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Affaire C-105/07

Lammers & Van Cleeff NV

contre

Belgische Staat

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen)

«Liberté d’établissement — Libre circulation des capitaux — Législation fiscale — Impôt sur les sociétés — Intérêts versés par une filiale en rémunération de fonds prêtés par la société mère établie dans un autre État membre — Requalification des intérêts en dividendes imposables — Non-requalification dans le cas d’intérêts versés à une société résidente»

Sommaire de l'arrêt

1.        Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement

(Art. 43 CE)

2.        Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Législation fiscale — Impôt sur les sociétés

(Art. 43 CE et 48 CE)

1.        La seule circonstance qu'une société résidente se voit accorder un prêt par une société apparentée établie dans un autre État membre ne saurait fonder une présomption générale de pratiques abusives et justifier une mesure portant atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale garantie par le traité. En revanche, une mesure nationale restreignant la liberté d'établissement peut être justifiée par des motifs de lutte contre des pratiques abusives lorsqu'elle vise spécifiquement les montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dont le but est d'échapper à l'emprise de la législation de l'État membre concerné et, en particulier, d'éluder l'impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national.

(cf. points 26-28)

2.        Les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à une législation nationale en vertu de laquelle les intérêts versés par une société résidente d'un État membre à un administrateur qui est une société établie dans un autre État membre sont requalifiés en dividendes et sont, à ce titre, imposables, lorsque, au début de la période imposable, le montant total des avances productives d'intérêts excède le capital libéré augmenté des réserves taxées, alors que, dans les mêmes circonstances, lorsque ces intérêts sont versés à un administrateur qui est une société établie dans le même État membre, ceux-ci ne sont pas requalifiés en dividendes et ne sont, à ce titre, pas imposables.

En effet, une telle différence de traitement entre des sociétés résidentes en fonction du lieu d'établissement de la société qui, ayant la qualité d'administrateur, leur a accordé un prêt constitue une restriction à la liberté d'établissement, dès lors qu'elle rend moins attrayant l'exercice de cette liberté par des sociétés établies dans d'autres États membres, lesquelles pourraient, en conséquence, renoncer à la gestion d'une société dans l'État membre qui édicte cette mesure, voire même renoncer à l'acquisition, à la création ou au maintien d'une filiale dans ledit État membre.

Même si l'application d'une limite telle que prévue par ladite législation vise à lutter contre des pratiques abusives, celle-ci va, en tout état de cause, au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, car elle affecte également des situations dans lesquelles la transaction concernée ne peut être considérée comme un montage purement artificiel. Si des intérêts versés à des sociétés non-résidentes sont requalifiés en dividendes dès qu'ils dépassent une telle limite, il ne peut être exclu que cette requalification s'applique aussi à l'égard d'intérêts versés en rémunération de prêts accordés dans des conditions de pleine concurrence.

(cf. points 23, 32-34 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

17 janvier 2008 (*)

«Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Législation fiscale – Impôt sur les sociétés – Intérêts versés par une filiale en rémunération de fonds prêtés par la société mère établie dans un autre État membre – Requalification des intérêts en dividendes imposables – Non-requalification dans le cas d’intérêts versés à une société résidente»

Dans l’affaire C-105/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (Belgique), par décision du 17 janvier 2007, parvenue à la Cour le 22 février 2007, dans la procédure

Lammers & Van Cleeff NV

contre

Belgische Staat,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. G. Arestis (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour Lammers & Van Cleeff NV, par Me D. Merckx, advocaat,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et A. Weimar, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 CE, 43 CE, 46 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Lammers & Van Cleeff NV, dont le siège social est en Belgique (ci-après la «filiale belge»), au Belgische Staat (État belge) au sujet de la liquidation de l’impôt sur les sociétés correspondant aux années d’imposition 1996 et 1997.

 Le cadre juridique

3        L’article 18, premier alinéa, 3º, du code des impôts sur les revenus de 1992, coordonné par l’arrêté royal du 10 avril 1992 (Moniteur belge du 30 juillet 1992, p. 17120), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le «CIR 1992»), prévoyait:

«Les dividendes comprennent:

[…]

3º       les intérêts des avances lorsqu’une des limites suivantes est dépassée et dans la mesure de ce dépassement:

–       soit la limite fixée à l’article 55,

–       soit lorsque le montant total des avances productives d’intérêts excède le capital libéré augmenté des réserves taxées, au début de la période imposable.»

