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Avis juridique important

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61999C0076

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 25 mai 2000. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Sixième directive TVA - Article 13, A, paragraphe 1, sous b) - Opérations étroitement liées - Notion. - Affaire C-76/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-00249


Conclusions de l'avocat général


1. Dans la présente affaire en manquement, la Commission conteste la distinction faite par les autorités fiscales françaises entre deux formes de contrats de coopération avec des laboratoires réalisant les analyses biologiques de prélèvements effectués sur des patients à la demande de leurs médecins. Dans les cas où le laboratoire effectuant le prélèvement est obligé par la législation française de transmettre ce dernier à un laboratoire plus spécialisé pour le faire analyser, le forfait que le laboratoire exécutant les analyses est tenu de verser au laboratoire transmetteur est soumis à la TVA. Cette dernière ne s'applique pas en revanche lorsque le prélèvement est transmis dans le cadre d'un accord contractuel volontaire. La Commission considère la distinction comme injustifiée. Selon elle, ces accords de coopération entre laboratoires devraient tous être considérés comme exonérés de la TVA au titre de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive sur la TVA .

I - Les faits et le contexte juridique

2. L'article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:

«Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

...

b) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus;

c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné...».

3. Aux termes de l'article 261-4-1 du code général des impôts applicable en République française, les analyses de biologie médicale sont exonérées de la TVA. D'après des instructions ministérielles de 1982, cette disposition vise à exonérer les examens biologiques destinés à «faciliter la prévention, le diagnostic ou le traitement des maladies humaines» .

4. L'article L. 760, cinquième alinéa, du code français de la santé publique (ci-après le «CSP») prévoit, dans sa version modifiée, que la transmission de prélèvements aux fins d'analyse ne peut être effectuée entre deux laboratoires qu'en application d'un «contrat de collaboration». Ces contrats doivent préciser la nature et les modalités des transmissions effectuées . Il semblerait que neuf laboratoires environ soient autorisés à effectuer de telles analyses et qu'ils ne peuvent facturer le service presté au laboratoire transmetteur qu'à un tarif minoré. En vertu de l'article L. 760, huitième alinéa, du CSP, ce dernier laboratoire reste responsable légalement vis-à-vis du patient pour ce qui a trait à l'analyse et à la facturation.

5. Certaines analyses ne peuvent pas faire l'objet de tels contrats de collaboration. À cet égard, l'article L. 759 du CSP prévoit que l'exécution des actes de biologie médicale qui requièrent une qualification spéciale ou qui nécessitent le recours soit à des produits présentant un danger particulier, soit à des techniques exceptionnellement délicates ou d'apparition récente, peut être réservée à certains laboratoires et à certaines catégories de personnes. La liste des laboratoires autorisés est dressée par le ministre de la Santé.

6. Néanmoins, pour assurer la couverture de tout le territoire, les patients ayant besoin d'analyses spécialisées peuvent faire effectuer le prélèvement nécessaire par un laboratoire ou un infirmier de leur choix, qui devra le transmettre à un laboratoire autorisé. Apparemment, lorsque les prélèvements sont effectués par des infirmiers, ils sont en général déposés en un premier temps dans une pharmacie avant d'être transmis au laboratoire spécialisé . Les contrats de collaboration obligatoires pour de telles analyses sont dénommés ci-après contrats à forfait.

7. L'article 36 de la loi n° 94-43, du 18 janvier 1994, qui modifie le dernier alinéa de l'article L. 760 du CSP, prévoit qu'un laboratoire assurant des analyses spéciales réservées dans le cadre de tels contrats à forfait doit verser au laboratoire qui a fait le prélèvement une indemnité forfaitaire pour la transmission dudit prélèvement. Le montant de cette indemnité est déterminé par arrêté ministériel. Le laboratoire spécialisé facture directement au patient l'analyse effectuée sur le prélèvement envoyé par le laboratoire transmetteur. Ce service n'est pas soumis à la TVA. Dans la mesure où le laboratoire ayant effectué le prélèvement facture cette opération au patient, la TVA n'est pas non plus applicable. Cependant, conformément à l'instruction 3 A-7-82, la TVA est due, dans le cas des contrats à forfait, sur les honoraires de transmission payables par le laboratoire analysant au laboratoire transmetteur. En d'autres termes, la TVA est payable sur le forfait payé par le laboratoire qui effectue l'analyse au laboratoire qui a effectué le prélèvement.

