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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 mars 2013 ( *1 )

«Taxe sur la valeur ajoutée — Directive 77/388/CEE — Exonération de la gestion des fonds communs de placement — Portée — Régimes de pensions de retraite professionnelle»

Dans l’affaire C-424/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le First-tier Tribunal (Tax Chamber) (Royaume-Uni), par décision du 8 juillet 2011, parvenue à la Cour le 11 août 2011, dans la procédure

Wheels Common Investment Fund Trustees Ltd,

National Association of Pension Funds Ltd,

Ford Pension Fund Trustees Ltd,

Ford Salaried Pension Fund Trustees Ltd,

Ford Pension Scheme for Senior Staff Trustee Ltd

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs,

LA COUR (première chambre),

composée de A. Tizzano, président de chambre, MM. A Borg Barthet, E. Levits, J.-J. Kasel et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2012,

considérant les observations présentées:

pour Wheels Common Investment Fund Trustees Ltd e.a., par M. P. Lasok, QC, mandaté par Mme A. Brown, solicitor,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Murrell, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,

pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme C. Soulay, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive») et de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Wheels Common Investment Fund Trustees Ltd e.a. aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») au sujet d’un refus opposé par ces derniers d’exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») des services de gestion de fonds fournis à Wheels Common Investment Fund Trustees Ltd e.a.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

La sixième directive a été abrogée par la directive 2006/112, entrée en vigueur le 1er janvier 2007. La période en cause au principal étant comprise entre le 1er juillet 2004 et le 30 juin 2007, ces deux directives sont applicables à l’affaire au principal.

4

L’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive et l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112 sont rédigés, en substance, dans des termes identiques. En vertu de ces dispositions, les États membres exonèrent de la TVA «la gestion de fonds communs de placement tels qu’ils sont définis par les États membres».

Le droit du Royaume-Uni

5

L’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112 était, au moment des faits en cause au principal, transposé par les points 9 et 10 du groupe 5 de l’annexe 9 de la loi de 1994 relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Value Added Tax Act 1994), d’après lesquels étaient exonérés:

«9.

la gestion d’un organisme de placement collectif agréé revêtant la forme de trust [‘authorised unit trust’, ci-après l’‘AUT’] ou d’un fonds d’investissement immobilier;

10.

la gestion des actifs de placement d’une société d’investissement à capital variable [‘Open-ended investment company’, ci-après l’‘OEIC’]».

6

Pour prendre en compte la solution rendue dans l’arrêt du 28 juin 2007, JP Morgan Fleming Claverhouse Investment Trust et The Association of Investment Trust Companies (C-363/05, Rec. p. I-5517, ci-après l’«arrêt Claverhouse»), le champ d’application de ces points 9 et 10 a été élargi, avec effet à compter du 1er octobre 2008, par le décret de 2008 sur la taxe sur la valeur ajoutée (Finance) [Value Added Tax (Finance) (no 2) Order 2008]. En vertu desdits points sont désormais exonérées la gestion d’organismes de placement collectif revêtant la forme d’OEIC et d’AUT ainsi que la gestion d’entreprises d’investissements collectifs de type fermé, telles que les Investment trust companies.

7

La note 6 au groupe 5 de l’annexe 9 de la loi de 1994 relative à la taxe sur la valeur ajoutée prévoit que les OEIC et les AUT sont définis dans la loi de 2000 sur les services et les marchés financiers (Financial Services and Markets Act 2000).

8

La partie XVII de cette dernière loi prévoit notamment ce qui suit dans les articles 235 à 237:

«235.

Régimes d’investissements collectifs

(1)   Dans la présente partie, on entend par ‘organisme de placement collectif’, toutes structures portant sur des biens de toute nature, y compris la monnaie, qui ont pour finalité ou pour effet de permettre aux personnes qui y sont associées (soit en en devenant propriétaire de tout ou partie des biens, soit d’une autre manière), de prendre part aux profits ou revenus provenant de l’acquisition, de la détention, de la gestion ou de la vente des biens ou aux sommes versées sur ces profits ou revenus ou de percevoir une fraction de ceux-ci.

(2)   Ces structures doivent être telles que les personnes qui y participent (les ‘participants’) n’exercent pas un contrôle quotidien sur la gestion des biens, qu’elles aient ou non le droit d’être consultées ou de donner des instructions.

