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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

25 juillet 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Articles 20 et 21 TFUE – Liberté de circuler et de séjourner dans les États membres – Sécurité sociale – Règlement (CE) no 883/2004 – Assistance sociale – Prestations de maladie – Services aux personnes handicapées – Obligation incombant à la commune d’un État membre de fournir à l’un de ses résidents une aide à la personne prévue par la législation nationale pendant les études supérieures effectuées par ce résident dans un autre État membre »

Dans l’affaire C-679/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande), par décision du 23 décembre 2016, parvenue à la Cour le 30 décembre 2016, dans la procédure engagée par

A

en présence de :

Espoon kaupungin sosiaali- ja terveyslautakunnan yksilöasioiden jaosto,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, MM. E. Levits, A. Borg Barthet, Mme M. Berger (rapporteur) et M. F. Biltgen, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et J. Pavliš, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, H. Shev et L. Zettergren ainsi que par M. L. Swedenborg, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et I. Koskinen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 31 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 20 et 21 TFUE ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 284, p. 43) (ci-après le « règlement no 883/2004 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par A au sujet de la mise à sa disposition, par l’Espoon kaupungin sosiaali- ja terveyslautakunnan yksilöasioiden jaosto (division des affaires individuelles de la commission aux affaires sociales et médicales de la ville d’Espoo, Finlande, ci-après la « commune d’Espoo »), d’une aide à la personne à Tallinn, en Estonie, où A effectue un cycle de trois ans d’études de droit à temps complet.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, conclue à New York le 13 décembre 2006 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 2515, p. 3, ci-après la « convention relative aux droits des personnes handicapées »), est entrée en vigueur le 3 mai 2008. Cette convention a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2010/48/CE du Conseil, du 26 novembre 2009 (JO 2010, L 23, p. 35).

4

L’article 19 de la convention relative aux droits des personnes handicapées, intitulé « Autonomie de vie et inclusion dans la société », dispose :

« Les États parties à la présente convention [...] prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter aux personnes handicapées la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine intégration et participation à la société, notamment en veillant à ce que :

[...]

b)

les personnes handicapées aient accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide [à la personne] nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s’y insérer et pour empêcher qu’elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation ;

[...] »

5

La Cour a confirmé que les dispositions de cette convention font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et que les dispositions du droit de l’Union doivent faire l’objet, dans la mesure du possible, d’une interprétation conforme à ladite convention (arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark, C-335/11 et C-337/11, EU:C:2013:222, points 30 et 32).

6

Le 11 mai 2016, la République de Finlande a ratifié la convention relative aux droits des personnes handicapées ainsi que son protocole facultatif. Cette convention et son protocole facultatif sont entrés en vigueur dans cet État membre le 10 juin 2016.

Le droit de l’Union

7

Le considérant 15 du règlement no 883/2004 dispose :

« Il convient de soumettre les personnes qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre, afin d’éviter les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter. »

8

L’article 1er, sous j) à l), de ce règlement prévoit les définitions suivantes :

« j)

le terme “résidence” désigne le lieu où une personne réside habituellement ;

k)

le terme “séjour” signifie le séjour temporaire ;

l)

le terme “législation” désigne, pour chaque État membre, les lois, règlements et autres dispositions légales et toutes autres mesures d’application qui concernent les branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1.

[...] »

9

L’article 3 dudit règlement, intitulé « Champ d’application matériel », dispose :

« 1.   Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

a)

les prestations de maladie ;

[...]

2.   Sauf disposition contraire prévue à l’annexe XI, le présent règlement s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, soumis ou non à cotisations, ainsi qu’aux régimes relatifs aux obligations de l’employeur ou de l’armateur.

3.   Le présent règlement s’applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 70.

[...]

5.   Le présent règlement ne s’applique pas :

a)

à l’assistance sociale et médicale ;

[...] »

10

L’article 9 du règlement no 883/2004, intitulé « Déclarations des États membres concernant le champ d’application du présent règlement », prévoit, notamment, que les États membres notifient, chaque année, par écrit, à la Commission européenne les législations et les régimes visés à l’article 3 de ce règlement.

11

Au titre II du règlement no 883/2004, intitulé « Détermination de la législation applicable », l’article 11, paragraphes 1 et 3, de ce règlement dispose :

« 1.   Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

[...]

3.   Sous réserve des articles 12 à 16 :

a)

la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

[...]

e)

les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, sans préjudice d’autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs autres États membres. »

Le droit finlandais

La loi sur l’aide sociale

12

L’article 13, point 1, du sosiaalihuoltolaki (loi sur l’aide sociale) (17.9.1982/710) dispose :

« Dans le cadre de ses tâches liées à l’aide sociale, la commune est tenue de s’occuper, en respectant le contenu et l’étendue prévus dans la législation :

1)

de l’organisation des services sociaux pour les habitants ;

[...] »

13

L’article 14, premier alinéa, de la loi sur l’aide sociale prévoit :

« On entend par habitant de la commune au sens de la présente loi toute personne ayant son domicile dans la commune au sens du väestökirjalaki (loi sur les registres de l’état civil) (141/69).