II - Le contexte

8. À la suite d'une plainte, la Commission a écrit aux autorités françaises le 25 janvier 1996 pour leur demander sur quelle base l'honoraire versé dans le cadre des contrats à forfait était soumis à la TVA . Dans leur réponse, les autorités françaises ont notamment cité un arrêt du Conseil d'État (République française), dans lequel les montants payables pour la transmission de prélèvements dans le cadre de contrats à forfait étaient qualifiés de paiements en contrepartie d'un «service d'apport d'affaires» .

9. Estimant que soumettre à la TVA les honoraires fixes payables dans le cadre des contrats à forfait constituait une infraction à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, la Commission a envoyé le 7 juillet 1997 une lettre de mise en demeure à la République française .

10. Le 5 mars 1998, la Commission a décidé d'envoyer un avis motivé, où elle confirmait le point de vue développé dans la lettre de mise en demeure, selon lequel la différence faite par les autorités françaises était artificielle, puisqu'elle revenait en fait à établir une distinction fondée sur le mode de rémunération du laboratoire effectuant les prélèvements . En effet, dans le cas des contrats de collaboration, le laboratoire ayant effectué le prélèvement était rémunéré grâce au tarif minoré demandé par le laboratoire d'analyses, puisque lui-même facturait le tarif plein au patient, tandis que, dans les contrats à forfait, sa rémunération était tirée de l'honoraire payé par le laboratoire exécutant les analyses. La Commission a observé que les montants payables étaient fixés par les pouvoirs publics et que, d'après les informations qu'elle avait reçues du secteur en question, leurs niveaux n'avaient rien d'excessif. La République française a par conséquent été invitée à prendre les mesures nécessaires pour remplir ses obligations au titre de la sixième directive dans les deux mois.

11. La République française a répondu par lettre du 28 mai 1998. Selon elle, les griefs de la Commission étaient dépourvus de fondement; si la coopération se manifestant dans le contexte d'un contrat de collaboration pouvait être qualifiée de forme classique de sous-traitance, la transmission de prélèvements dans le contexte de contrats à forfait était une forme de service d'apport d'affaires au laboratoire exécutant, qui était indépendant du service d'analyse fourni par ce dernier au patient. Elle s'est appuyée notamment sur les arrêts Henriksen et Commission/Royaume-Uni pour étayer son point de vue selon lequel il y avait deux opérations distinctes dans les contrats à forfait.

12. Ne partageant pas ce point de vue, la Commission a saisi la Cour le 3 mars 1999. Elle conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- constater qu'en percevant la TVA sur les indemnités forfaitaires de prélèvement d'analyses médicales, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 13 A-1-b de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 (sixième directive TVA);

- condamner la République française aux dépens.

III - Observations

13. La Commission estime que, dans le contexte de l'«hospitalisation et des soins médicaux», la notion d'«opérations étroitement liées» visée à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive inclut la transmission d'un prélèvement par le laboratoire l'ayant effectué à un autre laboratoire, aux fins d'analyses, puisque l'objectif du prélèvement est constitué par son analyse. Aucune distinction ne devrait être faite pour les contrats à forfait; l'envoi du prélèvement au laboratoire autorisé à effectuer les analyses est accessoire et étroitement lié à l'analyse de biologie médicale de ce prélèvement par ce dernier laboratoire, pour ne pas dire qu'il en fait partie intégrante; partant, cet envoi doit être considéré comme une opération «étroitement liée aux soins médicaux». La Commission conteste la pertinence de la jurisprudence Henriksen et Lunettes de correction invoquée par la République française dans sa réponse à l'avis motivé. Cette jurisprudence n'appuierait pas la proposition que les personnes effectuant les diverses opérations «étroitement liées» aux «soins médicaux» doivent être identiques.