4        L’article 18, deuxième alinéa, du CIR 1992 disposait:

«Est considérée comme avance toute créance, représentée ou non par des titres, détenue par un administrateur de société de capitaux sur cette société ou par un associé d’une société de personnes sur cette société ainsi que toute créance détenue par leur conjoint ou leurs enfants sur ces sociétés lorsque l’administrateur, l’associé ou leur conjoint ont la jouissance légale des revenus de ceux-ci, à l’exception:

1º      des obligations émises par appel public à l’épargne;

2º       des créances sur des sociétés coopératives qui sont agréées par le Conseil national de la coopération;

3º      des créances détenues par des administrateurs ou des associés ayant la qualité de société visée à l’article 179.»

5        L’article 179 du CIR 1992 était libellé comme suit:

«Sont assujetties à l’impôt des sociétés, les sociétés résidentes ainsi que, à partir du 1er janvier 1995, les caisses d’épargne communales visées à l’article 124 de la nouvelle loi communale.»

6        L’article 55 du CIR 1992 prévoit, notamment, que les intérêts d’obligations, de prêts, de créances, de dépôts et d’autres titres constitutifs d’emprunts ne sont pris en considération à titre de frais professionnels que dans la mesure où ils ne dépassent pas un montant correspondant au taux pratiqué sur le marché compte tenu des éléments particuliers propres à l’appréciation du risque lié à l’opération et, notamment, de la situation financière du débiteur et de la durée du prêt.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

7        La filiale belge a été créée le 25 juillet 1991. À cette date et conformément aux dispositions légales en vigueur, trois administrateurs ont été nommés, à savoir les deux actionnaires de la filiale belge ainsi que la société mère Lammers & Van Cleeff BV, établie aux Pays-Bas.

8        Au titre d’une créance de la société mère Lammers & Van Cleeff BV à l’égard de la filiale belge, cette dernière lui a versé des intérêts. Conformément à l’article 18, premier alinéa, 3º, second tiret, du CIR 1992, ces intérêts ont été partiellement considérés par l’administration fiscale belge comme des dividendes et ont été imposés en tant que tels.

9        La filiale belge a ensuite introduit des réclamations contre les impositions en cause auprès du directeur des impôts directs d’Antwerpen II. Par décision du 17 juin 2002, ce dernier a maintenu les impositions litigieuses. Le 16 septembre 2002, la filiale belge a introduit un recours devant le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen visant à l’annulation de ladite décision.

10      Dans sa décision de renvoi, cette juridiction relève qu’il résulte de l’article 18, deuxième alinéa, 3°, du CIR 1992 que les intérêts ne sont pas requalifiés en dividendes et ne sont donc pas imposables, lorsqu’ils sont versés à un administrateur qui est une société belge, tandis que ces intérêts sont bel et bien requalifiés en dividendes et sont donc imposables, lorsqu’ils sont versés à un administrateur qui est une société étrangère.

11      Dans ces conditions, le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 12 [CE], 43 [CE], 46 [CE], 48 [CE], 56 [CE] et 58 CE s’opposent-ils à la législation nationale belge prévue dans les dispositions de l’article 18, [premier alinéa], 3° et [deuxième alinéa], 3°, du [CIR 1992], telles qu’elles s’appliquaient à l’époque des faits de la cause, en vertu desquelles les intérêts n’étaient pas requalifiés en dividendes et n’étaient donc pas imposables lorsque ces intérêts étaient versés à un administrateur qui était une société belge alors que, dans les mêmes circonstances, ces intérêts étaient requalifiés en dividendes et étaient donc imposables lorsque ces intérêts étaient versés à un administrateur qui était une société étrangère?»

 Sur la question préjudicielle

12      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire et s’abstenir de toute discrimination fondée sur la nationalité (voir, notamment, arrêts du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 37; du 12 décembre 2002, Lankhorst-Hohorst, C-324/00, Rec. p. I-11779, point 26, ainsi que du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524/04, Rec. p. I-2107, point 25).

13      La juridiction de renvoi se réfère dans sa question préjudicielle aux articles 12 CE, 43 CE, 46 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE.

14      À cet égard, il importe de relever qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’article 12 CE, qui édicte un principe général d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité CE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination. Or, le traité prévoit notamment aux articles 43 CE et 56 CE de telles règles spécifiques dans les domaines relevant de la liberté d’établissement et de la libre circulation des capitaux (voir, notamment, arrêts Metallgesellschaft e.a., précité, points 38 et 39, ainsi que du 11 octobre 2007, Hollmann, C-443/06, non encore publié au Recueil, points 28 et 29).

