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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
MME CHRISTINE STIX-HACKL
présentées le 30 janvier 2003(1)


Affaires C-212/01



Margarete Unterertinger
contre
Pensionsversicherungsanstalt der Arbeiter



[demande de décision préjudicielle formée par le Landesgericht Innsbruck (Autriche)]

et C-307/01



Dr Peter d'Ambrumenil et Dispute Resolution Services Dd
contre
Commissioners of Customs & Excise



[demande de décision préjudicielle formée par le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni)]

«TVA – Article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE – Exonération – Notion de prestations de soins à la personne – Absence de but thérapeutique de la prestation – Prestations médicales ayant un caractère d'expertise»






I –    Introduction

1.        Les questions préjudicielles déférées à la Cour de justice par le Landesgericht Innsbruck (Autriche) et le VAT and Duties Tribunal, London Tribunal Center (Royaume-Uni), dans les deux affaires qui font l’objet des présentes conclusions concernent toutes le champ d’application de l’exonération de la TVA pour les «prestations de soins à la personne» prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ─ Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1) (ci-après la «sixième directive»).

2.        Concrètement, dans l’affaire C-212/01, il est question de la constatation de l’invalidité ou de la validité d’une personne demandant une pension d’invalidité par un médecin commis en tant qu’expert par une juridiction ou un office d’assurance pension. L’affaire C-307/01 porte sur une série d’activités médicales qui sont exercées sur mandat des employeurs ou des assureurs ou qui ont pour objet l’établissement de certificats médicaux ou d’expertises médicales, par lesquels doivent être constatés l’état de santé d’une personne ou le respect de conditions pour l’obtention de certains droits.

3.        Les deux affaires soulèvent notamment des questions relatives à la portée de l’arrêt du 14 septembre 2000 rendu dans l’affaire D.  (2) , dans lequel la Cour de justice a déclaré que la constatation d’une affinité génétique fondée sur des analyses biologiques ne relevait pas de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

II –   Cadre juridique

A –    Le droit communautaire

4.        L’article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive prévoit l’exonération de la TVA pour certaines «activités d’intérêt général».

5.        L’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive dispose:

« Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[...]

c)les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné ».

B –    Le droit national

1.        Dans l'affaire C-212/01

6.        L’exonération des professions libérales en Autriche est réglée à l’article 6, paragraphe 1, de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, ci-après l’ «UstG»). Cette disposition prévoit, entre autres, ceci:Sont exonérés parmi les chiffres d’affaires couverts par l’article 1, paragraphe 1, point 1:

[...]

19.     Les chiffres d’affaires résultant de l’activité des médecins, dentistes, psychothérapeutes, sages-femmes ainsi que des travailleurs indépendants au sens de l’article 52, paragraphe 4, du Bundesgesetz publié au BGBl n° 102/1961 tel que modifié au BGBl n° 872/1992 et de l’article 7, paragraphe 3, du Bundesgesetz BGBl n° 460/1992; sont également exonérées les autres prestations fournies à leurs membres par les groupements dont les membres appartiennent aux professions mentionnées ci-dessus dans la mesure où ces prestations sont directement utilisées pour la réalisation des chiffres d’affaires exonérés en vertu de ces dispositions et où les groupements exigent uniquement de leurs membres le remboursement exact de leur quote-part des coûts communs; [...] ».

2.        Dans l'affaire C-307/01

7.        En vertu du point 1, sous a), du groupe 7, intitulé «Santé et bien-être», de l’annexe 9 de la Value Added Tax Act (loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée) 1994, les prestations suivantes sont exonérées de la taxe, en vertu de l’article 31 de la loi:

« 1.Les prestations de services par une personne inscrite ou enregistrée dans l’un des registres suivants:

a)le registre des médecins [...] »

8.        En ce qui concerne cette disposition, la note 2 précise ce qui suit:

«(2) Paragraphe [...] (a) [...] du point 1 inclut les prestations de services effectuées par une personne qui n’est pas inscrite ou enregistrée dans un quelconque des registres [...] spécifiés dans [ce paragraphe] lorsque ces services sont entièrement prestés ou directement supervisés par une personne ainsi enregistrée ou inscrite.»

III –   Faits, procédure et questions préjudicielles

A –    Dans l'affaire C-212/01

9.        Les questions préjudicielles déférées dans l’affaire C-212/01 ont pour cadre une procédure devant le Landesgericht Innsbruck, siégeant en tant que tribunal des affaires sociales et du travail, qui, entre-temps, n’a plus pour objet que les dépens de la procédure, à la suite du décès de la requérante au principal, M me Margarete Unterpertinger.

10.      La procédure avait pour objet à l’origine un recours introduit par Mme Unterpertinger contre une décision de rejet de la Pensionsversicherungsanstalt der Arbeiter (office d’assurance pension des travailleurs, ci-après la «défenderesse»). La juridiction de renvoi, siégeant en tant que tribunal des affaires sociales et du travail, devait trancher la question de savoir si la défenderesse devait octroyer à la requérante une pension d’invalidité à dater du 1 er août 1999, à concurrence du montant prévu par la loi.

11.      Devant la juridiction de renvoi, la défenderesse a défendu l’opinion selon laquelle la requérante pouvait exercer encore toute une série de professions sur le marché du travail général. La requérante a rétorqué qu’elle était invalide au sens de la loi.

12.      Aux fins d’apprécier les prétentions contradictoires, la juridiction de renvoi a ordonné, le 3 avril 2000, diverses expertises médicales.

13.      Après la présentation de ces expertises, la requérante est subitement décédée, de sorte que la juridiction de renvoi a dû prononcer la suspension de la procédure.

14.      Le litige ne portait désormais plus que sur les dépens de la procédure. En ce qui concerne l’objet résiduel de la procédure, seuls la partie défenderesse et l’expert médical étaient encore parties au procès.

15.      Cet expert, spécialisé en psychiatrie et neurologie, commis par le Landesgericht Innsbruck, siégeant en tant que tribunal des affaires sociales, a porté en compte la TVA pour ses prestations d’expert.

16.     À l’audience, la partie défenderesse, qui, en toute hypothèse, doit supporter les dépens de la procédure en vertu de l’article 77 de l’Arbeits- und Sozialgerichtsgesetz (loi sur les tribunaux du travail et des affaires de sécurité sociale), a contesté la note d’honoraires de l’expert, dans la mesure où ce dernier y avait calculé une TVA de 20 %. À l’exception de ce montant, le fondement et le montant des honoraires n’ont pas été remis en cause. Les honoraires de l’expert ont été tout d’abord acquittés sans la TVA.

17.      La juridiction de renvoi a fait savoir aux parties qu’elle allait trancher par écrit la question relative au montant des honoraires soumis à la TVA de 20 %. C’est dans ce contexte qu’ont été déférées les questions préjudicielles de l’espèce.

18.      D’après le Gebührenanspruchsgesetz (loi autrichienne sur les honoraires), un expert a également droit au remboursement de la TVA qui frappe ses honoraires si et dans la mesure où ses prestations y sont soumises.

19.      Par conséquent se pose à la juridiction de renvoi la question de savoir si les prestations médicales de l’expert médical sont ou non exonérées de la taxe sur le chiffre d’affaires.

20.      De l’avis de la juridiction de renvoi, le texte de l’article 6, paragraphe 1, point 19, de l’UstG ne permet pas de déterminer avec certitude si les examens médicaux visant à constater ou à exclure une invalidité ou une incapacité professionnelle relèvent également de cette exonération. La juridiction de renvoi fait observer que la disposition précitée, en dépit de son libellé différent, transpose en droit autrichien l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive et qu’elle doit par conséquent être interprétée en conformité avec celle-ci.

