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ARRÊT DU 17. 9. 2009 – AFFAIRE C-182/08

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 septembre 2009 (*)

«Liberté d’établissement et libre circulation des capitaux – Impôt sur les sociétés – Acquisition de parts sociales d’une société de capitaux – Conditions de la prise en compte, lors de la détermination de la base d’imposition de l’acquéreur, de la dépréciation des parts sociales du fait de la distribution de dividendes»

Dans l’affaire C-182/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 23 janvier 2008, parvenue à la Cour le 30 avril 2008, dans la procédure

Glaxo Wellcome GmbH & Co. KG

contre

Finanzamt München II,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 avril 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour Glaxo Wellcome GmbH & Co. KG, par Mes H.-M. Pott et T. Englert, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et W. Mölls, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 juillet 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 73 B du traité CE (devenu article 56 CE).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Glaxo Wellcome GmbH & Co. KG, société en commandite simple de droit allemand dont les commandités sont des sociétés à responsabilité limitée, au Finanzamt München II (ci-après le «Finanzamt») au sujet de la détermination des bénéfices de celle-ci au titre des années 1995 à 1998.

 Le cadre juridique

 La réglementation nationale

3        Dans le cadre du système d’imposition dit d’«imputation intégrale», en vigueur en Allemagne au moment des faits au principal, la double imposition économique des bénéfices distribués par les sociétés établies en Allemagne aux contribuables résidents en Allemagne était évitée, conformément aux articles 36, paragraphe 2, point 3, de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci-après l’«EStG») et 49 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz, ci-après le «KStG»), en accordant à ces contribuables le droit d’imputer intégralement l’impôt sur les sociétés acquitté par les sociétés distributrices sur leur impôt sur le revenu ou leur impôt sur les sociétés.

4        En vertu de l’article 36, paragraphe 4, deuxième alinéa, de l’EStG, le droit à l’imputation de l’impôt sur les sociétés, dont bénéficiait le porteur de parts résident, se transformait en un droit au remboursement dans la mesure où sa propre dette fiscale était inférieure au prélèvement en amont, sur la somme distribuée, de l’impôt sur les sociétés. Il découlait de l’article 20, paragraphe 1, point 3, de l’EStG que ce droit était lui-même considéré comme une partie des revenus.

5        Si la participation détenue dans une personne morale faisait partie du capital d’exploitation du contribuable résident, ce dernier pouvait réduire, au moment de la perception du dividende, la valeur des parts dans son bilan fiscal, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, point 1, de l’EStG. Cette dépréciation, désignée par l’expression «amortissement sur la valeur partielle des parts», se fondait sur l’idée que la distribution ne constitue qu’une substitution d’actifs. Ainsi, la valeur d’une part était réduite de la valeur de la distribution afférente à cette part.

6        Il s’ensuivait que la distribution brute, qui englobait le droit, prévu à l’article 36 de l’EStG, à l’imputation de l’impôt sur les sociétés, et l’amortissement correspondant sur la valeur partielle de la part étaient normalement du même montant et se neutralisaient.

7        De ce fait, les distributions ne généraient pas, en fin de compte, de revenus. En conséquence, il n’existait pas de dette fiscale correspondant au crédit d’impôt, lequel constituait une partie des recettes générées par la distribution. Dès lors, si le contribuable ne disposait pas, dans l’année concernée, d’autres recettes, ce crédit d’impôt se transformait en un droit à restitution.

8        La plus-value de cession des parts, qui consiste en un excédent du prix d’achat par rapport à la valeur nominale des parts, constituait un revenu au sens de la législation fiscale et était soumise, pour les contribuables résidents, à l’impôt sur les revenus, conformément à l’article 17 de l’EStG ou à l’impôt sur les sociétés, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du KStG.

9        S’agissant des contribuables non-résidents, leurs revenus provenant de distributions de bénéfices de sociétés résidentes ainsi que les bénéfices tirés de la cession de parts détenues dans de telles sociétés n’étaient pas soumis à l’impôt sur les revenus ou à l’impôt sur les sociétés allemands.

10      Les contribuables non-résidents ne pouvaient pas non plus prétendre à l’application, aux bénéfices qui leur étaient distribués par des sociétés résidentes, du système de l’imputation intégrale et, ainsi, ne pouvaient pas bénéficier d’un crédit d’impôt à concurrence du montant de l’impôt acquitté par la société distributrice résidente.

11      L’article 50c, paragraphes 1 et 4, de l’EStG, dans sa version résultant de la loi relative à l’amélioration des conditions fiscales afin d’assurer que l’Allemagne demeure, au sein du marché intérieur européen, un lieu d’implantation pour les entreprises [Gesetz zur Verbesserung der steuerlichen Bedingungen zur Sicherung des Wirtschaftsstandorts Deutschland im Europäischen Binnenmarkt (Standortsicherungsgesetz)], du 13 septembre 1993 (BGBl. 1993 I, p. 1569), était libellé ainsi:

«1)      Un contribuable bénéficiant du droit à l’imputation de l’impôt sur les sociétés qui acquiert une part dans une société de capitaux […] soumise à une obligation fiscale illimitée auprès d’un porteur de parts ne bénéficiant pas d’un tel droit à imputation […] ne peut prendre en compte dans le calcul des bénéfices les diminutions de bénéfices qui résultent

1.      de la prise en compte de la valeur partielle inférieure ou

2.      de la cession ou du prélèvement de la participation,

l’année de l’acquisition ou au cours de l’une des neuf années suivantes, dans la mesure où cette prise en compte de la valeur partielle inférieure ou tout autre diminution des bénéfices ne résulte que de la distribution des bénéfices ou de transferts de bénéfices en exécution d’accords de contrôle, et que les diminutions de bénéfices n’excèdent pas globalement le montant bloqué au sens du paragraphe 4.

