Available languages

Taxonomy tags

Info

References in this case

Share

Highlight in text

Go

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

25 octobre 2012 (*)

«Manquement d’État – Articles 49 TFUE et 63 TFUE – Articles 31 et 40 de l’accord EEE – Imposition des revenus de capitaux et de biens mobiliers – Sociétés d’investissement résidentes et non résidentes – Précompte mobilier – Imputation du précompte mobilier – Exonération des revenus de capitaux et de biens mobiliers – Discrimination – Justifications»

Dans l’affaire C-387/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 19 juillet 2011,

Commission européenne, représentée par M. W. Mölls et Mme C. Soulay, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M. J.-C. Halleux et Mme M. Jacobs, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme S. Behzadi-Spencer, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur), J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en maintenant des règles différentes concernant l’imposition des revenus de capitaux et de biens mobiliers selon qu’ils sont perçus par des sociétés d’investissement belges ou des sociétés d’investissement étrangères, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 TFUE et 63 TFUE ainsi que des articles 31 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).

 Le cadre juridique belge

2        L’article 1er du code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après le «CIR 1992») dispose:

«§ 1. Sont établis à titre d’impôts sur les revenus:

1°      un impôt sur le revenu global des habitants du Royaume, dénommé impôt des personnes physiques;

2°      un impôt sur le revenu global des sociétés résidentes, dénommé impôt des sociétés;

3°      un impôt sur les revenus des personnes morales belges autres que les sociétés, dénommé impôt des personnes morales;

4°      un impôt sur les revenus des non-résidents, dénommé impôt des non-résidents.

§ 2.      Les impôts sont perçus par voie de précomptes dans les limites et aux conditions prévues au titre VI, chapitre premier.»

 Le régime fiscal applicable aux sociétés d’investissement résidentes en Belgique

3        Il résulte de l’article 179 du CIR 1992 que les sociétés résidentes, à savoir les sociétés dont le siège social, l’établissement principal ou le siège de direction ou d’administration est situé en Belgique, sont assujetties à l’impôt des sociétés.

4        Ainsi, l’article 185, paragraphe 1, du CIR 1992 précise-t-il que ces dernières sont imposables sur le montant total des bénéfices, y compris les dividendes distribués.

5        L’article 185 bis, paragraphe 1, du CIR 1992 énonce, toutefois, que les sociétés d’investissement «ne sont imposables que sur le montant total des avantages anormaux ou bénévoles reçus et des dépenses et charges non déductibles à titre de frais professionnels autre que des réductions de valeur et moins-values sur actions ou parts, sans préjudice toutefois de leur assujettissement à la cotisation spéciale prévue à l’article 219».

6        À cet égard, l’article 219 du CIR 1992 prévoit une cotisation distincte établie, notamment, à raison des dépenses de la société, à savoir des commissions, des courtages, des ristournes commerciales ou autres qui ne sont pas justifiés par la production de fiches individuelles et d’un relevé récapitulatif, ainsi qu’à raison des bénéfices dissimulés, à savoir les bénéfices constatés par l’administration qui ne sont pas compris dans le résultat comptable de la société.

7        En vertu des articles 249 et 261 du CIR 1992, l’impôt des sociétés est perçu par voie de précompte sur les revenus de capitaux et de biens mobiliers perçus par les habitants du Royaume de Belgique, les sociétés résidentes ainsi que les contribuables assujettis à l’impôt des non-résidents qui ont en Belgique un établissement.

8        L’article 269 du CIR 1992 fixe le précompte mobilier à 15 % pour les revenus des capitaux et de biens mobiliers et à 25 % pour les dividendes.

9        L’article 276 du CIR 1992 énonce:

«Les impôts prévus à l’article 1er sont acquittés dans la mesure indiquée ci-après, par imputation des précomptes immobilier, mobilier et professionnel, de la quotité forfaitaire d’impôt étranger et du crédit d’impôt.»

10      L’article 279 du CIR 1992 précise:

«Au titre de précompte mobilier, est imputé le montant du précompte mobilier fixé conformément à l’article 269.»

11      L’article 304, paragraphe 2, deuxième alinéa, du CIR 1992 prévoit:

«Dans le chef des sociétés résidentes, l’excédent éventuel du précompte mobilier, visé à l’article 279 […] est imputé, s’il y a lieu, sur les cotisations distinctes établies en exécution des articles 219 et 219 bis, et le surplus est restitué pour autant qu’il atteigne 2,50 EUR.»

