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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 7 avril 2022 (1)

Affaire C-696/20

B.

contre

Dyrektor Izby Skarbowej w W.

(demande de décision préjudicielle formée par le Naczelny Sąd Administracyjny [Cour suprême administrative, Pologne])

« Renvoi préjudiciel – Directive TVA – Article 41 – Vocation à s’appliquer – Livraison intracommunautaire non exonérée – Requalification par les autorités fiscales d’une opération s’insérant dans une chaîne d’opérations – Obligation d’acquitter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l’opération erronément qualifiée de nationale par une partie – Principe de proportionnalité »






I.      Introduction

1.        L’erreur commise au début d’un exercice mathématique qui est, par ailleurs, bien exécuté peut généralement conduire à deux notations en fonction de la personnalité du professeur. Soit il accorde une bonne note pour la partie correctement exécutée, soit il sanctionne l’exercice en s’en tenant strictement au résultat faux. Si les autorités fiscales se comportaient comme des professeurs de mathématiques, il semble qu’elles noteraient plus que probablement selon le deuxième scénario, à tout le moins dans une affaire telle que celle en cause dans la procédure au principal.

2.        B est une société établie aux Pays-Bas qui a servi d’intermédiaire dans une chaîne d’opérations comportant au moins trois opérateurs. B a acheté des marchandises à BOP, société établie en Pologne, et les a revendues à ses propres clients établis dans d’autres États membres.

3.        Bien que cette chaîne ne fût entachée d’aucune fraude et que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) fût effectivement déclarée à tous les stades, les autorités polonaises ont néanmoins considéré qu’elle avait été erronément déclarée en ce que la livraison liée au transport par lequel les marchandises ont été expédiées directement de BOP aux clients finals de B avait été imputée de manière inexacte. Alors que B a traité la première opération (la livraison de BOP à B) comme une opération nationale et la seconde (livraisons propres de B à ses clients) comme une livraison intracommunautaire, en rattachant le transport à cette dernière, les autorités polonaises ont imputé le transport et donc le caractère intracommunautaire à la première opération.

4.        Cette requalification a conduit les autorités polonaises à appliquer la fiction de l’article 41 de la directive TVA (2) qui détermine que le lieu d’une acquisition intracommunautaire de biens (et donc le lieu d’imposition) est réputé se situer, en substance, sur le territoire de l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA sous lequel l’acquéreur a effectué cette acquisition, sauf si cette acquisition a été soumise à la TVA à l’endroit où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport. B ne pouvant fournir la preuve qu’elle avait soumis l’acquisition requalifiée d’intracommunautaire à la TVA dans les États membres de la destination finale des biens, les autorités polonaises se sont fondées sur le numéro d’identification TVA polonais que B avait utilisé pour cette acquisition pour réclamer le paiement de la TVA.

5.        Le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), juridiction de renvoi saisie de la procédure au principal, relève toutefois que la taxe avait déjà été acquittée par les clients de B. La juridiction de renvoi nourrit dès lors des doutes quant à la question de savoir si l’article 41 de la directive TVA, lu à la lumière des principes de neutralité et de proportionnalité, s’oppose au double payement de la taxe qui en résulte, selon elle, à savoir, par les clients de B dans l’État membre de destination des marchandises et également par B en Pologne par application de la règle nationale transposant cette disposition.

II.    Le cadre juridique

1.      Réglementation de l’Union

6.        Aux termes de l’article 20 de la directive TVA :

« Est considérée comme “acquisition intracommunautaire de biens” l’obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d’un bien meuble corporel expédié ou transporté à destination de l’acquéreur, par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, vers un État membre autre que celui de départ de l’expédition ou du transport du bien.

… »

7.        Le lieu d’une acquisition intracommunautaire de biens est défini à l’article 40 de la directive 2006/112 comme étant l’endroit où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur.

8.        L’article 41 de la directive TVA se lit comme suit :

« Sans préjudice des dispositions de l’article 40, le lieu d’une acquisition intracommunautaire de biens visée à l’article 2, paragraphe 1, point b), i), est réputé se situer sur le territoire de l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA sous lequel l’acquéreur a effectué cette acquisition, dans la mesure où l’acquéreur n’établit pas que cette acquisition a été soumise à la TVA conformément à l’article 40.

Si, en application de l’article 40, l’acquisition est soumise à la TVA dans l’État membre d’arrivée de l’expédition ou du transport des biens après avoir été soumise à la taxe en application du premier alinéa, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA sous lequel l’acquéreur a effectué cette acquisition. »

9.        L’article 138, paragraphe 1, de la directive TVA, dans sa version antérieure à l’adoption de la directive (UE) 2018/1910 (3), disposait :

« Les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de leur territoire respectif mais dans la Communauté par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens ».

10.      L’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2018/1910 dispose :

« L’article 138 [de la directive TVA] est modifié comme suit :

« a.      le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant :

« 1. Les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de leur territoire respectif mais dans la Communauté par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a)      les biens sont livrés à un autre assujetti ou à une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens ;

b)       l’assujetti ou la personne morale non assujettie destinataire de la livraison de biens est identifié(e) aux fins de la TVA dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens et a communiqué son numéro d’identification TVA au fournisseur.

… »

2.      Réglementation nationale

11.      L’article 25 de l’ustawa z dnia 11 marca 2004 r. o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services, du 11 mars 2004, ci-après la « loi relative à la TVA ») est rédigé comme suit :

« 1.      Une acquisition intracommunautaire de biens est réputée effectuée sur le territoire de l’État membre dans lequel les biens sont situés au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport.

2.      Sans préjudice de l’application du paragraphe 1, au cas où l’acquéreur visé à l’article 9, paragraphe 2, dans le cadre d’une acquisition intracommunautaire de biens, a communiqué un numéro qui lui a été attribué aux fins de transactions intracommunautaires par l’État membre concerné autre que l’État membre sur le territoire duquel se trouvent les biens au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport, une acquisition intracommunautaire de biens est réputée effectuée également sur le territoire de cet État membre, à moins que l’acquéreur n’établisse que l’acquisition intracommunautaire de biens :

(1)      a été soumise à la taxe sur le territoire de l’État membre dans lequel se trouvent les biens au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport, ou

(2)      est réputée avoir été soumise à la taxe sur le territoire de l’État membre dans lequel se trouvent les biens au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport, compte tenu de l’application de la procédure simplifiée dans les opérations intracommunautaires triangulaires dont il est question à la section XII ».

III. Les faits, la procédure nationale et la question préjudicielle

12.      B est une société établie aux Pays-Bas et identifiée aux fins de la TVA dans cet État membre. À l’époque des faits (avril 2012), elle était également identifiée aux fins de la TVA en Pologne.

