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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. Geelhoed

présentées le 22 septembre 2005 (1)

Affaire C-280/04

Jyske Finans A/S

contre

Skatteministeriet

[demande de décision préjudicielle formée par le Vestre Landsret (Danemark)]

«Demande préjudicielle – Vestre Landsret – Interprétation des articles 11, A, paragraphe 1, sous a), 13, B, sous c), et 26 bis, A, sous e), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme – Taxe sur la revente de voitures achetées d’occasion et hors taxe par une société de leasing à des particuliers aux fins de les louer (location-vente)»





I –    Introduction

1.     La présente affaire, qui a pour objet une demande de décision préjudicielle émanant du Vestre Landsret (Danemark), soulève la question de savoir si, dans le cas où une entreprise de location-vente de voitures achète des voitures d’occasion, les met en location et, finalement, les revend, cette revente 1) doit être considérée comme une livraison exonérée de la TVA au sens de l’article 13, B, de la sixième directive TVA (2) ou 2) relève du régime spécial de la revente de biens d’occasion édicté à l’article 26 bis de la sixième directive TVA.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit communautaire

 La sixième directive TVA

2.     L’article 2 de la sixième directive TVA détermine le champ d’application de celle-ci. L’article 2, point 1, de la directive soumet à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

3.     L’article 11 de la sixième directive TVA indique comment doit être calculée la base d’imposition pour les livraisons de biens et les prestations de services (à l’intérieur du pays) relevant du champ d’application de la directive. La règle générale de ce calcul figure à l’article 11, A, paragraphe 1, à savoir: tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.

4.     Le titre X de la sixième directive TVA contient une liste d’exonérations de la TVA, c’est-à-dire des livraisons ou prestations fournies à l’acheteur sans être grevées de TVA. L’article 13 indique des exonérations applicables à l’intérieur du pays et comprend deux listes. La première, celle de l’article 13, A, énumère des exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général. La seconde, celle de l’article 13, B, énumère d’autres exonérations. La partie de cet article qui est pertinente pour la présente affaire dispose que:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

c)      les livraisons de biens qui étaient affectés exclusivement à une activité exonérée en vertu du présent article ou en vertu de l’article 28 paragraphe 3 sous b), si ces biens n’ont pas fait l’objet d’un droit à déduction, ainsi que les livraisons de biens dont l’acquisition ou l’affectation avait fait l’objet de l’exclusion du droit à déduction conformément à l’article 17 paragraphe 6».

5.     L’article 17 de la sixième directive TVA concerne la naissance et l’étendue du droit à déduction de la taxe payée en amont. L’article 17, paragraphe 6, prévoit que:

«Au plus tard avant l’expiration d’une période de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée […]

Jusqu’à l’entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la présente directive.»

6.     Jusqu’à présent, le Conseil n’a pas arrêté de règles plus détaillées, pertinentes pour la présente affaire, sur les dépenses susceptibles d’être déduites.

7.     L’article 28, paragraphe 3, sous b), prévoit que les États membres peuvent, au cours de la période transitoire pour l’entrée en vigueur de la sixième directive TVA, continuer à exonérer les opérations énumérées à l’annexe F de la directive dans les conditions existantes dans l’État membre.

 La directive 94/5

8.     La directive 94/5/CE (3) a été arrêtée sur la base de l’article 32 de la sixième directive TVA, qui prévoit que le Conseil arrêtera le régime communautaire de taxation applicable dans le domaine des biens d’occasion ainsi que des objets d’art, d’antiquité et de collection (4). Elle prévoit une réglementation spéciale pour les biens d’occasion, les objets d’art, de collection et d’antiquité, en insérant en particulier un nouvel article 26 bis dans la sixième directive TVA.

9.     Cet article prévoit en substance un «régime particulier» que les vendeurs de biens d’occasion peuvent, dans certaines circonstances, choisir d’appliquer en lieu et place du régime normal de la TVA. Alors que, en vertu du régime normal de la TVA, le montant grevé de la TVA est la contrepartie intégrale reçue par le vendeur du preneur, diminuée du montant de la TVA afférent à cette contrepartie, dans le cas du régime particulier, c’est la marge bénéficiaire qui constitue la base d’imposition de la TVA. Les principales dispositions de l’article 26 bis qui sont pertinentes pour la présente affaire sont reproduites ci-dessous.

10.   L’article 26 bis, A, sous d), définit les biens d’occasion comme étant les «biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l’état ou après réparation, autres que des objets d’art, de collection ou d’antiquité et autres que des métaux précieux ou des pierres précieuses tels que définis par les États membres».

11.   En vertu de l’article 26 bis, B, paragraphe 1, les États membres appliquent aux livraisons de biens d’occasion, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité effectuées par des assujettis-revendeurs (c’est-à-dire le «régime particulier») un régime particulier d’imposition de la marge bénéficiaire réalisée par l’assujetti-revendeur. L’article 26 bis, B, paragraphe 2, prévoit que ce régime s’applique uniquement lorsque les biens concernés ont été livrés à l’assujetti-revendeur à l’intérieur de la Communauté par certaines personnes déterminées, à savoir:

«–      par une personne non assujettie

ou

–      par un autre assujetti, dans la mesure où la livraison du bien par cet autre assujetti est exonérée conformément à l’article 13 titre B point c)

ou

–      par un autre assujetti, dans la mesure où la livraison du bien par cet autre assujetti bénéficie de la franchise prévue à l’article 24 et porte sur un bien d’investissement

ou

–      par un autre assujetti-revendeur, dans la mesure où la livraison du bien par cet autre assujetti-revendeur a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée conformément au présent régime particulier».

