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Affaire C-443/06

Erika Waltraud Ilse Hollmann

contre

Fazenda Pública

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Supremo Tribunal Administrativo)

«Fiscalité directe — Imposition des plus-values immobilières — Libre circulation des capitaux — Assiette de l’impôt — Discrimination — Cohérence du système fiscal»

Sommaire de l'arrêt

1.        Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites

(Art. 234 CE)

2.        Droit communautaire — Principes — Égalité de traitement — Discrimination en raison de la nationalité

(Art. 7 et 56 CE)

3.        Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale

(Art. 56 CE)

1.        S'il n'appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d'une procédure introduite en vertu de l'article 234 CE, sur la compatibilité des normes de droit interne avec les dispositions du droit communautaire, l'interprétation de ces normes appartenant aux juridictions nationales, la Cour demeure compétente pour fournir à celles-ci tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui leur permettent d'apprécier la compatibilité de telles normes avec la réglementation communautaire.

(cf. point 18)

2.        L'article 12 CE n'a vocation à s'appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité CE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination. Or, le traité prévoit notamment à l'article 56 CE une règle spécifique de non-discrimination dans le domaine relevant de la liberté de circulation des capitaux.

(cf. points 28-29)

3.        L'article 56 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui soumet les plus-values résultant de la cession d'un bien immeuble situé dans cet État membre, lorsque cette cession est effectuée par un résident d'un autre État membre, à une charge fiscale supérieure à celle qui serait appliquée pour ce même type d'opération aux plus-values réalisées par un résident de l'État dans lequel est situé ce bien immeuble.

Une telle réglementation constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par l'article 56 CE en ce qu'elle a pour effet de rendre le transfert de capitaux moins attrayant pour les non-résidents en les dissuadant d'effectuer des investissements immobiliers dans l'État membre concerné et, partant, des opérations afférentes à ces investissements telles que la vente d'un bien immeuble.

Dès lors que l'imposition en cause porte sur une seule catégorie de revenus des assujettis, qu'ils soient résidents ou non-résidents, qu'elle concerne les deux catégories d'assujettis et que l'État membre source du revenu imposable est toujours l'État membre concerné, il n'existe objectivement aucune différence de situation de nature à justifier une inégalité de traitement fiscal en ce qui concerne l'imposition des plus-values entre ces deux catégories d'assujettis.

(cf. points 39-40, 50, 53-54, 61 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

11 octobre 2007 (*)

«Fiscalité directe – Imposition des plus-values immobilières – Libre circulation des capitaux – Assiette de l’impôt – Discrimination – Cohérence du système fiscal»

Dans l’affaire C-443/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal), par décision du 28 septembre 2006, parvenue à la Cour le 27 octobre 2006, dans la procédure

Erika Waltraud Ilse Hollmann

contre

Fazenda Pública,

en présence de:

Ministério Público,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. G. Arestis (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. , J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Hollmann, par Me M. A. Torres, advogado,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. I. Fernandes, Â. S. Neves et J. M. Leitão, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 CE, 18 CE, 39 CE, 43 CE et 56 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Hollmann à la Fazenda Pública (autorités fiscales portugaises), au titre de l’avis d’imposition de ses revenus pour l’année 2003.

 Le cadre juridique

3        L’article 10 du code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Código do Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Singulares), approuvé par le décret-loi n° 442/88, du 30 novembre 1988, dans sa version résultant du décret-loi n° 198/2001, du 3 juillet 2001 (Diário da República I, série A, n° 152, du 3 juillet 2001, ci-après le «CIRS»), prévoit:

«1. Constituent des plus-values les gains obtenus qui, sans être considérés comme des revenus d’entreprise et professionnels, de capitaux ou immobiliers, résultent de:

a)       la cession à titre onéreux de droits réels sur des biens immeubles et l’affectation de tous biens du patrimoine privé à l’activité entrepreneuriale et professionnelle exercée à titre individuel par leur propriétaire;

[...]

4. Le gain soumis à l’IRS [impôt sur le revenu des personnes physiques] est constitué:

a)      par la différence entre la valeur de réalisation et la valeur d’acquisition, nettes de la partie qualifiée de revenu de capitaux, le cas échéant, dans les cas prévus aux points a), b) et c) du paragraphe 1;

[...]»

