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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 7 septembre 2016 (1)

Affaire C-496/15

Alphonse Eschenbrenner

contre

Bundesagentur für Arbeit

[demande de décision préjudicielle formée par le Landessozialgericht Rheinland-Pfalz (tribunal supérieur du contentieux social de la Rhénanie-Palatinat, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des travailleurs – Article 45 TFUE – Règlement (UE) nº 492/2011 – Article 7 – Principe de non-discrimination – Travailleur frontalier assujetti à l’impôt sur le revenu dans l’État membre de résidence – Directive 2008/94/CE – Indemnité versée par l’État membre d’emploi en cas d’insolvabilité de l’employeur – Modalités de calcul – Prise en compte fictive de l’impôt sur les salaires de l’État membre d’emploi »





I –    Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle, déposée au greffe de la Cour le 22 septembre 2015 par le Landessozialgericht Rheinland-Pfalz (tribunal supérieur du contentieux social de la Rhénanie-Palatinat, Allemagne), porte sur l’interprétation des articles 45 TFUE et 7 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (2).

2.        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Alphonse Eschenbrenner, ressortissant français résidant en France, au Bundesagentur für Arbeit (Agence fédérale pour l’emploi, Allemagne, ci-après l’« Agence »). Ce litige porte sur la prise en compte fictive par l’Agence de l’impôt sur les salaires allemands lors de l’établissement du montant de l’indemnité d’insolvabilité due à M. Eschenbrenner à la suite de l’insolvabilité de son employeur en Allemagne.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit international

3.        L’article 13 de la convention fiscale signée à Paris, le 21 juillet 1959, entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproques en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières (ci-après la « convention fiscale ») dispose :

« (1) Sous réserve des dispositions des paragraphes ci-après, les revenus provenant d’un travail dépendant ne sont imposables que dans l’État contractant où s’exerce l’activité personnelle source de ces revenus. […]

[...]

(5)      a)      Par dérogation [au paragraphe (1)], les revenus provenant du travail dépendant de personnes qui travaillent dans la zone frontalière d’un État contractant et qui ont leur foyer d’habitation permanent dans la zone frontalière de l’autre État contractant où elles rentrent normalement chaque jour ne sont imposables que dans cet autre État ;

[…] »

4.        L’article 14 de cette convention fiscale dispose :

« (1) Les traitements, salaires et rémunérations analogues, ainsi que les pensions de retraite versés par un des États contractants, un Land ou par une personne morale de droit public de cet État ou Land à des personnes physiques résidentes de l’autre État en considération de services administratifs ou militaires actuels ou antérieurs, ne sont imposables que dans le premier État. [...]

(2)      Les dispositions du paragraphe (1), phrase 1, sont également applicables :

      1. Aux sommes versées au titre des assurances sociales légales ;

[...] »

B –    Le droit de l’Union

1.      Règlement n° 492/2011

5.        L’article 7 du chapitre I, intitulé « De l’emploi, de l’égalité de traitement et de la famille des travailleurs », sous la section 2, intitulée « De l’exercice de l’emploi et de l’égalité de traitement », du règlement n°  492/2011 est libellé comme suit :

« 1. Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

[…] »

2.      Directive 2008/94/CE

6.        L’article 1er de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (3), stipule ce qui suit :

« 1. La présente directive s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1.

[...] »

7.        L’article 2, paragraphe 1, de cette directive définit les conditions dans lesquelles un employeur est considéré, aux fins de cette même directive, comme se trouvant en état d’insolvabilité. Aux termes du paragraphe 2 de cet article :

« La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition des termes “travailleur salarié”, “employeur”, “rémunération”, “droit acquis” et “droit en cours d’acquisition”.

[...] »

8.        L’article 3 de la directive 2008/94 stipule ce qui suit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail, y compris, lorsque le droit national le prévoit, des dédommagements pour cessation de la relation de travail.

Les créances prises en charge par l’institution de garantie sont les rémunérations impayées correspondant à une période se situant avant et/ou, le cas échéant, après une date déterminée par les États membres. »

9.        L’article 4 de la directive 2008/94 dispose :

« 1. Les États membres ont la faculté de limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie visée à l’article 3.

2. Lorsque les États membres font usage de la faculté visée au paragraphe 1, ils fixent la durée de la période donnant lieu au paiement des créances impayées par l’institution de garantie. Cette durée ne peut toutefois être inférieure à une période portant sur la rémunération des trois derniers mois de la relation de travail se situant avant et/ou après la date visée à l’article 3, deuxième alinéa.

[...]

3. Les États membres peuvent assigner des plafonds aux paiements effectués par l’institution de garantie. Ces plafonds ne doivent pas être inférieurs à un seuil socialement compatible avec l’objectif social de la présente directive.

