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 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 juillet 2020 ( 1 )

Affaire C-656/19

BAKATI PLUS Kereskedelmi és Szolgáltató Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága

[demande de décision préjudicielle formée par la Szegedi Törvényszék (anciennement le Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság) (cour de Szeged (anciennement le tribunal administratif et du travail de Szeged), Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Exonérations concernant des opérations d’exportation – Biens faisant partie des bagages personnels de voyageurs non établis dans l’Union – Notion de “bagages personnels” – Fraude – Refus du droit à déduction de la TVA »

1.

La directive 2006/112/CE ( 2 ) exonère de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sous certaines conditions, les livraisons de biens à emporter hors de l’Union européenne dans les bagages personnels des voyageurs.

2.

La juridiction de renvoi demande l’interprétation de la Cour concernant la notion de « bagages personnels de voyageurs », et notamment si elle peut s’appuyer sur la réglementation douanière qui emploie une expression semblable voire identique ( 3 ) ou si elle doit tenir exclusivement compte du « sens habituel des mots ».

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union. La directive 2006/112

3.

L’article 146, paragraphe 1, de la directive 2006/112 est libellé comme suit :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

b)

les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acquéreur non établi sur leur territoire respectif, ou pour son compte, en dehors de la Communauté [...] ;

[...] »

4.

L’article 147 de la directive 2006/112 dispose :

« 1.   Dans le cas où la livraison visée à l’article 146, paragraphe 1, point b), porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, l’exonération ne s’applique que lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a)

le voyageur n’est pas établi dans la Communauté ;

b)

les biens sont transportés en dehors de la Communauté avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée ;

c)

la valeur globale de la livraison, TVA incluse, excède la somme de 175 EUR ou sa contre-valeur en monnaie nationale, fixée une fois par an, en appliquant le taux de conversion du premier jour ouvrable du mois d’octobre avec effet au 1er janvier de l’année suivante.

Toutefois, les États membres peuvent exonérer une livraison dont la valeur globale est inférieure au montant prévu au premier alinéa, point c).

2.   Aux fins du paragraphe 1, on entend par “voyageur qui n’est pas établi dans la Communauté” le voyageur dont le domicile ou la résidence habituelle n’est pas situé dans la Communauté. Dans ce cas on entend par “domicile ou résidence habituelle” le lieu mentionné comme tel sur le passeport, la carte d’identité ou tout autre document reconnu comme valant pièce d’identité par l’État membre sur le territoire duquel la livraison est effectuée.

[...] »

B. Le droit hongrois. La loi sur la TVA

5.

L’article 98 du az általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi CXXVII de 2007, relative à la taxe sur la valeur ajoutée) ( 4 ), dispose :

« (1)   Sont exonérées de la taxe, les livraisons de produits expédiés par voie postale ou transportés au départ du pays vers un pays hors de la Communauté, à condition que l’expédition ou le transport :

[...]

b)

soit effectué par l’acquéreur lui-même ou par un tiers agissant pour son compte si les conditions supplémentaires prévues par les paragraphes 3 et 4 du présent article ou par les articles 99 et 100 de la présente loi sont réunies.

[...]

(3)   Le paragraphe 1), sous b), peut s’appliquer, sous réserve des dispositions des articles 99 et 100, lorsque, dans ce contexte, l’acheteur n’est pas établi en Hongrie ou, à défaut d’établissement, n’y a pas son domicile ou sa résidence habituelle.

[...] »

6.

Conformément à l’article 99 de la loi sur la TVA :

« (1)   Lorsque l’acquéreur est un voyageur étranger et que le ou les biens livrés [...] font partie des bagages personnels ou de voyage du voyageur étranger, il est nécessaire, pour l’application de l’exonération de l’article 98, paragraphe 1, que :

a)

la contrevaleur, taxe incluse, de la livraison de biens dépasse un montant équivalent à 175 euros ;

b)

le voyageur étranger démontre son statut à l’aide de documents de voyage ou d’autres documents délivrés par les autorités reconnus par la Hongrie et servant à identifier la personne ;

c)

le fait que les biens ont quitté le territoire communautaire soit attesté par l’autorité de sortie des produits du territoire de la Communauté au moyen de l’apposition d’un visa et d’un cachet sur un formulaire fourni à cet effet par l’administration fiscale de l’État [...], moyennant présentation simultanée des biens livrés et de l’exemplaire original de la facture attestant l’exécution de la livraison de biens.

[...] »

7.

L’article 259, point 10, de la loi sur la TVA définit la notion de « voyageur étranger » et est libellé comme suit :

« [...] la personne physique qui n’est ni ressortissant d’un État membre de la Communauté ni titulaire d’un droit de séjour dans un État membre de la Communauté et celle qui, bien que ressortissant d’un État membre de la Communauté, réside en dehors du territoire de la Communauté ».

II. Les faits (selon la juridiction de renvoi) ( 5 ) et les questions préjudicielles

8.

Bakati Plus Kereskedelmi és Szolgáltató Kft. (ci-après « Bakati Plus ») est une entreprise qui se consacre au commerce de gros de plantes ornementales et au commerce de détail d’autres produits, effectué en dehors de ses locaux. À compter de l’année 2015, son chiffre d’affaires annuel est passé de 50 millions à 1 milliard de forints hongrois (HUF).

9.

Au cours de l’année 2016, à laquelle se rapportent les faits, la quasi-totalité de l’activité de Bakati Plus consistait en la vente, en grande quantité, de produits alimentaires, cosmétiques et de nettoyage à destination de la Serbie, qu’elle fournissait à 20 particuliers, membres de trois familles.

10.

