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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

21 mai 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Dérogation – Mouvements de capitaux impliquant la prestation de services financiers – Réglementation nationale prévoyant l’imposition forfaitaire des revenus de capitaux provenant de participations dans des fonds d’investissement étrangers – Fonds noirs»

Dans l’affaire C-560/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 6 août 2013, parvenue à la Cour le 30 octobre 2013, dans la procédure

Finanzamt Ulm

contre

Ingeborg Wagner-Raith,

en présence de:

Bundesministerium der Finanzen,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. S. Rodin, E. Levits (rapporteur), Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Wagner-Raith, par Me U. Ziegler, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze ainsi que par Mmes A. Wiedmann et K. Petersen, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Brighouse, en qualité d’agent, assistée de Mme K. Bacon, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. T. Scharf, A. Cordewener et W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 64, paragraphe 1, TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Wagner-Raith, héritière de Mme Schweier, au Finanzamt Ulm (administration fiscale d’Ulm) au sujet de l’imposition de revenus de capitaux provenant de participations dans des fonds d’investissement ayant leur siège dans les Îles Caïmans (territoire d’outre-mer du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5), dispose que «[l]es États membres suppriment les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres, sans préjudice des dispositions figurant ci-après. Pour faciliter l’application de la présente directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I.»

4        Parmi les mouvements de capitaux énumérés à l’annexe I de la directive 88/361 figure, sous la rubrique I, intitulée «Investissements directs», la participation à des entreprises nouvelles ou existantes en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables.

5        La rubrique IV de ladite annexe, intitulée «Opérations sur parts d’organismes de placement collectif », inclut, dans sa partie A relative aux «[t]ransactions sur parts d’organismes de placement collectif», notamment, l’acquisition par des résidents de parts, négociées en Bourse, d’organismes étrangers et l’acquisition par des résidents de parts, non négociées en Bourse, d’organismes étrangers.

6        Les notes explicatives contenues dans cette même annexe précisent ce qui suit:

«Au sens de la présente nomenclature et aux seules fins de la directive, on entend par:

Investissements directs

Les investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques, les entreprises commerciales, industrielles ou financières et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et le chef d’entreprise ou l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique. Cette notion doit donc être comprise dans son sens le plus large.

[...]

En ce qui concerne les entreprises mentionnées au point I 2 de la nomenclature et qui ont le statut de sociétés par actions, il y a participation ayant le caractère d’investissements directs, lorsque le paquet d’actions qui se trouve en possession d’une personne physique, d’une autre entreprise ou de tout autre détenteur, donne à ces actionnaires, soit en vertu des dispositions de la législation nationale sur les sociétés par actions, soit autrement, la possibilité de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle.

[...]»

 Le droit allemand

7        L’article 17 de la loi sur la vente de participations dans des investissements étrangers et sur l’imposition des revenus tirés des participations dans des investissements étrangers (Gesetz über den Vertrieb ausländischer Investmentanteile und über die Besteuerung der Erträge aus ausländischen Investmentanteilen), du 28 juillet 1969 (BGBl. 1969 I, p. 986), dans sa version applicable entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2003 (ci-après l’«AuslInvestmG»), prévoyait, en ce qui concerne l’imposition des revenus tirés de participations dans des fonds d’investissement étrangers, ce qui suit:

«(1)      Les dividendes tirés de participations dans des investissements étrangers [...] relèvent des revenus du capital au sens de l’article 20, paragraphe 1, point 1, de la loi sur l’impôt sur les revenus [...]

[...]

(3)      Les paragraphes 1 à 2 a sont à appliquer uniquement:

1.      a)      lorsque les sociétés d’investissement étrangères ont annoncé aux autorités leur intention de commercialiser des participations dans des investissements étrangers relevant de la présente loi par une offre au public, une promotion publicitaire ou un moyen similaire [...], ou

b)      lorsque les participations dans des investissements étrangers qui ont été admises sur le marché officiel ou réglementé d’une Bourse allemande ne sont pas commercialisées via une offre au public, une promotion publicitaire ou un moyen similaire (article 1er, paragraphe 2), à l’exception des communications prescrites par la Bourse, et que la société d’investissement étrangère a nommé un représentant ayant son siège ou son domicile dans le champ d’application de la présente loi qui peut la représenter devant les autorités fiscales et les juridictions fiscales, et

2.      lorsque la société d’investissement étrangère communique aux détenteurs de participations dans des investissements étrangers, pour chaque dividende, [...], en allemand [le montant du dividende par part et certains montants y figurant]

[...]

et démontre, sur demande, l’exactitude de ces données.»

