Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. NIAL FENNELLY
présentées le 18 décembre 1997 (1)
Affaire C-390/96 Lease Plan Luxembourg SA
contreBelgische Staat
(demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank van eerste aanleg te Brussel)
«»
I ─ Introduction
1. Il y a deux aspects au renvoi préjudiciel du tribunal belge. Les deux premières questions concernant le lieu de la prestation
de services aux fins de la TVA ayant pour objet la fourniture de services de leasing de voitures ont, comme l'admettent toutes
les parties, été effectivement tranchées par la Cour dans son arrêt ARO Lease
(2)
. Le seul point en suspens, soulevé par la troisième question, concerne la compatibilité avec le traité de l'application différente
des dispositions relatives au montant et au délai de paiement des intérêts sur les sommes qui doivent être remboursées au
titre de la TVA
(3)
. Il est soutenu que ces dispositions sont discriminatoires dans la mesure où elles reposent sur la circonstance que l'assujetti,
à qui les sommes doivent être remboursées, réside ou non en Belgique aux fins de la TVA.
II ─ Le contexte juridique
A ─
La législation communautaire
2. Le titre XI, comprenant les articles 17 à 20, de la sixième directive TVA du Conseil concerne les
Déductions
(4)
. En vertu de l'article 17, qui a trait à la
Naissance et étendue du droit à déduction, il est accordé aux assujettis établis dans les États membres le droit à déduction ou au remboursement de la TVA payée en
amont. Les principes fondamentaux régissant ce droit sont énoncés à l'article 17, paragraphe 3. L'article 18, d'autre part,
expose les
Modalités d'exercice du droit à déduction. L'article 18, paragraphe 4, est particulièrement important dans la présente affaire. Il dispose:Quand le montant des déductions autorisées dépasse celui de la taxe due pour une période de déclaration, les États membres
peuvent soit faire reporter l'excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu'ils
fixent.
3. En outre, conformément à l'article 17, paragraphe 4, de la sixième directive, le législateur communautaire s'était lui-même
fixé l'objectif d'adopter, avant le 31 décembre 1977,
les modalités d'application communautaires selon lesquelles les remboursements doivent être effectués ... en faveur des assujettis
[non-résidents]. Le 6 décembre 1979, les dispositions pertinentes ont été adoptées sous la forme de la huitième directive TVA du Conseil
régissant le remboursement de la TVA aux assujettis non-résidents
(5)
. Le champ d'application ratione personae de la huitième directive est défini à l'article 1
er : est concerné un assujetti qui, dans l'État membre auquel la demande de remboursement est adressée au cours de la période
visée par la demande,
n'a eu ... ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées
... et qui ... n'a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services réputée se situer dans ce pays.... En vertu de l'article 2, il est clair que le remboursement à l'assujetti porte sur la TVA
ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés se rapportant aux opérations économiques qui, si elles avaient été effectuées dans son pays d'établissement, auraient permis
la déduction au titre de la TVA.
4. L'article 7 de la huitième directive concerne les remboursements et dispose au paragraphe 4:Les décisions concernant les demandes de remboursement doivent être notifiées dans un délai de six mois à compter de la date
de présentation, au service compétent visé au paragraphe 3, de ces demandes accompagnées de tous les documents requis par
la présente directive pour instruire la demande. Le remboursement doit être effectué avant l'expiration du délai précité,
sur demande du requérant, soit dans l'État membre du remboursement, soit dans l'État où il est établi. Dans ce dernier cas,
les frais bancaires d'envoi sont à la charge du requérant.Les décisions de rejet doivent être motivées. Elles peuvent faire l'objet d'un recours devant les instances compétentes de
l'État membre concerné, dans les formes et les délais prévus pour les réclamations relatives aux remboursements demandés par
les assujettis établis dans cet État.
B ─
Les dispositions nationales pertinentes
5. Les articles 47 et 76 du code belge de la TVA (ci-après le
code) ont mis en oeuvre l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive, en Belgique. L'article 47 du code indique que, quand
le montant des déductions autorisées dépasse celui de la TVA due pour une période particulière, l'excédent est reporté sur
la période suivante, alors que l'article 76 du code porte sur les restitutions. L'article 76, paragraphe 1
, prévoit une restitution, lorsqu'elle est demandée, par un assujetti qui est établi en Belgique, dans les
trois mois , de l'excédent restant dû à la
fin de l'année civile
(6)
. Le droit des assujettis qui ne sont pas établis en Belgique de récupérer la TVA ayant grevé les biens et les services qui
leur ont été fournis en Belgique par des assujettis qui y résident est reconnu par l'article 76, paragraphe 2, du code. Les
règles concernant ces demandes de restitution sont énoncées à l'article 9, paragraphe 2, tel que modifié, de l'arrêté royal
n° 4
(7)
.
6. Si la TVA due n'est pas remboursée dans le délai de trois mois spécifié à l'article 76, paragraphe 1
, du code, quant aux demandes introduites par des assujettis résidant en Belgique, l'article 91, paragraphe 3, prévoit le
paiement d'un intérêt de 0,8 %
par mois
(8)
à compter de l'expiration du délai indiqué de trois mois
(9)
.
7. Par contre, en ce qui concerne les demandes de remboursement faites par des assujettis non-résidents conformément à l'article
76, paragraphe 2, du code, l'article 91, paragraphe 4, précise que les intérêts moratoires sur les arriérés sont dus au taux
fixé en matière civile et selon les règles établies en la même matière. Il ressort des observations présentées à la Cour,
premièrement, que, jusqu'au 31 août 1996, un taux d'intérêt de 8 %
par an s'est appliqué à de telles demandes et, deuxièmement, que cet intérêt n'est devenu exigible qu'
à la suite d'une mise en demeure adressée par le créancier à l'État belge
(10)
. En outre, puisque l'article 7, paragraphe 4, de la huitième directive octroie aux États membres un délai de six mois pour
se prononcer sur les demandes formées sur la base de cet article, cette mise en demeure n'a effectivement pu être envoyée
qu'après l'expiration de ce délai.
