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Affaire C-400/02


Gerard Merida
contre
Bundesrepublik Deutschland



(demande de décision préjudicielle, formée par le Bundesarbeitsgericht)

«Article 39 CE – Convention collective – Allocation complémentaire temporaire en faveur des anciens employés civils des forces alliées en Allemagne – Travailleurs frontaliers – Détermination de la base de calcul de ladite allocation – Prise en compte fictive de l'impôt sur les salaires allemands»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 5 février 2004
    
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 16 septembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des personnes – Travailleurs – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Allocation temporaire accordée aux salariés en cas de licenciement – Déduction fictive, pour le travailleur résidant et imposable dans un autre État membre, de l'impôt sur le salaire théoriquement dû dans l'État d'emploi – Inadmissibilité – Justification – Absence
(Art. 39 CE; règlement du Conseil nº 1612/68, art. 7, § 4) Les articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement nº 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, s’opposent à une réglementation nationale prévue par une convention collective, selon laquelle le montant d’une prestation sociale telle qu’une allocation temporaire complémentaire des prestations octroyées pour cause de chômage, accordée aux salariés en cas de licenciement, qui est versée par l’État membre d’emploi à un travailleur qui réside et est imposable dans un autre État membre, est calculé de telle manière que l’impôt sur les salaires dû dans l’État membre d’emploi est déduit de manière fictive lors de la détermination de la base de calcul de ladite allocation, alors que, conformément à une convention en vue d’éviter les doubles impositions, les traitements, salaires et rémunérations analogues versés aux travailleurs qui ne résident pas dans cet État ne sont imposables que dans l’État membre de résidence de ces derniers.

Les difficultés administratives qu’engendrerait, pour l’État membre d’emploi, l’application de différents modes de calcul de ladite allocation en fonction de la résidence de l’intéressé et les conséquences budgétaires de l’absence de prise en compte de l’impôt sur les salaires national ne peuvent justifier le non-respect par cet État membre des obligations découlant du traité.

(cf. points 29-30, 37 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
16 septembre 2004(1)


«Article 39 CE – Convention collective – Allocation complémentaire temporaire en faveur des anciens employés civils des forces alliées en Allemagne – Travailleurs frontaliers – Détermination de la base de calcul de ladite allocation – Prise en compte fictive de l'impôt sur les salaires allemand»

Dans l'affaire C-400/02,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE,

introduite par le Bundesarbeitsgericht (Allemagne), par décision du 27 juin 2002, enregistrée le 12 novembre 2002, dans la procédure:

Gerard Merida

contre

Bundesrepublik Deutschland,



LA COUR (deuxième chambre),,



composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur) et R. Schintgen, et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 15 janvier 2004,considérant les observations présentées:

– pour M. Merida, par Me F. Lorenz, Rechtsanwalt,

– pour la Bundesrepublik Deutschland, par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent, assisté de Me E. H. Neuert, Rechtsanwalt,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. G. Braun, R. Lyal et D. Martin, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 5 février 2004,

rend le présent



Arrêt



1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 39 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Merida, de nationalité française, à la Bundesrepublik Deutschland au sujet du calcul de l’allocation complémentaire temporaire («Überbrückungsbeihilfe», ci-après l'«allocation temporaire») que cette dernière a versée à l’intéressé en application du Tarifvertrag zur sozialen Sicherung der Arbeitnehmer bei den Stationierungsstreitkräften im Gebiet der Bundesrepublik Deutschland (convention collective relative à la sécurité sociale des salariés employés auprès des forces stationnées sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne), du 31 août 1971 (ci-après le «TV SozSich»).


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Aux termes de l’article 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2):

«1.     Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé en chômage.

[…]

4.       Toute clause de convention collective ou individuelle ou d’autre réglementation collective portant sur l’accès à l’emploi, l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et de licenciement est nulle de plein droit dans la mesure où elle prévoit ou autorise des conditions discriminatoires à l’égard des travailleurs ressortissant des autres États membres.»

La réglementation nationale

4 Le TV SozSich stipule, à son article 4, relatif à l’allocation temporaire:

«1.Une allocation temporaire est versée:

[...]

b)en complément des prestations de la Bundesanstalt für Arbeit (Office fédéral de l’emploi) octroyées pour cause de chômage ou d’actions de formation professionnelle (allocation de chômage, aide sociale aux chômeurs, allocation d’entretien),

[...]

