétence des autorités fiscales et des juridictions nationales.

 Sur la troisième question préjudicielle

36.      Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche en substance à déterminer si les autorités fiscales, lorsqu’elles appliquent des dispositions nationales transposant l’article 11 de la directive 2006/112, peuvent considérer comme des membres d’un groupe TVA des assujettis qu’elles ont considérés auparavant comme des assujettis distincts et, si tel est le cas, si elles peuvent le faire avec effet rétroactif ou seulement avec un effet pour le futur.

37.      Tout d’abord, dans le cadre de la réponse à une question ainsi formulée, je dois faire observer que, selon moi, ni le texte de l’article 11 de la directive 2006/112 ni les principes généraux du droit fiscal n’indiquent que cette disposition ne devrait s’appliquer qu’aux personnes qui, jusqu’alors, n’ont jamais exercé d’activité taxée et n’avaient pas, pour cette raison, le statut d’assujettis à la TVA. Une telle interprétation restrictive de la disposition en cause s’opposerait à la poursuite de ses objectifs. En effet, d’une part, cela empêcherait la constitution d’un groupe TVA par des assujettis qui exercent déjà une activité taxée en tant qu’assujettis distincts. D’autre part, cela empêcherait également les autorités fiscales de réagir de manière appropriée à un changement de situation dans le chef des assujettis et d’appliquer à ces derniers les dispositions en matière de groupe TVA, soit aux fins de la simplification de la liquidation de l’impôt ou de la lutte contre la fraude.

38.      De même, les principes de droit fiscal, notamment le principe de sécurité juridique, ne s’opposent pas, selon moi, à la reconnaissance en tant que membres d’un groupe TVA de personnes qui ont été considérées auparavant comme des assujettis distincts. En effet, autant, au sens du principe précité, la situation fiscale de l’assujetti, eu égard à ses droits et ses obligations à l’égard de l’administration fiscale, ne doit pas être indéfiniment susceptible d’être remise en cause (13), autant des dispositions claires et prévisibles permettant aux autorités fiscales de vérifier les avis d’imposition antérieurs ne violent pas ce principe (14).

39.      Ensuite, en ce qui concerne la question de savoir si des assujettis jusqu’à présent distincts peuvent être considérés comme membres d’un groupe TVA avec effet rétroactif ou seulement pour le futur, il convient, selon moi, de distinguer deux situations.

40.      Ainsi que je l’ai indiqué au point 24 des présentes conclusions, l’application des dispositions relatives au groupe TVA peut avoir pour objectif, notamment, de lutter contre les pratiques abusives, telles que la division d’une entreprise en plusieurs personnes dans le but de bénéficier d’un régime fiscal particulier. Dans un tel cas, le fait de considérer les assujettis comme des membres d’un groupe TVA et la conséquence qui en découle pour leur imposition viseront à corriger une anomalie antérieure existante et à rétablir la situation telle qu’elle aurait dû exister en l’absence de la pratique abusive. Cela peut englober également une correction, avec effet rétroactif, de décisions antérieures (15). Dès lors, selon moi, il convient de constater que les autorités fiscales ont le droit de considérer, avec effet rétroactif, comme membres d’un groupe TVA des personnes qui ont été considérées auparavant par ces autorités comme des assujettis distincts si cela a pour objectif de lutter contre une pratique abusive consistant, par exemple, en une division artificielle de l’entreprise.

41.      En revanche, lorsque ce type de pratique abusive n’est pas établi dans le chef des assujettis, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent, selon moi, à l’application rétroactive des dispositions relatives au groupe TVA aux personnes qui avaient auparavant le statut d’assujettis distincts. Il en va ainsi notamment lorsque, comme dans la procédure au principal, ce statut d’assujettis distincts a été confirmé auparavant à la suite d’un contrôle effectué par les autorités fiscales.