III ─
Les faits et la procédure devant la juridiction nationale
8. Selon l'ordonnance de renvoi, par une citation signifiée le 20 juillet 1995
(11)
, la partie demanderesse dans la procédure au principal, Lease Plan Luxembourg SA (ci-après
Lease Plan ou
la partie demanderesse) a demandé que l'État belge soit condamné à lui rembourser un montant de 7 669 095 BFR, augmenté d'autres montants
(12)
qui deviendraient exigibles en cours de procédure, ainsi que des intérêts légaux de 0,8 % par mois à compter des dates respectives
auxquelles les différentes demandes de remboursement de la TVA relatives au montant précité et au montant à échoir ont été
introduites
(13)
.
9. Lease Plan est une société établie au Luxembourg, où elle offre des services de leasing de voitures automobiles principalement
à des clients établis au Luxembourg. Au cours de la période relative au remboursement, la grande majorité de son parc de véhicules
faisait l'objet de contrats de leasing à long terme avec des clients du Luxembourg qui prenaient en leasing plusieurs véhicules
simultanément. Tous ces véhicules étaient achetés au Luxembourg, leur police d'assurance était conclue avec des compagnies
d'assurances au Luxembourg et ils étaient donnés en leasing sur la base de ce que l'on appelle des
contrats globaux au titre desquels les clients établis au Luxembourg acquittaient une redevance couvrant, entre autres, à la fois le financement
et l'assurance, ainsi que les frais d'entretien et de réparation (ci-après les
services de garage). En vertu de ces contrats globaux, les factures relatives à la fourniture des services de garage pouvaient être envoyées
directement, par les garages, à Lease Plan.
10. Au cours de la période relative au remboursement, les clients de Lease Plan établis au Luxembourg ont parfois mis les véhicules
à la disposition de leurs propres travailleurs, dont quelques-uns vivaient en Belgique. Lorsque ces derniers utilisaient les
services de garage situés en Belgique, les factures, y compris naturellement les montants se rapportant à la TVA belge, étaient
envoyées à Lease Plan, qui les payait.
11. La partie demanderesse a également conclu, au cours de la période relative au remboursement, un nombre limité de contrats
qui n'étaient pas globaux avec des clients établis en Belgique
(14)
. Les véhicules en cause étaient achetés par Lease Plan en Belgique auprès de concessionnaires belges. Ces achats donnaient
lieu au paiement d'une seconde TVA par Lease Plan à l'État belge, à savoir la TVA contenue dans les prix des véhicules.
12. Dans sa procédure devant le Rechtbank van eerste aanleg te Brussel (ci-après la
juridiction nationale), la partie demanderesse demande le remboursement, avec les intérêts, de la TVA acquittée lors de chaque opération décrite
ci-dessus, c'est-à-dire la TVA relative aux services de garage dans le cadre de ces contrats avec des locataires établis au
Luxembourg et celle contenue dans le prix d'achat des véhicules à la fois achetés et donnés en leasing en Belgique.
13. Pour justifier son refus à l'origine de rembourser les montants réclamés, l'État belge a au départ soutenu que, en ce qui
concerne les réparations effectuées en Belgique sur les voitures données en leasing à des clients au Luxembourg mais n'étant
pas considérées comme faisant partie d'un entretien normal, la partie demanderesse aurait dû être enregistrée en tant qu'assujetti
en Belgique. Pour la période se situant après le 1
er janvier 1993, l'État belge a affirmé que, en vertu d'une modification du code, l'exercice d'une activité économique sous
la forme d'une prétendue
flotte de véhicules en Belgique suffisait à établir que la partie demanderesse avait un établissement stable en Belgique.
14. Étant donné que cet argument était contesté par Lease Plan, et eu égard également au litige concomitant concernant le paiement
des intérêts sur les remboursements différés, la juridiction nationale a décidé de poser les questions suivantes à la Cour:
1)La notion d'
établissement stable figurant à l'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive TVA doit-elle être interprétée en ce sens qu'une entreprise
établie dans un État membre, qui donne en location ou en leasing un certain nombre de véhicules à des clients qui sont établis
dans un autre État membre, dispose du fait même de cette mise en location d'un établissement stable dans l'autre État membre?
2)Si la question précédente appelle une réponse affirmative, l'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive TVA doit-il
être interprété en ce sens que les services consistant à donner des véhicules en leasing peuvent être réputés accomplis à
partir d'un établissement stable en Belgique lorsque le siège du prestataire de services est établi au Luxembourg et que la
quasi-totalité des contrats sont négociés à partir de ce siège luxembourgeois et conclus avec des clients établis au Luxembourg
et que seul un nombre restreint de véhicules (à savoir une dizaine de voitures sur une flotte de près de mille véhicules)
sont achetés en Belgique et sont entretenus ou réparés sur le sol belge?
3)Les articles 6 et 59 du traité CEE doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils interdisent d'allouer aux assujettis étrangers
qui reçoivent en Belgique des biens ou des services et sollicitent le remboursement de la TVA y afférente conformément à la
huitième directive TVA, un intérêt inférieur en cas de remboursement différé, qui de surcroît commence à courir à compter
du moment où cet assujetti étranger a mis l'État belge en demeure, alors que le remboursement différé aux assujettis belges
donne lieu à un intérêt supérieur commençant à courir de plein droit et sans mise en demeure à compter de l'expiration du
délai légal de remboursement?
IV ─ Les observations soumises à la Cour
15. Des observations écrites et orales ont été soumises par Lease Plan, le royaume de Belgique et la Commission, alors que le
grand-duché de Luxembourg n'a présenté que des observations écrites.
V ─ Les deux premières questions
16. Par ces deux premières questions, la juridiction nationale souhaite savoir si l'administration de la TVA belge a raison d'affirmer
que la simple présence en Belgique d'un nombre limité de véhicules donnés en leasing par une société, dont le lieu d'activité
est situé au Luxembourg, signifie que le prestataire de services a un établissement stable en Belgique. A la lumière de l'arrêt
de la Cour dans l'affaire ARO Lease, toutes les parties ayant soumis des observations à la Cour, y compris le royaume de Belgique,
sont d'accord pour considérer qu'il peut être tout simplement répondu aux deux premières questions en ce sens que Lease Plan
n'avait pas d'établissement stable en Belgique, d'où elle fournissait des services au cours de la période relative au remboursement.