13.      Au cours de cette période, elle a agi comme intermédiaire dans une chaîne de livraisons portant sur les mêmes biens et comportant au moins trois opérateurs différents. B a acheté des marchandises à BOP et les a revendues ensuite à ses propres clients. Les biens ont été expédiés directement du fournisseur initial en Pologne (BOP) au dernier opérateur de la chaîne d’approvisionnement.

14.      Lors de l’acquisition des biens chez BOP, B a utilisé son numéro d’identification TVA polonais. B considérait que ces livraisons étaient des livraisons nationales et leur a, par conséquent, appliqué le taux de TVA de 23 %. B a ensuite qualifié les livraisons qu’elle a effectuées à ses clients de livraisons intracommunautaires taxées à 0 %. Ces clients ont déclaré la TVA applicable à l’acquisition intracommunautaire.

15.      Par décision du 11 juin 2015, le Dyrektor Urzedu Kontroli Skarbowej (bureau du contrôle fiscal de R., Pologne ; ci-après l’« autorité fiscale de première instance ») a requalifié l’opération en cause après avoir conclu que la livraison à laquelle le transport devait être imputé avait été erronément déterminée. Alors que B imputait le transport à la deuxième livraison (faite par elle à ses clients), la première autorité fiscale a considéré que le transport aurait dû être imputé à la première livraison dans la chaîne, faite par BOP à B. Elle a dès lors considéré que la première opération consistait en une livraison intracommunautaire qui aurait dû être déclarée comme une acquisition intracommunautaire faite par B dans l’État membre de la destination des biens nécessitant que B s’enregistre dans cet État membre alors que les livraisons de B à ses clients devraient être imposées comme des opérations nationales.

16.      De surcroît, dès lors que B a utilisé son numéro d’identification TVA polonais, c’est-à-dire un numéro de TVA attribué par un État membre autre que l’État membre sur le territoire duquel se trouvent les biens au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport, l’autorité fiscale de première instance a décidé, sur le fondement de l’article 25, paragraphe 2, point 1, de la loi relative à la TVA, transposant l’article 41 de la directive TVA, que B devait déclarer la TVA sur son acquisition intracommunautaire (requalifiée) en Pologne. Dans le même temps, elle a confirmé que BOP devait facturer la TVA au taux de 23 % sur sa livraison à B (4) et que B n’avait pas le droit de déduire la TVA y afférente versée en amont (5).

17.      Par décision du 11 septembre 2015, le Dyrektor Izby Skarbowej (directeur de la chambre fiscale ; ci-après l’« autorité fiscale d’appel ») a confirmé en substance ces appréciations (6).

18.      B a contesté cette décision devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie, Pologne) qui a rejeté son recours comme étant dépourvu de fondement.

19.      Ce tribunal a partagé l’analyse des autorités fiscales selon laquelle B aurait erronément qualifié les deux livraisons en cause et déterminé de manière inexacte la livraison à laquelle le transport doit être imputé.

20.      B s’est pourvu en cassation devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative), qui est la juridiction de renvoi.

21.      B fait valoir devant cette juridiction que l’article 25, paragraphes 1 et 2, point 1, de la loi relative à la TVA avait été erronément appliqué à sa situation, en ce que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux acquisitions intracommunautaires et non à des situations nationales (c’est-à-dire, comme l’explique B, lorsque le transport de biens commence dans l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA). B fait également valoir une application erronée de l’article 25, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA ainsi que de l’article 41 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 16 du règlement d’exécution (UE) 282/2011 (7), en ce que l’article 25, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA a été erronément appliqué à une opération qui avait déjà fait l’objet d’une imposition en tant qu’opération nationale en Pologne. Enfin, B fait valoir que l’article 25, paragraphe 2, point 1, de la loi relative à la TVA a été appliqué à tort à sa situation, en ce que les livraisons en cause ont été imposées dans les États membres où le transport a abouti (chez ses propres clients).

22.      La juridiction de renvoi relève que la TVA a été acquittée à tous les stades de la chaîne en cause et qu’il n’existe aucun indice de fraude. Elle indique que c’est l’appréciation erronée par B des livraisons en cause qui a abouti à ce que la TVA soit due par cet opérateur en Pologne.

23.      Elle relève également que les autorités fiscales polonaises ne sont pas compétentes pour vérifier l’ensemble de la chaîne de livraisons en cause, ce qui veut dire que la TVA acquittée par les clients de B dans l’État membre de destination des biens ne peut pas être prise en compte. Cela entraînerait, selon la juridiction de renvoi, une charge fiscale disproportionnée pour B.

24.      Dans ces circonstances, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

L’article 41 de la directive [TVA] ainsi que les principes de proportionnalité et de neutralité s’opposent-ils à l’application, dans une situation telle que celle en cause au principal, d’une disposition nationale telle que l’article 25, paragraphe 2, de la [loi relative à la TVA] à une opération d’acquisition intracommunautaire effectuée par l’assujetti

–        si cette acquisition a déjà été soumise à la taxe sur le territoire de l’État membre d’arrivée de l’expédition par les acquéreurs des biens de cet assujetti

–        lorsqu’il est constaté que l’activité de l’assujetti n’était liée à aucune fraude fiscale, mais était le résultat d’une identification erronée des livraisons dans des transactions en chaîne et que l’assujetti avait communiqué le numéro d’identification TVA polonais pour les besoins de la livraison nationale et non pas de la livraison intracommunautaire.

25.      Des observations écrites ont été présentées par B, le Dyrektor Izby Skarbowej w W., le gouvernement polonais ainsi que la Commission européenne. Ces parties ont également été entendues lors de l’audience qui s’est tenue le 27 janvier 2022.

IV.    Appréciation

26.      L’application de l’article 41 de la directive TVA requiert, notamment, l’existence d’une « acquisition intracommunautaire de biens ». Le point de savoir si une livraison donnée dans une chaîne (telle que la première livraison en cause au principal) peut être qualifiée comme telle dépend de l’« imputation du transport ». Les parties ayant présenté des points de vue différents sur la manière dont il convient d’apprécier cette question, je commencerai les présentes conclusions par des remarques liminaires sur cet aspect précis (A). J’aborderai ensuite la problématique qui est au cœur de la présente affaire en analysant la ratio legis de l’article 41 de la directive TVA (B) et en examinant sa vocation à s’appliquer à l’affaire au principal (C).

A.      Remarques liminaires sur l’imputation du transport

27.      Je relève que, dans l’appréciation du traitement fiscal des livraisons de biens s’insérant dans une chaîne, il est primordial d’établir le maillon exact de cette chaîne auquel le transport s’inscrivant dans ce contexte devrait être imputé. Cette imputation détermine la partie des livraisons qui doit être qualifiée de livraison intracommunautaire, et que les États membres doivent dès lors exonérer de la TVA, ainsi que le prévoit l’article 138, paragraphe 1, de la directive TVA.

28.      Cette disposition prévoyait, dans la version applicable aux faits dans la procédure au principal, que les « États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de leur territoire respectif mais dans la Communauté par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens » (8).