(3)   Ces structures doivent également présenter au moins l’une des caractéristiques suivantes:

(a)

les contributions des participants, de même que les profits ou revenus dont découlent les paiements, sont mis en commun;

(b)

les biens sont gérés en totalité par ou pour le compte du responsable de l’organisme

[…]

236.

Sociétés d’investissements à capital variable

(1)   Dans la présente partie, on entend par ‘société d’investissement à capital variable’, un organisme de placement collectif qui satisfait tant à la condition patrimoniale qu’à la condition d’investissement.

(2)   La condition patrimoniale est que les biens soient gérés par ou pour le compte d’une personne morale (‘PM’) qui en a la propriété économique et dont l’objet est d’investir ces fonds aux fins de:

(a)

répartir le risque de l’investissement; et

(b)

faire bénéficier ses membres des résultats de la gestion desdits fonds par ou pour le compte de cette personne morale.

[…]

237.

Autres définitions

[…]

(3)   Dans la présente partie, on entend par:

‘authorised unit trust’, un unit trust agréé aux fins de la présente loi par la voie d’une décision d’agrément prise au titre de l’article 243.

‘société d’investissement à capital variable’, une société constituée en vertu de règlements visés à l’article 262, qui bénéficie d’une décision d’agrément prise au titre de toute disposition prévue par les règlements visés au paragraphe 2, sous l), dudit article.

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Wheels Common Investment Fund Trustees Ltd (ci-après «Wheels») est le «trustee» d’un fonds dans lequel sont mis en commun, aux fins d’investissements, les actifs des régimes de pension professionnels mis en place par l’entreprise Ford Motor Company afin de remplir ses obligations au titre de la législation nationale et des conventions collectives.

10

Chaque régime fournit des pensions à une catégorie d’anciens employés, calculées sur la base du dernier salaire des membres affiliés et de leur ancienneté dans l’entreprise. Durant leur emploi, les affiliés au régime, qui est ouvert à tous les employés sans être obligatoire, versent des cotisations d’un montant fixe déduit de leur salaire. L’employeur verse également des contributions à hauteur d’un montant suffisant pour assurer le financement du coût restant des prestations de pension.

11

À l’époque des faits, Capital International Limited fournissait des services de gestion de fonds à Wheels. Conformément aux dispositions législatives du Royaume-Uni sur la TVA, une TVA a été facturée à Wheels et a été reversée à ce titre aux Commissioners.

12

Au cours du mois de septembre 2007, après le prononcé de l’arrêt Claverhouse, précité, Capital International Limited a demandé aux Commissioners le remboursement de la TVA relative à la fourniture de services de gestion de fonds qu’elle avait prestés, en soutenant que ces services relevaient de l’exonération visée à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112 ou à l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive, selon la période concernée.

13

Par une décision du 2 janvier 2008, les Commissioners ont opposé un refus à cette demande. Wheels a alors introduit un recours contre cette décision devant le First-tier Tribunal (Tax Chamber). Si, selon la juridiction de renvoi, les services fournis à Wheels constituent des services de «gestion» au sens de l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive et à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112, un doute existe sur la qualification de «fonds communs de placement» au sens de ladite exonération du fonds détenu par Wheels.

14

Dans ces conditions, le First-tier Tribunal (Tax Chamber) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Convient-il d’interpréter les termes ‘fonds communs de placement’ figurant à l’article 13 B, sous (d), point (6) de la sixième directive sur la TVA et à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112 comme pouvant comprendre (i) un régime de retraite professionnel établi par un employeur destiné à servir des prestations de retraite à des salariés et/ou (ii) un fonds commun d’investissement dans le cadre duquel les actifs de plusieurs de ces régimes de retraite sont mis en commun aux fins d’investissements lorsque, en ce qui concerne les régimes de retraite en question:

(a)

les prestations de retraite qui peuvent être perçues par un affilié sont prédéfinies dans les actes constitutifs du régime (sur la base d’une formule reposant sur l’ancienneté de l’affilié au service de l’employeur et son salaire) et non sur la base de la valeur des actifs du régime;

(b)

l’employeur est tenu de cotiser au régime;

