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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 14 décembre 2023 (1)

Affaire C-746/22

Slovenské Energetické Strojárne A. S.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága

[demande de décision préjudicielle formée par le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 170 – Remboursement de la taxe aux assujettis non établis dans l’État membre du remboursement – Directive 2008/9/CE – Article 20 – Demande d’informations complémentaires formulée par l’État membre du remboursement – Classement de la procédure pour défaut de communication d’informations complémentaires dans les délais – Article 23 – Refus de prendre en compte des informations communiquées pour la première fois en appel »






 Introduction

1.        Dans le système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « TVA »), le droit de déduire la taxe payée en amont joue un rôle essentiel en ce qu’il permet à l’assujetti d’éviter le poids de cette taxe, qui n’est supportée que par les consommateurs. Toutefois, en raison du caractère territorial de la TVA limitée au territoire de chaque État membre, le droit à déduction n’est pas ouvert lorsque l’assujetti, qui n’est pas établi et ne dispose pas d’un établissement stable dans un État membre déterminé acquiert dans cet État membre des biens ou des services qu’il utilise pour les besoins de ses activités assujetties à la TVA dans un autre État membre ou pour les besoins de ses activités assujetties à la TVA qui n’entraînent toutefois pas l’obligation pour cet assujetti de s’acquitter de la taxe, par exemple en relation avec le mécanisme dit d’« autoliquidation ». En effet, dans un tel cas, il n’existe pas de taxe due sur le territoire de l’État membre concerné, sur laquelle la taxe acquittée sur les biens ou les services acquis par l’assujetti sur le territoire de cet État membre pourrait être déduite.

2.        En lieu et place du droit à déduction, le droit de l’Union prévoit, dans une telle situation, un droit au remboursement de la TVA acquittée. La législation de l’Union régit assez en détail non seulement les aspects matériels de ce droit au remboursement, mais également les questions procédurales y afférentes, y compris celles relatives aux délais applicables dans le cadre la procédure de demande de remboursement.

3.        La Cour a déjà eu plusieurs fois l’occasion d’interpréter ces dispositions (2). Toutefois, comme l’illustre la présente affaire, il peut être tiré de cette jurisprudence des conclusions divergentes quant à la nature juridique de ces délais et aux conséquences de leur non-respect. La Cour aura donc l’occasion de préciser l’interprétation desdites dispositions et de dissiper les doutes soulevés.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

4.        L’article 170, sous b), et l’article 171, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (3), telle que modifiée par la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008 (4) (ci-après la « directive 2006/112 »), disposent :

« Article 170

Tout assujetti qui, au sens [...] de l’article 3, de la directive 2008/9/CE[(5)] et de l’article 171 de la présente directive, n’est pas établi dans l’État membre dans lequel il effectue des achats de biens et de services ou des importations de biens grevés de TVA a le droit d’obtenir le remboursement de cette taxe dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les opérations suivantes :

[...]

b)      les opérations pour lesquelles la taxe est uniquement due par l’acquéreur ou le preneur conformément aux articles 194 à 197 et à l’article 199.

Article 171

1.      Le remboursement de la TVA en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre dans lequel ils effectuent des achats de biens et de services ou des importations de biens grevés de taxe, mais qui sont établis dans un autre État membre, est effectué selon les modalités prévues par la directive 2008/9/CE.

[...] »

5.        Les articles 3, 5, 7, 15, 19, 20, 21 et 23 de la directive 2008/9 disposent notamment :

« Article 3

La présente directive est applicable à tout assujetti non établi dans l’État membre du remboursement qui remplit les conditions suivantes :

a)      au cours de la période sur laquelle porte la demande de remboursement, l’assujetti n’a eu dans l’État membre du remboursement ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle ;

b)      au cours de la période sur laquelle porte la demande de remboursement, l’assujetti n’a effectué aucune livraison de biens ni prestation de services réputée avoir eu lieu dans l’État membre du remboursement, à l’exception des opérations suivantes :

[...]

(ii)      les livraisons de biens et prestations de services pour lesquelles le destinataire est le redevable de la TVA conformément aux articles 194 à 197 et à l’article 199 de la directive 2006/112/CE.

[...]

Article 5

Chaque État membre rembourse à tout assujetti non établi dans l’État membre du remboursement la TVA ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis dans cet État membre par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans cet État membre, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes :

[...]

b)      les opérations dont le destinataire est redevable de la TVA conformément aux articles 194 à 197 et à l’article 199 de la directive 2006/112/CE, tels qu’ils sont appliqués dans l’État membre du remboursement.

[...]

Article 7

Pour bénéficier d’un remboursement de la TVA dans l’État membre du remboursement, l’assujetti non établi dans l’État membre du remboursement adresse à cet État membre une demande de remboursement électronique, qu’il introduit auprès de l’État membre dans lequel il est établi, via le portail électronique qui est mis à disposition par ce même État membre.

[...]

Article 15

1.      La demande de remboursement est introduite auprès de l’État membre d’établissement au plus tard le 30 septembre de l’année civile qui suit la période du remboursement. La demande de remboursement est réputée introduite uniquement lorsque le requérant a fourni toutes les informations exigées aux articles 8, 9 et 11.

[...]

Article 19

[...]

2.      L’État membre du remboursement notifie au requérant sa décision d’accepter ou de rejeter la demande de remboursement dans un délai de quatre mois à compter de sa réception par l’État membre du remboursement.

Article 20

1.      Lorsque l’État membre du remboursement estime ne pas être en possession de toutes les informations qui lui permettraient de statuer sur la totalité ou une partie de la demande de remboursement, il peut demander, par voie électronique, des informations complémentaires, notamment auprès du requérant ou des autorités compétentes de l’État membre d’établissement, dans la période de quatre mois visée à l’article 19, paragraphe 2. Lorsque ces informations complémentaires sont demandées auprès d’une personne autre que le requérant ou que les autorités compétentes d’un État membre, la demande doit être transmise par voie électronique uniquement, si le destinataire de la demande est équipé en conséquence.

Si nécessaire, l’État membre du remboursement peut demander d’autres informations complémentaires.

Les informations demandées conformément au présent paragraphe peuvent aussi comprendre, si l’État membre du remboursement a des raisons de douter de la validité ou de l’exactitude d’une créance particulière, l’original ou une copie de la facture ou du document d’importation concerné [...].

2.      Les informations exigées conformément au paragraphe 1 doivent être fournies à l’État membre du remboursement dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la demande d’informations par le destinataire.