Il s'ensuit qu'il n'est désormais plus contesté que Lease Plan a droit au remboursement de la TVA qu'elle réclame. Il n'y
a, cependant, pas d'accord quant à la troisième question concernant les intérêts demandés par Lease Plan. Cette question,
apparemment simple, pose en réalité un problème relativement difficile de discrimination. Au moment où la Cour a été saisie
de la demande de décision à titre préjudiciel, cet aspect était accessoire et peu clair au regard des explications données
au sujet de la législation nationale pertinente. Nous tenterons, néanmoins, d'apporter une réponse sur la base des informations
fournies par Lease Plan et le royaume de Belgique.
VI ─ L'examen de la troisième question
A ─
La nature et l'effet de l'article 7, paragraphe 4, de la huitième directive
17. Selon nous, il ne peut y avoir aucun doute qu'une entreprise telle que Lease Plan, en tant qu'
assujetti au Luxembourg, relève du champ d'application ratione personae de la huitième directive, tel que défini à l'article 1
er
(15)
. Au cours de la période relative au remboursement, Lease Plan n'avait pas d'établissement stable et ne pouvait pas être considérée
comme fournissant, aux fins de la TVA, des services en Belgique. S'agissant précisément de l'article 7, paragraphe 4, de la
huitième directive, la Cour a indiqué dans son arrêt Commission/Espagne qu'
il est de jurisprudence constante que les États membres ont l'obligation d'assurer pleinement, et de manière précise, l'application
des dispositions des directives
(16)
. Cette affaire avait trait à des retards systématiques de remboursements. D'après nous, l'obligation imposée par l'article
7, paragraphe 4, est précise et inconditionnelle et a un effet direct qui peut être invoqué par des assujettis tels que Lease
Plan
(17)
.
18. L'objectif de l'article 7, paragraphe 4, de la huitième directive, ainsi que l'atteste le deuxième considérant de son préambule,
est
d'éviter qu'un assujetti ... ne doive supporter définitivement la taxe qui lui a été facturée dans un autre État membre pour
des livraisons de biens ou des prestations de services. L'instauration de dispositions communautaires a été nécessaire, selon le troisième considérant, parce que les
divergences entre les dispositions auparavant en vigueur dans les États membres étaient
à l'origine de détournements de trafic et de distorsions de concurrence. Que la non-discrimination entre assujettis constitue une exigence impérative de la directive elle-même résulte du cinquième
considérant, où il est indiqué que la réglementation
ne doit pas aboutir à soumettre les assujettis à un traitement différent selon l'État membre à l'intérieur duquel ils sont
établis. D'où la déclaration que les décisions concernant les demandes de remboursement
doivent être notifiées dans un délai de six mois et que
les décisions de rejet doivent être motivées
(18)
.
B ─
Les observations soumises en ce qui concerne la troisième question
19. Lease Plan ne s'oppose pas au fait qu'en Belgique, en vertu de l'article 76, paragraphe 1
, du code, et de l'article 8(1), paragraphe 3, premier alinéa, de l'arrêté royal n° 4, un délai de trois mois s'applique généralement
aux restitutions aux assujettis résidents, alors qu'un délai de six mois est toujours appliqué aux demandes de remboursement des non-résidents
introduites au titre de la huitième directive. A cet égard, la partie demanderesse admet que le retard inhérent aux procédures
de vérifications administratives résultant des demandes de remboursement présentées par des non-résidents justifie la différence
de traitement. Toutefois, selon elle, rien ne justifie ni l'exigibilité des intérêts uniquement à partir de la date de mise
en demeure ni, par la suite, le paiement d'intérêts à un taux inférieur. Lease Plan soutient que cette double différence de
traitement constitue une discrimination indirecte en raison de la nationalité contraire au traité, puisqu'il y a un plus grand
nombre d'assujettis non-résidents que résidents qui sont ressortissants d'autres États membres.
20. Lease Plan se fonde principalement sur l'article 59 du traité et, subsidiairement, sur l'article 6. Bien que les services
fournis à ses clients établis en Belgique soient censés être fournis aux fins de la TVA au Luxembourg, Lease Plan estime que
l'article 59 s'applique malgré tout, étant donné que ses services ont été matériellement effectués en Belgique. La partie
demanderesse est également d'avis qu'elle peut, dans le cadre de l'application de l'article 59, être considérée comme destinataire
des services fournis en Belgique, à la fois par les concessionnaires de voitures et par les garages. S'agissant des deux prétentions,
elle se réfère, notamment, à l'arrêt Commerzbank
(19)
pour justifier sa demande de paiement des intérêts au même taux que les contribuables résidents à compter du délai de six
mois prévu par la huitième directive et indique que, alors même que les différences ne seraient que minimes dans certains
cas, il n'y a pas de règle de minimis lorsqu'on est en présence d'une discrimination non fondée au regard de l'article 59
du traité
(20)
.
21. Le royaume de Belgique nie qu'il y ait une discrimination en ce qui concerne ses dispositions en matière de paiement d'intérêts.
Il soutient que, si Lease Plan s'était fait enregistrer en Belgique en qualité d'assujetti à la TVA, elle aurait eu droit,
en cas de remboursement tardif, aux intérêts calculés au taux et selon les conditions fixés par les articles 76, paragraphe
1
, et 91, paragraphe 3, du code. Inversement, le royaume de Belgique estime que des demandes de remboursement présentées par
des assujettis non-résidents comme Lease Plan ne sont pas traitées moins favorablement que celles introduites de temps à autre
par des personnes non soumises à l'impôt établies en Belgique
(21)
. La Belgique prétend aussi que les dispositions relatives aux demandes formées par des assujettis non-résidents sont quelquefois
traitées plus favorablement que celles des résidents
(22)
.
22. La Commission partage le point de vue de la partie demanderesse, selon lequel la différence entre les intérêts payés à un
assujetti résident et à un non-résident constitue une discrimination fondée sur le lieu d'établissement. Bien que la huitième
directive ne requière pas que les États membres payent des intérêts sur les montants dus, lorsque ce type d'intérêts est payé
pour des dettes comparables à des assujettis nationaux, ils doivent être payés de la même manière aux assujettis non-résidents.
La Commission se réfère aussi à l'éventuelle application de l'article 6 du traité, qui, selon elle, s'applique de façon générale
aux formes de discrimination à l'égard des personnes morales en raison de leur lieu d'établissement
(23)
.