[...] »

C –    Le droit allemand

10.      L’article 3 de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu) prévoit ce qui suit :

« Sont exonérés

[...]

2. [...]

b) l’indemnité d’insolvabilité, [...] »

11.      Le Sozialgesetzbuch (code de la sécurité sociale (SGB) stipule ce qui suit à l’article 165, paragraphe 1, de son livre III (ci-après le « SGB III ») :

« Les travailleurs ont droit à une indemnité d’insolvabilité lorsqu’ils exerçaient un emploi sur le territoire national et que, en cas de la survenance de l’insolvabilité de leur employeur, ils sont titulaires de créances salariales impayées portant sur les trois derniers mois du contrat de travail. […] »

12.      L’article 167 du SGB III, intitulé « Montant », prévoit ce qui suit :

« (1) L’indemnité d’insolvabilité est versée à hauteur de la rémunération nette, qui est égale à la rémunération brute, dans la limite du plafond de calcul de cotisations visé à l’article 341, paragraphe 4, du SGB III, minorée des retenues légales.

(2) Si le travailleur

[...]

2.      n’est ni assujetti à l’impôt sur le revenu sur le territoire national ni redevable de l’impôt au titre de l’indemnité d’insolvabilité en vertu des dispositions qui lui sont applicables, il convient de déduire de la rémunération les impôts qui auraient été prélevés par retenue sur cette rémunération si le travailleur avait été assujetti à l’impôt sur le revenu sur le territoire national. »

13.      L’article 169, première phrase, du SGB III, intitulé « Subrogation », dispose :

« Les créances salariales qui fondent un droit à une indemnité d’insolvabilité sont transmises par subrogation à [l’Agence] lorsqu’une indemnité d’insolvabilité est sollicitée. »

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

14.      M. Eschenbrenner, de nationalité française, est résident en France. Il travaillait depuis l’année 1996 dans une entreprise située en Allemagne comme travailleur frontalier au sens de la convention fiscale. Par conséquent, ses revenus perçus en Allemagne étaient soumis à l’impôt en France.

15.      Le 29 juin 2012, une procédure d’insolvabilité de l’employeur de M. Eschenbrenner a été ouverte.

16.      Les salaires et traitements de M. Eschenbrenner ont été intégralement payés jusqu’au mois de mars 2012. Dans le cadre du mécanisme de préfinancement, le syndic provisoire a versé à M. Eschenbrenner une rémunération d’un montant de 3 550,24 euros pour la période allant du 1er avril au 28 juin 2012. Il ressort de l’attestation relative à l’indemnité d’insolvabilité, remise par le syndic, que M. Eschenbrenner était créancier d’une somme de 5 571,88 euros au titre de la période précitée (4).

17.      Le 13 juillet 2012, M. Eschenbrenner a sollicité le versement d’une indemnité d’insolvabilité. Par décision du 18 juillet 2012, un montant total de 356,77 euros lui a été octroyé au titre de cette indemnité. L’Agence avait calculé ce montant en déduisant de la rémunération brute de M. Eschenbrenner à la fois les cotisations sociales, l’avance versée en avril 2012, tout comme la somme octroyée par le syndic provisoire au titre du préfinancement, ainsi qu’une retenue fictive de l’impôt sur les salaires prévue par la législation allemande.

18.      M. Eschenbrenner a fait valoir, dans sa réclamation contre cette décision, que la prise en compte à titre fictif de l’impôt allemand sur les salaires était contraire au droit de l’Union, puisqu’il n’était pas assujetti à l’impôt en Allemagne. Par décision du 18 septembre 2012, l’Agence a rejeté cette réclamation au motif que le montant de l’indemnité avait été correctement calculé en application des dispositions en vigueur en Allemagne.

19.      Le 18 octobre 2012, M. Eschenbrenner a formé un recours devant le Sozialgericht (tribunal du contentieux social). Il a fait valoir que le mode de calcul de l’indemnité d’insolvabilité prévu à l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III n’était pas conforme à l’article 45 TFUE, car il se répercutait de façon négative sur sa situation de travailleur frontalier. Selon M. Eschenbrenner, les travailleurs allemands reçoivent à titre d’indemnité d’insolvabilité un montant correspondant à 100 % de leur revenu net antérieur alors que, en sa qualité de travailleur frontalier normalement imposé en France, il a perçu un montant nettement inférieur à son revenu net antérieur en raison de la prise en compte, à titre fictif, de l’impôt en vigueur en Allemagne, nettement plus élevé que celui applicable en France.