Les produits étaient transportés par un mandataire de Bakati Plus depuis son entrepôt jusqu’à un autre entrepôt, loué par les acheteurs serbes en Hongrie à proximité de la frontière de ce pays avec la Serbie.

11.

Sur place, et contre un paiement en liquide, le conducteur qui effectuait le transport livrait les biens aux acheteurs et leur remettait les factures émises par le représentant de Bakati Plus et les formulaires de demande de remboursement de la TVA. Les biens étaient ensuite transportés dans des véhicules de tourisme, comme bagages de voyageurs, jusqu’en Serbie.

12.

Le mécanisme pour obtenir l’exonération de TVA s’articulait de la manière suivante : a) Bakati Plus remplissait le formulaire de demande de remboursement de la TVA, qui ensuite était visé et cacheté par le bureau des douanes de sortie des biens ; b) un second exemplaire du formulaire était rendu à Bakati Plus ; c) Bakati Plus remboursait la TVA aux acheteurs, conformément à la loi sur la TVA, et d) Bakati Plus inscrivait dans sa déclaration de TVA la déduction du montant remboursé.

13.

Bakati Plus savait que ses clients achetaient les produits pour les revendre sur les marchés serbes. Elle était aussi consciente du fait que plusieurs membres de la même famille participaient à cette opération afin que la valeur de chaque livraison ne dépasse pas un million de HUF. Ainsi, conformément aux règles hongroises en matière de procédure douanière, le transit frontalier des biens entre la Hongrie et la Serbie s’effectuait sans problème.

14.

À l’occasion d’un contrôle fiscal, la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Csongrád Megyei Adó- és Vámigazgatósága (division de l’administration nationale des contributions et des douanes du comitat de Csongrád, Hongrie) (ci-après l’« autorité fiscale de premier degré ») a constaté que les achats effectués par les trois familles serbes auprès de Bakati Plus dépassaient leurs besoins individuels et familiaux et avaient été réalisés en vue de la revente des biens, ce qui excluait la qualification de « bagages personnels ». Elle a également déclaré que cette société n’avait pas non plus le droit à l’exonération de TVA pour d’autres motifs.

15.

À la suite de ce contrôle, par décision du 27 juin 2018, l’autorité fiscale de premier degré a exigé de Bakati Plus le paiement de la différence de TVA, assortie d’intérêts de retard, et lui a infligé une sanction pécuniaire.

16.

Le 31 octobre 2018, le Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) a confirmé la décision de premier degré, que Bakati Plus avait attaquée devant lui. Il a rejeté cette réclamation en invoquant un arrêt de la Kúria (Cour suprême, Hongrie) selon lequel :

pour interpréter la notion de « bagages de voyageurs », tant la quantité de marchandises que la fréquence des achats sont pertinentes. En l’absence d’une définition de cette notion dans la loi sur la TVA et dans la directive 2006/112, la pratique nationale considère comme bagage les biens que le voyageur acquiert pour son usage personnel ou en guise de cadeau, et en aucun cas à des fins commerciales.

Bakati Plus n’avait pas non plus le droit à l’exonération de TVA au titre de la livraison des biens destinés à l’exportation puisqu’elle n’avait pas demandé le dédouanement pour l’exportation en ce qui concerne les opérations et n’avait pas considéré de les traiter en tant qu’exportations : les acheteurs ont expressément revendiqué l’application de l’exonération de la taxe pour les voyageurs étrangers.

17.

Bakati Plus a attaqué la décision administrative de deuxième degré devant la Szegedi Törvényszék (cour de Szeged, anciennement le Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság ( 6 ), Hongrie), qui a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Une pratique d’un État membre qui assimile la notion de “bagages personnels” définie comme l’un des éléments de la définition d’une livraison de bien exonérée à un passager étranger à la notion d’“effets personnels” utilisée dans la convention sur les facilités douanières en faveur du tourisme, conclue à New York le 4 juin 1954, et dans le protocole additionnel à la convention, ainsi qu’à la notion de “bagages” de l’article 1er, point 5, du règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission du 28 juillet 2015 complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union [ ( 7 )] est-elle conforme à l’article 147 de la directive 2006/112/CE ?

2) S’il convient de donner une réponse négative à la première question, comment convient-il de définir la notion de “bagages personnels” de l’article 147 de la directive TVA, sachant que cette notion n’est pas définie dans la directive ? Une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités fiscales de l’État membre se réfèrent exclusivement au “sens général des mots” est-elle conforme aux dispositions du droit communautaire ?

3) Faut-il interpréter les dispositions des articles 146 et 147 de la directive TVA en ce sens que si un assujetti n’a pas droit à une exonération de la taxe en vertu de l’article 147 de directive TVA au titre d’une livraison de biens à un voyageur étranger, il convient au besoin d’examiner, sur la base de l’article 146, de la directive TVA, la possibilité d’une exonération de taxe en relation avec une vente à l’exportation même en dépit de l’absence des formalités douanières prévues dans le code des douanes de l’Union ou dans l’acte juridique délégué ?

4) Si la réponse à la question précédente est que, en l’absence d’exonération fiscale pour un voyageur étranger, l’opération est éligible à l’exonération de TVA au titre d’une exportation, cette opération peut-elle être qualifiée de livraison exonérée de TVA au titre d’une vente à l’exportation si l’intention du client au moment de la commande allait expressément à l’encontre d’une telle vente à l’exportation ?