29.      La Cour a interprété cette disposition en indiquant que, dans le contexte d’une chaîne de livraisons successives ayant donné lieu à un seul transport intracommunautaire, le transport « ne peut être imputé qu’à une seule des livraisons, qui, par conséquent, sera seule exonérée… » (9).

30.      La Cour a jugé que la question de savoir quelle est, dans la chaîne, la livraison à laquelle est imputé le transport doit être résolue sur la base d’une appréciation globale de toutes les circonstances du cas d’espèce (10). Dans ce contexte, la Cour a souligné l’importance de la détermination du moment auquel est intervenu le transfert du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire (11).

31.      En l’espèce, B et le Dyrektor Izby Skarbowej w W. ont adopté des positions divergentes sur la question de l’imputation du transport par lequel les marchandises ont été acheminées du premier opérateur de la chaîne (BOP) au dernier (client de B). Tandis que B a considéré que ce transport devait être imputé à la seconde livraison de la chaîne, à savoir à ses livraisons à ses propres clients, le Dyrektor Izby Skarbowej w W. a estimé que ce transport devait être imputé à la première livraison (de BOP à B). Cette différence d’approche s’est, par conséquent, traduite dans leurs appréciations respectives des livraisons constitutives d’une livraison intracommunautaire. Cette divergence a, à son tour, rejailli sur le traitement fiscal de chacune des livraisons en cause.

32.      Dans la présente procédure, B invoque plus particulièrement l’article 36 bis de la directive TVA à l’appui de sa position selon laquelle l’imputation du transport est conforme au paragraphe 2 de cette disposition.

33.      Je relève que l’article 36 bis de la directive TVA précise bien la question de l’imputation du transport à l’intérieur d’une chaîne de livraisons en prévoyant, à son paragraphe 2, que « l’expédition ou le transport n’est imputé qu’à la livraison de biens par l’opérateur intermédiaire lorsque l’opérateur intermédiaire [tel que B en l’espèce] a communiqué à son fournisseur le numéro d’identification TVA qui lui a été attribué par l’État membre à partir duquel les biens sont expédiés ou transportés ». Si elle avait vocation à s’appliquer en l’espèce, cette disposition confirmerait donc la position de B. Cependant, à mon sens, B ne peut pas l’invoquer en l’espèce dès lors que cette disposition a été insérée dans la directive TVA par la directive 2018/1910 (12) c’est-à-dire plusieurs années après que l’opération en cause est intervenue. En tant que telle, elle n’est pas applicable au cas d’espèce ratione temporis.  De surcroît, je ne vois aucun élément, que ce soit dans les termes de la directive 2018/1910 ou dans sa genèse, qui conforterait B dans l’idée que la teneur de l’article 36 bis, paragraphe 2, de la directive TVA reflète la jurisprudence que la Cour avait rendue à ce jour.

34.      Il ressort de la proposition de la Commission qui a abouti à la directive 2018/1910 que cette disposition résulte d’une « demande d’améliorations législatives » des États membres afin d’accroître la sécurité juridique des opérateurs dans la détermination de la livraison à l’intérieur de la chaîne d’opérations à laquelle le transport intracommunautaire doit être imputé (13). D’autres travaux préparatoires attestent l’intention du législateur de l’Union « d’éviter que les États membres adoptent des approches différentes, pouvant conduire à une double imposition ou une non-imposition, et de renforcer la sécurité juridique des opérateurs » (14). Cette préoccupation est à présent reflétée dans le considérant 6 de la directive 2018/1910.

35.      Ces éléments confirment, à mon sens, que l’imputation du transport dans la procédure au principal doit être appréciée à la lumière de la jurisprudence visée au point 30 des présentes conclusions, reflétant la situation antérieure à l’adoption de cette directive. Cette conclusion est corroborée par la note explicative relative aux « solutions rapides 2020 » laquelle indique que « la directive TVA, dans son libellé antérieur au 1er janvier 2020, ne prévoit pas de règles concrètes concernant l’imputation du transport intracommunautaire des biens » celle-ci devant dès lors se fonder sur « une évaluation globale de l’ensemble des circonstances spécifiques… dans chaque cas particulier » (15).

36.      Ces précisions apportées, je rappelle qu’il appartient à la juridiction de renvoi, qui a le pouvoir exclusif d’établir et d’apprécier les faits du litige au principal (16), de déterminer à quelle livraison le transport doit être imputé à l’intérieur de la chaîne de livraisons en cause (17). L’analyse qui suit ne présente d’intérêt que dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi confirmerait que le transport doit être imputé à la première livraison en cause.

B.      La ratio legis de l’article 41 de la directive TVA

37.      Les acquisitions intracommunautaires de biens doivent être imposées, en général, dans les États membres où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport. Cela est prévu à l’article 40 de la directive TVA et reflète la règle principale du régime actuel du système commun de TVA qui attribue la compétence fiscale à l’État dans lequel a lieu la consommation finale des biens livrés (18).

38.      Par dérogation (mais sans préjudice de cette règle principale), l’article 41 de la directive TVA détermine le lieu d’une acquisition intracommunautaire de biens (et donc le lieu d’imposition), comme étant également, tout simplement, l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA sous lequel l’acquéreur a effectué cette acquisition, sauf en cas d’application de la TVA au lieu d’arrivée du transport.

39.      Ainsi que la Cour l’a indiqué, l’article 41 de la directive TVA « vise, d’une part, à garantir l’assujettissement de l’acquisition intracommunautaire en cause et, d’autre part, à éviter la double imposition pour la même acquisition » (19).

40.      L’objectif de prévention de la perte fiscale est dû à l’incertitude quant à l’État membre dans lequel l’expédition ou le transport prendra effectivement fin (20). Une acquisition intracommunautaire de biens succède à une livraison intracommunautaire de biens qui, en principe, doit être exonérée en vertu de l’article 138, paragraphe 1, de la directive TVA (21). Ainsi, afin d’éviter des pertes fiscales, il importe de s’assurer que la même opération est soumise à la taxe par celui qui procède à l’acquisition.

41.      Certes, en application de cet objectif, l’article 41 de la directive TVA crée un risque de double imposition en ce qu’il crée deux lieux d’acquisition des biens, l’un dans l’État membre qui attribue le numéro d’identification TVA, qui est le lieu fictif d’acquisition, et l’autre dans l’État membre d’arrivée du transport (qui est le véritable lieu d’acquisition).

42.      Une telle double imposition ne devrait toutefois être que temporaire dès lors que l’article 41, second alinéa, de la directive TVA prévoit un correctif en permettant à l’opérateur concerné de démontrer que l’opération a été soumise à la taxe conformément à l’article 40 de la directive TVA, c’est-à-dire dans l’État membre d’arrivée du transport. Dans ce cas, « la base d’imposition est réduite à due concurrence dans l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA sous lequel l’acquéreur a effectué l’acquisition ».