20.      Le Sozialgericht (tribunal du contentieux social) a rejeté le recours par jugement du 16 octobre 2013. Le 9 décembre 2013, M. Eschenbrenner a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

21.      La juridiction de renvoi estime que le montant de l’indemnité d’insolvabilité devrait en principe être égal à la rémunération nette. Or, en application du mode de calcul prévu à l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III, cette indemnité ne permettrait précisément pas aux travailleurs frontaliers de compenser leur rémunération nette antérieure. Elle relève que, dans les arrêts du 16 septembre 2004, Merida (C-400/02, EU:C:2004:537), et du 28 juin 2012, Erny (C-172/11, EU:C:2012:399), la Cour a considéré, respectivement, que la déduction fictive de l’impôt sur le revenu dû en Allemagne lors du calcul, d’une part, du montant de l’allocation complémentaire temporaire en faveur des anciens employés civils des forces alliées en Allemagne et, d’autre part, du montant des majorations de traitement versées aux travailleurs placés sous un régime de travail à temps partiel, constituait une discrimination indirecte.

22.      Toutefois, la juridiction de renvoi relève que, à la différence des situations en cause dans ces deux dernières affaires, l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III n’entraînerait pas, de fait, une double imposition étant donné que, en l’occurrence, seul l’impôt qui serait dû en Allemagne est pris en compte de façon fictive lors du calcul de l’indemnité d’insolvabilité.

23.      La juridiction de renvoi a des doutes sur la conformité au droit de l’Union de l’interprétation du Sozialgericht (tribunal du contentieux social) selon laquelle le bénéficiaire de l’indemnité d’insolvabilité conserverait une créance à l’encontre de son employeur, en ce qui concerne la partie de son salaire brut afférente à l’impôt. En effet, même si le travailleur frontalier conservait une créance à l’encontre de son employeur, un effort plus important serait requis de sa part et il serait dans l’ensemble moins protégé que le travailleur allemand, étant donné qu’il n’est pas improbable, selon la juridiction de renvoi, que sa créance ne soit pas payée lors de la réalisation de la masse de la faillite. La juridiction de renvoi relève qu’une telle interprétation pourrait être contraire à la directive 2008/94 qui prévoit, en principe, une compensation intégrale des créances salariales impayées.

24.      Dans ces conditions, le Landessozialgericht Rheinland-Pfalz, (tribunal supérieur du contentieux social de la Rhénanie-Palatinat) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Est-il compatible avec les dispositions de droit primaire et/ou secondaire de l’Union [notamment l’article 45 TFUE et l’article 7 du règlement n° 492/2011] que, s’agissant d’un travailleur précédemment employé en Allemagne qui réside dans un autre État membre et n’est ni assujetti à l’impôt sur le revenu en Allemagne ni redevable de l’impôt au titre de l’indemnité d’insolvabilité en vertu des dispositions qui lui sont applicables, l’impôt sur le revenu qui aurait été prélevé si ce travailleur avait été assujetti à l’impôt en Allemagne soit déduit de façon fictive de la rémunération servant de base au calcul du montant de l’indemnité d’insolvabilité qui est lui due, en cas d’insolvabilité de son employeur, si ce travailleur ne peut plus faire valoir à l’encontre de ce dernier la créance correspondant à la part de salaire brut restant due ?

2)      En cas de réponse négative à la première question, les dispositions du droit primaire et/ou secondaire de l’Union sont-elles respectées si le travailleur se trouvant dans le cas de figure précédemment décrit peut toujours faire valoir à l’encontre de son employeur la créance correspondant à la part de salaire brut restant due ? »

IV – La procédure devant la Cour

25.      Des observations écrites ont été déposées par le gouvernement allemand et la Commission européenne. Ces derniers ont formulé des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 7 juillet 2016.

V –    Analyse

26.      Par ses questions, que j’estime opportun d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45, paragraphe 2, TFUE et l’article 7 du règlement n° 492/2011 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III, qui, contrairement à la situation existant pour les travailleurs qui sont assujettis à l’impôt sur le revenu en Allemagne (5), ne garantit pas aux travailleurs frontaliers qui ne sont ni assujettis à l’impôt sur le revenu en Allemagne ni redevables en France d’un impôt au titre de l’indemnité d’insolvabilité une indemnité d’insolvabilité équivalant à leur rémunération nette antérieure.

27.      La juridiction de renvoi demande également si l’existence ou non d’une possibilité pour un travailleur frontalier de faire valoir à l’encontre de son employeur la créance correspondant à la part de salaire brut restant due a une influence sur l’issue de l’affaire.

A –    Observations liminaires

28.      L’indemnité d’insolvabilité versée à M. Eschenbrenner par l’Agence est liée aux créances salariales résultant d’une relation de travail pour la période allant du 1er avril au 28 juin 2012, à savoir trois mois.

29.      Il ressort du dossier devant la Cour que, conformément à l’article 167, paragraphe 1, du SGB III, l’indemnité d’insolvabilité est versée à la hauteur de la rémunération nette du travailleur, égale à sa rémunération brute (6), minorée de l’impôt sur le revenu applicable en Allemagne.