12.   Dans chacun de ces cas, le revendeur devrait, en l’absence de régime particulier, facturer la TVA sur la contrepartie intégrale qu’il a reçue de son preneur, mais il ne pourrait pas déduire la TVA.

13.   L’article 26 bis, B, paragraphe 3, définit la base d’imposition des livraisons de biens au titre du régime particulier comme étant constituée par la «marge bénéficiaire réalisée par l’assujetti-revendeur, diminuée du montant de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la marge bénéficiaire elle-même. Cette marge bénéficiaire est égale à la différence entre le prix de vente demandé par l’assujetti-revendeur pour le bien et le prix d’achat».

14.   L’article 26 bis, A, sous e), définit l’assujetti-revendeur comme étant l’«assujetti qui, dans le cadre de son activité économique, achète ou affecte aux besoins de son entreprise ou importe, en vue de leur revente, des biens d’occasion, des objets d’art, de collection ou d’antiquité […]».

15.   L’article 26 bis, B, paragraphe 6, prévoit que les assujettis ne sont pas autorisés à déduire la TVA pour les biens qui leur sont livrés par un assujetti-revendeur en vertu de ce régime particulier.

16.   L’article 26 bis, B, paragraphe 11, prévoit que l’assujetti-revendeur peut appliquer le régime normal de la TVA pour chaque livraison relevant du régime particulier d’imposition en application de l’article 26 bis, B, paragraphe 2 ou 4.

B –    Le droit danois

 Les dispositions générales en matière de TVA

17.   L’article 4, paragraphe 1, première phrase, de la loi danoise sur la TVA (voir, pour une date récente, la loi consolidée n° 703 du 8 août 2003) prévoit qu’«une taxe est perçue sur les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du Danemark».

18.   L’article 13, paragraphe 1, de la loi danoise sur la TVA énumère les biens et les services qui sont exonérés de la TVA, cette liste correspondant à celle visée à l’article 13, A, de la sixième directive TVA.

19.   L’article 13, paragraphe 2, de la loi danoise sur la TVA dispose que:

«La livraison de biens qui n’ont été utilisés que dans le cadre d’une entreprise exonérée de la taxe conformément au paragraphe 1 du présent article ou de biens dont l’acquisition ou l’affectation a été exclue du droit à déduction en application de l’article 9, est exonérée de la taxe.»

20.   Le chapitre 9 de la loi danoise sur la TVA contient les articles suivants, qui sont pertinents pour la présente affaire:

«Article 42. Les entreprises ne peuvent déduire la taxe en amont portant sur […]

(7) l’acquisition et l’exploitation de véhicules automobiles destinés à transporter au maximum neuf personnes (sous réserve toutefois des dispositions des paragraphes 4, 6 et 7) […]

Paragraphe 6. Les entreprises qui commercialisent ou louent des voitures ou exploitent une auto-école peuvent, nonobstant les dispositions du paragraphe 1.7, déduire la taxe sur les acquisitions (etc.) destinées à ces activités.»

21.   L’article 42, paragraphe 1, point 7, est donc basé sur la disposition de «standstill» de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive TVA, qui permet aux États membres de maintenir toutes les exclusions prévues en vertu du droit national au moment de l’entrée en vigueur de la directive et jusqu’à l’adoption de règles arrêtées par le Conseil en vue d’harmoniser les droits à déduction.

22.   L’article 13, paragraphe 2, a donc pour effet que, puisque les entreprises soumises à l’article 42, paragraphe 1, point 7, sont exclues du droit à déduction, elles ne déclarent pas la TVA sur la vente de voitures relevant de cette dernière disposition.

 Les dispositions en matière de TVA pour les biens d’occasion

23.   Le Royaume de Danemark a transposé la directive 94/5 par les articles 69 à 71 de la loi sur la TVA de 1994 (loi n° 375 du 18 mai 1994) en utilisant, pour les besoins de la présente affaire, des termes analogues à ceux utilisés dans la directive.

III – Les faits et le déroulement de la procédure

24.   Jyske Finans A/S (ci-après «Jyske Finans») exerce une activité de crédit-bail de voitures; dans le cadre de cette activité, elle achète des voitures privées munies de ce qu’il est convenu d’appeler des «plaques blanches» (c’est-à-dire des plaques minéralogiques danoises ordinaires) à des vendeurs, puis elle les leur rétrocède sous forme de location-vente («sale-and-leaseback»).

25.   En outre, dans le cadre de cette activité, Jyske Finans achète des voitures d’occasion munies de plaques d’immatriculation blanches à des vendeurs, puis elle les donne en location-vente à d’autres opérateurs. Au terme de ces locations, elle revend ces voitures d’occasion.