14. Sans prendre position sur le fait que la législation française réserve l'accomplissement de certaines analyses à des laboratoires bien précis, la Commission rappelle que, même si les États membres peuvent fixer les conditions d'accessibilité d'une exonération au titre de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, la définition du contenu matériel des opérations couvertes par l'exonération ressortit au droit communautaire. Selon elle, la distinction litigieuse viole le principe de neutralité qui, avec le principe d'uniformité , exige que le champ d'application tant de la TVA que des exonérations soit interprété aussi objectivement que possible. Comme il n'y a pas de différence économiquement significative entre les deux catégories de contrats de coopération, leur différence de structure, telle qu'elle est imposée par le CSP, ne justifie pas la distinction faite entre elles aux fins de la TVA.

15. La République française fonde sa défense avant tout sur le principe bien établi que la portée des exonérations de la TVA est d'interprétation stricte . En ce qui concerne les contrats de collaboration, les honoraires convenus entre le laboratoire transmetteur et le laboratoire exécutant sont calculés de façon à permettre au premier de faire un bénéfice. La responsabilité de l'analyse reste cependant à la charge du laboratoire qui assure la facturation au patient et dont le directeur signe le compte-rendu d'analyse. La République française en conclut que, dans les contrats de collaboration, les deux laboratoires peuvent être considérés comme impliqués dans l'analyse de biologie médicale du prélèvement et que, par conséquent, l'exonération doit s'appliquer. Ce n'est pas le cas des contrats à forfait, où le laboratoire qui effectue l'analyse la facture au patient et paie un forfait au laboratoire transmetteur, pour couvrir les frais encourus par ce dernier . La République française estime que cette indemnité est destinée à rémunérer la contribution du laboratoire transmetteur au chiffre d'affaires du laboratoire analysant et qu'elle ne peut donc être qualifiée, aux fins de la TVA, d'«étroitement liée» à l'analyse à proprement parler.

16. La République française allègue qu'un ensemble d'opérations ne peut être qualifié d'opération unique aux fins de la TVA que si les opérations en question ne sont pas juridiquement distinctes et sont réalisées entre les mêmes personnes . Bien qu'il soit plus facile de démontrer le caractère dissociable de deux opérations tout à fait différentes, comme la livraison de biens et de services dans l'affaire Lunettes de correction, cela ne signifie pas, selon elle, que deux services économiquement, matériellement et juridiquement dissociables ou différents puissent être considérés comme étant un seul et unique service.

17. En ce qui concerne l'identité des parties, la République française observe que, dans l'affaire Henriksen, le bailleur et le locataire, respectivement, de l'appartement et de la place de stationnement étaient les mêmes. Dans la présente affaire cependant, tandis que les contrats de collaboration ne mettent en présence, en tant que parties, que le patient et le laboratoire effectuant le prélèvement, les relations s'établissent dans les contrats à forfait entre, respectivement, le patient et le laboratoire effectuant l'analyse, d'une part, et les deux laboratoires, d'autre part. Au demeurant, l'arrêt SDC exige, pour qu'une activité relève du champ d'application de l'exonération, qu'elle possède la fonction spécifique et essentielle de l'activité exonérée, ce qui, d'après la République française, ne serait pas le cas en l'occurrence .