43.      En permettant de recourir à ce correctif, l’article 41 de la directive TVA vise ainsi à éviter une double imposition (22). Il s’agit là encore d’une autre expression de l’objectif de transférer la recette fiscale à l’État membre où a lieu la consommation finale des biens (23).

C.      Sur la vocation de l’article 41 de la directive TVA à s’appliquer à l’affaire au principal

44.      La question de la vocation de l’article 41 de la directive TVA à s’appliquer à l’affaire au principal a été abordée, dans la présente affaire, sous des angles différents. Afin de prendre ces différents angles en compte, j’examinerai d’abord l’argument de B selon lequel l’article 41 de la directive TVA n’a nullement vocation à s’appliquer dès lors que B a effectué l’acquisition sous le numéro d’identification TVA polonais, c’est-à-dire sous un numéro d’identification TVA de l’État membre d’origine des biens (1).

45.      Dans la mesure où je conclurai que cette dernière circonstance n’empêchait pas d’appliquer l’article 41 de la directive TVA à l’époque des faits, je me pencherai alors sur la question de la juridiction de renvoi quant à la pertinence du fait que les clients de B se sont acquittés de la taxe relative à la seconde opération dans la chaîne en cause (2).

46.      À cet égard, je conclurai également que cette circonstance est sans incidence sur l’application de l’article 41 de la directive TVA. À ce stade, j’irai au-delà de la question posée expressément et examinerai le fait que les autorités nationales ont traité la première livraison dans la chaîne en cause après sa requalification en tant que livraison intracommunautaire non exonérée. Au vu de cette circonstance particulière, je conclurai que l’application des règles nationales de transposition de l’article 41 de la directive TVA crée une charge fiscale disproportionnée et est exclue (3).

1.      L’article 41 de la directive TVA est-il applicable lorsque l’opérateur intermédiaire utilise le numéro d’identification TVA de l’État membre d’origine des biens ?

47.      B soutient que l’article 41 de la directive TVA ne saurait s’appliquer dans l’affaire au principal parce qu’au moment où B a acquis les biens de BOP, elle a utilisé son numéro d’identification TVA polonais, numéro délivré par l’État membre d’origine des biens. Selon B, une telle situation constitue une livraison nationale à laquelle l’article 41 de la directive TVA ne saurait s’appliquer.

48.      J’avoue que les faits de la présente affaire ne correspondent pas au cas de figure typique auquel ferait songer l’article 41 de la directive TVA. En effet, ce cas de figure concernerait trois États membres avec, par exemple, un assujetti établi aux Pays-Bas acquérant, sous son numéro d’identification TVA néerlandais, des biens en Pologne destinés à être livrés en Allemagne (24). Dans cette hypothèse, les autorités néerlandaises agiraient sur la base de la fiction prévue à l’article 41 de la directive TVA afin de « garantir » la perception de la taxe, à moins et (jusqu’à ce) que la taxe soit effectivement acquittée dans l’État membre de destination finale des biens (l’Allemagne dans l’exemple précité).

49.      Cela étant dit, je n’aperçois rien ni dans le libellé de l’article 41 de la directive TVA, ni dans son contexte ou sa finalité (25), qui limiterait l’application de cette disposition au cas de figure impliquant les trois États membres et qui soutiendrait, en tout état de cause, la position adoptée par B, examinée au regard des dispositions de la directive TVA applicables au moment des faits.

50.      S’agissant, en premier lieu, du libellé, il ressort de l’article 41 de la directive TVA que les autorités de l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA peuvent exercer les pouvoirs que leur confère cette disposition, en cas d’acquisition intracommunautaire de biens et lorsque l’entrepreneur a agi avec le numéro d’identification TVA attribué par cet État membre. Ces conditions semblent être remplies dans l’affaire au principal. En revanche, le libellé de cette disposition ne fait dépendre son application d’aucune identification TVA particulière (26).

51.      En deuxième lieu, s’agissant du contexte normatif plus large, B fait valoir qu’il convient de s’attacher à l’article 20 de la directive TVA dont il découle, selon elle, que, pour qu’il y ait acquisition intracommunautaire de biens, l’opérateur doit avoir agi avec un numéro d’identification TVA attribué par un État membre autre que l’État membre d’origine des biens.

52.      L’article 20 de la directive TVA définit la notion d’« acquisition intracommunautaire de biens » comme « l’obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d’un bien meuble corporel expédié ou transporté à destination de l’acquéreur, par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, vers un État membre autre que celui de départ de l’expédition ou du transport du bien ».

53.      B a précisé à l’audience, en substance, que l’article 41 de la directive TVA ne saurait étendre la notion d’« acquisition intracommunautaire » telle que définie à l’article 20 de la même directive. Selon B, l’article 41 de la directive TVA se borne à mettre en place un dispositif particulier de taxation des acquisitions intracommunautaires. Selon B, la notion d’acquisition intracommunautaire exige que les États membres du départ et de la destination des biens soient différents. Toutefois, selon B, en l’espèce, les autorités polonaises ont imposé l’acquisition intracommunautaire de biens dans l’État membre d’origine alors même que ces biens ont été expédiés depuis ce même État. Dans une telle situation, l’opération doit, selon B, être imposée en tant qu’opération nationale.

54.      Contrairement à ce que soutient B, je ne vois pas en quoi, sous l’empire des règles de la directive TVA applicables ratione temporis à l’affaire au principal, la définition donnée par l’article 20 de la directive TVA ferait dépendre la détermination du caractère intracommunautaire ou non d’une opération de l’utilisation d’un numéro d’identification TVA spécifique.

55.      Avant l’adoption de la directive 2018/1910 (27), la Cour s’est fondée sur le libellé des articles 20 et 138, paragraphe 1, de la directive TVA (dans leur version en vigueur à l’époque) pour juger que « le lieu où un opérateur économique est identifié à la TVA n’est pas un critère de qualification d’une livraison ou d’une acquisition intracommunautaire » (28).

56.      En effet, la notion d’acquisition intracommunautaire définie à l’article 20 de la directive TVA est rattachée à la notion de livraison intracommunautaire figurant à l’article 138, paragraphe 1, de la même directive, car il ne peut en principe y avoir d’acquisition intracommunautaire que lorsqu’il y a eu préalablement une livraison intracommunautaire (29). Pour que l’article 41 de la directive TVA ait vocation à s’appliquer, il faut préalablement une acquisition intracommunautaire, dès lors qu’il ressort de son libellé que cette disposition est à son tour liée à la fois aux articles 20 et 138, paragraphe 1, de la directive TVA (30).

