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Affaire C-29/08

Skatteverket

contre

AB SKF

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Regeringsrätten)

«Sixième directive TVA — Articles 2, 4, 13, B, sous d), point 5, et 17 — Directive 2006/112/CE — Articles 2, 9, 135, paragraphe 1, sous f), et 168 — Cession par une société mère d’une filiale et de sa participation dans une société contrôlée — Champ d’application de la TVA — Exonération — Prestations de services acquises dans le cadre d’opérations de cession d’actions — Déductibilité de la TVA»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Activités économiques au sens de l'article 4 de la sixième directive — Notion

(Directives du Conseil 77/388, art. 2, § 1, et 4, § 1 et 2, et 2006/112, art. 2, § 1, et 9, § 1)

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations prévues par la sixième directive — Opérations portant sur les titres visées à l'article 13, B, sous d), point 5

(Directives du Conseil 77/388, art. 13, B, d), point 5, et 2006/112, art. 135, § 1, f))

3.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directives du Conseil 77/388, art. 17, § 1 et 2, et 2006/112, art. 168)

1.        Les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, ainsi que les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que constitue une activité économique relevant du champ d'application desdites directives une cession, par une société mère, de la totalité des actions d'une filiale détenue à 100 % ainsi que de sa participation restante dans une société contrôlée autrefois détenue à 100 %, auxquelles elle a fourni des prestations de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

En effet, par la cession de la totalité des actions détenues dans une filiale et dans une société contrôlée, une société mère met fin à sa participation dans ces sociétés. Lorsque cette société mère, en sa qualité de société mère d'un groupe industriel, s'est immiscée dans la gestion de cette filiale et de cette société contrôlée en leur fournissant, à titre onéreux, diverses prestations de services de nature administrative, comptable et commerciale, pour lesquelles elle était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, ladite cession, effectuée en vue de la restructuration d'un groupe de sociétés par ladite société mère, peut être considérée comme une opération qui consiste à retirer des recettes ayant un caractère permanent d'activités qui excèdent le cadre de la simple vente d'actions. Cette opération présente un lien direct avec l'organisation de l'activité exercée par le groupe et constitue ainsi le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable de l'assujetti. Une telle opération relève, par conséquent, du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Toutefois, dans la mesure où la cession d'actions est assimilable à la transmission de l'universalité totale ou partielle d'une entreprise, au sens de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, telle que modifiée par la directive 95/7, ou de l'article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112, et à condition que l'État membre concerné ait opté pour la faculté prévue à ces dispositions, cette opération ne constitue pas une activité économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

Ces conclusions ne sont pas affectées par la circonstance que la cession d'action se déroule en plusieurs opérations successives.

(cf. points 32-33, 41, disp. 1, 4)

2.        Une cession, par une société mère, de la totalité des actions d'une filiale détenue à 100 % ainsi que de sa participation restante dans une société contrôlée autrefois détenue à 100 %, auxquelles elle a fourni des prestations de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, doit être exonérée de ladite taxe en vertu de l'article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, ainsi que de l'article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

En effet, les termes «opérations [...] portant sur les titres» au sens de ces dispositions visent des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et les obligations des parties sur des titres, à l'exclusion des services de nature administrative, matérielle ou technique ainsi que des activités d'information financière qui ne changent pas la situation juridique et financière entre les parties. Dès lors qu'une vente d'actions change la situation juridique et financière des parties à la transaction, elle est donc couverte, dans la mesure où elle entre dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, par l'exonération prévue aux dispositions précitées.

Ces conclusions ne sont pas affectées par la circonstance que la cession d'actions se déroule en plusieurs opérations successives.

(cf. points 48-50, 53, disp. 2, 4)

3.        Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont sur les prestations effectuées pour les besoins d'une cession, par une société mère, de la totalité des actions d'une filiale détenue à 100 % ainsi que de sa participation restante dans une société contrôlée autrefois détenue à 100 %, est ouvert, en vertu de l'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, ainsi que de l'article 168 de la directive 2006/112, si un lien direct et immédiat existe entre les dépenses liées aux prestations en amont et l'ensemble des activités économiques de l'assujetti.

Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles se déroulent les opérations en question, si les dépenses encourues sont susceptibles d'être incorporées dans le prix des actions vendues ou si elles font partie des seuls éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques de l'assujetti.

Ces conclusions ne sont pas affectées par la circonstance que la cession d'actions se déroule en plusieurs opérations successives.

