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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

21 février 2013 (*)

«Fiscalité – TVA – Directive 2006/112/CE – Article 211 – Paiement différé de la TVA à l’importation»

Dans l’affaire C-79/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Alba Iulia (Roumanie), par décision du 12 octobre 2011, parvenue à la Cour le 14 février 2012, dans la procédure

SC Mora IPR SRL

contre

Direcţia Generală a Finanţelor Publice Sibiu,

Direcţia Judeţeană pentru Accize şi Operaţiuni Vamale Sibiu,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. E. Jarašiūnas (rapporteur), président de chambre, MM. A. Ó Caoimh et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement roumain, par M. R. H. Radu ainsi que par Mmes A.-L. Crişan et R.-M. Giurescu, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes L. Bouyon et C. Soulay, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 26, paragraphe 2, TFUE, 28 TFUE, 30 TFUE et 107, paragraphe 1, TFUE ainsi que de l’article 211 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Mora IPR SRL (ci-après «Mora IPR») à la Direcţia Generală a Finanţelor Publice Sibiu (direction générale des finances publiques de Sibiu) et à la Direcţia Judeţeană pentru Accize şi Operaţiuni Vamale Sibiu (direction départementale des accises et opérations douanières de Sibiu), au sujet de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») appliquée à des importations de produits venant de France.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 2, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA dispose que les importations de biens sont soumises à la TVA.

4        Aux termes de l’article 71, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive TVA:

«Lorsque des biens relèvent depuis leur introduction dans la Communauté […] d’un régime d’admission temporaire en exonération totale de droits à l’importation ou de transit externe, le fait générateur et l’exigibilité de la taxe n’interviennent qu’au moment où les biens sortent de [ce régime].»

5        L’article 211 de cette directive est libellé comme suit:

«Les États membres arrêtent les modalités de paiement au titre d’importations de biens.

Les États membres peuvent notamment prévoir que, pour les importations de biens effectuées par les assujettis ou les redevables ou par certaines catégories d’entre eux, la TVA due en raison de l’importation n’est pas payée au moment de l’importation, à condition qu’elle soit mentionnée comme telle dans la déclaration de TVA établie conformément à l’article 250.»

6        L’article 250, paragraphe 1, de la directive TVA énonce:

«Tout assujetti doit déposer une déclaration de TVA dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, et dans la mesure où cela est nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées.»

7        L’article 406 de la directive TVA prévoit:

«Les dispositions en vigueur au moment où le bien relevait […] d’un régime d’admission temporaire en exonération totale des droits à l’importation […] dans l’un des nouveaux États membres […] continuent de s’appliquer jusqu’à la sortie du bien de ce régime […] après la date de l’adhésion lorsque les conditions suivantes sont réunies:

a)      le bien a été introduit avant la date de l’adhésion dans la Communauté ou dans l’un des nouveaux États membres;

b)      le bien relevait depuis son introduction dans la Communauté ou dans l’un des nouveaux États membres de ce régime […];

c)      le bien n’est pas sorti de ce régime […] avant la date de l’adhésion.»

8        Aux termes de l’article 408 de cette directive:

«1.      Sont assimilés à une importation d’un bien à l’égard duquel il est démontré qu’il se trouvait en libre pratique dans l’un des nouveaux États membres ou dans la Communauté les cas suivants:

a)      toute sortie, y compris irrégulière, d’un bien d’un régime d’admission temporaire sous lequel le bien a été placé avant la date de l’adhésion dans les conditions prévues à l’article 406;

[…]»

 Le droit roumain

9        L’article 157 de la loi n° 571/2003 sur le code fiscal (ci-après le «code fiscal»), notamment les règles concernant le paiement différé de la TVA due pour les importations de biens, a été modifié à plusieurs reprises pendant la période du litige au principal.