57.      Je relève que la jurisprudence de la Cour visée au point 55 des présentes conclusions doit aujourd’hui être lue à la lumière des modifications qui ont été apportées par la suite au libellé de l’article 138, paragraphe 1, de la directive TVA. Cette disposition définit les conditions de fond qui doivent être remplies pour qu’une livraison intracommunautaire soit exonérée. Plus spécifiquement et jusqu’à l’adoption de la directive 2018/1910 (31), l’obligation d’exonérer une opération de la TVA s’imposait « lorsque le droit de disposer de ce bien comme un propriétaire a été transmis à l’acquéreur, que le fournisseur établit que ledit bien a été expédié ou transporté dans un autre État membre et que, à la suite de cette expédition ou de ce transport, le même bien a quitté physiquement le territoire de l’État membre de livraison » (32). En adoptant la directive 2018/1910, le législateur de l’Union a ajouté une nouvelle condition désormais énoncée à l’article 138, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, aux termes de laquelle « l’assujetti ou la personne morale non assujettie destinataire de la livraison de biens [doit être] identifié(e) aux fins de la TVA dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens » et requérant que cette personne ait « communiqué son numéro d’identification TVA au fournisseur ».

58.      Il s’ensuit que le fait, pour l’acquéreur, d’utiliser un numéro d’identification TVA, attribué par un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens, est devenu une condition de fond supplémentaire de l’exonération en cas de livraison intracommunautaire de biens (33).

59.      Cela a, selon moi, une conséquence sur l’interprétation de l’article 20 de la directive TVA, dans sa version actuelle, en ce que, ainsi que je l’ai relevé au point 40 des présentes conclusions, une acquisition intracommunautaire succède logiquement à une livraison intracommunautaire. En d’autres termes, la première ne peut pas intervenir en l’absence de la seconde dès lors que la livraison intracommunautaire et l’acquisition intracommunautaire sont essentiellement les deux faces d’une même médaille. À son tour, la modification des conditions de fond de l’exonération des livraisons intracommunautaires au titre de l’article 138, paragraphe 1, de la directive TVA se répercute également, actuellement, sur le champ d’application de l’article 41 de la directive TVA dans la mesure où, ainsi que je l’ai exposé, et comme le soutient en principe à juste titre B, l’application de l’article 41 de la directive TVA, requiert une acquisition intracommunautaire au sens de l’article 20 de la directive TVA.

60.      Toutefois, la modification importante du libellé de l’article 138, paragraphe 1, de la directive TVA, qui a pour conséquence de transformer une simple exigence formelle relative au numéro d’identification TVA en condition de fond, a été effectuée par le législateur de l’Union dans la directive 2018/1910 (34), alors que le cas d’espèce relève toujours du régime antérieur dans le cadre duquel le numéro d’identification TVA était considérée non pas comme une condition de fond, mais comme une telle exigence formelle (35). Dès lors, ainsi que je l’ai déjà relevé, la circonstance que B a utilisé le numéro d’identification TVA de l’État membre d’origine des biens n’exclut pas, à elle seule, le caractère intracommunautaire de l’opération et la vocation de l’article 41 de la directive TVA à s’appliquer aux faits de l’affaire au principal.

61.      Cela étant dit, je vais maintenant examiner si les deux objectifs poursuivis par l’article 41 de la directive TVA, à savoir la prévention de l’évasion fiscale et de la double imposition, confortent l’interprétation que je propose de cette disposition.

62.      À cet égard, je relève que ces deux objectifs peuvent effectivement être poursuivis par les autorités de l’État membre d’origine des biens, lorsque ce dernier est également l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA utilisé pour l’opération concernée.

63.      La Cour a indiqué que l’« attribution d’un tel numéro apporte la preuve du statut fiscal de l’assujetti aux fins de l’application de la TVA et facilite le contrôle fiscal des opérations intracommunautaires » (36). Il n’y a aucune raison de douter que le numéro d’identification TVA puisse remplir ce rôle et faciliter le contrôle fiscal lorsque ce contrôle est effectué par les autorités de l’État membre d’origine des biens et lorsqu’elles agissent en vertu de l’article 41 de la directive TVA.

64.      Pour le dire clairement, l’État membre d’origine des biens, à savoir la Pologne en l’espèce, sera réputé être le lieu de l’acquisition intracommunautaire en cause, au titre de la fiction établie par l’article 41 de la directive TVA, de manière à garantir la perception de la taxe et prévenir l’évasion fiscale. Ce même État membre sera également en mesure d’éviter la double imposition en appliquant le correctif, si l’opérateur concerné apporte la preuve du paiement de la taxe dans l’État membre de destination finale des biens.

65.      En d’autres termes, le rôle que l’État membre qui a attribué le numéro d’identification TVA remplit lorsqu’il agit, au titre de la fiction de l’article 41 de la directive TVA, n’est nullement entravé lorsqu’il est également le pays d’origine des biens.

66.      Au vu de ces considérations, j’estime que le fait qu’un opérateur intermédiaire dans une chaîne de livraisons, tel que B, agissant au cours d’une période à laquelle la directive 2018/1910 ne s’applique pas ratione temporis, a utilisé un numéro d’identification TVA de l’État membre d’origine des biens est sans incidence sur la vocation de l’article 41 de la directive TVA à s’appliquer à l’acquisition faite par cet opérateur.

2.      La pertinence de l’application de la taxe à l’acquisition, dans l’État membre de destination, par les clients de l’opérateur intermédiaire dans une chaîne de livraisons

67.      Il est constant que, en l’occurrence, la TVA a été acquittée à tous les stades de la chaîne donnée, y compris par les clients de B lors de l’acquisition de biens dans l’État membre de destination.

68.      La juridiction de renvoi met l’accent sur ce dernier fait et demande, en substance, si cette circonstance spécifique empêche les autorités nationales d’imposer à B d’acquitter la TVA sur les acquisitions intracommunautaires de biens requalifiées, en application de la disposition nationale de transposition de l’article 41 de la directive TVA. Ce faisant, elle se base sur la prémisse selon laquelle il n’y a pas eu de fraude et que l’opérateur agissant en tant qu’intermédiaire dans la chaîne (en l’espèce, B) a commis une erreur dans la qualification des livraisons respectives de l’opération en cause.

69.      Je comprends que la juridiction de renvoi considère qu’une charge fiscale disproportionnée a été imposée à B en ce que, d’une part, les clients de B ont acquitté la TVA dans l’État membre de destination finale des biens (sur ce qui était probablement réputé être une acquisition intracommunautaire) et, d’autre part, les autorités fiscales polonaises ont demandé à B d’acquitter la TVA sur la première livraison que BOB a faite à B après que cette livraison a été requalifiée d’intracommunautaire et soumise aux dispositions nationales visant à transposer l’article 41 de la directive TVA.

70.      La Commission fait, en substance, la même observation.

71.      Néanmoins, je ne considère pas que le fait que les clients de B ont soumis l’acquisition de biens à la taxe dans l’État membre de destination ait une quelconque incidence sur l’appréciation de la vocation de l’article 41 de la directive TVA à s’appliquer.