[...] »

La loi sur les services et les mesures de soutien à organiser sur le fondement du handicap

14

L’article 1er du laki vammaisuuden perusteella järjestettävistä palveluista ja tukitoimista (loi sur les services et les mesures de soutien à organiser sur le fondement du handicap) (3.4.1987/380), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi sur les services aux personnes handicapées »), dispose :

« La présente loi a pour objectif de créer des conditions permettant aux personnes handicapées de vivre et d’être actives avec les autres en tant que membres égaux de la société ainsi que de prévenir et d’éliminer les inconvénients et obstacles causés par le handicap. »

15

L’article 3 de cette loi, intitulé « Responsabilité par rapport à l’organisation des services et des mesures de soutien », énonce :

« Il incombe à la commune de faire en sorte que les services et les mesures de soutien aux personnes handicapées soient fournis en fonction de la nature et de l’importance des besoins existants dans la commune.

Dans la fourniture des services et des mesures de soutien au sens de la présente loi, il y a lieu de tenir compte du besoin d’aide individuel de l’usager. »

16

L’article 8 de ladite loi, intitulé « Services pour les personnes handicapées », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Il incombe à la commune de fournir aux personnes gravement handicapées des services de transport raisonnables avec service d’accompagnement, des activités de jour, de l’aide [à la personne] et un logement avec assistance, si la personne, du fait de son handicap ou de sa maladie, a impérativement besoin de services pour accomplir les activités habituelles de la vie. La commune n’a cependant pas d’obligation spéciale de fournir un logement avec assistance ou une aide [à la personne] si les soins nécessaires pour la personne gravement handicapée ne peuvent être garantis dans le cadre des soins de proximité. »

17

L’article 8c de la même loi, intitulé « Aide [à la personne] », dispose :

« On entend par “aide [à la personne]” au sens de la présente loi l’aide, à domicile et à l’extérieur du domicile, indispensable aux personnes gravement handicapées :

1)

dans les activités quotidiennes ;

2)

dans le travail et les études ;

3)

dans les loisirs ;

4)

dans la participation à la vie sociale ; ou

5)

dans le maintien des interactions sociales.

L’aide [à la personne] a pour objectif d’aider les personnes gravement handicapées à réaliser leurs propres choix dans l’exercice des activités visées au premier alinéa. L’organisation de l’aide [à la personne] suppose que la personne gravement handicapée ait des ressources pour déterminer le contenu et les modalités de mise en œuvre de l’aide.

Aux fins de la fourniture d’une aide [à la personne], doit être considérée comme gravement handicapée une personne qui nécessite de manière impérative et répétée, du fait d’un handicap ou d’une maladie de longue durée ou en aggravation, l’aide d’une autre personne pour accomplir les activités visées au premier alinéa, sans que cette nécessité soit principalement due aux maladies et aux incapacités liées à l’âge.

L’aide [à la personne] doit être fournie pour les activités quotidiennes, le travail ou les études dans la mesure où la personne gravement handicapée en a impérativement besoin.

Pour les activités visées au premier alinéa, points 3 à 5, susmentionnés, l’aide [à la personne] doit être fournie pendant au moins 30 heures par mois, si un nombre d’heures moins important ne permet pas de garantir l’aide indispensable pour la personne gravement handicapée. »

18

L’article 8d de la loi sur les services aux personnes handicapées, intitulé « Modalités de fourniture de l’aide [à la personne] », est libellé comme suit :

« Lorsqu’elle décide des modalités de fourniture de l’aide [à la personne] et lorsqu’elle fournit celle-ci, la commune tient compte de l’avis et des souhaits de la personne gravement handicapée ainsi que du besoin d’aide individuel défini dans un plan de services et des conditions de vie dans leur ensemble.

La commune peut fournir une aide [à la personne] :

1)

en remboursant à la personne gravement handicapée les frais découlant de l’emploi d’un auxiliaire fournissant l’aide [à la personne], y compris les cotisations et prestations légales dues par l’employeur ainsi que les autres frais raisonnables indispensables causés par l’auxiliaire ;

2)

en fournissant à la personne gravement handicapée des chèques service d’un montant approprié tels que prévus dans le laki sosiaali- ja terveydenhuollon palvelusetelistä [(loi relative au chèque service pour les prestations sociales et de santé) (569/2009)], afin de se procurer les services d’un auxiliaire ; ou

3)

en procurant à la personne gravement handicapée les services d’un auxiliaire fournis par un prestataire de services public ou privé, en fournissant le service elle-même ou avec une ou plusieurs autres communes dans le cadre d’un accord.

Dans le cas visé au deuxième alinéa, point 1, ci-dessus, la personne gravement handicapée doit, le cas échéant, être guidée et aidée dans les questions liées à l’embauche de l’auxiliaire.