5) S’il convient de donner une réponse affirmative aux questions 3 et 4, dans un cas d’espèce semblable à celui de la présente affaire, c’est-à-dire dans un cas d’espèce dans lequel l’émetteur de la facture savait, au moment de la livraison, que l’acquisition des produits avait pour but la revente de ces biens, que l’acheteur étranger, en dépit de cela, souhaitait emporter ces biens en tant que voyageur étranger, et que c’est donc de mauvaise foi que l’émetteur de la facture a établi le formulaire de demande de remboursement de la taxe servant à obtenir le remboursement de la taxe et a remboursé, au titre de l’exonération pour les voyageurs étrangers, la taxe sur la valeur ajoutée facturée, la pratique d’un État membre en vertu de laquelle l’administration fiscale refuse le remboursement de la taxe déclarée et payée erronément au titre d’une livraison pour voyageur étranger, sans qualifier la livraison de bien de vente à l’exportation et sans procéder à la correction en ce sens de l’opération, en dépit de ce qu’il n’est pas contesté que les biens sont sortis de Hongrie en tant que bagages, est-elle compatible avec les articles 146 et 147 de la directive TVA ainsi qu’avec les principes de droit de l’Union de neutralité fiscale et de proportionnalité ? »

III. La procédure devant la Cour

18.

La décision de renvoi préjudiciel a été enregistrée au greffe de la Cour le 4 septembre 2019.

19.

Bakati Plus, le gouvernement hongrois et la Commission européenne ont déposé des observations écrites.

IV. Appréciation

20.

Sur proposition de la Cour, les présentes conclusions ne porteront que sur les première et deuxième questions préjudicielles, concernant la notion de « bagages personnels de voyageurs » visée à l’article 147 de la directive 2006/112.

21.

Toutefois, j’estime qu’il convient de préciser que, quelle que soit l’interprétation de la notion de « bagages personnels de voyageurs » au sens de l’article 147 de la directive 2006/112, la solution du litige pourrait dépendre d’autres éléments d’appréciation si, comme semble le suggérer la juridiction de renvoi, les faits sont réputés être un montage fondé sur la connivence entre le vendeur des biens et ses acheteurs serbes afin de contourner les normes fiscales hongroises ( 8 ).

22.

J’aborderai tout d’abord la seconde interrogation de la deuxième question préjudicielle dont la réponse peut, à mon avis, être déduite de la jurisprudence de la Cour. Ensuite, j’expliquerai comment il y a lieu, à mon sens, d’interpréter la notion de « bagages personnels de voyageurs » figurant à l’article 147 de la directive 2006/112.

23.

La jurisprudence de la Cour sur les exonérations de TVA insiste sur le fait qu’il s’agit de notions autonomes du droit de l’Union ( 9 ) dont l’interprétation (qui doit être stricte) ( 10 ) doit être établie à la lumière de leur libellé, de leur contexte et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause ( 11 ).

A. Interprétation littérale. Le sens habituel des termes « bagages personnels de voyageurs » comme point de départ (seconde partie de la deuxième question préjudicielle)

24.

S’agissant de l’interprétation littérale des dispositions qui prévoient les exonérations de TVA, la Cour constate que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément à leur sens habituel dans le langage courant. Toutefois, elle précise qu’il convient de tenir compte « du contexte dans lequel [les termes] sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation en cause » ( 12 ).

25.

Il convient donc de répondre à la juridiction de renvoi qu’une pratique nationale qui interprète l’expression « bagages personnels de voyageurs », figurant à l’article 147 de la directive 2006/112, en tenant exclusivement compte du « sens habituel » des termes, ne respecte pas cette jurisprudence. Ce « sens habituel » ne peut faire abstraction du contexte spécifique de la règle ni de son objectif.

26.

Lorsqu’il n’y a pas un unique « sens habituel » des termes, il est indispensable d’interpréter la règle conformément à son contexte et à son objectif. Ce serait le cas de l’expression ici en cause.

27.

À première vue (et de manière intuitive), les « bagages personnels » d’un voyageur comprennent les objets qu’il emporte généralement avec lui pour son usage privé ainsi que d’autres, de petite taille, pour offrir en cadeau ou garder en souvenir.

28.

Cette interprétation exclurait du champ d’application de l’article 147 de la directive 2006/112 les biens destinés à un usage commercial transportés par le voyageur au moment de quitter le territoire de l’Union. Elle n’est toutefois pas la seule envisageable.

29.

Il serait possible de soutenir que le syntagme « bagages personnels » vise plutôt la manière de déplacer les biens du voyageur. De ce point de vue, les « bagages personnels de voyageurs » seraient ceux que le voyageur transporterait avec lui d’un lieu à l’autre, quel que soit leur contenu ( 13 ). Seraient compris tant les « bagages à main » que les bagages « accompagnés » ( 14 ), c’est-à-dire le reste des valises qui effectuent le trajet dans le même moyen de transport que leur propriétaire, qui se trouvent dans un espace prévu à cet effet (soute de l’avion, porte-bagages). Dans cette perspective, le caractère commercial ou non commercial de l’exportation serait dénué de pertinence.

30.

Le critère de l’interprétation littérale ne permet donc pas de dégager une réponse univoque. Comme je l’ai déjà exposé, il faut tenir compte des critères d’interprétation systématique et téléologique.

B. Contexte et objectifs de l’exonération de TVA à l’exportation de biens dans les bagages personnels de voyageurs

1.   Interprétation contextuelle

31.

L’article 147 de la directive 2006/112 est le second des deux articles formant le chapitre 6 (« Exonérations à l’exportation ») du titre IX (« Exonérations »). En réalité, l’article 147 n’est surtout qu’un développement de l’article 146, paragraphe 1, sous b), de cette directive.

32.