72.      Cette conclusion découle du simple fait que la taxe acquittée par les clients de B concerne l’acquisition par ceux-ci de biens qui leur ont été livrés par B, tandis que la procédure au principal porte sur la vocation de l’article 41 de la directive TVA à s’appliquer à l’acquisition, faite par B, des biens qui lui ont été livrés par BOP. En d’autres termes, la taxe acquittée par les clients de B est une taxe acquittée à la seconde livraison dans la chaîne en cause, alors que la procédure au principal concerne l’imposition de la première livraison dans la même chaîne. Il s’agit de deux opérations différentes et, ainsi, les obligations fiscales y afférentes font peser une charge sur des opérateurs différents.

73.      Par conséquent, j’estime que B ne pouvait pas soutenir devant les autorités polonaises que les clients de B acquittent la TVA en vertu du mécanisme correcteur (si l’application de l’article 41 de la directive TVA à sa situation devait être confirmée). À mes yeux, premièrement, le libellé de cette disposition exclut cette éventualité dès lors que la possibilité d’acquitter la TVA dans l’État membre d’identification TVA ne joue plus lorsque « l’acquéreur établit que cette acquisition a été soumise à la TVA dans [l’État membre de destination des biens] » (37). L’expression « cette acquisition » se réfère logiquement, selon moi et comme le soutient en substance le gouvernement polonais, à l’acquisition intracommunautaire réalisée par l’« acquéreur » et qui est donc susceptible de répondre de la TVA en vertu de l’article 41 de la directive TVA.

74.      Deuxièmement, la prise en compte de l’acquittement de la TVA par les clients de B afin d’atténuer la charge fiscale supportée par B elle-même ne saurait contribuer à aucun des deux objectifs poursuivis par l’article 41 de la directive TVA.

75.      À cet égard, elle ne garantit pas la perception effective de la taxe, car, en substance, aucune taxe ne pourrait être perçue dans ces conditions sur une acquisition intracommunautaire spécifique sur la base de la fiction de l’article 41 de la TVA. A fortiori, le correctif mis en œuvre dans ces conditions ne pourrait pas être invoqué afin d’éviter la double imposition puisque, dans le scénario considéré, B ne serait pas imposée dans l’État membre de destination des biens et la taxe serait ainsi, en principe, remboursée à un opérateur qui, dans ce cas de figure, n’a acquitté aucune taxe dans l’État membre de destination.

76.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je conclus que l’article 41 de la directive TVA et les principes de neutralité et de proportionnalité ne s’opposent pas à l’application de l’article 25, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA à une acquisition intracommunautaire de biens par un assujetti lorsque les personnes qui ont acquis les biens chez cet assujetti ont soumis à la TVA l’acquisition de ces biens sur le territoire de l’État membre d’arrivée du transport.

77.      Cela étant, j’admets avec la juridiction de renvoi et la Commission que les faits de l’espèce, tels que présentés dans la décision de renvoi, semblent effectivement attester un problème de charge fiscale disproportionnée, ce qui, à mon sens, exclut, en définitive, d’appliquer l’article 41 de la directive TVA dans la procédure au principal.

78.      Toutefois, à la différence de la juridiction de renvoi et de la Commission, j’estime que, pour apprécier si B a subi une charge fiscale non conforme aux principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité, il y a lieu de s’attacher aux obligations fiscales qui incombent à B au titre de la première livraison en cause puisque ce sont cet opérateur et cette opération qui sont concernés par la procédure au principal.

79.      À cet égard, il me semble problématique que la loi nationale de transposition de l’article 41 de la directive TVA ait été appliquée à une acquisition intracommunautaire (requalifiée) qui correspondait à une livraison intracommunautaire (requalifiée) qui n’avait, toutefois, pas été exonérée.

3.      L’incidence de l’absence d’exonération de la livraison intracommunautaire requalifiée

80.      La juridiction de renvoi relève que, bien que les autorités polonaises aient requalifié la livraison effectuée par BOP à B de livraison nationale en livraison intracommunautaire, elles ont soutenu que cette livraison ne pouvait pas être exonérée. Les autorités fiscales ont considéré que BOP était tenue de percevoir 23 % de TVA sur la livraison intracommunautaire requalifiée parce que B avait utilisé le numéro d’identification TVA polonais. Ainsi, B devait acquitter la TVA que lui a facturée BOP. En outre, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, B s’est vu refuser le droit de déduire la TVA acquittée en amont (38). La juridiction de renvoi ajoute également que ce volet n’est pas couvert par la question préjudicielle, mais relève que ce refus a abouti à soumettre B à 46 % de TVA au total.

81.      Dans ses observations écrites, B évoque ces éléments de fait pour soutenir qu’ils font obstacle à l’application de l’article 41 de la directive TVA.

82.      Ainsi que l’a relevé à juste titre le gouvernement polonais à l’audience, ces éléments ne sont pas évoqués dans la question posée. Cependant, dès lors qu’ils ont été clairement visés dans la décision de renvoi (et commentés ensuite par B dans ses observations écrites et à l’audience), je vais les envisager ci-dessous en vue de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile à la solution du litige dont elle est saisie. Il est cependant évident que l’appréciation juridique de ces éléments dépasse les limites de la présente affaire (39).

83.      Pour bien comprendre l’article 41 de la directive TVA, il faut le replacer dans le contexte du régime général de la directive TVA en vertu duquel, d’une part, les livraisons intracommunautaires sont en principe exonérées dans les États membres d’origine des biens et, d’autre part, les acquisitions intracommunautaires sont taxées dans l’État membre de destination (40). Cela procède de la volonté de placer la collecte des recettes fiscales dans les États membres de la consommation finale des biens.

84.      C’est dans le cadre de ce régime général que l’article 41 de la directive TVA vise à garantir la perception de la TVA en désignant le lieu d’une acquisition intracommunautaire comme étant celui de l’État membre d’identification à la TVA. Dès lors qu’une acquisition intracommunautaire de biens a, en principe, pour corollaire une livraison intracommunautaire exonérée, il importe de s’assurer que l’opération y afférente soit taxée dans l’État membre de l’identification TVA, ou dans l’État membre de l’acquisition (effective).

85.      Cela étant, je rappelle que les mesures adoptées par les États membres pour assurer la perception correcte de la taxe et pour prévenir la fraude ne sauraient être utilisées de manière à remettre en cause la neutralité de la TVA qui s’oppose à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA et qui vise à soulager entièrement l’assujetti du poids de la TVA dans le cadre de ses activités économiques (41). En outre, conformément au principe de proportionnalité, les mesures employées pour assurer l’efficacité du recouvrement de l’impôt « ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin » (42).

86.      Le fait que les autorités nationales ont décidé de traiter la livraison intracommunautaire de BOP à B, après sa requalification, comme étant « non exonérée » signifie que cette opération a bien été soumise à la taxe en Pologne.