21.      Par conséquent, par ordonnance du 9 mai 2001, le Landesgericht Innsbruck a déféré à la Cour de justice les questions à titre préjudiciel suivantes, en application de l’article 234 CE:

« 1)L’article 13, partie A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ─ Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme doit-il être interprété en ce sens que l’exonération de taxe sur le chiffre d’affaires prévue par cette disposition ne s’applique pas aux revenus de l’activité d’un médecin consistant à constater l’invalidité ou la validité du demandeur d’une pension?

2)L’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes rendu le 14 septembre 2000 dans l’affaire C-384/98 doit-il être interprété en ce sens que les consultations médicales et les diagnostics, basés sur ces consultations, constatant ou infirmant l’invalidité ou l’incapacité professionnelle, n’entrent pas dans le champ d’application de la disposition mentionnée dans la question 1, que le médecin agissant comme expert ait été ou non mandaté par une juridiction ou un organisme d’assurance pension? »

B –    Dans l'affaire C-307/01

22.      Le docteur Peter d’Ambrumenil est médecin généraliste. En tant que tel, il a tout d’abord exercé au sein du National Health Service et a soigné des patients dans son propre cabinet jusqu’en 1997. De plus, il a fréquemment travaillé en tant qu’expert médical auprès des juridictions, ainsi qu’en tant que médiateur (Mediator) et en tant qu’arbitre (Arbitrator).

23.      En 1994, il a fondé la Dispute Resolution Services Limited (ci-après la «DRS»), une société à responsabilité limitée qui a désormais repris l’essentiel de ses activités professionnelles ─ à quelques exceptions près, qui ne concernent pas son activité médicale ou juridique.

24.      Ces activités professionnelles concernent la fourniture d’une série de différents services, telle la réalisation d’examens ou de tests médicaux, ainsi que l’établissement de certificats médicaux.

25.      Par lettre du 29 décembre 1997, le Dr d’Ambrumenil s’est vu communiquer une décision des Commissioners of Customs & Excise selon laquelle certains des services fournis par lui et/ou la DRS relevaient du point 1, sous a), du groupe 7 de l’annexe 9 des Value Added Tax Acts et étaient donc exonérés de la TVA.

26.      La procédure au principal avait pour objet le recours introduit par le Dr d’Ambrumenil et la DRS  (3) à l’encontre de cette décision. Le litige porte en l’espèce sur le régime TVA applicable à certains services. Alors que les requérants au principal sont d’avis que les services litigieux sont des prestations imposables, les Commissioners of Customs & Excise ─ ci-après les «défendeurs au principal» ─ défendent l’opinion selon laquelle ces services sont exonérés de la TVA en vertu des dispositions des Value Added Tax Acts, qui transposent l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

27.      En ce qui concerne certains services, le litige aurait déjà pu être tranché par un accord entre les parties ou par une décision de la juridiction. En ce qui concerne les autres activités médicales, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à l’interprétation correcte de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive. Dans l’ordonnance de renvoi, elle décrit ces activités comme suit:

–examens médicaux de particuliers réalisés au profit de l’employeur: ces derniers englobent un examen physique et/ou psychologique d’un employé potentiel, qui est réalisé pour le futur employeur et qui peut inclure un questionnaire standard. Ne sont pas visés un traitement médical ou un conseil donné à l’employé potentiel sur son état santé. Dans certains cas, l’employé potentiel peut être un ancien patient ou un patient actuel du Dr d’Ambrumenil, que ce dernier a traité ou conseillé par le passé; dans d’autres cas, il ne s’agit ni d’un ancien patient ni d’un patient actuel de ce dernier;

–examens médicaux de particuliers réalisés au profit des assureurs: cette activité englobe un examen physique et/ou psychologique du preneur d’assurance potentiel aux fins d’une assurance maladie permanente ou d’une assurance vie et peut comporter un questionnaire standard. Ne sont pas visés un traitement médical ou un conseil donné au preneur d’assurance potentiel sur son état de santé. Dans certains cas, le preneur potentiel peut être un ancien patient ou un patient actuel du Dr d’Ambrumenil, que ce dernier a traité ou conseillé par le passé; dans d’autres cas, il ne s’agit ni d’un ancien patient ni d’un patient actuel de ce dernier;

–examens à d’autres fins: font partie de cette catégorie les prises de sang ou d’autres examens corporels aux fins d’établir la présence de virus, d’infections ou d’autres maladies, notamment le virus HIV. Cette activité est exercée à la demande et pour le compte des employeurs ou des assureurs et peut concerner tant des anciens patients ou des patients actuels du Dr d’Ambrumenil que d’autres personnes;

–certificats médicaux: il s’agit ici de certificats médicaux relatifs à une aptitude physique, comme l’aptitude à voyager, établis à la demande de la personne elle-même, qui peut être un ancien patient ou un patient actuel du Dr d’Ambrumenil, mais pas nécessairement. Cette activité fait appel aux compétences médicales du Dr d’Ambrumenil et peut comporter un examen physique ou psychologique;

–certificats relatifs à la santé d’une personne établis à d’autres fins, comme des pensions de guerre: font partie de cette catégorie, par exemple, des certificats établis aux fins de constater le bien-fondé d’un droit à une pension de guerre, concernant une personne qui présente des symptômes qui sont dus à des blessures encourues au cours du service militaire. Cette activité englobe en général un examen physique de la personne, qui peut être un patient du Dr d’Ambrumenil, mais pas nécessairement, mais n’implique toutefois aucun traitement des symptômes;

–expertises médicales portant sur des lésions corporelles: il s’agit ici d’établir des expertises médicales portant sur des questions de responsabilité et d’évaluer les dommages et intérêts pour les personnes qui envisagent d’introduire un recours. Cette activité fait appel aux compétences médicales du Dr d’Ambrumenil pour déterminer la cause, l’ampleur et le pronostic relatifs à la lésion et peut englober l’examen du requérant potentiel. Cette activité n’englobe pas le traitement du requérant potentiel;

–expertises médicales portant sur des erreurs médicales: il s’agit ici d’établir des expertises médicales pour des personnes qui envisagent d’introduire un recours en raison d’une erreur médicale. Cette activité fait appel aux compétences médicales pour établir la cause, l’ampleur et le pronostic relatifs à la lésion, la question de la responsabilité et l’évaluation des dommages et intérêts, et peut englober l’examen de la personne, même si cela n’est généralement pas le cas. Le traitement de l’état de santé de la personne n’est pas visé.

28.      Dans l’ordonnance de renvoi, la juridiction de renvoi fait en outre observer que l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire D. indique certes que l’activité d’un médecin dans le cadre de l’examen et de l’expertise relatifs à une question de paternité ne relevait pas de l’exonération, mais que toutefois cette activité n’avait rien à voir avec la santé d’une personne, à l’inverse des activités litigieuses dans le cas d’espèce.