 Le régime fiscal applicable aux sociétés d’investissement non résidentes en Belgique

12      En vertu des articles 227 et 228 du CIR 1992, les sociétés étrangères ainsi que les associations, établissements ou organismes quelconques sans personnalité juridique qui sont constitués sous une forme juridique analogue à celle d’une société de droit belge et qui n’ont pas en Belgique leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de direction ou d’administration sont assujettis à l’impôt des non-résidents, perçu exclusivement sur les revenus produits ou recueillis en Belgique et qui sont imposables.

13      Ces dispositions sont applicables aux sociétés non résidentes disposant d’un établissement situé sur le territoire belge.

14      Selon l’article 294 du CIR 1992, les précomptes mobiliers sont imputés sur l’impôt des non-résidents.

15      S’agissant des sociétés non résidentes ne disposant pas d’un établissement situé sur le territoire belge, l’article 248 du CIR 1992 prévoit que l’impôt relatif aux revenus non visés aux articles 232 à 234 du CIR 1992 est égal aux divers précomptes et à la cotisation spéciale visée à l’article 301 du CIR 1992.

 La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

16      Considérant que les règles d’imposition des revenus de capitaux et de biens mobiliers perçus par des sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable situé sur le territoire belge sont moins favorables que celles relatives à l’imposition des revenus des sociétés d’investissement établies en Belgique, la Commission a envoyé le 17 octobre 2008 une lettre de mise en demeure aux autorités belges, soulignant l’incompatibilité de cette législation avec les articles 49 TFUE, 54 TFUE et 63 TFUE.

17      Les autorités belges n’ayant pas donné suite à cette lettre, la Commission a adressé au Royaume de Belgique un avis motivé en date du 4 juin 2010, enjoignant à cet État membre de se conformer à ces articles dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis.

18      N’étant pas satisfaite de la réponse apportée par les autorités belges le 17 septembre 2010, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

19      Par ordonnance du président de la Cour du 9 janvier 2012, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Royaume de Belgique.

 Sur le recours

 Sur l’existence de restrictions aux dispositions du traité FUE

 Argumentation des parties

20      La Commission fait valoir que la différence entre l’imposition des sociétés d’investissement résidentes et celle des sociétés d’investissement non résidentes qui ne disposent pas d’un établissement stable situé sur le territoire belge entraîne une différence de traitement de ces deux types de sociétés constitutive d’une violation des articles 49 TFUE et 63 TFUE.

21      En effet, si les revenus de ces deux catégories de contribuables sont grevés par le précompte mobilier de la même façon, les sociétés résidentes bénéficieraient d’un régime plus favorable.

22      D’une part, l’article 185 bis du CIR 1992 prévoirait une exonération de ce type de revenus et limiterait l’imposition des sociétés résidentes à certaines hypothèses exceptionnelles ainsi qu’à la cotisation distincte, prévues à l’article 219 du CIR 1992.

23      D’autre part, l’article 304, du CIR 1992 instituerait un mécanisme qui neutraliserait le précompte mobilier versé à la source. En effet, le paragraphe 2, deuxième alinéa, de cet article permettrait d’imputer l’excédent éventuel de ce précompte sur les cotisations distinctes dues au titre de l’article 219 du CIR 1992, voire de percevoir le surplus pour autant qu’il atteigne 2,50 euros.

24      Selon la Commission, cette différence de traitement est constitutive d’une entrave à la libre circulation des capitaux ainsi que d’une restriction à la liberté d’établissement. En effet, en réservant aux seules sociétés résidentes la faculté d’imputer le précompte mobilier sur l’impôt dont elles sont redevables et d’exonérer les revenus de capitaux et de biens mobiliers qu’elles perçoivent, la législation nationale rendrait moins attrayant pour les sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable en Belgique l’investissement dans des sociétés belges.

25      Le Royaume de Belgique, reconnaissant qu’il existe une différence de traitement entre le régime d’imposition des sociétés résidentes et celui des sociétés non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable en Belgique, souligne que ces deux catégories de sociétés se trouvent dans des situations de droit et de fait objectivement différentes justifiant une telle différence de traitement.

26      Premièrement, les sociétés résidentes sont assujetties à l’impôt des sociétés conformément aux articles 185, 185 bis et 219 du CIR 1992. Quant aux sociétés non résidentes qui ne disposent pas d’un établissement stable en Belgique, la Commission ne procéderait, dans sa requête, à aucune différenciation en fonction du régime fiscal auquel elles sont soumises dans leur État de résidence. En effet, dans les États dans lesquels elles ne seraient pas soumises à un impôt sur les revenus ou lorsque leurs bénéfices seraient exonérés, les sociétés non résidentes ne seraient pas dans une situation comparable à celle des sociétés résidentes.