3. a) (1) La base de calcul de l’allocation temporaire versée en complément de la rémunération perçue pour reclassement (point 1 a) est la rémunération de base prévue par la convention collective à l’article 16, 1 a, du [Tarifvertrag für die Arbeitnehmer bei den Stationierungsstreitkräften im Gebiet der Bundesrepublik Deutschland (convention collective des salariés employés auprès des forces stationnées sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne), du 16 décembre 1966 (ci-après le «TV AL II»)], qui revenait au salarié à la date du licenciement pour un mois civil entier, sur la base de l’horaire normal de travail prévu dans son contrat [...].

[…]

3. b)La base de calcul de l’allocation temporaire versée en complément des prestations de la Bundesanstalt für Arbeit (point 1 b) [...] est la base de calcul prévue au point a) ci-dessus, diminuée des retenues légales sur salaires. Lors du calcul fictif de l’impôt sur les salaires et des cotisations de sécurité sociale, il convient de partir des critères de fiscalité et de sécurité sociale pertinents pour le salarié à la date de paiement de l’allocation temporaire – sans toutefois tenir compte des abattements portés sur la carte fiscale (‘Lohnsteuerkarte’).

4.       L’allocation temporaire s’élève:

pendant la première année faisant suite à la cessation du rapport de travail, à l00 %,

à partir de la deuxième année, à 90 %

de la différence entre la base de calcul (point 3 a ou b) et les prestations visées aux points 1 et 2 ci-dessus.

Si l’allocation temporaire est versée en complément des prestations de la Bundesanstalt für Arbeit ou de l’assurance maladie ou accident légale, il convient de lui ajouter le montant nécessaire à la couverture de l’impôt sur le salaire.

[...]»

5 Conformément au point 2 der Erläuterungen und Verfahrensrichtlinien zum TV SozSich – Neufassung 1992 (notes explicatives et lignes directrices procédurales relatives à la convention collective – nouvelle version 1992, ci-après les «notes explicatives et lignes directrices»):

«S’agissant de l’article 4, point 1:

[...]

2.6.5Les prestations octroyées pour cause de chômage, qu’un travailleur frontalier originaire d’un pays de l’Union européenne ne peut recevoir que dans le pays où il est domicilié, équivalent en principe aux prestations de la Bundesanstalt für Arbeit si le travailleur frontalier pouvait exercer à partir de son domicile de l’époque une activité sur le marché du travail allemand.

[...]

S’agissant de l’article 4, point 3:

[...]

2.8.5Si, à la date du licenciement, le salarié était exonéré de l’impôt sur les salaires en application d’une convention sur la double imposition, les retenues fiscales qui devraient être effectuées pour un salarié allemand par ailleurs comparable, domicilié en Allemagne, sont prises en considération lors de la détermination de la base de calcul prévue au point 3 b.

[...]

S’agissant de l’article 4, point 4:

[...]

2.9.4Si le salarié reçoit en vertu du point 2.6.5 une allocation temporaire en complément des prestations d’un organisme étranger de sécurité sociale, le montant de l’allocation temporaire se calcule en fonction de la prestation octroyée par la Bundesanstalt für Arbeit, à laquelle l’allocataire aurait droit s’il était domicilié sur le territoire de la République fédérale. Si la prestation qu’il reçoit effectivement est plus élevée, la différence est déduite en vertu de l’article 5.»

6 Suivant l'article 5 du TV SozSich, des prestations autres que celles prévues à l'article 4, point 1, auxquelles le salarié a droit sont prises en compte pour le versement de l'allocation temporaire.

7 La convention entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contributions des patentes et de contributions foncières, conclue le 21 juillet 1959 et qui a été modifiée par la suite (ci-après la «CDI»), dispose à son article 14, paragraphe 1:

«Les traitements, salaires et rémunérations analogues, ainsi que les pensions de retraite, versés par un des États contractants […] à des personnes physiques résidents de l’autre État en considération de services administratifs ou militaires actuels ou antérieurs, ne sont imposables que dans le premier État. Toutefois, cette disposition ne trouve pas à s’appliquer lorsque les rémunérations sont allouées à des personnes possédant la nationalité de l’autre État sans être en même temps ressortissants du premier État; en ce cas, les rémunérations ne sont imposables que dans l’État dont ces personnes sont les résidents.»


Le litige au principal et la question préjudicielle

8 M. Merida occupait jusqu’au 30 novembre 1999 un emploi civil auprès des forces françaises stationnées à Baden-Baden (Allemagne), tout en résidant en France. Le TV AL II était applicable au contrat de travail de l'intéressé et sa rémunération lui était versée par les autorités allemandes au nom et pour le compte de son employeur.

