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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

21 septembre 2017 ( *1 )

«  Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 132, paragraphe 1, sous f) – Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général – Exonération des prestations de services fournies à leurs membres par des groupements autonomes de personnes – Applicabilité dans le domaine des assurances  »

Dans l’affaire C-605/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 26 août 2015, parvenue à la Cour le 17 novembre 2015, dans la procédure

Minister Finansów

contre

Aviva Towarzystwo Ubezpieczeń na Życie S.A. w Warszawie,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, C. Vajda (rapporteur), Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2016,

considérant les observations présentées :

pour le Minister Finansów, par MM. T. Tratkiewicz et L. Pyszyński ainsi que par Mme B. Rogowska-Rajda, en qualité d’agents,

pour Aviva Towarzystwo Ubezpieczeń na Życie S.A. w Warszawie, par M. J. Martini, doradca podatkowy,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme B. Majerczyk-Graczykowska, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. Noort, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. D. Robertson et Mme S. Simmons, en qualité d’agents, assistés de M. O. Thomas, QC,

pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1er mars 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Minister Finansów (ministre des Finances, Pologne) à Aviva Towarzystwo Ubezpieczeń na Życie S.A. w Warszawie (ci-après « Aviva ») au sujet d’un avis individuel adressé à cette dernière et relatif à l’interprétation de l’article 43, paragraphe 1, point 21, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. no 54, position 535, ci-après la « loi relative à la TVA »), transposant l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La sixième directive

3

La sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »), a été abrogée et remplacée, à compter du 1er janvier 2007, par la directive 2006/112. L’article 13 de la sixième directive disposait :

« A.Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général

1.   Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels :

[...]

f)

les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ;

[...] »

Le règlement (CEE) no 2137/85

4

L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2137/85 du Conseil, du 25 juillet 1985, relatif à l’institution d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) (JO 1985, L 199, p. 1), prévoit :

« Le but du groupement est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité ; il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même.

Son activité doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci. »

La directive 2006/112

5

La directive 2006/112 contient un titre IX, intitulé « Exonérations », dont le chapitre 1 est intitulé « Dispositions générales ».

6

L’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112, figurant au chapitre 2, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », du titre IX de celle-ci, prévoit :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

f)

les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ;

[...] »

7

L’article 135, paragraphe 1, de la directive 2006/112, figurant au chapitre 3, intitulé « Exonérations en faveur d’autres activités », du titre IX de celle-ci, prévoit :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

a)

les opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance ;

[...] »

Le droit polonais

8

L’article 43, paragraphe 1, point 21, de la loi relative à la TVA énonce :

« Sont exonérées : les prestations de services fournies par des groupements autonomes de personnes à leurs membres exerçant une activité exonérée ou pour laquelle ces membres n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de leur rendre les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité exonérée ou non imposable, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement de la part leur incombant dans les dépenses générales engagées dans l’intérêt commun, si cette exonération ne porte pas atteinte aux conditions de concurrence. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Aviva fait partie du groupe Aviva qui est actif dans le domaine des services d’assurance et de protection des pensions en Europe. Les principales activités de ce groupe sont la constitution de plans d’épargne à long terme, la gestion de fonds et les assurances.

10

Dans le cadre d’un processus d’intégration, le groupe Aviva envisage de créer une série de centres de services partagés dans plusieurs États membres. Il est prévu que ces centres fournissent les services qui sont directement indispensables à l’exercice de l’activité d’assurance par les entités de ce groupe, notamment des services dans le domaine des ressources humaines, des services financiers et comptables, des services informatiques, des services administratifs, des services à la clientèle ainsi que des services liés à l’élaboration de nouveaux produits.

11

Aviva envisage d’exercer cette activité en recourant à la constitution d’un groupement européen d’intérêt économique (ci-après le « GEIE »), lequel ne tirera pas de bénéfices de son activité, conformément à l’article 3 du règlement no 2137/85. Les membres du GEIE seront exclusivement des sociétés du groupe Aviva, exerçant une activité économique dans le domaine des assurances, parmi lesquelles Aviva.

12

Dans ce contexte, Aviva s’est adressée au ministre des Finances afin de savoir si l’activité du GEIE pouvait bénéficier d’une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sur le fondement de l’article 43, paragraphe 1, point 21, de la loi relative à la TVA. Aviva a estimé que tel devait être le cas et que, partant, les membres du GEIE établis en Pologne, qui sont des sociétés exerçant une activité économique dans le domaine des assurances, devaient être exemptés de l’obligation de facturer et de déclarer la TVA due sur les coûts répercutés par le GEIE.

13

Par une décision du 14 mars 2013, le ministre des Finances a considéré que la position d’Aviva était erronée. Il a estimé que la condition à laquelle est soumise l’exonération prévue à l’article 43, paragraphe 1, point 21, de la loi relative à la TVA, tenant à l’absence d’atteinte aux conditions de concurrence, n’était pas remplie. Selon le ministre des Finances, l’application d’une exonération à un groupement autonome de personnes (ci-après un « GAP ») place celui-ci dans une position privilégiée sur le marché, par rapport aux autres entités effectuant les mêmes opérations. Il a, dès lors, considéré que, lorsque des entités qui ne font pas partie d’un GAP et qui exercent une activité similaire et taxée opèrent sur le marché concerné, il convient de refuser ladite exonération, au motif qu’elle est susceptible de porter atteinte aux règles de concurrence.

