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62001J0168

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 18 septembre 2003. - Bosal Holding BV contre Staatssecretaris van Financiën. - Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad der Nederlanden - Pays-Bas. - Liberté d'établissement - Fiscalité - Impôts sur les bénéfices des sociétés - Limitation de la déductibilité dans un État membre des frais liés aux participations d'une société mère dans ses filiales établies dans d'autres États membres - Cohérence du système fiscal. - Affaire C-168/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-09409


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Rapprochement des législations - Régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents - Directive 90/435 - Frais de participation d'une société mère établie dans un État membre dans le capital de ses filiales établies dans d'autres États membres - Déductibilité soumise à la condition de contribuer à la réalisation de bénéfices imposables dans le premier État membre - Inadmissibilité au regard de l'article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE)

raité CE, art. 52 (devenu, après modification, art. 43 CE); directive du Conseil 90/435)

Sommaire


$$La directive 90/435 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, interprétée à la lumière de l'article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE), s'oppose à une disposition nationale qui, lors de la détermination de l'impôt sur les bénéfices d'une société mère établie dans un État membre, subordonne la déductibilité des frais liés à la participation de celle-ci dans le capital d'une filiale établie dans un autre État membre à la condition que de tels frais servent indirectement à la réalisation de bénéfices imposables dans l'État membre d'établissement de la société mère.

( voir point 43 et disp. )

Parties


Dans l'affaire C-168/01,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Bosal Holding BV

et

Staatssecretaris van Financiën,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 58 du traité CE (devenu article 48 CE), ainsi que de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (JO L 225, p. 6),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, D. A. O. Edward (rapporteur), P. Jann et S. von Bahr, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Bosal Holding BV, par Me F. C. de Hosson, advocaat,

- pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. J. E. Collins, en qualité d'agent, et R. Singh, QC,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et H. van Vliet, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Bosal Holding BV, représentée par Me F. C. de Hosson, du gouvernement néerlandais, représenté par Mme H. G. Sevenster, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par MM. J. E. Collins, R. Singh et M. Hoskins, barrister, et de la Commission, représentée par MM. R. Lyal et H. van Vliet, à l'audience du 11 juillet 2002,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 24 septembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par arrêt du 11 avril 2001, parvenu à la Cour le 19 avril suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 58 du traité CE (devenu article 48 CE), ainsi que de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (JO L 225, p. 6, ci-après la «directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Bosal Holding BV (ci-après «Bosal»), société à responsabilité limitée («besloten vennootschap») établie aux Pays-Bas, à l'inspecteur du Belastingdienst/Grote ondernemingen Arnhem (Service des impôts d'Arnhem/grandes entreprises, ci-après l'«inspecteur») au sujet du refus de ce dernier d'admettre la déductibilité des bénéfices imposables de cette société, en ce qui concerne l'exercice fiscal 1993, d'une somme de 3 969 339 NLG, correspondant au montant des frais liés à ses participations dans ses filiales établies dans d'autres États membres.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Aux termes de l'article 52, premier alinéa, du traité:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont progressivement supprimées au cours de la période de transition. Cette suppression progressive s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.»

4 L'article 58, premier alinéa, du traité dispose:

«Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres.»

5 La directive énonce, à son troisième considérant:

«considérant que les dispositions fiscales actuelles régissant les relations entre sociétés mères et filiales d'États membres différents varient sensiblement d'un État membre à l'autre et sont, en général, moins favorables que celles applicables aux relations entre sociétés mères et filiales d'un même État membre; que la coopération entre sociétés d'États membres différents est, de ce fait, pénalisée par rapport à la coopération entre sociétés d'un même État membre; qu'il convient d'éliminer cette pénalisation par l'instauration d'un régime commun et de faciliter ainsi les regroupements de sociétés à l'échelle communautaire».

6 L'article 1er de la directive prévoit:

«1. Chaque État membre applique la présente directive:

- aux distributions de bénéfices reçues par des sociétés de cet État et provenant de leurs filiales d'autres États membres,

- aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État à des sociétés d'autres États membres dont elles sont les filiales.

