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 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

29 avril 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 63 TFUE – Libre circulation des capitaux – Impôt sur le revenu – Revenus du capital – Revenus distribués par un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) résident, de forme contractuelle – Revenus distribués par un OPCVM établi dans un autre État membre et revêtant la forme statutaire – Différence de traitement – Article 65 TFUE – Situations objectivement comparables »

Dans l’affaire C-480/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande), par décision du 19 juin 2019, parvenue à la Cour le 24 juin 2019, dans la procédure engagée par

E

en présence de :

Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. A. Kumin, T. von Danwitz, P. G. Xuereb (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour E, par M. A. Leppänen, varatuomari,

pour le gouvernement finlandais, par Mme M. Pere, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et I. Koskinen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 63 et 65 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par E au sujet de la décision du 10 novembre 2017 de la keskusverolautakunta (commission fiscale centrale, Finlande) par laquelle celle-ci a considéré que les revenus versés par une société d’investissement à capital variable (SICAV) de droit luxembourgeois à E devaient être imposés en Finlande en tant que revenus professionnels.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

En vertu du considérant 4 de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO 2009, L 302, p. 32, ci-après la « directive OPCVM »), cette directive a pour objectif de prévoir, pour les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) établis dans les États membres, des règles minimales communes en ce qui concerne leur agrément, leur contrôle, leur structure, leur activité et les informations qu’ils doivent publier.

4

Le considérant 83 de la directive OPCVM énonce :

« La présente directive ne devrait pas porter atteinte aux règles nationales en matière fiscale, notamment aux dispositifs que les États membres peuvent imposer afin d’assurer le respect de ces règles sur leur territoire. »

5

L’article 1er, paragraphes 1 à 3, de cette directive prévoit :

« 1.   La présente directive s’applique aux [OPCVM] établis sur le territoire des États membres.

2.   Aux fins de la présente directive et sous réserve de l’article 3, on entend par OPCVM les organismes :

a)

dont l’objet exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d’autres actifs financiers liquides visés à l’article 50, paragraphe 1, des capitaux recueillis auprès du public et dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques ; et

b)

dont les parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de ces organismes. Est assimilé à de tels rachats ou remboursements le fait pour un OPCVM d’agir afin que la valeur de ses parts en bourse ne s’écarte pas sensiblement de leur valeur d’inventaire nette.

Les États membres peuvent autoriser les OPCVM à être constitués de plusieurs compartiments d’investissement.

3.   Les organismes visés au paragraphe 2 peuvent revêtir la forme contractuelle (fonds communs de placement gérés par une société de gestion) ou de trust (unit trust) ou la forme statutaire (société d’investissement).

[...] »

6

Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011, sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65 ainsi que les règlements (CE) no 1060/2009 et (UE) no 1095/2010 (JO 2011, L 174, p. 1), on entend par fonds d’investissement alternatif :

« des organismes de placement collectif, y compris leurs compartiments d’investissement, qui :

i)

lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs ; et

ii)

ne sont pas soumis à agrément au titre de l’article 5 de la directive [OPCVM] ».

Le droit finlandais

7

Le chapitre 1, article 2, paragraphe 1, points 1 et 2, de la sijoitusrahastolaki (48/1999) [loi sur les fonds d’investissement (48/1999)], du 29 janvier 1999, est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente loi, on entend par :

1)

activité de placement, l’acquisition d’actifs auprès du public aux fins d’un investissement collectif et l’investissement desdits actifs principalement dans des instruments financiers, des biens immobiliers, des titres immobiliers ou d’autres placements, ainsi que la gestion de fonds d’investissement, de fonds d’investissements spéciaux et la commercialisation de parts de fonds [...] ;

2)

fonds d’investissement, les actifs acquis dans le cadre d’une activité de placement collectif et investis conformément aux dispositions en vigueur en Finlande et au chapitre 11, ainsi que les obligations qui en découlent [...] »

8

En vertu du chapitre 1, article 2, paragraphe 1, point 10, de cette loi, on entend par « organisme de placement collectif » un organisme qui exerce une activité de placement collectif agréé dans un État membre de l’Espace économique européen (EEE) autre que la République de Finlande et qui, en vertu de la législation de son État membre d’origine, remplit les conditions de la directive OPCVM.

9

L’article 3, intitulé « Entités », de la tuloverolaki (1535/1992) [loi relative à l’impôt sur le revenu (1535/1992), ci-après la « loi relative à l’impôt sur le revenu »], du 30 décembre 1992, est libellé comme suit :

« On entend par entités au sens de la présente loi :

[...]