L’auxiliaire personnel visé au deuxième alinéa, point 1, ci-dessus, ne peut être un parent ou une autre personne proche de la personne gravement handicapée, à moins qu’il existe une raison spécialement importante de considérer que c’est dans l’intérêt de la personne handicapée. »

La loi sur les droits dus par les usagers pour les prestations sociales et de santé

19

L’article 4 du laki sosiaali- ja terveydenhuollon asiakasmaksuista (loi sur les droits dus par les usagers pour les prestations sociales et de santé) (3.8.1992/734), intitulé « Services sociaux gratuits », prévoit, à son point 5 :

« Parmi les services sociaux, sont gratuits :

[...]

5)

les services visés à l’article 8, premier alinéa, [de la loi sur les services aux personnes handicapées], les activités de jour visées à l’article 8, deuxième alinéa, sauf le transport et les repas, l’aide [à la personne] ainsi que les services spéciaux liés au logement avec assistance et les examens visés à l’article 11 ; il est néanmoins possible de facturer des frais spéciaux liés au logement avec assistance et des frais liés à l’aide [à la personne] si l’intéressé perçoit un remboursement de ces frais en vertu d’une autre loi que [la loi sur les services aux personnes handicapées]. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20

Le requérant au principal est né en 1992 et réside dans la commune d’Espoo, en Finlande. Selon les constatations de la juridiction de renvoi, il a un besoin important d’aide, notamment dans l’exercice de ses activités quotidiennes. Dès lors, la commune d’Espoo a mis à sa disposition un auxiliaire individuel afin de lui permettre de suivre les études secondaires qu’il a effectuées en Finlande.

21

Au mois d’août 2013, A a demandé à la commune d’Espoo, au titre de la loi sur les services aux personnes handicapées, une aide à la personne d’environ cinq heures par semaine pour la prise en charge des activités quotidiennes, notamment les courses, le ménage et le lavage du linge. À la date de cette demande, A était en cours de déménagement à Tallinn, en Estonie, pour y effectuer un cycle de trois ans d’études de droit à temps complet, ce déménagement ayant pour conséquence qu’il passerait trois ou quatre jours par semaine dans la capitale estonienne, sachant qu’il avait l’intention de rentrer à Espoo chaque fin de semaine. Les services sollicités auraient donc dû être fournis en dehors de la Finlande.

22

Par décision du 12 novembre 2013, confirmée par décision du 4 février 2014, prise à la suite d’un recours gracieux, la demande d’aide à la personne introduite par A a été rejetée au motif que son séjour en dehors de la Finlande devait être considéré comme n’étant pas de nature occasionnelle, même si sa commune de résidence restait inchangée. La commune d’Espoo a considéré qu’elle n’est pas tenue de fournir des services et des mesures de soutien en dehors de la Finlande car la nature de ce type de séjour se rapproche de la notion de « séjour habituel ». En outre, il a été constaté qu’une aide à la personne peut être fournie en dehors de la Finlande pendant les vacances ou les déplacements professionnels, aucune indemnité n’étant octroyée si la commune de résidence de la personne change en raison d’un séjour en dehors de la Finlande ou si un autre séjour en dehors de la Finlande durable ou habituel est en cause.

23

Par jugement du 27 juin 2014, le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif d’Helsinki, Finlande) a confirmé, en substance, ce raisonnement et rejeté le recours introduit par A contre la décision de rejet de la demande d’aide à la personne.

24

Le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande), saisi d’un pourvoi contre ce jugement, considère qu’une décision préjudicielle de la Cour est nécessaire pour résoudre l’affaire au principal.

25

À cet égard, la juridiction de renvoi estime que, en vertu de la loi sur les services aux personnes handicapées, l’aide à la personne est un service qui relève de l’obligation particulière de la commune et que la personne remplissant les conditions pour y prétendre dispose d’un droit subjectif à une telle aide, qui doit être accordée à toute personne gravement handicapée au sens de cette loi si elle est indispensable eu égard au besoin individuel de la personne concernée.

26

La juridiction de renvoi fait toutefois observer que, dès lors qu’il est constant que, au sens du droit national, la commune de résidence de A est toujours Espoo, bien que celui-ci fasse ses études dans la capitale estonienne, une obligation de verser l’aide sollicitée dans le contexte d’un séjour en dehors de la Finlande ne saurait être déduite ni du libellé de la loi sur les services aux personnes handicapées ni des travaux préparatoires de celle-ci.

27

Le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) estime que, dans ce contexte, l’interprétation du droit de l’Union est nécessaire pour trancher le litige dont il est saisi. Il s’interroge, dans un premier temps, sur la question de savoir si, eu égard à ses caractéristiques, l’aide à la personne prévue par la loi sur les services aux personnes handicapées doit être qualifiée de « prestation de maladie », auquel cas elle relèverait du champ d’application matériel du règlement no 883/2004, ou s’il s’agit d’une prestation afférente à l’assistance sociale, échappant dès lors au champ d’application de ce règlement. Étant enclin à souscrire à cette seconde hypothèse, le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) se pose, dans un second temps, la question de savoir si les dispositions du traité FUE relatives à la citoyenneté de l’Union européenne s’opposent au refus du versement de l’aide à la personne sollicitée dans l’affaire au principal.