27      Deuxièmement, la Commission aurait omis de mentionner le fait que le montant payé au titre du précompte mobilier ne pourrait être imputé sur le montant dû au titre de l’impôt des sociétés ou de l’impôt des non-résidents, voire remboursé, en ce qui concerne respectivement les sociétés résidentes ou les sociétés non résidentes disposant d’un établissement stable en Belgique, que dans certaines conditions et sous certaines limites, notamment prévues aux articles 281 et 282 du CIR 1992.

28      Troisièmement, le Royaume de Belgique souligne que les fonds communs de placement de droit belge ne sont pas considérés comme des entités juridiques distinctes et ne sont pas, en tant que tels, soumis à l’impôt des sociétés. Dès lors, le précompte mobilier grevant les revenus de capitaux et de biens mobiliers attribués à ces fonds est définitivement perçu, au même titre que celui des sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable en Belgique.

29      Quatrièmement, si une situation de double imposition des revenus de telles sociétés non résidentes devait être constatée, celle-ci serait la conséquence du défaut d’harmonisation des législations fiscales des États membres, dans la mesure où il serait généralement admis que l’État de résidence est en principe tenu de neutraliser une telle double imposition.

30      Cinquièmement, il faudrait tenir compte du fait que les sociétés d’investissement agissent comme des intermédiaires financiers pour le compte d’investisseurs. Or, s’il fallait comparer les situations des porteurs de parts, il faudrait nécessairement constater des disparités complexes.

31      Sixièmement, le mode de perception de l’impôt serait différent dans le cas des sociétés résidentes et des sociétés non résidentes. Dans le premier cas, l’impôt serait établi par rôle, alors que, dans le second cas, il le serait par perception de l’impôt par voie de précomptes.

32      Septièmement, les sociétés d’investissement non résidentes, en tant qu’elles exercent leur activité de gestion collective d’actifs à l’étranger, ne procéderaient pas nécessairement aux mêmes opérations que les sociétés d’investissement résidentes, à savoir, par exemple, la distribution, en Belgique, de parts sans appel public à l’épargne.

 Appréciation de la Cour

–       Sur l’applicabilité des articles 49 TFUE et 63 TFUE

33      À titre liminaire, la Commission alléguant une violation par le Royaume de Belgique aussi bien de l’article 49 TFUE que de l’article 63 TFUE, il convient de rappeler que, pour savoir si une législation nationale relève de l’une ou de l’autre de ces libertés fondamentales, il y a lieu de prendre en compte l’objet de la législation en cause (voir, notamment, arrêts du 24 mai 2007, Holböck, C-157/05, Rec. p. I-4051, point 22; du 26 mars 2009, Commission/Italie, C-326/07, Rec. p. I-2291, point 33; du 11 novembre 2010, Commission/Portugal, C-543/08, Rec. p. I-11241, point 40, et du 10 novembre 2011, Commission/Portugal, C-212/09, Rec. p. I-10889, point 41).

34      À cet égard, il a déjà été jugé qu’une législation nationale qui a vocation à s’appliquer aux seules participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions d’une société et de déterminer les activités de celle-ci relève des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement (voir arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 37, et du 21 octobre 2010, Idryma Typou, C-81/09, Rec. p. I-10161, point 47). En revanche, des dispositions nationales qui trouvent à s’appliquer à des participations effectuées dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise doivent être examinées exclusivement au regard de la libre circulation des capitaux (arrêt du 15 septembre 2011, Accor, C-310/09, Rec. p. I-8115, point 32 et jurisprudence citée).

35      Il y a lieu de constater que, dans le présent recours en manquement, il n’est pas exclu que les dispositions nationales en cause soient susceptibles d’affecter aussi bien la liberté d’établissement que la libre circulation des capitaux. Dès lors, il y a lieu d’examiner ces dispositions sous l’angle des articles 49 TFUE et 63 TFUE.

–       Sur le manquement aux obligations résultant de l’article 63, paragraphe 1, TFUE

36      Il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit de l’Union (voir, notamment, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, Rec. p. I-11673, point 36; du 8 novembre 2007, Amurta, C-379/05, Rec. p. I-9569, point 16; du 19 novembre 2009, Commission/Italie, C-540/07, Rec. p. I-10983, point 28; du 3 juin 2010, Commission/Espagne, C-487/08, Rec. p. I-4843, point 37, et du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne, C-284/09, Rec. p. I-9879, point 44).

37      Il appartient notamment à chaque État membre d’organiser, dans le respect du droit de l’Union, son système d’imposition des bénéfices distribués et de définir, dans ce cadre, l’assiette imposable ainsi que le taux d’imposition qui s’appliquent dans le chef de l’actionnaire bénéficiaire (voir, notamment, arrêts Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, point 50; Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 47; du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, C-194/06, Rec. p. I-3747, point 30; du 16 juillet 2009, Damseaux, C-128/08, Rec. p. I-6823, point 25, et Commission/Allemagne, précité, point 45).