4        Conformément à l’article 13, paragraphe 1, du CIRS, les personnes physiques qui résident sur le territoire portugais ainsi que celles qui, bien qu’elles n’y résident pas, y obtiennent des revenus, sont assujetties à l’impôt sur le revenu.

5        L’article 15, paragraphes 1 et 2, du CIRS prévoit que les personnes qui résident sur le territoire portugais sont imposées sur l’ensemble de leurs revenus, y compris ceux obtenus à l’étranger, alors que les non-résidents ne sont imposés que sur les revenus obtenus sur le territoire portugais.

6        Il résulte des dispositions de l’article 18 du CIRS que sont considérés comme des revenus obtenus sur le territoire portugais les revenus relatifs aux immeubles situés sur celui-ci, y compris les plus-values résultant de leur transmission.

7        L’article 43, paragraphes 1 et 2, du CIRS, tel qu’il résultait de sa modification par la loi n° 109 B, du 27 décembre 2001 (Diário da República I, série B, n° 298, du 27 décembre 2001), prévoit:

«1. Le montant des recettes qualifiées de plus-values correspond au solde résultant de la différence entre les plus-values et les moins-values réalisées la même année déterminées conformément aux articles suivants.

2. Le solde visé au paragraphe précédent, concernant les transmissions effectuées par des résidents, prévues par l’article 10, paragraphe 1, sous a), c) et d), qu’il soit positif ou négatif, est pris en considération à hauteur de 50 % de son montant seulement.»

8        En ce qui concerne les résidents, le revenu imposable résulte de l’accumulation des revenus des différentes catégories perçus chaque année soumis à un barème de taux progressifs.

9        Pour les non-résidents, l’article 72, paragraphe 1, du CIRS prévoit un taux spécial proportionnel de 25 %, lequel porte sur la totalité du solde relatif aux plus-values immobilières.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Mme Hollmann réside en Allemagne depuis l’époque des faits dans l’affaire au principal.

11      En 1998, Mme Hollmann a hérité d’un bien immobilier sis au Portugal à la suite du décès de son conjoint. Elle a été imposée au titre de l’impôt sur les successions et les donations sur la valeur patrimoniale de ce bien.

12      En 2003, Mme Hollmann a procédé à la vente de l’immeuble en question et a réalisé une plus-value de 619 757,46 euros correspondant à la différence entre le montant de cette vente et la valeur patrimoniale soumise à l’impôt sur les successions et les donations.

13      Dans l’avis d’imposition des revenus pour l’année 2003, l’administration fiscale compétente a pris en considération la totalité de la plus-value réalisée par Mme Hollmann pour déterminer le revenu net imposable de celle-ci, en ajoutant ce montant à ses autres revenus imposables au Portugal.

14      Selon l’administration fiscale, la requérante au principal ne pouvait pas se prévaloir des dispositions favorables de l’article 43, paragraphe 2, du CIRS au motif qu’elle résidait dans un État membre de l’Union européenne autre que le Portugal.

15      Mme Hollmann a contesté devant le Tribunal administrativo e fiscal de Loulé l’avis d’imposition susmentionné. Son recours ayant été rejeté, Mme Hollmann a fait appel de ce jugement.

16      Dans ces conditions, le Supremo Tribunal Administrativo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 43, paragraphe 2, du [CIRS], qui limite l’assiette de la taxe à 50 % des plus-values lorsque celles-ci sont réalisées par des personnes qui résident au Portugal, viole-t-il les articles 12 CE, 18 CE, 39 CE, 43 CE et 56 CE dans la mesure où les plus-values réalisées par une personne qui réside dans un autre État membre de l’Union européenne sont exclues du bénéfice de cette limitation?»

 Sur la question préjudicielle

 Sur la recevabilité

17      Le gouvernement portugais et la Commission ont émis des doutes concernant la recevabilité de la question préjudicielle en raison de sa formulation par la juridiction de renvoi.

18      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même s’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 234 CE, sur la compatibilité des normes de droit interne avec les dispositions du droit communautaire, l’interprétation de ces normes appartenant aux juridictions nationales, la Cour demeure compétente pour fournir à celles-ci tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui leur permettent d’apprécier la compatibilité de telles normes avec la réglementation communautaire (voir, arrêts du 6 mars 2007, Placanica e.a., C-338/04, C-359/04 et C-360/04, non encore publié au Recueil, point 37, et du 19 avril 2007, Asociación Nacional de Empresas Forestales, C-295/05, non encore publié au Recueil, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

19      En outre, en vertu d’une jurisprudence également constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales telle que prévue à l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts Asociación Nacional de Empresas Forestales, précité, point 30, et du 17 avril 2007, AGM-COS.MET, C-470/03, non encore publié au Recueil, point 44).