[…]

4)      Le montant bloqué correspond à la différence entre les coûts d’acquisition et le montant nominal de la part. […]»

12      La loi portant modification du régime fiscal des transformations de sociétés (Gesetz zur Änderung des Umwandlungssteuerrechts), du 28 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3267, ci-après l’«UmwStG»), avait introduit en droit allemand la possibilité de procéder à la transformation d’une société de capitaux en société de personnes en conservant les valeurs fiscales des immobilisations transmises, sans réalisation des plus-values latentes.

13      Conformément à l’article 4, paragraphe 4, de l’UmwStG, si le patrimoine d’une société était transmis à une société de personnes à la suite de sa modification juridique, le gain ou la perte résultant de la reprise devait être déterminé au niveau de la société de personnes en comparant la valeur à laquelle les immobilisations transmises devaient être reprises et la valeur comptable des participations dans la société absorbée. Selon l’article 14 de l’UmwStG, il en allait de même dans le cas où une société était transformée en société de personnes.

14      Ainsi déterminé («première étape»), le gain ou la perte résultant de la reprise devait être, conformément à l’article 4, paragraphe 5, de l’UmwStG, majoré ou minoré de l’impôt sur les sociétés à imputer en vertu de l’article 10, paragraphe 1, de l’UmwStG et d’un montant bloqué au sens de l’article 50c de l’EStG dans la mesure où les parts dans la société absorbée faisaient partie, à la date du transfert au regard du droit fiscal, du patrimoine de la société de personnes absorbante.

15      Si une perte pour reprise demeurait («deuxième étape»), la valeur des biens matériels et immatériels transférés devrait être majorée à concurrence de leur valeur partielle. S’il subsistait encore une perte, celle-ci diminuait les bénéfices de la société de personnes absorbante, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, de l’UmwStG.

16      L’article 10, paragraphe 1, de l’UmwStG était libellé ainsi:

«L’impôt sur les sociétés afférent aux fractions du capital propre de l’entité absorbée, au sens de l’article 30, paragraphe 1, points 1 et 2, du [KStG] susceptibles d’être affectées à des distributions doit être imputé, sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, sur l’impôt sur le revenu ou sur l’impôt sur les sociétés à acquitter par les porteurs de parts de la société de personnes absorbante ou sur l’impôt sur le revenu de la personne physique absorbante.»

 La convention entre la République fédérale d’Allemagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

17      La convention du 26 novembre 1964, entre la République fédérale d’Allemagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, relative à l’élimination de la double imposition et la prévention de l’évasion fiscale (BGBl 1966 II, p. 358) stipule, à son article III, paragraphe 1, que «les bénéfices industriels et commerciaux d’une entreprise d’un des territoires ne sont imposables que dans ce territoire, à moins que l’entreprise n’exerce, dans l’autre territoire, une activité industrielle ou commerciale par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé».

 Le litige au principal et la question préjudicielle

18      La requérante au principal a été constituée dans le cadre de la restructuration du groupe Glaxo Wellcome, à la suite de la transformation, par changement de forme juridique, le 1er juillet 1995, de Glaxo Wellcome GmbH (ci-après «GW GmbH»), société à responsabilité limitée de droit allemand.

19      Les étapes de la restructuration du groupe Glaxo Wellcome peuvent être décrites comme suit.

20      Le 26 juin 1995, la société de droit allemand Glaxo Verwaltungs GmbH (ci-après «GV GmbH»), qui détenait déjà 95 % des parts de GW GmbH, a acquis, auprès de Glaxo Group Limited (ci-après «GG Ltd»), sa société mère établie au Royaume-Uni, 5 % des parts de GW GmbH, et est devenue la société mère unique de cette dernière.

21      Les 27 juin et 7 juillet 1995, GW GmbH puis la requérante au principal ont acquis la totalité des parts de Wellcome GmbH (ci-après «W GmbH»). Les sociétés ayant cédé les parts concernées sont GG Ltd, qui détenait 99,98 % des parts de W GmbH, ainsi que Burroughs Wellcome Ltd, société mère de GG Ltd, qui détenait 0,02 % desdites parts.

22      Par contrat de fusion du 25 août 1995, W GmbH a été absorbée rétroactivement au 29 juin 1995 par son porteur de parts unique, GW GmbH.

23      Le 30 juin 1995, GV GmbH a vendu 1 % des parts qu’elle détenait dans GW GmbH à Seftonpharm GmbH qu’elle détenait à hauteur de100 %.

24      Le 1er juillet 1995, GW GmbH a été transformée en société en commandite simple de droit allemand et porte désormais le nom de Glaxo Wellcome GmbH & Co. KG.

25      Le jour de cette transformation, les parts de GW GmbH figurant au bilan de GV GmbH (y compris Seftonpharm GmbH) étaient valorisées à hauteur de 500 millions de DEM. En application de l’article 4, paragraphes 4 et 5, de l’UmwStG, la requérante au principal a calculé une perte résultant de la reprise d’un montant de 328 096 563 DEM en tenant compte, en vertu de l’article 50c de l’EStG, d’un montant bloqué de 22 887 706 DEM généré par l’acquisition des 5 % des parts de GW GmbH auprès de GG Ltd.