29.      Par conséquent, par ordonnance du 6 juin 2001, le VAT and Duties Tribunal, London Tribunal Center, a déféré à la Cour de justice la question préjudicielle suivante:

« L’article 13, partie A, paragraphe 1, sous c), de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires doit-il être interprété en ce sens qu’il s’applique aux prestations suivantes lorsqu’elles sont effectuées dans l’exercice d’une profession médicale telle que définie par l’État membre:

a)procéder à des examens médicaux de particuliers à la demande d’employeurs ou de compagnies d’assurances,

b)procéder à des prises de sang ou au prélèvement d’autres échantillons corporels afin d’y tester la présence de virus, d’infections ou d’autres maladies à la demande d’employeurs ou de compagnies d’assurances,

c)délivrer un certificat médical d’aptitude, par exemple d’aptitude à voyager,

d)délivrer des certificats médicaux dans le cadre de l’octroi d’une pension de guerre,

e)procéder à des examens médicaux en vue de préparer un rapport médical d’expert relatif à des questions de responsabilité et à l’évaluation du dommage subi par des particuliers envisageant d’introduire une action en justice pour dommages corporels,

f)préparer des rapports médicaux

i)suite aux examens dont il est fait référence au point e) et

ii)basés sur des notes médicales mais sans toutefois procéder à un examen médical,

g)effectuer des examens médicaux en vue de préparer des rapports médicaux d’experts relatifs à des cas d’erreurs médicales à la demande de personnes envisageant d’introduire une action en justice,

h)préparer des rapports médicaux

i)suite aux examens dont il est fait référence au point g) et

ii)basés sur des notes médicales mais sans toutefois procéder à un examen médical? »

IV –   Observations des parties

A –    Dans l'affaire C-212/01

30.      Le gouvernement autrichien ─ tout comme la Commission ─ n’a pas présenté d’observations distinctes sur la deuxième question préjudicielle et a répondu en même temps aux deux questions.

31.      Selon le gouvernement autrichien , l’arrêt D.  (4) a suffisamment répondu à la question de savoir si des activités d’expertise réalisées dans le cadre d’une procédure en matière sociale sont ou non soumises à la taxe sur le chiffre d’affaires. Dans cet arrêt, la Cour de justice a considéré qu’une prestation médicale «consistant non pas à délivrer des soins aux personnes, en diagnostiquant et en traitant une maladie ou toute autre anomalie de santé» était soumise à la taxe sur le chiffre d’affaires. Si l’on part de la position adoptée dans cet arrêt, à savoir que la disposition dérogatoire de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive ne s’applique qu’aux prestations médicales à but thérapeutique, il faudrait également supposer que l’activité d’expertise d’un médecin consistant uniquement à constater l’invalidité ou la validité d’une personne sollicitant une pension d’invalidité n’est en aucun cas soumise à exonération. Cette conclusion se fonde notamment sur le principe selon lequel les dispositions en matière d’exonération de la taxe sur le chiffre d’affaires sont d’interprétation stricte.

32.      L’argumentation de la Commission correspond pour l’essentiel à celle du gouvernement autrichien. Elle fait valoir que, contrairement à ce qui est prévu à l’article 4, paragraphe 1, point 19, de l’UstG, l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive n’exonère pas de la taxe sur le chiffre d’affaires toutes les activités d’un médecin. Elle s’oppose à l’opinion du gouvernement du Royaume-Uni, selon laquelle la notion d’activité de médecin figurant dans la directive 93/16/CEE visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres  (5) , serait transposable au cas d’espèce. Selon la Commission, cette directive poursuivrait un autre but que celui de la sixième directive et ne contiendrait pas de définition exhaustive de la notion d’activité de médecin. Dans l’arrêt D.  (6) , la Cour de justice aurait clairement précisé les activités médicales qui ne relevaient pas de la notion de «prestations de soins à la personne». La Commission soutient que la Cour de justice aurait confirmé cette jurisprudence, qui opère une distinction selon la finalité de la prestation médicale, dans son arrêt du 11 janvier 2001, rendu dans l’affaire Commission/France  (7) . Cependant, selon la Commission, le but thérapeutique, qui constitue le critère déterminant selon cette jurisprudence, doit se comprendre de manière large et inclut des mesures de contrôle et de prévention. De manière générale, affirme la Commission, il ne faut pas prendre en considération le type d’activité ou les actes médicaux particuliers, mais la finalité de l’activité médicale.

33.      De l’avis de la Commission, la constatation de l’invalidité d’une personne sollicitant une pension d’invalidité, dans le cadre d’une procédure judiciaire, ne poursuit toutefois aucun but thérapeutique, d’autant plus que, ce faisant, on cherche exclusivement à éclaircir une question juridique. Par conséquent, affirme la Commission, cette activité doit se voir appliquer, du point de vue de la taxe sur le chiffre d’affaires, le même régime fiscal que l’activité d’experts judiciaires d’autres disciplines, tels que les experts-comptables ou les ingénieurs, et ne relève donc pas de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c). Le fait que l’expert a été commis par le tribunal serait, à cet égard, sans importance. Seule importe la finalité de la prestation médicale.

34.      En ce qui concerne la question, soulevée notamment à l’audience, de l’applicabilité pratique de la déduction de l’impôt préalable lorsque toutes les prestations médicales ne sont pas exonérées, la Commission a déclaré que cela ne poserait pas plus de problème en l’espèce que dans d’autres cas, dans lesquels les biens et services sont utilisés tant pour des opérations soumises à la TVA que pour des opérations non soumises à la TVA. En effet, selon la Commission, la déduction de l’impôt préalable n’est pas calculée par rapport au bien particulier utilisé, mais en appliquant un prorata à l’ensemble des opérations de l’assujetti.

35.      Le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que l’activité dont il est question dans la présente affaire, à savoir, tout d’abord, un examen médical suivi de l’évaluation de l’état de santé d’une personne ─ avec pour conséquence, selon le gouvernement du Royaume-Uni, l’établissement d’un diagnostic ─, faisait partie des tâches centrales de la profession de médecin et, par conséquent, relevait de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

36.      Il fait valoir qu’il ressort tant du texte de l’exonération que d’une comparaison avec la directive 93/16, qui est transposable à cet égard  (8) , que les tâches de la profession de médecin vont au-delà du simple traitement de maladies stricto sensu. Les activités d’un médecin incluent, par exemple, la médecine prophylactique, comme les vaccinations, mais également des prestations dans les domaines de la régulation des naissances et de l’obstétrique, ainsi que de la chirurgie esthétique. Ainsi, dans l’affaire Commission/France  (9) , on est parti de l’hypothèse, en ce qui concerne le domaine de la pathologie, que tant les prélèvements médicaux que leur analyse étaient exonérés de la TVA en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b). De plus, soutient le gouvernement du Royaume-Uni, la Cour se serait prononcée, dans cet arrêt, contre une interprétation particulièrement étroite de l’exonération et se serait référée à sa finalité, à savoir garantir que l’accès à l’hospitalisation et aux soins médicaux ne soit pas entravé par des coûts accrus. De la même manière, selon le Royaume-Uni, la réalisation d’un examen et l’expertise de l’état de santé d’une personne ─ par exemple, dans le cadre d’examens de santé périodiques ─ relèvent de l’exonération, indépendamment de la question de savoir si l’examen implique ou non une prestation de soins au sens étroit.

37.      L’activité médicale en cause serait un diagnostic, selon le Royaume-Uni. Les questions préjudicielles chercheraient à savoir si, du point de vue de l’applicabilité de l’exonération, la finalité de la prestation ou l’identité de la personne qui a ordonné le diagnostic et/ou l’examen fait une différence.

38.     À ce propos, le gouvernement du Royaume-Uni constate, en rapport avec la première question préjudicielle, que, en ce qui concerne l’exonération de la TVA, il ne saurait être logique ou pratique d’opérer une distinction selon la finalité d’un diagnostic médical ou les motifs pour lesquels un diagnostic médical est exigé. L’imposition d’une prestation ne saurait valablement dépendre du résultat de l’examen ou de la motivation des patients à se laisser examiner. De plus, selon le Royaume-Uni, on pourrait facilement contourner ces critères.