30.      Or, conformément à l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III (7), dans le cas d’un travailleur frontalier comme M. Eschenbrenner qui n’est ni assujetti à l’impôt sur le revenu en Allemagne ni redevable d’un impôt au titre de l’indemnité d’insolvabilité en vertu des dispositions qui lui sont applicables en France, cette indemnité est minorée, à titre fictif, de l’impôt sur le revenu applicable en Allemagne.

31.      Il s’ensuit que, si les travailleurs frontaliers en cause sont placés dans une situation identique à celle des travailleurs assujettis à l’impôt sur le revenu en Allemagne en ce qui concerne le montant de l’indemnité d’insolvabilité octroyée, ils ne reçoivent pas, contrairement aux travailleurs assujettis à l’impôt en Allemagne, une indemnité d’insolvabilité équivalant à leur rémunération nette antérieure.

32.      L’indemnité qu’ils perçoivent ne permet donc pas de compenser la rémunération nette antérieure d’un travailleur frontalier comme M. Eschenbrenner, car la quote-part fictive correspondant à l’impôt sur le revenu applicable en Allemagne est plus élevée que l’impôt sur le revenu appliqué en France auparavant (8), conformément à la convention fiscale.

B –    Sur l’absence de double imposition et sur la compétence fiscale de la République fédérale d’Allemagne

33.      Il résulte de la demande de décision préjudicielle que, d’une part, des mesures de prévention de la double imposition de l’indemnité d’insolvabilité ont été introduites, dans l’ordre juridique allemand par l’article 14, paragraphe 2, point 1, de la convention fiscale, qui stipule que le droit de taxer l’indemnité d’insolvabilité des travailleurs frontaliers comme M. Eschenbrenner appartient exclusivement à la République fédérale d’Allemagne, et que, d’autre part, l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III (9), n’entraîne pas davantage le risque d’une double imposition de fait.

34.      Au vu de l’absence de double imposition, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si la réglementation nationale en cause constitue une mesure discriminatoire à l’égard des travailleurs frontaliers en cause, incompatible avec l’article 45, paragraphe 2, TFUE et l’article 7 du règlement n° 492/2011.

35.      En effet, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 16 septembre 2004, Merida (C-400/02, EU:C:2004:537, point 37) (10), et du 28 juin 2012, Erny (C-172/11, EU:C:2012:399) (11), le raisonnement de la Cour était fondé, au moins en partie, sur le fait qu’un travailleur frontalier était exposé au risque d’une double imposition.

36.      Il est de jurisprudence constante que, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation de l’Union, les États membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir de taxation, en vue, notamment, d’éliminer les doubles impositions. Il leur appartient de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les situations de double imposition, en utilisant, notamment, les critères suivis dans la pratique fiscale internationale (12).

37.      Je considère, par conséquent, que le droit de la République fédérale d’Allemagne de taxer l’indemnité d’insolvabilité des travailleurs frontaliers comme M. Eschenbrenner conformément à la convention fiscale et à sa législation interne ne doit pas être remis en cause (13). Cette conclusion (et plus particulièrement le fait que dans la présente affaire la convention fiscale soit respectée et qu’il n’y ait pas de double imposition) n’a cependant pas pour conséquence automatique que la législation allemande soit conforme au droit de l’Union (14).

C –    Sur le principe de non-discrimination consacré par les dispositions de droit de l’Union faisant l’objet de la première question préjudicielle

38.      L’article 45, paragraphe 2, TFUE interdit toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. L’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 492/2011 ne constitue que l’expression particulière du principe de non-discrimination consacré à l’article 45, paragraphe 2, TFUE dans les domaines spécifiques des conditions d’emploi et de travail, ainsi que de l’octroi d’avantages sociaux. Par conséquent, l’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 492/2011 doit être interprété de la même façon que l’article 45, paragraphe 2, TFUE (15).

39.      La règle de l’égalité de traitement inscrite tant à l’article 45 TFUE qu’à l’article 7 du règlement n° 492/2011 prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par l’application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat. À moins qu’elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi, une disposition de droit national, bien qu’indistinctement applicable selon la nationalité, doit être considérée comme indirectement discriminatoire dès lors qu’elle est susceptible, par sa nature même, d’affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et qu’elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers (16). Pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’indirectement discriminatoire, il n’est pas nécessaire qu’elle ait pour effet de favoriser l’ensemble des ressortissants nationaux ou de ne défavoriser que les seuls ressortissants des autres États membres à l’exclusion des nationaux (17).

40.      En outre, le principe de non-discrimination exige non seulement que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, mais également que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale (18).