26      Le Finanzamt a considéré que l’acquisition par GV GmbH, auprès de GG Ltd, des parts dans GW GmbH n’était pas la seule à avoir généré un montant bloqué grevant les parts acquises. Selon le Finanzamt, les parts de W GmbH acquises par la requérante au principal auprès de GG Ltd et de Burroughs Wellcome Ltd étaient également grevées d’un montant bloqué de 322 565 500 DEM. À la suite de l’absorption de W GmbH par GW GmbH, ce second montant bloqué n’aurait pas disparu, mais aurait été reporté sur les parts de GW GmbH détenues par GV GmbH. Selon le Finanzamt, la perte pour reprise résultant du changement de forme juridique de GW GmbH se réduisait donc, compte tenu des montants bloqués, à 5 531 063 DEM.

27      La requérante au principal s’oppose au Finanzamt, en substance, sur la question de savoir si la perte enregistrée par GW GmbH à l’occasion de ladite absorption est diminuée d’un montant bloqué, au sens de l’article 50c de l’EStG, résultant de l’acquisition par GW GmbH des parts dans W GmbH.

28      La requérante au principal ayant obtenu, à cet égard, gain de cause devant le Finanzgericht München, le Finanzamt a saisi le Bundesfinanzhof d’un pourvoi.

29      Contrairement à ce qu’avait considéré le Finanzgericht München, la juridiction de renvoi estime que, en vertu du seul droit allemand, ladite perte devrait être diminuée du montant bloqué résultant de l’acquisition par GW GmbH des parts dans W GmbH.

30      Toutefois, selon le Bundesfinanzhof, la légalité de la prise en compte d’un montant bloqué conformément à l’article 50c de l’EStG n’est pas exempte de doute au regard du droit communautaire, le contribuable étant traité différemment selon qu’il acquiert les parts sociales auprès d’un porteur de parts bénéficiant d’un crédit d’impôt ou auprès d’un porteur de parts n’en bénéficiant pas.

31      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 52 [...] ou 73 B du traité [...] font-ils obstacle à la réglementation d’un État membre selon laquelle, dans le cadre d’un régime national d’imputation de l’impôt sur le revenu des sociétés, la dépréciation des parts sociales du fait de la distribution de dividendes n’affecte pas l’assiette de l’impôt lorsqu’un contribuable bénéficiant d’un crédit d’impôt sur les sociétés a acquis une part dans une société de capitaux soumise à une obligation fiscale illimitée auprès d’un porteur de parts ne bénéficiant pas d’un tel crédit d’impôt, alors que, en cas d’acquisition auprès d’un porteur de parts bénéficiant d’un crédit d’impôt, une telle dépréciation diminue la base d’imposition de l’acquéreur?»

 Sur la question préjudicielle

32      À titre liminaire, il importe de relever que, selon les indications du gouvernement allemand, en règle générale, les porteurs de parts non-résidents n’étaient soumis en Allemagne qu’à une obligation fiscale limitée et n’avaient pas droit à l’imputation de l’impôt sur les sociétés. Il s’ensuit que l’article 50c de l’EStG était principalement applicable à la cession de participations dans une société de capitaux résidente et, par conséquent, soumise à une obligation fiscale illimitée, à un porteur de parts résident et, par conséquent, ayant droit à cette imputation, par un porteur de parts non-résident n’ayant donc pas droit à ladite imputation.

33      Dès lors, il y a lieu de comprendre que par la question posée, la juridiction de renvoi demande si les articles 52 ou 73 B du traité s’opposent à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle la dépréciation des parts sociales du fait de la distribution de dividendes n’affecte pas l’assiette de l’impôt d’un contribuable résident, lorsque celui-ci a acquis des parts dans une société de capitaux résidente, auprès d’un porteur de parts non-résident, alors que, en cas d’acquisition de ces parts auprès d’un porteur de parts résident, une telle dépréciation diminue la base d’imposition de l’acquéreur.

34      Il convient également de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C-446/03, Rec. p. I-10837, point 29; du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, Rec. p. I-7995, point 40; du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, Rec. p. I-11673, point 36, ainsi que du 8 novembre 2007, Amurta, C-379/05, Rec. p. I-9569, point 16).

35      La juridiction de renvoi ayant posé sa question au regard tant de l’article 52 que de l’article 73 B du traité, il convient de déterminer au préalable si, et dans quelle mesure, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est susceptible d’affecter les libertés garanties par ces articles.

 Sur la liberté en cause dans l’affaire au principal

36      À cet égard, il convient de rappeler que, pour déterminer si une législation nationale relève de l’une ou l’autre des libertés de circulation, il résulte d’une jurisprudence à présent bien établie qu’il y a lieu de prendre en considération l’objet de la législation en cause (voir arrêt du 24 mai 2007, Holböck, C-157/05, Rec. p. I-4051, point 22 et jurisprudence citée).

37      Il résulte également de la jurisprudence que la Cour examine la mesure en cause, en principe, au regard de l’une seulement de ces deux libertés s’il s’avère que, dans les circonstances de l’espèce au principal, l’une d’elles est tout à fait secondaire par rapport à l’autre et peut lui être rattachée (arrêt du 3 octobre 2006, Fidium Finanz, C-452/04, Rec. p. I-9521, point 34).