(cf. point 73, disp. 3-4)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

29 octobre 2009 (*)

«Sixième directive TVA – Articles 2, 4, 13, B, sous d), point 5, et 17 – Directive 2006/112/CE – Articles 2, 9, 135, paragraphe 1, sous f), et 168 – Cession par une société mère d’une filiale et de sa participation dans une société contrôlée – Champ d’application de la TVA – Exonération – Prestations de services acquises dans le cadre d’opérations de cession d’actions – Déductibilité de la TVA»

Dans l’affaire C-29/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Regeringsrätten (Suède), par décision du 17 janvier 2008, parvenue à la Cour le 25 janvier 2008, dans la procédure

Skatteverket

contre

AB SKF,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme P. Lindh, président de la sixième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. A. Rosas et U. Lõhmus (rapporteur), juges

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 décembre 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour le Skatteverket, par Mme B. Persson, en qualité d’agent,

–        pour AB SKF, par MM. R. Treutiger et O. Henkow, advokater,

–        pour le gouvernement suédois, par Mme K. Petkovska et M. A. Engman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Bryanston-Cross, en qualité d’agent, assistée de M. I. Hutton, barrister,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. J. Enegren et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 février 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, 4, 13, B, sous d), point 5, et 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»), ainsi que des articles 2, 9, 135, paragraphe 1, sous f), et 168 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Skatteverket (administration fiscale) à AB SKF (ci-après «SKF») au sujet d’un avis préalable donné par le Skatterättsnämnden (commission de droit fiscal) sur la demande de SKF relative à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée en amont sur les prestations de services acquises par SKF lors d’une opération de cession d’actions.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 2, deuxième alinéa, de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires (JO 1967, 71, p. 1301), dispose qu’«[à] chaque transaction, la [TVA], calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la [TVA] qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix».

4        Conformément à l’article 2, point 1, de la sixième directive, sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

5        Aux termes de l’article 4 de cette directive:

«1.      Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2.      Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

[…]»

6        En vertu de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive:

«Les États membres peuvent considérer que, à l’occasion de la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n’est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. […]»

7         Selon l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, premier tiret, de ladite directive, une prestation de services peut consister, entre autres, en une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre.

8        L’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive prévoit que les États membres exonèrent de la TVA «les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres […]».

9        L’article 17 de ladite directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de cette même directive, porte sur la naissance et l’étendue du droit à déduction. Ses paragraphes 1 et 2 sont libellés comme suit:

«1.      Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[…]»

10      La directive 2006/112 a abrogé et remplacé, à compter du 1er janvier 2007, la législation communautaire existante en matière de TVA, notamment la sixième directive. Selon les premier et troisième considérants de la directive 2006/112, la refonte de la sixième directive était nécessaire afin de présenter toutes les dispositions applicables de façon claire et rationnelle dans une structure et une rédaction remaniées sans apporter, en principe, de changement de fond.

11      L’article 2 de cette directive dispose:

«1.      Sont soumises à la TVA les opérations suivantes:

a)      les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel;

[…]

c)      les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel;

[…]»

12      L’article 9, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:

«Est considéré comme ‘assujetti’ quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme ‘activité économique’ toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.»

13      L’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 correspond à la première phrase de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive.

14      Selon l’article 25, sous a), de la directive 2006/112, une prestation de services peut consister, entre autres, en une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre.

15      Conformément à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de ladite directive, les États membres exonèrent «les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l’article 15, paragraphe 2».

16      Aux termes de l’article 168 de la directive 2006/112:

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants:

a)       la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti;

[…]»

 La réglementation nationale

17      La loi no 200 relative à la TVA [mervärdesskattelagen (1994:200)], du 30 mars 1994, dispose à son chapitre 1er, article 1er, que la TVA est due au Trésor pour les livraisons de biens ou les prestations de services imposables effectuées sur le territoire suédois dans le cadre d’une activité professionnelle.

18      Le chapitre 3, article 9, de cette loi énonce que sont exonérées, notamment, les opérations portant sur des valeurs mobilières, telles que la livraison et le négoce, en tant qu’intermédiaire, d’actions, d’autres parts et de créances, qu’elles soient ou non représentées par des titres, et la gestion de fonds d’investissement.

19      Le chapitre 8, article 3, de ladite loi prévoit que, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de son activité économique, l’assujetti a le droit de déduire la TVA acquittée en amont dans le cadre des acquisitions ou des importations.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      La société par actions SKF est la société mère d’un groupe industriel qui exerce ses activités dans plusieurs États. Elle participe activement à la gestion de ses filiales et leur fournit, contre rémunération, des prestations de services, telles que la gestion, l’administration et la politique commerciale. SKF est assujettie à la TVA sur ces prestations facturées aux filiales.