18. Dans sa réplique, la Commission conteste la pertinence du fait que la responsabilité de l'analyse dans les contrats spéciaux incombe au laboratoire exécutant. Se référant à l'arrêt CPP, la Commission souligne que le facteur décisif, du point de vue du patient, est que la transmission du prélèvement ne constitue pas une fin en soi, mais plutôt une étape essentielle dans la réalisation d'une analyse . Elle met en garde contre tout raisonnement conduisant à retenir l'applicabilité d'une exonération en extrapolant à partir d'autres exonérations et elle insiste sur la nécessité de suivre avant tout une approche au cas par cas. L'arrêt SDC corroborerait son point de vue selon lequel il est important de considérer l'essence du service fourni, en l'occurrence l'analyse. La transmission du prélèvement constituerait une opération nécessaire d'appui technique .

19. Se référant à l'arrêt CPP, la République française allègue dans sa duplique que, lorsque des opérations spécifiques donnent lieu à une facturation séparée, comme c'est le cas en l'occurrence pour la transmission des prélèvements dans les contrats à forfait, il y a lieu de présumer que ces opérations sont distinctes . De surcroît, se rallier à l'analyse de la Commission signifierait que toute activité dont l'objet permet ou facilite en définitive l'exécution d'une opération exonérée relèverait du champ de cette exonération.

IV - Analyse

20. En l'espèce, le litige tourne dans une large mesure autour de la portée du principe selon lequel les cas d'exonération de la TVA sont d'interprétation stricte. Il est constant entre les parties que l'analyse médicale de sang ou d'autres fluides corporels prélevés sur des patients fait l'objet d'une exonération en tant qu'«opération étroitement liée» à «l'hospitalisation et [aux] soins médicaux» au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive. Les parties sont également unanimes à dire que l'opération de prélèvement est exonérée. Elles sont en désaccord sur le fondement exact de cette exonération. Selon la Commission, la prise du prélèvement devrait être considérée comme une opération «étroitement liée» aux soins médicaux, tandis que l'agent du gouvernement français a soutenu à l'audience qu'elle était exonérée «en tant qu'acte médical». Cette différence est cependant dépourvue de pertinence en l'espèce puisque «les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales...» sont exonérées au titre de l'article 13, A, paragraphe 1, sous c). La question fondamentale est donc de savoir si, compte tenu de la nécessité d'interpréter les exonérations de façon stricte, les différences structurelles et juridiques entre les contrats de collaboration et les contrats à forfait justifient le point de vue des autorités françaises selon lequel l'opération de transmission du prélèvement dans le cadre de ces derniers contrats peut être considérée comme un acte distinct et soumis à la TVA à ce titre.

21. À notre avis, si le principe d'interprétation stricte est sans conteste important pour définir le champ d'application des exonérations de TVA, il est loin d'être le seul pertinent. Ainsi, dans l'arrêt CPP, la Cour a observé que les exonérations prévues à l'article 13 de la sixième directive «constituent des notions autonomes du droit communautaire ayant pour objet d'éviter des divergences dans l'application du régime de la TVA d'un État membre à l'autre» . Dans l'arrêt Bulthuis-Griffioen, elle a déclaré que les exonérations «constituent des notions autonomes du droit communautaire» et que tel doit être également le cas «des conditions spécifiques qui sont exigées pour bénéficier de ces exonérations et, en particulier, de celles qui concernent la qualité ou l'identité de l'opérateur économique effectuant des prestations couvertes par l'exonération» . Plus récemment, dans son arrêt Gregg, la Cour, bien que soucieuse de délimiter les champs d'application personnels des «autres établissements de même nature dûment reconnus» et des «autres organismes reconnus comme étant à caractère social», visés à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b) et g), a refusé d'adopter une interprétation restrictive qui exclurait des exonérations correspondantes deux personnes physiques gérant une entreprise sous la forme juridique d'un «partnership» .