38      Il convient dès lors de vérifier, en premier lieu, si l’acquisition, par un résident, de parts dans une société résidente auprès d’un porteur de parts non-résident, telle que celle visée dans l’affaire au principal, constitue un mouvement de capitaux au sens de l’article 73 B du traité.

39      En l’absence, dans le traité, de définition de la notion de «mouvements de capitaux», la Cour a précédemment reconnu une valeur indicative à la nomenclature annexée à la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5), même si celle-ci a été adoptée sur le fondement des articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CEE (les articles 67 à 73 du traité CEE ont été remplacés par les articles 73 B à 73 G du traité CE, eux-mêmes devenus articles 56 CE à 60 CE), étant entendu que, conformément à son introduction, la liste qu’elle contient ne présente pas un caractère exhaustif (voir, notamment, arrêts du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden, C-513/03, Rec. p. I-1957, point 39; du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C-386/04, Rec. p. I-8203, point 22; du 11 septembre 2008, Eckelkamp e.a., C-11/07, Rec. p. I-6845, point 38, ainsi que du 27 janvier 2009, Persche, C-318/07, non encore publié au Recueil, point 24).

40      Constituent dès lors des mouvements de capitaux au sens de l’article 73 B, paragraphe 1, du traité notamment les investissements directs sous forme de participation à une entreprise par la détention d’actions qui confère la possibilité de participer effectivement à sa gestion et à son contrôle (investissements dits «directs») ainsi que l’acquisition de titres sur le marché des capitaux effectuée dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise (investissements dits «de portefeuille») (voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 1999, Trummer et Mayer, C-222/97, Rec. p. I-1661, point 21; du 4 juin 2002, Commission/France, C-483/99, Rec. p. I-4781, points 36 et 37; du 13 mai 2003, Commission/Royaume-Uni, C-98/01, Rec. p. I-4641, points 39 et 40, ainsi que du 28 septembre 2006, Commission/Pays-Bas, C-282/04 et C-283/04, Rec. p. I-9141, point 19).

41      De même, la Cour a jugé que la revente par un actionnaire non-résident des actions à la société émettrice résidente constitue un mouvement de capital au sens de l’article 1er de la directive 88/361 et de la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de cette directive (voir arrêt du 19 janvier 2006, Bouanich, C-265/04, Rec. p. I-923, point 29).

42      En effet, conformément au quatrième tiret du deuxième alinéa de l’annexe I de la directive 88/361, la libre circulation des capitaux couvre les opérations de liquidation ou de cession des avoirs constitués.

43      Dès lors, la cession de participations prises dans les sociétés résidentes par des investisseurs non-résidents constitue un mouvement de capitaux au sens de l’article 1er de ladite directive, ainsi que de la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de celle-ci.

44      Par conséquent, bien que l’acquisition par un résident de parts dans une société résidente auprès d’un porteur de parts non-résident ne soit pas expressément mentionnée, ainsi que l’indique le gouvernement allemand, dans la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de la directive 88/361, cette opération constitue un mouvement de capital au sens de l’article 1er de cette directive et relève du champ d’application des règles communautaires relatives à la libre circulation des capitaux.

45      S’agissant, en deuxième lieu, de l’article 52 du traité, il résulte de la jurisprudence de la Cour que la liberté d’établissement, que cet article reconnaît aux ressortissants communautaires et qui comporte pour eux l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants, comprend, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté européenne, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (arrêts du 23 février 2006, Keller Holding, C-471/04, Rec. p. I-2107, point 29; Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 17, et du 11 octobre 2007, ELISA, C-451/05, Rec. p. I-8251, point 62).

46      La notion d’établissement au sens du traité est une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d’un État membre autre que son État d’origine, et d’en tirer profit, favorisant ainsi l’interpénétration économique et sociale à l’intérieur de la Communauté dans le domaine des activités non salariées (voir, notamment, arrêts précités Centro di Musicologia Walter Stauffer, point 18, et ELISA, point 63).

47      Conformément à une jurisprudence constante, relèvent du champ d’application matériel des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement les dispositions nationales qui trouvent à s’appliquer à la détention par un ressortissant d’un État membre, dans le capital d’une société établie dans un autre État membre, d’une participation lui permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions de cette société et d’en déterminer les activités (voir, notamment, arrêts du 13 avril 2000, Baars, C-251/98, Rec. p. I-2787, point 22; Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 31; du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524/04, Rec. p. I-2107, point 27, ainsi que du 17 juillet 2008, Commission/Espagne, C-207/07, point 60).

48      Ainsi qu’il résulte des observations du gouvernement allemand, l’une des hypothèses envisagées pour l’application de la réglementation en cause au principal est celle dans laquelle un porteur de parts non-résident contrôle plusieurs filiales établies en Allemagne et cède les parts détenues dans l’une de celles-ci à une autre des filiales contrôlées.

49      Il est toutefois constant que l’application de ladite réglementation ne dépend pas de l’ampleur des participations acquises auprès du porteur de parts non-résident et ne se limite pas aux situations dans lesquelles le porteur de parts peut exercer une influence certaine sur les décisions de la société concernée et d’en déterminer les activités.