87.      Si la taxation effective des biens dans l’État d’origine est certes sans incidence sur l’habilitation de l’État membre de destination à prélever la taxe (43), il reste que cette taxation rend discutable, à mon avis, la nécessité d’appliquer l’article 41 de la directive TVA parce que, comme je l’ai indiqué plus haut, l’opération a bien été soumise à la taxe et il n’y a plus lieu de se préoccuper d’une éventuelle évasion fiscale.

88.      En se fondant sur le régime général dans lequel les livraisons sont exonérées et l’acquisition soumise à la taxe, l’article 41 de la directive TVA prévoit l’intervention de l’État membre d’identification TVA afin d’éviter des pertes pouvant résulter de l’exonération fiscale dans le pays d’origine des biens. Cependant, dans la mesure où, en l’espèce, il n’y a pas eu d’exonération dans l’État membre d’origine des biens, il n’y avait, à mon sens, aucun risque d’évasion fiscale. L’État membre d’identification TVA n’avait dès lors aucune raison d’agir, comme le soutient, en substance, B.

89.      Certes, si B s’acquittait de la taxe sur son acquisition intracommunautaire requalifiée dans l’État membre de destination des biens, elle pourrait se prévaloir du correctif de l’article 41 de la directive TVA, ainsi que l’a confirmé le gouvernement polonais à l’audience. La charge fiscale supplémentaire qui résulte désormais de l’application à B de l’article 25, paragraphe 2, de la loi sur la TVA, considéré isolément, serait alors atténuée. Cela ne modifie toutefois pas la prémisse selon laquelle l’absence d’exonération de la livraison intracommunautaire en cause a rendu l’application de cette disposition superflue et a entraîné une charge fiscale inutile.

90.      Dans ces conditions, j’estime que, en appliquant l’article 25, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA à une acquisition intracommunautaire qui procède d’une livraison intracommunautaire non exonérée, les autorités nationales ont agi en méconnaissance du principe de proportionnalité.

91.      La charge fiscale inutile qui a été imposée à B du fait de l’application de l’article 25, paragraphe 2, de la loi sur la TVA apparaît encore aggravée par le refus de la déduction de la TVA acquittée en amont sur l’acquisition intracommunautaire requalifiée. Je ne pense cependant pas que cette circonstance soit en soi déterminante pour conclure, comme je l’ai fait, que l’article 41 de la directive TVA n’a pas vocation à s’appliquer. Selon moi, cette conclusion serait identique même si le droit à déduction était accordé, car cette circonstance ne changerait rien à l’absence d’exonération de la livraison intracommunautaire en cause qui a été requalifiée, ce qui, comme je l’ai expliqué, rend superflue l’application de l’article 41 de la directive TVA.

92.      Il résulte de ce qui précède que l’article 41 de la directive TVA et le principe de proportionnalité s’opposent à l’application de l’article 25, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA à une acquisition intracommunautaire de biens lorsque cette acquisition procède d’une livraison intracommunautaire qui n’a pas été traitée comme une opération exonérée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

V.      Conclusion

93.      Je propose à la Cour de répondre au Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) comme suit :

L’article 41 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que le principe de neutralité et de proportionnalité ne s’opposent pas à l’application de l’article 25, paragraphe 2, de l’ustawa z dnia 11 marca 2004 r. o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services, du 11 mars 2004, ci-après la « loi relative à la TVA ») à une acquisition intracommunautaire de biens par un assujetti lorsque la personne qui acquiert les biens de cet assujetti a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) l’acquisition de ces biens sur le territoire de l’État membre d’arrivée du transport.

Toutefois, l’article 41 de la directive 2006/112 et le principe de proportionnalité s’opposent à l’application de l’article 25, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA à une acquisition intracommunautaire de biens lorsque cette acquisition procède d’une livraison intracommunautaire qui n’a pas été traitée comme une opération exonérée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).


3      Directive (UE) 2018/1910 du Conseil du 4 décembre 2018 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’harmonisation et la simplification de certaines règles dans le système de taxe sur la valeur ajoutée pour la taxation des échanges entre les États membres (JO 2018, L 311, p. 3 ; ci-après la « directive 2018/1910 »).


4      Il ressort de la décision de renvoi que l’absence d’exonération de la livraison intracommunautaire requalifiée résultait de la règle nationale, en vigueur à l’époque des faits, selon laquelle une exonération ne pouvait être accordée lorsque l’acquéreur agissait sous son numéro d’identification TVA national.


5      La décision de renvoi ne contient pas d’indications quant aux raisons pour lesquelles le droit à déduction de B a été refusé.


6      Il ressort de la décision de renvoi que le Dyrektor Izby Skarbowej w W. a annulé la décision de l’autorité fiscale de première instance et a fixé un montant légèrement supérieur de la différence de TVA à rembourser pour le mois d’avril 2012. Il est également indiqué que cette modification est sans incidence sur la question posée, le Dyrektor Izby Skarbowej w W. ayant confirmé les appréciations en fait et en droit portées en première instance.


7      Règlement d’exécution du Conseil, du 15 mars 2011, portant mesures d’exécution de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2011, L 77, p. 1).


8      Article 138, paragraphe 1, de la directive TVA modifié par la directive 2018/1910. Je reviendrai de manière plus approfondie sur cette modification plus bas au point 57 des présentes conclusions.


9      Voir, notamment, arrêt du 19 décembre 2018, AREX CZ, C-414/17, EU:C:2018:1027, point 70 et jurisprudence citée ; ou du 23 avril 2020, Herst, C-401/18, EU:C:2020:295, point 43 et jurisprudence citée.


10      Voir, par exemple, arrêts du 16 décembre 2010, Euro Tyre Holding, C-430/09, EU:C:2010:786, point 27 ; ou du 23 avril 2020, Herst, C-401/18, EU:C:2020:295, point 43 et jurisprudence citée.


11      Voir, récemment, arrêts du 19 décembre 2018, AREX CZ, C-414/17, EU:C:2018:1027, points 70 et 72 ; et du 10 juillet 2019, Kuršu zeme, C-273/18, EU:C:2019:588, point 39. Voir, également, pour des indications plus précises, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire AREX CZ (C-414/17, EU:C:2018:624, points 58 à 64), qui souligne spécifiquement le risque lié à la perte accidentelle des marchandises pendant le transport.


12      Voir ci-dessus, note 3 des présentes conclusions.


13      Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’harmonisation et la simplification de certaines règles dans le système de taxe sur la valeur ajoutée et instaurant le système définitif de taxation des échanges entre les États membres [COM (2017) 0569 final].


14      Voir document du Conseil ST 10335 2018 INIT du 20 juin 2018, considérant 7 du texte proposé.


15      Commission européenne. Notes explicatives relatives aux modifications du système de TVA de l’Union européenne en ce qui concerne le régime des stocks sous contrat de dépôt, les opérations en chaîne et l’exonération des livraisons intracommunautaires de biens (ci-après les « solutions rapides 2020 »). Directive (UE) 2018/1910 du Conseil, Règlement d’exécution (UE) 2018/1912 du Conseil, Règlement (UE) 2018/1909 du Conseil (ci-après les « notes explicatives relatives aux solutions rapides 2020 »), point 3.2.