21      SKF entend procéder à une restructuration de son groupe et, dans ce cadre, céder l’activité de l’une de ses filiales détenue à 100 % (ci-après la «filiale»), en transférant la totalité des actions de cette dernière. Par ailleurs, elle va céder sa participation de 26,5 % dans une autre société, autrefois détenue à 100 % (ci-après la «société contrôlée»), à laquelle elle fournissait, en tant que société mère, des prestations de services soumises à la TVA. Le motif de ces cessions est de réunir des fonds pour le financement des autres activités du groupe. Pour réaliser lesdites cessions, SKF envisage de recourir à des prestations de services en matière d’évaluation des titres, d’assistance aux négociations et de conseil juridique spécialisé pour la rédaction des contrats. Ces prestations de services seront soumises à la TVA.

22      Afin d’obtenir des clarifications sur les conséquences fiscales des cessions en cause, SKF a saisi le Skatterättsnämnden d’une demande d’avis préalable relative à la déductibilité de la TVA acquittée en amont sur les prestations de services acquises dans le cadre de la cession des actions tant de la filiale que de la société contrôlée.

23      Dans son avis préalable du 12 janvier 2007, le Skatterättsnämnden a conclu que, dans les deux cas, SKF avait le droit de déduire la TVA acquittée en amont sur ces prestations de services. Il a considéré que les prestations de services fournies par SKF à la filiale et à la société contrôlée faisaient partie d’une activité économique et que la TVA acquittée sur ses dépenses lors de l’acquisition de ces sociétés était déductible. De la même manière, la TVA acquittée sur ses dépenses lors de la cessation de cette activité devrait également être déductible. Le fait qu’il soit mis fin progressivement à l’activité au profit de la société contrôlée ne modifierait en rien cette appréciation.

24      Le Skatteverket a formé un recours contre cet avis devant la juridiction de renvoi et a conclu à la non-déductibilité de la TVA acquittée sur les prestations de services acquises. SKF a conclu à la confirmation de l’avis préalable du Skatterättsnämnden.

25      Dans ces circonstances, le Regeringsrätten a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 2 et 4 de la sixième directive […] ainsi que les articles 2 et 9 de la directive 2006/112 [...] doivent-ils être interprétés dans le sens que constitue une opération soumise à la [TVA] la cession des actions d’une filiale par une personne assujettie à raison des prestations de services soumises à la [TVA] qu’elle a fournies à cette filiale?

2)      Si la réponse à la première question conclut que la cession constitue une opération assujettie, relève-t-elle alors de l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 5, de la [sixième] directive […] et à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 pour les opérations portant sur les actions?

3)      Indépendamment de la réponse aux deux questions précédentes, le droit à déduction peut-il être ouvert pour les dépenses directement rattachables à l’opération de cession, comme c’est le cas des frais généraux?

4)      Pour répondre à ces questions, la circonstance que la cession des actions de la filiale intervienne en plusieurs fois importe-t-elle?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive ainsi que les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que constitue une activité économique relevant du champ d’application desdites directives une cession, par une société mère, de la totalité des actions d’une filiale détenue à 100 % ainsi que de sa participation restante dans une société contrôlée autrefois détenue à 100 %, auxquelles elle a fourni des prestations de services soumises à la TVA.

27      Il convient de rappeler, tout d’abord, qu’il résulte de l’article 2 de la sixième directive et de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/112, qui définissent le champ d’application de la TVA, qu’à l’intérieur de l’État membre seules les activités ayant un caractère économique sont soumises à cette taxe. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive ainsi que de l’article 9 de la directive 2006/112, est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante, une de ces activités économiques. La notion d’activité économique est définie à l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive comme englobant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services et, notamment, les opérations comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

28      Selon une jurisprudence constante, la simple acquisition, la seule détention et la simple vente d’actions ne constituent pas, en elles-mêmes, des activités économiques au sens de la sixième directive (voir, notamment, arrêts du 29 avril 2004, EDM, C-77/01, Rec. p. I-4295, point 59, ainsi que du 8 février 2007, Inverstrand, C-435/05, Rec. p. I-1315, point 25 et jurisprudence citée). En effet, ces opérations ne comportent pas l’exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence, l’unique rétribution de ces opérations étant constituée par un éventuel bénéfice lors de la vente de ces actions (voir, en ce sens, arrêt EDM, précité, point 58).

29      La Cour a précisé que seuls les paiements qui constituent la contrepartie d’une opération ou d’une activité économique entrent dans le champ d’application de la TVA et que tel n’est pas le cas de paiements qui résultent de la simple propriété du bien comme c’est le cas de dividendes ou d’autres produits d’actions (voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 1993, Sofitam, C-333/91, Rec. p. I-3513, point 13; du 6 février 1997, Harnas & Helm, C-80/95, Rec. p. I-745, point 15, ainsi que EDM, précité, point 49).