26.   La procédure au principal concerne la revente par Jyske Finans de 145 voitures d’occasion pendant la période allant du 1er janvier 1999 au 31 mai 2001. Ceux qui avaient vendu ces voitures d’occasion à Jyske Finans n’avaient, dans aucun de ces cas, déclaré la TVA sur la vente; la raison en était que, conformément à l’article 13, paragraphe 2, de la loi danoise sur la TVA, ces opérateurs avaient précédemment acquis ces voitures sans avoir le droit de déduire la TVA payée en amont, ce qui veut dire que ces ventes étaient exonérées de la TVA.

27.   En mai 2001, l’administration fiscale danoise (Told-og Skatteregion Horsens) a réclamé à Jyske Finans le paiement de la TVA sur le prix de revente de ces voitures pour un montant de 2 236 413 DKK.

28.   Le 22 janvier 2003, Jyske Finans a formé un recours devant le Vestre Landsret, contestant son obligation d’acquitter la TVA sur le montant précité au motif, entre autres, que cette obligation était contraire à la sixième directive TVA en ce qu’elle donnait lieu à une double imposition. En effet, bien que Jyske Finans avait le droit, en vertu de l’article 42, paragraphe 6, de la loi danoise sur la TVA, de déduire la TVA sur ses achats de voitures d’occasion, elle ne pouvait pas exercer ce droit, puisque les vendeurs de ces voitures n’avaient pas acquitté la TVA au moment de la vente de celles-ci.

29.   Dans ces conditions, le Vestre Landsret a décidé de déférer les questions ci-après à la Cour de justice:

«1)      L’article 13, B, sous c), de la sixième directive TVA (77/388/CEE), envisagé en liaison avec les articles 2, point 1, et 11, A, paragraphe 1, sous a), doit-il être interprété en ce sens que ces dispositions s’opposent à ce qu’un État membre maintienne un état du droit découlant de sa loi sur la TVA, suivant lequel un assujetti ayant dans une large mesure intégré dans son patrimoine professionnel des biens d’investissement, à la différence de revendeurs de véhicules d’occasion et autres opérateurs économiques vendant des véhicules usagés, est assujetti à la TVA sur la vente de ces biens d’investissement, même lorsqu’un bien a été acquis auprès d’assujettis n’ayant pas déclaré la taxe afférente au prix des biens, de sorte que le droit à déduction de la taxe n’était pas ouvert lors de l’acquisition du bien?

2)      L’article 26 bis, titre A, sous e), de la sixième directive TVA doit-il être interprété en ce sens que la notion d’‘assujetti-revendeur’ ne vise que les personnes dont l’activité principale consiste dans l’achat et la vente de véhicules d’occasion lorsque les biens d’occasion dont s’agit sont acquis en vue d’obtenir un gain lors de la revente, en tant qu’unique but – ou but principal – de l’acquisition, ou cette notion englobe-t-elle également des personnes qui revendent normalement ces biens après la fin de la location en tant qu’accessoire de l’activité économique globale centrée sur la location-vente, dans les circonstances décrites ci-dessus?»

30.   Des observations écrites ont été déposées conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice par Jyske Finans, Nordania Finans A/S et BG Factoring A/S, le Skatteministeriet et le Royaume de Danemark, la République hellénique, la République de Pologne et la Commission des Communautés européennes. L’audience a eu lieu le 7 juillet 2005; toutes les parties précitées, à l’exception de la République de Pologne, y ont comparu.

IV – Appréciation

A –    Sur la première question

31.   Par sa première question, le Vestre Landsret demande en substance s’il est contraire à l’article 13, B, sous c), de la sixième directive TVA qu’une disposition de droit national en matière de TVA prévoie qu’un assujetti tel que Jyske Finans – à savoir une société de location-vente qui revend des voitures d’occasion – doit acquitter la TVA sur ces reventes, bien qu’elle ne puisse pas déduire la TVA qu’elle a payée en amont sur le prix de ces voitures.

32.   Nous constatons à titre préliminaire que le gouvernement danois et Nordania Finans A/S, qui est intervenue dans la procédure au principal, ont soulevé la question de savoir si les voitures achetées et mises en location par Jyske Finans constituent des biens d’investissement au sens de la sixième directive TVA. Cette question s’est posée à cause d’une autre affaire relative à une disposition du droit danois en matière de TVA qui est pendante devant le Højesteret (Cour suprême danoise) et elle est la conséquence du libellé de la première question posée dans la présente affaire à la Cour par le Vestre Landsret (5).

33.   Nous faisons remarquer sur ce point que cette question n’a pas été soulevée par la juridiction nationale dans sa demande de décision préjudicielle et qu’aucune des autres parties qui sont intervenues dans la présente procédure n’a avancé des arguments de fond à cet égard. La Cour doit dès lors se borner à répondre aux questions posées par le Vestre Landsret. Plus précisément, elle ne peut pas se prononcer sur la validité au regard du droit danois d’une prémisse sur laquelle cette question est basée. Par conséquent, il n’est ni nécessaire ni approprié que nous nous penchions plus avant sur cette question.

34.   Revenant au fond de la première question, telle qu’elle est énoncée ci-dessus, l’article 13, B, sous c), prévoit une exonération de la TVA dans deux cas.