42.      Il convient encore d’ajouter, sur cette question, que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la constatation d’une pratique abusive en matière fiscale exige que deux conditions soient remplies. Premièrement, les opérations de l’assujetti, malgré l’application formelle des conditions prévues par les dispositions pertinentes, doivent avoir pour résultat l’obtention par l’assujetti d’un avantage financier dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par ces dispositions. Deuxièmement, il doit résulter d’un ensemble d’éléments objectifs que le but des opérations de l’assujetti est l’obtention d’un avantage fiscal, c’est-à-dire que les opérations ne sont pas susceptibles d’avoir une justification autre que la simple obtention de ces avantages fiscaux (16). Bien entendu, l’appréciation du respect de ces conditions et, de manière générale, la constatation de l’existence, dans un cas concret, d’un abus de droit relèvent de la compétence exclusive des juridictions nationales.

43.      À la lumière des considérations qui précèdent, je propose de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 11 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’elles l’appliquent, les autorités fiscales peuvent considérer comme un seul assujetti des personnes qui ont exercé auparavant une activité taxée en tant qu’assujettis distincts. Il est possible de considérer de telles personnes comme un seul assujetti avec effet rétroactif si ces personnes ont abusé des droits découlant du statut d’assujettis distincts.

 Sur les quatrième et cinquième questions préjudicielles, relatives au régime commun forfaitaire des producteurs agricoles

44.      Les quatrième et cinquième questions portent sur l’application aux requérants au principal du système commun forfaitaire des producteurs agricoles dont il est question aux articles 295 et suivants de la directive 2006/112. La quatrième question vise concrètement l’application de ce régime, ou également la possibilité de refuser son application, selon que les requérants au principal sont considérés comme des assujettis distincts ou comme des membres d’un groupe TVA. En revanche, la cinquième question porte sur le point de savoir à partir de quel moment il est éventuellement possible de refuser l’application dudit régime forfaitaire.

 Sur la quatrième question préjudicielle

45.      Par sa quatrième question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche en substance à déterminer s’il est possible de refuser l’application du régime forfaitaire aux requérants au principal, traités en tant qu’assujettis distincts (plus exactement en tant que trois sociétés civiles ayant le statut d’assujettis distincts), en raison de leurs rapports étroits sur le plan économique, même si, d’un point de vue formel, ils remplissent les critères d’application de ce régime tels que fixés par le droit national.

46.      En premier lieu, je dois souligner que la question ainsi formulée semble aller au-delà de la portée du litige au principal. Ce litige, ainsi que cela ressort clairement de la décision de renvoi, porte en effet sur les décisions des autorités fiscales considérant les requérants comme des membres d’un groupe TVA, sur la rectification correspondante de leur taxation et sur la limitation de la validité de leur numéro d’identification aux fins de la TVA. Bien entendu, ainsi que cela ressort de la décision de renvoi et des observations des parties, se pose au fond la question de l’application du régime forfaitaire : les requérants, traités comme des assujettis distincts, auraient droit à ce régime alors que, en tant que groupe TVA, ils n’y auraient pas droit car ils cesseraient de remplir les critères d’application du régime forfaitaire. Cependant, la non-application de ce régime résulterait précisément de la reconnaissance des requérants en tant que groupe TVA. La procédure au principal n’a pas pour objet la question du refus d’appliquer le régime forfaitaire indépendamment du statut d’assujettis des requérants ou sur un autre fondement que le fait de les considérer comme membres d’un groupe TVA. Selon moi, la réponse de la Cour à la quatrième question préjudicielle doit donc porter uniquement sur le point de savoir si la non-application du régime forfaitaire peut dépendre du fait que les requérants sont considérés comme membres d’un groupe TVA, sans quoi cette question aurait en effet un caractère hypothétique.

47.      En second lieu, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 296, paragraphe 1, de la directive 2006/112, les États membres peuvent appliquer aux producteurs agricoles un régime forfaitaire si leur assujettissement au régime normal de taxation ou à l’une des modalités simplifiées « se heurterait à des difficultés ». Cependant, aux termes de l’article 296, paragraphe 2, de cette directive, les États membres peuvent exclure du régime forfaitaire certains producteurs agricoles ou certaines catégories de producteurs agricoles, pour lesquels l’application du régime normal ou des modalités simplifiées ne présente pas de difficultés. Par ailleurs, en vertu de l’article 296, paragraphe 3, de la même directive, chaque producteur agricole relevant du régime forfaitaire peut opter, en lieu et place de cette taxation, pour le régime normal ou une procédure simplifiée.