Article 21

Lorsque l’État membre du remboursement demande des informations complémentaires, il notifie au requérant sa décision d’accepter ou de rejeter la demande de remboursement dans un délai de deux mois à partir de la date de réception des informations demandées ou, s’il n’a pas reçu de réponse à sa demande, dans un délai de deux mois à partir de l’expiration du délai visé à l’article 20, paragraphe 2. Toutefois, le délai dont il dispose pour décider d’accorder un remboursement total ou partiel à partir de la date de réception de la demande dans l’État membre du remboursement est toujours de six mois minimum.

Lorsque l’État membre du remboursement demande d’autres informations complémentaires, il informe le requérant, dans un délai de huit mois à partir de la réception de la demande de remboursement dans cet État membre, de la manière dont il a statué sur la totalité ou une partie de la demande de remboursement.

[...]

Article 23

1.      Lorsque la demande de remboursement est rejetée en totalité ou en partie, les motifs du rejet sont notifiés au requérant par l’État membre du remboursement en même temps que la décision de rejet.

2.      Des recours contre une décision de rejet d’une demande de remboursement peuvent être formés par le requérant auprès des autorités compétentes de l’État membre du remboursement, dans les formes et les délais prévus pour les réclamations relatives aux remboursements demandés par des personnes établies dans cet État membre.

Si l’absence de décision concernant la demande de remboursement dans les délais prévus par la présente directive ne vaut ni acceptation ni rejet dans la législation de l’État du remboursement, le requérant doit avoir accès à toute procédure administrative ou judiciaire à laquelle ont accès les assujettis établis dans cet État membre lorsqu’ils se trouvent dans la même situation. En l’absence de telles procédures, l’absence de décision concernant la demande de remboursement dans les délais impartis vaut rejet de la demande. »

 Le droit hongrois

6.        Les dispositions des articles 19 à 21 de la directive 2008/9 ont été transposées en droit hongrois aux articles 251/C, 251/E, 251/F et 251/G de l’az általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi noCXXVII de 2007 relative à la TVA) (6).

7.        Aux termes de l’article 49, paragraphe 1, de l’az adóigazgatási rendtartásról szóló 2017. évi CLI. törvény (loi no CLI de 2017 sur l’organisation de l’administration fiscale (7), ci-après la « loi sur l’organisation de l’administration fiscale »), la procédure fiscale est classée si le demandeur n’a pas fait de déclaration ou n’a pas procédé à une régularisation, à la demande de l’administration fiscale, de sorte que la demande ne peut être examinée.

8.        L’article 124 de la loi sur l’organisation de l’administration fiscale établit un droit de recours contre les décisions fiscales. Aux termes de son paragraphe 3, il n’est pas permis, dans le cadre du recours, d’invoquer des faits ou des éléments de preuve dont le requérant avait connaissance, mais qu’il n’avait pas produits devant l’autorité de première instance, bien qu’il y ait été invité.

9.        En vertu de l’article 78, paragraphe 1, de l’a közigazgatási perrendtartásról szóló 2017. évi I. törvény (loi no I de 2017 portant code de procédure administrative contentieuse) (8), une partie peut alléguer devant une juridiction un fait qui n’a pas été examiné dans le cadre d’une procédure antérieure, tant parce que l’autorité a refusé de le prendre en considération que parce qu’une partie, sans commettre de faute, n’en avait pas connaissance ou ne l’a pas invoqué.

 Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10.      La société Slovenské Energetické Strojárne A. S. (ci-après « SES »), établie en Slovaquie, opère dans le secteur de la construction de machines pour l’industrie énergétique. Au cours de l’année 2020, cette société a fourni des services de montage et d’installation dans la centrale électrique d’Újpest (Hongrie). Aux fins de la fourniture de ces services, elle a acquis plusieurs produits en Hongrie et a bénéficié de plusieurs services.

11.      Le 18 février 2021, SES a saisi la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Kiemelt Adó- és Vámigazgatósága (direction des impôts et des douanes pour les grands contribuables de l’administration nationale des douanes et des impôts, Hongrie, ci-après l’« autorité fiscale de première instance ») d’une demande de remboursement de la TVA d’un montant de 37 013 654 forints hongrois (HUF) (environ 97 400 euros) acquittés sur les biens et services qu’elle avait acquis en Hongrie en 2020.

12.      Le 22 février 2021, l’autorité fiscale de première instance a demandé à SES de produire, dans un délai d’un mois, plusieurs documents relatifs à sa demande de remboursement de la TVA. SES, bien qu’ayant reçu la demande en cause par voie électronique, n’y a pas répondu (9).

13.      Par conséquent, par décision du 6 mai 2021, l’autorité fiscale de première instance a classé la demande de remboursement de la TVA de SES sur le fondement de l’article 49, paragraphe 1, de la loi sur l’organisation de l’administration fiscale.

14.      Le 9 juin 2021, SES a introduit une réclamation contre cette décision devant le Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des douanes et des impôts, Hongrie, ci-après l’« autorité fiscale de deuxième instance »), tout en transmettant tous les documents demandés par l’autorité fiscale de première instance.

15.      Par décision du 20 juillet 2021, l’autorité fiscale de deuxième instance a confirmé la décision de l’autorité fiscale de première instance. Elle a notamment indiqué que les dispositions de la loi sur l’organisation de l’administration fiscale ne permettaient pas d’invoquer, dans le cadre de la procédure de réclamation, de nouveaux éléments de preuve dont le requérant avait connaissance avant l’adoption de la décision de première instance, mais qu’il n’avait pas produits, bien qu’il y ait été invité par l’administration fiscale.

16.      SES a introduit un recours contre cette décision devant le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie), la juridiction de renvoi dans la présente affaire. Elle conteste l’application de l’article 124, paragraphe 3, de la loi sur l’organisation de l’administration fiscale à la procédure de remboursement de la TVA menée conformément à la directive 2008/9, en ce que cet article limite, selon elle, le droit de recours prévu à l’article 23, paragraphe 2, de cette directive. En outre, elle estime que le délai d’un mois visé à l’article 20, paragraphe 2, de ladite directive n’a pas un caractère de forclusion. En revanche, selon l’autorité fiscale de deuxième instance, l’article 124, paragraphe 3, de la loi sur l’organisation de l’administration fiscale est applicable aux procédures de remboursement de la TVA. Cela ne priverait toutefois pas un assujetti se trouvant dans une situation telle que celle de SES de son droit au remboursement, dès lors que cet assujetti peut introduire une demande de relevé de forclusion.