10      Premièrement, l’article 157, paragraphes 1 à 5, du code fiscal, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2007 (loi n° 343, du 17 juillet 2006, Monitorul Oficial al României, partie I, n° 662 du 1er août 2006), était libellé de la manière suivante:

«(1)      Toute personne s’acquittera de la taxe dont elle est redevable aux organes fiscaux avant la date à laquelle elle doit déposer l’un des décomptes ou déclarations prévus aux articles 156 ter et 156 quater.

(2)      Par dérogation au paragraphe 1, un assujetti identifié conformément à l’article 153 inclura dans le décompte prévu à l’article 156 ter, aussi bien en tant que taxe collectée qu’en tant que taxe déductible, dans les limites et conditions fixées aux articles 145 à 147 bis, la taxe correspondant aux acquisitions intracommunautaires, aux biens et services acquis à son bénéfice, pour lesquels il est redevable de cette taxe, dans les conditions prévues à l’article 150, paragraphe 1, sous b) à g).

(3)      La taxe due pour les importations de biens, à l’exception des importations qui en sont exonérées, sera payée auprès de l’organe douanier, conformément à la réglementation en vigueur concernant le paiement des droits à l’importation.

(4)      Par dérogation au paragraphe 3, le paiement effectif auprès des organes douaniers ne sera pas dû par les assujettis identifiés à la TVA, conformément à l’article 153.

(5)      Les importateurs qui sont des assujettis identifiés à la TVA, conformément à l’article 153, incluront la taxe correspondant aux biens importés dans le décompte prévu à l’article 156 ter, aussi bien en tant que taxe collectée qu’en tant que taxe déductible, dans les limites et conditions fixées aux articles 145 à 147 bis.»

11      Deuxièmement, l’article 157 du code fiscal en vigueur à compter du 3 avril 2007 disposait, à ses paragraphes 4 et 5:

«(4)      Par exception au paragraphe 3, durant la période du 15 avril 2007 au 31 décembre 2008 inclus, le paiement effectif auprès des organes douaniers ne sera pas dû par les assujettis identifiés à la TVA, conformément à l’article 153, qui ont obtenu un certificat de paiement différé, dans les conditions fixées par arrêté du ministre des Finances publiques. À partir du 1er janvier 2009, par exception au paragraphe 3, le paiement effectif auprès des organes douaniers ne sera pas dû par les assujettis identifiés à la TVA, conformément à l’article 153.

(5)      Les assujettis visés au paragraphe 4 incluront la taxe correspondant aux biens importés dans le décompte prévu à l’article 156 ter, aussi bien en tant que taxe collectée qu’en tant que taxe déductible, dans les limites et conditions fixées aux articles 145 à 147 bis.»

12      Troisièmement, l’article 157, paragraphes 4 et 5, du code fiscal, tel que modifié depuis le 1er janvier 2008 par l’ordonnance d’urgence n° 106/2007, du 4 octobre 2007 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 703 du 18 octobre 2007), prévoit:

«(4)      Par exception au paragraphe 3, durant la période du 15 avril 2007 au 31 décembre 2011 inclus, le paiement effectif auprès des organes douaniers ne sera pas dû par les assujettis identifiés à la TVA, conformément à l’article 153, qui ont obtenu un certificat de paiement différé, dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l’Économie et des Finances. À partir du 1er janvier 2012, par exception au paragraphe 3, le paiement effectif auprès des organes douaniers ne sera pas dû par les assujettis identifiés à la TVA, conformément à l’article 153.

(5)      Les assujettis visés au paragraphe 4 incluront la taxe correspondant aux biens importés dans le décompte prévu à l’article 156 ter, aussi bien en tant que taxe collectée qu’en tant que taxe déductible, dans les limites et conditions fixées aux articles 145 à 147 bis.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Mora IPR est une société à responsabilité limitée établie en Roumanie ayant pour objet la fabrication de produits en matière plastique. Elle est identifiée à la TVA depuis le 1er janvier 2007.