48.      Une telle configuration du régime forfaitaire dans les dispositions de la directive est indicative de son caractère dérogatoire. Celui-ci est également confirmé par la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le régime forfaitaire ne doit être appliqué que dans la mesure nécessaire pour atteindre son objectif (17), c’est-à-dire, ainsi qu’il convient de le comprendre, dans la mesure où l’application du régime normal ou d’une procédure simplifiée se heurterait à des difficultés.

49.      Cependant, dans le même temps, le caractère facultatif lui-même du régime forfaitaire, ainsi que des exclusions de ce régime prévues à l’article 296, paragraphe 2, de la directive 2006/112, sont indicatifs du large pouvoir d’appréciation laissé aux États membres dans la mise en œuvre de ce régime. En particulier, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission dans ses observations, il ne semble pas que les États membres soient tenus d’examiner à chaque fois, pour chaque producteur agricole individuel, si son assujettissement au régime normal ou à une procédure simplifiée se heurterait ou non à des difficultés et si, à cet égard, il convient d’appliquer le régime forfaitaire. Les États membres peuvent définir de manière générale les critères dont le respect autorise à bénéficier du régime forfaitaire et peuvent appliquer ce régime automatiquement aux producteurs agricoles remplissant ces critères.

50.      En droit autrichien, le droit de bénéficier du régime forfaitaire est lié à la dispense de l’obligation de tenir une comptabilité, ce qui, à son tour, dépend de la taille de l’exploitation, mesurée selon le chiffre d’affaire et la valeur de l’exploitation. Un tel critère semble tout à fait rationnel, dans la mesure où l’obligation de tenir une comptabilité est précisément l’une des difficultés administratives liées à l’assujettissement à la TVA selon le régime normal ou une procédure simplifiée.

51.      Semble également tout à fait rationnel le refus d’appliquer le régime forfaitaire lorsque, eu égard au fait que plusieurs producteurs agricoles ont été considérés comme un seul assujetti à la TVA, ils perdent le droit d’être dispensés de l’obligation de tenir une comptabilité dès lors que leur exploitation, en tant qu’entité unique, dépasse la taille définie.

52.      Dès lors, je propose de répondre à la quatrième question préjudicielle que l’article 296, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale aux termes de laquelle le refus d’appliquer le régime forfaitaire dont il est question dans cette disposition survient uniquement lorsque le producteur agricole cesse de remplir les critères d’application de ce régime fondés sur la taille de l’exploitation, par exemple, parce que plusieurs producteurs agricoles liés entre eux sur le plan économique ont été considérés comme un seul assujetti.

 Sur la cinquième question préjudicielle

53.      Par sa cinquième question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche en substance à déterminer si le refus d’appliquer le régime forfaitaire des producteurs agricoles peut concerner des producteurs agricoles auxquels le régime a été appliqué par le passé et, si tel est le cas, s’il peut être appliqué rétroactivement ou seulement pour le futur.

54.      Étant donné que la présente affaire porte sur le refus d’appliquer le régime forfaitaire en raison du fait que plusieurs producteurs agricoles sont considérés comme des membres d’un groupe TVA, la réponse à la cinquième question doit être analogue à la réponse donnée à la troisième question.

55.      Premièrement, je ne vois donc pas d’obstacle au refus d’appliquer le régime forfaitaire à des producteurs agricoles auxquels ce régime a été appliqué par le passé. Une telle interdiction empêcherait les États membres de réagir à une situation changeante, et serait aussi en contradiction avec le caractère dérogatoire de ce régime et l’exigence de l’appliquer uniquement dans la mesure nécessaire.

56.      Deuxièmement, je suis d’avis que, s’il est établi que l’application du régime forfaitaire est liée à un abus de droit, par exemple, lorsqu’une exploitation agricole est artificiellement divisée uniquement aux fins de remplir les critères permettant de bénéficier de ce régime, le refus d’appliquer celui-ci peut avoir un caractère rétroactif. En revanche, dans une situation différente, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent, selon moi, à ce que l’on refuse, avec effet rétroactif, d’appliquer le régime forfaitaire. Dans un tel cas, les autorités fiscales, si elles constatent que le changement de situation du producteur agricole ne justifie plus que ce dernier bénéficie de ce régime, peuvent refuser son application, mais uniquement pour le futur.