La directive 2006/112, notamment le titre IX, son chapitre 6 et, en particulier, ses articles 146 et 147 forment, à mon avis, le cercle herméneutique inhérent à l’expression « bagages personnels de voyageurs », employée dans ce dernier article. Ce cercle peut, par ailleurs, comprendre d’autres règles du régime de la TVA.

33.

La juridiction de renvoi et, partiellement, la Commission ( 15 ) mettent toutefois l’accent sur les règles du domaine douanier. Je commencerai par me référer à celles-ci et à leur rôle en tant que « contexte ».

a)   Régime de la TVA et régime douanier

34.

La pratique nationale, dont la compatibilité avec la directive 2006/112 est en cause dans le litige, fait appel à deux notions propres au domaine douanier :

celle des « effets personnels » de la convention sur les facilités douanières en faveur du tourisme, faite à New York le 4 juin 1954 et son protocole additionnel ( 16 ) ;

celle des « bagages » du règlement délégué, pris en exécution du code des douanes de l’Union ( 17 ).

35.

Il convient de préciser d’emblée que l’Union n’est pas partie à la convention de New York de 1954 qui, à l’heure actuelle, ne lie pas non plus tous les États membres.

36.

En revanche, par décision du 15 mars 1993, le Conseil a conclu, au nom de ce qui était alors la Communauté, la convention relative à l’admission temporaire, signée à Istanbul le 26 juillet 1990, ainsi que l’acceptation de ses annexes, sous certaines réserves ( 18 ). Cette dernière convention reprend, partiellement, la convention de New York de 1954.

37.

Toutefois, je n’ai pas besoin d’aborder la question de savoir quels aspects de la convention de New York de 1954 et du règlement délégué pourraient être pertinents en l’espèce.

38.

Certes, il y a un rapport étroit entre la réglementation douanière et celle sur la TVA, ce qui facilite, entre autres objectifs, la gestion coordonnée des taxes. Cependant, cette interrelation ne permet pas de souscrire sans condition à la prémisse de la juridiction de renvoi, que la Cour a rejetée dans d’autres arrêts « en raison des différences de structure, d’objet et de finalité existant entre un tel système [de TVA] et le régime communautaire de perception des droits de douane » ( 19 ).

39.

La manière dont les bagages personnels de voyageurs sont pris en considération dans ces deux domaines illustre ces différences.

Du point de vue douanier, les bagages personnels de voyageurs se rapportent au transport transfrontalier de toute marchandise, quel que soit son caractère. Tout ce qui compose les bagages est soumis à la réglementation douanière. Le fait que les marchandises soient ou non destinées à un usage commercial (tout comme d’autres facteurs, tels que la quantité ou le poids de la marchandise) peut être pertinent ultérieurement, au moment de préciser le régime douanier applicable ( 20 ).

À l’inverse, l’exonération de la TVA pour le transport de marchandises importées par des voyageurs provenant de pays tiers est conditionnée, d’emblée et expressément, à l’absence de nature commerciale de l’importation. C’est ce que prévoit l’article 4 de la directive 2007/74/CE ( 21 ) : « [l]es États membres accordent, sur la base de seuils financiers ou de limites quantitatives, des franchises de TVA et d’accises pour les marchandises importées dans les bagages personnels des voyageurs, pour autant que ces importations soient dépourvues de tout caractère commercial » ( 22 ).

40.

La question est maintenant de savoir si la condition évoquée au point précédent (l’absence de caractère commercial) ne s’impose que lorsqu’il s’agit de l’exonération de la TVA concernant les importations ou si elle s’applique également aux livraisons de biens exportés hors de l’Union dans les bagages personnels de voyageurs.

41.

L’analyse des origines et de l’évolution des règles communautaires sur la TVA (jusqu’à parvenir à l’article 147 de la directive 2006/112), ainsi que leur relation avec les directives ayant précédé la directive 2007/74, me permettra de défendre le fait que le contexte propre à résoudre les difficultés d’interprétation est le régime de la TVA et non pas le régime douanier ( 23 ).

42.

Par ailleurs, il s’agit du critère qui inspire la jurisprudence de la Cour dans ce domaine : l’interprétation des exonérations de cette taxe doit être faite « dans le contexte général du système commun de la TVA » ( 24 ).

b)   La réglementation antérieure. La directive 69/169/CEE

1) La franchise à l’importation

43.

Afin de déterminer la portée de l’article 147 de la directive 2006/112, il convient de revenir aux débuts de l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires perçues à l’importation dans le trafic international des voyageurs (la directive 69/169/CEE  ( 25 ) ).

44.

La directive 69/169 a pris comme point de départ le statu quo de l’harmonisation des impôts indirects à l’époque et a rappelé que tant que celle-ci ne serait pas poussée, il serait nécessaire de maintenir les taxations à l’importation et les détaxations à l’exportation pour les échanges parmi les États membres ( 26 ).

45.

Afin de promouvoir la « conscience de la réalité du marché commun » ( 27 ), la directive 69/169 a harmonisé les dispositions relatives aux franchises de taxes sur le chiffre d’affaires s’agissant de certaines importations effectuées par les voyageurs. Les marchandises étaient achetées dans les pays de sortie grevées de certaines taxes ; le fait que le pays d’entrée renonçait à percevoir les taxes sur le chiffre d’affaires permettait d’éviter la double imposition. Toutefois, le but n’était pas d’aboutir à l’absence totale d’imposition ( 28 ).

46.

Les importations bénéficiant de la franchise devaient être des marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs, dépourvues de tout caractère commercial, et dont la valeur globale ne dépassait pas un certain montant ( 29 ).

47.