8        L’article 18 de l’AuslInvestmG, dans sa version en vigueur entre le 30 décembre 1993 et le 31 décembre 2000, disposait:

«(1)      En cas de non-respect des conditions prévues à l’article 17, les dividendes tirés de participations dans des investissements étrangers [...] relèvent des revenus du capital au sens de l’article 20, paragraphe 1, point 1, de la loi sur l’impôt sur les revenus [...]

(2)      L’assiette fiscale mentionnée au paragraphe 1 doit être démontrée. Les documents destinés à établir la preuve doivent être rédigés en allemand ou être accompagnés d’une traduction en allemand. La société d’investissement étrangère doit désigner un représentant ayant son siège ou son domicile dans le champ d’application de la présente loi qui peut la représenter devant les autorités fiscales et les juridictions fiscales.

(3)      Si la preuve ne peut pas être dûment rapportée ou si aucun représentant n’est désigné, les dividendes que le bénéficiaire tire de participations dans des investissements étrangers sont imposés ainsi que 90 % de l’excédent entre le premier prix de rachat établi au cours de l’année calendrier et le dernier prix de rachat établi au cours de l’année calendrier; au minimum sont imposés 10 % du dernier prix de rachat établi au cours de l’année calendrier. [...]»

9        La loi sur les sociétés de placement de capitaux (Gesetz über Kapitalanlagegesellschaften), dans sa version applicable aux fonds d’investissement nationaux pendant la période en cause au principal, prévoyait en substance que les détenteurs de titres de participation soient imposés selon le «principe de transparence», à savoir qu’ils soient traités comme s’ils avaient réalisé eux-mêmes directement les revenus tirés du portefeuille collectif.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      Au cours des années 1997 à 2003, Mme Schweier disposait d’un dépôt auprès de la LGT Bank AG (ci-après la «LGT») au Liechtenstein, contenant notamment des participations dans des fonds d’investissement qui avaient leur siège dans les Îles Caïmans. Ces fonds d’investissement, qui ne respectaient pas les obligations en matière de déclaration, d’autorisation et de preuve, prévues à l’article 17, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG, et qui n’avaient pas désigné un représentant en application de l’article 18, paragraphe 2, troisième phrase, de l’AuslInvestmG, étaient, pour cette raison, considérés en Allemagne comme des fonds dits «noirs», susceptibles de se voir appliquer les dispositions de l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG.

11      Au cours de l’année 2008, Mme Schweier a, pour la première fois, informé le Finanzamt Ulm qu’elle avait, au cours des années en cause, perçu des revenus de capitaux provenant, notamment, du dépôt dont elle disposait auprès de la LGT. Elle a ainsi, au moyen de déclarations d’impôt rectifiées, déclaré ces revenus à cette administration fiscale, après en avoir calculé le montant sur la base des documents que la LGT avait mis à sa disposition, puis, en application de l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG, elle a déterminé un montant forfaitaire au titre de chacun des exercices fiscaux en cause.

12      L’administration fiscale concernée a modifié les avis d’imposition de Mme Schweier correspondant à ces exercices, en déterminant le montant des revenus de capitaux provenant des titres de participation en cause comme étant de 44 970,69 euros pour l’année 1997, de 63 779,07 euros pour l’année 1998, de 106 826,16 euros pour l’année 1999, de 94 999,24 euros pour l’année 2000, de 96 055,10 euros pour l’année 2001, de 100 157,99 euros pour l’année 2002 et de 116 823,07 euros pour l’année 2003, soit un total de 623 611,32 euros.