30      Cependant, la Cour a jugé qu’il en va différemment lorsqu’une participation financière dans une autre entreprise est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de la société où s’est opérée la prise de participation, sans préjudice des droits que détient l’auteur de la participation en sa qualité d’actionnaire ou d’associé (voir arrêts du 20 juin 1991, Polysar Investments Netherlands, C-60/90, Rec. p. I-3111, point 14; du 14 novembre 2000, Floridienne et Berginvest, C-142/99, Rec. p. I-9567, point 18; ordonnance du 12 juillet 2001, Welthgrove, C-102/00, Rec. p. I-5679, point 15, et arrêt du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C-16/00, Rec. p. I-6663, point 20), dans la mesure où une telle immixtion implique la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA en vertu de l’article 2 de la sixième directive, telles que la fourniture de services administratifs, comptables et informatiques (arrêt Floridienne et Berginvest, précité, point 19; ordonnance Welthgrove, précitée, point 16; arrêts Cibo Participations, précité, point 21, ainsi que du 26 juin 2003, MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring, C-305/01, Rec. p. I-6729, point 46).

31      Il ressort, par ailleurs, de la jurisprudence de la Cour que les opérations portant sur les actions ou les parts d’une société relèvent du champ d’application de la TVA lorsqu’elles sont effectuées dans le cadre d’une activité commerciale de négociation de titres, pour réaliser une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles s’est opérée la prise de participation ou qu’elles constituent le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable (voir, notamment, arrêts du 20 juin 1996, Wellcome Trust, C-155/94, Rec. p. I-3013, point 35, ainsi que Harnas & Helm, précité, point 16 et jurisprudence citée).

32      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que SKF, en sa qualité de société mère d’un groupe industriel, s’est immiscée dans la gestion de la filiale et de la société contrôlée en leur fournissant, à titre onéreux, diverses prestations de services de nature administrative, comptable et commerciale, pour lesquelles elle était assujettie à la TVA.

33      Par la cession de la totalité des actions détenues dans la filiale et dans la société contrôlée, SKF met fin à sa participation dans ces sociétés. Ladite cession, effectuée en vue de la restructuration d’un groupe de sociétés par la société mère, peut être considérée comme une opération qui consiste à retirer des recettes ayant un caractère permanent d’activités qui excèdent le cadre de la simple vente d’actions (voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2005, Kretztechnik, C-465/03, Rec. p. I-4357, point 20 et jurisprudence citée). Cette opération présente un lien direct avec l’organisation de l’activité exercée par le groupe et constitue ainsi le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable de l’assujetti au sens de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt. Une telle opération relève, par conséquent, du champ d’application de la TVA.

34      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 34 de ses conclusions, cette constatation est d’ailleurs conforme aux principes d’égalité de traitement et de neutralité fiscale qui exigent que les appréciations relatives à la reconnaissance du caractère économique des prises de participations s’accompagnant d’une immixtion par la société mère dans la gestion de ses filiales et de ses sociétés contrôlées soient étendues aux opérations de cession de participations qui mettent fin à une telle immixtion (voir, par analogie, arrêts précités Wellcome Trust, point 33, et Kretztechnik, point 19).

35      Quant à la nature de l’opération en cause, la Commission des Communautés européennes soutient qu’elle devrait être assimilée à une transmission d’universalité totale ou partielle de biens au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive qui, en tant que livraison de biens, doit être considérée comme une activité économique. Selon la Commission, la vente de tous les actifs d’une société et la vente de toutes les actions de celle-ci sont, sur le plan fonctionnel, équivalentes.

36      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, de même que l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112, prévoit, à sa première phrase, que les États membres peuvent considérer que, à l’occasion de la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n’est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. Il s’ensuit que, lorsqu’un État membre a fait usage de cette faculté, la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens n’est pas considérée comme une livraison de biens aux fins de la sixième directive. Conformément à l’article 2 de celle-ci, une telle transmission n’est donc pas soumise à la TVA (voir arrêts du 22 février 2001, Abbey National, C-408/98, Rec. p. I-1361, point 30, et du 27 novembre 2003, Zita Modes, C-497/01, Rec. p. I-14393, point 29).

37      En outre, la notion de «transmission [...] d’une universalité totale ou partielle de biens» a été interprétée par la Cour en ce sens qu’elle couvre le transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d’une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome, mais qu’elle ne couvre pas la simple cession de biens, telle que la vente d’un stock de produits (voir arrêt Zita Modes, précité, point 40).

38      En l’occurrence, le dossier soumis à la Cour ne permet pas de déterminer si la vente d’actions de la filiale et de la société contrôlée a eu pour conséquence la cession totale ou partielle des actifs des entreprises concernées. Par ailleurs, SKF a relevé lors de l’audience qu’une éventuelle application de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive dans le cas d’espèce n’avait même pas été abordée devant la juridiction de renvoi.