35.   Le premier est celui des livraisons de biens «qui étaient affectés exclusivement à une activité exonérée en vertu du présent article ou en vertu de l’article 28 paragraphe 3 sous b), si ces biens n’ont pas fait l’objet d’un droit à déduction […]».

36.   Le deuxième est celui des biens dont l’acquisition ou l’affectation avait fait l’objet de l’exclusion du droit à déduction conformément à l’article 17, paragraphe 6.

37.   Il est clair qu’aucun de ces deux cas ne s’applique à la revente de voitures d’occasion par Jyske Finans, et cela pour deux raisons.

38.   En premier lieu, les biens livrés par Jyske Finans – des voitures d’occasion – ne sont pas, sur la base des informations qui nous ont été communiquées par le Vestre Landsret, des biens à affecter exclusivement à une activité exonérée en vertu de l’article 13 (qu’il s’agisse d’activités d’intérêt général ou non). L’article 28, paragraphe 3, sous b), qui est une disposition transitoire, n’est pas non plus applicable à la présente affaire. Ces livraisons sont donc en principe imposables en vertu de la règle générale énoncée à l’article 2 de la directive.

39.   En second lieu, l’article 42, paragraphe 6, de la loi danoise sur la TVA confère expressément à Jyske Finans, en tant qu’entreprise vendant ou louant des voitures, le droit de déduire la TVA payée sur les achats destinés à cette activité. Ainsi que la juridiction de renvoi l’a admis dans sa décision, la raison pour laquelle il n’y a pas eu en l’espèce de déduction est tout simplement qu’il n’y avait pas de TVA en amont à déduire. Cela s’explique par le fait que Jyske Finans avait acheté les voitures d’occasion à des entreprises qui, conformément aux articles 13, paragraphe 2, et 42 de la loi danoise sur la TVA, ne facturaient pas la TVA sur la vente.

40.   Par conséquent, une des conditions pour que Jyske Finans puisse revendre les voitures en exonération de la TVA au titre de l’article 13, B, sous c), de la sixième directive TVA, en vertu duquel aucun droit à déduction n’existe dans le chef de Jyske Finans, n’est pas remplie.

41.   Il s’ensuit que, quelle que soit la lecture que l’on fasse du régime général de la TVA énoncé dans la sixième directive TVA, en particulier en son article 13, B, sous c), Jyske Finans est assujettie à la TVA pour la revente de voitures, telle que décrite dans la décision de renvoi.

42.   Ainsi qu’il est admis par le gouvernement danois, un tel résultat signifie que, puisque Jyske Finans doit acquitter la TVA sur ses reventes sans pouvoir déduire la TVA payée en amont, elle subit une double imposition.

43.   Selon Jyske Finans, une telle conclusion va à l’encontre du but de la sixième directive TVA, en ce que la TVA est essentiellement une taxe qui frappe le consommateur final et que sa charge ne devrait pas grever un opérateur de la chaîne commerciale qui aboutit au consommateur final. Selon elle, la TVA devrait avoir un caractère neutre pour tous les opérateurs intervenant dans cette chaîne, sauf dans le cas où la sixième directive TVA prévoit expressément une exception à ce principe. Jyske Finans soutient dès lors qu’il y a lieu de répondre par l’affirmative à la première question.

44.   Nous ne sommes pas convaincu par cette argumentation.

45.   Il est vrai que, ainsi que nous l’examinerons plus loin, lorsque les termes d’une disposition de la sixième directive TVA sont susceptibles de plusieurs interprétations, cette disposition doit, dans toute la mesure du possible, être interprétée dans un sens qui satisfait le mieux aux buts de la directive. Il est vrai aussi qu’un des buts de la directive consiste à maintenir la neutralité de la taxe entre les assujettis et à éviter la double imposition de ceux-ci.

46.   Or, les termes de l’article 13, B, sous c), prescrivent à l’évidence qu’un assujetti tel que Jyske Finans doit acquitter la TVA sur ses livraisons de voitures dans le cadre d’une revente. Il n’y a, à notre avis, aucune marge pour une interprétation différente de cet article.

47.   Cela est d’autant plus vrai que, en tant qu’exceptions au régime général de la TVA visé dans la sixième directive, la portée des exonérations au titre de l’article 13 doit en principe être interprétée strictement (6).

48.   L’article 13 ne peut pas, dans un tel cas, être interprété dans un sens qui évite la double imposition d’un assujetti tel que Jyske Finans. Le but consistant à éviter la double imposition ne peut pas faire échec aux termes exprès d’une des dispositions de la directive (7).

49.   Il y a dès lors lieu de répondre à la première question posée par le Vestre Landsret que l’article 13, B, sous c), de la sixième directive TVA, lu en combinaison avec les articles 2, point 1, et 11, A, paragraphe 1, sous a), ne doit pas être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre maintienne un état du droit découlant de sa loi sur la TVA, suivant lequel un assujetti est soumis à la TVA sur la revente de voitures d’occasion utilisées pour son entreprise, même lorsque cette personne ne peut pas déduire la TVA lorsqu’elle a acquis les voitures parce qu’aucune TVA n’avait en fait été payée.