17.      Dans ces circonstances, le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter l’article 23, paragraphe 2, de la directive [2008/9] en ce sens que les conditions en matière de recours prévues par cette directive sont respectées même si, dans le cadre de l’examen des demandes de remboursement de la TVA au titre de la directive [2006/112], une disposition de droit national – à savoir l’article 124, paragraphe 3, de la [loi sur l’organisation de l’administration fiscale] – ne permet pas au demandeur, au stade de la réclamation, d’alléguer des faits nouveaux, ou d’invoquer ou de produire des éléments de preuve nouveaux, dont il avait connaissance avant l’adoption de la décision de première instance mais qu’il n’a pas présentés, bien que l’administration fiscale l’y ait invité, ou qu’il n’a pas invoqués, ce qui se traduit par une limitation matérielle du droit de recours qui va au-delà des conditions de forme et de délai de la directive 2008/9 ?

2)      Une réponse affirmative à la première question a-t-elle pour effet de conférer au délai d’un mois prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive [2008/9] le caractère d’un délai de forclusion ? Cela est-il conforme au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la « Charte »], aux articles 167, 169, 170 et 171, paragraphe 1, de la directive [2006/112], ainsi qu’aux principes de neutralité fiscale, d’effectivité et de proportionnalité développés par la [Cour] ?

3)      Convient-il d’interpréter la disposition relative au rejet en totalité ou en partie de la demande de remboursement, prévue à l’article 23, paragraphe 1, de la directive [2008/9], en ce sens qu’est conforme à ce dernier une disposition de droit national – à savoir l’article 49, paragraphe 1, sous b), de la loi sur l’organisation de l’administration fiscale – prévoyant le classement de la procédure par l’administration fiscale lorsque le demandeur, après y avoir été invité par l’administration fiscale, n’a pas déposé de déclaration, ou ne s’est pas conformé à son obligation de régularisation et que, à défaut d’une telle déclaration ou d’une telle régularisation, la demande ne peut être traitée, et qu’il n’est, d’office, pas donné suite à la procédure ? »

18.      La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 6 décembre 2022. Des observations écrites ont été présentées par SES, la Hongrie, le Conseil de l’Union européenne (10) ainsi que la Commission européenne. La Cour a décidé de statuer dans la présente affaire sans audience de plaidoirie.

 Analyse

19.      La juridiction de renvoi dans la présente affaire pose à la Cour trois questions préjudicielles, la première question revêtant une importance fondamentale pour la solution du litige au principal. Je commencerai toutefois l’analyse par la deuxième question préjudicielle, étant donné que la réponse à cette question peut être aisément déduite de la jurisprudence existante de la Cour et qu’elle aura une incidence sur l’analyse de la première question.

 Sur la deuxième question préjudicielle

20.      La deuxième question préjudicielle soulève deux problématiques distinctes. La première concerne la nature juridique du délai d’un mois pour répondre à la demande d’informations complémentaires de l’autorité saisie d’une demande de remboursement de la TVA, prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9. Concrètement, la juridiction de renvoi cherche à savoir si ce délai peut être qualifié de délai de forclusion, c’est-à-dire si son non-respect peut avoir pour conséquence que l’assujetti soit privé de la possibilité d’invoquer des informations complémentaires aux stades ultérieurs de la procédure relative à la demande de remboursement. La seconde problématique a trait au point de savoir si un tel caractère de forclusion de ce délai serait compatible avec l’article 47 de la Charte ainsi qu’avec plusieurs principes et dispositions du droit de l’Union en matière de TVA. La juridiction de renvoi pose la deuxième question préjudicielle en cas de réponse affirmative à la première question, mais celle-ci peut, sur la base de la jurisprudence existante de la Cour, recevoir une réponse sans examen préalable de la première question.

 L’arrêt Sea Chefs Cruise Services

21.      La nature juridique du délai prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 a en effet été déterminée par la Cour dans l’arrêt Sea Chefs Cruise Services. Dans cet arrêt, la Cour a expressément jugé que ce délai n’est pas un délai de forclusion et que le non-respect de celui-ci ne prive pas l’assujetti de la possibilité de compléter sa demande de remboursement au stade de la procédure juridictionnelle (11).

22.      La Cour s’est fondée sur une interprétation littérale et systématique de la directive 2008/9 (12). En outre, la Cour a considéré qu’une demande d’informations complémentaires au titre de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2008/9 peut être adressée non seulement à l’assujetti demandant le remboursement de la taxe, mais également à l’État membre de son établissement ou à des tiers. Dans une telle situation, un éventuel retard dans le chef de ces personnes, sur lequel l’assujetti n’a pas d’influence, ne saurait avoir pour effet de priver ce dernier de son droit au remboursement (13).

23.      Enfin, la Cour a constaté que, dans la mesure où, conformément à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2008/9, l’assujetti a le droit d’introduire un recours contre la décision refusant le remboursement de la taxe et où le délai prévu à son article 20, paragraphe 2, n’est pas un délai de forclusion, l’assujetti est en droit, dans le cadre d’une procédure de recours contre une telle décision, de se prévaloir d’éléments complémentaires à l’appui de son droit au remboursement (14). Il convient dès lors de comprendre que l’assujetti peut invoquer, entre autres, des informations ou des documents que l’autorité saisie de la demande de remboursement lui a demandé de fournir et que l’assujetti n’a pas fournis dans le délai prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9.

24.      Il est vrai que, dans l’arrêt Sea Chefs Cruise Services, la Cour s’est spécifiquement référée à la possibilité pour un assujetti d’invoquer des informations complémentaires dans la procédure devant le juge national. Cela tenait toutefois à la configuration particulière du litige au principal dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et au libellé de la question préjudicielle. Toutefois, la Cour s’est expressément référée au droit de l’assujetti de former un recours contre une décision relative au remboursement de la taxe prévu à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2008/9 (15). Or, cette disposition parle, de manière générale, de « recours [...] auprès des autorités compétentes de l’État membre », ce qui peut désigner des autorités tant judiciaires qu’administratives. Cela est notamment confirmé par le second alinéa de ce paragraphe, selon lequel l’assujetti doit avoir accès à « toute procédure administrative ou judiciaire » dans l’État membre du remboursement. Dès lors, les enseignements de l’arrêt Sea Chefs Cruise Services peuvent s’appliquer non seulement aux procédures juridictionnelles, mais également, comme en l’espèce, aux réclamations administratives dirigées contre des décisions en matière de remboursement de la TVA, lorsqu’une telle voie de recours est prévue par le droit national de l’État membre du remboursement.