39      Dans un tel cas, il convient de rappeler qu’il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (voir, notamment, arrêts du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri, C-482/01 et C-493/01, Rec. p. I-5257, point 42; du 18 décembre 2007, Laval un Partneri, C-341/05, Rec. p. I-11767, point 47, ainsi que du 14 février 2008, Dynamic Medien, C-244/06, Rec. p. I-505, point 19).

40      En tout état de cause, à supposer même que l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive ou l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112 puisse être appliqué à une opération telle que celle en cause au principal, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il convient de relever que SKF et le gouvernement suédois ont indiqué, lors de l’audience, que le Royaume de Suède a opté pour la faculté, prévue à ces dispositions, de considérer que la transmission d’une universalité de biens n’entre pas dans le champ d’application de la sixième directive. Dans un tel cas, la cession d’actions qui aboutit à la transmission d’une universalité de biens ne constitue pas une activité économique soumise à la TVA.

41      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la première question que les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive ainsi que les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que constitue une activité économique relevant du champ d’application desdites directives une cession, par une société mère, de la totalité des actions d’une filiale détenue à 100 % ainsi que de sa participation restante dans une société contrôlée autrefois détenue à 100 %, auxquelles elle a fourni des prestations de services soumises à la TVA. Toutefois, dans la mesure où la cession d’actions est assimilable à la transmission de l’universalité totale ou partielle d’une entreprise, au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive ou de l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112, et à condition que l’État membre concerné ait opté pour la faculté prévue à ces dispositions, cette opération ne constitue pas une activité économique soumise à la TVA.

 Sur la deuxième question

42      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une cession d’actions, telle que celle en cause au principal, dans l’hypothèse où elle relève du champ d’application de la TVA, doit être exonérée de celle-ci en vertu de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive ainsi que de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112.

43      Les gouvernements suédois et allemand sont d’avis que toute vente d’actions, dans la mesure où elle constitue une activité économique, est exonérée de la TVA en vertu desdites dispositions.

44      La Commission considère, en revanche, que l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive et à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 vise uniquement les opérations effectuées dans le cadre d’une activité commerciale de transaction de titres. Or, l’opération en cause au principal devrait être considérée comme un redéploiement stratégique des actifs de la société mère effectué dans le but de réunir des fonds pour le financement des autres activités du groupe. Selon la Commission, cette opération ne fait pas partie de l’activité commerciale habituelle de cette société et ne relève pas de l’exonération prévue par les dispositions susmentionnées.

45      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 13, B, sous d), point 5 de la sixième directive ainsi que de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112, les États membres exonèrent de la TVA «les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres […]».

46      S’il est certes vrai que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte, étant donné que ces exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir, notamment, arrêts MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring, précité, point 63, ainsi que du 19 avril 2007, Velvet & Steel Immobilien, C-455/05, Rec. p. I-3225, point 14), il n’en demeure pas moins que l’interprétation proposée par la Commission limiterait l’exonération en cause d’une façon qui ne trouve pas d’appui dans le libellé en cause. En effet, l’expression «opérations […] portant sur les actions» visée à l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive et à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 est suffisamment large pour ne pas se limiter au négoce professionnel des titres.

47      Si l’interprétation défendue par la Commission était admise, des opérations en substance identiques seraient traitées différemment dans le cadre de la perception de la TVA selon qu’elles font partie ou non des activités normales et habituelles de l’assujetti. Un tel traitement serait contraire aux objectifs du système de la TVA d’assurer la sécurité juridique et de faciliter les actes inhérents à l’application de la taxe par la prise en considération, sauf dans des cas exceptionnels, de la nature objective de l’opération en cause (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 1995, BLP Group, C-4/94, Rec. p. I-983, point 24).

48      S’agissant de la portée de ladite exonération, la Cour a constaté que les opérations sur les actions et sur les autres titres sont des opérations réalisées sur le marché des valeurs mobilières et que le commerce des titres comporte des actes qui changent la situation juridique et financière entre les parties (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 1997, SDC, C-2/95, Rec. p. I-3017, points 72 et 73). Les termes «opérations […] portant sur les titres» au sens de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive visent, dès lors, des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d’éteindre les droits et les obligations des parties sur des titres (arrêt du 13 décembre 2001, CSC Financial Services, C-235/00, Rec. p. I-10237, point 33).

49      Il s’ensuit que les services de nature administrative, matérielle ou technique ainsi que les activités d’information financière qui ne changent pas la situation juridique et financière entre les parties ne sont pas couverts par l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive (voir arrêts précités SDC, point 66, ainsi que CSC Financial Services, points 28 et 30).