13      Mme Schweier a introduit une réclamation contre ces suppléments d’impôts, en invoquant l’incompatibilité de l’imposition forfaitaire prévue à l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG avec le principe de la libre circulation des capitaux. Selon elle, l’imposition supplémentaire ne devait être fondée que sur des bénéfices effectifs, dont il était nécessaire d’évaluer le montant. Mme Schweier a demandé que ses revenus de capitaux soient imposés conformément à l’article 18, paragraphe 1, de l’AuslInvestmG et a mis à la disposition de l’administration fiscale concernée les documents et les calculs nécessaires à cet effet.

14      Le Finanzamt Ulm ayant rejeté cette réclamation, Mme Schweier a introduit un recours devant le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances de Bade-Wurtemberg). Par un jugement du 27 février 2012, cette juridiction a, pour l’essentiel, fait droit à ce recours, en considérant que l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG violait le principe de la libre circulation des capitaux, et elle a statué, en conséquence, que les revenus de capitaux effectivement perçus par Mme Schweier au titre des participations en question étaient, pour chacun des exercices fiscaux en cause, inférieurs au montant déterminé conformément à l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG, et s’étaient élevés à un montant total de 260 872,97 euros. Le Finanzamt Ulm a introduit un recours en «Revision» contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances).

15      Dans le cadre de ce recours en «Revision», le Finanzamt Ulm fait valoir que l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG doit s’appliquer à l’affaire au principal, car cette disposition relève de la clause de «standstill» prévue à l’article 64, paragraphe 1, TFUE. En effet, d’une part, dès lors que le comportement d’un fonds d’investissement est indissociablement lié à l’imposition des investisseurs qui détiennent des participations dans ce fonds, l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG viserait non seulement les investisseurs, mais également les fonds d’investissement eux-mêmes et se rapporterait donc à la prestation de services financiers au sens de l’article 64, paragraphe 1, TFUE. D’autre part, la participation dans un fonds d’investissement serait un investissement direct.

16      Selon la juridiction de renvoi, l’imposition forfaitaire prévue à l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG est susceptible de dissuader les investisseurs allemands d’investir dans des fonds qui ne satisfont pas aux exigences prévues aux articles 17 et 18, paragraphe 1, de l’AuslInvestmG, dans la mesure où cette imposition forfaitaire est, de manière générale, plus lourde que l’imposition qui frappe les investisseurs détenant des participations dans des fonds résidents et n’apportant pas la preuve des revenus qu’ils en tirent. S’ajouterait l’impossibilité pour le détenteur de participations dans un fonds dit «noir» d’apporter la preuve du montant des revenus effectivement perçus et d’échapper ainsi à ladite imposition forfaitaire, alors que la loi sur les sociétés de placement de capitaux ne prévoit pas une imposition forfaitaire de cette nature en ce qui concerne l’hypothèse de l’investissement dans un fonds résident.

17      La juridiction de renvoi précise que, pour l’essentiel, la règle énoncée à l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG et appliquée à Mme Schweier par le Finanzamt Ulm au titre de la période en cause existait déjà à la date du 31 décembre 1993. Cette juridiction ajoute que les fonds d’investissement dans lesquels Mme Schweier disposait de participations devaient être considérés comme étant originaires d’un pays tiers, puisque ces fonds avaient été institués sur la base des règles d’autorisation et de contrôle en vigueur dans les Îles Caïmans et que les sociétés de gestion des fonds d’investissement concernées y avaient leur siège.

18      Toutefois, la juridiction de renvoi doute que les conditions matérielles de l’application de l’article 64, paragraphe 1, TFUE soient remplies et que l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG se rapporte à la prestation de services financiers ou aux investissements directs.

19      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La libre circulation des capitaux visée à l’article [63 TFUE] ne s’oppose-t-elle pas à une réglementation nationale (en l’espèce, à l’article 18, paragraphe 3, de l’AuslInvestmG), qui prévoit, pour les détenteurs nationaux de participations dans des fonds d’investissement étrangers, sous certaines conditions, que l’on ajoute aux dividendes des revenus fictifs à hauteur de 90 % de la différence entre le premier et le dernier prix de rachat de l’année, avec toutefois un minimum de 10 % du dernier prix de rachat (ou de la valeur boursière ou du marché), dans le cas d’une participation à des fonds d’États tiers, au motif que la règle, qui n’a fondamentalement pas changé depuis le 31 décembre 1993, se rapporte à la prestation de services financiers au sens de la clause de maintien des droits acquis de l’article [64, paragraphe 1, TFUE]?