25.      Il y a donc lieu de répondre à la première partie de la deuxième question préjudicielle que, conformément à l’arrêt Sea Chefs Cruise Services, le délai d’un mois prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 ne saurait être qualifié de délai de forclusion.

 Absence d’incidence de l’arrêt GE Auto Service Leasing

26.      Cette solution n’est pas remise en cause par les enseignements de l’arrêt GE Auto Service Leasing. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que les dispositions du droit de l’Union ne s’opposent pas à ce que le remboursement de la TVA soit refusé à un assujetti qui n’a pas fourni à l’administration fiscale compétente, dans le délai imparti, tous les documents et les renseignements requis pour prouver son droit au remboursement, même si cet assujetti a fourni spontanément l’ensemble de ces documents et renseignements, de sa propre initiative, dans le cadre de la réclamation ou du recours juridictionnel contre la décision rejetant le remboursement (16). Toutefois, les circonstances particulières de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt font que, selon moi, celui-ci ne saurait s’appliquer à la présente affaire.

27.      Premièrement, l’arrêt GE Auto Service Leasing concernait l’interprétation non pas de dispositions de la directive 2008/9, mais de celles de la directive l’ayant précédée, la directive 79/1072/CEE (17). Cette directive était bien moins détaillée que la directive 2008/9. En particulier, elle ne fixait qu’un seul délai procédural pour les assujettis, à savoir celui pour introduire une demande de remboursement de la taxe (18). Elle ne réglait nullement la question de la demande d’informations complémentaires adressée par l’administration fiscale à l’assujetti, laissant cette question relever entièrement du droit national. Or, cela signifie que, du point de vue du droit de l’Union, les États membres n’étaient limités que par les principes d’équivalence et d’effectivité.

28.      Deuxièmement, la demande de l’administration fiscale dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt GE Auto Service Leasing visait à ce que l’assujetti fournisse des documents pour lesquels l’article 3 de la directive79/1072 elle-même exigeait qu’ils soient annexés à la demande de remboursement, à savoir les factures relatives à la demande et l’attestation de l’enregistrement en tant qu’assujetti à la TVA dans l’État membre d’établissement. Conformément aux dispositions de cette directive, la production de ces documents dans la demande constituait une condition à l’exercice du droit à déduction par l’assujetti (19). L’absence de ces documents empêchait donc d’établir l’existence de ce droit.

29.      En revanche, une demande d’informations complémentaires au titre de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2008/9 peut viser, ainsi que l’indique l’emploi du terme « complémentaires », des informations ou des documents dont il n’est pas requis qu’ils soient annexés à la demande de remboursement en vertu des articles 8 à 10 de cette directive, mais dont l’absence peut entraîner, mais n’entraîne pas nécessairement, le refus du remboursement (20).

30.      Troisièmement, dans le dispositif de l’arrêt GE Auto Service Leasing, la Cour a émis une réserve selon laquelle l’interprétation des dispositions de la directive 79/1072 qui y est donnée s’applique sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité. Si la Cour a constaté que, dans l’affaire au principal dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, il n’apparaît pas que l’exercice du droit au remboursement de la TVA par l’assujetti ait été rendu excessivement difficile ou impossible, elle a néanmoins laissé cette question à l’appréciation de la juridiction nationale. Cela démontre, à mon sens, que la solution retenue par la Cour dans ledit arrêt dépendait fortement des circonstances particulières de l’affaire au principal et ne doit pas nécessairement s’appliquer dans des affaires substantiellement différentes de celle-là.

31.      Enfin, quatrièmement, le fait que, dans l’arrêt GE Auto Service Leasing, la Cour ne s’est aucunement référée à l’arrêt Sea Chefs Cruise Services, prononcé plus de deux ans auparavant, indique, à mon sens, que la Cour a considéré que ces deux affaires étaient totalement différentes, de sorte que l’arrêt GE Auto Service Leasing ne remet nullement en cause les enseignements de l’arrêt Sea Chefs Cruise Services.

 La question de la compatibilité de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 avec l’article 47 de la Charte

32.      La question de l’interprétation de l’article 47 de la Charte a été soulevée par la juridiction de renvoi dans l’hypothèse où la Cour jugerait que le délai prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 peut avoir un caractère de forclusion. Compte tenu de la réponse que je propose d’apporter à la première partie de la deuxième question préjudicielle, cette question ne se pose pas.

33.      Ce n’est donc qu’à titre surabondant que j’indique que, selon moi, indépendamment de la question de savoir si le délai prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 a un caractère de forclusion ou peut être qualifié de la sorte par le droit interne des États membres, ce délai n’est pas en contradiction avec l’article 47 de la Charte.

34.      Dans pratiquement tous les ordres juridiques, certains délais de procédure, y compris tant ceux revêtant une importance au regard du droit à un tribunal consacré à l’article 47 de la Charte que les délais d’action ou de recours, sont des délais de forclusion et leur méconnaissance a pour effet la perte de la possibilité de saisir la justice. Dès lors que ces délais sont fixés de manière raisonnable (21), cela n’est pas contraire au droit à un tribunal. En effet, ce droit doit céder devant la sécurité juridique et la pérennité des rapports juridiques et, donc, des valeurs que les délais de procédure visent à protéger (22). Ainsi, un délai, même de forclusion, pour transmettre à l’administration fiscale les informations nécessaires à l’examen de la demande de remboursement de la taxe ne saurait a fortiori être contraire au droit à un tribunal lorsque la méconnaissance de ce délai ne prive pas l’assujetti de son droit de contester, y compris devant une juridiction, la décision prise à son égard.

 Réponse à la deuxième question préjudicielle

35.      L’importance pour la présente affaire des autres dispositions et principes du droit de l’Union mentionnés par la juridiction de renvoi dans sa deuxième question préjudicielle sera examinée ci-après, dans le cadre de l’analyse de la première question préjudicielle. Je propose donc de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 doit être interprété en ce sens que le délai d’un mois qui y est fixé pour transmettre des informations complémentaires, sur injonction de l’autorité saisie d’une demande de remboursement de la TVA introduite par un assujetti établi dans un autre État membre, ne peut pas être qualifié de délai de forclusion.