14      Il ressort de la décision de renvoi que, entre le 7 août et le 12 décembre 2006, Mora IPR a importé de France vers la Roumanie, pour l’exécution de contrats de commodat et de location conclus avec la société française Mora International, son actionnaire majoritaire, des équipements industriels.

15      Cette importation a été effectuée sous le régime de l’admission temporaire, en exonération de garantie pour les droits à l’importation et pour la TVA, en vertu d’une autorisation du vice-président de l’Agenţia Naţională de Administrare Fiscală (agence nationale de l’administration fiscale).

16      La durée de l’admission temporaire a été limitée à 24 mois, de sorte que, entre le 7 août et le 12 décembre 2008, Mora IPR aurait dû mettre fin à ce régime douanier en réexportant ou en mettant en libre pratique les marchandises en cause au principal. Ladite société n’ayant pas mis fin à ce régime, l’autorité douanière a procédé d’office à l’apurement de ce dernier par la mise en libre pratique de ces marchandises le 6 septembre 2010 et a imposé à Mora IPR le paiement de la TVA afférente à l’importation de celles-ci.

17      Mora IPR a saisi la juridiction de renvoi, en faisant valoir que les modifications législatives successives apportées à l’article 157 du code fiscal entre le mois d’avril 2007 et celui de décembre 2008 constituent une restriction à la libre circulation des marchandises, sont discriminatoires «dans un contexte concurrentiel» et lui ont causé des dommages matériels supérieurs à 300 000 euros.

18      Devant cette juridiction, Mora IPR a soutenu que les dispositions législatives contestées sont contraires à l’article 211 de la directive TVA, dès lors que les changements intervenus dans le libellé de l’article 157 du code fiscal entre le 1er août 2006 et le 18 octobre 2007 avaient entraîné l’application, à des situations qui seraient, selon Mora IPR, identiques, de trois régimes juridiques différents, à savoir, respectivement, le non-paiement de la TVA à l’importation, le paiement effectif de la TVA en douane au moment de la déclaration d’importation et le paiement différé de la TVA à l’importation sur la base d’un certificat émis dans des conditions fixées ultérieurement par arrêté du ministre de l’Économie et des Finances.

19      Ainsi, selon Mora IPR, entre le mois d’août et celui de décembre 2006, le paiement effectif de la TVA en douane n’était pas dû. L’apurement du régime d’admission temporaire par l’importation définitive en Roumanie des équipements industriels en cause au principal avant le 15 avril 2007 n’aurait donné lieu au paiement de la TVA en douane pour aucun équipement originaire de l’Union européenne faisant l’objet d’une importation temporaire avant le 31 décembre 2006. En revanche, la même opération, apurée par une importation définitive entre le mois d’août et celui de décembre 2008, aurait donné lieu au paiement effectif de la TVA, sauf pour les agents économiques qui avaient pu obtenir un certificat de paiement différé. Le régime juridique concernant le paiement effectif de la TVA aurait été ainsi modifié alors que, selon Mora IPR, le contribuable ne pouvait plus apporter de modifications à la situation matérielle en cause au principal.

20      Selon Mora IPR, les trois régimes juridiques différents applicables à des situations de fait nées simultanément sont de nature à créer une discrimination entre des agents économiques se trouvant dans des situations identiques, en imposant à une partie d’entre eux seulement le paiement effectif de la TVA à l’importation et en différant, pour d’autres, le paiement de la TVA sur la base de certificats émis en fonction de critères subjectifs. Cela équivaudrait à une aide d’État directe, incompatible avec l’article 107 TFUE, et constituerait une violation de l’article 26, paragraphe 2, TFUE.

21      De plus, Mora IPR a fait valoir que le refus des autorités fiscales roumaines de restituer la TVA à l’importation doit être regardé comme une taxation à l’importation de biens provenant d’un autre État membre, qui est contraire aux articles 28 TFUE et 30 TFUE.