2. La présente directive ne fait pas obstacle à l'application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les fraudes et abus.»

7 L'article 4 de la directive est libellé comme suit:

«1. Lorsqu'une société mère reçoit, à titre d'associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu'à l'occasion de la liquidation de celle-ci, l'État de la société mère:

- soit s'abstient d'imposer ces bénéfices,

- soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l'impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l'État membre de résidence de la filiale en application des dispositions dérogatoires de l'article 5, dans la limite du montant de l'impôt national correspondant.

2. Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale.

3. Le paragraphe 1 s'applique jusqu'à la date de mise en application effective d'un système commun d'impôt des sociétés.

Le Conseil arrête en temps utile les dispositions applicables à partir de la date visée au premier alinéa.»

La réglementation nationale

8 L'article 13, paragraphe 1, de la Wet op de vennootschapsbelasting 1969 (loi relative à l'impôt des sociétés de 1969 - texte de 1993 -, ci-après la «loi de 1969») prévoit:

«Pour la détermination du bénéfice, il n'est tenu compte ni des avantages ni des frais liés à une participation à moins qu'il n'apparaisse que ces frais servent indirectement à la réalisation de bénéfices imposables aux Pays-Bas (exonération des participations). Sont toujours censés être des frais liés à une participation, les intérêts et frais des emprunts contractés dans les six mois qui précèdent l'acquisition de la participation, à moins qu'il n'apparaisse que ces emprunts ont été contractés dans un autre but.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Bosal est une société effectuant des activités de holding, de financement, de licences et de royalties qui, en tant que contribuable, est assujettie à l'impôt sur les sociétés aux Pays-Bas. Au titre de l'exercice 1993, elle a déclaré des frais s'élevant à 3 969 339 NLG en relation avec le financement de ses participations dans des sociétés établies dans neuf autres États membres. Dans un complément à sa déclaration afférente audit exercice, Bosal a demandé que ces frais soient déduits de ses propres bénéfices.

10 L'inspecteur a refusé d'accorder la déduction sollicitée et le Gerechtshof te Arnhem (Pays-Bas), devant lequel Bosal avait introduit un recours dirigé contre le rejet de sa réclamation, a confirmé la position de l'inspecteur. C'est dans ces conditions que Bosal s'est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi.

11 Estimant qu'une interprétation du droit communautaire est nécessaire à la solution du litige pendant devant lui, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les dispositions combinées des articles 52 et 58 du traité CE [¼ ] ou toute autre règle du droit communautaire s'opposent-elles à ce qu'un État membre n'accorde à une société mère soumise à l'impôt dans cet État membre une déduction de frais liés à une participation qu'elle possède dans une filiale que si celle-ci réalise des bénéfices soumis à impôt dans l'État membre d'établissement de la société mère?

2) Est-il pertinent pour la réponse à la première question de savoir si, dans le cas où la filiale est soumise à l'impôt sur les bénéfices dans l'État membre concerné alors que la société mère ne l'est pas, cet État membre tient compte ou non des frais susmentionnés lors de la taxation de la filiale?»

Sur les questions préjudicielles

12 Par ses questions, qu'il convient d'examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance si le droit communautaire s'oppose à une disposition nationale qui, lors de la détermination de l'impôt sur les bénéfices d'une société mère établie dans un État membre, subordonne la déductibilité des frais liés à la participation de celle-ci dans le capital d'une filiale établie dans un autre État membre à la condition que de tels frais servent indirectement à la réalisation de bénéfices imposables dans l'État membre d'établissement de la société mère.