(c)

seuls les salariés de l’employeur peuvent participer au régime et obtenir des prestations de retraite dans ce cadre (un participant au régime étant désigné comme étant un ‘affilié’);

(d)

un salarié est libre de décider de s’affilier ou non;

(e)

un salarié affilié est normalement tenu de cotiser au régime sur la base d’un pourcentage de son salaire;

(f)

les cotisations de l’employeur et des affiliés sont mises en commun par le trustee du régime et investies (généralement en titres) afin de constituer un fonds à partir duquel les prestations prévues par le régime seront versées aux affiliés;

(g)

si les actifs du régime sont plus élevés que ce qui est nécessaire pour financer les prestations prévues par le régime, le trustee du régime et/ou l’employeur peuvent, conformément aux modalités prévues par le régime et aux dispositions nationales applicables, opter pour l’une ou plusieurs des solutions suivantes: premièrement, réduire les cotisations de l’employeur au régime ou, deuxièmement, transférer tout ou partie du surplus à l’employeur ou encore, troisièmement, augmenter les prestations revenant aux affiliés du régime;

(h)

si les actifs du régime ne sont pas suffisants pour financer les prestations prévues par le régime, l’employeur est en principe tenu de prendre le déficit à sa charge et, s’il ne le fait pas ou n’est pas en mesure de le faire, les prestations perçues par les affiliés sont réduites;

(i)

le régime permet aux affiliés de verser sur une base volontaire des cotisations supplémentaires (‘additional voluntary contributions’ ou ‘AVC’) qui ne sont pas détenues par le régime, mais transférées à un tiers aux fins d’investissement et de l’octroi de prestations complémentaires basées sur le rendement des investissements réalisés (ces modalités n’étant pas soumises à la TVA);

(j)

les affiliés sont en droit de transférer leurs droits à prestations acquis dans le cadre du régime (évalués sur la base de la valeur actuarielle de ces prestations au moment du transfert) à d’autres régimes de pension;

(k)

les cotisations de l’employeur et des affiliés au régime ne sont pas considérées comme un revenu des affiliés aux fins de l’impôt sur le revenu perçu par l’État membre;

(l)

les prestations de retraite perçues par les affiliés dans le cadre du régime sont considérées comme un revenu des affiliés aux fins de l’impôt sur le revenu perçu par l’État membre; et

(m)

l’employeur, et non les affiliés au régime, prend en charge le coût des frais de gestion du régime?

2)

Eu égard aux objectifs de l’exonération prévue à l’article [13, B, sous d), point 6, de la sixième directive] et à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112, au principe de neutralité fiscale ainsi qu’aux circonstances décrites dans le cadre de la première question:

a)

un État membre peut-il définir, dans le cadre de sa législation nationale, les fonds qui relèvent de la notion de ‘fonds communs de placement’ en excluant les fonds auxquels il est fait référence dans la première question et en incluant des organismes de placement collectif au sens de la directive 85/611[/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO L 375, p. 3), telle que modifiée par la directive 2001/108/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 janvier 2002 (JO L 41, p. 35, ci-après la «directive OPCVM»)],

b)

Dans quelle mesure, le cas échéant, les considérations qui suivent sont pertinentes quant à la question de savoir si un fonds, tel que celui décrit dans la première question, doit ou non être considéré par un État membre, dans le cadre de sa législation nationale, comme un fonds commun de placement:

les caractéristiques du fonds, telles que décrites dans la première question;

la mesure dans laquelle le fonds est ‘semblable à et donc en concurrence avec’ des véhicules d’investissements qui ont déjà été considérés par l’État membre comme des fonds communs de placement?

3)

Convient-il, si, dans le cadre de la réponse à la deuxième question, sous b), deuxième tiret, il y a lieu d’apprécier la mesure dans laquelle le fonds est ‘semblable à et donc en concurrence avec’ des véhicules d’investissements qui ont déjà été considérés par l’État membre comme des fonds communs de placement, de considérer l’existence ou le niveau de ‘concurrence’ entre le fonds en question et ces autres véhicules d’investissement comme une question séparée de celle du caractère semblable?»

Sur les questions préjudicielles

15

Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si et à quelles conditions des actifs d’un régime de pensions de retraite et le fonds d’investissement dans lequel ils sont mis en commun relèvent de la notion de «fonds communs de placement» au sens de l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive et de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112.