28

Dans ces circonstances, le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Une prestation telle que l’aide [à la personne] prévue par la loi sur les services aux personnes handicapées doit-elle être considérée comme une prestation de maladie au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 ?

2)

Si la première question [...] appelle une réponse négative :

Existe-t-il une restriction des droits des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un autre État membre, tels qu’ils sont consacrés par les articles 20 et 21 TFUE, lorsque l’octroi à l’étranger d’une prestation telle que l’aide [à la personne] au sens de la loi sur les personnes handicapées ne fait pas l’objet d’une réglementation particulière et que les conditions d’octroi de la prestation sont interprétées en ce sens que l’aide [à la personne] n’est pas accordée dans un autre État membre dans lequel une personne effectue des études d’une durée de trois ans dans l’enseignement supérieur en vue de l’obtention d’un diplôme ?

Est-il pertinent aux fins de l’appréciation qu’une prestation telle que l’aide [à la personne] puisse être accordée en Finlande pour une commune différente de la commune de résidence de la personne en cause, par exemple lorsque cette dernière effectue des études dans une commune autre que celle de résidence ?

Les droits qui découlent de l’article 19 de la convention [...] relative aux droits des personnes handicapées sont-ils pertinents pour l’examen de l’affaire au regard du droit de l’Union ?

3)

Si la Cour, dans la réponse qu’elle donne[ra] à la deuxième question [...], considère que la législation nationale telle qu’elle a été interprétée dans l’affaire au principal constitue une restriction à la liberté de circulation : une telle restriction peut-elle néanmoins être justifiée par des motifs impérieux d’intérêt général relatifs à l’obligation de la commune de surveiller l’organisation de l’aide [à la personne], aux possibilités de la commune de choisir des modalités d’aide appropriées ainsi qu’à la préservation de la cohérence et de l’efficacité du régime d’aide [à la personne] prévu par la loi sur les services aux personnes handicapées ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

29

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’une prestation telle que l’aide à la personne en cause au principal, qui consiste, notamment, en la prise en charge des coûts engendrés par des activités quotidiennes d’une personne gravement handicapée, dans le but de permettre à cette dernière, économiquement inactive, de poursuivre des études supérieures, relève de la notion de « prestation de maladie », au sens de cette disposition.

30

À titre liminaire, il convient de constater qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour que la République de Finlande n’a pas déclaré que la loi sur les services aux personnes handicapées relevait du champ d’application du règlement no 883/2004. Cependant, la Cour a déjà jugé que la circonstance qu’un État membre a omis de déclarer, comme le prévoit l’article 9 du règlement no 883/2004, une loi donnée comme relevant de ce règlement, n’a pas pour effet de l’exclure ipso facto de son champ d’application matériel (voir notamment, par analogie, arrêts du 11 juillet 1996, Otte, C-25/95, EU:C:1996:295, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que du 19 septembre 2013, Hliddal et Bornand, C-216/12 et C-217/12, EU:C:2013:568, point 46).

31

S’agissant de la distinction entre les prestations relevant du champ d’application du règlement no 883/2004 et celles qui en sont exclues, il convient de souligner que celle-ci repose essentiellement sur les éléments constitutifs de chaque prestation, notamment les finalités et les conditions d’octroi de celle-ci, et non pas sur le fait qu’une prestation soit ou non qualifiée de prestation de sécurité sociale par la législation nationale (voir en ce sens, notamment, arrêts du 5 mars 1998, Molenaar, C-160/96, EU:C:1998:84, point 19 ; du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie, C-433/13, EU:C:2015:602, point 70, ainsi que du 30 mai 2018, Czerwiński, C-517/16, EU:C:2018:350, point 33).

32

Il ressort ainsi d’une jurisprudence constante qu’une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où, d’une part, elle est octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires sur la base d’une situation légalement définie et où, d’autre part, elle se rapporte à l’un des risques énumérés expressément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 (voir, notamment, arrêts du 27 mars 1985, Hoeckx, 249/83, EU:C:1985:139, points 12 à 14 ; du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie, C-433/13, EU:C:2015:602, point 71, ainsi que du 21 juin 2017, Martinez Silva, C-449/16, EU:C:2017:485, point 20).

33

Étant donné le caractère cumulatif des deux conditions mentionnées au point précédent, l’absence de satisfaction de l’une d’entre elles implique que la prestation en question ne relève pas du champ d’application du règlement no 883/2004.

34

S’agissant de la première condition, il y a lieu de rappeler que celle-ci est satisfaite lorsque l’octroi d’une prestation s’effectue au regard de critères objectifs qui, dès lors qu’ils sont remplis, ouvrent le droit à la prestation sans que l’autorité compétente puisse tenir compte d’autres circonstances personnelles (voir en ce sens, notamment, arrêts du 16 juillet 1992, Hughes, C-78/91, EU:C:1992:331, point 17, et du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie, C-433/13, EU:C:2015:602, point 73).