38      En l’espèce, il est constant que la législation belge soumet au précompte mobilier les dividendes et les intérêts distribués par une société établie en Belgique tant aux sociétés d’investissement résidentes de ce même État membre qu’aux sociétés d’investissement ayant leur siège dans un autre État membre. Toutefois, en ce qui concerne les dividendes et les intérêts distribués aux sociétés d’investissement établies en Belgique, ceux-ci sont exonérés de l’impôt des sociétés en tant que revenus de capitaux et de biens mobiliers, en vertu de l’article 185 bis du CIR 1992. En outre, l’article 304, paragraphe 2, deuxième alinéa, du CIR 1992 permet d’imputer le précompte mobilier sur l’impôt des sociétés dû par ces sociétés d’investissement, voire de percevoir la différence entre le montant du précompte retenu à la source et l’impôt effectivement dû pour autant que cette différence atteint 2,50 euros. Il en va de même en vertu de l’article 304, paragraphe 2, cinquième alinéa, du CIR 1992 en ce qui concerne les sociétés d’investissement non résidentes, mais soumises à l’impôt des non-résidents conformément à l’article 233 du CIR 1992, à savoir celles qui disposent d’un établissement stable en Belgique. Il s’ensuit que les sociétés d’investissement résidentes sont susceptibles de ne pas subir de charge fiscale découlant du précompte mobilier grevant les revenus de capitaux et de biens mobiliers qu’elles perçoivent de sociétés belges.

39      S’il est vrai que le droit à exonération et à imputation reconnu aux sociétés d’investissement résidentes est soumis à certaines conditions et limitations, notamment celles prévues aux articles 281 et 282 du CIR 1992, il n’en reste pas moins qu’une telle faculté n’est pas reconnue aux sociétés d’investissement non résidentes et ne disposant pas d’un établissement stable en Belgique, et que, dès lors, le précompte mobilier retenu sur les revenus de capitaux et de biens mobiliers que ces dernières sociétés perçoivent de sociétés belges dans lesquelles elles ont procédé à un investissement constitue, en vertu de l’article 248 du CIR 1992, une imposition définitive.

40      Par conséquent, il y a lieu de constater que la législation fiscale belge instaure un traitement fiscal défavorable des revenus de capitaux et de biens mobiliers perçus par les sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable en Belgique par rapport à ceux perçus par les sociétés d’investissement résidentes ou non résidentes, mais disposant d’un établissement stable en Belgique.

41      Le Royaume de Belgique fait toutefois valoir que, à l’égard de la législation fiscale en cause, une société d’investissement résidente se trouve dans une situation différente de celle d’une société d’investissement non résidente ne disposant pas d’un établissement stable dans cet État membre.

42      Il importe de rappeler à cet effet que, conformément à l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, «[l]’article 63 [TFUE] ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres […] d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis».

43      Cette disposition, en tant qu’elle constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, elle ne saurait être interprétée en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État dans lequel ils investissent leurs capitaux est automatiquement compatible avec le traité (voir arrêts du 11 septembre 2008, Eckelkamp e.a., C-11/07, Rec. p. I-6845, point 57; du 22 avril 2010, Mattner, C-510/08, Rec. p. I-3553, point 32; du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C-436/08 et C-437/08, Rec. p. I-305, point 56, ainsi que du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a., C-338/11 à C-347/11, point 21).

44      En effet, la dérogation prévue à ladite disposition est elle-même limitée par l’article 65, paragraphe 3, TFUE, qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article «ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63».

45      Il y a lieu, dès lors, de distinguer les différences de traitement permises au titre de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE des discriminations interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/98, Rec. p. I-4071, point 43; du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 29; du 1er décembre 2011, Commission/Belgique, C-250/08, Rec. p. I-12341, point 51, ainsi que Santander Asset Management SGIIC e.a., précité, point 23).

46      À ce titre, le Royaume de Belgique invoque plusieurs éléments qui attesteraient de la différence de situations entre les sociétés d’investissement résidentes et les sociétés non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable en Belgique.

47      En premier lieu, il est constant que la législation fiscale en cause vise à éviter la surimposition des revenus des sociétés d’investissement eu égard à leur qualité d’intermédiaire entre les sociétés dans lesquelles elles investissent et les porteurs de parts de ces sociétés d’investissement.

48      Or, la Cour a déjà jugé que, à l’égard des mesures prévues par un État membre afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique de revenus distribués par une société résidente, les sociétés bénéficiaires résidentes ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle de sociétés bénéficiaires résidentes d’un autre État membre (arrêt Commission/Allemagne, précité, point 55 et jurisprudence citée).