C ─
L'examen de la troisième question
i)
Introduction
23. L'article 6 du traité (précédemment l'article 7 du traité CEE) porte sur la discrimination en raison de la nationalité dans
le cadre de l'application du traité
(24)
. Toutefois, l'article 6 ne s'applique pas lorsque l'activité en cause relève du champ d'application d'une autre disposition
plus spécifique du traité. Ainsi, les dispositions du traité qui mettent en oeuvre le principe de la libre circulation des
personnes, telles que les articles 59 à 66 concernant les services, transposent, dans le cadre de leur champ d'application,
l'interdiction de discrimination en raison de la nationalité
(25)
. Étant donné que la troisième question se réfère à la fois à l'article 6 et à l'article 59 du traité, nous devons d'abord
examiner si l'application des dispositions litigieuses constitue une discrimination aux fins de l'article 59 par rapport aux
deux aspects des remboursements de la TVA en cause.
ii)
L'application prima facie de l'article 59 du traité
24. Le royaume de Belgique reconnaît que les principes énoncés par la Cour dans son arrêt ARO Lease permettent de répondre aux
deux premières questions déférées par la juridiction nationale. Par conséquent, le royaume de Belgique doit rembourser les
montants au principal de la TVA inclus dans le prix des biens et services fournis à la partie demanderesse en Belgique
(26)
. Donc, le litige entre l'État belge et Lease Plan concerne uniquement les intérêts relatifs à ces montants.
25. Le premier type d'opérations a trait à la TVA sur les services de garage fournis par les garages belges acquittée par Lease
Plan conformément à ses contrats avec ses clients luxembourgeois; le second type porte sur la TVA sur l'achat de nouveaux
véhicules auprès de concessionnaires belges, donnés ensuite en leasing à des clients belges. Dans ce dernier cas, Lease Plan
fournissait des services de leasing à des clients belges, opérations transfrontalières couvertes par l'article 59. Cela n'est
pas remis en cause par le fait que, aux fins de la TVA, la fourniture visée est censée intervenir dans l'État membre du prestataire
de services de la TVA. Les règles instaurées par l'article 9 de la sixième directive pour déterminer le lieu d'une prestation
de services aux fins de la TVA sont destinées, entre autres, à éviter
les conflits de compétence susceptibles de conduire à des doubles impositions
(27)
. Elles ne sont, donc, pas pertinentes pour l'application de l'article 59. Selon nous, la circonstance que les véhicules ont
été achetés avant l'accomplissement des formalités de leasing n'affecte pas davantage l'application de l'article 59. Les véhicules
ont été achetés afin que des services de leasing transfrontaliers puissent être fournis.
26. L'autre type d'opérations se rapporte aux services de garage. L'opération sous-jacente, à savoir la fourniture de services
de leasing à des personnes établies au Luxembourg, ne relève pas du champ d'application de l'article 59
(28)
. La partie demanderesse a, toutefois, également invoqué la liberté de recevoir des services qui est aussi garantie par l'article
59
(29)
. Bien que ce fût tout à fait fortuitement que certains travailleurs des clients luxembourgeois de Lease Plan déposaient les
voitures données en leasing auprès de garages belges, il est clair que, en vertu des contrats globaux conclus avec ses clients
luxembourgeois, Lease Plan était le véritable destinataire des services. Les services étaient fournis relativement à des véhicules
appartenant à Lease Plan, à laquelle, en outre, les garages belges envoyaient directement les factures contenant les montants
en cause au regard de la TVA. Pour ce qui est de l'application de l'article 59, il suffit que l'opération comporte un élément
transfrontalier et la fourniture d'un service contre rémunération
(30)
. Il s'ensuit, selon nous, que Lease Plan doit être considérée comme le destinataire des services de garage aux fins de l'article
59.
27. Par conséquent, il est nécessaire d'examiner si, en fait, le traitement différent des assujettis résidents et non-résidents
résultant des dispositions belges litigieuses constitue une discrimination en raison de la nationalité contraire à l'article
59 et, dans l'affirmative, si cela peut, néanmoins, être justifié.
iii)
La discrimination et l'article 59 du traité
28. Les dispositions en cause ne contiennent aucune discrimination directe en raison de la nationalité. La différence de traitement
visée est fondée non pas sur la nationalité, mais plutôt sur la différence de traitement entre un assujetti enregistré en
Belgique et un assujetti enregistré dans un autre État membre. Ainsi, une entreprise belge offrant des services de leasing
de véhicules à partir de sa filiale au Luxembourg serait soumise aux mêmes dispositions belges que Lease Plan. D'après les
observations du royaume de Belgique, il en irait de même en ce qui concerne un assujetti résidant en Belgique qui a des activités
économiques occasionnelles soumises à TVA. Cependant, étant donné qu'il y a davantage d'entreprises étrangères que d'entreprises
belges susceptibles d'acquitter la TVA sur les marchandises et services fournis en Belgique dans des circonstances leur permettant
d'introduire des demandes de remboursement conformément à la huitième directive, toutes dispositions moins favorables appliquées
à l'égard de demandes formées par des non-résidents sont dès lors en mesure d'affecter un plus grand nombre de sociétés étrangères
que de sociétés nationales. Une telle disposition peut ainsi constituer une discrimination dissimulée ou indirecte en raison
de la nationalité
(31)
.
29. Toutefois, la notion de discrimination n'est pas purement formelle. Comme la Cour l'a souligné à de nombreuses reprises,
le traitement différent de situations non comparables ne permet pas de conclure automatiquement à l'existence d'une discrimination.
Une apparence de discrimination formelle peut donc correspondre, en fait, à une absence de discrimination matérielle. La discrimination
matérielle aurait consisté à traiter soit de manière différente des situations similaires, soit de manière identique des situations
différentes
(32)
. Cette définition de la discrimination a fondé l'approche de la Cour, dans tous les domaines du droit communautaire, pour
ce qui est de l'application du principe de non-discrimination en raison de la nationalité
(33)
. Pour évaluer si les dispositions sont discriminatoires, il est essentiel en l'espèce de déterminer si la situation d'un
assujetti non-résident tel que Lease Plan est véritablement comparable avec celle des assujettis résidents.