 Sur la première question préjudicielle

36.      La première question préjudicielle vise à permettre à la juridiction de renvoi d’apprécier la compatibilité avec le droit de l’Union d’une disposition de droit national qui exclut la possibilité d’invoquer, dans le cadre d’une procédure de réclamation, des informations ou des documents complémentaires demandés par l’autorité fiscale de première instance et que l’assujetti a fournis seulement au stade de la réclamation devant l’autorité fiscale de deuxième instance.

37.      Telle que formulée, cette question ne concerne que l’interprétation de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2008/9. Cette disposition se borne toutefois à indiquer que les recours contre les décisions en matière de remboursement de la TVA aux assujettis établis dans un autre État membre sont soumis aux mêmes règles que celles applicables aux recours des assujettis nationaux. Pour donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il me semble donc nécessaire d’élargir l’analyse à d’autres règles et principes du droit de l’Union en matière de TVA, notamment à l’article 170 de la directive 2006/112, à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 et aussi aux principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que de neutralité fiscale. L’article 170 de la directive 2006/112 ainsi que les principes d’effectivité et de neutralité fiscale sont d’ailleurs mentionnés par la juridiction de renvoi dans sa deuxième question préjudicielle. Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande donc, en substance, si les dispositions et principes du droit de l’Union susmentionnés s’opposent à l’application d’une législation nationale telle que celle décrite au point 36 des présentes conclusions. Je commencerai l’analyse de cette question par un rappel de la jurisprudence pertinente de la Cour.

 La jurisprudence existante de la Cour

38.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit au remboursement de la TVA à un assujetti établi dans un autre État membre, prévu à l’article 170 de la directive 2006/112, constitue le pendant du droit de déduire la taxe acquittée à l’intérieur du pays prévu à l’article 168 de cette directive. Il constitue un principe fondamental du système commun de TVA qui vise à soulager les assujettis du poids de cette taxe et à assurer ainsi la neutralité fiscale. Ce droit fait donc partie intégrante de ce système et ne peut, en principe, être limité (23).

39.      Le principe de neutralité exige, en outre, qu’un droit à la déduction ou au remboursement de la taxe payée en amont soit accordé à l’assujetti, pour autant que les conditions de fond de ce droit soient remplies, même si certaines exigences formelles ont été omises par cet assujetti. Il ne peut en aller autrement que si le non-respect de ces exigences formelles empêche d’apporter la preuve certaine que les conditions de fond sont satisfaites (24). S’agissant du moment auquel il convient d’apporter la preuve que les conditions de fond du droit au remboursement de la taxe sont remplies, la Cour a constaté que la possibilité, illimitée dans le temps, de fournir de telles preuves aurait pour conséquence que la situation de l’assujetti, eu égard à ses droits et obligations à l’égard de l’administration fiscale, pourrait être indéfiniment remise en cause, ce qui serait contraire au principe de sécurité juridique (25).

40.      En outre, en ce qui concerne les aspects qui ne sont pas régis par les dispositions du droit de l’Union, les formalités relatives à l’exercice du droit au remboursement de la TVA sont déterminées, conformément au principe de l’autonomie procédurale des États membres, par le droit interne de ces États, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité. Or, conformément à ces principes, de telles exigences ne doivent pas être moins favorables que celles applicables dans des situations similaires de nature interne et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit au remboursement (26).

41.      Enfin, la Cour a jugé, comme je l’ai déjà indiqué dans la partie des présentes conclusions relative à la deuxième question préjudicielle, que le délai fixé à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 n’est pas un délai de forclusion, de sorte que l’assujetti peut fournir les informations demandées par l’autorité saisie d’une demande de remboursement de la TVA au stade de la procédure juridictionnelle (27).

42.      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner la première question préjudicielle.

 L’application au cas de l’espèce

43.      Sur le fondement de la jurisprudence examinée aux points 38 à 40 des présentes conclusions, la Cour n’a pas exclu la compatibilité avec le droit de l’Union d’une législation nationale des États membres qui ne permet pas la communication, uniquement au stade de la procédure juridictionnelle, d’informations complémentaires relatives à la demande de remboursement de la TVA par un assujetti non établi dans l’État membre du remboursement (28), ainsi que de dispositions permettant de ne pas tenir compte des preuves du respect des conditions d’exonération fournies par l’assujetti après la clôture du contrôle fiscal (29). La Cour n’a fait que subordonner la recevabilité de telles règles au regard du droit de l’Union à des conditions d’effectivité et d’équivalence (30), tout en laissant le contrôle de leur respect aux juridictions nationales.

44.      La Cour a statué en ce sens tant dans une situation où, en donnant des indications à la juridiction nationale sur ce point, elle a considéré que ces conditions, et en particulier la condition d’effectivité, étaient plutôt remplies (31), que dans la situation inverse. Dans l’arrêt Nec Plus Ultra Cosmetics, la Cour a notamment jugé que « le refus de prendre en compte des éléments de preuve à une date qui se situe avant l’adoption [de la] décision d’imposition est susceptible de rendre excessivement difficile l’exercice des droits reconnus par l’ordre juridique de l’Union, dans la mesure où un tel refus restreint pour l’assujetti la possibilité de produire des éléments de preuve relatifs à la réunion des conditions de fond permettant d’obtenir une exonération de la TVA. Une réglementation nationale qui, à ce stade de la procédure d’imposition, ne permet pas à l’assujetti de fournir les preuves encore manquantes pour étayer le droit qu’il revendique et qui ne tient pas compte des explications éventuelles sur les raisons pour lesquelles ces preuves n’ont pas été fournies plus tôt apparaît ainsi difficilement conciliable avec le principe de proportionnalité et également avec le principe fondamental de neutralité de la TVA » (32). En définitive, la Cour a laissé la question de la compatibilité des dispositions du droit national à l’appréciation de la juridiction de renvoi dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

45.      Selon moi, une solution similaire serait toutefois insuffisante en l’espèce. La procédure de remboursement de la TVA à des assujettis non établis dans l’État membre du remboursement a été réglée de manière suffisamment détaillée par la directive 2008/9. Laisser aux États membres le soin de régler dans leur droit interne des questions essentielles – et l’effet du dépassement du délai prévu à l’article 20, paragraphe 2, de cette directive sur le droit de l’assujetti au remboursement de la taxe constitue indubitablement une telle question – sous la seule réserve du respect, sous le contrôle des juridictions nationales, des principes d’équivalence et d’effectivité serait contraire au principe de l’effet utile de l’harmonisation effectuée par le législateur de l’Union.