L’article 3 de la directive 69/169 définissait les importations dépourvues de tout caractère commercial comme étant des importations occasionnelles et concernant exclusivement des marchandises réservées à l’usage personnel ou familial des voyageurs ou destinées à être offertes comme cadeau, à l’exception des cas dans lesquels leur nature ou leur quantité soulevait des doutes quant au fait que leur importation était dépourvue de tout caractère commercial.

2) La détaxation à l’exportation. Des exportations dépourvues de tout caractère commercial

48.

La franchise à l’importation dans les échanges transfrontaliers ne devait pas aboutir à une absence totale d’imposition. Par conséquent, l’article 6 de la directive 69/169, dans sa rédaction d’origine, imposait aux États membres de prendre des mesures pour éviter que des détaxations soient accordées pour des livraisons à des voyageurs dont le domicile, la résidence habituelle ou le centre d’activité professionnelle était situé dans un État membre, et qui bénéficiaient déjà du régime de franchise à l’importation.

49.

L’interdiction des détaxations à l’exportation a été levée progressivement, compte tenu des difficultés techniques qu’elle soulevait et pour éviter la double imposition ( 30 ). Pour ce qui nous intéresse ici, la directive 72/230/CEE ( 31 ) a modifié l’article 6 de la directive 69/169 et a offert aux États membres la faculté d’autoriser sous certaines conditions, en ce qui concerne les ventes au stade du commerce de détail, la détaxation des taxes sur le chiffre d’affaires pour les marchandises à emporter dans les bagages personnels des voyageurs sortant d’un État membre.

50.

Pour les voyageurs résidant dans un autre État membre, la détaxation n’était permise qu’à partir d’une certaine valeur, supérieure, en tout état de cause, à la valeur de la franchise à l’importation dans le cadre du trafic intracommunautaire de voyageurs, conformément à cette même directive. Pour les personnes résidant hors de la Communauté, il appartenait aux États membres d’établir cette limite inférieure.

51.

En dépit du fait que l’absence de tout caractère commercial des exportations n’était pas spécifiquement mentionnée, le contexte qui présidait à la rédaction de l'article 6 de la directive 69/169 amenait à comprendre qu’il ne s’appliquait qu’aux exportations dépourvues de tout caractère commercial, tel que défini à l’article 3 de cette directive.

3) Suppression de l’article 6 de la directive 69/169 et évolution ultérieure

52.

En 1977, la sixième directive, dont le titre X réglementait les exonérations de la TVA, a été adoptée. Dans ce titre, l’article 15, paragraphe 2, envisageait des exonérations pour les opérations à l’exportation et pour d’autres opérations assimilées. Le transport des biens dans les bagages personnels des voyageurs n’y était pas spécifiquement mentionné.

53.

Les franchises de TVA sur les importations ont continué d’être réglementées par la directive 69/169, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous d), de la sixième directive.

54.

L’article 6 de la directive 69/169 a été supprimé à partir du 1er janvier 1993, conformément à l’article 1, paragraphe 25, de la directive 92/111/CEE ( 32 ).

55.

La directive 92/111 a introduit, à l’article 15 de la sixième directive, un paragraphe supplémentaire à propos du régime des voyageurs, qui demandait à la Commission de soumettre au Conseil des propositions pour préciser l’application des exonérations concernant les livraisons effectuées au stade du commerce de détail et portant sur des biens à emporter dans les bagages personnels des voyageurs.

56.

Dans la rédaction de l’article 15 de la sixième directive adoptée en conséquence (par l’intermédiaire de la directive 95/7/CE) ( 33 ), le texte de son paragraphe 2 est devenu, pratiquement, celui qui figure à l’article 147 de l’actuelle directive 2006/112. L’« absence de tout caractère commercial » n’y est donc pas mentionnée, à la différence de la directive69/169 et de la directive 2007/74 (qui remplace la directive 69/169 concernant les franchises sur les opérations d’importation depuis les pays tiers), où elle figure aujourd’hui encore.

57.

En dépit de ce silence, rien dans le parcours législatif ayant conduit à l’adoption de l’article 15, paragraphe 2, de la sixième directive, dans sa rédaction de 1995, n’indique une volonté d’étendre les exonérations aux livraisons de biens (devant être emportés dans les bagages personnels de voyageurs) destinés à être commercialisés. À mon avis, un tel changement aurait dû être précisé ; il ne peut pas être déduit à partir d’une simple omission.

58.

Par ailleurs, l’article 15 de la sixième directive conservait son lien avec la directive 69/169 :

d’une part, s’agissant du calcul de la valeur globale de l’exportation en monnaie nationale, il renvoyait à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 69/169 ;

d’autre part, la limite de la valeur minimale conditionnant l’exonération prévue à l’article 15, paragraphe 2, de la sixième directive, et celle de la valeur maximale pour pouvoir bénéficier de la franchise à l’importation de biens emportés dans les bagages personnels de voyageurs se rendant dans la Communauté à partir d’un pays tiers, réglementée par la directive 69/169, avaient été fixées à un même montant ( 34 ).

59.

En somme, l’article 15, paragraphe 2, de la sixième directive devait être entendu comme s’appliquant uniquement aux livraisons de biens destinés à être transportés dans les bagages de voyageurs, sans destination commerciale ultérieure. Ainsi, le parallélisme avec les conditions imposées pour pouvoir bénéficier de la franchise à l’importation de biens emportés dans les bagages personnels de voyageurs provenant de pays tiers était maintenu.

c)   De la sixième directive à la directive 2006/112

60.