30. Le royaume de Belgique soutient que les situations d'un assujetti résident et d'un assujetti non-résident, bien qu'ils aient
tous deux des activités économiques, ne sont pas comparables. Selon lui, un assujetti au Luxembourg qui paie de la TVA en
amont en Belgique doit être comparé avec un assujetti en Belgique qui n'exerce que de façon irrégulière des activités économiques
taxables et qui, de ce fait, ne présente que très occasionnellement des déclarations TVA en Belgique, ou, effectivement, avec
un assujetti qui, bien que régulièrement soumis à la TVA en ce qui concerne ses activités économiques, introduit une demande
visant au remboursement de la TVA relativement à une opération qui n'a pas exclusivement un caractère professionnel
(34)
.
31. Nous ne sommes pas de cet avis, parce que nous ne trouvons pas convaincante l'analogie entre les opérations éparses citées
par le royaume de Belgique et les activités économiques régulières de Lease Plan. La TVA a été levée en Belgique dans le chef
d'un assujetti et payée relativement au prix d'une opération effectuée dans cet État membre aux fins d'exercer une activité
de leasing de véhicules taxable dans un autre État membre. La seule différence matérielle aux fins de la TVA entre la situation
d'un tel assujetti et celle d'un assujetti résident, qui est également une société de leasing de véhicules belge concurrente,
est que, en vertu de l'article 9 de la sixième directive, ces concurrents seraient redevables de la TVA sur leurs prestations
de services en Belgique. La simple circonstance que l'assujetti présentant la demande n'est pas résident ne justifie pas que
sa situation soit comparée uniquement avec celle des personnes qui soit font des déclarations de TVA occasionnelles en Belgique,
soit demandent des remboursements dans l'hypothèse spécifique d'un individu vendant une maison à perte et réclamant une restitution
de la TVA.
32. D'après nous, la comparaison appropriée est celle entre un assujetti résident et un assujetti non-résident au moment où la
demande de remboursement est introduite; c'est-à-dire, d'une part, par un assujetti résident qui a un excédent aux fins de
l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive, et, d'autre part, un assujetti non-résident qui a acquitté de la TVA
en amont en Belgique soit dans le cadre, soit pour l'exercice d'activités économiques soumises à TVA dans un autre État membre.
33. Nous considérons que le simple fait que ces demandes sont in se susceptibles d'être présentées bien moins souvent dans le
cas d'assujettis résidents ─ puisque la TVA relative à leurs sorties est généralement, dans des circonstances commerciales
normales, supérieure à la TVA relative à leurs entrées ─ que dans celui d'assujettis non-résidents est sans importance. Il
faut en effet ne pas oublier que Lease Plan devra acquitter la TVA dans l'État membre où ses services sont censés être effectués
en vertu de l'article 9 de la sixième directive; c'est-à-dire, en l'espèce, au Luxembourg.
34. En outre, il n'y a, en principe, pas de distinction dans l'article 17 de la sixième directive entre le droit à déduction des
assujettis résidents et le droit au remboursement des non-résidents. Au contraire, l'article 17, paragraphe 4, en obligeant
le Conseil à adopter des mesures, comme il l'a fait sur la base de la huitième directive, en vue de faciliter l'exercice par
les assujettis non-résidents du droit au remboursement, se réfère aux
remboursements effectués
conformément au paragraphe 3, ce qui, à son tour, oblige les États membres à accorder
à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2..., c'est-à-dire la TVA acquittée sur les biens et les services
... utilisés pour les besoins de ses opérations taxées. Le cinquième considérant de la huitième directive (cité au point 18 ci-dessus) indique que le traitement des assujettis
ne doit pas être différent selon l'État membre à l'intérieur duquel ils sont établis.
35. De plus, des dispositions nationales en vertu desquelles l'administration de la TVA d'un État membre, effectuant des remboursements
tardifs de la TVA aux assujettis, est effectivement tenue de compenser les demandeurs non-résidents dans une moindre mesure
que les résidents sont susceptibles d'affecter les conditions commerciales de concurrence au détriment des assujettis étrangers.
En particulier, lorsque des États membres paient des intérêts sur les remboursements, les conditions et taux régissant ces
paiements ne peuvent pas être différents en raison du lieu de résidence du demandeur aux fins de la TVA.
36. Comment dès lors comparer les situations dans le présent cas d'espèce? Premièrement, en vertu des règles normales applicables
aux assujettis résidant en Belgique, les intérêts deviennent exigibles soit à l'expiration du délai de trois mois se situant
après l'année civile relative à l'excédent, soit, si c'est l'article 8, (point 1), paragraphe 3, troisième alinéa, de l'arrêté
royal n° 4 qui s'applique, trois mois après le trimestre relatif à l'excédent. En outre, l'assujetti concerné doit avoir introduit
une demande de remboursement et déposé toutes les déclarations appropriées dans les délais, après l'expiration de la période
d'imposition au cours de laquelle la demande est née
(35)
. Par contre, en ce qui concerne les assujettis non-résidents, les intérêts ne commencent à courir qu'à dater de la mise en
demeure de payer adressée à l'État belge. Cette mise en demeure ne peut, naturellement, qu'être envoyée à l'expiration de
la période de vérification de six mois accordée aux États membres conformément à l'article 7, paragraphe 4, de la huitième
directive, selon lequel il est clair que le remboursement doit intervenir, au plus tard, à la fin de cette période. Donc,
alors que le montant dû à un assujetti qui réside en Belgique génère
de plein droit un intérêt après l'expiration d'un certain délai, son concurrent non-résident créancier d'une même dette doit accomplir une
démarche supplémentaire consistant à mettre en demeure conformément aux dispositions légales belges appropriées. Puisqu'une telle démarche engendre
probablement un retard et certains frais supplémentaires pour le non-résident, elle constitue une restriction discriminatoire
à sa liberté de fournir des services ou d'en être le destinataire en Belgique.
37. Deuxièmement, nous estimons que la différence du taux d'intérêt applicable constitue une restriction discriminatoire à la
liberté des assujettis non belges de fournir des services ou d'en être les destinataires. Le taux d'intérêt payé
de plein droit et
sur une base mensuelle aux assujettis résidents, après l'expiration du délai prévu par le code ou l'arrêté royal n° 4, est supérieur à celui à payer
aux assujettis non-résidents qui ont mis le royaume de Belgique en demeure.
38. Pour les raisons susmentionnées (en particulier aux points 35 à 37), les dispositions sont susceptibles d'opérer une discrimination
à l'égard d'entreprises de leasing de véhicules non belges qui fournissent des services ou en sont les destinataires en Belgique.