4)

les sociétés anonymes, coopératives, caisses d’épargne, fonds d’investissement, universités, sociétés d’assurance mutuelle, greniers à grain communaux, associations à but non lucratif ou à but économique, fondations et établissements ;

[...] »

10

L’article 20 de la loi relative à l’impôt sur le revenu, intitulé « Entités exonérées de l’impôt sur le revenu », prévoit, à son premier alinéa, point 2, une exonération fiscale des fonds d’investissement de l’impôt sur le revenu.

11

L’article 32 de cette loi, intitulé « Revenus du capital », énonce :

« Constituent des revenus du capital qui sont imposables selon les modalités prévues ci–après le produit des actifs, le bénéfice réalisé par une cession d’actifs et les autres revenus pour lesquels il peut être considéré qu’ils ont été produits par des actifs. Constituent notamment des revenus du capital les revenus provenant d’intérêts, les revenus provenant de dividendes selon les modalités prévues à l’article 33 bis à 33 quinquies, les revenus locatifs, les participations aux bénéfices, les produits d’assurance-vie, les revenus du capital tirés de la sylviculture, les revenus fonciers et les plus-values. Constitue également des revenus du capital la part de revenus du capital relative aux revenus à distribuer d’une société, à la part des revenus de l’actionnaire d’un groupe ainsi qu’aux revenus tirés de l’élevage de rennes. »

12

L’article 33 bis de ladite loi, intitulé « Dividendes versés par une société cotée », dispose :

« Les dividendes versés par une société cotée sont constitués de 85 % de revenus du capital et de 15 % de revenus exonérés d’impôts.

Constituent des dividendes provenant d’une société cotée les dividendes provenant d’une société dont les actions font l’objet, au moment où celle-ci décide de distribuer les dividendes :

1)

d’une négociation sur un marché réglementé au sens de la laki kaupankäynnistä rahoitusvälineillä (748/2012) [loi sur la négociation d’instruments financiers (748/2012)] ;

2)

d’une négociation sur un autre marché réglementé et contrôlé par une autorité publique hors de l’[EEE] ; ou

3)

d’une négociation sur une plate-forme de négociation multilatérale au sens de la loi [(748/2012)], à condition que l’action ait été négociée à la demande de la société ou avec son approbation.

La distribution, par une société cotée, d’actifs au sens du chapitre 13, article 1er, paragraphe 1, de l’osakeyhtiölaki (624/2006) [loi sur les sociétés anonymes (624/2006)], qui proviennent d’une réserve de fonds propres disponibles est considérée comme un dividende et est soumise aux dispositions du présent article. »

13

Aux termes de l’article 33 ter de la loi relative à l’impôt sur le revenu, intitulé « Dividendes versés par une société non cotée » :

« Les dividendes versés par une société non cotée sont constitués de 25 % de revenus du capital imposables et de 75 % de revenus exonérés d’impôts à concurrence du montant correspondant à un rendement annuel de 8 % calculé sur la valeur comptable des actions au titre de l’année fiscale au sens de la laki varojen arvostamisesta verotuksessa (1142/2005) [loi relative à l’évaluation des actifs dans le cadre de l’imposition (1142/2005)]. Dans la mesure où le montant des dividendes perçus par le contribuable est supérieur à 150000 euros, les dividendes sont constitués de 85 % de revenus du capital et de 15 % de revenus exonérés d’impôts.

La partie des dividendes dépassant le rendement annuel visé au premier alinéa ci-dessus est constituée de 75 % de revenus professionnels et de 25 % de revenus exonérés d’impôts.

Sans préjudice de toute autre disposition relative à l’imposition des dividendes prévue dans la présente loi, un dividende constitue un revenu professionnel si, conformément à une clause des statuts, une décision de l’assemblée générale, un pacte d’actionnaires ou tout autre accord, la distribution des dividendes est fondée sur un apport en travail effectué par le bénéficiaire du dividende ou une personne appartenant à sa sphère d’intérêts. Le dividende est le revenu de la personne ayant effectué l’apport en travail en cause.

[...]

La distribution, par une société non cotée, d’actifs au sens du chapitre 13, article 1er, paragraphe 1, de la loi (624/2006), qui proviennent d’une réserve de fonds propres disponibles, est considérée comme un dividende et est soumise aux dispositions du présent article [...] »

14

L’article 33 quater de la loi relative à l’impôt sur le revenu, intitulé « Dividendes versés par une entité étrangère », énonce :

« Les dividendes versés par une entité étrangère constituent des revenus imposables selon les modalités prévues aux articles 33 bis et 33 ter de la présente loi si l’entité en cause est une société au sens de l’article 2 de la [directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 2011, L 345, p. 8), telle que modifiée par la directive 2014/86/UE du Conseil, du 8 juillet 2014 (JO 2014, L 219, p. 40)] [...]