13 Il convient, à titre liminaire, de relever qu'il ressort des observations écrites du gouvernement néerlandais que la déductibilité des frais prévue à l'article 13, paragraphe 1, de la loi de 1969 en ce qui concerne le bénéfice imposable de la société mère dépend uniquement de la question de savoir si ces frais «servent indirectement» à la réalisation de bénéfices imposables aux Pays-Bas, sans qu'il soit pour autant exigé que ces bénéfices soient réalisés par des filiales elles-mêmes établies dans cet État membre ou à l'étranger, mais disposant d'un établissement stable dans ce dernier. Une société mère établie aux Pays-Bas aurait de la sorte le droit de déduire de son bénéfice imposable dans cet État les frais liés au financement de ses participations dans des filiales elles-mêmes établies dans celui-ci ou dans des filiales établies dans d'autres États membres, mais disposant d'un établissement stable aux Pays-Bas.

14 Le Hoge Raad der Nederlanden relève que la subordination de la déductibilité desdits frais à la condition qu'ils servent à la réalisation de bénéfices imposables dans l'État d'établissement de la société mère constitue une entrave à la liberté d'établissement, car elle peut avoir une influence négative sur la décision d'une société mère de constituer une filiale dans un autre État membre. Toutefois, il se demande si cette entrave est susceptible d'être justifiée au regard de la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal néerlandais.

15 Il indique, à cet égard, que le traitement des frais de participation par rapport aux bénéfices imposables manque de cohérence, et ce, pour trois raisons. Tout d'abord, ces frais peuvent être déduits des bénéfices de la société mère néerlandaise sans que soit prise en considération l'importance des bénéfices de la filiale, même si cette dernière n'a pas fait de bénéfices pendant l'année concernée. Ensuite, lorsque la filiale fait des bénéfices, alors que la société mère n'en réalise pas, les frais de participation n'ont aucune influence, d'un point de vue global, sur l'imposition des bénéfices de la filiale. Enfin, les frais de participation qui servent indirectement à réaliser des bénéfices imposables aux Pays-Bas ne sont pas déductibles lorsque ces bénéfices sont réalisés par une filiale néerlandaise d'une société mère étrangère.

16 Bosal estime que, en ne permettant de déduire des frais que s'ils servent à la réalisation de bénéfices imposables aux Pays-Bas, la loi de 1969 restreint l'exercice de la liberté d'établissement, car elle pénalise la création de filiales dans un autre État membre. Dès lors, la faculté reconnue aux États membres par la directive de ne pas admettre la déductibilité des frais de participation dans le capital d'une filiale ne saurait être limitée aux seules participations dans des filiales qui ne rapportent pas de bénéfices imposables dans l'État membre d'établissement de la société mère, mais devrait être appliquée à l'ensemble des participations, même si celles-ci rapportent, directement ou indirectement, des bénéfices imposables dans ledit État membre.

17 En revanche, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, considèrent que la loi de 1969 n'est pas contraire au droit communautaire parce qu'elle ne contient aucune restriction à la liberté d'établissement ou parce que, à supposer qu'une éventuelle restriction existe, celle-ci serait, en tout état de cause, objectivement justifiée.

18 En premier lieu, selon le gouvernement néerlandais, les filiales de sociétés mères établies aux Pays-Bas qui réalisent des bénéfices imposables dans cet État membre et celles qui n'en font pas ne sont pas dans une situation objectivement comparable. Ce gouvernement invoque le principe de territorialité pour soutenir qu'il existerait une grande différence entre les filiales selon qu'elles effectuent ou non des activités à l'étranger. Dans le premier cas, ce ne serait pas l'ensemble des bénéfices réalisés par le groupe de sociétés concerné qui serait soumis à l'impôt néerlandais, alors que telle serait la situation dans le second cas de figure. Cette différence de situation entre les filiales de sociétés mères établies aux Pays-Bas justifierait une différence de traitement, au regard de ces sociétés mères, des frais liés aux participations de ces dernières dans le capital de telles filiales.

19 En deuxième lieu, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, font valoir que le refus d'accorder aux sociétés mères n'ayant pas de filiales réalisant des bénéfices imposables aux Pays-Bas le droit de déduire de leur bénéfice imposable dans cet État membre les frais résultant du financement de participations dans le capital de leurs filiales est, en tout état de cause, justifié par la nécessité de maintenir la cohérence du système fiscal néerlandais (voir arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, et Commission/Belgique, C-300/90, Rec. p. I-305). En effet, il existerait un lien direct entre, d'une part, les frais liés à la participation de la société mère dans le capital de la filiale et, d'autre part, les bénéfices de celle-ci imposables aux Pays-Bas, bénéfices que ces frais serviraient à réaliser avant leur déduction.