46.      Le contrôle de la conformité de la législation nationale au principe d’équivalence nécessite une interprétation de cette législation et doit donc incomber aux juridictions des États membres. En l’espèce, rien n’indique d’ailleurs que ce principe aurait été violé, dès lors que la législation nationale applicable semble viser, de manière générale, toute procédure fiscale. En revanche, j’estime que la Cour devrait adopter une position plus ferme en ce qui concerne la compatibilité de ces dispositions avec le principe d’effectivité.

47.      Je rappelle que, conformément au principe d’effectivité, les règles nationales prises dans le cadre de l’autonomie procédurale des États membres ne doivent pas rendre excessivement difficile ou pratiquement impossible pour les justiciables l’exercice des droits que leur confère le droit de l’Union (33). Or, selon les dispositions du droit hongrois, un assujetti qui n’a pas fourni, dans les délais, à l’autorité saisie de sa demande de remboursement de la TVA les informations complémentaires que cette dernière a demandées au titre de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2008/9 ne saurait remédier à cette erreur en les fournissant au stade de la procédure de réclamation visant la décision de cette autorité relative à sa demande. En revanche, il peut, sous certaines conditions, présenter ces informations de manière utile dans le cadre d’une procédure juridictionnelle à la suite d’un recours contre une telle décision (34). Selon moi, une telle législation rend excessivement difficile le remboursement de la taxe aux assujettis non établis dans l’État membre du remboursement.

48.      La directive 2008/9 fixe une série de délais procéduraux que tant les autorités nationales compétentes que les assujettis concernés sont tenus de respecter (35). Ces parties ne se trouvent toutefois pas sur un pied d’égalité en ce qui concerne les droits découlant de cette directive ou, plus largement, des dispositions du droit de l’Union en matière de TVA. Ces dispositions visent avant tout à protéger et à améliorer la situation des assujettis, tandis que les autorités fiscales veillent à garantir l’intérêt public consistant à assurer le bon fonctionnement de ce système. Cela revêt une importance particulière dans le système de la TVA, fondé sur le principe de neutralité fiscale, en vertu duquel les assujettis ne doivent pas, en principe, supporter le poids économique de la taxation. De ce point de vue, le délai prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 poursuit, à mon sens, deux objectifs. En premier lieu, il constitue une garantie pour les assujettis quant à la durée minimale mise à leur disposition, en évitant que l’administration fiscale fixe arbitrairement des délais excessivement courts pour la communication d’informations complémentaires. En second lieu, il permet de mettre un terme à l’ensemble de la procédure relative à la demande de remboursement dans les délais prévus à l’article 21 de cette directive. Il s’agit donc d’un délai fixé dans l’intérêt non pas de l’administration fiscale mais des assujettis.

49.      Certes, ainsi que la Cour l’a déjà relevé, les délais de procédure visent également à ce que l’incertitude quant à la situation juridique de l’assujetti ne soit pas prolongée indéfiniment (36). En ce qui concerne le remboursement de la TVA aux assujettis non établis dans l’État membre du remboursement, cet objectif est poursuivi, notamment, par le délai d’introduction de la demande de remboursement fixé à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/9, qui, selon la jurisprudence de la Cour, est un délai de forclusion (37) et dont le dépassement entraîne la perte du droit au remboursement. En revanche, permettre à l’assujetti de fournir, au stade de la procédure administrative de réclamation, les informations complémentaires que lui a demandées l’autorité de première instance ne risque pas de prolonger indéfiniment l’état d’incertitude quant à sa situation juridique. En effet, une telle procédure est, par nature, soumise à des délais de procédure stricts, dont, en premier lieu, le délai de réclamation, et se situe normalement dans un cadre temporel aisément prévisible.

50.      Je comprends, bien entendu, qu’il peut être frustrant que l’assujetti, alors qu’il est dûment invité par l’autorité de première instance à communiquer certaines informations, ne les fournisse pas dans les délais, sans raison valable, et ne le fasse qu’au stade de la procédure de réclamation. Toutefois, dans une telle situation, l’article 26, second alinéa, de la directive 2008/9 dispense l’État membre du remboursement de l’obligation de verser des intérêts au titre d’un éventuel retard de paiement des sommes dues, de sorte que c’est l’assujetti qui supporte les frais du retard dont il est responsable. Je peux également imaginer que le droit national, dans de tels cas, mette à charge de l’assujetti négligent des frais administratifs supplémentaires au titre de sa négligence.

51.      En revanche, empêcher l’assujetti de fournir, hors délai, des informations au soutien de son droit au remboursement, alors même qu’il existe, en droit national, une possibilité pour le faire (38), ce qui peut avoir pour conséquence de le priver de ce droit, est, à mon sens, disproportionné et contraire au principe d’effectivité, en ce que cela rend l’exercice de ce droit excessivement difficile, et ce sans besoin apparent. Or, je rappelle qu’il s’agit d’un droit fondamental dans le système commun de la TVA, qui constitue l’essence même du mécanisme de fonctionnement de ce système et qui ne peut, en principe, être limité (39). Limiter ce droit pour des motifs purement formels, dès lors que les conditions de fond pour en bénéficier sont remplies, irait donc également à l’encontre de l’article 170 de la directive 2006/112, selon lequel tous les assujettis remplissant ces conditions de fond ont droit à un remboursement.

52.      Cette conclusion n’est pas affectée par la possibilité éventuelle pour l’assujetti d’invoquer des informations complémentaires justifiant son droit au remboursement de la TVA dans le cadre d’une procédure juridictionnelle. En effet, cela oblige l’assujetti à contester en justice la décision de rejet du remboursement (ou, comme en l’espèce, de classement) afin de remédier à un vice de procédure de nature formelle, alors qu’il existait une voie de recours administrative plus simple et plus rapide.

53.      En outre, comme je l’ai indiqué dans la partie des présentes conclusions consacrée à l’analyse de la deuxième question préjudicielle, la Cour a jugé, dans l’arrêt Sea Chefs Cruise Services, que le délai prévu à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 n’est pas un délai de forclusion, de sorte qu’un assujetti est en droit d’invoquer, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, des informations qu’il n’a pas fournies dans le délai prévu à cette disposition, à la demande de l’autorité saisie de sa demande de remboursement de la TVA. Il devrait en aller de même pour les procédures de recours administratif, lorsque le droit national prévoit une telle procédure pour les décisions en matière de remboursement de la TVA en faveur des assujettis non établis dans l’État membre du remboursement (40). En effet, tous les arguments avancés par la Cour dans cet arrêt sont également applicables à une telle procédure. L’impossibilité de fournir des informations complémentaires dans le cadre d’une procédure de recours administratif, lorsque le droit national prévoit une telle procédure, serait donc contraire à l’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 que la Cour a adoptée dans l’arrêt Sea Chefs Cruise Services (41).