41.      Il convient de noter que la juridiction de renvoi ne tranche pas clairement le point de savoir si l’indemnité d’insolvabilité constitue une « rémunération » au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n°  492/2001 ou un « avantage social » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement (19). Toutefois, étant donné que, selon cette juridiction et conformément à l’article 14, paragraphe 2, point 1, de la convention fiscale, l’indemnité d’insolvabilité est imposable dans le pays qui l’octroie (20), il y a lieu d’en inférer, à mon sens, que, pour cette juridiction, cette indemnité est versée « au titre des assurances sociales légales » et constitue un avantage social. Je relève également que le gouvernement allemand soutient dans ses observations le fait que l’indemnité d’insolvabilité constitue un avantage social versé aux fins de promouvoir l’emploi.

42.      En tout état de cause, comme le relève la Commission dans ses observations écrites, il importe peu de savoir si l’indemnité d’insolvabilité relève du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de l’article 7 du règlement n° 492/2011 étant donné que ces deux dispositions appliquent le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 45, paragraphe 2, TFUE.

43.      Au-delà des articles 45 TFUE et 7 du règlement n° 492/2011, je crois opportun d’intégrer la directive 2008/94 dans le raisonnement, même si elle n’est pas citée dans les questions préjudicielles.

D –    La directive 2008/94

44.      Comme la directive 2008/94 instaure, à son article 3, une obligation de paiement des créances impayées dues à des travailleurs salariés (21), la question de la discrimination posée par la juridiction de renvoi à propos de l’indemnité d’insolvabilité payée à M. Eschenbrenner doit être appréciée à la lumière de la finalité sociale de ladite directive.

45.      À cet égard, la Cour a souligné que les paiements de créances salariales présentaient, par leur nature même, une très grande importance pour les intéressés (22).

46.      En outre, dans l’arrêt du 17 novembre 2011, van Ardennen (C-435/10, EU:C:2011:751, points 27 et 28), la Cour a dit pour droit que l’objectif de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (23), dont les dispositions correspondent en substance aux dispositions de la directive 2008/94 (24), consistait à garantir à tous les travailleurs salariés, au niveau de l’Union européenne, un minimum de protection (25) en cas d’insolvabilité de l’employeur, et ce par le paiement des créances de rémunération dues en exécution de contrats ou relations de travail et restées impayées pendant une période déterminée. C’est à ces fins que l’article 3 de la directive 2008/94 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4 de ladite directive, le paiement desdites créances impayées des travailleurs salariés.

47.      L’article 4 de la directive 2008/94 confère aux États membres la faculté de limiter l’obligation de paiement par la fixation d’une période de référence ou d’une période de garantie et/ou de plafonds aux paiements (26).

48.      Par conséquent, les États membres ont la faculté, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2008/94, de limiter l’obligation de paiement à une période donnée, fixée selon les modalités de l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive (27). À cet égard, il ressort du dossier devant la Cour que l’indemnité d’insolvabilité vise les trois derniers mois du contrat de travail, et ce conformément à l’article 165, paragraphe 1, du SGB III.

49.      En outre, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2008/94 prévoit la faculté pour les États membres de fixer un plafond pour la garantie de paiement des créances impayées des travailleurs salariés afin d’éviter le versement de sommes allant au-delà de la finalité sociale de cette directive. Toutefois, la Cour a jugé que, si les États membres étaient en droit de fixer un plafond pour la garantie des créances impayées, ils étaient tenus d’assurer, dans la limite de ce plafond, le paiement de la totalité des créances impayées en cause (28).

50.      Or, si l’article 3 de la directive 2008/94 prévoit que les institutions de garantie assurent le paiement des créances impayées des travailleurs salariés, je me rallie aux observations du gouvernement allemand selon lesquelles « [c]ette directive ne prévoit cependant aucune disposition portant sur le point de savoir s’il s’agit là de valeurs brutes ou de valeurs nettes et sur la manière dont, le cas échéant, le traitement fiscal de l’indemnité d’insolvabilité doit être effectué ». En effet, la directive 2008/94 ne régit pas le traitement fiscal des créances en cause. En l’absence d’harmonisation en application du droit de l’Union, les États membres ont donc le droit de taxer ou non l’indemnité qui correspond aux créances impayées des travailleurs salariés.

51.      S’agissant des travailleurs qui résident en Allemagne, l’indemnité d’insolvabilité est versée à hauteur de la rémunération nette. Il s’ensuit que, pour ces derniers, l’indemnité d’insolvabilité est, en principe, équivalente à leur salaire net perçu auparavant en tant que travailleurs actifs. Par conséquent, pour la période en question, la situation salariale nette de ces travailleurs est reconstituée rétroactivement puisqu’ils perçoivent leur salaire net antérieur.

52.      En revanche, s’agissant des travailleurs frontaliers se trouvant dans la situation de M. Eschenbrenner, la déduction, à titre fictif, de l’impôt sur les salaires allemand lors de la détermination de l’indemnité d’insolvabilité, conformément à l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III, ne permet pas d’atteindre le même résultat (29).