50      En revanche, il y a lieu de constater qu’une vente d’actions change la situation juridique et financière des parties à la transaction. Cette opération est donc couverte, dans la mesure où elle entre dans le champ d’application de la TVA, par l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive et à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112.

51      Cette interprétation est corroborée par la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle relèvent du champ d’application de la sixième directive, mais sont exonérées de la TVA, conformément à l’article 13, B, sous d), point 5, de cette directive, notamment les opérations portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres qui consistent à retirer des recettes ayant un caractère permanent d’activités qui excèdent le cadre de la simple acquisition et de la vente de titres (voir, notamment, arrêt Kretztechnik, précité, point 20). Ainsi qu’indiqué au point 31 du présent arrêt, tel est notamment le cas des opérations qui sont effectuées dans le cadre d’une activité commerciale de transaction de titres, pour réaliser une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles s’est opérée la prise de participation ou qui constituent le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable (voir, notamment, arrêts précités Harnas & Helm, point 16 et jurisprudence citée, ainsi que EDM, point 59).

52      En l’occurrence, la vente d’actions par SKF excède le cadre de la simple vente de titres en constituant une immixtion de celle-ci dans la gestion de la filiale et de la société contrôlée. Par ailleurs, il apparaît que la vente d’actions en cause au principal est aussi directement liée et nécessaire pour l’activité économique taxable de SKF. Il s’ensuit que cette opération est exonérée de la TVA tant en vertu de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive que de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112.

53      Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question qu’une cession d’actions, telle que celle en cause au principal, doit être exonérée de la TVA en vertu de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive ainsi que de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112.

 Sur la troisième question

54      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit à déduction de la TVA payée en amont sur les prestations effectuées pour les besoins d’une cession d’actions est ouvert, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de cette directive, ainsi que de l’article 168 de la directive 2006/112, au motif que les coûts de ces prestations font partie des frais généraux de l’assujetti.

55      À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit à déduction prévu aux articles 17 à 20 de la sixième directive fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, notamment, arrêts Kretztechnik, précité, point 33; du 13 mars 2008, Securenta, C-437/06, Rec. p. I-1597, point 24, et du 4 juin 2009, SALIX Grundstücks-Vermietungsgesellschaft, C-102/08, non encore publié au Recueil, point 70).

56      En effet, le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit ainsi la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir, notamment, arrêt du 29 avril 2004, Faxworld, C-137/02, Rec. p. I-5547, point 37, ainsi que arrêts précités Inverstrand, point 22; Securenta, point 25, et SALIX Grundstücks-Vermietungsgesellschaft, point 71)

57      Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit (voir arrêt du 8 juin 2000, Midland Bank, C-98/98, Rec. p. I-4177, point 24, ainsi que arrêts précités Abbey National, point 26, et Inverstrand, point 23). Le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (voir arrêts précités Cibo Participations, point 31, ainsi que Kretztechnik, point 35; Inverstrand, point 23, et Securenta, point 27).

58      Un droit à déduction est cependant également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (voir, notamment, arrêts précités Midland Bank, points 23 et 31; Abbey National, point 35; Kretztechnik, point 36, ainsi que Inverstrand, point 24).

59      En revanche, lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti ont un lien avec des opérations exonérées ou ne relèvent pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de celle-ci en amont (voir, en ce sens, arrêts du 30 mars 2006, Uudenkaupungin kaupunki, C-184/04, Rec. p. I-3039, point 24; du 14 septembre 2006, Wollny, C-72/05, Rec. p. I-8297, point 20, ainsi que du 12 février 2009, Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie, C-515/07, non encore publié au Recueil, point 28).

60      Il en résulte que l’existence du droit à déduction est déterminée en fonction des opérations en aval auxquelles les opérations en amont sont affectées. Ainsi, ledit droit existe dans le cas où l’opération en amont soumise à la TVA se trouve en lien direct et immédiat avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction. Si tel n’est pas le cas, il y a lieu d’examiner si les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti. Dans l’un ou l’autre cas, l’existence d’un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques.

61      En l’occurrence, la juridiction de renvoi décrit les dépenses liées aux services acquis par SKF, d’une part, comme «directement rattachables» à l’opération de cession d’actions et, d’autre part, comme faisant partie des frais généraux liés à l’ensemble des activités économiques de SKF.