50      En outre, l’objet de la réglementation en cause au principal étant d’empêcher les porteurs de parts non-résidents de bénéficier d’un avantage fiscal indu, généré directement par des cessions de parts qui peuvent notamment être effectuées uniquement en vue de bénéficier dudit avantage, et non dans le but d’exercer la liberté d’établissement ou en conséquence de l’exercice de cette liberté, il y a lieu de considérer que l’aspect de cette réglementation relatif à la libre circulation des capitaux prévaut sur celui lié à la liberté d’établissement.

51      Par conséquent, à supposer que ladite réglementation ait des effets restrictifs sur la liberté d’établissement, de tels effets seraient la conséquence inéluctable d’une éventuelle entrave à la libre circulation des capitaux et ne justifient pas, dès lors, un examen autonome de la même réglementation au regard de l’article 52 du traité (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2004, Omega, C-36/02, Rec. p. I-9609, point 27; Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 33; Fidium Finanz, précité, point 48, ainsi que Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, point 34).

52      Il s’ensuit que la réglementation en cause au principal doit être examinée exclusivement au regard de la libre circulation des capitaux.

 Sur l’existence d’une restriction à la libre circulation des capitaux

53      Ainsi que le relève la juridiction de renvoi, la réglementation en cause au principal a pour conséquence que, lorsqu’un contribuable résident a acquis des parts dans une société de capitaux résidente auprès d’un porteur de parts non-résident, la dépréciation de ces parts sociales du fait de la distribution de dividendes n’affecte pas l’assiette de l’impôt de l’acquéreur, alors que, en cas d’acquisition de telles parts auprès d’un porteur de parts résident, cette dépréciation diminue la base d’imposition de l’acquéreur.

54      Cette limitation de la prise en compte de la dépréciation des parts sociales du fait de la distribution de dividendes s’applique à partir de l’année de l’acquisition desdites parts sociales et pendant les neuf années suivantes, et concerne uniquement les diminutions de bénéfices qui résultent d’une opération de distribution ou de transfert de bénéfices en exécution d’un accord de contrôle et pour autant que les diminutions de bénéfices n’excèdent pas un certain montant, appelé «montant bloqué».

55      Ce montant bloqué, qui correspond à la différence entre le prix d’acquisition acquitté par le porteur de parts résident et la valeur nominale des parts, grève ainsi les parts sociales acquises auprès d’un non-résident, en annulant en substance les effets de l’amortissement partiel des parts résultant de la distribution du bénéfice.

56      La possibilité pour un contribuable de déduire de ses bénéfices imposables les pertes afférentes à l’amortissement partiel des parts détenues dans la société, lorsque la diminution de la valeur des parts résulte de la distribution du bénéfice, constitue indéniablement un avantage fiscal.

57      Or, le fait d’accorder ledit avantage à un contribuable résident uniquement en cas d’acquisition de parts d’une société résidente auprès d’un porteur de parts résident rend les parts détenues par les non-résidents moins attrayantes et, par conséquent, est susceptible de dissuader ledit contribuable résident d’acquérir celles-ci.

58      En outre, une telle différence de traitement est également susceptible de dissuader les investisseurs non-résidents d’acquérir des parts dans la société résidente et de constituer ainsi pour ladite société un obstacle à la collecte de capitaux en provenance des autres États membres.

59      Il s’ensuit qu’une réglementation telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la libre circulation des capitaux interdite, en principe, par l’article 73 B du traité.

 Sur la justification de la restriction à la libre circulation des capitaux

60      Il convient toutefois d’examiner, si une telle restriction à la libre circulation des capitaux est susceptible d’être justifiée au regard des dispositions du traité.

61      Selon le gouvernement allemand et la Commission des Communautés européennes, la réglementation en cause au principal vise à prévenir qu’un porteur de parts non-résident obtienne, grâce à certaines pratiques, notamment, telles que celles qui sont décrites par M. l’avocat général au point 100 de ses conclusions, le même résultat d’un point de vue économique que si un crédit d’impôt lui était accordé.

62      La réglementation en cause au principal viserait ainsi à préserver la cohérence de la procédure allemande d’imputation intégrale et serait justifiée, dans la mesure où il résulterait des arrêts Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, et du 26 juin 2008, Burda, C-284/06, Rec. p. I-4571, que la circonstance qu’un crédit d’impôt tendant à prévenir une double imposition économique n’est pas accordé aux actionnaires non-résidents percevant des dividendes de sociétés résidentes ne saurait être considérée comme contraire au droit communautaire.

63      Tant le gouvernement allemand que la Commission font en outre valoir que le fait d’octroyer un crédit d’impôt, sans qu’une dette fiscale existe en contrepartie, à un porteur de parts non-résident qui n’est pas assujetti à l’impôt dans l’État membre de résidence de la société distributrice reviendrait à obliger cet État membre à renoncer à l’imposition d’une partie des bénéfices réalisés sur son territoire. La Commission ajoute, à cet égard, que le versement d’un crédit d’impôt à un porteur de parts non-résident ne peut remplir la fonction dudit crédit d’impôt, qui serait d’adapter l’impôt prélevé auparavant au niveau de la société au taux individuel auquel ledit contribuable est soumis, mais aurait uniquement pour effet de déplacer la matière imposable nationale vers un autre État membre.

64      La requérante au principal estime, en revanche, que ni la nécessité de garantir le fonctionnement de la procédure d’imputation, ni celle de sauvegarder la cohérence fiscale ou de garantir l’imposition unique en Allemagne ne sauraient justifier la réglementation en cause au principal.