53.      En effet, la prise en compte à titre fictif de l’impôt sur les salaires allemand a une incidence défavorable sur la situation des travailleurs frontaliers comme M. Eschenbrenner et les désavantage par rapport aux travailleurs qui résident en Allemagne. Contrairement à ces derniers, la situation salariale nette des travailleurs frontaliers pour la période en question n’est pas reconstituée ou rétablie rétroactivement (30).

54.      Il apparaît donc que la réglementation nationale en cause traite les travailleurs frontaliers de la même façon que les travailleurs résidant en Allemagne alors qu’ils se trouvent dans des situations qui ne sont pas comparables (31). En effet, avant l’insolvabilité de son employeur, M. Eschenbrenner était assujetti à l’impôt en France et percevait un revenu net supérieur à celui d’un employé se trouvant dans une situation identique à la sienne, mais résidant en Allemagne.

55.      Le gouvernement allemand estime que l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III n’a pas pour effet principal de désavantager les travailleurs migrants et les travailleurs frontaliers. Selon ce gouvernement, en fonction des spécificités de chaque cas d’espèce, et notamment des taux d’imposition individuels des travailleurs dans les différents États membres de l’Union, une telle disposition est susceptible d’avoir, au cas par cas, des effets favorables ou défavorables sur la situation du travailleur frontalier selon que l’impôt le plus élevé soit l’impôt allemand ou celui de l’autre État membre.

56.      Il importe de souligner que les conséquences défavorables, voire même favorables, que pourraient entraîner des disparités entre les barèmes d’imposition des États membres, dont la fixation, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, relève de la compétence des États membres, ne sauraient comme telles être constitutives d’une discrimination interdite par le droit l’Union (32).

57.      Toutefois, lorsque l’indemnité d’insolvabilité versée par un État membre à un travailleur résident correspond à sa rémunération nette perçue auparavant pour un emploi et vise par conséquent à rétablir le statu quo avant l’insolvabilité de l’employeur, ce qui est conforme à l’objectif de la directive 2008/94, cet État membre doit assurer le même traitement aux travailleurs frontaliers (33).

58.      Par conséquent, dans le cas des travailleurs frontaliers, l’application fictive de l’impôt sur les salaires allemands empêche que le montant de l’indemnité d’insolvabilité corresponde à la rémunération nette perçue auparavant, contrairement à ce qui est le cas pour les travailleurs résidant en Allemagne (34), et constitue une discrimination contraire aux articles 45 TFUE et 7 du règlement n° 492/2011 (35) (36).

59.      Je considère également que la réglementation nationale en cause viole l’article 3 de la directive 2008/94, car elle n’assure pas, dans la limite du plafond fixé conformément à l’article 4, paragraphe 3, de ladite directive, le paiement de la totalité des créances impayées en cause. En effet, si le droit de la République fédérale d’Allemagne de taxer l’indemnité versée au titre de ces créances ne saurait être remis en cause, l’exercice de ce droit par la déduction, à titre fictif, de l’impôt allemand, en l’occurrence plus élevé que l’impôt français applicable auparavant, porte atteinte à l’article 3 de la directive 2008/94 et au régime de protection minimal prévu par ladite directive.

60.      De surcroît, étant donné que, conformément à l’article 3 de la directive 2008/94, le paiement des créances impayées doit être assuré par les institutions de garantie, l’Agence doit assurer tant aux travailleurs résidents qu’aux travailleurs transfrontaliers le paiement de leur rémunération nette. Il s’ensuit que le fait que le bénéficiaire de l’indemnité d’insolvabilité conserve éventuellement (37) une créance à l’encontre de son employeur, en ce qui concerne la partie de son salaire brut afférent à l’impôt, n’est pas, à mon avis, pertinent et n’a pas une influence sur l’issue de l’affaire.

VI – Conclusion

61.      À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Landessozialgericht Rheinland-Pfalz (tribunal supérieur du contentieux social de la Rhénanie-Palatinat) de la manière suivante :

L’article 45 TFUE, l’article 7 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union et l’article 3 de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur s’opposent à une réglementation nationale qui, contrairement à la situation existant pour les travailleurs assujettis à l’impôt sur le revenu dans l’État membre en cause, ne garantit pas aux travailleurs frontaliers qui ne sont ni assujettis à l’impôt sur le revenu dans ce dernier État membre ni redevables de l’impôt au titre de l’indemnité d’insolvabilité en vertu des dispositions qui leur sont applicables dans un autre État membre, une indemnité d’insolvabilité équivalant à leur rémunération nette antérieure.


1 – Langue originale : le français.


2 – JO 2011, L 141, p. 1.


3 – JO 2008, L 283, p. 36.