16      Voir, par exemple, arrêt du 13 janvier 2022, Benedetti Pietro e Angelo e.a. (C-377/19, EU:C:2022:4, point 37 et jurisprudence citée).


17      Voir, à titre indicatif, notamment, les références citées aux notes en bas de page 10 et 11 des présentes conclusions.


18      Voir considérant 10 de la directive TVA et, notamment, arrêt du 16 décembre 2010, Euro Tyre Holding (C-430/09, EU:C:2010:786, point 43 et jurisprudence citée).


19      Voir, dans le contexte de l’article 28, point b), A (2), de la sixième directive, correspondant à l’article 41 de la directive TVA, arrêt du 22 avril 2010, X (C-536/08 et C-539/08, EU:C:2010:217, point 35). Sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, JO L 145 (1977), p. 1.


20      Dans le contexte de l’article 28 ter, point a) (1) de la sixième directive, correspondant à l’article 40 de la directive TVA, il a été relevé qu’« il n’est pas suffisamment certain que [le transfert du bien d’un État membre à un autre] ait eu lieu tant que le bien n’a pas franchi la frontière ». Conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire S.P.C.M. e.a. (C-558/04, EU:C:2007:7, point 46).


21      Voir, également, proposition de la Commission COM/2017/0569 final, p. 2, citée ci-dessus au point 13.


22      Dans le contexte de la sixième directive, arrêt du 22 avril 2010, X (C-536/08 et C-539/08, EU:C:2010:217, point 35).


23      Ibidem, point 44. Voir le point 37 des présentes conclusions.


24      Voir, notamment, les exemples concrets en ce sens donnés dans Ben Terra, Julie Kajus, A Guide to the European VAT Directives, IBFD, 2021, point 11.3.1, et dans le contexte de la législation allemande de transposition de l’article 41 de la directive TVA, par Marchal dans Rau/Dürrwächter, UStG, § 3d, point 16, ou par Hummel dans Mössner e.a., Steuerrecht international tätiger Unternehmen, point 14.387.


25      Je rappelle que « en vue de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs de la réglementation dont elle fait partie » Voir, par exemple, arrêt du 19 avril 2018, Firma Hans Bühler (C-580/16, EU:C:2018:261, point 33 et jurisprudence citée).


26      Contrairement à d’autres dispositions de la directive TVA. Voir, par exemple, article 141, point a), c) et d), de la directive TVA.


27      Voir la note de bas de page 3 des présentes conclusions.


28      Arrêt du 26 juillet 2017, Toridas (C-386/16, EU:C:2017:599, point 42). Voir également arrêt du 27 septembre 2012, VSTR (C-587/10, EU:C:2012:592, point 30 et jurisprudence citée).


29      Sachant que « les notions de livraisons intracommunautaires et d’acquisition intracommunautaire ont un caractère objectif et s’appliquent indépendamment des buts et des résultats des opérations concernées ». Voir, par exemple, arrêt du 16 décembre 2010, Euro Tyre Holding (C-430/09, EU:C:2010:786, point 28 et jurisprudence citée).


30      Voir conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire X (C-84/09, EU:C:2010:252, point 49) dans lesquelles elle relève que « les États membres doivent respecter une interprétation uniforme des dispositions relatives à l’exonération des livraisons intracommunautaires (article 138 de la directive [TVA]) et à la taxation des acquisitions intracommunautaires (article 20 de la directive [TVA]) ».


31      Voir la note de bas de page 3 des présentes conclusions.


32      Voir, notamment, arrêt du 9 octobre 2014, Traum, C-492/13, EU:C:2014:2267, point 24 et jurisprudence citée.


33      Note explicative « solutions rapides 2020 », note de bas de page 15 des présentes conclusions, point 1.1., p. 9. Voir également la proposition de la Commission COM/2017/0569, note de bas de page 13 des présentes conclusions, p. 10 et 11.


34      Le considérant 3 de la directive 2018/1910 rappelle que « le Conseil a invité la Commission à apporter certaines améliorations aux règles actuelles de l’Union en matière de TVA applicables aux transactions transfrontières en ce qui concerne le rôle du numéro d’identification TVA dans le cadre de l’exonération des livraisons intracommunautaires de biens, le régime des stocks sous contrat de dépôt, les opérations en chaîne et la preuve de transport aux fins de l’exonération des opérations intracommunautaires ». Voir également le considérant 7.


35      Voir, notamment, arrêts du 20 octobre 2016, Plöckl (C-24/15, EU:C:2016:791, points 41 et 42) ; ou du 9 février 2017, Euro Tyre (C-21/16, EU:C:2017:106, point 29 et jurisprudence citée). Voir, également, notes explicatives « solutions rapides 2020 », citées à la note 15 e présentes conclusions, point 4.3.1., p. 71.


36      Arrêt du 6 septembre 2012, Mecsek-Gabona (C-273/11, EU:C:2012:547, point 60).


37      Mis en italiques par mes soins.


38      Ainsi que je l’ai relevé à la note 5 des présentes conclusions, la décision de renvoi est muette quant aux motifs de ce refus.


39      Pour autant que de besoin, je rappelle que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’exonération d’une livraison intracommunautaire doit être accordée lorsque les conditions de fond sont réunies. Parmi ces conditions figure désormais le numéro d’identification TVA, ainsi que je l’ai exposé aux points 57 à 61 des présentes conclusions. Toutefois, le cas d’espèce ne relève pas ratione temporis de cette nouvelle règle.


40      Voir arrêt du 27 septembre 2007, Teleos e.a., C-409/04, EU:C:2007:548, point 24 et jurisprudence citée. Voir, également, proposition de la Commission COM/2017/0569 final, p. 2, citée au point 13 des présentes conclusions.


41      Voir, pour les deux facettes du principe de neutralité, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Agrobet CZ (C-446/18, EU:C:2019:1137, point 57 et jurisprudence citée). Voir également, notamment, arrêt du 18 mars 2021, P (Cartes Fuel) (C-48/20, EU:C:2021:215, point 29 et jurisprudence citée).


42      Arrêt du 27 septembre 2007, Teleos e.a., C-409/04, EU:C:2007:548, point 53 et jurisprudence citée.


43      L’article 16 du règlement d’exécution (UE) no 282/2011, cité à la note 7 des présentes conclusions, dispose : « Lorsqu’une acquisition intracommunautaire de biens, au sens de l’article 20 de la directive 2006/112/CE, a eu lieu, l’État membre d’arrivée de l’expédition ou du transport des biens exerce sa compétence de taxation, quel que soit le traitement TVA qui a été appliqué à l’opération dans l’État membre de départ de l’expédition ou du transport des biens ». Voir, également, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Agroferm (C-568/09, EU:C:2010:252, point 49).