22      C’est dans ces conditions que la Curtea de Apel Alba Iulia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 211 de la directive [TVA] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une condition supplémentaire (comme l’obtention, au cours d’une période déterminée, d’un certificat de paiement différé, dans des conditions fixées par arrêté du ministre de l’Économie et des Finances) soit posée, en plus de la condition concernant l’insertion de mentions dans le décompte de TVA, à la charge des assujettis qui ne sont pas redevables de la TVA due à l’importation aux organes douaniers?

2)      Les articles 26, paragraphe 2, [TFUE], 28 [TFUE], 30 [TFUE] et 107, paragraphe 1, [TFUE] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des interventions législatives répétées, comme celles prévues aux points 1 et 2 de l’ordonnance d’urgence n° 22 du 28 mars 2007, ainsi qu’au point 69 de l’ordonnance d’urgence n° 106 du 4 octobre 2007, qui modifient l’article 157, paragraphe 4, du code fiscal roumain en ce sens qu’il n’est permis qu’à une partie seulement des assujettis à la TVA (ceux qui ont effectué ou qui sont considérés comme ayant effectué l’importation après le 15 avril 2007 et qui ont obtenu des certificats de paiement différé), parmi ceux qui se trouvent dans des situations identiques (détenant des biens qui ont fait l’objet d’une importation temporaire pendant la période de préadhésion), de ne pas s’acquitter de la TVA en douane?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

23      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 211 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, subordonnant le paiement différé de la TVA due pour les biens importés à l’obtention d’un certificat qui n’est pas exigé par les termes de cette directive.

24      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du libellé même de l’article 211 de la directive TVA qu’il appartient aux États membres d’arrêter les modalités de paiement de la TVA due au titre de l’importation de biens et que ceux-ci peuvent notamment prévoir que la TVA n’est pas payée au moment de l’importation par les assujettis ou les redevables ou par certaines catégories d’entre eux, à la condition que cette taxe soit mentionnée comme telle dans la déclaration de TVA établie conformément à l’article 250 de ladite directive.

25      Il découle de cet article 211 que les États membres peuvent instituer le droit à un paiement différé de la TVA à l’importation et accorder cette modalité de paiement non pas à tous les assujettis à cette taxe, mais à certaines catégories d’entre eux.

26      Toutefois, les modalités de paiement de la TVA due au titre de l’importation ne sauraient être arrêtées par les États membres que dans le respect du principe de neutralité fiscale.

27      En effet, le principe de neutralité fiscale, principe fondamental du système commun de la TVA, s’oppose, d’une part, à ce que des marchandises, qui se trouvent en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA ainsi que, d’autre part, à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA (voir en ce sens, notamment, arrêt du 29 octobre 2009, SKF, C-29/08, Rec. p. I-10413, point 67 et jurisprudence citée).

28      Selon le gouvernement roumain, les conditions d’obtention d’un certificat de paiement différé fixées par arrêté du ministre des Finances publiques répondent à un impératif d’intérêt général, à savoir lutter contre l’évasion fiscale en s’assurant de la capacité de l’assujetti à remplir ses obligations fiscales.

29      De telles conditions, en tant qu’elles viseraient à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur le territoire national sont, sous réserve du respect en particulier du principe de neutralité fiscale, de nature à être objectivement justifiées. Il incombe cependant à la juridiction de renvoi de vérifier que tel est le cas dans le litige qui lui est soumis.

30      Il convient d’ajouter que ne saurait être considéré comme une discrimination le fait que l’importateur assujetti et identifié à la TVA soit, selon la date de sortie du bien placé sous un régime d’admission temporaire avant la date d’adhésion de l’État membre à l’Union, soumis à des règles éventuellement différentes quant aux modalités de paiement de la TVA.