54.      Les considérations qui précèdent valent naturellement lorsque les conditions de fond du droit au remboursement de la TVA sont remplies et que le retard de l’assujetti dans la communication des informations complémentaires demandées ne poursuit pas un objectif de fraude ou d’abus de droit. En effet, dans le cas contraire, les États membres sont bien entendu autorisés à appliquer les mesures de prévention de telles fraudes ou abus de droit, prévues par leur droit national. Toutefois, comme la Cour a déjà eu l’occasion de le relever, le fait pour un assujetti de ne fournir des informations complémentaires qu’à un stade ultérieur de la procédure ne constitue pas, en soi, un abus de droit (42).

 Réponse à la question

55.      Je propose donc de répondre à la première question préjudicielle que l’article 170 de la directive 2006/112, l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 ainsi que les principes d’effectivité et de neutralité fiscale doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut la possibilité d’alléguer, dans le cadre d’une procédure de réclamation, des informations ou des documents complémentaires demandés par l’autorité fiscale de première instance et que l’assujetti a fournis uniquement au stade de la réclamation devant l’autorité fiscale de deuxième instance.

 Sur la troisième question préjudicielle

56.      Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 23 de la directive 2008/9 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une disposition de droit national en vertu de laquelle la procédure relative à la demande de remboursement de la TVA introduite par un assujetti établi dans un autre État membre est classée sans examen de la demande de remboursement lorsque cet assujetti n’a pas satisfait à son obligation de fournir des informations complémentaires à la suite d’une demande formulée au titre de l’article 20 de cette directive. Si la juridiction de renvoi ne mentionne certes dans sa question que l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/9, il ressort toutefois des explications fournies dans la demande de décision préjudicielle qu’elle cherche à savoir si la décision de classement de la procédure doit être assimilée à une décision de refus du remboursement de la taxe. Or, cette question est régie à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, de cette directive. Je propose donc de considérer que la troisième question a pour objet l’article 23 de la directive 2008/9 dans son ensemble.

57.      L’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/9 établit une obligation de motivation des décisions de refus du remboursement de la TVA. Or, conformément à l’article 23, paragraphe 2, premier alinéa, de cette directive, l’assujetti doit disposer des mêmes voies de recours que celles dont disposent les assujettis nationaux en vertu du droit de l’État membre du remboursement. Enfin, l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ladite directive prévoit que l’assujetti établi dans un autre État membre doit avoir accès aux mêmes procédures administratives ou judiciaires que les assujettis nationaux se trouvant dans la même situation, lorsque l’absence de décision sur la demande de remboursement ne vaut ni reconnaissance du droit au remboursement ni refus du remboursement. En revanche, si le droit national de l’État du remboursement ne prévoit pas de telles procédures, l’absence de décision doit être considérée comme un refus de remboursement.

58.      Ces dispositions doivent, à mon sens, être comprises en ce sens que, en cas de clôture de la procédure de demande de remboursement de la TVA sans examen de cette demande, par exemple, comme dans l’affaire au principal, par une décision de classement pour non-communication dans les délais par l’assujetti des informations complémentaires qui lui avaient été demandées, celui-ci doit disposer de voies de recours administratives ou juridictionnelles effectives lui permettant de demander le réexamen de sa demande. J’ajoute qu’une telle décision de classement ou toute autre forme de clôture de la procédure doit être motivée, car il s’agit là d’une condition de l’exercice effectif du droit de recours. En revanche, en l’absence de voies de recours appropriées, la clôture de la procédure sans examen de la demande doit être assimilée à une décision de refus du remboursement, avec toutes les conséquences découlant de l’article 23, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2008/9.

59.      Une telle configuration des dispositions citées résulte de la nature particulière du mécanisme de remboursement de la TVA aux assujettis établis dans un autre État membre. En effet, à la différence du droit à déduction que l’assujetti exerce lui-même au moment du versement de la taxe à l’administration fiscale, l’exercice du droit au remboursement de la taxe par un assujetti établi dans un autre État membre, qui est le pendant du droit à déduction, requiert une action positive de l’État membre du remboursement sous la forme d’une décision de remboursement et le versement des sommes correspondantes. Dans ces conditions, mettre fin à la procédure sans examen de la demande et, partant, l’absence d’une telle décision positive équivalent, en pratique, à un refus de remboursement. C’est pourquoi l’assujetti doit disposer de voies de recours effectives contre cette manière de mettre fin à la procédure.

60.      Dans le contexte de la présente affaire, il convient d’ajouter, si la Cour se range à ma proposition de réponse aux première et deuxième questions préjudicielles, que les voies de recours dont dispose l’assujetti après la clôture de la procédure sans examen de la demande de remboursement doivent permettre à celui-ci, notamment, d’invoquer des informations complémentaires qu’il n’avaient pas communiquées dans les délais à la suite de la demande de l’autorité saisie de la demande introduite en application de l’article 20 de la directive 2008/9. En effet, dans le cas contraire, la clôture de la procédure sans examen de la demande ne permettrait pas à l’assujetti de rectifier l’erreur consistant à dépasser le délai fixé pour la communication des informations complémentaires et ce délai deviendrait lui-même un délai de forclusion, contrairement à ce qu’a jugé la Cour dans l’arrêt Sea Chefs Cruise Services.

61.      Je propose donc de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 23 de la directive 2008/9 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application d’une disposition de droit national en vertu de laquelle la procédure relative à la demande de remboursement de la TVA introduite par un assujetti établi dans un autre État membre est classée sans examen de la demande de remboursement lorsque cet assujetti n’a pas satisfait à son obligation de fournir des informations complémentaires à la suite d’une demande formulée au titre de l’article 20 de cette directive, à condition que le droit national prévoie une procédure de recours effective contre la décision de classement de la procédure, permettant notamment à l’assujetti d’invoquer, au cours de celle-ci, des informations complémentaires qu’il n’avait pas fournies dans le délai imparti dans le cadre de la procédure faisant l’objet du classement. Dans le cas contraire, la décision de classement de la procédure doit être considérée comme une décision de refus du remboursement.