35

À cet égard, la juridiction de renvoi constate que, bien que les besoins individuels des personnes gravement handicapées soient pris en compte lors de l’octroi de l’aide à la personne prévue par la loi sur les services aux personnes handicapées, cette loi confère aux bénéficiaires qu’elle désigne un « droit subjectif » à l’octroi de cette aide sur le fondement de conditions légalement définies, indépendamment du niveau de leurs revenus.

36

Les gouvernements finlandais et suédois, pour leur part, considèrent que la prestation en cause au principal peut être assimilée à celle ayant donné lieu à l’arrêt du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie (C-433/13, EU:C:2015:602), étant donné la prise en considération des besoins individuels du bénéficiaire et la marge d’appréciation accordée à la commune quant aux modalités de fourniture de cette prestation ainsi qu’à son volume, de sorte qu’elle ne satisfait pas à la première condition mentionnée au point 32 du présent arrêt et qu’elle échappe, par conséquent, au champ d’application matériel du règlement no 883/2004. En revanche, tant la Commission que le gouvernement tchèque sont d’avis que ladite prestation remplit cette condition.

37

Dans l’arrêt du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie (C-433/13, EU:C:2015:602), la Cour a constaté, d’une part, que la Commission n’avait pas démontré que les critères de la loi slovaque relatifs aux différentes expertises médico-sociales à mener ouvraient droit aux prestations en cause, sans que l’autorité compétente dispose d’une marge d’appréciation quant à leur octroi, et, d’autre part, que cette loi prévoyait que le droit à une allocation à titre de compensation naissait d’une décision valable de l’autorité compétente quant à la reconnaissance de ce droit, ce qui avait conforté la thèse du gouvernement slovaque selon laquelle l’administration disposait d’une marge d’appréciation lors de l’octroi des prestations en cause.

38

Comme M. l’avocat général l’a relevé au point 42 de ses conclusions, il en résulte que l’appréciation discrétionnaire des besoins individuels du bénéficiaire de la prestation en cause doit avant tout se rapporter à l’ouverture du droit à celle-ci pour que la satisfaction de la première condition mentionnée au point 32 du présent arrêt soit exclue, ce qui est venu conforter la thèse du gouvernement slovaque selon laquelle l’administration disposait d’une marge d’appréciation lors de l’octroi des prestations en cause.

39

Il convient de constater que la prise en compte du besoin individuel de l’intéressé figure à plusieurs reprises dans la loi sur les services aux personnes handicapées, plus spécifiquement à ses articles 8c et 8d. Toutefois, la marge d’appréciation accordée, notamment, par ledit article 8d, s’agissant des compétences de la commune de résidence du bénéficiaire, concerne non pas l’ouverture du droit à l’aide à la personne, mais les modalités selon lesquelles cette aide est allouée ainsi que son volume, l’aide à la personne devant être fournie par la commune lorsque le demandeur est une personne gravement handicapée qui réside sur le territoire de celle-ci, indépendamment des revenus de cette personne. Dès lors, la situation régissant l’affaire au principal est différente de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie (C-433/13, EU:C:2015:602).

40

Eu égard à ces considérations, il y a lieu de constater que, dans l’affaire au principal, la première condition est satisfaite.

41

S’agissant de la seconde condition, il convient d’examiner si la prestation en cause au principal se rapporte à l’un des risques énumérés expressément à l’article 3, paragraphe 1 du règlement no 883/2004.

42

S’agissant plus précisément de l’assurance dépendance, la Cour a certes jugé, en substance, que des prestations portant sur le risque de dépendance, tout en présentant des caractéristiques qui leur sont propres, doivent être assimilées à des « prestations de maladie », au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 (voir en ce sens, notamment, arrêts du 5 mars 1998, Molenaar, C-160/96, EU:C:1998:84, points 23 à 25 ; du 30 juin 2011, da Silva Martins, C-388/09, EU:C:2011:439, points 40 à 45, et du 1er février 2017, Tolley, C-430/15, EU:C:2017:74, point 46).

43

Toutefois, une telle assimilation du risque de dépendance au risque de maladie suppose que des prestations destinées à couvrir le risque de dépendance visent à améliorer l’état de santé et la vie des personnes dépendantes (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2001, Jauch, C-215/99, EU:C:2001:139, point 28 ; du 21 février 2006, Hosse, C-286/03, EU:C:2006:125, points 38 à 44, et du 30 juin 2011, da Silva Martins, C-388/09, EU:C:2011:439, point 45).