65      Cette réglementation n’établirait aucun lien technique entre la procédure d’imputation et le désavantage résultant de ladite réglementation, et aurait, en outre, pour effet d’augmenter la taxe professionnelle de l’acquéreur résident, dans la mesure où le calcul des bénéfices serait également déterminant pour cette taxe qui ne présenterait pas non plus de lien avec l’imputation de l’impôt sur les sociétés.

66      Eu égard aux arguments ainsi exposés par la requérante au principal, le gouvernement allemand et la Commission, il importe de rappeler que, conformément à l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité CE [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), CE], l’article 73 B du traité ne porte pas atteinte au droit dont disposent les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale établissant une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.

67      Toutefois, l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité, qui, en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte, ne saurait être interprété en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État membre dans lequel ils investissent leurs capitaux serait automatiquement compatible avec le traité. En effet, la dérogation prévue à l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité est elle-même limitée par cet article 73 D, paragraphe 3, qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 dudit article «ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 73 B» (voir arrêt du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 28, et Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 31).

68      Il y a lieu, dès lors, de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité des discriminations interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/98, Rec. p. I-4071, point 43; Manninen, précité, point 29, et du 8 septembre 2005, Blanckaert, C-512/03, Rec. p. I-7685, point 42).

69      La Cour a déjà jugé que, en ce qui concerne l’application de la législation fiscale de l’État membre de résidence de la société distributrice connaissant un système de prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition économique des dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, les situations dans lesquelles se trouvent les actionnaires bénéficiaires résidents de cet État membre et les actionnaires bénéficiaires résidents d’un autre État membre ne sont pas nécessairement comparables (voir, en ce sens, arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, points 55 et 57).

70      En effet, lorsque la société distributrice et l’actionnaire bénéficiaire ne résident pas dans le même État membre, l’État membre de résidence de la société distributrice, c’est-à-dire l’État membre de la source des bénéfices, ne se trouve pas dans la même position, en ce qui concerne la prévention ou l’atténuation de l’imposition en chaîne et de la double imposition économique, que l’État membre de résidence de l’actionnaire bénéficiaire (arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, point 58).

71      Il y a lieu toutefois de relever que la différence de traitement en cause au principal ne concerne pas la situation d’un porteur de parts selon qu’il est résident ou non-résident et, par conséquent, la possibilité de ce porteur de parts de bénéficier du crédit d’impôt au titre de l’impôt payé par la société distribuant les dividendes.

72      Ladite différence de traitement concerne uniquement les porteurs de parts résidents selon qu’ils ont acquis leurs parts dans une société résidente auprès d’un porteur de parts résident ou auprès d’un porteur de parts non-résident.

73      Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 139 de ses conclusions, en ce qui concerne les pertes qui résultent d’un amortissement partiel des parts sociales détenues dans une société résidente, ces porteurs de parts se trouvent dans une situation comparable qu’il s’agisse des parts acquises auprès d’un résident ou de celles acquises auprès d’un non-résident. En effet, la distribution des bénéfices diminue la valeur d’une part sociale, que celle-ci soit préalablement acquise auprès d’un résident ou auprès d’un non-résident, et, dans les deux cas, cette diminution de valeur est supportée par le porteur de parts résident.

74      Dès lors, une telle différence de traitement ne reflète pas une différence de situations objective desdits porteurs de parts.

75      Il convient également de vérifier si une restriction telle que celle en cause au principal peut être justifiée par les raisons impérieuses d’intérêt général invoquées par le gouvernement allemand et par la Commission.

76      Les arguments mis en avant par le gouvernement allemand ainsi que par la Commission, exposés aux points 61 à 63 du présent arrêt, peuvent être rattachés à la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal allemand, de garantir l’imposition des revenus générés sur le territoire allemand et de prévenir les montages artificiels ayant pour objet le contournement de la législation allemande.

77      S’agissant, tout d’abord, de l’argument relatif à la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal allemand, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà admis que la nécessité de préserver la cohérence d’un régime fiscal peut justifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité (arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, point 28; Manninen, précité, point 42, et du 27 novembre 2008, Papillon, C-418/07, non encore publié au Recueil, point 43).

78      Pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, la Cour exige toutefois un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation en cause (voir arrêt Papillon, précité, point 44 et jurisprudence citée).

79      Ainsi que l’ont relevé le gouvernement allemand et la Commission, la réglementation en cause au principal vise à prévenir que, par une opération autre que la distribution des dividendes, le porteur de parts non-résident puisse néanmoins bénéficier du même résultat du point de vue économique que le bénéfice du crédit d’impôt sur l’impôt sur les sociétés versé par la société dont il détient les parts.

80      Or, il est constant que les désavantages découlant de la réglementation en cause au principal sont directement subis par le porteur de parts résident ayant acquis lesdites parts auprès d’un non-résident. Pour ce porteur de parts résident, l’impossibilité de déduire de ses bénéfices imposables les pertes afférentes à l’amortissement partiel des parts détenues dans la société résidente, lorsque la diminution de la valeur des parts résulte de la distribution du bénéfice, n’est compensée par aucun avantage fiscal. En effet, la considération selon laquelle la plus-value dégagée par le non-résident ayant cédé les parts au porteur de parts résident n’est pas soumise à l’imposition en Allemagne est dépourvue de pertinence à l’égard du porteur de parts résident subissant le désavantage.