15      Dans la mesure où la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation tant de l’article 43 CE relatif à la liberté d’établissement que de l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux, il convient de déterminer si une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui prévoit de n’imposer les intérêts, en tant que dividendes, d’une société résidente que lorsqu’ils sont versés à un administrateur ou à un associé qui a la qualité de société non-résidente est susceptible de relever de ces libertés.

16      En l’occurrence, il ressort du dossier que les intérêts versés par la filiale belge ont été requalifiés en dividendes, car ils se rapportent à un prêt accordé par une société mère non-résidente ayant la qualité d’administrateur de ladite filiale.

17      Il convient donc d’examiner la réglementation en cause, d’abord, sous l’angle des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement.

18      La liberté d’établissement, que l’article 43 CE reconnaît aux ressortissants communautaires et qui comporte pour eux l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l’article 48 CE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté européenne, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C-307/97, Rec. p. I-6161, point 35; du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, Rec. p. I-7995, point 41, ainsi que Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, point 36).

19      Pour les sociétés, leur siège au sens de l’article 48 CE sert à déterminer, à l’instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l’ordre juridique d’un État. Admettre que l’État membre d’établissement d’une filiale puisse librement appliquer un traitement différent à cette filiale en raison du seul fait que le siège de sa société mère est situé dans un autre État membre viderait l’article 43 CE de son contenu (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1993, Commerzbank, C-330/91, Rec. p. I-4017, point 13; Metallgesellschaft e.a., précité, point 42, ainsi que Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, point 37). La liberté d’établissement vise ainsi à garantir le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, en interdisant toute discrimination fondée sur le lieu du siège des sociétés (voir, en ce sens, arrêts précités Saint-Gobain ZN, point 35, et Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, point 37).

20      En l’occurrence, il convient de relever que la législation nationale en cause au principal introduit, en ce qui concerne l’imposition des intérêts versés au titre d’une créance par une société résidente à un administrateur qui est une société, une différence de traitement selon que cette dernière a ou non son siège en Belgique.

21      En effet, il ressort de ladite législation que les intérêts versés par une société à un administrateur qui est une société résidente ne sont pas requalifiés en dividendes et ne sont, à ce titre, pas imposables, même s’ils dépassent une des deux limites prévues à l’article 18, premier alinéa, 3º, du CIR 1992. En revanche, lorsqu’ils dépassent une de ces limites, les intérêts versés par une société à un administrateur qui est une société non-résidente sont requalifiés en dividendes et sont, à ce titre, imposables. Les sociétés gérées par un administrateur qui est une société non-résidente font, dès lors, l’objet d’un traitement fiscal moins avantageux que celui dont bénéficient celles gérées par un administrateur qui est une société résidente.

22      De même, par rapport aux groupes de sociétés au sein desquels une société mère assume des fonctions de gestion dans une de ses filiales, une telle législation introduit une différence de traitement entre les filiales résidentes selon que leur société mère a ou non son siège en Belgique, soumettant les filiales d’une société mère non-résidente à un traitement moins avantageux que celui dont bénéficient les filiales d’une société mère résidente.

23      Or, il y a lieu de relever qu’une différence de traitement entre des sociétés résidentes en fonction du lieu d’établissement de la société qui, ayant la qualité d’administrateur, leur a accordé un prêt constitue une restriction à la liberté d’établissement, dès lors qu’elle rend moins attrayant l’exercice de cette liberté par des sociétés établies dans d’autres États membres, lesquelles pourraient, en conséquence, renoncer à la gestion d’une société dans l’État membre qui édicte cette mesure, voire même renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans ledit État membre (voir, en ce sens, arrêts Lankhorst-Hohorst, précité, point 32; Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, point 61, et du 18 juillet 2007, Oy AA, C-231/05, non encore publié au Recueil, point 39).

24      Il s’ensuit que la différence de traitement à laquelle sont soumises, dans le cadre d’une législation nationale telle que celle en cause au principal, les sociétés résidentes en fonction du lieu d’établissement de leur administrateur constitue une restriction à la liberté d’établissement prohibée, en principe, par les articles 43 CE et 48 CE.

25      Une telle restriction ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faudrait-il, dans une telle hypothèse, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, notamment, arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C-446/03, Rec. p. I-10837, point 35, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 47).

26      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une mesure nationale restreignant la liberté d’établissement peut être justifiée, lorsqu’elle vise spécifiquement les montages purement artificiels dont le but est d’échapper à l’emprise de la législation de l’État membre concerné (arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, point 72 et jurisprudence citée).