31      En effet, d’une part, en vertu de l’article 406 de la directive TVA, les dispositions en vigueur au moment où le bien a été introduit et placé sous un régime d’admission temporaire dans l’un des nouveaux États membres avant la date d’adhésion de celui-ci à l’Union continuent de s’appliquer après cette date et sous certaines conditions jusqu’à la sortie du bien de ce régime. La sortie d’un bien d’un tel régime est assimilée, conformément à l’article 408 de cette directive, à une importation. Elle constitue, selon l’article 71, paragraphe 1, de ladite directive, le fait générateur de la TVA et entraîne l’exigibilité de celle-ci. Le fait que, avant l’adhésion d’un État à l’Union, un bien introduit dans cet État et placé sous un régime d’admission temporaire soit soumis aux règles nationales en vigueur à la date de sortie de ce régime résulte donc de l’application de ces dispositions.

32      D’autre part, la circonstance que les règles nationales en cause au principal aient fait l’objet de modifications successives et qu’il en résulte que des biens placés avant l’adhésion sous un régime d’admission temporaire puissent de ce fait être soumis à des règles différentes, applicables à l’ensemble des assujettis, selon la date à laquelle ils sortent de ce régime, n’est pas constitutive en soi d’une discrimination. Le fait que, en l’occurrence, un certificat de paiement différé ait été exigé seulement pour une période déterminée, d’une durée de plusieurs années, ne saurait davantage être considéré comme étant générateur d’une discrimination.

33      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 211 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application d’une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, subordonnant le paiement différé de la TVA due pour les biens importés à l’obtention d’un certificat qui n’est pas exigé par les termes de cette directive, pour autant que les conditions d’obtention d’un tel certificat respectent le principe de neutralité fiscale, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur la seconde question

34      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi vise, en substance, à savoir si les articles 26, paragraphe 2, TFUE, 28 TFUE, 30 TFUE et 107, paragraphe 1, TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des «interventions législatives répétées», telles que celles en cause dans l’affaire au principal, portant sur le paiement différé de la TVA à l’importation.

35      Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la coopération instaurée par l’article 267 TFUE, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (voir en ce sens, notamment, arrêts du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a., C-320/90 à C-322/90, Rec. p. I-393, point 6, ainsi que du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C-380/05, Rec. p. I-349, point 57).

36      La Cour insiste également sur l’importance de l’indication, par le juge national, des raisons précises qui l’ont conduit à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour (voir en ce sens, notamment, arrêt du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C-453/03, C-11/04, C-12/04 et C-194/04, Rec. p. I-10423, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

37      Ainsi, étant donné que c’est la décision de renvoi qui sert de fondement à la procédure devant la Cour, il est indispensable que le juge national explicite, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont il demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (voir en ce sens, notamment, ordonnance du 28 juin 2000, Laguillaumie, C-116/00, Rec. p. I-4979, points 23 et 24; arrêts du 19 avril 2007, Asemfo, C-295/05, Rec. p. I-2999, point 33; Centro Europa 7, précité, point 54, ainsi que ordonnance du 17 septembre 2009, Canon Kabushiki Kaisha, C-181/09, point 10).

38      Or, en l’occurrence, force est de constater que, en ce qui concerne la seconde question posée, la décision de renvoi ne répond pas à ces exigences. Il s’ensuit que, en l’absence d’indications suffisantes, il n’est pas possible de déterminer le problème d’interprétation concret qui pourrait être soulevé par rapport aux dispositions du droit de l’Union dont la juridiction de renvoi demande l’interprétation par sa seconde question.

39      Il y a lieu dès lors de déclarer la seconde question irrecevable.

 Sur les dépens

40      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

L’article 211 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application d’une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, subordonnant le paiement différé de la taxe sur la valeur ajoutée due pour les biens importés à l’obtention d’un certificat qui n’est pas exigé par les termes de cette directive, pour autant que les conditions d’obtention d’un tel certificat respectent le principe de neutralité fiscale, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


* Langue de procédure: le roumain.