Dans la mesure où il n’est pas répondu par l’affirmative à la première question:

2)      La participation à un fonds d’investissement ayant son siège dans un pays tiers est-elle toujours un investissement direct au sens de l’article [64, paragraphe 1, TFUE] ou bien la réponse à cette question dépend-t-elle de la question de savoir si la participation permet à l’investisseur, en raison des dispositions nationales du pays du siège du fonds d’investissement ou pour d’autres motifs, de participer effectivement à la gestion ou au contrôle du fonds d’investissement?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

20      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 64 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit une imposition forfaitaire des revenus de porteurs de parts d’un fonds d’investissement non-résident, lorsque ce dernier n’a pas rempli certaines obligations légales, constitue une mesure qui porte sur des mouvements de capitaux impliquant la prestation de services financiers au sens de cet article.

21      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 64, paragraphe 1, TFUE énonce une liste limitative de mouvements de capitaux susceptibles d’échapper à l’application de l’article 63, paragraphe 1, TFUE et doit, en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, faire l’objet d’une interprétation stricte (voir arrêt Welte, C-181/12, EU:C:2013:662, point 29).

22      Il convient, dès lors, de déterminer si la législation en cause au principal se rapporte à des mouvements de capitaux et si, dans l’affirmative, ces mouvements de capitaux impliquent la prestation de services financiers.

23      En l’absence, dans le traité FUE, de définition de la notion de «mouvements de capitaux», la Cour a reconnu une valeur indicative à la nomenclature qui constitue l’annexe I de la directive 88/361, étant entendu que, conformément à ce qui est rappelé dans l’introduction de cette annexe, la liste qu’elle contient ne présente pas un caractère exhaustif (voir notamment, en ce sens, arrêts van Hilten-van der Heijden, C-513/03, EU:C:2006:131, point 39; Missionswerk Werner Heukelbach, C-25/10, EU:C:2011:65, point 15, et Welte, C-181/12, EU:C:2013:662, point 20).

24      L’acquisition par des résidents de parts, négociées ou non négociées en Bourse, d’organismes étrangers figure au nombre des mouvements de capitaux énoncés dans la partie A, relative aux «[t]ransactions sur parts d’organismes de placement collectif», de la rubrique IV de l’annexe I de la directive 88/361, intitulée «Opérations sur parts d’organismes de placement collectif».

25      La perception de dividendes d’un organisme de placement collectif, bien qu’elle ne soit pas mentionnée de manière explicite dans cette nomenclature en tant que «mouvement des capitaux», peut être rattachée à l’acquisition par des résidents de parts, négociées ou non négociées en Bourse, d’organismes étrangers et, partant, est indissolublement liée à un mouvement de capitaux (voir, en ce sens, arrêt Verkooijen, C-35/98, EU:C:2000:294, point 29).

26      Par conséquent, une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui réglemente l’imposition des revenus des investisseurs ayant des participations dans des organismes de placement collectif, en prévoyant des modalités d’imposition différentes en fonction du respect, par le fonds d’investissement non-résident concerné, des dispositions des articles 17, paragraphe 3, et 18, paragraphe 2, de l’AuslInvestmG, constitue une mesure qui porte sur des mouvements de capitaux au sens de ladite nomenclature.

27      Il convient dès lors de déterminer si les mouvements de capitaux sur lesquels porte une législation telle que celle en cause au principal impliquent la prestation de services financiers au sens de l’article 64, paragraphe 1, TFUE.