B –    Sur la deuxième question

50.   Par sa deuxième question, le Vestre Landsret demande en substance si un assujetti qui revend des voitures d’occasion qu’il a utilisées dans le cadre de son activité de leasing doit être considéré comme un «assujetti-revendeur», relevant de ce fait du régime TVA des biens d’occasion prévu à l’article 26 bis de la sixième directive TVA.

51.   Il n’est pas contesté, en ce qui concerne les faits de la procédure au principal, que les voitures d’occasion en cause peuvent être considérées comme des «biens d’occasion» au sens de l’article 26 bis, A, sous d), ni que ces voitures ont été achetées à des personnes relevant de la définition énoncée à l’article 26 bis, B, paragraphe 2.

52.   Le critère essentiel, qui détermine si, sur la base des faits de la procédure au principal, Jyske Finans a le droit d’appliquer le régime particulier lorsqu’elle perçoit la TVA, est donc de savoir si elle relève de la définition d’assujetti-revendeur, visée à l’article 26 bis, A, sous e), à savoir l’«assujetti qui, dans le cadre de son activité économique, achète ou affecte aux besoins de son entreprise ou importe, en vue de leur revente, des biens d’occasion, des objets d’art, de collection ou d’antiquité».

53.   Si nous devions raisonner uniquement sur la base du texte officiel anglais de la directive, il est clair que Jyske Finans relèverait de cette définition, puisqu’elle a acheté des voitures pour «les besoins de son entreprise» («for the purposes of his undertaking»). Le critère «en vue de leur revente» («with a view to resale») ne constitue pas à première vue, dans cette version, une condition nécessaire pour qu’elle soit considérée comme un assujetti-revendeur.

54.   Or, cette façon de raisonner ne serait pas acceptable, parce les autres versions linguistiques diffèrent de manière déterminante du texte anglais sur ce point.

55.   Au contraire, certaines versions linguistiques de l’article 26 bis définissent l’assujetti-revendeur comme quelqu’un qui achète ou affecte aux besoins de son entreprise ou importe, en vue de leur revente, des biens d’occasion, des objets d’art, de collection ou d’antiquité (8). En d’autres termes, il ressort clairement de ces autres versions qu’une des conditions nécessaires pour être considéré comme un assujetti-revendeur est que les biens soient achetés ou affectés aux besoins de son entreprise en vue de leur revente.

56.   L’interprétation de l’expression «en vue de leur revente» se trouve donc au centre de l’analyse de la deuxième question posée par le Vestre Landsret.

57.   Ainsi que l’observe la décision de renvoi, cette expression est, à première vue, susceptible de plusieurs interprétations dans le contexte des faits en cause dans la procédure au principal. Plus particulièrement, on pourrait la comprendre en ce sens qu’elle s’applique à des assujettis achetant des voitures d’occasion lorsque:

–       l’activité principale de l’assujetti est (l’achat et) la revente de voitures d’occasion;

–       l’activité principale de l’assujetti est (l’achat et) la revente de voitures d’occasion et/ou les voitures concernées ont été achetées uniquement en vue de leur revente; ou

–       au moment de l’achat, l’assujetti avait l’intention de revendre ces voitures à un moment ultérieur, après les avoir d’abord utilisées pour les besoins de son entreprise.

58.   Rien n’indique que, lorsque le législateur communautaire a arrêté la directive 94/5, il ait laissé entendre ou expressément indiqué laquelle de ces interprétations était correcte et si la notion d’«assujetti-revendeur» s’étend à des faits tels que ceux de la présente affaire.

59.   En effet, ainsi que nous l’avons observé dans nos conclusions dans l’affaire France/Conseil et Parlement (9), il est inhérent à la nature d’une législation que le législateur ne peut pas anticiper, et prévoir dans ses termes, toutes les applications factuelles possibles d’un acte législatif. Cela ne serait pas pratique, ni même possible. Dans les domaines commercial et fiscal par exemple, le législateur ne peut de toute évidence pas prédire ni prévoir expressément tous les types d’entreprises possibles ou toutes les formes d’organisations commerciales possibles, lesquels évoluent en permanence.

60.   De ce fait, il appartient à la Cour d’indiquer, dans les limites de l’article 26 bis, laquelle des interprétations possibles est celle qui correspond le mieux au but du régime particulier des biens d’occasion et qui correspond ainsi le mieux aux intentions du législateur communautaire.

61.   Selon le préambule de la directive 94/5, ce but est essentiellement double, à savoir:

–       éviter la double imposition; et

–       éviter les distorsions de concurrence entre assujettis.

62.   Le préambule met donc l’accent sur la nécessité d’arrêter une «réglementation communautaire visant à éviter les doubles impositions et les distorsions de concurrence entre assujettis» et il observe que «la Cour de justice a, dans un certain nombre d’arrêts, constaté la nécessité de parvenir à une certaine harmonisation visant à éviter la double imposition dans le commerce intracommunautaire» (10).

63.   Il souligne ensuite la nécessité de mettre fin à des «régimes [de TVA] très différents qui sont à l’origine de distorsions de concurrence et de détournements de trafic tant à l’intérieur des États membres qu’entre les États membres» (11).