20      Dans la présente affaire, la teneur littérale de la question posée par la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité d’une disposition de droit interne, telle que l’article 43, paragraphe 2, du CIRS, avec le droit communautaire.

21      Néanmoins, bien que la Cour ne puisse pas répondre à la question telle que formulée par la juridiction de renvoi, rien ne l’empêche de donner une réponse utile à cette dernière en lui fournissant les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui lui permettront de statuer elle-même sur la compatibilité des dispositions fiscales en cause avec le droit communautaire.

22      Dès lors, il y a lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si les articles 12 CE, 18 CE, 39 CE, 43 CE et 56 CE s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans le litige au principal, qui soumet les plus-values résultant de la cession d’un bien immeuble situé dans un État membre, lorsque cette cession est effectuée par un résident d’un autre État membre, à une charge fiscale supérieure à celle qui serait appliquée pour ce même type d’opération aux plus-values réalisées par un résident de l’État dans lequel est situé ce bien immeuble.

 Sur les principes et libertés applicables

23      La juridiction de renvoi se réfère dans sa question aux articles 12 CE, 18 CE, 39 CE, 43 CE et 56 CE.

24      Se pose donc la question de savoir si un assujetti non-résident se trouvant dans une situation telle que celle de Mme Hollmann peut se prévaloir de ces dispositions.

25      En ce qui concerne les articles 39 CE et 43 CE, il résulte de la décision de renvoi que Mme Hollmann n’a procédé à la vente de son bien immeuble sis au Portugal, opération qui a donné lieu à l’imposition litigieuse dans l’affaire au principal, ni dans le but d’exercer une activité professionnelle sur le territoire de la Communauté ni en vue de s’établir dans un État membre autre que l’Allemagne pour exercer une activité économique.

26      Pour ce qui est de l’article 18 CE, il n’existe aucun élément dans la même décision permettant de conclure que la requérante dans l’affaire au principal a procédé à la vente de son bien immeuble dans le but d’exercer le droit que lui confère cette disposition.

27      Par conséquent, à la lumière du cadre factuel exposé par la juridiction de renvoi, Mme Hollmann ne saurait se prévaloir dans la présente affaire des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2006, Commission/Portugal, C-345/05, Rec. p. I-10633, point 15 et jurisprudence citée).

28      Il résulte de la jurisprudence que l’article 12 CE n’a vocation à s’appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité CE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (voir, notamment, arrêts du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 38, et du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt, C-422/01, Rec. p. I-6817, point 61).

29      Or, le traité prévoit notamment à l’article 56 CE une règle spécifique de non-discrimination dans le domaine relevant de la liberté de circulation des capitaux (arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze, C-222/04, Rec. p. I-289, point 99).

30      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient donc de déterminer si un contribuable tel que Mme Hollmann peut se prévaloir des dispositions de l’article 56 CE.

31      À cet égard, il résulte de la jurisprudence qu’une opération concernant la liquidation d’un investissement immobilier, comme celle en cause dans l’affaire au principal, constitue un mouvement de capitaux (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 1999, Trummer et Mayer, C-222/97, Rec. p. I-1661, point 24).

32      Dès lors, une telle opération relève du champ d’application de l’article 56 CE et c’est donc à ce titre qu’il y a lieu d’examiner la question posée par la juridiction de renvoi.

 Sur la libre circulation des capitaux

33      Il convient de rappeler, à titre liminaire, d’une part, que, selon une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 19; du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C-386/04, Rec. p. I-8203, point 15, et du 24 mai 2007, Holböck, C-157/05, non encore publié au Recueil, point 21).

34      D’autre part, l’article 56 CE interdit toutes restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres, sous réserve des justifications visées à l’article 58 CE.

35      À cet égard, il y a lieu de relever que les dispositions combinées du CIRS prévoient, en cas de plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux d’un bien immeuble sis au Portugal, des règles d’imposition différentes selon que les assujettis résident ou non dans cet État membre.