20 En troisième lieu, le gouvernement néerlandais et la Commission soutiennent que la limitation de la déductibilité des frais de participation est justifiée par l'objectif d'éviter une érosion de l'assiette fiscale allant au-delà d'une simple diminution de la recette de l'impôt.

21 En dernier lieu, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, font valoir que la loi de 1969 est compatible avec la directive, car, en vertu de l'article 4 de cette dernière, il serait loisible aux États membres de prévoir que les frais de participation ne sont nullement déductibles des bénéfices imposables de la société mère. Cela impliquerait que les États membres ont la possibilité de refuser en partie la déductibilité de tels frais.

22 S'agissant de ce dernier point, il convient de rappeler à titre liminaire que, ainsi qu'il ressort notamment de son troisième considérant, la directive vise à éliminer la pénalisation résultant du fait que les dispositions fiscales régissant les relations entre sociétés mères et filiales d'États membres différents sont, en général, moins favorables que celles applicables aux relations entre sociétés mères et filiales d'un même État membre et à faciliter ainsi les regroupements de sociétés à l'échelle communautaire (voir arrêt du 4 octobre 2001, Athinaïki Zythopoiïa, C-294/99, Rec. p. I-6797, point 25).

23 En ce qui concerne la question spécifique du traitement fiscal des frais liés à la participation d'une société mère, établie dans un État membre, dans le capital d'une société filiale, établie dans un autre État membre, l'article 4, paragraphe 2, de la directive reconnaît à tout État membre la faculté de prévoir que des charges se rapportant à cette participation ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère.

24 Alors que, en vertu de l'article 4, paragraphe 3, de la directive, le paragraphe 1 de cet article s'applique uniquement jusqu'à la date de mise en application effective d'un système commun d'impôt des sociétés, le paragraphe 2 de la même disposition, autorisant les États membres à ne pas déduire les frais de participation du bénéfice imposable de la société mère, n'est assorti d'aucune condition ni règle spéciale concernant la destination ou la finalité des bénéfices obtenus par la société mère ou par sa filiale, ou concernant l'applicabilité dans le temps dudit paragraphe 2. Dès lors, cette disposition demeure applicable même après la mise en place effective d'un système commun d'impôt des sociétés.

25 Il en résulte que, dans la mesure où l'article 13, paragraphe 1, de la loi de 1969 ne fait que mettre en oeuvre la possibilité offerte par l'article 4, paragraphe 2, de la directive de refuser la déduction des frais de participation des sociétés mères dans le capital de leurs filiales, il est compatible avec la directive.

26 Néanmoins, ladite possibilité ne saurait être exercée que dans le respect des dispositions fondamentales du traité, en l'occurrence l'article 52 de celui-ci. C'est donc au regard de cette disposition qu'il convient d'examiner la question de savoir si la directive autorise un État membre à n'accorder que partiellement, comme le fait l'article 13, paragraphe 1, de la loi de 1969, la déductibilité des frais de participation.

27 La limitation, prévue à l'article 13, paragraphe 1, de la loi de 1969, de la déductibilité des frais de participation de la société mère établie aux Pays-Bas dans le capital des filiales établies dans d'autres États membres aux seuls cas où ces dernières rapportent, fût-ce indirectement, des bénéfices imposables aux Pays-Bas constitue, ainsi que la juridiction de renvoi l'a relevé, une entrave à la constitution de filiales dans d'autres États membres. En effet, au vu de cette limitation, une société mère pourrait être dissuadée d'exercer ses activités par l'intermédiaire d'une filiale établie dans un autre État membre puisque, normalement, de telles filiales ne réaliseront pas des bénéfices imposables aux Pays-Bas.