62      À cet égard, il convient de constater que le dossier soumis à la Cour ne permet pas de déterminer si ces dépenses entretiennent un lien direct et immédiat, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 57 et 58 du présent arrêt, avec les cessions d’actions envisagées ou avec l’ensemble de l’activité économique de SKF, étant donné que, selon la juridiction de renvoi, le but de ces opérations était de réunir des fonds pour le financement des autres activités du groupe. En effet, pour établir l’existence d’un tel lien direct et immédiat, il importe de savoir si les dépenses encourues sont susceptibles d’être incorporées dans le prix des actions que SKF vise à céder ou si elles font partie des seuls éléments constitutifs du prix des produits de SKF.

63      Or, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 234 CE, la Cour n’étant pas compétente pour apprécier ou qualifier les circonstances factuelles dans lesquelles s’insèrent les questions préjudicielles, il appartient à la juridiction de renvoi d’appliquer le critère du lien direct et immédiat aux faits de l’affaire au principal en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause (voir, en ce sens, arrêt Midland Bank, précité, point 25).

64      Afin de fournir à cette dernière juridiction une réponse utile, il convient de rappeler que la Cour a constaté, à maintes reprises, la déductibilité de la TVA payée pour les services de conseil utilisés pour les besoins de diverses opérations financières, au motif que ces services étaient directement imputables à des activités économiques des assujettis (voir, notamment, arrêts précités Midland Bank, point 31; Abbey National, point 35 et 36; Cibo Participations, points 33 et 35; Kretztechnik, point 36, ainsi que Securenta, points 29 et 31).

65      Certes, à la différence de l’affaire au principal, les opérations en aval portant sur les actions se sont trouvées, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts susmentionnés, en dehors du champ d’application de la TVA. Toutefois, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 28 et 30 du présent arrêt, la principale différence quant à la qualification juridique de ces opérations par rapport à celles relevant du champ d’application de la TVA mais exonérées de celle-ci découle du fait de savoir si la société assujettie s’immisce ou non dans la gestion des sociétés où s’est opérée la prise de participation.

66      Or, refuser le droit à déduction de la TVA payée en amont pour des frais de conseil qui se rapportent à une cession d’actions exonérée en raison de l’immixtion dans la gestion de la société dont les actions sont cédées et admettre ce droit à déduction pour de tels frais se rapportant à une cession qui se situe en dehors du champ d’application de la TVA au motif qu’ils constituent des frais généraux de l’assujetti aboutirait à un traitement fiscal différent d’opérations objectivement similaires, en violation du principe de la neutralité fiscale.

67      À cet égard, la Cour a jugé que le principe de neutralité fiscale, principe fondamental du système commun de la TVA, s’oppose, d’une part, à ce que des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (voir, notamment, arrêts du 26 mai 2005, Kingscrest Associates et Montecello, C-498/03, Rec. p. I-4427, point 41; du 12 janvier 2006, Turn- und Sportunion Waldburg, C-246/04, Rec. p. I-589, point 33, ainsi que du 27 septembre 2007, Teleos e.a., C-409/04, Rec. p. I-7797, point 59) ainsi que, d’autre part, à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA (voir, notamment, arrêts du 7 septembre 1999, Gregg, C-216/97, Rec. p. I-4947, point 20, ainsi que du 16 septembre 2008, Isle of Wight Council e.a., C-288/07, Rec. p. I-7203, point 42).

68      Il s’ensuit que, si les frais de conseil afférents aux cessions de participations sont considérés comme faisant partie des frais généraux de l’assujetti dans le cas où la cession elle-même se situe en dehors du champ d’application de la TVA, le même traitement fiscal doit être accepté si la cession est qualifiée d’opération exonérée.

69      Cette interprétation est corroborée par la finalité du système commun, instauré par la sixième directive, qui tend notamment à garantir aux assujettis une égalité de traitement (voir, notamment, arrêt du 27 octobre 1993, Muys’ en De Winter’s Bouw- en Aannemingsbedrijf, C-281/91, Rec. p. I-5405, point 14). Ce principe serait en effet méconnu si une société mère gérant un groupe de sociétés devait être taxée au titre des dépenses effectuées dans le cadre de la vente d’actions faisant partie de son activité économique, alors qu’une société holding qui effectue la même opération hors du champ d’application de la TVA bénéficierait du droit à déduction de la TVA ayant grevé les mêmes dépenses en raison du fait qu’elles font partie des frais généraux de l’ensemble de son activité économique.

70      Toute autre interprétation mettrait à la charge de l’opérateur économique le coût de la TVA dans le cadre de son activité économique sans lui donner la possibilité de la déduire (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 45, ainsi que Abbey National, précité, point 35).