Le libellé des articles 146, paragraphe 1, sous b), et 147 de la directive 2006/112 reprend celui de l’article 15, paragraphe 2, de la sixième directive ( 35 ). Le contexte historique, que j’ai exposé, confirme que c’est bien la directive en vigueur, et non pas la réglementation douanière, qui forme le cadre propre à déterminer la portée de l’exonération de la livraison des biens transportés dans les bagages personnels de voyageurs.

61.

L’article 147 de la directive 2006/112 n’est pas une disposition isolée, mais, comme je l’ai soutenu, un cas spécifique d’exonération pour les « exportations indirectes » ( 36 ) qui sont traitées à l’article 146, paragraphe 1, sous b), de cette directive.

62.

S’il est vrai que, pour cette raison, il est possible de soutenir, à première vue, que les deux articles susmentionnés régissent les livraisons destinées à l’exportation et ce quel que soit leur caractère (commercial ou non commercial), je ne pense pas que ce soit le cas.

63.

Premièrement, les travaux préparatoires de la directive 2006/112 ne font pas référence à la destination des exportations des biens transportés dans les bagages de voyageurs. Par conséquent, et dans la mesure où cette directive ne fait que reprendre la réglementation précédente, j’en déduis que les conditions restent les mêmes ( 37 ).

64.

Deuxièmement, au moyen de conditions qui y sont visées, l’article 147 de la directive 2006/112 dépeint une situation caractérisée par des éléments personnels (relatifs au voyageur) et des éléments objectifs (relatifs au voyage et aux biens) qui ne correspondent pas à l’idée d’une exportation commerciale :

s’agissant du voyageur, le renvoi à la preuve (pièce d’identité ou équivalent) de sa résidence hors de l’Union met en exergue le fait qu’il s’agit d’une personne physique ;

l’exigence selon laquelle le domicile ou la résidence habituelle du voyageur doit être hors de l’Union indique qu’il est envisagé en sa qualité d’opérateur non économique (probablement un touriste, mais pas seulement) ( 38 ) ;

cette idée (du voyageur occasionnel) est corroborée par le fait qu’il soit prévu qu’il puisse se déplacer dans l’Union ( 39 ), ainsi que par le délai maximal de trois mois à compter de la livraison des biens, au-delà duquel il n’y a pas de droit à l’exonération ( 40 ) ;

les objets doivent être d’un volume et d’une quantité limités puisque le voyageur doit les emporter avec lui lors de ses déplacements dans le territoire de l’Union jusqu’à ce qu’il quitte ce dernier, s’il souhaite bénéficier de l’exonération ;

l’ensemble des biens doit dépasser une certaine valeur (quoique les États membres peuvent l’abaisser). La faiblesse de la quantité fixée dans la directive 2006/112 ainsi que le fait même d’en fixer une ( 41 ) confortent l’idée d’absence de tout caractère commercial de l’exportation.

65.

La durée et la manière dont l’exonération s’opère confirment cette même idée. C’est précisément parce que le cas typique visé à l’article 147 de la directive 2006/112 est celui des biens destinés au propre usage, non commercial, du voyageur, que l’on ne peut pas exclure qu’il les consomme pendant son séjour dans l’Union, devant, de ce fait, s’acquitter ici de la TVA. C’est pour cela que l’exonération ne s’applique pas lors de l’acquisition du produit, mais plus tard, sous la forme d’un remboursement de TVA conditionné à la preuve de la sortie du bien du territoire de l’Union.

2.   Interprétation téléologique

66.

L’article 147 de la directive 2006/112 répond à la base théorique commune aux exonérations à l’exportation : comme la TVA est une taxe sur la consommation dans le territoire fiscal et que les biens exportés seront consommés hors de celui-ci, elle ne doit pas grever les livraisons de ces biens ( 42 ). La double imposition est ainsi évitée.

67.

On pourrait ajouter que l’article 147 de la directive 2006/112 poursuit, de surcroît, un autre objectif spécifique, lié à la faculté accordée aux États membres d’exonérer de la taxe les livraisons des biens dont la valeur totale est inférieure à celle prévue à cet article.

68.

Cette possibilité permet aux États membres qui le souhaitent de renoncer à sa perception sur les petits achats, ce qui en retour favorisera l’acquisition de produits et permettra d’élargir la gamme des biens pour lesquels le remboursement de la TVA s’appliquera.

69.

Dans la mesure où cet objectif est en général lié à la promotion du tourisme, il renforce l’argument selon lequel les « bagages personnels de voyageurs », au sens de l’article 147 de la directive 2006/112, ne concernent pas les exportations destinées à un usage commercial.

70.

Une interprétation différente, qui inclurait dans la règle de l’exonération des livraisons de biens destinés à être emportés dans les bagages personnels de voyageurs ainsi que les exportations de ces biens lorsqu’ils sont destinés à être revendus par la suite, remettrait en cause la raison même du régime spécial instauré par l’article 147 de la directive 2006/112.

71.

Le fait qu’il existe une réglementation distincte de l’exonération pour les livraisons de biens transportés dans les bagages personnels de voyageurs obéit à une décision consciente du législateur de l’Union, qui n’a pas voulu unifier, mais au contraire distinguer ses éléments normatifs de ceux qui concernent les exportations normales à des fins commerciales. Les deux réglementations s’inspirent d’objectifs différents.

72.

De surcroît, une interprétation contraire transformerait l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 en alternative de son article 147, avec toutes les conséquences que cela comporte en matière de preuve de la sortie des marchandises du territoire de l’Union et de contrôle des exportations.

73.