22. Dans nos conclusions dans l'affaire CPP, nous avons eu l'occasion d'observer qu'une exonération établie sans ambiguïté ne sera pas interprétée de façon particulièrement étroite . Cela peut être illustré par les affaires Muys' en De Winter's Bouw-en Aannemingsbedrijf et SDC, relatives à la portée de certaines des exonérations prévues à l'article 13, B, sous d), qui se rapporte en substance aux opérations de crédit. La Cour a jugé, en dépit du principe de l'interprétation stricte, que, «à défaut de précision de l'identité du prêteur ou de l'emprunteur, l'expression octroi et négociation de crédits est en principe suffisamment large pour inclure un crédit accordé par un fournisseur de biens sous la forme d'un sursis à paiement» . Ainsi que nous l'avons observé dans nos conclusions dans l'affaire CPP, «dans l'arrêt Muys, la Cour a rejeté l'argument de la Commission selon lequel la disposition avait une portée limitée aux seuls prêts et crédits octroyés par des institutions financières», tandis que, dans l'arrêt SDC, elle «a souligné ... l'importance du type d'opération effectuée (point 31) et, en se référant à l'arrêt Muys, a rejeté l'argument selon lequel la portée des exonérations prévues aux points 3 et 5 de l'article 13, partie B, sous d), était limitée aux organismes bancaires et financiers, ou dépendait à d'autres égards de la forme juridique spécifique de la société prestataire de services (points 34 et 35)» .

23. La notion d'«opérations étroitement liées» à «l'hospitalisation et [aux] soins médicaux» n'appelle pas a priori une interprétation particulièrement étroite. Il est clair que l'intention sous-jacente est de garantir que le bénéfice des soins médicaux et hospitaliers ne soit pas rendu inaccessible en raison du coût accru de ces soins s'ils étaient eux-mêmes, ou des opérations qui leur sont étroitement liées, soumis à la TVA . Nous considérons dès lors que toutes les activités directement et étroitement liées à la fourniture de soins médicaux et hospitaliers devraient, quelle que soit leur forme, être considérées comme couvertes par l'exonération.

24. Pour en venir aux faits de la présente affaire, nous ne sommes pas convaincu par l'argument générique, avancé à l'audience par l'agent du gouvernement français, selon lequel la transmission de prélèvements médicaux ne pourrait jamais en elle-même être considérée comme exonérée. Nous estimons, à l'instar de la Commission, qu'il faut tenir compte du but dans lequel les prélèvements sont effectués. Ils sont prescrits par des médecins qui fournissent soit des «soins» dans l'exercice de leur profession, au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, soit des soins hospitaliers et médicaux au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b). Lorsqu'un praticien soupçonne qu'un patient souffre d'une maladie spécifique, mais souhaite confirmer son diagnostic provisoire par une analyse, le prélèvement, qui est une étape centrale et un préalable indispensable à la réalisation de l'analyse, devrait, dans toute lecture normale des termes englobés dans la notion d'«opérations étroitement liées», être considéré comme lié de façon suffisamment étroite aux soins médicaux ou hospitaliers fournis par ce médecin. Même si l'analyse était demandée non par un médecin, mais par un autre professionnel de la santé dûment autorisé à cette fin, la transmission du prélèvement effectué ne pourrait être classée autrement. Si, d'autre part, comme dans l'affaire D/W, le but dans lequel l'analyse est demandée n'a aucun rapport avec la prévention, le diagnostic ou le traitement d'une maladie dont l'existence est suspectée ou a été constatée, nous ne croyons pas que l'exonération doive s'appliquer .

25. La République française fait valoir que, du point de vue de ses services fiscaux, la transmission de prélèvements dans le cadre de contrats à forfait ne peut être considérée, aux fins de la TVA, comme étant purement accessoire à ou comme faisant partie intégrante de l'analyse elle-même, car cette transmission peut être qualifiée de service d'apport d'affaires au bénéfice du laboratoire exécutant, puisque le laboratoire assurant le prélèvement permet effectivement à ce dernier de réaliser un chiffre d'affaires. À l'appui de ce point de vue, la République française se réfère, en les extrapolant, à deux critères tirés de la jurisprudence de la Cour, à savoir que les parties aux opérations réputées constituer un tout indissociable doivent être les mêmes et que ces opérations ne doivent pas être juridiquement et économiquement distinctes.