39.      En rapport avec la deuxième question préjudicielle, le gouvernement du Royaume-Uni souligne la différence entre le cas d’espèce et celui de l’affaire D. L’établissement litigieux de la paternité, par un expert, dans cette affaire n’aurait rien eu à voir avec la santé, à l’inverse de la présente affaire. En revanche, selon le gouvernement du Royaume-Uni, l’activité qui est en cause en l’espèce concernerait le diagnostic de maladies, qui serait visé par l’exonération d’après l’arrêt D.  (10) .

40.      De plus, il fait observer que l’identité de la personne qui demande l’examen ou le diagnostic ne saurait valoir comme critère de délimitation. Toute une série d’exonérations prévues à l’article 13, A et B, de la sixième directive dépendent de l’identité du prestataire ou du destinataire des biens ou services. En revanche, l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), ne comporterait aucune condition relative à l’identité du destinataire des prestations. Déceler une telle condition dans cette disposition reviendrait, selon le Royaume-Uni, à limiter l’exonération d’une manière qui ne trouve aucun fondement dans le texte. D’ailleurs, il serait également facile de contourner cette condition.

B –    Dans l'affaire C-307/01

41.      De l’avis des requérants au principal , il ressort clairement des arrêts de la Cour de justice rendus dans les affaires D.  (11) et Commission/Royaume-Uni  (12) que les activités décrites dans la question préjudicielle ne relèveraient pas de l’exonération de la TVA prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), et qu’elles seraient donc assujetties à la TVA. Il ressortirait effectivement de cette jurisprudence, mais également de l’arrêt Commission/France  (13) ─ qui ne serait toutefois pas pertinent dans le cas d’espèce ─ que les «prestations de soins à la personne» au sens de cette disposition ne viseraient que des prestations à but thérapeutique.

42.      Ils font valoir que les exonérations prévues à l’article 13 de la sixième directive sont des exceptions à la règle générale selon laquelle toutes les prestations effectuées par un assujetti contre rémunération sont soumises à la TVA. En tant que telles, ces exonérations sont certes d’interprétation restrictive, conformément à l’arrêt rendu dans l’affaire Stichting Uitvoering Financiële Acties  (14) , mais cela ne signifie pas qu’il faut donner à ce texte le sens le plus étroit possible, mais plutôt qu’une exonération ne doit pas être comprise comme allant au-delà de ce qui est visé par le sens commun du mot.

43.      Le texte de l’exonération mentionnerait deux conditions, selon les requérants: premièrement, que la prestation soit effectuée dans le cadre de l’exercice d’une profession médicale ou paramédicale, et, deuxièmement, que la prestation soit une prestation de soins. En l’espèce, selon les requérants au principal, il ne ferait aucun doute que la première condition est remplie, étant donné que le Dr d’Ambrumenil effectue ces prestations dans l’exercice de sa profession de médecin. En revanche, en effectuant ces prestations, il n’entreprend aucune prestation de soins. En effet, la notion de «prestations de soins à la personne» ne saurait viser toutes les activités qui sont réalisées par une personne dans l’exercice de sa profession de médecin. Dans le cas contraire, la deuxième condition serait effectivement superflue et la directive aurait pu parler ici, tout comme à l’article 13, A, paragraphe 1, sous e), simplement de «prestations».

44.      Selon les requérants au principal, la notion de «prestations de soins à la personne» renvoie nécessairement à une activité qui vise à protéger la santé humaine et qui englobe le traitement d’un patient. Cette interprétation correspondrait également à l’objectif et à la finalité de l’article 13, A, de la sixième directive, à savoir faciliter la protection de la santé humaine. Cela engloberait le simple diagnostic ou examen, dans la mesure où ces derniers visent à établir si quelqu’un souffre d’une maladie aux fins, le cas échéant, de le soigner. Cependant, un diagnostic ou un examen seul ─ même s’il est réalisé par un médecin ─ ne serait pas une prestation de soins s’il est réalisé dans un autre but, par exemple pour déterminer la prime d’assurance à verser.

45.      D’ailleurs, affirment les requérants au principal, le fait que toutes les activités médicales ne sont pas visées par l’exonération n’entraînerait pas de problème en ce qui concerne la déduction de l’impôt préalable. Il existerait déjà au Royaume-Uni des prestations de médecin imposables, comme l’achat de brosses à dent par les dentistes, et il existerait des méthodes correspondantes pour calculer la proportion de la déduction de l’impôt préalable.

46.      Les requérants au principal font valoir qu’aucune des activités décrites dans la question préjudicielle n’était réalisée aux fins de la protection de la santé d’une personne ou du traitement d’une pathologie. Ces activités ne poursuivraient aucun but thérapeutique et ne se distingueraient pas fondamentalement de la recherche de paternité, dont il était question dans l’affaire D., raison pour laquelle elles ne seraient pas non plus exonérables.

47.      Dans ses observations, le gouvernement du Royaume-Uni répète pour l’essentiel l’argumentation qu’il a avancée dans l’affaire C-212/01. Il fait valoir que les activités décrites dans la question préjudicielle font partie des tâches centrales de la profession médicale, tel l’établissement d’un diagnostic ou la réalisation d’un examen, et que, par conséquent, elles relèvent totalement de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive. Le Royaume-Uni estime que, tout comme dans l’affaire C-212/01, ces activités font appel aux compétences médicales aux fins d’établir une expertise médicale portant sur l’état de santé d’une personne, à la différence que, dans la présente affaire, il ne s’agit pas de prestations effectuées par un expert commis par une juridiction. Dans les deux affaires, affirme le Royaume-Uni, se pose toutefois la question de savoir si l’applicabilité de l’exonération fiscale en cause dépend de la finalité ou de l’identité de la personne qui a demandé le diagnostic et/ou l’examen. Selon le Royaume-Uni, il convient d’y répondre par la négative. De même, l’existence ou le degré de confiance entre le patient et le médecin, auquel se réfère la Cour de justice dans l’affaire Commission/Royaume-Uni  (15) , ne saurait valoir comme critère de délimitation et ne saurait non plus se comprendre en tant que tel. D’après le Royaume-Uni, il importerait peu que l’examen soit réalisé par son propre médecin ou par un autre médecin.

48.      Le gouvernement du Royaume-Uni fait observer que, dans tous les cas décrits dans la question préjudicielle, un diagnostic médical est posé aux fins d’être communiqué à une tierce partie, et dans de nombreux cas manifestement aussi sur demande de la tierce partie. En toute hypothèse, selon le Royaume-Uni, toutes les prestations que le Dr d’Ambrumenil effectue sont des prestations de soins, en ce qu’il utilise ses connaissances médicales pour diagnostiquer l’état de santé d’un patient. Cette activité pourrait être distinguée de l’examen en vue d’établir la paternité, comme dans l’affaire D., qui n’a rien à voir avec la santé.