71      Dans l’affaire au principal, s’il est certes vrai que, ainsi que le font valoir à juste titre le Skatteverket et les gouvernements suédois, allemand et du Royaume-Uni, la cession d’actions qui est exonérée de la TVA n’ouvre pas le droit à déduction, il n’en demeure pas moins que cette interprétation s’impose seulement si un lien direct et immédiat est établi entre les services acquis en amont et la cession d’actions exonérée en aval. Si, en revanche, un tel lien fait défaut et que le coût des opérations en amont est incorporé dans les prix des produits de SKF, la déductibilité de la TVA ayant grevé les services en amont devrait être admise.

72      Il importe, enfin, de rappeler que le droit à déduction s’ouvre à l’égard de la TVA acquittée en amont pour les prestations réalisées dans le cadre d’opérations financières si le capital acquis par ces dernières opérations a été affecté aux activités économiques de l’intéressé. Par ailleurs, les dépenses liées aux prestations en amont ont un lien direct et immédiat avec les activités économiques de l’assujetti dans le cas où elles sont exclusivement imputables à des activités économiques effectuées en aval et font donc partie des seuls éléments constitutifs du prix des opérations relevant desdites activités (voir arrêt Securenta, précité, points 28 et 29).

73      Il découle de ce qui précède qu’il convient de répondre à la troisième question que le droit à déduction de la TVA payée en amont sur les prestations effectuées pour les besoins d’une cession d’actions est ouvert, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de cette directive, ainsi que de l’article 168 de la directive 2006/112, si un lien direct et immédiat existe entre les dépenses liées aux prestations en amont et l’ensemble des activités économiques de l’assujetti. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles se déroulent les opérations en cause au principal, si les dépenses encourues sont susceptibles d’être incorporées dans le prix des actions vendues ou si elles font partie des seuls éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques de l’assujetti.

 Sur la quatrième question

74      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les réponses aux questions précédentes pourraient être affectées par la circonstance que la cession d’actions se déroule en plusieurs opérations successives.

75      À cet égard, il convient de rappeler qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que la notion d’activité économique, au sens de la sixième directive, ne consiste pas nécessairement en un seul acte, mais peut consister en une série d’actes consécutifs (voir arrêts du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, Rec. p. 655, point 22, et du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03, Rec. p. I-1599, point 21).

76      En outre, ainsi que le relève à juste titre le gouvernement du Royaume-Uni, un traitement différent d’opérations objectivement similaires serait contraire aux principes de la neutralité fiscale, tel que rappelé au point 67 du présent arrêt, et de la sécurité juridique, inhérents au système commun de la TVA.

77      S’agissant du principe de sécurité juridique, la Cour a rappelé à maintes reprises que la législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables (voir, notamment, arrêts du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, C-301/97, Rec. p. I-8853, point 43, ainsi que du 21 février 2006, Halifax e.a., C-255/02, Rec. p. I-1609, point 72). Cet impératif de sécurité juridique s’impose avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’une réglementation susceptible de comporter des charges financières afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (voir arrêts précités Teleos e.a., point 48, ainsi que Isle of Wight Council e.a., point 47).

78      Il s’ensuit que le traitement fiscal d’une cession d’actions doit se baser sur les éléments objectifs de l’opération en cause et ne saurait différer selon qu’elle intervient dans un seul ou plusieurs temps.

79      Il convient, dès lors, de répondre à la quatrième question en ce sens que les réponses aux questions précédentes ne sont pas affectées par la circonstance que la cession d’actions se déroule en plusieurs opérations successives.

 Sur les dépens

80      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, ainsi que les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que constitue une activité économique relevant du champ d’application desdites directives une cession, par une société mère, de la totalité des actions d’une filiale détenue à 100 % ainsi que de sa participation restante dans une société contrôlée autrefois détenue à 100 %, auxquelles elle a fourni des prestations de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, dans la mesure où la cession d’actions est assimilable à la transmission de l’universalité totale ou partielle d’une entreprise, au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 95/7, ou de l’article 19, premier alinéa, de la directive 2006/112, et à condition que l’État membre concerné ait opté pour la faculté prévue à ces dispositions, cette opération ne constitue pas une activité économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

2)      Une cession d’actions, telle que celle en cause au principal, doit être exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 95/7, ainsi que de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112.

3)      Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont sur les prestations effectuées pour les besoins d’une cession d’actions est ouvert, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 95/7, ainsi que de l’article 168 de la directive 2006/112, si un lien direct et immédiat existe entre les dépenses liées aux prestations en amont et l’ensemble des activités économiques de l’assujetti. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles se déroulent les opérations en cause au principal, si les dépenses encourues sont susceptibles d’être incorporées dans le prix des actions vendues ou si elles font partie des seuls éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques de l’assujetti.

4)      Les réponses aux questions précédentes ne sont pas affectées par la circonstance que la cession d’actions se déroule en plusieurs opérations successives.

Signatures


* Langue de procédure: le suédois.