16

Il y a lieu de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, si les exonérations prévues notamment à l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive et à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112 constituent des notions autonomes du droit de l’Union qui doivent, en principe, recevoir une définition commune ayant pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à l’autre, en sorte que les États membres ne sauraient en modifier le contenu, tel n’est toutefois pas le cas lorsque le législateur leur a confié le soin de définir certains termes d’une exonération (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2006, Abbey National, C-169/04, Rec. p. I-4027, points 38 et 39, ainsi que Claverhouse, précité, points 19 et 20). Or, ces dispositions renvoient aux États membres le pouvoir de définir la notion de «fonds communs de placement» (voir, en ce sens, arrêts précités Abbey National, points 40 et 41, ainsi que Claverhouse, point 43).

17

Ce pouvoir de définition ainsi reconnu aux États membres trouve cependant sa limite dans l’interdiction de porter atteinte aux termes mêmes de l’exonération utilisés par le législateur de l’Union (voir arrêt Claverhouse, précité, point 21). Un État membre ne saurait notamment, sans nier les termes mêmes de «fonds communs de placement», sélectionner parmi les fonds communs de placement ceux qui bénéficient de l’exonération et ceux qui n’en bénéficient pas. Lesdites dispositions ne lui accordent donc que le pouvoir de définir, dans son droit interne, les fonds qui correspondent à la notion de «fonds communs de placement» (voir arrêt Claverhouse, précité, points 41 à 43).

18

Le pouvoir de définition de la notion de «fonds communs de placement», reconnu aux États membres, doit également respecter les objectifs poursuivis par la sixième directive et la directive 2006/112 ainsi que le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA (voir arrêt Claverhouse, précité, points 22 et 43).

19

À cet égard, il convient d’observer, d’une part, que l’objectif de l’exonération des opérations liées à la gestion de fonds communs de placement est, notamment, de faciliter aux investisseurs le placement dans des titres au moyen d’organismes de placement, en excluant les coûts de la TVA et, ainsi, en assurant la neutralité du système commun de TVA quant au choix entre le placement direct en titres et celui qui intervient par l’intermédiaire d’organismes de placement collectif (voir arrêts précités Abbey National, point 62, et Claverhouse, point 45).

20

S’agissant, d’autre part, du principe de neutralité fiscale, ce principe s’oppose à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 2004, Cimber Air, C-382/02, Rec. p. I-8379, points 23 et 24; du 8 décembre 2005, Jyske Finans, C-280/04, Rec. p. I-10683, point 39; Abbey National, précité, point 56, ainsi que Claverhouse, précité, point 29).

21

Il y a lieu, en outre, de relever que ce principe n’exige pas qu’il s’agisse d’opérations identiques. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que ledit principe s’oppose également à ce que des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (voir, notamment, arrêts du 23 octobre 2003, Commission/Allemagne, C-109/02, Rec. p. I-12691, point 20; du 17 février 2005, Linneweber et Akritidis, C-453/02 et C-462/02, Rec. p. I-1131, point 24; du 26 mai 2005, Kingscrest Associates et Montecello, C-498/03, Rec. p. I-4427, point 54; du 8 juin 2006, L.u.P., C-106/05, Rec. p. I-5123, point 32; du 12 janvier 2006, Turn- und Sportunion Waldburg, C-246/04, Rec. p. I-589, point 33; du 27 avril 2006, Solleveld et van den Hout-van Eijnsbergen, C-443/04 et C-444/04, Rec. p. I-3617, point 39, ainsi que Claverhouse, précité, point 46).

22

Il y a donc lieu de déterminer si un fonds d’investissement dans lequel les actifs d’un régime de pensions de retraite sont mis en commun, qui présente des caractéristiques telles que celles présentées par le fonds en cause au principal, est identique aux fonds qui constituent des «fonds communs de placement», au sens de l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive et de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112, ou est à ce point comparable à ces derniers qu’il se trouve dans une situation concurrentielle avec eux.