Le royaume de Belgique n'a, cependant, avancé aucune justification spécifique à l'égard de cette mise en cause de ses dispositions.
Selon nous, une telle justification n'existe pas. La huitième directive, en octroyant aux États membres un délai de traitement
de six mois, reconnaît les difficultés inhérentes à la vérification de demandes de remboursement introduites par des assujettis
non-résidents. A partir du moment où ce délai a expiré, l'État membre qui rembourse est obligé d'appliquer des dispositions
aux non-résidents qui ne sont pas moins favorables que celles appliquées aux assujettis résidents formant des demandes de
remboursement de la TVA. Donc, dans le présent cas d'espèce, un assujetti non-résident comme Lease Plan est en droit, en vertu
des dispositions d'effet direct tant de l'article 59 du traité que de l'article 7, paragraphe 4, de la huitième directive,
de bénéficier du même traitement en matière de paiement des intérêts sur les montants dus faisant l'objet de ses demandes
de remboursement que celui qui serait applicable à un assujetti résident comparable titulaire de créances similaires.
39. Cela ne signifie pas que l'application stricte du principe de non-discrimination soit aisée. Cela ne veut notamment pas nécessairement
dire qu'un assujetti non-résident a automatiquement droit aux intérêts à partir de l'expiration du délai de six mois prévu
à l'article 7, paragraphe 4, de la huitième directive. Quelle est la conséquence de l'égalité de traitement dans une affaire
telle que celle en cause dans la procédure au principal? Puisqu'un assujetti belge dont l'excédent n'est pas remboursé percevra,
en fonction du montant impliqué et de la périodicité de ses déclarations TVA, un intérêt de plein droit après l'expiration
d'un certain délai, la condition d'égalité de traitement exigerait que de manière générale des entreprises comme Lease Plan
bénéficient également systématiquement d'un intérêt à dater de l'expiration du délai de six mois prescrit par la huitième
directive. Toutefois, si le montant relatif à la demande d'un assujetti non-résident est tel que, s'il s'agissait d'un assujetti
belge, il ne générerait un intérêt de plein droit que trois mois après l'expiration de l'année civile à laquelle se rapporte
la demande, l'administration de la TVA belge, pour assurer l'égalité de traitement, est seulement obligée d'appliquer, mutatis
mutandis, la même règle à la demande du non-résident: c'est-à-dire qu'elle doit payer automatiquement un intérêt à dater du
1
er avril de l'année suivant l'année civile où la dette est née, pour autant, naturellement, que ledit 1
er avril tombe plus de six mois après la date à laquelle la demande de remboursement sous-jacente a été introduite.
40. Il appartient à la juridiction nationale d'interpréter les dispositions pertinentes du code et de l'arrêté royal n° 4 et ensuite
de tirer les conclusions de sorte à garantir que les assujettis non-résidents bénéficient de l'égalité de traitement. Toutefois,
il faut peut-être indiquer que le montant des demandes de Lease Plan semble être de telle nature que, s'il s'agissait d'un
assujetti résidant en Belgique, celui-ci aurait droit à un intérêt avant le délai de trois mois se situant à l'expiration
de l'année civile au cours de laquelle les différentes demandes ont trait
(36)
.
41. Le résultat auquel il faut parvenir est l'égalité de traitement en matière de remboursement de la TVA dans le cadre du régime
de la TVA. Nous avons opéré une comparaison entre les dispositions de remboursement de la TVA belges existantes et les dispositions
usuelles, mais tout de même distinctes, concernant le paiement des intérêts en matière civile, uniquement dans le but de déterminer
si l'application des dernières dispositions précitées met les demandeurs non belges dans une situation défavorable. Il n'est,
cependant, pas souhaitable que ces dispositions relatives en matière civile, en tant que système autonome et non discriminatoire,
soient affectées. Le demandeur non belge ne doit notamment pas être privé du droit à un intérêt au
taux et selon les conditions prévus à l'article 91, paragraphe 3, du code, lorsqu'il a, en fait, mis en demeure conformément aux
dispositions applicables du code civil, s'il s'agit du droit dont jouissent normalement les créanciers en droit belge. En
plus de ses droits légaux normaux mais pas, toutefois, manifestement de sorte à engendrer un double paiement d'intérêt pour
une quelconque période, un tel demandeur devrait bénéficier du paiement d'intérêts au taux précisé par les dispositions en
matière de TVA telles qu'exposées au point 39 ci-dessus à partir du moment où ces intérêts deviennent exigibles.
D ─
L'article 6 du traité
42. La juridiction nationale a également posé la question sous l'angle de l'article 6. Eu égard à ce que nous avons indiqué à
la Cour quant à l'applicabilité de l'article 59 dans des circonstances telles que celles du présent cas d'espèce (points 24
à 41 ci-dessus), nous ne pensons pas qu'il y ait lieu à une application séparée de l'article 6. Si le traitement différent
des assujettis résidents et non-résidents dans cette affaire ne constituait pas, contrairement à notre avis, une discrimination
occulte en raison de la nationalité aux fins de l'article 59, nous considérerions que cela ne serait pas non plus le cas au
regard de l'article 6. Par conséquent, nous estimons qu'il n'est pas nécessaire que la Cour réponde à la troisième question
posée par la juridiction nationale sur la base de l'article 6.
VII ─ Conclusion
43. A la lumière de ce qui précède, nous proposons que la Cour réponde aux questions déférées par le Rechtbank van eerste aanleg
te Brussel de la manière suivante:
1)Il convient de répondre aux deux premières questions, conformément à la motivation sous-jacente à l'arrêt de la Cour du 17
juillet 1997 dans l'affaire ARO Lease (
C-190/95), en ce sens qu'une société de leasing établie dans l'État membre A ne fournit
pas des services à partir d'un établissement stable dans l'État membre B, si, en l'absence de bureaux ou d'autres ressources
physiques ou humaines dans l'État membre B, la société donne simplement en leasing un certain nombre de véhicules achetés
dans l'État membre B à des clients établis dans cet État et règle des factures d'entretien d'autres clients résidant dans
l'État membre A sur la base de l'utilisation de véhicules en leasing dans l'État membre B.