49.      Dans ses observations, la Commission va en partie au-delà de l’argumentation qu’elle a présentée dans l’affaire C-212/01. Tout comme les requérants au principal, elle fait valoir que les médecins ne sont pas exonérés de la TVA de manière générale et que toutes les activités exercées dans le cadre de la profession médicale ne relèvent pas de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), ce qui ressortirait déjà du texte de cette disposition. Selon la Commission, le champ d’application de l’exonération dépendrait de ce qu’il faut entendre par prestations de soins. À cet égard, la Cour de justice aurait constaté, dans l’affaire D., que l’intervention médicale doit poursuivre un but thérapeutique ─ au sens large ─, c’est-à-dire qu’elle doit être effectuée dans le but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé. Selon la Commission, la Cour de justice aurait à nouveau souligné ce critère dans l’affaire Commission/France. L’application de ce critère ne créerait pas de problème particulier, en tout cas pas plus de problèmes qu’en ce qui concerne la définition d’autres exceptions au régime fiscal. La Commission souligne en outre que l’identité du mandant de l’activité médicale lui importe peu.

50.      De plus, tout comme le gouvernement du Royaume-Uni, la Commission se réfère au but de l’exonération, à savoir ne pas rendre plus difficile l’accès aux soins médicaux en raison de coûts accrus, et est d’ailleurs d’accord pour affirmer que l’identité de la personne qui demande l’examen médical n’est pas déterminante pour l’exonération. Toutefois, l’utilisation des connaissances ou des compétences médicales ne serait pas non plus seule déterminante, étant donné que la notion de prestations de soins serait quelque peu plus étroite, raison pour laquelle la directive 93/16 serait également de peu d’utilité dans les circonstances de l’espèce.

51.      En ce qui concerne les activités particulières en cause en l’espèce, la Commission est d’avis qu’il n’est pas logique d’établir une distinction entre les différentes prestations décrites aux points e) à h) de la question préjudicielle. Ce qui est commun à ces activités, c’est l’objectif de l’examen, à savoir apprécier l’état physique de la victime aux fins d’éventuels dommages et intérêts, ainsi que déterminer la cause et la gravité de la prétendue lésion. Selon la Commission, un tel examen ─ notamment lorsqu’il n’est pas réalisé par le propre médecin de la victime ─ ne poursuivrait aucun but thérapeutique, et il n’y aurait aucun rapport direct avec un traitement de la lésion. Par conséquent, affirme la Commission, le régime fiscal d’une telle prestation n’affecterait aucunement l’accès aux soins médicaux. La même conclusion vaudrait pour les points c) et d). Pour le cas où un certificat médical correspondant est établi dans le cadre d’un examen de routine ou d’un traitement continu, on pourrait en revanche considérer cette prestation comme étant simplement accessoire par rapport à l’objectif principal de l’examen, à savoir le traitement du patient. Il appartiendrait toutefois à la juridiction nationale de déterminer ce point, selon la Commission.

52.      En ce qui concerne les examens et les tests réalisés sur demande des employeurs ou des assureurs, tels que ceux décrits aux points a) et b) de la question préjudicielle, la Commission est d’avis qu’il convient d’opérer une distinction selon les circonstances: lorsque l’examen a pour but d’établir l’aptitude à un emploi futur ou d’évaluer un risque d’assurance, notamment lorsqu’il est réalisé par un médecin choisi par l’employeur ou l’assureur, il devrait être considéré comme une prestation imposable. Une autre solution pourrait s’appliquer aux examens médicaux réguliers exigés parfois par les employeurs ou les assureurs de leurs employés ou des preneurs d’assurance. De tels examens pourraient avoir un but thérapeutique, en ce qu’ils invitent les personnes concernées à faire examiner leur état de santé par le médecin et à obtenir un conseil médical correspondant. Dans le cadre de tels examens, selon la Commission, il existerait, à la différence de l’évaluation par un médecin de la capacité professionnelle ou d’un risque d’assurance, un certain rapport entre le médecin et le patient. Par conséquent, de telles activités médicales pourraient être considérées comme relevant de l’exonération; il en irait de même pour les rapports d’expertises et les examens, dans la mesure où ils font partie d’un traitement médical en cours. Les autres activités décrites dans la question préjudicielle seraient des prestations imposables.

V –   Appréciation

53.     Étant donné que les questions juridiques soulevées dans les présentes affaires se recoupent largement, nous examinerons dans la suite tout d’abord le problème du champ d’application de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive de manière générale, pour ensuite répondre en particulier aux questions préjudicielles des deux affaires.

A –    Considérations générales communes concernant le champ d'application de l'exonération prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive

54.     À titre préliminaire, nous souhaiterions répondre à la question soulevée par le gouvernement du Royaume-uni, à savoir dans quelle mesure on peut tirer de la directive 93/16 des conclusions relatives au champ d’application de l’exonération en cause prévue dans la sixième directive.

55.      Dans l’affaire CPP  (16) , à laquelle s’est référé le gouvernement du Royaume-Uni, la Cour de justice a déclaré qu’ « aucune raison n’autorise une interprétation différente du terme ‘assurance’ selon qu’il figure dans le texte de la directive relative à l’assurance ou dans celui de la sixième directive ». Cela signifie uniquement que, dans de nombreux cas, des notions qui sont utilisées dans différentes directives pourraient avoir la même signification. Cependant, la Cour de justice n’a pas voulu dire par là que, en vertu de la sixième directive, toutes les activités médicales qui sont éventuellement visées par la directive 93/16 relèvent de l’exonération, d’autant plus que cette directive poursuit également un autre but que la sixième directive, à savoir faciliter l’exercice, par les médecins, du droit d’établissement et de la libre prestation de services.

56.      L’article 13, A, de la sixième directive exonère de la TVA certaines activités d’intérêt général, mais uniquement celles qui sont énumérées dans cette disposition et qui y sont décrites de manière très détaillée  (17) . Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les exonérations constituent des notions autonomes du droit communautaire qui doivent être replacées dans le contexte général du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée instauré par la directive  (18) et sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d’affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti  (19) .

57.      Par conséquent, la portée de l’exonération prévue pour les activités dans le domaine médical par l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive doit être appréciée sur la base d’une interprétation appropriée de cette disposition dans le contexte général du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu’il faille tirer du champ d’application de la directive 93/16 des conclusions contraignantes.

58.      Ainsi que l’ont constaté à juste titre les requérants au principal dans l’affaire C-307/01, en ce qui concerne le champ d’application de cette exonération, deux conditions doivent être remplies d’après le texte de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive: il doit s’agir d’une prestation de soins à la personne et cette prestation doit être effectuée par une personne possédant les preuves nécessaires d’une qualification pour une profession médicale ou paramédicale  (20) .

59.      Dans les présentes affaires, les prestations en cause ont été incontestablement effectuées par un médecin. Il faut donc déterminer si ces prestations, par essence, relèvent de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c); il est donc question de l’interprétation de la notion de «prestations de soins à la personne».

60.      Dans son arrêt rendu dans l’affaire D.  (21) , la Cour a déclaré que l’établissement d’une affinité génétique ne relevait pas de cette notion. Les questions préjudicielles dans les deux affaires de l’espèce ont pour origine un doute quant au caractère transposable de cet arrêt aux prestations médicales litigieuses de l’espèce. La juridiction de renvoi ne peut manifestement pas établir quel élément est déterminant pour qu’une recherche de paternité, telle celle en cause dans l’affaire D., ne relève pas de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c).

61.      Tant pour le gouvernement du Royaume-Uni que pour la juridiction de renvoi dans l’affaire C-307/01  (22) , la circonstance que la recherche de paternité dans l’affaire D. n’a rien à voir avec l’établissement de la santé d’une personne, à l’inverse des activités litigieuses en l’espèce, semble être déterminante.

62.      Cette conclusion opère une distinction entre une activité médicale par laquelle on se contente de constater des caractéristiques biologiques et une activité médicale qui a pour objet l’évaluation de l’état de santé.