9 Conformément à l’article 14, paragraphe 1, de la CDI, la rémunération brute que percevait M. Merida au titre de son activité professionnelle, après déduction des cotisations de sécurité sociale versées en Allemagne, était imposable en France. Le taux de l'impôt sur les salaires français étant moins élevé que celui applicable en Allemagne, M. Merida percevait un revenu net supérieur à celui d’un employé se trouvant dans une situation identique à la sienne, mais résidant dans ce dernier État membre.

10 À la suite de la résiliation de son contrat de travail, M. Merida a bénéficié de l’allocation temporaire conformément à l’article 4 du TV SozSich. En déterminant la base de calcul de celle-ci, les autorités allemandes ont, par un calcul fictif, déduit de la rémunération de base prévue par le TV AL II «qui revenait à l’intéressé à la date du licenciement pour un mois civil entier» non seulement le montant des cotisations de sécurité sociale allemandes, mais également l’impôt sur les salaires allemand. Par ailleurs, en application des dispositions de l’article 5 du TV SozSich et du point 2.9.4 des notes explicatives et lignes directrices, les autorités allemandes ont déduit de l’allocation temporaire versée à M. Merida le montant de l’allocation de chômage dont ce dernier a bénéficié en France entre le 22 février et la fin du mois de mars de l’année 2000.

11 Selon M. Merida, la déduction fictive de l’impôt sur les salaires allemand de sa rémunération de base aux fins de la détermination de la base de calcul de l’allocation temporaire est illicite. En effet, conformément à la CDI, cette allocation ne serait imposable qu’en France et, en l’occurrence, elle ferait l’objet d’une double imposition illicite. Le calcul fictif du salaire net en application du droit fiscal allemand aux fins de la détermination du montant de ladite allocation, outre qu’il irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par celle-ci, lequel consisterait à compenser la perte de revenus consécutive au licenciement, serait contraire au droit communautaire.

12 Tant la juridiction de première instance que la juridiction d'appel ont rejeté le recours de M. Merida qui a introduit un pourvoi en «Revision» devant la juridiction de renvoi.

13 Selon cette dernière, en appliquant le droit national, la juridiction d'appel a en définitive et à juste titre rejeté le recours dont elle était saisie comme n’étant pas fondé. Ce faisant, elle aurait suivi la jurisprudence du Bundesarbeitsgericht, selon laquelle, en tant que base de calcul de l’allocation temporaire, le salaire net fictif devrait être déterminé en vertu de l’article 4, point 3, sous b), du TV SozSich. À cet égard, la Bundesrepublik Deutschland devait prendre en compte, de manière fictive, l’impôt sur les salaires allemand, même dans le cas de M. Merida, bien que celui-ci fût domicilié et imposable en France.

14 Il ne saurait toutefois être exclu que les partenaires sociaux ont méconnu l’article 39 CE en tenant compte fictivement, même pour les salariés domiciliés dans un autre État membre, de l’impôt sur les salaires allemand aux fins de la détermination de la base de calcul de l’allocation temporaire.

15 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que M. Merida estime être victime d’une discrimination, dans la mesure où, si, comme à l'époque où il était employé auprès des forces alliées en Allemagne, il est tenu de payer l’impôt sur ses revenus en vertu du droit fiscal français du fait qu’il perçoit des allocations de chômage en France et l’allocation temporaire en Allemagne, il doit accepter en même temps que soit pris comme base de calcul aux fins de la détermination du montant de ladite allocation un traitement net fictif déterminé en procédant aux déductions conformément au droit fiscal allemand. Il serait donc simultanément soumis au droit fiscal de deux États membres, ce qui serait contraire à l’article 39 CE.

16 La juridiction de renvoi observe pour sa part que l’imposition des revenus versés par la Bundesrepublik Deutschland à M. Merida depuis la résiliation de son contrat de travail est, comme précédemment, régie par les stipulations de la CDI. L’intéressé s’opposerait à tort au seul fait que la base de calcul applicable au montant brut de l’allocation temporaire n’est pas réglementée de façon plus favorable dans son cas qu’il ne l’est dans celui d’un salarié qui n’est pas un travailleur frontalier.

17 Néanmoins, le Bundesarbeitsgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Méconnaît-on l’article 39 CE en se fondant fictivement sur l’impôt sur les salaires allemand lors de la détermination de la base de calcul de l’allocation temporaire dans le cas prévu à l’article 4, point 1, sous b), du TV SozSich [article 4, point 3, sous b), deuxième phrase, du TV SozSich] lorsque l’ancien salarié habite à l’étranger et qu’il y est imposable?»