14

Aviva a formé un recours devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie, Pologne), concluant, notamment, à l’annulation de cette décision du ministre des Finances. Elle a fait valoir que ladite décision, selon laquelle les services acquis par Aviva auprès du GEIE ne pouvaient bénéficier de l’exonération de la TVA en cause, constituait une violation de l’article 43, paragraphe 1, point 21, de la loi relative à la TVA.

15

Par un jugement du 30 décembre 2013, le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie) a annulé la décision du ministre des Finances du 14 mars 2013. Il a jugé que le GEIE envisagé remplissait l’ensemble des conditions permettant l’application de l’exonération prévue à l’article 43, paragraphe 1, point 21, de la loi relative à la TVA. Cette juridiction a estimé que des distorsions de concurrence ne pourraient être relevées que s’il existait, sur le marché des services auxiliaires, d’autres entités que le GAP concerné qui seraient prêtes à offrir des services analogues à ceux fournis par celui-ci et si, par ailleurs, les actuels acquéreurs des services, qui sont membres de ce GAP, étaient intéressés par l’acquisition de ces services auprès d’une entité extérieure audit groupement. Selon cette juridiction, il serait difficile de trouver sur le marché une entité économique qui fournirait, en qualité de centre de services partagés, des services à des entités établies dans douze États membres, sans réaliser de bénéfices et en opérant exclusivement à l’intérieur de la structure du groupe en cause au principal.

16

Le ministre des Finances s’est pourvu en cassation devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne). Cette juridiction a estimé que l’interprétation exacte qu’il convenait de faire des dispositions de la directive 2006/112, en particulier de l’article 132, paragraphe 1, sous f), n’était pas clairement tranchée et que la jurisprudence de la Cour ne permettait pas de dissiper tous les doutes à cet égard.

17

Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Une disposition nationale portant sur l’exonération de la TVA d’un [GAP] qui ne prévoit aucune condition ou procédure relative au respect de la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence est-elle conforme à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive [2006/112], lu en combinaison avec l’article 131 de la directive 2006/112, ainsi qu’au principe d’effectivité, au principe de sécurité juridique et au principe de confiance légitime ?

2)

Quels sont les critères d’appréciation du respect de la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence visée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 qu’il convient d’appliquer ?

3)

Le fait que les services soient rendus par un [GAP] à des membres qui sont soumis au droit de différents États membres a-t-il une incidence sur la réponse à la deuxième question ? »

Sur les questions préjudicielles

18

À titre liminaire, il y a lieu de relever que le groupe Aviva envisage la création d’un GAP dont les membres seraient des sociétés du groupe Aviva exerçant une activité économique dans le domaine des assurances et dont les services seraient directement nécessaires à l’exercice de cette activité.

19

Dans ce contexte, les questions posées portent sur l’interprétation de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112, qui prévoit une exonération des prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité.

20

La réponse à ces questions impose l’examen, au préalable, de la question de savoir si cette disposition s’applique dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, qui concerne des services rendus par un GAP dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des assurances.

21

Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il incombe à la Cour de fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union pouvant être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que la juridiction de renvoi y ait fait ou non référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 20 octobre 2016, Danqua, C-429/15, EU:C:2016:789, point 37 et jurisprudence citée).

22

Dans ces conditions, il y a lieu de fournir à la juridiction de renvoi également des indications quant au point de savoir si l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 a vocation à s’appliquer aux services rendus par des GAP dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des assurances, qui sont directement nécessaires à l’exercice de cette activité.

23

À cet égard, il convient de relever que, ses les termes de cette disposition, qui visent une activité exonérée des membres d’un GAP, ne permettent pas d’exclure que cette exonération puisse trouver à s’appliquer aux services d’un GAP dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des assurances, dans la mesure où l’article 135, paragraphe 1, sous a), de cette directive exonère les opérations d’assurance.

24

Toutefois, conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 26 avril 2012, Able UK, C-225/11, EU:C:2012:252, point 22, et du 4 avril 2017, Fahimian, C-544/15, EU:C:2017:255, point 30 et jurisprudence citée).

25

S’agissant du contexte dans lequel s’inscrit l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112, il convient de souligner que cette disposition figure au chapitre 2, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », du titre IX de cette directive. Cet intitulé indique que l’exonération prévue à ladite disposition ne vise que les GAP dont les membres exercent des activités d’intérêt général.

26

Cette interprétation est également confirmée par la structure du titre IX de ladite directive, portant sur les « Exonérations ». En effet, l’article 132, paragraphe 1, sous f), au sein de la directive 2006/112 figure non pas au chapitre 1, intitulé « Dispositions générales », de ce titre, mais au chapitre 2 de celui-ci. En outre, audit titre, une distinction est effectuée entre le chapitre 2, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », et le chapitre 3, intitulé « Exonérations en faveur d’autres activités », distinction qui indique que les règles prévues à ce chapitre 2 pour certaines activités d’intérêt général ne s’appliquent pas aux autres activités, visées à ce chapitre 3.