27      La seule circonstance qu’une société résidente se voit accorder un prêt par une société apparentée établie dans un autre État membre ne saurait fonder une présomption générale de pratiques abusives et justifier une mesure portant atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité (arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, point 73 et jurisprudence citée).

28      Pour qu’une restriction à la liberté d’établissement puisse être justifiée par des motifs de lutte contre des pratiques abusives, le but spécifique d’une telle restriction doit être de faire obstacle à des comportements consistant à créer des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national (arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, point 74 et jurisprudence citée).

29      Au point 80 de son arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, la Cour a jugé qu’une législation d’un État membre est susceptible d’être justifiée par des motifs tenant à la lutte contre les pratiques abusives, lorsqu’elle prévoit que les intérêts versés par une filiale résidente à une société mère non-résidente sont qualifiés de bénéfices distribués uniquement si et dans la mesure où ils dépassent ce que ces sociétés auraient convenu dans des conditions de pleine concurrence, à savoir des conditions commerciales sur lesquelles de telles sociétés auraient pu se mettre d’accord si elles n’avaient pas appartenu au même groupe de sociétés.

30      En effet, la circonstance qu’une société résidente s’est vu octroyer un prêt par une société non-résidente dans des conditions qui ne correspondent pas à ce que les sociétés concernées auraient convenu dans des conditions de pleine concurrence constitue pour l’État membre de résidence de la société emprunteuse un élément objectif et vérifiable par des tiers pour déterminer si la transaction en cause constitue, en tout ou en partie, un montage purement artificiel dont le but essentiel est d’échapper à l’emprise de la législation fiscale de cet État membre. À cet égard, il s’agit de savoir si, en l’absence de relations spéciales entre les sociétés concernées, le prêt n’aurait pas été accordé ou si celui-ci aurait été accordé pour un montant ou à un taux d’intérêt différents (arrêt Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, point 81).

31      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les intérêts versés par la filiale belge en rémunération d’un prêt accordé par une société non-résidente ayant la qualité d’administrateur ont été requalifiés en dividendes, car la limite prévue au second tiret de l’article 18, premier alinéa, 3º, du CIR 1992 était dépassée, à savoir que, au début de la période imposable, le montant total des avances productives d’intérêts excédait le capital libéré augmenté des réserves taxées.

32      Force est de constater que, même si l’application d’une telle limite vise à lutter contre des pratiques abusives, celle-ci va, en tout état de cause, au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

33      En effet, ainsi que l’a relevé la Commission des Communautés européennes dans ses observations, la limite prévue au second tiret de l’article 18, premier alinéa, 3º, du CIR 1992 affecte également des situations dans lesquelles la transaction concernée ne peut être considérée comme un montage purement artificiel. Si des intérêts versés à des sociétés non-résidentes sont requalifiés en dividendes dès qu’ils dépassent une telle limite, il ne peut être exclu que cette requalification s’applique aussi à l’égard d’intérêts versés en rémunération de prêts accordés dans des conditions de pleine concurrence.

34      En conséquence, il convient de répondre à la question préjudicielle que les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les intérêts versés par une société résidente d’un État membre à un administrateur qui est une société établie dans un autre État membre sont requalifiés en dividendes et sont, à ce titre, imposables, lorsque, au début de la période imposable, le montant total des avances productives d’intérêts excède le capital libéré augmenté des réserves taxées, alors que, dans les mêmes circonstances, lorsque ces intérêts sont versés à un administrateur qui est une société établie dans le même État membre, ceux-ci ne sont pas requalifiés en dividendes et ne sont, à ce titre, pas imposables.

35      Les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement s’opposant ainsi à une législation nationale telle que celle en cause au principal, il n’est pas nécessaire d’examiner si les dispositions du traité concernant la libre circulation des capitaux s’y opposent également.

 Sur les dépens

36      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

Les articles 43 CE et 48 CE s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les intérêts versés par une société résidente d’un État membre à un administrateur qui est une société établie dans un autre État membre sont requalifiés en dividendes et sont, à ce titre, imposables, lorsque, au début de la période imposable, le montant total des avances productives d’intérêts excède le capital libéré augmenté des réserves taxées, alors que, dans les mêmes circonstances, lorsque ces intérêts sont versés à un administrateur qui est une société établie dans le même État membre, ceux-ci ne sont pas requalifiés en dividendes et ne sont, à ce titre, pas imposables.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.