28 En outre, une telle limitation va à l'encontre de l'objectif visé par la directive, énoncé à son troisième considérant, selon lequel il convient d'instaurer un régime commun et d'éliminer la pénalisation due à l'application de dispositions fiscales régissant les relations entre sociétés mères et filiales d'États membres différents moins favorables que celles applicables aux relations entre sociétés mères et filiales d'un même État membre.

29 En ce qui concerne l'argument relatif à la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal, la Cour a rappelé, dans son arrêt du 6 juin 2000, Verkooijen (C-35/98, Rec. p. I-4071, point 57), que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Bachmann et Commission/Belgique, un lien direct existait, s'agissant d'un seul et même contribuable, entre l'octroi d'un avantage fiscal et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal, lesquels avaient été effectués dans le cadre d'une même imposition.

30 Lorsqu'un tel lien direct fait défaut, parce qu'il s'agit, par exemple, d'impositions distinctes ou du traitement fiscal de contribuables différents, l'argument de la cohérence du système fiscal ne saurait être invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2000, Baars, C-251/98, Rec. p. I-2787, point 40).

31 Dans l'affaire au principal, l'existence d'un lien direct de cette nature fait défaut. En effet, il n'existe aucun lien direct entre, d'une part, l'octroi aux sociétés mères établies aux Pays-Bas d'un avantage fiscal (le droit de déduire de leur bénéfice imposable les frais de participation dans le capital des filiales) et, d'autre part, le régime fiscal des filiales de sociétés mères lorsque celles-ci sont établies dans cet État membre.

32 En effet, contrairement aux succursales ou établissements d'exploitation, les sociétés mères et leurs filiales sont des personnes morales distinctes, chacune étant soumise à une imposition qui lui est propre, de sorte qu'un lien direct dans le cadre d'une même imposition fait défaut et que la cohérence du système fiscal ne saurait être invoquée.

33 Il convient par ailleurs de constater que la limitation de la déductibilité des frais de participation de la société mère établie aux Pays-Bas dans le capital des filiales établies dans d'autres États membres n'est pas compensée par un avantage correspondant. La mise en oeuvre de cette limitation semble avoir pour effet que des frais qui normalement auraient dû être déductibles ne sont pas pris en considération pour le calcul du montant de l'imposition.

34 Une telle surimposition ne saurait être justifiée au titre de la nécessité de préserver la cohérence fiscale.

35 En outre, il n'existe pas non plus de lien direct entre les frais qu'une société mère peut déduire de son bénéfice imposable aux Pays-Bas et les éventuels bénéfices imposables dans le chef de sa filiale établie dans cet État membre ou de l'établissement stable néerlandais de sa filiale étrangère. À cet égard, il ressort de l'arrêt de renvoi que les frais de participation peuvent être déduits des bénéfices d'une telle société mère sans que soit prise en considération l'importance des bénéfices de la filiale, même si cette dernière n'a pas fait de bénéfices pendant l'année concernée.

36 Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé la juridiction de renvoi et la Commission, il est permis de s'interroger sur la cohérence d'un système fiscal reposant sur l'existence d'un lien entre les frais de participation et l'existence de bénéfices imposables aux Pays-Bas à l'intérieur d'un même groupe de sociétés, dès lors que les filiales de sociétés mères établies dans d'autres États membres ne peuvent déduire de leurs bénéfices imposables aux Pays-Bas les frais de participation de ces sociétés mères.

37 Un argument tiré du principe de territorialité, tel qu'il a été reconnu par la Cour dans l'arrêt du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer (C-250/95, Rec. p. I-2471, point 22), a également été invoqué par le gouvernement néerlandais pour justifier la différence de traitement fiscal opérée par la loi de 1969. En effet, les frais liés aux activités réalisées à l'étranger, y compris les frais de financement ou de participation, devraient être imputés sur les bénéfices rapportés par lesdites activités et la limitation de la déduction desdits frais serait uniquement liée à la réalisation ou non de bénéfices en dehors des Pays-Bas. Selon le gouvernement néerlandais, il n'y a donc aucune discrimination, les filiales qui réalisent des bénéfices imposables aux Pays-Bas et celles qui n'en réalisent pas se trouvant dans une situation qui n'est pas comparable.