63.      C’est toutefois à juste titre que la Commission a rejeté une telle distinction selon le contenu d’une activité médicale ou selon l’intervention médicale concrète ou le traitement. En effet, selon nous, on ne saurait tirer cette conclusion de l’arrêt D. et, en outre, cette solution ne serait pas non plus praticable.

64.      On pourrait ainsi imaginer que le même examen, ou un examen analogue à celui pour lequel la Cour de justice, dans l’affaire D., a considéré qu’il ne s’agissait pas d’une prestation de soins, puisse être nécessaire pour déterminer un donneur d’organes compatible. Si l’on part de l’argumentation du gouvernement du Royaume-Uni, il faudrait également écarter cette analyse du champ d’application de l’exonération, bien qu’elle fasse clairement partie du traitement médical ou qu’elle en constitue la condition. La même chose vaudrait, par exemple, pour la détermination du groupe sanguin, dans la mesure où il s’agirait également de la constatation scientifique d’une caractéristique biologique qui, en soi, n’a rien à voir avec l’état de santé.

65.      Compte tenu de la complexité du corps humain et de la multiplicité correspondante des méthodes de traitement qu’un médecin doit nécessairement appliquer dans l’exercice de sa profession, il semble de plus tout aussi peu logique, ou possible, d’opérer une distinction entre certaines méthodes ou interventions médicales particulières selon qu’elles sont plus ou moins centrales ou typiques à la profession de médecin. On pourrait difficilement contester qu’un test d’affinité, comme dans l’affaire D., nécessite également des connaissances médicales et relève, par conséquent, du champ d’activité d’un médecin. C’est précisément le motif pour lequel on désigne un médecin en tant qu’expert. Ainsi, l’utilisation de compétences médicales ou la «fonction centrale de la profession de médecin», à laquelle se réfère du moins en partie le gouvernement du Royaume-Uni, pourrait ne pas non plus importer.

66.      Pour répondre à la question de savoir si une intervention médicale est exonérée de la TVA, ce ne sont donc ni le contenu de l’activité médicale ni son importance dans la fonction médicale qui importent, mais plutôt la finalité de l’activité médicale, ainsi que cela ressort de la jurisprudence actuelle de la Cour de justice relative à la notion de «prestations de soins à la personne» au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c).

67.      En effet, dans son arrêt rendu dans l’affaire D., la Cour de justice a déclaré, sur la base d’une comparaison des différentes versions linguistiques de cette disposition, que la notion «ne se prête pas à une interprétation incluant des interventions médicales menées dans un but autre que celui de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé»  (23) . Par conséquent, compte tenu du principe de l’interprétation stricte de toute disposition visant à instaurer une exonération de la taxe sur le chiffre d’affaires, les prestations «n’ayant pas un but thérapeutique» sont exclues du champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive  (24) . La Cour de justice a confirmé cette jurisprudence dans les arrêts qu’elle a rendus dans l’affaire Commission/France  (25) et dans l’affaire Kügler  (26) .

68.      Il ressort donc de la jurisprudence que ce qui est déterminant pour la question de savoir si une intervention médicale doit être exonérée de la TVA, c’est la finalité de cette intervention; toutes les activités d’un médecin ne sont pas exonérées, mais uniquement celles qui ont un «but thérapeutique».

69.      Pour déterminer correctement la portée de la notion de «prestations de soins à la personne» au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, il faut en outre avoir à l’esprit l’objectif de cette exonération.

70.      En rapport avec l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), la Cour a déclaré que «l’exonération des opérations étroitement liées à l’hospitalisation ou aux soins médicaux est destinée à garantir que le bénéfice des soins médicaux et hospitaliers ne devienne pas inaccessible en raison du coût accru de ces soins s’ils étaient eux-mêmes, ou les opérations qui leur sont étroitement liées, soumis à la TVA»  (27) . À cet égard, il convient d’observer que le point c) de l’article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive établit, ensemble avec le point b) de cette disposition, une réglementation exhaustive des exonérations pour prestations médicales: l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), vise les prestations qui sont effectuées en milieu hospitalier, alors que le point c) de cette disposition vise les prestations qui sont effectuées en dehors des hôpitaux, que ce soit dans le cabinet privé du praticien, au domicile du patient ou dans un autre lieu  (28) .

71.      Ainsi, les deux cas d’exonération partagent le même but de favoriser l’accès aux soins médicaux ─ que ce soit au sein d’une institution hospitalière ou en dehors des hôpitaux ─, en maintenant le coût d’un traitement à un niveau bas  (29) .

72.      Contrairement aux objections exprimées par le gouvernement du Royaume-Uni, il ressort tant de l’objectif poursuivi par l’exonération que de la jurisprudence de la Cour de justice que font également partie des activités à «but thérapeutique», qui doivent être considérées comme des prestations de soins et être exonérées de la TVA, les activités qui n’ont pas directement pour objet un traitement, mais qui concernent la simple prophylaxie.

73.      En effet, c’est précisément la médecine préventive qui contribue à maintenir à un niveau bas les coûts de la médecine, tant pour les particuliers que d’un point de vue macro-économique. Par conséquent, les interventions médicales préventives doivent relever de cette exonération, conformément à l’objectif de cette dernière, qui est de garantir un accès aux soins médicaux.

74.      D’ailleurs, la Cour a expressément déclaré que de tels traitements médicaux, qui sont effectués «à des fins de prévention, de diagnostic ou de soins» relèvent de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c)  (30) .

75.      Par conséquent, il convient de constater au total que l’exonération d’une activité médicale en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), dépend de la question de savoir si cette activité doit être qualifiée de traitement «à des fins de prévention, de diagnostic ou de soins», et ce compte tenu de l’objectif de cette disposition, qui est d’exonérer de la TVA les prestations médicales qui sont effectuées dans le but de protéger ou de rétablir la santé et donc de rendre ces prestations accessibles aux particuliers dans les meilleures conditions.

76.      Il en découle que, dans l’affaire D., la Cour a exclu du champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive la constatation d’une affinité génétique non pas parce que cette dernière concernait l’établissement de caractéristiques biologiques plutôt que l’état de santé, mais parce que cette activité médicale poursuivait un autre but qu’un but thérapeutique, à savoir l’établissement d’un rapport d’expertise.

77.      Par conséquent, les activités énumérées dans les questions préjudicielles déférées dans les affaires C-212/01 et C-307/01 doivent être examinées au regard de la question de savoir si leur objectif ou leur caractère consiste en une expertise ou une prestation d’experts, ou au contraire en un traitement médical qui vise à maintenir ou à rétablir la santé.

78.      Dans des cas particuliers, il pourrait s’avérer difficile d’opérer une distinction entre les prestations de soins au sens de l’exonération en cause, c’est-à-dire les activités médicales à but thérapeutique, et les autres activités médicales. Cependant, d’une part, la nécessité de cette distinction ressort du texte de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la directive, qui n’exonère pas de manière générale les activités d’un médecin, mais uniquement les «prestations de soins». D’autre part, les éléments constitutifs d’une exonération sont souvent liés à des problèmes de délimitation.

79.      En définitive, la question de savoir si une intervention d’un médecin relève ou non de l’exonération doit s’apprécier concrètement selon les circonstances de l’espèce, c’est-à-dire selon les éléments factuels de l’intervention particulière du médecin.

80.     À cet égard, il convient de distinguer entre les aspects factuels de l’intervention médicale à examiner et les critères juridiques régissant la classification de cette prestation au regard des éléments constitutifs de l’exonération, tels que notamment l’exigence du but thérapeutique au sens de la jurisprudence.