81      Par conséquent, un lien direct, tel que requis par la jurisprudence citée au point 78 du présent arrêt, fait défaut en l’espèce et la réglementation en cause au principal ne saurait être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal d’imputation intégrale.

82      Ensuite, s’agissant de l’argument relatif à la nécessité de préserver la possibilité pour la République fédérale d’Allemagne d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire, il y a lieu de relever que, s’il ressort d’une jurisprudence constante que la réduction de recettes fiscales ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale (voir, notamment, arrêt Manninen, précité, point 49 et jurisprudence citée), la Cour a également admis que peuvent exister des comportements de nature à compromettre le droit des États membres d’exercer leur compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur leur territoire et à porter ainsi atteinte à une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres (voir arrêt Marks & Spencer, précité, point 46) qui peuvent justifier une restriction aux libertés garanties par le traité (voir, en ce sens, arrêt Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, points 55 et 56, ainsi que du 29 mars 2007, Rewe Zentralfinanz, C-347/04, Rec. p. I-2647, point 42).

83      La Cour a également jugé qu’exiger de l’État de résidence de la société distributrice qu’il assure que les bénéfices distribués à un actionnaire non-résident ne soient pas frappés d’une imposition en chaîne ou d’une double imposition économique, que ce soit en exonérant d’impôt ces bénéfices dans le chef de la société distributrice ou en accordant audit actionnaire un avantage fiscal correspondant à l’impôt payé sur lesdits bénéfices par la société distributrice, signifierait en fait que cet État doive renoncer à son droit d’imposer un revenu généré par une activité économique exercée sur son territoire (arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, point 59).

84      Or, les opérations autres que la distribution de dividendes, permettant au porteur de parts non-résident de bénéficier du même résultat du point de vue économique que si le bénéfice du crédit d’impôt sur l’impôt sur les sociétés versé par la société dont il détient les parts lui était accordé, pourraient tout autant compromettre la possibilité de l’État de résidence de ladite société d’exercer son droit d’imposer un revenu généré par une activité économique exercée sur son territoire.

85      En effet, l’inclusion d’un montant correspondant au crédit d’impôt dont pourra bénéficier l’acquéreur des parts résident dans le prix de vente de ces parts et l’imputation de la diminution de la valeur desdites parts subséquente à la distribution des dividendes sur le montant des dividendes perçus par l’acquéreur des mêmes parts conduiraient, pour cet acquéreur résident, soit au droit d’imputer le crédit d’impôt sur d’autres impôts dus par celui-ci soit, lorsqu’il ne dispose pas d’autres revenus imposables, à la restitution d’un montant correspondant au crédit d’impôt au titre de l’impôt sur les bénéfices payé par la société.

86      Or, le prix des parts comprenant le montant équivalent au crédit d’impôt, l’attribution d’un crédit d’impôt ou la restitution d’un montant équivalent audit crédit d’impôt au nouveau porteur de parts résident aurait pour conséquence de faire bénéficier indirectement le porteur de parts non-résident d’un crédit d’impôt au titre de l’impôt prélevé au niveau de la société.

87      De telles conséquences ne se limiteraient pas à la réduction des recettes fiscales de la République fédérale d’Allemagne, mais impliqueraient que, en conférant indirectement au non-résident un avantage financier équivalent au crédit d’impôt au titre de l’impôt prélevé sur les bénéfices d’une société résidente, les revenus normalement imposables dans l’État membre de résidence de cette société seraient déplacés vers l’État membre compétent pour imposer la plus-value réalisée par le non-résident, en portant ainsi atteinte à une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres.

88      Il s’ensuit qu’une réglementation telle que celle en cause au principal est susceptible d’être justifiée par la nécessité de préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres.

89      S’agissant, enfin, des arguments relatifs à la nécessité de prévenir l’évasion fiscale et de lutter contre les dispositifs artificiels destinés à contourner le régime fiscal allemand, il convient de constater qu’une mesure nationale restreignant la libre circulation des capitaux peut être justifiée lorsqu’elle vise spécifiquement les montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dont la seule fin est l’obtention d’un avantage fiscal (voir, en ce sens, arrêts Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, points 51 et 55; Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, précité, points 72 et 74, ainsi que du 4 décembre 2008, Jobra, C-330/07, non encore publié au Recueil, point 35).

90      Dans l’affaire au principal, ainsi qu’il résulte des observations du gouvernement allemand, confirmées par les motifs de la loi ayant introduit dans l’ordre juridique allemand la réglementation en cause au principal, celle-ci a pour objectif de contrecarrer les montages par lesquels les porteurs de parts non-résidents obtiennent, lors de la cession desdites parts, le bénéfice d’un montant correspondant au crédit d’impôt au titre de l’impôt sur les sociétés payé par la société résidente, en ayant recours à des pratiques telles que celles décrites au point 100 des conclusions de M. l’avocat général, qui sont utilisées uniquement dans le but de bénéficier dudit avantage fiscal.