2)L'article 59 du traité doit être interprété en ce sens que des assujettis qui ne résident pas en Belgique mais achètent des
biens ou paient des services en Belgique aux fins de fournir des services de leasing de véhicules transfrontaliers à des clients
établis en Belgique, ou sont destinataires de services de garage belges dans le cadre de la fourniture de services à des clients
établis au Luxembourg, et demandent ensuite le remboursement de la TVA relative à ces biens ou services conformément à la
huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres
relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ─ Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis
non établis à l'intérieur du pays, ne peuvent pas, dans l'hypothèse d'un remboursement n'intervenant pas dans le délai de
six mois prévu par l'article 7, paragraphe 4, de la directive 79/1072, se voir accorder un taux d'intérêt inférieur, ou un
intérêt qui ne commence à courir qu'à partir du moment où ces assujettis ont mis l'État belge en demeure, dans des circonstances
où, en cas de remboursements tardifs d'excédents comparables de TVA acquittés par des assujettis résidant en Belgique, lesdits
assujettis résidents bénéficient à la fois d'un taux d'intérêt plus élevé et d'un intérêt qui commence à courir de plein droit
à partir du moment où le délai fixé par la loi pour les demandes de remboursement introduites par ces résidents a expiré.
1 –
Langue originale: l'anglais.
2 –
Arrêt du 17 juillet 1997 (
C-190/95, Rec. p. I-4383).
3 –
Il faut noter que les informations sur les dispositions en matière de paiement des intérêts dont dispose la Cour proviennent
intégralement des observations écrites et orales qui lui ont été soumises.
4 –
Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives
aux taxes sur le chiffre d'affaires ─ Système commun de la taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1,
ci-après la
sixième directive).
5 –
Huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres
relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ─ Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis
non établis à l'intérieur du pays (JO L 331, p. 11, ci-après la
huitième directive).
6 –
Il résulte, cependant, entre autres, de l'article 8(1), paragraphe 1,
de l'arrêté royal n° 4, du 29 décembre 1969, relatif aux restitutions en matière de TVA (
Belgisch Staatsblad , du 31 décembre 1969, ci-après l'
arrêté royal n° 4), auquel la partie demanderesse se réfère dans ses observations écrites, et en particulier du deuzio, que les restitutions
qui atteignent un certain montant (apparemment 25 000 BFR pour les assujettis qui déposent des déclarations trimestrielles)
ne sont pas soumises à la règle de
l'année civile plus trois mois.
7 –
Il y est précisé que la demande doit parvenir au bureau central de la TVA en trois exemplaires, dans les cinq ans à compter
de la date à laquelle l'action en restitution est née, et qu'il doit s'agir de montants supérieurs à 1 100 BFR.
8 –
Le texte de la disposition se réfère à l'intérêt légal
exigible de plein droit (le texte néerlandais parle d'un intérêt
van rechtswege verschuldigd ). Il peut, dès lors, être raisonnable de supposer que l'intérêt qui doit être acquitté est un intérêt composé sur une base
mensuelle (il s'agit donc d'un intérêt qui doit être calculé non seulement sur le capital, mais également sur les intérêts
accumulés de chaque échéance). Par conséquent, le taux d'intérêt de 9,6 % sur douze mois (c'est-à-dire 0,8 % multiplié par
12) auquel s'est référé le conseil de la partie demanderesse à l'audience ne refléterait sans doute pas pleinement le taux
effectif applicable aux assujettis résidents conformément à l'article 91, paragraphe 3, du code, puisque, si l'intérêt est
composé mensuellement, le taux annuel s'élèverait en réalité à 10,9 %.
9 –
Dans ses observations, la partie demanderesse s'est aussi référée à l'article 8(1), paragraphe 3, troisième alinéa, de l'arrêté
royal n° 4. Cet article dispose apparemment que, en cas de remboursement relatif à des demandes qui satisfont les critères
de remboursement dans le trimestre ou le mois conformément à l'article 8 (1), paragraphe 2, deuzio, du code (voir la note
en bas de page n° 5), lesdits remboursements doivent être effectués dans un délai de trois ou deux mois respectivement à compter
du trimestre ou du mois auquel ces demandes ont trait. Puisque l'objectif de l'arrêté royal n° 4 est, entre autres, de mettre
en oeuvre l'article 76 du code, il n'y a pas de raison de penser que le taux d'intérêt de 0,8 % par mois en vigueur en vertu
de l'article 76, paragraphe 1
, du code ne s'appliquerait pas aussi aux demandes visées par l'article 8(1), paragraphe 2, de l'arrêté royal n° 4.
10 –
La Cour a été informée que, à dater du 1
er septembre 1996, le taux a été réduit à 7 % en vertu d'un arrêté royal du 4 août 1996, publié au
Belgisch Staatsblad du 15 août 1996. A l'audience, le conseil du royaume de Belgique a signalé à la Cour que le taux est essentiellement déterminé
en fonction du marché.
11 –
D'après les observations écrites du royaume de Belgique, la citation (
dagvaarding) a été signifiée le 27 juillet 1995 et la mise en demeure (
ingebrekestelling ) aux fins de faire courir les intérêts moratoires a été adressée le 26 août 1994. La détermination exacte définitive des
dates pertinentes est, naturellement, une question qui doit être résolue par la juridiction nationale.
12 –
Le royaume de Belgique avance dans ses observations écrites un montant de 142 176 BFR pour le premier semestre 1994 et un
montant de 181 710 BFR pour la période allant de janvier à mai 1995.
13 –
Le royaume de Belgique déclare dans ses observations écrites que les demandes pertinentes ont été présentées au cours de la
période du 18 janvier 1990 au 12 juin 1995 (ci-après la
période relative au remboursement). Il ressort clairement des observations écrites de Lease Plan (voir le point 19 ci-dessous) que sa demande concernant les
intérêts ne se rapporte qu'à la période à compter de l'expiration du délai de six mois après l'introduction des demandes de
remboursement.
14 –
La partie demanderesse déclare dans ses observations écrites qu'entre 1989 et 1993 elle a conclu huit contrats à long terme
avec des clients belges, auxquels viennent s'ajouter deux autres contrats respectivement avec une société néerlandaise et
une société suisse, en vertu desquels tous les véhicules donnés en leasing étaient achetés en Belgique.
15 –
Cité partiellement au point 3 ci-dessus.
16 –
Arrêt du 14 décembre 1995 (
C-16/95, Rec. p. I-4883, point 8).
17 –
Voir, à cet égard, l'avis que nous avons exprimé dans nos conclusions dans l'affaire Commission/Espagne, susmentionnée, point
14.