26. C'est à notre avis à tort que la République française s'appuie en particulier sur la jurisprudence Kerrutt, Henriksen et CPP. Dans l'affaire Kerrutt, la Cour était appelée à examiner si les livraisons de biens et de services pour la construction d'un bâtiment par une entreprise, combinées à la livraison du terrain par une autre entreprise, pouvaient être considérées comme une livraison unique aux fins de l'exonération transitoire des livraisons de bâtiments et de terrains prévue par l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive et par le point 16 de son annexe F. La Cour a jugé, et ce n'est pas une surprise, que «des opérations juridiquement distinctes de l'opération portant sur le terrain, intervenue avec un autre entrepreneur, ne peuvent être considérées comme formant, ensemble avec cette dernière opération, une unité susceptible d'être qualifiée de livraison unique d'un bâtiment ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant» . Dans la présente affaire cependant, à la différence de la multiplicité des services exigés par la construction d'un bâtiment, nous avons affaire essentiellement à un service unique, consistant en l'analyse médicale d'un prélèvement. Le fait que, pour des raisons de santé publique, le CSP rend le laboratoire exécutant responsable de l'analyse vis-à-vis du patient ne peut à lui seul justifier de considérer la transmission du prélèvement à ce laboratoire par un autre laboratoire comme une opération distincte.

27. L'arrêt Henriksen n'apporte rien non plus à la thèse française. Dans cette affaire, la Cour était invitée à dire si une location de garages pouvait échapper à la TVA au motif que, étant liée à celle de plusieurs maisons situées à proximité, elle devait être exclue, aux fins de l'article 13, B, sous b), de la sixième directive, de l'exception à l'exonération de «l'affermage et la location de biens immeubles...» constituée par «la location d'emplacements pour le stationnement des véhicules». La Cour a appliqué le principe accessorium sequitur principale et a jugé que la location d'emplacements pour le stationnement des véhicules est exonérée «lorsque cette location est étroitement liée à la location, elle-même exonérée, d'immeubles destinés à un autre usage ... en ce sens que les deux locations forment une opération économique unique» . La condition énoncée par la Cour était que les deux opérations soient étroitement liées entre elles, de sorte qu'elles puissent être considérées comme une unité. Le fait qu'elle a ensuite considéré, au vu des faits de l'affaire Henriksen, que cette condition était remplie notamment parce que «ces deux biens sont loués au même locataire par le même propriétaire» ne signifie pas que les parties aux transactions en cause doivent toujours être les mêmes . À l'instar de la Commission, nous estimons que l'identité des parties devrait simplement être considérée comme une indication que le lien entre les opérations est peut-être suffisamment étroit pour justifier leur traitement comme une livraison unique.

28. Dans l'affaire CPP, relative au point de savoir si les divers services fournis dans le cadre d'un plan conçu pour offrir aux détenteurs de cartes de crédit, contre paiement d'une certaine somme, une protection contre le préjudice financier et les inconvénients résultant, entre autres, de la perte ou du vol de leurs cartes, pouvaient bénéficier de l'exonération des opérations d'assurance prévue à l'article 13, B, sous a), de la sixième directive, la Cour s'est référée aux «critères adéquats pour décider, au regard de la TVA, si une opération qui se compose de plusieurs éléments doit être considérée comme une prestation unique ou comme deux ou plusieurs prestations distinctes devant être appréciées séparément». Elle a estimé que, «eu égard à la diversité des transactions commerciales, il est impossible de donner une réponse exhaustive quant à la manière d'aborder correctement le problème dans tous les cas» . Elle a expliqué que, «lorsque l'opération en cause est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu d'abord de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule l'opération en question» . La chose a son importance dans la présente affaire, qui concerne la notion d'«opérations étroitement liées», car, aux termes de l'article 13, B, sous a), l'exonération des «opérations d'assurance et de réassurance» inclut les «prestations de services afférentes à ces opérations...».