44

Tel est notamment le cas lorsque, indépendamment du mode de financement de ces régimes, est en cause la prise en charge de dépenses entraînées par l’état de dépendance de la personne, relatives, à tout le moins de manière concomitante, aux soins prodigués à la personne et à l’amélioration de la vie quotidienne de cette personne, en lui assurant, notamment, la couverture d’équipements ou l’assistance par des tiers (voir, notamment, arrêts du 5 mars 1998, Molenaar, C-160/96, EU:C:1998:84, point 23 ; du 8 juillet 2004, Gaumain–Cerri et Barth, C-502/01 et C-31/02, EU:C:2004:413, points 3, 21 et 26, ainsi que du 12 juillet 2012, Commission/Allemagne, C-562/10, EU:C:2012:442, point 46).

45

Il a également été jugé que des prestations portant sur le risque de dépendance ont tout au plus un caractère complémentaire par rapport à des prestations de maladie « classiques » relevant, stricto sensu, de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 883/2004, et n’en font pas nécessairement partie intégrante (voir, notamment, arrêts du 30 juin 2011, da Silva Martins, C-388/09, EU:C:2011:439, point 47, ainsi que du 1er février 2017, Tolley, C-430/15, EU:C:2017:74, point 46 et jurisprudence citée).

46

Dans l’affaire au principal, comme le relèvent les gouvernements finlandais et suédois dans leurs observations écrites ainsi que M. l’avocat général dans ses conclusions, il y a lieu de constater que l’aide à la personne prévue par la loi sur les services aux personnes handicapées ne saurait être considérée comme visant à améliorer l’état de santé du bénéficiaire lié au handicap.

47

En effet, l’article 1er de cette loi énonce qu’elle a pour objectif de créer des conditions permettant aux personnes handicapées de vivre et d’être actives avec les autres en tant que membres égaux de la société ainsi que de prévenir et d’éliminer les inconvénients et les obstacles causés par le handicap.

48

En outre, en vertu de l’article 8c de la loi sur les services aux personnes handicapées, l’aide à la personne a pour objectif d’aider les personnes gravement handicapées à réaliser leurs propres choix dans l’exercice des activités que cet article énumère, à savoir les activités quotidiennes, le travail et les études, les loisirs, la participation à la vie sociale et le maintien d’interactions sociales.

49

Enfin, il ressort des travaux préparatoires de cette loi que les besoins d’aide qui portent sur des soins, un traitement ou une surveillance sont expressément exclus du champ d’application de l’aide à la personne.

50

Par conséquent, la prestation en cause au principal ne peut être considérée comme se rapportant à l’un des risques énumérés expressément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004.

51

Il en résulte que la seconde condition visée au point 32 du présent arrêt n’est pas satisfaite. Partant, la prestation en cause au principal ne relève pas du champ d’application du règlement no 883/2004.

52

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’une prestation telle que l’aide à la personne en cause au principal, qui consiste, notamment, en la prise en charge des coûts engendrés par des activités quotidiennes d’une personne gravement handicapée, dans le but de permettre à cette dernière, économiquement inactive, de poursuivre des études supérieures, ne relève pas de la notion de « prestation de maladie », au sens de cette disposition et est, partant, exclue du champ d’application de ce règlement.

Sur les deuxième et troisième questions

53

Par ses deuxième et troisième questions, posées dans l’hypothèse où l’aide à la personne en cause au principal ne relèverait pas de la qualification de « prestations de maladie » et, dès lors, ne tomberait pas dans le champ d’application du règlement no 883/2004, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 20 et 21 TFUE s’opposent à ce qu’un résident d’un État membre gravement handicapé se voie refuser, par sa commune de résidence, une prestation telle que l’aide à la personne en cause au principal, au motif qu’il séjourne dans un autre État membre pour y poursuivre ses études supérieures.

54

À titre liminaire, il convient de rappeler que la juridiction de renvoi a exposé, d’une part, qu’il est constant que le requérant au principal conservait son domicile en Finlande, en vertu de la réglementation nationale pertinente, et que le séjour hebdomadaire qu’il est amené à effectuer en Estonie dans le cadre de ses études n’est que temporaire dans la mesure où il est prévu qu’il revienne dans sa commune de résidence chaque fin de semaine. D’autre part, cette même juridiction a précisé que la poursuite d’études, contrairement aux périodes de déplacements professionnels et aux vacances, ne figure pas parmi les motifs ayant été admis comme autorisant l’intéressé à bénéficier de l’aide à la personne en cause au principal en dehors de la Finlande.

55

Cela étant précisé, il importe de rappeler que, en tant que ressortissant finlandais, A jouit du statut de citoyen de l’Union aux termes de l’article 20, paragraphe 1, TFUE et peut donc se prévaloir, y compris à l’égard de son État membre d’origine, des droits afférents à un tel statut (voir, notamment, arrêt du 26 février 2015, Martens, C-359/13, EU:C:2015:118, point 20 et jurisprudence citée).

56

Ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises, le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres, ce statut permettant à ceux de ces ressortissants qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, dans le domaine d’application ratione materiae du traité, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (voir, notamment, arrêt du 2 juin 2016, Bogendorff von Wolffersdorff, C-438/14, EU:C:2016:401, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée).