Sur la question préjudicielle

18 L’article 39 CE interdit toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

19 Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1612/68, qui explicite et met en œuvre certains droits que les travailleurs migrants tirent de l’article 39 CE (arrêt du 15 janvier 1998, Schöning-Kougebetopoulou, C-15/96, Rec. p. I-47, point 12), dispose qu’est nulle de plein droit toute clause de convention collective portant, notamment, sur la rémunération ainsi que sur les autres conditions de travail et de licenciement, dans la mesure où elle prévoit des conditions discriminatoires à l’égard des travailleurs ressortissants des autres États membres.

20 Il n’est pas contesté qu’une prestation telle que l’allocation temporaire, qui fait partie des avantages accordés aux salariés en cas de licenciement, relève du champ d’application matériel des dispositions citées au point précédent et qu’un travailleur frontalier se trouvant dans la situation de M. Merida peut invoquer le bénéfice de ces dispositions à l’égard d’une telle allocation (voir, en ce sens, notamment arrêt du 24 septembre 1998, Commission/France, C-35/97, Rec. p. I-5325, points 36, 40 et 41).

21 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la règle de l’égalité de traitement inscrite tant à l’article 39 CE qu’à l’article 7 du règlement n° 1612/68 prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (voir, notamment, arrêt du 23 mai 1996, O’Flynn, C-237/94, Rec. p. I-2617, point 17).

22 Le principe de non-discrimination exige non seulement que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, mais également que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale (voir, notamment, arrêt du 17 juillet 1997, National Farmers’ Union e.a., C-354/95, Rec. p. I-4559, point 61).

23 À moins qu’elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi, une disposition de droit national doit être considérée comme indirectement discriminatoire dès lors qu’elle est susceptible, par sa nature même, d’affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et qu’elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers (voir, notamment, arrêt O’Flynn, précité, point 20).

24 Or, en l'occurrence, la prise en compte à titre fictif de l’impôt sur les salaires allemand a une incidence défavorable sur la situation des travailleurs frontaliers. En effet, la déduction fictive de cet impôt lors de la détermination de la base de calcul de l’allocation temporaire désavantage les personnes qui, comme M. Merida, résident et sont imposables dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne par rapport aux travailleurs ayant leur résidence et qui sont imposables dans ce dernier État.

25 Dans le cas de ces derniers, la base de calcul servant à déterminer le montant de l’allocation temporaire est déterminée de telle manière que cette base correspond au salaire net qui, en l’absence de licenciement, serait dû à l’intéressé au moment du versement de cette allocation. Ce résultat est atteint en déduisant, par un calcul fictif, outre les cotisations de sécurité sociale, le montant des impôts dus en application du droit fiscal allemand, lequel régissait également la situation de l’intéressé au cours de sa relation de travail.

26 Pendant la première année faisant suite à la cessation du rapport de travail, l’allocation temporaire s’élève à l00 % de la différence entre la base de calcul et le montant de l’allocation de chômage [hypothèse de l’article 4, point 3, sous b), du TV SozSich]. L’article 4, point 4, deuxième phrase, du TV SozSich garantit par ailleurs la neutralité de toute éventuelle imposition dont l’allocation temporaire pourrait faire l’objet, en raison notamment de la circonstance que le montant maximal de l’exonération d’impôts en Allemagne est dépassé.

27 Par conséquent, au cours de la première année suivant la cessation du rapport de travail, le revenu des anciens travailleurs résidant en Allemagne équivaut à celui qui leur serait versé en tant que travailleurs actifs.

28 En revanche, s’agissant des travailleurs frontaliers se trouvant dans la situation de M. Merida, la déduction fictive de l’impôt sur les salaires allemand lors de la détermination de la base de calcul de l’allocation temporaire ne permet pas d’atteindre le même résultat par le versement de ladite allocation, laquelle est, comme l’était le salaire perçu par M. Merida, imposable en France conformément à l'article 14, paragraphe 1, de la CDI.

29 Afin de justifier l’application de ce mode de calcul aux travailleurs frontaliers, les autorités allemandes mettent en avant les difficultés administratives qu’engendrerait l’application de différents modes de calcul en fonction de la résidence de l’intéressé et les conséquences budgétaires de l’absence de prise en compte de l’impôt sur les salaires allemand.