29. Selon nous, il découle clairement de l'approche suivie dans l'affaire CPP que c'est la nature et la finalité d'une opération, vues du point de vue du consommateur, qui sont décisives . Cette approche est également applicable en l'espèce. Passant généralement par l'intermédiaire du médecin qui le conseille, le patient demande qu'un prélèvement soit effectué et analysé. Il lui importe peu que le laboratoire effectuant le prélèvement assure également l'analyse, la sous-traite à un autre laboratoire tout en restant entièrement responsable de l'analyse à son égard ou, en raison du type d'analyse en question, soit obligé de transmettre le prélèvement à un laboratoire spécialisé. Le seul fait que ce dernier assume la responsabilité clinique de l'analyse et que le patient reçoive dans ces cas deux factures, la première dudit laboratoire et l'autre du laboratoire ayant effectué le prélèvement, ne suffit pas à défaire l'unité du service global d'analyse de prélèvement fourni au patient.

30. Nous avons dès lors la conviction que la prise du prélèvement et sa transmission peuvent être considérées comme «des prestations accessoires», qui devraient partager «le sort fiscal de la prestation principale», à savoir l'analyse de biologie médicale. Elles remplissent donc la condition d'être «étroitement liées» aux «soins médicaux» au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive. Dans l'arrêt CPP, la Cour a déclaré qu'«une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire» . La prise à l'état stérile de prélèvements non contaminés et leur acheminement dans de bonnes conditions de sécurité vers le laboratoire d'analyses constituent clairement deux étapes fondamentales et nécessaires dans la réalisation d'une analyse bien conduite, qui est le principal service d'intérêt public en question.

31. S'il est vrai que la Cour a reconnu dans l'arrêt CPP que la facturation d'un prix unique, quoique non décisive, «peut militer en faveur de l'existence d'une prestation unique», cela ne justifie pas en l'espèce l'argument a contrario employé par la République française, selon lequel le simple fait que le patient reçoit deux factures dans le cadre des contrats à forfait justifierait le traitement fiscal séparé de tels contrats . Il vaut la peine d'observer que, pour la double facturation dans le cas des contrats à forfait, nul n'a suggéré que le montant total des deux factures dépasserait en général celui de la facture unique reçue lorsqu'il existe un contrat de collaboration entre les laboratoires. Plus généralement, nous sommes enclin à penser que la République française se trompe en s'appuyant sur l'arrêt CPP. Il n'y a pas, dans les contrats de collaboration ou dans les contrats à forfait, de bouquet de services semblable à ceux dont il était question dans l'affaire CPP, dont la Commission affirmerait qu'ils devraient faire l'objet d'un traitement identique aux fins de la TVA. Au contraire, le recours de la Commission est fondé sur la simple observation que la prise et la transmission de prélèvements dans de bonnes conditions de sécurité constituent des étapes fondamentales et nécessaires dans le processus de prestation d'un service d'analyse médicale. Le rôle joué par le laboratoire effectuant le prélèvement n'est pas comparable, quoique la République française en dise, à celui d'un agent qui apporterait une affaire au laboratoire exécutant. La seule circonstance qu'en vertu du CSP, le laboratoire effectuant le prélèvement n'a pas le droit de faire certaines analyses, mais doit transmettre le prélèvement dans ces cas à un laboratoire spécialisé, ne change en rien le fait que l'opération réalisée est liée à des soins médicaux.