57

Parmi les situations relevant du domaine d’application ratione materiæ du droit de l’Union figurent celles relatives à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, notamment celles relevant de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 21 TFUE (voir, notamment, arrêt du 2 juin 2016, Bogendorff von Wolffersdorff, C-438/14, EU:C:2016:401, point 31 et jurisprudence citée).

58

À cet égard, la Cour a précisé que, si les États membres sont compétents, en vertu de l’article 165, paragraphe 1, TFUE, en ce qui concerne le contenu de l’enseignement et l’organisation de leurs systèmes éducatifs respectifs, ils doivent exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union et, notamment, des dispositions du traité relatives à la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union (arrêt du 26 février 2015, Martens, C-359/13, EU:C:2015:118, point 23 et jurisprudence citée).

59

Par ailleurs, le droit de l’Union n’impose aucune obligation aux États membres de prévoir un système de financement des études supérieures pour effectuer celles-ci dans un État membre ou en dehors de celui-ci. Cependant, dès lors qu’un État membre prévoit un tel système qui permet aux étudiants de bénéficier de telles aides, il doit veiller à ce que les modalités d’allocation de ce financement ne créent pas une restriction injustifiée audit droit de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (voir, notamment, arrêt du 26 février 2015, Martens, C-359/13, EU:C:2015:118, point 24).

60

Il ressort également d’une jurisprudence constante qu’une réglementation nationale désavantageant certains ressortissants d’un État membre du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union (arrêt du 26 février 2015, Martens, C-359/13, EU:C:2015:118 point 25).

61

En effet, les facilités offertes par le traité en matière de circulation des citoyens de l’Union ne pourraient produire leurs pleins effets si un ressortissant d’un État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage, par les obstacles dus à son séjour dans un autre État membre, en raison d’une réglementation de son État d’origine le pénalisant du seul fait qu’il les a exercées (voir, notamment, arrêt du 26 février 2015, Martens, C-359/13, EU:C:2015:118, point 26).

62

Cette considération est particulièrement importante dans le domaine de l’éducation, compte tenu des objectifs poursuivis par l’article 6, sous e), et l’article 165, paragraphe 2, deuxième tiret, TFUE, à savoir, notamment, favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants (voir, notamment, arrêt du 26 février 2015, Martens, C-359/13, EU:C:2015:118, point 27).

63

S’il est vrai que l’aide à la personne en cause au principal est accordée non pas exclusivement pour la poursuite d’études, mais pour l’insertion sociale et économique des personnes gravement handicapées afin qu’elles puissent réaliser leurs propres choix, y compris la poursuite d’études, la jurisprudence mentionnée aux points 55 à 62 du présent arrêt est néanmoins applicable.

64

En l’occurrence, la juridiction de renvoi a constaté que le requérant au principal conservait son domicile dans la commune d’Espoo, en vertu de la réglementation nationale pertinente.

65

Or, il est constant que l’aide à la personne en cause au principal a été refusée au seul motif que les études supérieures auxquelles se destinait A, qui satisfaisait, par ailleurs, à l’ensemble des autres conditions pour bénéficier de cette aide, se poursuivaient dans un État membre autre qu’en Finlande.

66

Un tel refus doit être considéré comme une restriction à la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres reconnue par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union.

67

Une telle restriction ne peut être justifiée au regard du droit de l’Union que si elle est fondée sur des considérations objectives d’intérêt général, indépendantes de la nationalité des personnes concernées, et si elle est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national. Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une mesure est proportionnée lorsque, tout en étant apte à la réalisation de l’objectif poursuivi, elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir en ce sens, notamment, arrêt du 26 février 2015, Martens, C-359/13, EU:C:2015:118, point 34 et jurisprudence citée).

68

Concernant la justification de la mesure nationale, le gouvernement finlandais considère qu’aucun motif impératif d’intérêt général n’est apte à justifier la restriction en cause dans l’affaire au principal. En revanche, le gouvernement suédois estime que les obligations de surveillance des modalités d’organisation de l’aide à la personne en cause au principal qui incombent à la commune et, dans ce contexte, la garantie de l’équilibre financier du système de sécurité sociale justifient que l’octroi de cette aide soit limité au territoire finlandais. Par ailleurs, la juridiction de renvoi, en se référant aux points 89 et 90 de l’arrêt du 21 juillet 2011, Stewart (C-503/09, EU:C:2011:500), mentionne, dans sa décision de renvoi, à titre d’objectif d’intérêt général susceptible de justifier une telle restriction, la préservation de la cohérence et de l’efficacité du régime d’aide à la personne prévu par la loi sur les services aux personnes handicapées ainsi que l’assurance de l’existence d’un lien réel entre le demandeur de l’aide et l’État membre compétent pour l’octroyer.

69

Certes, les objectifs poursuivis par une réglementation nationale, visant à établir un lien réel entre le demandeur d’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés et l’État membre compétent ainsi qu’à préserver l’équilibre financier du système national de sécurité sociale, constituent, en principe, des objectifs légitimes susceptibles de justifier des restrictions aux droits de libre circulation et de séjour prévus à l’article 21, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 21 juillet 2011, Stewart, C-503/09, EU:C:2011:500, point 90).