38 À cet égard, il convient d'indiquer que l'application faite du principe de territorialité dans l'arrêt Futura Participations et Singer, précité, concernait l'imposition d'un seul contribuable qui exerçait des activités dans l'État membre où il avait son établissement principal ainsi que dans d'autres États membres à partir d'établissements secondaires.

39 Eu égard aux faits du litige au principal et ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 50 et 51 de ses conclusions, l'argument selon lequel le traitement fiscal différencié des sociétés mères serait justifié par le fait que les filiales qui réalisent des bénéfices imposables aux Pays-Bas et celles qui n'en font pas ne se trouveraient pas dans des situations comparables est dénué de pertinence. En effet, la différence de traitement fiscal en cause concerne les sociétés mères selon qu'elles disposent ou non de filiales réalisant des bénéfices imposables aux Pays-Bas, alors même que ces sociétés mères sont toutes établies dans cet État membre. Or, en ce qui concerne la situation fiscale de ces dernières au regard des bénéfices de leurs filiales, force est de constater que ceux-ci ne sont pas imposables dans le chef de ces sociétés, qu'ils proviennent de filiales imposables aux Pays-Bas ou d'autres filiales.

40 En outre, dans un cas où était en cause le régime fiscal d'une filiale, lequel variait en fonction du siège de la société mère, la Cour a jugé que la différence de régime fiscal applicable aux sociétés mères selon qu'elles sont ou non résidentes ne peut justifier de refuser aux filiales résidant au Royaume-Uni de sociétés mères ayant leur siège dans un autre État membre un avantage fiscal dont peuvent bénéficier les filiales résidant au Royaume-Uni de sociétés mères résidant également dans cet État membre, toutes ces filiales étant soumises au «mainstream corporation tax» (impôt de base sur les sociétés) sur leurs bénéfices sans distinction selon la résidence de leur société mère (arrêt du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 60).

41 Au demeurant, la directive ne prévoit aucune exception concernant le territoire où les bénéfices des filiales seraient éventuellement imposés. Dans ces conditions, la directive ne saurait être interprétée comme autorisant une législation telle que la loi de 1969.

42 En ce qui concerne l'argument du gouvernement néerlandais et de la Commission selon lequel la limitation de la déductibilité serait justifiée par l'objectif d'éviter une érosion de l'assiette fiscale allant au-delà d'une simple diminution des ressources fiscales, il ne saurait être retenu. Il convient en effet de constater qu'une telle justification ne se distingue pas substantiellement de celle relative au risque d'une diminution des ressources fiscales. Or, il découle de la jurisprudence de la Cour qu'une telle justification ne figure pas au nombre des raisons énoncées à l'article 56, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 46, paragraphe 1, CE) et ne constitue pas une raison impérieuse d'intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une restriction de la liberté d'établissement (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 28).

43 Il convient donc de répondre aux questions posées que la directive, interprétée à la lumière de l'article 52 du traité, s'oppose à une disposition nationale qui, lors de la détermination de l'impôt sur les bénéfices d'une société mère établie dans un État membre, subordonne la déductibilité des frais liés à la participation de celle-ci dans le capital d'une filiale établie dans un autre État membre à la condition que de tels frais servent indirectement à la réalisation de bénéfices imposables dans l'État membre d'établissement de la société mère.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

44 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Hoge Raad der Nederlanden, par arrêt du 11 avril 2001, dit pour droit:

La directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, interprétée à la lumière de l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), s'oppose à une disposition nationale qui, lors de la détermination de l'impôt sur les bénéfices d'une société mère établie dans un État membre, subordonne la déductibilité des frais liés à la participation de celle-ci dans le capital d'une filiale établie dans un autre État membre à la condition que de tels frais servent indirectement à la réalisation de bénéfices imposables dans l'État membre d'établissement de la société mère.