27

Or, audit chapitre 3, figure, à l’article 135, paragraphe 1, sous a), une exonération des « opérations d’assurance et de réassurance ». Il résulte ainsi de l’économie générale de la directive 2006/112 que l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 ne s’applique pas aux opérations d’assurance et de réassurance, et, par conséquent, que les services fournis par des GAP dont les membres sont actifs dans le domaine des assurances et de la réassurance ne relèvent pas de cette exonération.

28

En ce qui concerne l’objectif de l’article 132, paragraphe 1, sous f), au sein de la directive 2006/112, il convient de rappeler la finalité de l’ensemble des dispositions de l’article 132 de cette directive, qui consiste à exonérer de la TVA certaines activités d’intérêt général, en vue de faciliter l’accès à certaines prestations ainsi que la fourniture de certains biens, en évitant les surcoûts qui découleraient de leur assujettissement à la TVA (arrêt du 5 octobre 2016, TMD, C-412/15, EU:C:2016:738, point 30 et jurisprudence citée).

29

Ainsi, les prestations de services effectuées par un GAP relèvent de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112, lorsque ces prestations de services contribuent directement à l’exercice d’activités d’intérêt général visées à l’article 132 de cette directive (voir, par analogie, arrêt du 5 octobre 2016, TMD, C-412/15, EU:C:2016:738, points 31 à 33).

30

En outre, il y a lieu de rappeler que le champ d’application des exonérations visées à l’article 132 de la directive 2006/112 est d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2016, TMD, C-412/15, EU:C:2016:738, point 34 et jurisprudence citée).

31

Il en découle que ne sauraient relever de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 des prestations de services qui contribuent non pas directement à l’exercice d’activités d’intérêt général visées à cet article 132, mais à l’exercice d’autres activités exonérées, notamment à l’article 135 de cette directive.

32

Il s’ensuit qu’il y a lieu d’interpréter l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 en ce sens que l’exonération prévue à cette disposition ne vise que les GAP dont les membres exercent des activités d’intérêt général mentionnées à cet article. Partant, les services rendus par des GAP, dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des assurances qui ne constitue pas une telle activité d’intérêt général, ne bénéficient pas de cette exonération.

33

À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qu’elle fait dans le cadre de la présente affaire, la Cour, dans l’arrêt du 20 novembre 2003, Taksatorringen (C-8/01, EU:C:2003:621), n’a pas tranché la question de savoir si l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive [correspondant à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112] était limitée aux services rendus par un GAP dont les membres exerçaient des activités d’intérêt général.

34

Toutefois, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que l’interprétation de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive à laquelle la Cour a procédé dans son arrêt du 20 novembre 2003, Taksatorringen (C-8/01, EU:C:2003:621), a conduit certains États membres à exonérer les prestations de services effectuées par des GAP constitués par des entités telles que des compagnies d’assurance.

35

À cet égard, il convient toutefois de préciser que les autorités nationales ne sauraient rouvrir des périodes fiscales définitivement clôturées, sur le fondement de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112, tel qu’interprété au point 32 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C-40/08, EU:C:2009:615, point 37, ainsi que du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15, EU:C:2016:980, point 68).

36

S’agissant des périodes fiscales qui ne sont pas encore définitivement clôturées, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une directive ne peut, par elle-même, créer des obligations à l’égard d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre (voir, notamment, arrêt du 19 avril 2016, DI, C-441/14, EU:C:2016:278, point 30 et jurisprudence citée). Ainsi, les autorités nationales ne sauraient invoquer l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112, tel qu’interprété au point 32 du présent arrêt, pour refuser cette exonération aux GAP constitués par des compagnies d’assurance et, partant, pour refuser d’exonérer de la TVA les prestations de services effectuées par ces GAP.

37

En outre, l’obligation, pour le juge national, de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment dans ceux de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité, et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 15 avril 2008, Impact, C-268/06, EU:C:2008:223, point 100).

38

Partant, l’interprétation que le juge national doit donner des règles pertinentes du droit national mettant en œuvre l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 doit respecter les principes généraux du droit de l’Union, notamment le principe de sécurité juridique.

39

Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de répondre aux première à troisième questions.

40

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la demande de décision préjudicielle que l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que l’exonération prévue à cette disposition ne vise que les GAP dont les membres exercent une activité d’intérêt général mentionnée à l’article 132 de cette directive, et que, partant, les services rendus par des GAP, dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des assurances qui ne constitue pas une telle activité d’intérêt général, ne bénéficient pas de cette exonération.

Sur les dépens

41

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

L’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que l’exonération prévue à cette disposition ne vise que les groupements autonomes de personnes dont les membres exercent une activité d’intérêt général mentionnée à l’article 132 de cette directive, et que, partant, les services rendus par des groupements autonomes de personnes, dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des assurances qui ne constitue pas une telle activité d’intérêt général, ne bénéficient pas de cette exonération.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le polonais.