49      Toutefois, à partir du moment où un État membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les sociétés résidentes, mais également les sociétés non résidentes, pour les revenus qu’elles perçoivent d’une société résidente, la situation desdites sociétés non résidentes se rapproche de celle des sociétés résidentes (arrêt Commission/Allemagne, précité, point 56 et jurisprudence citée).

50      En effet, c’est le seul exercice par ce même État de sa compétence fiscale qui, indépendamment de toute imposition dans un autre État membre, engendre un risque d’imposition en chaîne ou de double imposition économique. En pareil cas, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE, l’État de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit national afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés résidentes (voir arrêts précités Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, point 70; Amurta, point 39; du 19 novembre 2009, Commission/Italie, point 53; Commission/Espagne, point 52, et Commission/Allemagne, point 57).

51      Or, force est en l’espèce de constater que le Royaume de Belgique a choisi d’exercer sa compétence fiscale sur les revenus perçus par des sociétés d’investissement résidant dans d’autres États membres. Les sociétés non résidentes bénéficiaires de ces revenus se trouvent par conséquent dans une situation comparable à celle des sociétés résidentes en ce qui concerne le risque d’imposition en chaîne des revenus de capitaux et de biens mobiliers, de sorte que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne peuvent être traitées différemment des sociétés bénéficiaires résidentes (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Espagne, point 53, et Commission/Allemagne, point 58).

52      Cette constatation n’est pas infirmée par l’argument du Royaume de Belgique selon lequel les sociétés d’investissement non résidentes bénéficiaires de revenus de capitaux et de biens mobiliers provenant de sociétés belges ne sont pas soumises à une charge fiscale supérieure à celle des sociétés d’investissement résidentes en vertu de l’article 219 du CIR 1992.

53      En effet, d’une part, s’agissant de la charge fiscale induite par le paiement de la cotisation spéciale prévue audit article 219 du CIR 1992 à laquelle ne sont soumises que les sociétés d’investissement résidentes, il faut rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, un traitement fiscal défavorable contraire à une liberté fondamentale ne saurait être considéré comme compatible avec le droit de l’Union en raison de l’existence d’autres avantages, à supposer que de tels avantages existent (arrêt Commission/Allemagne, précité, point 71 et jurisprudence citée).

54      Partant, le Royaume de Belgique ne saurait invoquer cet élément comme critère de différenciation pour justifier une différence de traitement entre les sociétés d’investissement résidentes et les sociétés d’investissement non résidentes.

55      S’agissant, d’autre part, des mécanismes conventionnels de prévention de la double imposition, il importe, premièrement, de relever que l’application de la méthode de l’imputation devrait permettre que l’impôt sur les revenus prélevé en Belgique soit entièrement imputé sur l’impôt dû dans l’État de résidence de la société d’investissement bénéficiaire, de sorte que, si les revenus de capitaux et de biens mobiliers perçus par cette société étaient finalement grevés plus lourdement que les revenus versés aux sociétés établies en Belgique, cette charge fiscale plus lourde pourrait être attribuée non plus au Royaume de Belgique, mais à l’État d’établissement de la société bénéficiaire qui a exercé son pouvoir d’imposition (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Espagne, point 60, et Commission/Allemagne, point 67).

56      Deuxièmement, il faut préciser que le choix d’imposer, dans l’autre État membre, les revenus en provenance de Belgique ou le niveau auquel ceux-ci sont imposés dépend non pas du Royaume de Belgique, mais des modalités d’imposition définies par l’autre État membre (arrêts précités Commission/Espagne, point 64, et Commission/Allemagne, point 69).

57      Le Royaume de Belgique n’est, par suite, pas fondé à soutenir que l’imputation de l’impôt acquitté en Belgique sur l’impôt dû dans l’autre État membre, en application des conventions relatives à la prévention de la double imposition, permet dans tous les cas de neutraliser la différence de traitement résultant de l’application des dispositions de la législation fiscale nationale ou de celles de ces conventions qui ont pour effet de réduire le taux de la retenue issue du précompte mobilier (voir arrêts précités du 19 novembre 2009, Commission/Italie, point 39; Commission/Espagne, point 64, et Commission/Allemagne, point 70).

58      En second lieu, le Royaume de Belgique souligne que, s’agissant de la législation fiscale en cause, la base de comparaison de la Commission serait erronée. Ainsi, tout d’abord, en raison de leur nature particulière, les sociétés d’investissement non résidentes seraient dans une situation comparable à celle des fonds communs de placement belges et non pas à celle des sociétés d’investissement résidentes. Ensuite, les activités des sociétés d’investissement résidentes seraient différentes de celles des sociétés d’investissement non résidentes. Enfin, il conviendrait de prendre en considération le régime fiscal appliqué aux porteurs de parts des sociétés d’investissement résidentes et des sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable en Belgique.