91      En limitant le droit pour le nouveau porteur de parts de déduire de ses bénéfices imposables le montant des pertes entraînées par la dépréciation des parts sociales concernées, dans la mesure où celles-ci n’excèdent pas le «montant bloqué», la réglementation en cause au principal est de nature à prévenir des pratiques qui n’auraient d’autre but que de faire bénéficier le porteur de parts non-résident d’un crédit d’impôt au titre de l’impôt sur les sociétés payé par la société résidente. En outre, l’augmentation de la base imposable du nouveau porteur de parts résident, découlant de ladite limitation, tend à éviter que les revenus normalement imposables en Allemagne soient transférés, en tant que partie de la plus-value réalisée par l’ancien porteur des parts non-résident correspondant au crédit d’impôt indu, sans subir une imposition en Allemagne.

92      Une telle réglementation est, par conséquent, apte à atteindre les objectifs de sauvegarde d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et de prévention des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dont la seule fin est l’obtention d’un avantage fiscal.

93      Néanmoins, il doit être vérifié qu’une telle réglementation ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs ainsi poursuivis.

94      Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que, dans la mesure où le calcul du montant bloqué se fonde sur les coûts d’acquisition des parts concernées, les conséquences de la réglementation en cause au principal ne dépassent pas celles qui sont nécessaires pour assurer qu’un montant équivalent au crédit d’impôt ne soit pas indûment accordé au porteur de parts non-résident.

95      En effet, ladite réglementation s’applique, ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 170 de ses conclusions, dès lors qu’un contribuable résident a acquis ses parts dans une société résidente auprès d’un porteur de parts non-résident à un prix qui, pour quelque raison que ce soit, excède la valeur nominale desdites parts.

96      Par conséquent, une telle réglementation se fonde sur une présomption selon laquelle toute majoration du prix de vente contient nécessairement la prise en compte du crédit d’impôt et est effectuée uniquement à cette fin. Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 172 de ses conclusions, il ne saurait être exclu que les parts sociales soient cédées à une valeur supérieure à leur valeur nominale pour d’autres raisons que celle visant à faire bénéficier le porteur de parts d’un crédit d’impôt au titre de l’impôt sur les sociétés versé par la société résidente, ou, en tout cas, que les bénéfices non distribués ainsi que la possibilité de bénéficier d’un crédit d’impôt afférent auxdites parts ne constituent qu’une composante du prix de vente de celles-ci.

97      En outre, la requérante au principal a fait valoir devant la Cour que la prise en compte du montant bloqué et l’augmentation de la base imposable du porteur de parts résident produisent des conséquences également à l’égard d’autres impositions auxquelles ledit porteur de parts peut être soumis, et notamment, à l’égard du calcul de la taxe professionnelle due par celui-ci. Or, de telles conséquences dépasseraient ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis par la réglementation en cause au principal.

98      Il appartient également à la juridiction de renvoi de vérifier que l’application de la limitation de la prise en compte de la dépréciation des parts sociales du fait de la distribution des dividendes à partir de l’année de l’acquisition desdites parts sociales et pendant les neuf années suivantes ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour que soient atteints les objectifs poursuivis par la réglementation en cause au principal.

99      Enfin, s’agissant de l’objectif de prévention des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique et créés uniquement dans le but de bénéficier indûment d’un avantage fiscal, il y a lieu de relever, ainsi que l’a fait M. l’avocat général au point 174 de ses conclusions, que, pour être conforme au principe de proportionnalité, une mesure poursuivant un tel objectif devrait permettre à la juridiction nationale de procéder à un examen au cas par cas, prenant en considération les particularités de chaque espèce, en se fondant sur des éléments objectifs, pour tenir compte du comportement abusif ou frauduleux des personnes concernées.

100    Dans la mesure où une réglementation, telle que celle en cause au principal, ne permet pas de limiter son application aux montages purement artificiels, déterminés sur le fondement d’éléments objectifs, mais vise tous les cas dans lesquels le contribuable résident a acquis des parts dans une société résidente auprès d’un porteur de parts non-résident à un prix qui, pour quelque raison que ce soit, excède la valeur nominale de ces parts sociales, les effets d’une telle réglementation dépassent ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de prévention des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique et créés uniquement dans le but de bénéficier indûment d’un avantage fiscal.

101    Il y a donc lieu de répondre à la question posée que l’article 73 B du traité doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle la dépréciation de parts sociales du fait de la distribution de dividendes n’affecte pas l’assiette de l’impôt d’un contribuable résident, lorsque celui-ci a acquis des parts dans une société de capitaux résidente, auprès d’un porteur de parts non-résident, alors que, en cas d’acquisition de parts auprès d’un porteur de parts résident, une telle dépréciation diminue la base d’imposition de l’acquéreur.

102    Ce constat s’applique dans les cas où une telle réglementation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour sauvegarder une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, ainsi que pour prévenir les montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique et créés uniquement dans le but de bénéficier indûment d’un avantage fiscal. Il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner si la réglementation en cause au principal se limite à ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

 Sur les dépens

103    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 73 B du traité CE (devenu article 56 CE) doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle la dépréciation de parts sociales du fait de la distribution de dividendes n’affecte pas l’assiette de l’impôt d’un contribuable résident, lorsque celui-ci a acquis des parts dans une société de capitaux résidente, auprès d’un porteur de parts non-résident, alors que, en cas d’acquisition de parts auprès d’un porteur de parts résident, une telle dépréciation diminue la base d’imposition de l’acquéreur.

Ce constat s’applique dans les cas où une telle réglementation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour sauvegarder une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, ainsi que pour prévenir les montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique et créés uniquement dans le but de bénéficier indûment d’un avantage fiscal. Il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner si la réglementation en cause au principal se limite à ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.