36      Ainsi, selon l’article 43, paragraphe 2, du CIRS, le montant des plus- values réalisées par des résidents lors de la cession des biens immeubles au Portugal est pris en considération à hauteur de 50 % seulement de ce montant. En revanche, pour les non-résidents, le CIRS prévoit que l’imposition du montant des plus-values réalisées en cas de cession desdits biens porte sur la totalité de ce montant.

37      Il s’ensuit que, selon les dispositions pertinentes du CIRS, l’assiette d’imposition des plus-values réalisées n’est pas la même pour les résidents et les non-résidents. Ainsi, pour la vente d’un même bien immeuble sis au Portugal, en cas de réalisation de plus-values, les non-résidents sont soumis à une charge fiscale supérieure à celle appliquée aux résidents et, partant, se trouvent dans une situation moins favorable que ces derniers.

38      En effet, alors qu’un non-résident est frappé à un taux de 25 % sur une assiette représentant l’intégralité des plus-values réalisées, la prise en compte de la seule moitié de l’assiette des plus-values réalisées par un résident permet à ce dernier de bénéficier systématiquement d’une charge fiscale inférieure à ce titre quel que soit le taux d’imposition de l’ensemble de ses revenus, dès lors que, selon les observations formulées par le gouvernement portugais, l’imposition du revenu des résidents est soumise à un barème de taux progressifs selon lequel l’échelon le plus élevé est de 42 %.

39      Par conséquent, une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal a pour effet de rendre le transfert de capitaux moins attrayant pour les non-résidents en les dissuadant d’effectuer des investissements immobiliers au Portugal et, partant, des opérations afférentes à ces investissements telles que la vente d’un bien immeuble.

40      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la prévision d’une assiette d’imposition à 50 % pour les plus-values réalisées uniquement par des assujettis résidents au Portugal et non par des assujettis non-résidents constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par l’article 56 CE.

41      Il convient, toutefois, d’examiner si cette restriction peut être justifiée par des raisons visées à l’article 58, paragraphe 1, CE.

42      Il résulte de cette dernière disposition, lue en combinaison avec le paragraphe 3 de ce même article, que les États membres peuvent établir, dans leur réglementation nationale, une distinction entre les contribuables résidents et les contribuables non-résidents pour autant que cette distinction ne constitue pas un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux.

43      Ainsi qu’il a déjà été constaté aux points 36 à 38 du présent arrêt, l’article 43, paragraphe 2, du CIRS établit en substance une inégalité de traitement fiscal, entre résidents et non-résidents, en prévoyant une assiette d’imposition différente en cas de plus-values réalisées lors de la cession d’un bien immeuble sis au Portugal.

44      Cependant, il y a lieu de distinguer les traitements inégaux autorisés au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE des discriminations arbitraires interdites par le paragraphe 3 de ce même article.

45      Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêts Manninen, précité, points 28 et 29; du 8 septembre 2005, Blanckaert, C-512/03, Rec. p. I-7685, point 42, et du 19 janvier 2006, Bouanich, C-265/04, Rec. p. I-923, point 38).

46      À la lumière de la jurisprudence citée au point précédent, il convient d’examiner, en premier lieu, si la différence d’imposition des revenus selon que les plus-values résultant de la cession d’un bien immeuble sis au Portugal sont réalisées par des résidents ou par des non-résidents se rapporte à des situations qui ne sont pas objectivement comparables.

47      À cet égard, le gouvernement portugais soutient qu’il existe une différence de situation entre les deux catégories d’assujettis qui justifie parfaitement cette différence de traitement. La limitation de l’assiette d’imposition à 50 % ne pourrait concerner que les résidents puisque ces derniers sont soumis à un barème de taux progressifs sur leur revenu global. En revanche, les non-résidents seraient imposés sur leurs seuls revenus perçus sur le territoire portugais. En d’autres termes, le mécanisme prévu par une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal viserait à ne pas pénaliser les résidents qui sont soumis, contrairement aux non-résidents, à un impôt progressif.

48      En outre, il considère que la différence de traitement fiscal résultant de l’application d’une assiette d’imposition différente aux non-résidents doit être lue en combinaison avec le système général de l’impôt sur le revenu applicable aux résidents et aux non-résidents.

49      Par cet argument, le gouvernement portugais estime que la prévision d’une assiette d’imposition différente pour les non-résidents, en cas de réalisation des plus-values, est justifiée compte tenu du système d’imposition des revenus, et en particulier du taux d’imposition différent applicable aux résidents et aux non-résidents. En effet, pour les premiers, le revenu imposable résulterait de l’accumulation de revenus de différentes catégories, y compris donc des plus-values perçues chaque année, soumis à un barème de taux progressifs, alors que pour les non-résidents, le CIRS prévoirait un taux spécial proportionnel.