59      S’agissant, premièrement, de la comparabilité de la situation des sociétés d’investissement non résidentes avec les fonds communs de placement belges, il y a lieu de relever que, si les premières disposent de la personnalité juridique, ce n’est pas le cas des seconds. Dès lors, le Royaume de Belgique ne saurait faire valoir que la situation des sociétés d’investissement non résidentes doit être comparée à celle des fonds communs de placement, au seul motif que la législation fiscale belge traite ces deux catégories de contribuables, qui au demeurant n’ont pas la même forme juridique, de manière identique.

60      En outre, il convient de souligner que l’argumentation de cet État membre est fondée sur la prémisse selon laquelle les sociétés d’investissement non résidentes sont exonérées d’impôt dans leur État d’établissement.

61      Or, il ressort de la réglementation belge que le prélèvement du précompte mobilier sur les revenus de la société bénéficiaire ne dépend pas de l’exonération éventuelle de l’impôt sur les sociétés dont bénéficierait cette société. Partant, la circonstance que les fonds communs de placement belges soient des entités fiscalement transparentes qui ne sont pas, en tant que telles, soumises à l’impôt des sociétés, ne permet pas de considérer que la situation des sociétés d’investissement non résidentes n’est pas comparable à celle des sociétés d’investissement résidentes.

62      Deuxièmement, s’agissant des activités des sociétés d’investissement résidentes et de celles des sociétés d’investissement non résidentes, il convient de constater que l’argumentation du Royaume de Belgique vise moins à souligner les différences intrinsèques entre ces activités que le fait que ces dernières sont exercées dans des États membres différents.

63      À cet égard, cet État membre part de la prémisse que les sociétés d’investissement non résidentes ne s’adressent qu’à des porteurs de parts ne résidant pas en Belgique.

64      Toutefois, il ne saurait être exclu qu’une société d’investissement non résidente propose ses services à des investisseurs résidents, de sorte qu’elle exerce in fine les mêmes activités qu’une société d’investissement résidente.

65      Troisièmement, quant à la nécessité alléguée de prendre en considération le régime fiscal appliqué aux porteurs de parts, il faut rappeler que, lorsqu’une réglementation nationale établit un critère de distinction pour l’imposition des revenus versés, l’appréciation de la comparabilité des situations doit être effectuée en tenant compte dudit critère (voir, en ce sens, arrêt Santander Asset Management SGIIC e.a., précité, point 28).

66      En l’occurrence, d’une part, l’article 185 bis du CIR 1992 prévoit, toutefois, au profit des seules sociétés d’investissement résidentes, que ces dernières ne sont imposables que sur le montant total des avantages anormaux ou bénévoles reçus et des dépenses et des charges non déductibles à titre de frais professionnels. D’autre part, en vertu des articles 248 et 304, paragraphe 2, deuxième alinéa, du CIR 1992, le précompte mobilier n’est une imposition définitive qu’en ce qui concerne les sociétés non résidentes.

67      Eu égard au critère de distinction établi par cette réglementation, fondé sur le seul lieu de résidence de la société d’investissement, l’appréciation de la comparabilité des situations aux fins de déterminer le caractère discriminatoire ou non de ladite réglementation doit être effectuée au seul niveau de la société d’investissement (voir, en ce sens, arrêt Santander Asset Management SGIIC e.a., précité, point 39).

68      Dès lors, au regard des observations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la différence de traitement des revenus selon que ceux-ci sont versés à des sociétés d’investissement résidentes ou non résidentes, telle qu’instaurée par la législation fiscale belge, est susceptible de dissuader les sociétés établies dans d’autres États membres de procéder à des investissements en Belgique et est également de nature à constituer un obstacle à la collecte de capitaux par des sociétés résidentes auprès de sociétés établies dans d’autres États membres.

69      Par conséquent, ladite législation constitue une restriction à la libre circulation des capitaux, prohibée, en principe, par l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

 Sur les justifications des restrictions

–       Argumentation des parties

70      Le Royaume de Belgique avance deux raisons susceptibles de justifier la restriction à la libre circulation des capitaux induite par la législation nationale litigieuse.

71      Premièrement, et afin de préserver la répartition équilibrée des pouvoirs d’imposition entre les États membres, il ne saurait être exigé du Royaume de Belgique qu’il accorde aux sociétés non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable sur son territoire l’imputation du précompte perçu sur leurs revenus. Une telle exigence reviendrait en effet à imposer à cet État membre de renoncer à prélever des impôts sur les revenus recueillis sur son territoire.