28      Il importe, en premier lieu, d’examiner la thèse, soutenue notamment par la juridiction de renvoi et par la Commission européenne, selon laquelle seules des mesures directement destinées aux prestataires de services financiers en tant que tels et qui régissent l’exécution et le contrôle de leurs opérations financières ainsi que leur agrément ou leur liquidation pourraient relever de l’article 64, paragraphe 1, TFUE, ce qui ne serait pas le cas des réglementations relatives à l’imposition des investisseurs.

29      À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler la délimitation entre les dispositions du traité relatives à la libre prestation de services et celles régissant la libre circulation des capitaux.

30      La Cour a déjà jugé qu’il ressort du libellé des articles 56 TFUE et 63 TFUE ainsi que de la place qu’ils occupent dans deux chapitres différents du titre IV du traité que, tout en étant étroitement liées, ces dispositions ont été destinées à réglementer des situations différentes et qu’elles ont chacune un champ d’application distinct (voir, en ce sens, arrêt Fidium Finanz, C-452/04, EU:C:2006:631, point 28).

31      Il découle d’une jurisprudence bien établie de la Cour que, pour déterminer si une législation nationale relève de l’une ou de l’autre des libertés fondamentales garanties par le traité, il y a lieu de prendre en considération l’objet de la législation en cause (voir, en ce sens, arrêts Holböck, C-157/05, EU:C:2007:297, point 22 et jurisprudence citée; Dijkman et Dijkman-Lavaleije, C-233/09, EU:C:2010:397, point 26, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, C-35/11, EU:C:2012:707, point 90).

32      Ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, une législation nationale dont l’objet porte principalement sur la prestation de services financiers relève des dispositions du traité relatives à la libre prestation de services, alors même qu’elle pourrait entraîner ou impliquer des mouvements de capitaux.

33      En effet, la Cour a déjà jugé qu’un régime national en vertu duquel un État membre soumet à un agrément préalable l’exercice de l’activité d’octroi de crédits à titre professionnel, sur son territoire, par une société établie dans un État tiers, et ayant ainsi pour effet d’entraver l’accès au marché financier de cette société, affecte de manière prépondérante l’exercice de la libre prestation de services au sens des articles 56 TFUE et suivants (arrêt Fidium Finanz, C-452/04, EU:C:2006:631, points 49 et 50).

34      En revanche, relèvent du champ d’application de l’article 64, paragraphe 1, TFUE, les mesures nationales dont l’objet porte, à tout le moins, principalement sur les mouvements de capitaux.

35      Dans ces conditions, exiger, pour que des mesures relèvent de l’article 64, paragraphe 1, TFUE, qu’elles visent directement les prestataires de services financiers en tant que tels et qu’elles régissent l’exécution et le contrôle de leurs opérations financières ainsi que leur agrément ou leur liquidation, reviendrait à remettre en cause la délimitation entre les dispositions du traité relatives à la libre prestation de services et celles régissant la libre circulation des capitaux.

36      L’interprétation selon laquelle l’article 64, paragraphe 1, TFUE n’a pas pour objet de renvoyer aux situations relevant de la libre prestation de services est également confirmée par le fait que, contrairement au chapitre relatif à la libre circulation des capitaux, celui portant sur la libre prestation de services ne comporte aucune disposition qui étende le bénéfice de ses dispositions aux prestataires de services ressortissants d’États tiers et établis à l’extérieur de l’Union européenne, l’objectif de ce dernier chapitre étant d’assurer la libre prestation de services au profit des ressortissants d’États membres (arrêt Fidium Finanz, C-452/04, EU:C:2006:631, point 25).

37      En revanche, il découle des articles 63 TFUE et 64, paragraphe 1, TFUE que toute restriction aux mouvements de capitaux impliquant la prestation de services financiers est en principe interdite entre les États membres et les pays tiers, à moins qu’une telle restriction n’ait existé, en vertu du droit national ou du droit de l’Union, à la date du 31 décembre 1993 ou, le cas échant, à celle du 31 décembre 1999.

38      Dès lors, du fait des différences existant entre les dispositions relatives à la libre prestation de services et celles relatives à la libre circulation de capitaux, s’agissant de leurs champs d’application territorial et personnel respectifs, les situations visées à l’article 64, paragraphe 1, TFUE sont nécessairement autres que celles visées aux articles 56 TFUE et suivants.