 Conclusions

62.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de répondre aux questions préjudicielles déférées par le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie) de la manière suivante :

1)      L’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État membre

doit être interprété en ce sens que

le délai d’un mois qui y est fixé pour la communication d’informations complémentaires à la suite de la demande de l’autorité responsable de l’examen d’une demande de remboursement de la TVA introduite par un assujetti établi dans un autre État membre ne saurait être qualifié de délai de forclusion.

2)      L’article 170 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008, l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9 ainsi que les principes d’effectivité et de neutralité fiscale

doivent être interprétés en ce sens que

ils s’opposent à l’application d’une réglementation nationale qui exclut la possibilité d’alléguer, dans le cadre d’une procédure de recours, des informations ou des documents complémentaires demandés par l’autorité fiscale de première instance et que l’assujetti n’a fournis qu’au stade de la réclamation devant l’autorité fiscale de deuxième instance.

3)      L’article 23 de la directive 2008/9

doit être interprété en ce sens que

il ne s’oppose pas à l’application d’une disposition de droit national en vertu de laquelle la procédure relative à la demande de remboursement de la TVA introduite par un assujetti établi dans un autre État membre est classée sans examen de la demande de remboursement lorsque cet assujetti n’a pas satisfait à son obligation de fournir des informations complémentaires à la suite d’une demande formulée au titre de l’article 20 de cette directive, à condition que le droit national prévoie une procédure de recours effective contre la décision de classement de la procédure permettant notamment à l’assujetti d’invoquer, au cours de celle-ci, des informations complémentaires qu’il n’avait pas fournies dans le délai imparti dans le cadre de la procédure faisant l’objet du classement. Dans le cas contraire, la décision de classement de la procédure doit être considérée comme une décision de refus du remboursement.


1      Langue originale : le polonais


2      Voir, notamment, arrêts du 21 juin 2012, Elsacom (C-294/11, EU:C:2012:382) ; du 2 mai 2019, Sea Chefs Cruise Services (C-133/18, ci-après l’« arrêt Sea Chefs Cruise Services » ; EU:C:2019:354) ; du 17 décembre 2020, Bundeszentralamt für Steuern (C-346/19, EU:C:2020:1050), et du 9 septembre 2021, GE Auto Service Leasing (C-294/20, ci-après l’« arrêt GE Auto Service Leasing » ; EU:C:2021:723).


3      JO 2006, L 347, p. 1.


4      JO 2008, L 44, p. 11.


5      Directive du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État membre (JO 2008, L 44, p. 23).


6      Magyar Közlöny 2007/155 (XI. 16.).


7      Magyar Közlöny 2017/192.


8      Magyar Közlöny 2017/30.


9      Dans ses observations, SES explique les motifs de son absence de réponse à la demande de l’autorité fiscale de première instance. Toutefois, je ne pense pas que ces motifs soient déterminants pour la réponse aux questions préjudicielles dans la présente affaire. En tout état de cause, rien dans la procédure au principal n’indique que SES ait tenté d’abuser de son droit au remboursement de la TVA.


10      Les observations du Conseil ont été présentées dans l’hypothèse où la demande de décision préjudicielle dans la présente affaire devait être comprise comme étant une demande d’examiner la validité de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9, à la lumière de l’article 47 de la Charte.


11      Arrêt Sea Chefs Services, dispositif.


12      Arrêt Sea Chefs Services, points 39 à 41 et 43 à 46.


13      Arrêt Sea Chefs Services, point 42.


14      Arrêt Sea Chefs Services, point 48.


15      Voir, notamment, point 48 de l’arrêt Sea Chefs Services.


16      Arrêt GE Auto Service Leasing, point 1 du dispositif.


17      Huitième directive du Conseil du 6 décembre 1979 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays (JO 1979, L 331, p. 11).


18      En revanche, ce délai était un délai de forclusion, voir arrêt du 21 juin 2012, Elsacom (C-294/11, EU:C:2012:382, dispositif).


19      Arrêt GE Auto Service Leasing, point 54.


20      Comme l’a considéré la Cour elle-même, voir arrêt Sea Chefs Cruise Services, point 44.


21      Et un délai d’un mois pour transmettre des informations ou des documents dont dispose normalement l’assujetti, dès lors que ces informations ou documents concernent sa propre activité économique, ne semble pas être excessivement strict.


22      Voir, en ce sens, récent arrêt du 20 mai 2021, Dickmanns/EUIPO (C-63/20 P, non publié, EU:C:2021:406, points 58 et 60).


23      Voir, en ce sens, arrêt Sea Chefs Cruise Services, points 34 à 36.


24      Voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Bundeszentralamt für Steuern (C-346/19, EU:C:2020:1050, points 47 et 48).


25      Voir, en ce sens, arrêt GE Auto Service Leasing, point 60.


26      Voir, en ce sens, arrêt GE Auto Service Leasing, point 59.


27      Arrêt Sea Chefs Cruise Services, dispositif.


28      Arrêt GE Auto Service Leasing.


29      Arrêt du 2 mars 2023, Nec Plus Ultra Cosmetics (C-664/21, EU:C:2023:142, dispositif).


30      Au sens de la jurisprudence citée au point 39 des présentes conclusions.


31      Voir arrêt GE Auto Service Leasing, point 61.


32      Arrêt du 2 mars 2023, Nec Plus Ultra Cosmetics (C-664/21, EU:C:2023:142, point 37).


33      Voir, en ce sens, arrêt GE Auto Service Leasing, point 59.


34      Voir discussion relative aux dispositions du droit hongrois aux points 8 et 9 des présentes conclusions.


35      Voir, également, considérant 2 de cette directive.


36      Voir, en ce sens, arrêt GE Auto Service Leasing, point 60.


37      Voir arrêt Sea Chefs Cruise Services, point 39 et jurisprudence citée.


38      À savoir une procédure de réclamation contre la décision de première instance.


39      Voir jurisprudence citée aux points 38 et 39 des présentes conclusions.


40      Ainsi que je l’ai indiqué au point 24 des présentes conclusions.


41      Ainsi que je l’ai indiqué aux points 26 à 30 des présentes conclusions, cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt ultérieur GE Auto Service Leasing, adopté sur le fondement d’autres dispositions, moins détaillées, du droit de l’Union.


42      Voir, en ce sens, arrêt GE Auto Service Leasing, point 2 du dispositif.