4 –      Une somme de 1 094,57 euros correspondant aux cotisations sociales, à savoir respectivement 379,11 euros, 371,23 euros et 344,23 euros, au titre des mois d’avril, mai et juin 2012, venait en déduction du montant indiqué. M. Eschenbrenner a en outre obtenu pour le mois d’avril une avance de 36,90 euros, à titre de note de frais, lequel montant est déjà inclus dans les 5 571,88 euros.


5 – Voir article 167, paragraphe 1, du SGB III.


6 – Dans la limite du plafond de calcul des cotisations visé à l’article 341, paragraphe 4, du SGB III. Il ne semble pas que ce plafond soit en cause dans l’affaire au principal.


7 –      Selon le gouvernement allemand, cette disposition constitue une exception à la règle prévue à l’article 167, paragraphe 1, du SGB III.


8 – À savoir, avant l’insolvabilité de son employeur.


9 – Il convient de noter que l’article 167, paragraphe 2, point 2, du SGB III, qui prévoit notamment la déduction des impôts fictifs, ne figure pas dans le code fiscal allemand.


10 – Dans cet affaire, la Cour a jugé, en substance, que le principe de non-discrimination s’opposait à une réglementation nationale prévue par une convention collective, selon laquelle le montant d’une prestation sociale telle qu’une allocation temporaire complémentaire des prestations octroyées pour cause de chômage, accordée aux salariés en cas de licenciement et versée par l’État membre d’emploi à un travailleur qui réside et est imposable dans un autre État membre, est calculé de telle manière que l’impôt sur les salaires dû dans l’État membre d’emploi est déduit de manière fictive lors de la détermination de la base de calcul de ladite allocation, alors que, conformément à une convention en vue d’éviter les doubles impositions, les traitements, salaires et rémunérations analogues versés aux travailleurs qui ne résident pas dans cet État ne sont imposables que dans l’État membre de résidence de ces derniers.


11 – Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 juin 2012, Erny (C-172/11, EU:C:2012:399), une majoration versée par l’employeur dans le cadre d’un régime de préretraite progressive était calculée de telle façon que l’impôt sur les salaires dû par le travailleur dans l’État membre d’emploi était déduit de manière fictive lors de la détermination de la base de calcul de cette majoration, alors que, conformément à une convention fiscale destinée à éviter les doubles impositions, les traitements, salaires et rémunérations analogues versés aux travailleurs frontaliers étaient imposables dans leur État membre de résidence. Au point 45 de cet arrêt, la Cour a jugé que « dans le cas des travailleurs frontaliers, l’application à titre fictif du taux de l’impôt sur les salaires allemand empêche que le montant versé corresponde approximativement à 85 % de la rémunération nette perçue auparavant pour un emploi à temps plein, contrairement à ce qui est généralement le cas pour les travailleurs résidant en Allemagne ».


12 – Voir arrêt du 8 décembre 2011, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C-157/10, EU:C:2011:813, points 28, 29, 31 et 32, et jurisprudence citée).


13 – Voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 1998, Gilly (C-336/96, EU:C:1998:221, point 30).


14 – Je me demande d’ailleurs si la République fédérale d’Allemagne a véritablement exercé une compétence fiscale à l’égard de l’indemnité d’insolvabilité versée à M. Eschenbrenner puisque l’article 3, point 2, sous b), de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu) exempte cette indemnité de tout impôt et que la déduction de l’impôt fictif pourrait en réalité viser à faire en sorte que le bénéficiaire ne reçoive pas une somme supérieure au salaire net qu’il aurait reçu si son employeur n’était pas devenu insolvable, et ce même si le gouvernement allemand ne l’a pas admis lors de l’audience. Il est d’ailleurs paradoxal de déduire d’une indemnité imposable mais exemptée d’impôt en Allemagne un montant équivalant à l’impôt sur les salaires en vigueur en Allemagne (en fait, seul le barème général sans les éventuelles déductions dues à la situation personnelle et familiale du contribuable) alors que si salaire il y avait, il serait imposable en France !


15 – Voir arrêts du 20 juin 2013, Giersch e.a. (C-20/12, EU:C:2013:411, point 35), et du 5 décembre 2013, Zentralbetriebsrat der gemeinnützigen Salzburger Landeskliniken (C-514/12, EU:C:2013:799, point 23 et jurisprudence citée).


16 – Voir arrêt du 5 décembre 2013, Zentralbetriebsrat der gemeinnützigen Salzburger Landeskliniken (C-514/12, EU:C:2013:799, points 25 et 26).


17 – Voir arrêt du 28 juin 2012, Erny (C-172/11, EU:C:2012:399, point 41).


18 – Voir arrêt du 16 septembre 2004, Merida (C-400/02, EU:C:2004:537, point 22).