70

Toutefois, la Cour est parvenue à la conclusion que les conditions de présence du demandeur de la prestation d’incapacité ne pouvaient être justifiées par les objectifs indiqués au point précédent du présent arrêt. En effet, en particulier, la Cour a considéré que, bien que le demandeur de cette prestation ait résidé dans un État membre autre que l’État membre concerné, l’existence d’un lien de rattachement réel et suffisant avec le territoire de celui-ci pouvait être démontrée par d’autres facteurs que celui de sa présence sur le territoire de cet État membre antérieurement à sa demande, tels que les rapports que ce demandeur entretenait avec le système de sécurité sociale de ce dernier État membre ainsi que le contexte familial (arrêt du 21 juillet 2011, Stewart, C-503/09, EU:C:2011:500, points 97 à 102, 104 et 109).

71

Par ailleurs, la Cour a jugé que cette appréciation était valable au regard de l’objectif visant à garantir l’équilibre financier du système national de sécurité sociale puisque la nécessité d’établir un lien de rattachement réel et suffisant entre le demandeur de la prestation en cause et l’État membre compétent permettait à ce dernier de s’assurer que la charge économique associée au versement de cette prestation ne devienne pas déraisonnable (arrêt du 21 juillet 2011, Stewart, C-503/09, EU:C:2011:500, point 103).

72

Une telle conclusion est applicable à la situation dans laquelle se trouve A dans l’affaire au principal. En effet, d’une part, il est constant, ainsi qu’il a été relevé au point 54 du présent arrêt, que A a conservé son domicile dans la commune d’Espoo, auprès de laquelle il a déposé sa demande d’aide à la personne, et qu’il y retourne de manière hebdomadaire pendant la durée de ses études en Estonie.

73

Dès lors, il ne saurait être valablement soutenu que cette commune puisse rencontrer des difficultés particulières en termes de surveillance du respect des conditions d’octroi ainsi que des modalités d’organisation et d’attribution de cette aide.

74

Par ailleurs, aucune information quant à la nature des obstacles qui affecteraient davantage le contrôle, par la commune, du respect des conditions d’utilisation d’une aide à la personne octroyée dans une situation telle que celle au principal par rapport à celle, admise par la législation finlandaise, dans laquelle une aide à la personne identique est utilisée en dehors de la Finlande par un résident finlandais au cours de voyages d’affaires ou de vacances ne ressort du dossier dont dispose la Cour.

75

Dans ce contexte, à l’instar de l’interrogation formulée par M. l’avocat général dans ses conclusions, il importe de souligner le fait, mentionné par la juridiction de renvoi, que l’aide à la personne en cause au principal peut continuer à être accordée lorsque l’intéressé poursuit des études supérieures dans une commune finlandaise éventuellement éloignée de sa commune de résidence, les possibilités de contrôle par cette dernière de l’utilisation de cette aide dans une telle situation n’étant pas beaucoup moins limitées que dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle A poursuit ses études en dehors de la Finlande, mais dans une région limitrophe, tout en retournant chaque fin de semaine dans sa commune de résidence finlandaise.

76

D’autre part, il ressort du dossier dont la Cour dispose que le gouvernement finlandais a précisé qu’aucun élément ne permettait actuellement de considérer que l’octroi d’une aide à la personne, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, puisse menacer l’équilibre du système national de sécurité sociale.

77

Dès lors, dans des circonstances telles que celles au principal, aucun des objectifs mis en avant par la juridiction de renvoi et par le gouvernement suédois ne permet de justifier la restriction à la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union tel que A.

78

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’interprétation, également sollicitée par la juridiction de renvoi, de l’article 19 de la convention relative aux droits des personnes handicapées, celle-ci n’étant pas susceptible de modifier la réponse à donner aux deuxième et troisième questions.

79

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que les articles 20 et 21 TFUE s’opposent à ce qu’un résident d’un État membre gravement handicapé se voie refuser, par sa commune de résidence, une prestation telle que l’aide à la personne en cause au principal, au motif qu’il séjourne dans un autre État membre pour y poursuivre ses études supérieures.

Sur les dépens

80

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, doit être interprété en ce sens qu’une prestation telle que l’aide à la personne en cause au principal, qui consiste, notamment, en la prise en charge des coûts engendrés par des activités quotidiennes d’une personne gravement handicapée, dans le but de permettre à cette dernière, économiquement inactive, de poursuivre des études supérieures, ne relève pas de la notion de « prestation de maladie », au sens de cette disposition et est, partant, exclue du champ d’application de ce règlement.

 

2)

Les articles 20 et 21 TFUE s’opposent à ce qu’un résident d’un État membre gravement handicapé se voie refuser, par sa commune de résidence, une prestation telle que l’aide à la personne en cause au principal, au motif qu’il séjourne dans un autre État membre pour y poursuivre ses études supérieures.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le finnois.