81.      Fait par exemple partie des aspects factuels d’une activité médicale qui peuvent être utilisés pour établir la finalité ou la nature de cette activité, mais qui ne sont toutefois pas en soi les conditions juridiques d’une exonération, l’identité de la personne qui demande l’activité médicale: le mandat donné par une juridiction, un assureur ou un employeur peut indiquer qu’une intervention médicale doit se comprendre comme étant une prestation ayant un caractère d’expertise et non pas comme une prestation de soins à but thérapeutique, même s’il pourrait s’agir, d’un point de vue technique, d’un seul et même acte médical.

82.      Dans cette mesure, c’est donc à juste titre que le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission ont déclaré que, en ce qui concerne l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive ─ tant d’après le texte de cette disposition que d’après la jurisprudence ─  (31) , l’identité de la personne qui a ordonné ou demandé un examen médical n’est pas en soi déterminante. Cet aspect fait toutefois partie des éléments de fait au moyen desquels on peut établir si l’on est en présence d’un traitement à but thérapeutique.

83.      Il en va de même avec le rapport entre un patient et le médecin traitant. L’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la directive n’exige pas un certain degré de confiance entre le médecin traitant et le patient pour bénéficier de l’exonération et un tel critère ne serait certes pas praticable. La constatation de la Cour dans l’affaire Commission/Royaume-Uni  (32) , selon laquelle les prestations de soins au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), sont des «prestations effectuées en dehors d’organismes hospitaliers et dans le cadre d’un rapport de confiance entre le patient et le prestateur de soins, rapport qui normalement se déroule dans le cabinet professionnel de ce prestateur», décrit plutôt un élément qui caractérise généralement les prestations médicales en dehors des hôpitaux [article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive]  (33) . Il ne faut donc pas y voir une caractéristique constitutive des prestations de soins.

84.      Enfin, il convient également d’examiner ici la prémisse sur laquelle se base l’argumentation du Royaume-Uni, à savoir que les activités décrites dans les deux affaires en cause sont des diagnostics médicaux au sens le plus large et que l’exonération ne saurait donc dépendre de l’identité de la personne qui demande le diagnostic ou du motif de ce dernier.

85.      La règle générale avancée par la jurisprudence de la Cour est que, pour apprécier une opération dans le cadre du système communautaire de la TVA, il faut prendre en considération la nature de l’opération dans son ensemble et éviter des distinctions artificielles, pour se placer du point de vue du consommateur moyen  (34) .

86.      Si, par conséquent, on replace les opérations médicales en cause dans leur contexte général, leur qualification en tant que diagnostic pourrait apparaître hâtive. En effet, ainsi que nous l’avons déjà constaté et ainsi que la Commission l’a soutenu, un seul et même acte médical peut être qualifié de manière différente selon le contexte dans lequel il est posé, de sorte que le contexte détermine si, par exemple, l’évaluation de l’état de santé d’une personne doit être qualifiée de diagnostic ou d’expertise.

87.      Avant d’examiner, désormais à l’aune de cette conclusion, les activités particulières décrites dans les questions préjudicielles déférées dans les affaires C-212/01 et C-307/01, nous souhaiterions encore faire observer que, tout comme la Commission, nous ne pensons pas que la déduction préalable de l’impôt en raison du traitement fiscal différencié des prestations médicales cause plus de difficultés que dans le cas où les biens ou services sont utilisés tant pour des opérations imposables que pour des opérations non imposables. La manière de procéder dans un tel cas ressort en effet de l’article 17, paragraphe 5, de la sixième directive. En vertu de cette disposition, le droit à la déduction préalable de l’impôt pour de tels biens ou services est déterminé au moyen d’un prorata, qui est fixé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti  (35) .

B –    Sur l'affaire C-212/01

88.      Il convient tout d’abord de constater que la deuxième question préjudicielle déférée dans l’affaire C-212/01, relative à l’interprétation de l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire D. par rapport à la première question préjudicielle déférée, n’a pas de signification propre. Par conséquent, nous répondrons en même temps aux deux questions.

89.      Par ces deux questions préjudicielles, le Landesgericht Innsbruck cherche à savoir si les constatations médicales et les conclusions fondées sur celles-ci visant à déterminer l’invalidité, la validité ou l’incapacité professionnelle d’une personne sollicitant une pension, qu’un médecin effectue sur mandat d’une juridiction ou d’un office d’assurance pension, relèvent du champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

90.      Dans cette affaire, l’activité du médecin consiste à déterminer, en qualité d’expert, le degré d’invalidité d’une personne aux fins de statuer sur le bien-fondé d’une demande de pension d’invalidité. Par conséquent, cette prestation médicale ne poursuit aucun but thérapeutique et ne relève donc pas de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c).

C –    Sur l'affaire C-307/01

1.        Sur les points a) et b) de la question préjudicielle

91.      Par les points a) et b) de la question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si les activités médicales consistant à examiner des personnes, tel le prélèvement d’analyses corporelles aux fins de déterminer la présence de virus, d’infections ou d’autres maladies, qui sont réalisées pour le compte ou sur mandat des employeurs ou des assureurs, relèvent de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c).

92.     À cet égard, la réponse ne saurait être globale, étant donné que, ainsi que nous l’avons déjà fait observer, l’identité de la personne qui a demandé ou ordonné un examen médical n’importe pas en soi pour cette exonération.

93.      Même lorsque l’examen médical est réalisé sur instigation ou sur demande de l’employeur ou de l’assureur, il ne faut pas automatiquement nier que le traitement a effectivement un but thérapeutique, qui est déterminant pour l’exonération. L’exemple cité par la Commission dans ce contexte nous semble parlant, à savoir des examens et contrôles médicaux (réguliers), auxquels doivent se soumettre les employés dans de nombreux cas en raison d’une obligation de service vis-à-vis de leur employeur. De tels examens de routine poursuivent un but thérapeutique dans la mesure où ils visent le maintien de la santé de l’employé ou la prévention de maladies. On pourrait également imaginer, par exemple, qu’une assurance exige la réalisation de certains examens préventifs de la part de ses assurés. Il faudrait également qualifier ces examens de traitement médical ayant pour objectif la prévention, le diagnostic et, le cas échéant, la guérison, indépendamment de l’identité du «mandant». On devrait d’ailleurs parvenir au même résultat en ce qui concerne un examen médical effectué à l’école, ainsi que cela a été mentionné par exemple à l’audience. Indépendamment du fait que cet examen a été demandé par l’école et non par l’élève lui-même, il n’a pas une fonction d’expertise, mais plutôt une fonction de protection et, le cas échéant, de rétablissement de la santé.

94.      Par conséquent, il convient de constater que les examens et analyses médicaux, tels ceux énumérés aux points a) et b) de la question préjudicielle, ne relèvent de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), que s’ils sont entrepris dans l’intérêt de la santé des patients et non pas en tant qu’activité de pure expertise aux fins d’informer les employeurs ou les assureurs.

95.      Il conviendrait par exemple de qualifier d’activités d’expertise sans but thérapeutique les examens décrits dans l’ordonnance de renvoi, au moyen desquels on évalue, au profit de l’employeur ou de l’assureur, l’état de santé physique et/ou psychologique d’un futur employé ou d’un futur preneur d’assurance, aux fins de déterminer l’aptitude de la personne examinée à assumer une certaine fonction ou d’évaluer le risque lié à une assurance.