50      Il y a lieu de relever que, dans l’affaire au principal, premièrement, l’imposition des plus-values résultant de la cession d’un bien immeuble porte sur une seule catégorie de revenus des assujettis, qu’ils soient résidents ou non-résidents, deuxièmement, elle concerne les deux catégories d’assujettis et, troisièmement, l’État membre source du revenu imposable est toujours la République portugaise.

51      À cet égard, il importe en particulier de préciser, ainsi qu’il résulte du point 38 du présent arrêt, que la prise en compte de la moitié de l’assiette des plus-values réalisées par un résident, combinée avec le fait que l’imposition des revenus de celui-ci est soumise à un barème de taux progressifs dont l’échelon le plus élevé est de 42 %, aboutit, dans les mêmes conditions de taxation pour un non-résident, à une imposition plus lourde de ce dernier.

52      Dans ces conditions l’allégation avancée en l’espèce par le gouvernement portugais ne saurait être acceptée.

53      Il résulte de ce qui précède qu’il n’existe objectivement aucune différence de situation de nature à justifier une inégalité de traitement fiscal en ce qui concerne l’imposition des plus-values entre les deux catégories d’assujettis. Partant, une situation telle que celle de Mme Hollmann est comparable à celle d’un résident.

54      Il s’ensuit qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, institue un traitement fiscal inégal à l’encontre des non-résidents dans la mesure où elle permet, en cas de réalisation de plus-values, une imposition plus lourde et donc une charge fiscale supérieure à celle supportée par les résidents dans une situation objectivement comparable.

55      En ce qui concerne, en second lieu, des justifications tirées de raisons impérieuses d’intérêt général, le gouvernement portugais invoque la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal national.

56      Il résulte de la jurisprudence que la nécessité de préserver la cohérence d’un régime fiscal peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité. Toutefois, pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, il faut que soit établie l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (arrêts du 23 février 2006, Keller Holding, C-471/04, Rec. p. I-2107 point 40, et du 29 mars 2007, Rewe Zentralfinanz, C-347/04, non encore publié au Recueil, point 62 et la jurisprudence citée).

57      Dans la présente affaire, le gouvernement portugais soutient qu’il faut prendre en considération la finalité et la logique du système d’imposition lors de la réalisation des plus-values résultant de la cession d’un bien immeuble. À cet égard, le régime fiscal en cause aurait pour but d’éviter de pénaliser les résidents, dans le cadre de l’imposition des plus-values, du fait de l’application d’un taux progressif à leur égard. En substance, il existerait un lien direct, pour les résidents, entre l’avantage fiscal résultant d’une assiette réduite de moitié pour l’imposition des plus-values et le taux d’imposition progressif applicable à l’ensemble de leurs revenus.

58      Or, ainsi qu’il résulte du point 38 du présent arrêt, l’avantage fiscal accordé aux résidents, consistant en une réduction de moitié de l’assiette d’imposition des plus-values, excède en tout état de cause sa contrepartie consistant en l’application d’un taux progressif à l’imposition de leurs revenus.

59      Dès lors, il ne saurait y avoir de lien direct entre ledit avantage et sa compensation par un prélèvement fiscal déterminé.

60      Par conséquent, il y a lieu de considérer que la restriction résultant de la réglementation fiscale en cause au principal ne saurait être justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal.

61      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 56 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans le litige au principal, qui soumet les plus-values résultant de la cession d’un bien immeuble situé dans un État membre, en l’occurrence le Portugal, lorsque cette cession est effectuée par un résident d’un autre État membre, à une charge fiscale supérieure à celle qui serait appliquée pour ce même type d’opération aux plus-values réalisées par un résident de l’État dans lequel est situé ce bien immeuble.

 Sur les dépens

62      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

L’article 56 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans le litige au principal, qui soumet les plus-values résultant de la cession d’un bien immeuble situé dans un État membre, en l’occurrence le Portugal, lorsque cette cession est effectuée par un résident d’un autre État membre, à une charge fiscale supérieure à celle qui serait appliquée pour ce même type d’opération aux plus-values réalisées par un résident de l’État dans lequel est situé ce bien immeuble.

Signatures


* Langue de procédure: le portugais.