57.      À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la cinquième question préjudicielle que l’article 296, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas au refus d’appliquer le régime forfaitaire dont il est question dans cette disposition à un producteur agricole auquel ce régime a été appliqué par le passé. Ce refus peut être appliqué avec effet rétroactif si l’application du régime forfaitaire était liée à un abus de droit.

 Conclusion

58.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose que la Cour fournisse les réponses suivantes aux questions préjudicielles déférées par le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) :

1)      L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doit être interprété en ce sens qu’il ne fonde pas le refus du statut d’assujetti à une personne liée à une autre personne sur les plans d’organisation, économique ou financier si ce lien n’a pas le caractère d’un rapport juridique dont il est question à l’article 10 de cette directive. L’article 11 de la même directive doit être interprété en ce sens que son application requiert l’existence, dans l’ordre juridique national, d’une base juridique expresse adoptée après consultation préalable du comité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il appartient aux juridictions nationales de déterminer si une telle base existe dans le droit national et si elle trouve à s’appliquer dans le cas d’espèce.

2)      La détermination des personnes qui, dans une situation de fait concrète, peuvent être considérées comme un seul assujetti relève totalement de la compétence des autorités fiscales et des juridictions nationales.

3)      L’article 11 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’elles l’appliquent, les autorités fiscales peuvent considérer comme un seul assujetti des personnes qui ont exercé auparavant une activité taxée en tant qu’assujettis distincts. Il est possible de considérer de telles personnes comme un seul assujetti avec effet rétroactif si ces personnes ont abusé des droits découlant du statut d’assujettis distincts.

4)      L’article 296, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale aux termes de laquelle le refus d’appliquer le régime forfaitaire dont il est question dans cette disposition survient uniquement lorsque le producteur agricole cesse de remplir les critères d’application de ce régime fondés sur la taille de l’exploitation, par exemple, parce que plusieurs producteurs agricoles liés entre eux sur le plan économique ont été considérés comme un seul assujetti.

5)       L’article 296, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas au refus d’appliquer le régime forfaitaire dont il est question dans cette disposition à un producteur agricole auquel ce régime a été appliqué par le passé. Ce refus peut être appliqué avec effet rétroactif si l’application du régime forfaitaire était liée à un abus de droit.


1 – Langue originale : le polonais.


2 –      JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive ».


3 –      JO 2006, L 347, p. 1.


4 –      Voir, en particulier, arrêts du 27 janvier 2000, Heerma (C-23/98, EU:C:2000:46, point 18), et du 29 septembre 2015, Gmina Wrocław (C-276/14, EU:C:2015:635, points 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée).


5 –      Voir, en particulier, arrêt du 9 avril 2013, Commission/Irlande (C-85/11, EU:C:2013:217).


6 –      Arrêt du 9 avril 2013, Commission/Irlande (C-85/11, EU:C:2013:217, point 48).


7 –      Voir, en particulier, arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, point 40).


8 –      Arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, points 50 et 51).


9 –      Voir, en ce sens, en ce qui concerne l’article 4, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la sixième directive, arrêt du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin (C-162/07, EU:C:2008:301, point 23).


10 –      Arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496).


11 –      Arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, point 2 du dispositif).


12 –      Arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, point 3 du dispositif).


13 –      Voir arrêt du 6 février 2014, Fatorie (C-424/12, EU:C:2014:50, point 46). Voir également, dans le même sens, arrêt du 21 février 2006, Halifax e.a. (C-255/02, EU:C:2006:121, point 72).


14 –      Arrêt du 6 février 2014, Fatorie (C-424/12, EU:C:2014:50, points 47 et 48).


15 –      Voir, dans le même sens, arrêt du 21 février 2006, Halifax e.a. (C-255/02, EU:C:2006:121, points 94 et 95).


16 –      Voir, dans le même sens, arrêts du 21 février 2006, Halifax e.a. (C-255/02, EU:C:2006:121, points 74 et 75), ainsi que du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C-419/14, EU:C:2015:832, point 36).


17 –      Arrêts du 15 juillet 2004, Harbs (C-321/02, EU:C:2004:447, point 27), et du 8 mars 2012, Commission/Portugal (C-524/10, EU:C:2012:129, point 49).