64.   Ces buts ont été relevés très récemment par l’avocat général Stix-Hackl dans ses conclusions dans l’affaire Stenhomen (12). Cette affaire concernait l’application possible de la directive 94/5 à un cheval qui avait été acheté à un particulier, entraîné, puis vendu comme cheval de course. En concluant que la directive était applicable, l’avocat général a fait remarquer qu’un tel résultat était conforme à l’objectif consistant à éviter les doubles impositions et les distorsions de concurrence, que l’article 26 bis cherche à atteindre:

«L’objectif de l’article 26 bis de la sixième directive est cependant d’éviter cette situation, au même titre que l’intention du législateur communautaire, telle qu’elle ressort de la directive 94/5 introduisant cette disposition particulière» (13).

65.   La Cour s’est expressément ralliée à l’avocat général sur ce point et elle a rejeté l’interprétation restrictive du terme figurant, à l’article 26 bis en cause, dans la définition des biens d’occasion au motif que:

«exclure ces livraisons du régime particulier applicable aux biens d’occasion irait à l’encontre de l’intention expresse du législateur d’éviter la double taxation» (14).

66.   Ce but est de toute évidence à la base de, par exemple, la définition visée à l’article 26 bis, B, paragraphe 2, des vendeurs dont un revendeur doit avoir acheté des biens d’occasion pour relever du régime de l’article 26 bis. Ainsi que nous l’avons fait remarquer plus haut, en l’absence du régime particulier, le revendeur serait chaque fois obligé de facturer la TVA sur l’intégralité de la contrepartie qu’il a reçue, mais ne pourrait pas déduire la TVA payée en amont.

67.   De ce fait, lorsque plusieurs interprétations de l’article 26 bis sont possibles, c’est celle qui réalise le mieux le but consistant à éviter les doubles impositions et les distorsions de concurrence qui devrait l’emporter.

68.   Pour revenir aux trois interprétations possibles de l’expression «assujetti-revendeur» que nous avons résumées plus haut, il est clair que le but consistant à éviter les doubles impositions peut être atteint de la meilleure manière en adoptant la plus large de ces interprétations, c’est-à-dire celle qui s’étend aux assujettis achetant des voitures d’occasion avec l’intention de les revendre ultérieurement.

69.   Ainsi que l’observe la juridiction de renvoi, si Jyske Finans avait le droit d’appliquer le régime particulier lors du calcul de la base d’imposition de la TVA, les doubles impositions seraient réduites au minimum, si ce n’est éliminées. En effet, du fait de l’amortissement de la voiture, il n’y aurait probablement, au moment de la revente, qu’un faible, voire aucun, bénéfice auquel la TVA pourrait être appliquée.

70.   En revanche, l’adoption d’une des deux autres interprétations que nous avons indiquées plus haut – qui veut que l’activité principale de l’assujetti consiste dans (l’achat et) la revente de voitures d’occasion et que les voitures en cause soient achetées dans le but unique de leur revente – exclurait des assujettis tels que Jyske Finans du champ d’application de l’article 26 bis. Ainsi que le Vestre Landsret l’a fait remarquer dans sa décision de renvoi, il en résulterait une double imposition à la revente des voitures d’occasion concernées, puisque ces voitures seraient de nouveau intégralement taxées lors de la revente, sans que le revendeur ait bénéficié du droit à déduction.

71.   En outre, si un assujetti tel que Jyske Finans échappait au régime particulier des biens d’occasion prévu à l’article 26 bis, il en résulterait une distorsion de concurrence dans le secteur de la revente des voitures d’occasion. Si ces assujettis étaient obligés de répercuter la charge de la TVA sur les acheteurs au moyen d’un prix de vente plus élevé, les revendeurs de voitures d’occasion dont l’activité principale consiste dans la revente de voitures bénéficieraient, en tant qu’ils relèveraient de l’article 26 bis, d’un avantage concurrentiel dans ce secteur. L’intérêt d’une neutralité de la taxe entre assujettis milite donc aussi en faveur d’une interprétation de l’article 26 bis qui inclue des opérateurs tels que Jyske Finans (15).

72.   Nous ajouterons que nous ne sommes pas convaincu par l’allégation du gouvernement danois selon laquelle il n’y a pas, ou guère, de possibilité de substitution entre la revente par des marchands de voitures d’occasion purs, d’une part, et des sociétés de location-vente telles que Jyske Finans, d’autre part.

73.   Quoi qu’il en soit, nous ne voyons pas comment on peut faire dans tous les cas une distinction effective entre les assujettis dont l’activité «principale» consiste dans la revente de voitures d’occasion (par exemple les marchands de voitures d’occasion) et ceux qui, tels que Jyske Finans, utilisent aussi ces biens pour des activités autres que la revente (en l’espèce la location-vente).