39      Il convient ensuite de rappeler, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions, que le critère déterminant pour l’application de l’article 64, paragraphe 1, TFUE porte sur le lien de cause à effet qui existe entre les mouvements de capitaux et la prestation de services financiers et non sur le champ d’application personnel de la mesure nationale litigieuse ou son rapport avec le prestataire, plutôt qu’avec le destinataire, de tels services. En effet, comme il a déjà été rappelé au point 21 du présent arrêt, le champ d’application de l’article 64, paragraphe 1, TFUE est défini par référence aux catégories de mouvements de capitaux susceptibles de faire l’objet de restrictions.

40      Par conséquent, la circonstance qu’une mesure nationale concerne au premier chef l’investisseur et non le prestataire d’un service financier ne fait pas obstacle à ce que cette mesure relève de l’article 64, paragraphe 1, TFUE.

41      Enfin, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que les réglementations fiscales des États membres sont susceptibles de relever de l’article 64, paragraphe 1, TFUE (voir, notamment, arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, EU:C:2006:774, points 174 à 196; Holböck, C-157/05, EU:C:2007:297, points 37 à 45, ainsi que Prunus et Polonium, C-384/09, EU:C:2011:276, points 27 à 37).

42      En second lieu, s’agissant de la portée de la dérogation prévue à l’article 64, paragraphe 1, TFUE, il importe de rappeler que l’interprétation stricte de cette dérogation vise à conserver l’effet utile de l’article 63 TFUE.

43      Dès lors, afin de pouvoir relever de ladite dérogation, la mesure nationale doit porter sur les mouvements de capitaux ayant un lien suffisamment étroit avec la prestation de services financiers.

44      Ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions, pour qu’il y ait un lien suffisamment étroit, il est nécessaire qu’il existe un lien de cause à effet entre le mouvement de capitaux et la prestation de services financiers.

45      Il s’ensuit que relève de l’article 64, paragraphe 1, TFUE une législation nationale qui, en s’appliquant à des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, restreint la prestation de services financiers (voir, par analogie avec des mouvements de capitaux impliquant des investissements directs ou un établissement au sens de l’article 64, paragraphe 1, TFUE, arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, EU:C:2006:774, point 183, et Holböck, C-157/05, EU:C:2007:297, point 36).

46      En l’occurrence, l’acquisition de parts dans des fonds d’investissement situés dans les Îles Caïmans ainsi que la perception des dividendes qui en découlent impliquent l’existence de prestations de services financiers effectuées par ces fonds d’investissement au profit de l’investisseur concerné. Un tel investissement se distingue d’une acquisition directe des parts de sociétés sur le marché par un investisseur, en ce qu’il permet, grâce à ces services, notamment, de bénéficier d’une diversification accrue entre différents actifs ainsi que d’une meilleure répartition des risques.

47      Une législation nationale telle que celle en cause au principal, qui prévoit une imposition forfaitaire, combinée à l’impossibilité pour l’investisseur d’être imposé sur les revenus qu’il a effectivement perçus, lorsque le fonds d’investissement non-résident ne remplit pas les conditions fixées aux articles 17, paragraphe 3, et 18, paragraphe 2, de l’AuslInvestmG, est susceptible de dissuader les investisseurs résidents de souscrire des parts dans des fonds d’investissement non-résidents et a donc pour conséquence un recours moins fréquent par ces investisseurs aux services de tels fonds.

48      Par conséquent, compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 64 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit une imposition forfaitaire des revenus de porteurs de parts d’un fonds d’investissement non-résident, lorsque ce dernier n’a pas satisfait à certaines obligations légales, constitue une mesure qui porte sur des mouvements de capitaux impliquant la prestation de services financiers au sens de cet article.

 Sur la seconde question

49      Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

 Sur les dépens

50      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 64 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit une imposition forfaitaire des revenus de porteurs de parts d’un fonds d’investissement non-résident, lorsque ce dernier n’a pas satisfait à certaines obligations légales, constitue une mesure qui porte sur des mouvements de capitaux impliquant la prestation de services financiers au sens de cet article.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.