2.        Sur les points c) à h) de la question préjudicielle

96.      Par les points c) à h) de la question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande des informations sur le régime fiscal de différents certificats médicaux ou expertises médicales.

97.      Selon nous, c’est à tort que la juridiction de renvoi distingue, dans cette question, entre les certificats ou expertises et les examens réalisés à cet effet. En effet, ces derniers doivent être considérés comme étant une simple prestation accessoire, étant donné qu’ils ne constituent pas une fin en soi pour le mandant, mais le moyen par lequel obtenir le certificat ou l’expertise  (36) . De même, en ce qui concerne l’objectif ─ pertinent en l’espèce ─ des prestations médicales, il ne fait aucune différence que ces certificats ou expertises sont établis sur la base de rapports médicaux ou sur la base d’examens médicaux.

98.      Au regard de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, il importe plutôt que ces prestations soient effectuées aux fins d’évaluer un état de santé, telle l’aptitude au voyage, ou d’obtenir certains droits, que ce soit dans le cadre d’une pension de guerre ou d’un recours pour dommages corporels ou erreurs médicales. Ce faisant, il s’agit d’activités médicales (d’expertise) qui poursuivent d’autres buts qu’un but thérapeutique et qui sont donc exclues du champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

99.      Le certificat se rapportant à l’état de santé pourrait certes également remplir une fonction «prophylactique» au sens le plus large, dans la mesure où la personne examinée n’entreprendrait par exemple pas un voyage qu’elle ne pourrait pas physiquement supporter. De même, la perception d’une pension de guerre ou l’octroi de dommages-intérêts pourrait être utile, au sens le plus large, à la santé ou à son rétablissement. Cependant, il est manifeste que, pour ces activités médicales, c’est l’aspect d’expertise qui est à l’avant-plan et les implications thérapeutiques ne sont que très indirectes, de sorte que, selon nous, on ne saurait parler d’un but thérapeutique pour ces prestations médicales.

VI –   Conclusion

100.    Pour les motifs qui précèdent, nous proposons à la Cour de justice de répondre comme suit aux questions préjudicielles:

A –    Dans l'affaire C-212/01

«Il convient d’interpréter l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ─ système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, en ce sens que l’exonération de la taxe sur le chiffre d’affaires prévue par cette disposition ne s’applique pas aux activités d’un médecin consistant à constater, en qualité d’expert mandé par une juridiction ou un office de pension, l’invalidité, la validité ou l’incapacité professionnelle d’un demandeur de pension, et qui poursuivent donc un but d’expertise et non un but thérapeutique.»

B –    Dans l'affaire C-307/01

« 1)L’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ─ système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que

–les examens médicaux de particuliers et

–les prises de sang ou autres prélèvements d’échantillons corporels aux fins d’y tester la présence de virus, d’infections ou d’autres maladies,

qui sont réalisés pour un employeur ou une société d’assurances, ou à la demande de ces derniers, ne sont pas exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée s’ils ne poursuivent pas un but thérapeutique, tel que les soins médicaux prodigués aux personnes via la prévention, le diagnostic ou la thérapie, mais d’autres buts, tels que l’évaluation de l’état de santé, par un expert, au profit des employeurs ou des sociétés d’assurances.

2)Les activités médicales comme celles consistant à:

–délivrer des certificats médicaux d’aptitude, par exemple d’aptitude à voyager;

–délivrer des certificats médicaux dans le cadre, par exemple, de l’octroi d’une pension de guerre;

–préparer un rapport médical d’expert relatif à des questions de responsabilité ou de l’évaluation du dommage subi par des particuliers envisageant d’introduire une action pour dommages corporels, rapport établi à la suite d’examens médicaux, y compris ces derniers, ou sur la base de notes médicales sans procéder à un examen médical;

–préparer des rapports médicaux d’expert relatifs à des cas d’erreurs médicales à la demande de particuliers qui envisagent d’introduire une action en justice, sur la base de notes médicales ou suite à la suite d’examens médicaux, y compris ces derniers,

poursuivent un but d’expertise et non pas un but thérapeutique. Par conséquent, elles ne relèvent pas de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive et ne sont donc pas exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. »


1 – Langue originale: l'allemand.


2 – C-384/98, Rec. p. I-6795.


3 – Ci-après les «requérants au principal».


4 – Précité à la note 2.


5 – Directive du Conseil, du 5 avril 1993 (JO L 165, p. 1).


6 – Précité à la note 2.


7 – C-76/99, Rec. p. I-249, point 24.


8 – Le gouvernement du Royaume-Uni fonde le caractère transposable de cette directive sur l’arrêt du 25 février 1999, CPP (C-349/96, Rec. p. I-973, point 18).


9 – Précitée à la note 7.


10 – Arrêt précité à la note 2, point 18.


11 – Arrêt précité à la note 2.


12 – Arrêt du 23 février 1988, Commission/Royaume-Uni (353/85, Rec. p. 817).


13 – Arrêt précité à la note 7 (point 24).


14 – Arrêt du 15 juin 1989 (348/87, Rec. p. 1737, point 13).


15 – Arrêt précité à la note 12, point 33.


16 – Arrêt précité à la note 8, point 18.


17 – Voir, entre autres, les arrêts du 20 juin 2002, Commission/Allemagne (C-287/00, Rec. p. I-5811, point 45), et du 12 novembre 1998, Institute of the Motor Industry (C-149/97, Rec. p. I-7053, point 18).


18 – Voir, par exemple, les arrêts du 5 juin 1997, SDC (C-2/95, Rec. p. I-3017, point 21); Stichting Uitvoering Financiële Acties (précité à la note 14, point 11), ainsi que du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas (235/85, Rec. p. 1471, point 18).


19 – Voir, entre autres, les arrêts D. (précité à la note 2, point 15), SDC (précité à la note 18, point 20) et Stichting Uitvoering Financiële Acties (précité à la note 14, point 13).


20 – Voir arrêt du 10 septembre 2002, Kügler (C-141/00, Rec. p. I-6833, point 27).


21 – Précité à la note 2.


22 – Voir ci-dessus, point 28.


23 – Arrêt précité à la note 2, point 18.


24 – Ibidem, point 19.


25 – Arrêt précité à la note 17, point 24.


26 – Arrêt précité à la note 20, points 38 et 39.


27 – Arrêt Commission/France (précité à la note 17, point 23).


28 – Voir arrêt Kügler (précité à la note 20, point 36). À cet égard, voir également les conclusions que nous avons présentées le 10 décembre 2002 dans l’affaire Christoph-Dornier-Stiftung für Klinische Psychologie (C-45/01, points 45 et 46).


29 – L’avocat général Saggio s’est déjà exprimé en ce sens dans les conclusions qu’il a présentées dans l’affaire D. (précitée à la note 2, point 16).


30 – Arrêt Kügler (précité à la note 20, point 40).


31 – Voir arrêt D. (précité à la note 2, point 22).


32 – Arrêt précité à la note 12, point 33.


33 – À cet égard, voir les conclusions que nous avons présentées le 10 décembre 2002 dans l’affaire Christoph-Dormier-Stiftung für Klinische Psychologie (citées à la note 28, points 45 et 46).


34 – Voir arrêt CPP (précité à la note 8, point 29).


35 – À cet égard, voir, entre autres, les conclusions que nous avons présentées le 6 mars 2001 dans l’affaire Cibo Participations (arrêt du 27 septembre 2001, C-16/00, Rec. p. I-6663, notamment le point 6).


36 – Voir, à cet égard, l’arrêt CPP (précité à la note 8, point 30).