72      Deuxièmement, la limitation de la prise en compte des précomptes mobiliers perçus en ce qui concerne les sociétés non résidentes serait justifiée par des motifs d’efficacité des contrôles fiscaux. Dans la mesure où les sociétés d’investissement sont les débitrices légales des précomptes mobiliers sur les dividendes qu’elles versent aux porteurs de parts, l’administration belge ne pourrait exercer aucun contrôle sur ces porteurs, dès lors qu’ils ne résident pas en Belgique.

73      La Commission soutient qu’aucune des raisons avancées par le Royaume de Belgique n’est susceptible de justifier la différence de traitement existant entre les sociétés d’investissement résidentes et les sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas d’un établissement stable en Belgique.

–       Appréciation de la Cour

74      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie, des mesures nationales restreignant la libre circulation des capitaux peuvent être justifiées notamment par des raisons impérieuses d’intérêt général, à la condition, d’une part, qu’il n’existe pas de mesure de droit de l’Union d’harmonisation prévoyant des mesures nécessaires pour assurer la protection de ces intérêts et, d’autre part, que ces mesures soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir, notamment, arrêts du 23 octobre 2007, Commission/Allemagne, C-112/05, Rec. p. I-8995, points 72 et 73; du 1er juillet 2010, Dijkman et Dijkman-Lavaleije, C-233/09, Rec. p. I-6649, point 49, ainsi que du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne, précité, point 74).

75      S’agissant, premièrement, de la nécessité alléguée d’assurer une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition, il convient de rappeler qu’une telle justification peut être admise dès lors, notamment, que le régime fiscal national vise à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit d’un État membre d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire (voir arrêts du 29 mars 2007, Rewe Zentralfinanz, C-347/04, Rec. p. I-2647, point 42; du 18 juillet 2007, Oy AA, C-231/05, Rec. p. I-6373, point 54; Amurta, précité, point 58; du 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha, C-303/07, Rec. p. I-5145, point 66, ainsi que du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne, précité, point 77).

76      Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour que, dès lors qu’un État membre a choisi de ne pas imposer les sociétés bénéficiaires établies sur son territoire à l’égard de ce type de revenus, il ne saurait invoquer la nécessité d’assurer une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres afin de justifier l’imposition des sociétés bénéficiaires établies dans un autre État membre (arrêts précités Amurta, point 59; Aberdeen Property Fininvest Alpha, point 67, et du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne, point 78).

77      Or, il est constant que les sociétés d’investissement résidentes bénéficient pour les revenus de capitaux et biens mobiliers qu’elles perçoivent d’une neutralisation de la charge fiscale induite par le prélèvement du précompte mobilier.

78      Certes, la Cour a déjà jugé qu’exiger de l’État de résidence de la société distributrice qu’il assure que les bénéfices distribués à un actionnaire non résident ne soient pas frappés d’une imposition en chaîne ou d’une double imposition économique, que ce soit en exonérant d’impôt ces bénéfices dans le chef de la société distributrice ou en accordant audit actionnaire un avantage fiscal correspondant à l’impôt payé sur lesdits bénéfices par la société distributrice, signifierait en fait que cet État doive renoncer à son droit d’imposer un revenu généré par une activité économique exercée sur son territoire (voir arrêts Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, point 59; du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome, C-182/08, Rec. p. I-8591, point 83, et du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne, précité, point 80).

79      Toutefois, en l’espèce, l’exonération des revenus de capitaux et de biens mobiliers et l’imputation du précompte mobilier prélevé à la source par le Royaume de Belgique, accordées aux sociétés établies dans un autre État membre et n’y disposant pas d’un établissement stable, ne signifieraient pas en fait que cet État membre doive renoncer à son droit d’imposer un revenu généré par une activité économique exercée sur son territoire. En effet, les revenus perçus par les sociétés résidentes ont déjà été soumis à l’imposition dans le chef des sociétés distributrices en tant que bénéfices réalisés par celles-ci.

80      Deuxièmement, si la Cour a reconnu que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (voir arrêt Dijkman et Dijkman-Lavaleije, précité, point 58), force est de constater, en l’espèce, qu’un tel objectif ne saurait être invoqué utilement pour justifier la restriction en cause.

81      En effet, il est constant que les sociétés d’investissement non résidentes ne peuvent, en aucun cas, bénéficier de l’exonération des revenus de capitaux et de biens mobiliers pour les revenus qu’elles perçoivent de sociétés belges ni de l’imputation ou du remboursement du précompte mobilier, et ce indépendamment des garanties en matière de contrôle fiscal qu’elles seraient susceptibles de présenter.

82      Dès lors, il y a lieu de constater que les motifs invoqués par le Royaume de Belgique ne sauraient justifier la restriction à la libre circulation des capitaux découlant de la législation litigieuse.