18 –
L'article 7, paragraphe 4, est cité intégralement au point 4 ci-dessus.
19 –
Arrêt du 13 juillet 1993 (
C-330/91, Rec. p. I-4017).
20 –
La partie demanderesse cite à cet égard, parmi d'autres arrêts, l'arrêt du 28 janvier 1986, Commission/France, dit
avoir fiscal (270/83, Rec. p. 273).
21 –
A l'audience, le conseil du royaume de Belgique a souligné que dans certains cas il y avait même des assujettis en Belgique
qui se voyaient refuser le bénéfice des dispositions plus favorables de l'article 92, paragraphe 3, du code, en matière de
remboursement de la TVA. L'exemple qui a été cité est celui d'un boulanger ayant acquis une nouvelle maison à des fins professionnelles
et privées et l'ayant ensuite vendue à perte, alors qu'elle était encore considérée comme neuve au regard de la TVA. Apparemment,
si un retard de remboursement de la différence entre la TVA en amont et celle en aval devait survenir dans un tel cas en Belgique,
l'article 92, paragraphe 4, du code régirait toute demande de remboursement subséquente.
22 –
Dans ses observations écrites, le royaume de Belgique compare la situation d'un assujetti résident et d'un non-résident ayant
tous les deux fait une demande de remboursement le 20 avril d'une année déterminée concernant le premier trimestre de la même
année. Alors que l'assujetti non-résident pourrait, selon lui, réclamer des intérêts à dater du 21 octobre de l'année en cause,
la somme due à l'assujetti résident ne pourrait, en vertu des articles 76, paragraphe 1
, et 91, paragraphe 3, du code, produire des intérêts qu'à compter du 1
er avril de l'année suivante. A l'audience, le conseil de Lease Plan, répliquant à ce moyen, a invoqué l'arrêt avoir fiscal
et déclaré que le simple fait qu'un assujetti non-résident bénéficie de façon avantageuse de dispositions dans certains cas
ne justifie pas qu'il subisse une discrimination dans d'autres cas, comme dans l'affaire au principal.
23 –
La Commission indique qu'elle a entamé une procédure en manquement au titre de l'article 169 du traité par l'envoi d'une mise
en demeure au royaume de Belgique le 5 juillet 1995 concernant, entre autres, la différence en matière de paiement d'intérêts
visée en l'espèce.
24 –
Il existe actuellement une jurisprudence abondante relative au champ d'application de l'interdiction contenue à l'article
6: voir, par exemple, les arrêts du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, Rec. p. 1, point 13); du 13 février 1985, Gravier
(293/83, Rec. p. 593, point 15); du 20 octobre 1993, Phil Collins e.a. (
C-92/92 et 326/92, Rec. p. I-5145, points 30 à 32),
et du 10 février 1994, Mund et Fester (
C-398/92, Rec. p. I-467, point 14).
25 –
Voir, par exemple, l'arrêt du 12 décembre 1974, Walrave et Koch (36/74, Rec. p. 1405, points 5 et 6).
26 –
Il est clair que Lease Plan a toujours été redevable de la TVA au Luxembourg à l'égard de ses activités de leasing. Les circonstances
de la présente espèce sont dès lors différentes de celles de l'affaire Debouche (arrêt du 26 septembre 1996,
C-302/93, Rec.
p. I-4495), où un avocat belge, exonéré de la TVA en vertu d'une disposition transitoire appliquée par le royaume de Belgique
sur la base de l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, pour ses prestations accomplies en tant qu'avocat
en Belgique, a tenté d'obtenir le remboursement de la TVA incluse dans le prix de leasing d'une voiture d'une société de leasing
aux Pays-Bas, qu'il utilisait exclusivement pour sa profession en Belgique.
27 –
Voir les arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz (168/84, Rec. p. 2251, point 14), et du 6 mars 1997, Linthorst, Pouwels en Scheres
(
C-167/95, Rec. p. I-1195, point 10).
28 –
La Cour a constamment jugé que des activités dont tous les éléments se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre ne tombent
pas dans le champ d'application de l'article 59; voir, par exemple, les arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser (
C-41/90,
Rec. p. I-1979, point 37), et du 17 juin 1997, Sodemare e.a. (
C-70/95, Rec. p. I-3395, points 38 et 39).
29 –
Elle se réfère aux arrêts du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, Rec. p. 377, point 16), et du 2 février
1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, point 15).
30 –
Dans l'arrêt du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders e.a. (352/85, Rec. p. 2085, point 16), la Cour a jugé que, s'agissant
de services fournis par un exploitant d'un réseau de câbles établi dans un État membre à des émetteurs établis dans un autre
État membre, il
import[ait] peu que ces émetteurs ne paient généralement pas eux-mêmes les exploitants de réseaux de câbles pour cette transmission, puisque
l'article 60 du traité n'exige pas que le service soit payé par ceux qui en bénéficient.
31 –
Voir, en ce qui concerne l'impôt sur les revenus, l'arrêt du 8 mai 1990, Biehl (
C-175/88, Rec. p. I-1779, point 14), et, en
ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, l'arrêt Commerzbank, précité, point 15.
32 –
Voir l'arrêt du 17 juillet 1963, Italie/Commission (13/63, Rec. p. 335, en particulier p. 360).
33 –
Voir, par exemple, l'arrêt du 13 décembre 1984, Sermide (106/83, Rec. p. 4209, point 28).
34 –
Voir le point 21 et la note en bas de page n° 20 ci-dessus.
35 –
Apparemment pour le 20 janvier de l'année suivante, lorsque la règle de
l'année civile plus trois mois s'applique, et, lorsque les déclarations sont faites trimestriellement, le vingtième jour du mois suivant la fin du trimestre:
voir l'article 8, (point 1), paragraphe 3, deuxième alinéa, de l'arrêté royal n° 4.
36 –
A titre de rappel, lorsque les déclarations sont faites trimestriellement, il semble que l'excédent de 25 000 BFR doit, si
une demande est présentée en ce sens, être remboursé dans un délai de trois mois à compter du trimestre auquel il se rapporte:
voir les articles 8, point 1, paragraphe 2, et 8, point 1, paragraphe 3, de l'arrêté royal n° 4: voir les notes en bas de
page n°
s 5 et 8, et le point 36 ci-dessus.