74.   Dans la présente affaire, par exemple, il ressort de la décision de renvoi ainsi que des observations de Jyske Finans que la revente de voitures constitue une partie intégrante de son activité. C’est ainsi qu’elle conclut ses contrats de location de voitures pour une durée déterminée et avec une clause expresse de revente à l’expiration du contrat (bien que cette revente soit soumise à certaines conditions). En outre, elle calcule la charge mensuelle fixe de la location sur la base de la différence entre le montant initialement payé lors de l’achat de la voiture et le prix escompté pour la revente de celle-ci. Il nous semble donc clair que la revente de la voiture peut être considérée comme une intention que Jyske Finans avait au moment de l’achat, bien qu’il ne s’agisse pas d’une intention unique.

75.   Pour toutes ces raisons, nous ne nous rallions pas à l’argument du gouvernement danois selon lequel la notion d’«assujetti-revendeur», visée à l’article 26 bis, doit être interprétée comme se référant uniquement aux entreprises dont l’activité principale consiste dans l’achat et la revente de biens d’occasion et qui ont essentiellement pour but, au moment de l’achat de ces biens, de réaliser un bénéfice lors de la revente. Nous n’acceptons pas non plus l’assertion du gouvernement polonais selon laquelle il faudrait adopter cette interprétation étroite parce que le régime particulier des biens d’occasion, visé à l’article 26 bis, constitue une exception au régime général de la TVA des biens et services.

76.   Il s’ensuit que le concept d’«assujetti-revendeur» doit à notre avis être interprété en ce sens qu’il inclut les assujettis qui achètent des voitures d’occasion avec l’intention de les revendre ultérieurement, même si cette revente ne constitue pas l’objet unique ou principal de l’achat.

77.   Dans son argumentation à l’encontre de cette conclusion, le gouvernement danois soulève deux points supplémentaires.

78.   En premier lieu, il se base sur certaines observations que l’avocat général Saggio a faites dans ses conclusions dans l’affaire Bakcsi (16). Cette affaire ne concernait pas directement l’article 26 bis. Au contraire, la partie de ces conclusions sur laquelle le gouvernement danois s’est basé soulevait la question générale de l’obligation pour un assujetti, qui a acheté des biens à un particulier pour les besoins de son entreprise sans avoir le droit de déduire la TVA et qui les a ensuite revendus, d’acquitter la TVA en vertu des principes énoncés à l’article 2, point 1, de la sixième directive. La question centrale concernait la distinction, aux fins de la déduction de la TVA, entre l’affectation (partielle) de biens au patrimoine professionnel et leur retrait de celui-ci.

79.   En concluant qu’un assujetti qui a choisi d’affecter un bien à son patrimoine professionnel devrait être tenu d’acquitter la TVA intégrale s’il relève uniquement des principes généraux énoncés à l’article 2, point 1, l’avocat général a fait remarquer que, à son avis, l’article 26 bis ne s’appliquait pas. Il a ajouté que «ce régime (de l’article 26 bis) est réservé exclusivement aux assujettis-revendeurs, c’est-à-dire à ceux qui pratiquent l’achat et la vente de biens d’occasion en tant qu’activité principale» (17).

80.   Ce passage ne suffit pas, à notre avis, pour modifier la force de la conclusion ci-dessus, à savoir que des assujettis tels que Jyske Finans entrent dans le concept d’«assujetti-revendeur», et cela pour les raisons suivantes.

81.   Tout d’abord, cette remarque constituait manifestement un obiter dictum dans cette affaire qui, ainsi qu’il a été dit plus haut, concernait un problème très différent. Rien n’indique que des arguments de fond ont été avancés devant la Cour quant à la question de savoir si, aux fins de l’application de l’article 26 bis, il est nécessaire que la revente constitue l’activité unique ou principale d’un assujetti (par opposition à une activité importante ou accessoire).

82.   En outre, dans son arrêt, la Cour ne s’est pas référée à ce dictum et n’a pas expressément pris en considération l’application possible du régime de l’article 26 bis.

83.   En second lieu, le gouvernement danois se base sur l’arrêt ORO Amsterdam Beheer et Concerto (18), en particulier sur l’affirmation suivante de la Cour:

«Pris dans son ensemble, le régime communautaire de la TVA est le résultat d’une harmonisation progressive des législations nationales dans le cadre des articles 99 et 100 du traité. Comme la Cour l’a constaté à plusieurs reprises, cette harmonisation, telle qu’elle a été réalisée par des directives successives et, notamment, par la sixième directive, n’est encore qu’une harmonisation partielle.

Il est vrai que cette harmonisation a, notamment, pour objet d’exclure les doubles taxations, la déduction, à chaque stade d’imposition, de la taxe ayant grevé une opération en amont étant inhérente au mécanisme de la TVA.

Mais cet objectif n’est pas, comme le montrent les termes de l’article 32 de sa sixième directive, encore atteint, et il est impossible de trouver dans le système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tel qu’il existe actuellement, les fondements nécessaires à la définition et à la fixation de modalités d’application d’un régime commun de taxation qui, dans le domaine du commerce des biens d’occasion, permette d’éviter des doubles taxations.»

84.   Selon le gouvernement danois, ce raisonnement s’applique par analogie à la présente affaire. Le fait que Jyske Finans est, par son interprétation de la notion d’«assujetti-revendeur», soumise à une double imposition est, selon lui, dû à une simple lacune dans l’actuel régime de la TVA, qui découle de l’état actuel d’harmonisation partielle.