Enfin, pour déterminer la nature commerciale aux fins de l’exonération, je propose de se référer (mutatis mutandis) au critère visé à l’article 6 de la directive 2007/74, concernant l’exonération des importations pour les voyageurs provenant de pays tiers. Conformément à ce critère, seraient dépourvues de tout caractère commercial les exportations occasionnelles de biens destinés à l’usage personnel ou familial, ou pour offrir en cadeau. Ni la nature ni la quantité des marchandises ne devraient être en mesure de créer des doutes sur le caractère non commercial de l’exportation.

V. Conclusion

74.

Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit aux première et deuxième questions préjudicielles posées par la Szegedi Törvényszék (anciennement le Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság) [cour de Szeged (anciennement le tribunal administratif et du travail de Szeged), Hongrie] :

1)

La notion de « bagages personnels de voyageurs » visée à l’article 147 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, ne doit pas être interprétée exclusivement selon le sens habituel des termes, mais en tenant compte également du contexte dans lequel elle est utilisée et des objectifs poursuivis par la réglementation de cette taxe.

2)

La convention sur les facilités douanières en faveur du tourisme, conclue à New York le 4 juin 1954, et son protocole additionnel, ainsi que l’article 1er, point 5, du règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union, ne constituent pas le contexte interprétatif de l’article 147 de la directive 2006/112.

3)

L’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée aux livraisons de biens qui seront emportés hors de l’Union européenne dans les bagages personnels de voyageurs, au sens de l’article 147 de la directive 2006/112, est soumise, parmi d’autres conditions, au fait que l’exportation soit dépourvue de tout caractère commercial.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

( 3 ) Dans des affaires précédentes, cette question a été abordée sous d’autres angles : arrêts du 9 juin 1992, Commission/Espagne (C-96/91, EU:C:1992:253) ; du 21 février 2008, Netto Supermarkt (C-271/06, EU:C:2008:105), et du 28 février 2018, Pieńkowski (C-307/16, EU:C:2018:124).

( 4 ) Ci-après la « loi sur la TVA ».

( 5 ) Dans ses observations, Bakati Plus conteste cette description et apporte des éléments complémentaires. Toutefois, comme l’a rappelé la Cour dans son arrêt du 2 avril 2020, Coty Germany (C-567/18, EU:C:2020:267, point 22), « [l]a juridiction de renvoi étant seule compétente pour constater et apprécier les faits du litige dont elle est saisie, la Cour doit en principe limiter son examen aux éléments d’appréciation que la juridiction de renvoi a décidé de lui soumettre et s’en tenir ainsi à la situation que cette juridiction considère comme établie et ne peut être liée par des hypothèses émises par l’une des parties au principal ».

( 6 ) Tribunal administratif et du travail de Szeged.

( 7 ) JO 2015, L 343, p. 1 ; ci-après le « règlement délégué ».

( 8 ) Conformément à l’article 131 de la directive 2006/112, « [l]es exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels ». Mise en italique par mes soins.

( 9 ) Arrêt du 18 octobre 2007, Navicon (C-97/06, EU:C:2007:609, point 20). Il y était question de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1) (ci-après la « sixième directive »), qui a précédé immédiatement l’actuelle directive 2006/112, dont il convient de reprendre l’interprétation (à quelques exceptions qui ne sont pas pertinentes ici). Sur le rapport en général entre les deux directives, voir les considérants 1 et 3 de la directive 2006/112.

( 10 ) Arrêt du 18 octobre 2007, Navicon (C-97/06, EU:C:2007:609, point 22 et jurisprudence citée).

( 11 ) Arrêt du 26 mai 2016, Envirotec Denmark (C-550/14, EU:C:2016:354, point 27).

( 12 ) Arrêt du 26 mai 2016, Envirotec Denmark (C-550/14, EU:C:2016:354, point 27).

( 13 ) Il s’agit, en substance, de l’interprétation que propose la Commission et dont la juridiction de renvoi doute.

( 14 ) Sur l’expression « bagages accompagnés », voir note 22 des présentes conclusions.

( 15 ) Voir points 45 et suiv. de ses observations. Bien que, avec davantage de précautions, le gouvernement hongrois adopte également cette position.

( 16 ) Ci-après la « convention de New York de 1954 ». Cette convention est contraignante pour la Hongrie. En vertu de son article 2, l’expression « effets personnels » désigne « tous vêtements et autres articles, neufs ou usagés, dont un touriste peut personnellement et raisonnablement avoir besoin, compte tenu de toutes les circonstances de son voyage, à l’exclusion de toutes marchandises importées à des fins commerciales ».

( 17 ) Conformément à l’article 1, paragraphe 5, du règlement délégué, « on entend par [...] “bagages” : l’ensemble des marchandises transportées par quelque moyen que ce soit dans le cadre d’un voyage effectué par une personne physique ».

( 18 ) Décision 93/329/CEE concernant la conclusion de la convention relative à l’admission temporaire, ainsi que l’acceptation de ses annexes (JO 1993, L 130, p. 1).

( 19 ) Arrêt du 21 février 2008, Netto Supermarkt (C-271/06, EU:C:2008:105, point 28). Je me suis référé à la dualité de ces régimes dans mes conclusions, présentées le 12 janvier 2016, dans les affaires jointes Eurogate Distribution et DHL Hub Leipzig (C-226/14 et C-228/14, EU:C:2016:1, point 91) ; et dans celles présentées le 13 décembre 2016, dans l’affaire Wallenborn Transports (C-571/15, EU:C:2016:944, point 66).

( 20 ) C’est le cas s’agissant du statut douanier (article 119, paragraphe 3, sous f), du règlement délégué) ou pour soumettre les marchandises à un certain régime de déclaration en douane (article 135, paragraphe 1, sous b), et article 137, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué).