32. La République française ajoute qu'accepter de voir dans la transmission du prélèvement une étape nécessaire et liée de façon suffisamment étroite au processus menant à la réalisation de l'analyse proprement dite pourrait comporter le risque d'étendre l'exonération à tous les biens fournis aux laboratoires effectuant les prélèvements ou les analyses et utilisés par eux dans leurs travaux . Nous n'acceptons pas ce type d'arguments fondés sur la menace d'une «ouverture des vannes». À l'instar de la Commission, nous pensons que le principe général selon lequel les exceptions à l'applicabilité de la TVA sont d'interprétation stricte exclut une interprétation aussi large de l'exonération. Les biens livrés aux laboratoires par des tiers qui ne participent pas directement à diverses étapes de la prise du prélèvement et de la réalisation de l'analyse de biologie médicale ne sauraient donc être considérés comme relevant de son champ d'application. Ainsi que la Cour l'a souligné, à propos de l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, dans son arrêt Lunettes de correction, «à part les petites fournitures qui sont strictement nécessaires au moment de la prestation de soins à la personne, la livraison des médicaments et des autres biens, telles les lunettes de correction prescrites par le médecin ou par d'autres personnes autorisées, est matériellement et économiquement dissociable de la prestation de services» .

33. Finalement, dans une affaire de TVA, où la distinction, fondée sur des raisons de santé publique, faite par le CSP entre les deux types de contrats de collaboration n'est pas en cause, il importe également de prendre en considération les données économiques fondamentales qui sous-tendent la différence de nature supposée entre les deux types de contrats en question. En d'autres termes, pour que la distinction fiscale établie par les autorités françaises soit justifiée, elle devrait être fondée sur une distinction économique plausible. Selon la République française, cette distinction existe entre l'indemnité que le laboratoire exécutant doit payer au laboratoire transmetteur dans le cadre d'un contrat à forfait et le système appliqué dans les contrats de collaboration, où le laboratoire exécutant offre un tarif minoré au laboratoire transmetteur, lequel facture en revanche le tarif plein au patient. Cette distinction, à supposer qu'elle existe, ne repose en fait sur aucune différence. Ainsi que l'agent de la Commission l'a souligné à l'audience, d'un point de vue économique, les deux méthodes de paiement sont identiques. Dans le cas des contrats à forfait, le patient reçoit du laboratoire ayant effectué le prélèvement une facture qui portera uniquement sur la réalisation du prélèvement. La Cour a été explicitement informée à l'audience par l'agent du gouvernement français que le laboratoire exécutant ne peut répercuter, sur la facture séparée qu'il présente au patient, l'honoraire qu'il verse au laboratoire ayant effectué le prélèvement. Le patient ne paiera donc apparemment à ce laboratoire que le total du montant de l'analyse . En revanche, dans les contrats de collaboration, la facture envoyée au patient par le laboratoire ayant effectué le prélèvement inclura à la fois un honoraire d'analyse au tarif plein et un honoraire pour le prélèvement. Néanmoins, la finalité dans le contrat à forfait et dans le contrat de collaboration respectivement du forfait et de l'honoraire minoré est la même: il s'agit dans les deux cas de rémunérer le laboratoire ayant effectué le prélèvement pour le rôle qu'il a joué dans le cadre de la procédure d'analyse. Il n'y a donc aucune raison économique de faire une distinction entre les deux.

34. Nous sommes dès lors convaincu qu'aucune distinction pertinente, aux fins de la TVA, ne peut se fonder sur la différence de structure entre les contrats à forfait et les contrats de collaboration. Le fait que, dans les contrats à forfait, la transmission du prélèvement au laboratoire effectuant l'analyse est obligatoire et que ce dernier est mis d'office en relation avec le patient parce qu'il est juridiquement responsable de l'analyse et de la facturation (au moins pour la partie de la procédure globale qui inclut l'analyse médico-biologique à proprement parler) ne justifie pas le point de vue des autorités fiscales françaises selon lequel la transmission des prélèvements dans le cadre de tels contrats peut être considérée comme une opération distincte aux fins de la TVA, de sorte que le forfait payable à ce titre pourrait être soumis à cet impôt. Il convient donc de faire droit aux conclusions de la Commission.

V - Conclusion

Par conséquent, nous proposons à la Cour de:

1) constater que, en percevant la TVA sur les indemnités forfaitaires de prélèvement d'analyses médicales, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme;

2) condamner la République française aux dépens.