19 – Au point 29 de l’arrêt du 16 juillet 2009, Visciano (C-69/08, EU:C:2009:468), la Cour a dit pour droit qu’il revenait au droit national de définir la nature juridique de créances telles que celles en cause dans l’affaire au principal.


20 – À savoir, en l’espèce, en Allemagne.


21 – Voir arrêt du 10 février 2011, Andersson (C-30/10, EU:C:2011:66, point 22).


22 –      Voir arrêt du 16 juillet 2009, Visciano (C-69/08, EU:C:2009:468, point 44).


23 –      JO 1980, L 283, p. 23, telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 270, p. 10).


24 – En effet, au point 20 de l’arrêt du 10 février 2011, Andersson (C-30/10, EU:C:2011:66), la Cour a jugé que la directive 2008/94 procédait à la codification de la directive 80/987 et contenait, en substance, les mêmes dispositions que cette dernière.


25 – Le considérant 3 de la directive 2008/94 prévoit que « [d]es dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur et pour leur assurer un minimum de protection, en particulier pour garantir le paiement de leurs créances impayées, en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté. À cet effet, les États membres devraient mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs concernés le paiement des créances impayées des travailleurs ».


26 – Voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Gomes Viana Novo e.a. (C-309/12, EU:C:2013:774, point 22).


27 – Voir arrêt du 14 juillet 1998, Regeling (C-125/97, EU:C:1998:358, point 20).


28 – Voir arrêt du 4 mars 2004, Barsotti e.a. (C-19/01, C-50/01 et C-84/01, EU:C:2004:119, point 36). Il s’ensuit que l’article 4 de la directive 2008/94 doit être interprété de façon restrictive et conforme à la finalité sociale de la directive, qui est d’assurer un minimum de protection à tous les travailleurs. Voir, également, par analogie, arrêt du 14 juillet 1998, Regeling (C-125/97, EU:C:1998:358, point 20).


29 – Voir, par analogie, arrêt du 16 septembre 2004, Merida (C-400/02, EU:C:2004:537, point 28).


30 – La Commission considère qu’il est abusif d’appliquer des retenues qui ne l’auraient pas été en l’absence de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur.


31 – Le gouvernement allemand considère au contraire que les travailleurs frontaliers et les travailleurs résidant en Allemagne sont dans une situation comparable.


32 – Voir, par analogie, arrêt du 12 mai 1998, Gilly (C-336/96, EU:C:1998:221, points 47 à 50).


33 –      Je relève, à cet égard, que, étant donné que l’indemnité d’insolvabilité versée par la République fédérale d’Allemagne à un travailleur vise à rétablir sa rémunération nette avant l’insolvabilité de l’employeur, cet État membre a le droit, lors de l’établissement de celle-ci, de déduire de la rémunération brute du travailleur frontalier le montant des impôts payés auparavant par ce dernier. Par conséquent, je considère que la République fédérale d’Allemagne aurait le droit de déduire de la rémunération brute de M. Eschenbrenner le montant des impôts que ce dernier aurait payés en France sur la même rémunération avant la déclaration d’insolvabilité de son employeur.


34 – Voir, par analogie, arrêt du 28 juin 2012, Erny (C-172/11, EU:C:2012:399, point 45).


35 – Il convient de noter que la juridiction de renvoi n’a fait allusion à aucune justification de cette discrimination. Or, le gouvernement allemand estime qu’une « obligation, même indirecte, d’appliquer les dispositions fiscales d’autres États membres pourrait entraîner des décisions de rejet, ainsi qu’une augmentation, de manière disproportionnée, des charges administratives ». Je considère qu’il y a lieu de rejeter ces objections. En effet, au point 30 de l’arrêt du 16 septembre 2004, Merida (C-400/02, EU:C:2004:537), la Cour a décidé que « de telles motivations ne sauraient, en tout état de cause, justifier le non-respect par la République fédérale d’Allemagne des obligations découlant du traité [FUE] ». Voir, également, arrêt du 28 juin 2012, Erny (C-172/11, EU:C:2012:399, point 48), et, par analogie, arrêt du 19 juin 2014, Specht e.a. (C-501/12 à C-506/12, C-540/12 et C-541/12, EU:C:2014:2005, point 77).


36–      C’est d’autant plus vrai si l’objectif de la législation allemande qui ne taxe pas l’indemnité d’insolvabilité est de veiller à ce que cette indemnité ne dépasse pas ce que le bénéficiaire aurait reçu à titre de salaire. Voir note en bas de page 14 des présentes conclusions. Cela confirme le fait que la République fédérale d’Allemagne pourrait déduire fictivement l’impôt que l’intéressé aurait dû payer en France. Voir note en bas de page 33 des présentes conclusions.


37 – Je relève qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que des chambres du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne) sont partagées sur la question de savoir si un travailleur frontalier conserve effectivement une créance à cet égard à l’encontre de son employeur.