85.   Sur ce point, il suffit d’observer que, alors que l’affaire ORO Amsterdam Beheer et Concerto concernait effectivement le traitement fiscal des biens d’occasion, elle a été tranchée avant l’entrée en vigueur du régime particulier de l’article 26 bis. Par conséquent, la Cour était chargée non pas d’interpréter l’étendue d’un régime particulier préexistant de TVA, mais de résoudre la question de savoir si l’existence de la double imposition, en tant que conséquence du droit national en matière de TVA qui était applicable dans cette affaire, était comme telle contraire aux principes généraux de la sixième directive. Le raisonnement de la Cour n’est donc pas déterminant pour la présente affaire.

86.   Il y a dès lors lieu de répondre à la deuxième question en ce sens que la notion d’«assujetti-revendeur», visée à l’article 26 bis, A, sous e), de la sixième directive TVA, ne doit pas être interprétée en ce sens qu’elle ne vise qu’un assujetti dont l’activité principale consiste dans l’achat et la vente de biens d’occasion qui ont été acquis dans le but unique ou principal de réaliser un bénéfice lors de la revente. En d’autres termes, cette notion englobe des personnes qui, au moment de l’achat, avaient l’intention de revendre ces biens à une date ultérieure, après les avoir d’abord utilisés pour les besoins de leur propre entreprise.

V –    Conclusion

87.   Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour de répondre dans les termes suivants aux questions posées par le Vestre Landsret:

«1)      L’article 13, B, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, ci-après la ‘sixième directive TVA’, lu en combinaison avec les articles 2, point 1, et 11, 1, paragraphe 1, sous a), ne doit pas être interprété en ce sens que ces dispositions s’opposent à ce qu’un État membre maintienne un état du droit découlant de sa loi sur la TVA, en vertu duquel un assujetti est tenu d’acquitter la TVA sur la revente de voitures d’occasion utilisées pour les besoins de son entreprise, même si cet assujetti ne peut pas déduire la TVA payée lors de l’achat des voitures parce qu’aucune TVA n’avait en fait été payée.

2)      La notion d’‘assujetti-revendeur’, visée à l’article 26 bis, A, sous e), de la sixième directive TVA, inclut un assujetti qui, au moment de l’achat, avait l’intention de revendre les biens à un moment ultérieur, après les avoir d’abord utilisés pour les besoins de son entreprise.»


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive TVA»).


3 – Directive du Conseil, du 14 février 1994, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388 – Régime particulier applicable dans le domaine des biens d’occasion, des objets d’art, de collection ou d’antiquité (JO L 60, p. 16).


4 – Cet article a été supprimé par la directive 94/5.


5 – En particulier, l’utilisation de l’expression un «assujetti ayant dans une large mesure intégré dans son patrimoine professionnel des biens d’investissement».


6 – Voir, à titre d’exemple, arrêts du 20 novembre 2003, Taksatorringen (C-8/01, Rec. p. I-13711), et du 3 mars 2005, Fonden Marselisborg Lystbådehavn (C-428/02, Rec. p. I-1527).


7 – Voir, à titre d’exemple d’une double imposition que la Cour ne peut pas réparer, arrêt du 5 décembre 1989, ORO Amsterdam Beheer et Concerto (C-165/88, Rec. p. 4081), que nous examinerons plus loin.


8 – C’est en ces termes que la version française définit l’assujetti-revendeur; dans la version néerlandaise, celui-ci est défini comme étant «de belastingplichtige die in het kader van zijn economische activiteit gebruikte goederen, kunstvoorwerpen, voorwerpen voor verzamelingen of antiquiteiten koopt, voor bedrijfsdoeleinden bestemt dan wel invoert met het oog op wederverkoop […]».


9 – Conclusions du 17 mars 2004 (arrêt du 24 mai 2005, C-244/03, Rec. p. I-4021), points 74 et 75.


10 – Cinquième et troisième considérants.


11 – Deuxième considérant.


12 – Conclusions du 10 juillet 2003 (arrêt du 1er avril 2004, C-320/02, Rec. p. I-3509).


13 –      Ibidem, points 60 et 61. Voir aussi les conclusions de l’avocat général Kokott du 24 février 2005 dans l’affaire Commission/Royaume-Uni (C-305/03, pendante devant la Cour, point 59) et, à la lumière de la proposition de la Commission qui a finalement abouti à la directive 94/5, l’arrêt du 10 juillet 1985, Commission/Pays-Bas (16/84, Rec. p. 2355).


14 –      Arrêt Stenhomen (précité note 12, point 25).


15 – Nous constatons que, dans une réponse du 20 décembre 2002 à l’Association des sociétés financières danoises, la Commission (direction générale des taxes et droits de douane) a affirmé que rien dans la définition des «assujettis-revendeurs» à l’article 26 bis, A, sous e), ne permettait de limiter ce régime aux assujettis opérant, exclusivement ou principalement, dans le secteur de l’achat et de la vente de biens d’occasion.


16 – Conclusions du 13 avril 2000 (arrêt du 8 mars 2001, C-415/98, Rec. p. I-1831).


17 – Ibidem, point 34.


18 – Arrêt précité note 7, points 21 à 23.