( 21 ) Directive du Conseil du 20 décembre 2007 concernant les franchises de la taxe sur la valeur ajoutée et des accises perçues à l’importation de marchandises par des voyageurs en provenance de pays tiers (JO 2007, L 346, p. 6).

( 22 ) Le fait que, conformément à l’article 5 de cette directive, la définition des « bagages personnels » se fasse par référence aux valises que les voyageurs présentent aux services douaniers ne fait pas obstacle à ce qui précède. Conformément à cet article, on entend par « bagages personnels »« l’ensemble des bagages que le voyageur est en mesure de présenter au service des douanes lors de son arrivée ainsi que ceux qu’il présente ultérieurement à ce même service, sous réserve qu’il justifie qu’ils ont été enregistrés comme bagages accompagnés, au moment de son départ, auprès de la compagnie qui a assuré son transport ».

( 23 ) Cela ne veut pas dire que l’on ne puisse pas invoquer certains éléments du régime douanier pour confirmer l’interprétation des règles sur la TVA dont le résultat coïncide avec l’interprétation des dispositions douanières.

( 24 ) Arrêt du 18 octobre 2007, Navicon (C-97/06, EU:C:2007:609, point 20).

( 25 ) Directive du Conseil du 28 mai 1969 concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux franchises des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises perçues à l’importation dans le trafic international de voyageurs (JO 1969, L 133, p. 6).

( 26 ) Premier considérant de cette directive.

( 27 ) Deuxième considérant de la directive 69/169.

( 28 ) Quatrième considérant de la directive 69/169.

( 29 ) Article 1er, paragraphe 1, de la directive 69/169 pour les voyageurs provenant de pays tiers et article 2, paragraphe 1, de cette directive dans le cadre du trafic de voyageurs intracommunautaire.

( 30 ) C’est ce qui est expliqué dans l’arrêt du 9 juin 1992, Commission/Espagne (C-96/91, EU:C:1992:253, point 5).

( 31 ) Deuxième directive du Conseil du 12 juin 1972 concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives au régime des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises applicables dans le trafic international de voyageurs (JO 1972, L 139, p. 28).

( 32 ) Directive du Conseil du 14 décembre 1992 modifiant la directive 77/388/CEE et portant mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1992, L 384, p. 47).

( 33 ) Directive du Conseil du 10 avril 1995 modifiant la directive 77/388/CEE et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée – champ d’application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en œuvre (JO 1995, L 102, p. 18).

( 34 ) Soit 175 ECUS. Le parallélisme n’existe plus actuellement puisque le plafond pour la franchise à l’importation est de 300 euros (ou 430, selon le moyen de transport), conformément à l’article 7 de la directive 2007/74, alors que la limite inférieure pour la valeur totale des livraisons bénéficiant de l’exonération à l’exportation est de 175 euros, selon l’article 147 de la directive 2006/112 ; de surcroît, les États membres peuvent abaisser ce montant.

( 35 ) Voir le tableau de correspondance de la directive 2006/112.

( 36 ) C’est l’acheteur des marchandises qui s’occupe de l’expédition ou du transport, ou bien un tiers agissant en son nom, par opposition aux exportations directes visées à l’article 146, paragraphe 1, sous a), de cette directive pour lesquelles les biens sont expédiés ou transportés par le transmetteur ou par un tiers agissant en son nom.

( 37 ) Conformément à ce que j’ai exposé concernant le rapport entre la directive 2006/112 en vigueur et la sixième directive, voir note 9 des présentes conclusions.

( 38 ) D’autres exemples pourraient être un membre d’équipage d’un aéronef ou d’un navire, un étudiant ou un expatrié provenant d’un pays tiers, concernant des biens achetés dans les trois mois qui précèdent la sortie de l’Union.

( 39 ) Le dernier alinéa de l’article 147, paragraphe 2, de la directive 2006/112 trouve son origine, comme je l’ai signalé, dans la modification de la sixième directive opérée par la directive 95/7. Dans un document daté du 2 mars 1992, la Commission explique l’objectif de cet alinéa : faciliter le passage en douane des voyageurs qui, ayant acheté un bien dans un État membre, sortaient du territoire communautaire par un autre dans lequel ils effectuaient les formalités auxquelles le remboursement de la TVA était soumis. La proposition publiée au Journal officiel une semaine plus tard [COM(94) 58 final, JO 1994, C 107, p. 7] ne contient pas cette explication.

( 40 ) Aucune durée minimale n’est exigée. S’agissant des franchises à l’importation, la Cour a nié toute pertinence à une durée de voyage très brève et, a fortiori, à la distinction aprioriste entre les voyageurs « authentiques » et les voyageurs « fiscaux » aux fins du bénéfice de la franchise [voir arrêt du 12 juin 1990, Commission/Irlande (C-158/88, EU:C:1990:242)]. Je considère que cette solution s’applique à l’exonération ici en cause.

( 41 ) Une fois disparu l’objectif d’éviter l’absence d’imposition, faisant coïncider le maximum concernant la franchise de TVA sur les opérations d’importation avec le minimum nécessaire pour opter pour l’exonération à l’exportation (voir note 34 des présentes conclusions), la fixation d’une quantité minimale tire sa raison d’être dans la simplification administrative. L’objectif est d’éviter que les frais de gestion de la taxe soient disproportionnés par rapport à son montant. Voir, par analogie, l’arrêt du 2 juillet 2009, Har Vaessen Douane Service (C-7/08, EU:C:2009:417, point 35).

( 42 ) Voir, notamment, les arrêts du 28 mars 2019, Vinš (C-275/18, EU:C:2019:265, point 23), et du 17 octobre 2019, Unitel (C-653/18, EU:C:2019:876, point 20).