23

À cet égard, il convient de rappeler que les fonds qui constituent des organismes de placement collectif en valeurs mobilières au sens de la directive OPCVM constituent des fonds communs de placement (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 19 juillet 2012, Deutsche Bank, C-44/11, point 32). Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières constituent, en effet, des organismes qui, tels les AUT et les OEIC (voir, en ce sens, arrêt Claverhouse, précité, point 50), ont pour objet exclusif, conformément à l’objectif poursuivi par l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive et à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112, le placement collectif en valeurs mobilières des capitaux recueillis auprès du public.

24

En outre, doivent également être considérés comme des fonds communs de placement des fonds qui, sans constituer des organismes de placement collectif au sens de la directive OPCVM, présentent des caractéristiques identiques à ces derniers et effectuent donc les mêmes opérations ou, à tout le moins, présentent des traits comparables au point de se situer dans un rapport de concurrence avec eux (voir, en ce sens, arrêts précités Abbey National, points 53 à 56, ainsi que Claverhouse, points 48 à 51).

25

Or, un fonds d’investissement dans lequel les actifs d’un régime de pensions de retraite sont mis en commun, tel que celui en cause au principal, ne saurait être considéré comme un organisme de placement collectif, au sens de la directive OPCVM. Un tel fonds n’est, en effet, pas ouvert au public, mais constitue, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, un avantage lié à l’emploi, dont les employeurs ne font bénéficier que leurs employés. Un tel fonds n’est donc pas identique aux fonds qui constituent des «fonds communs de placement», au sens de l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive et de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112.

26

Un tel fonds d’investissement n’est pas non plus comparable aux organismes de placement collectif tels que définis par la directive OPCVM au point de se situer dans un rapport de concurrence avec ces derniers. Plusieurs caractéristiques, en effet, les différencient, si bien qu’ils ne sauraient être considérés comme répondant aux mêmes besoins.

27

En particulier, les affiliés à un régime de pensions de retraite, tel que celui en cause au principal, ne supportent pas le risque de la gestion du fonds d’investissement dans lequel les actifs dudit régime sont regroupés, à la différence des investisseurs privés qui placent leurs avoirs dans un organisme de placement collectif (voir, en ce sens, arrêt Claverhouse, précité, point 50). Tandis que la pension qui peut être perçue par un employé, membre d’un régime de pensions de retraite tel celui en cause au principal, ne dépend aucunement de la valeur des actifs du régime et des résultats des placements effectués par les gestionnaires du régime, mais est prédéfinie en fonction de la durée de la carrière auprès de l’employeur et du montant du salaire, le rendement que peuvent espérer les personnes qui achètent des parts d’un organisme de placement collectif est fonction des résultats des investissements effectués par les gestionnaires du fonds sur la période durant laquelle elles détiennent ces parts.

28

En outre, un régime de pensions de retraite, tel que celui en cause au principal, diffère aussi d’un organisme de placement collectif du point de vue de l’employeur. Ce dernier ne se trouve pas dans une situation comparable à celle d’un investisseur d’un organisme de placement collectif dans la mesure où, même s’il doit également supporter les conséquences financières des investissements effectués par les gestionnaires du régime, les cotisations qu’il verse au régime de pensions de retraite constituent un moyen pour lui de s’acquitter de ses obligations légales vis-à-vis de ses employés.

29

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive et l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’un fonds d’investissement regroupant les actifs d’un régime de pensions de retraite ne relève pas de la notion de «fonds communs de placement», au sens de ces dispositions, dont la gestion est susceptible d’être exonérée de la TVA à la lumière de l’objectif de ces directives et du principe de neutralité fiscale, dès lors que les affiliés ne supportent pas le risque de la gestion dudit fonds et que les cotisations que l’employeur verse au régime de pensions de retraite constituent un moyen pour lui de s’acquitter de ses obligations légales vis-à-vis de ses employés.

Sur les dépens

30

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

 

L’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, et l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’un fonds d’investissement regroupant les actifs d’un régime de pensions de retraite ne relève pas de la notion de «fonds communs de placement», au sens de ces dispositions, dont la gestion est susceptible d’être exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée à la lumière de l’objectif de ces directives et du principe de neutralité fiscale, dès lors que les affiliés ne supportent pas le risque de la gestion dudit fonds et que les cotisations que l’employeur verse au régime de pensions de retraite constituent un moyen pour lui de s’acquitter de ses obligations légales vis-à-vis de ses employés.

 

Signatures


( *1 )   Langue de procédure: l’anglais.