83      Il résulte de ce qui précède que, en maintenant des règles différentes concernant l’imposition des revenus de capitaux et de biens mobiliers selon qu’ils sont perçus par des sociétés d’investissement résidentes ou des sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas en Belgique d’un établissement stable, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 63 TFUE.

–       Sur le manquement aux obligations résultant de l’article 49 TFUE

84      À l’égard de la demande de la Commission que soit constaté un manquement aux obligations qui incombent au Royaume de Belgique en vertu de l’article 49 TFUE, il suffit de relever que les considérations formulées aux points précédents s’appliquent de la même manière lorsqu’une société d’investissement a perçu des revenus sur le fondement d’une participation qui lui confère une influence certaine sur les décisions de la société dans laquelle elle a investi et lui permet d’en déterminer les activités.

85      En effet, la différence de traitement constatée au point 40 du présent arrêt peut avoir pour effet de dissuader les investisseurs potentiels qui, au travers d’une société d’investissement résidant à l’étranger, souhaitent procéder à des investissements dans des sociétés belges, en vue d’avoir une influence certaine sur leurs décisions et d’en déterminer les activités.

86      Dès lors, la différence de traitement opérée par la législation incriminée constitue une restriction à la liberté d’établissement prohibée par l’article 49 TFUE qui ne saurait être justifiée pour les raisons exposées aux points 74 à 81 du présent arrêt.

87      Il résulte de ce qui précède que, en maintenant des règles différentes concernant l’imposition des revenus de capitaux et de biens mobiliers selon qu’ils sont perçus par des sociétés d’investissement résidentes ou des sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas en Belgique d’un établissement stable, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 TFUE.

 Sur la méconnaissance de l’accord EEE

88      Dans la mesure où les stipulations des articles 31 et 40 de l’accord EEE revêtent la même portée juridique que les dispositions, identiques en substance, des articles 49 TFUE et 63 TFUE (voir arrêts du 11 juin 2009, Commission/Pays-Bas, C-521/07, Rec. p. I-4873, point 33, et du 28 octobre 2010, Établissements Rimbaud, C-72/09, Rec. p. I-10659, point 22), l’ensemble des considérations qui précèdent est, dans des circonstances telles que celles du présent recours, transposable mutatis mutandis auxdits articles 31 et 40 de cet accord.

 Sur les effets de l’arrêt dans le temps

89      Le Royaume de Belgique a demandé que, dans le cas où la Cour ferait droit au recours de la Commission, les effets de l’arrêt soient limités dans le temps «afin de permettre la mise en œuvre efficace de toutes les modifications éventuelles». Cette limitation dans le temps des effets de l’arrêt serait justifiée, d’une part, par le fait que cet État membre a agi de bonne foi en adoptant les dispositions nationales constitutives des restrictions constatées au cours de l’année 2007 et, d’autre part, par le risque de difficultés sérieuses que l’arrêt de la Cour risquerait d’engendrer.

90      À supposer même que les arrêts rendus au titre de l’article 258 TFUE aient les mêmes effets que ceux rendus au titre de l’article 267 TFUE et que des considérations de sécurité juridique puissent rendre nécessaire, à titre exceptionnel, la limitation de leurs effets dans le temps, dès lors que sont remplies les conditions établies par la jurisprudence de la Cour dans le cadre de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2007, Commission/Grèce, C-178/05, Rec. p. I-4185, point 67; du 15 décembre 2009, Commission/Italie, C-239/06, Rec. p. I-11913, point 59; Commission/Finlande, C-284/05, Rec. p. I-11705, point 58; Commission/Italie, C-387/05, Rec. p. I-11831, point 59, et du 29 septembre 2011, Commission/Irlande, C-82/10, point 63), force est de constater, en tout état de cause, que ces conditions n’apparaissent toutefois pas remplies en l’espèce.

91      En l’occurrence, il suffit de constater que, si le gouvernement belge a quantifié approximativement le montant des sommes indûment perçues par les autorités belges sur le fondement de la législation litigieuse, il n’a nullement démontré l’existence d’un risque de troubles économiques graves, alors qu’il s’agit d’une condition substantielle à la limitation des arrêts de la Cour dans le temps.

92      Partant, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

 Sur les dépens

93      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. En application de l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, de ce règlement, le Royaume-Uni, qui est intervenu au litige, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      En maintenant des règles différentes concernant l’imposition des revenus de capitaux et de biens mobiliers selon qu’ils sont perçus par des sociétés d’investissement résidentes ou des sociétés d’investissement non résidentes ne disposant pas en Belgique d’un établissement stable, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 TFUE et 63 TFUE ainsi que 31 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992.

2)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.