30 Or, ces objections, tirées de l’augmentation des charges financières et d’éventuelles difficultés administratives, doivent être rejetées. En effet, de telles motivations ne sauraient, en tout état de cause, justifier le non-respect par la République fédérale d’Allemagne des obligations découlant du traité CE (voir, notamment, arrêt du 15 janvier 2002, Gottardo, C-55/00, Rec. p. I-413, point 38).

31 Lors de l’audience, le gouvernement allemand a déclaré que l’article 4, point 4, deuxième phrase, du TV SozSich doit être interprété en ce sens qu’une personne se trouvant dans la situation de M. Merida peut obtenir le remboursement en Allemagne du montant des impôts versés, le cas échéant, au titre de l’allocation temporaire dans l’État membre de résidence. En effet, ladite clause viserait à neutraliser tout impôt éventuellement dû en raison de la perception de cette allocation, quel que soit l’État dans lequel celui-ci est versé.

32 Toutefois, la circonstance, à la supposer établie, que le montant des impôts versés dans l’État membre de résidence est remboursé a posteriori dans l’État membre d’emploi n’est pas de nature à modifier la conclusion selon laquelle la prise en compte fictive de l’impôt sur les salaires allemand révèle une discrimination au détriment des travailleurs se trouvant dans la situation de M. Merida.

33 En effet, la déduction fictive de l’impôt sur les salaires allemand lors de la détermination de la base de calcul de l’allocation temporaire ne présente aucun lien avec l’impôt sur le revenu versé par le travailleur en France au cours de la relation de travail, en sorte que, même si un montant correspondant à l’impôt versé par le bénéficiaire de cette allocation en France est remboursé a posteriori en Allemagne, une telle allocation peut, en définitive, s’avérer d’un montant inférieur à celui correspondant à la différence entre la rémunération versée au cours de la vie active et la prestation de chômage dont bénéficie l’intéressé.

34 Il n’est d’ailleurs pas contesté que tel est le cas dans l'affaire au principal, dans laquelle l’application de la déduction fictive de l’impôt sur les salaires allemand aux travailleurs frontaliers se trouvant dans la situation de M. Merida aboutit en fait à priver ces derniers d’une partie du revenu net dont ils bénéficiaient pendant qu’ils travaillaient auprès des forces stationnées en Allemagne, cette partie correspondant à la différence entre le montant de l’impôt sur le revenu versé en France et celui, plus élevé, de l’impôt sur les salaires allemand déduit fictivement lors du calcul de l’allocation temporaire.

35 Ainsi, dans le cas des travailleurs frontaliers se trouvant dans la situation de M. Merida, l’application fictive du taux allemand de l'impôt sur les salaires empêche que le versement de l'allocation temporaire compense, au cours de la première année suivant la cessation de la relation de travail, la perte de salaire consécutive à celle-ci, contrairement à ce qui est le cas des travailleurs résidant en Allemagne.

36 Une telle compensation pourrait en revanche être réalisée si les autorités allemandes déterminaient la base de calcul de l’allocation temporaire, laquelle est imposable en France conformément à l’article 14, paragraphe 1, de la CDI, sans déduire fictivement l’impôt sur les salaires allemand, qui n’était pas dû sur le salaire versé au cours de la période d’activité de l’intéressé, tout en ne remboursant pas l'impôt sur le revenu versé en France.

37 Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que les articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68 s’opposent à une réglementation nationale prévue par une convention collective, selon laquelle le montant d’une prestation sociale telle que l’allocation temporaire, qui est versée par l’État membre d’emploi, est calculé de telle manière que l’impôt sur les salaires dû dans cet État est déduit de manière fictive lors de la détermination de la base de calcul de ladite allocation, alors que, conformément à une convention en vue d’éviter les doubles impositions, les traitements, salaires et rémunérations analogues versés aux travailleurs qui ne résident pas dans l’État membre d’emploi ne sont imposables que dans l’État membre de résidence de ces derniers.


Sur les dépens

38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

Les articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, s’opposent à une réglementation nationale prévue par une convention collective, selon laquelle le montant d’une prestation sociale telle que l’allocation complémentaire temporaire («Überbrückungsbeihilfe»), qui est versée par l’État membre d’emploi, est calculé de telle manière que l’impôt sur les salaires dû dans cet État est déduit de manière fictive lors de la détermination de la base de calcul de ladite allocation, alors que, conformément à une convention en vue d’éviter les doubles impositions, les traitements, salaires et rémunérations analogues versés aux travailleurs qui ne résident pas dans l’État membre d’emploi ne sont imposables que dans l’État membre de résidence de ces derniers.

Signatures.


1 – Langue de procédure: l'allemand.