Les dividendes versés par une entité étrangère qui n’est pas visée au premier alinéa ci-dessus constituent des revenus imposables selon les modalités prévues aux articles 33 bis et 33 ter si l’entité en cause est tenue, sans possibilité d’option et sans exonération, de verser un impôt au taux minimum de 10 % sur les revenus qu’elle a réalisés et qui ont fait l’objet d’une distribution de dividendes, et que :

1)

cette entité réside, selon les dispositions fiscales d’un État membre de l’EEE, dans cet État et qu’elle ne réside pas, selon une convention en vue d’éviter les doubles impositions, dans un État tiers à l’EEE, ou que

2)

est en vigueur, pour l’exercice fiscal en cause, une convention en vue d’éviter la double imposition qui lie l’État de résidence de l’entité et la République de Finlande et qui s’applique aux dividendes distribués par cette entité.

Les dividendes versés par une entité étrangère qui n’est pas visée aux premier et deuxième alinéas du présent article constituent des revenus professionnels imposables dans leur intégralité.

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

15

E est une personne physique résidant en Finlande qui a investi dans un compartiment d’une SICAV de droit luxembourgeois, constituant un OPCVM de « forme statutaire (société d’investissement) », au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive OPCVM. Les investissements de E portent sur ce qu’il est convenu d’appeler des participations aux bénéfices, pour lesquelles le produit réalisé est distribué annuellement par cette SICAV aux investisseurs.

16

Le 20 juin 2017, E a demandé à la commission fiscale centrale de statuer à titre préalable sur le traitement fiscal du produit qui allait lui être distribué par la SICAV de droit luxembourgeois en cause.

17

Dans cette demande, E soutenait qu’une SICAV de droit luxembourgeois devait être assimilée à un fonds d’investissement de droit finlandais, c’est-à-dire un OPCVM de « forme contractuelle (fonds communs de placement gérés par une société de gestion) », au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive OPCVM. Selon lui, le produit distribué par une telle SICAV devait ainsi être imposé de la même manière que celui distribué par les fonds d’investissement de droit finlandais, à savoir comme revenu du capital, en vertu de l’article 32 de la loi relative à l’impôt sur le revenu. À cet égard, E a notamment souligné que la SICAV de droit luxembourgeois en cause exerçait une activité semblable à celle des fonds d’investissement de droit finlandais et que la gestion de cette SICAV correspondait à celle de ces fonds.

18

Dans sa décision préalable définitive du 10 novembre 2017, la commission fiscale centrale a constaté que, en vertu de la jurisprudence nationale, il convenait, pour se prononcer sur l’imposition sur le revenu en Finlande du revenu provenant d’un opérateur établi dans un autre État, de tenir compte des caractéristiques fonctionnelles et juridiques de l’opérateur par rapport à des opérateurs finlandais comparables.

19

La commission fiscale centrale a estimé que la SICAV présente les caractéristiques fonctionnelles d’un fonds d’investissement finlandais, mais que des caractéristiques générales fonctionnelles similaires peuvent être observées, par exemple, dans le placement collectif prenant la forme de sociétés par actions. La commission fiscale centrale a considéré que la SICAV de droit luxembourgeois en cause, en particulier en raison de sa forme juridique, était objectivement assimilable à une société par actions finlandaise exerçant des activités d’investissement.

20

Selon cette commission, le produit que cette SICAV distribuait doit donc être considéré comme un dividende et imposé comme un revenu professionnel en vertu de l’article 33 quater, troisième alinéa, de la loi relative à l’impôt sur le revenu.

21

E a saisi le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande) d’un recours tendant à l’annulation de la décision de la commission fiscale centrale. Devant cette juridiction, E soutient que l’imposition du produit distribué par la SICAV de droit luxembourgeois en cause en tant que revenu professionnel, conformément audit article 33 quater, troisième alinéa, est plus lourde que l’imposition du produit distribué par un fonds d’investissement de droit finlandais en tant que revenu du capital et, par conséquent, contraire à la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 63 TFUE.

22

La juridiction de renvoi expose que l’impôt sur le revenu à verser pour les revenus professionnels peut s’élever à plus de 50 %, tandis que, pour les revenus du capital, cet impôt n’est que de 30 % ou de 34 % lorsque le montant à imposer dépasse 30000 euros. Elle ajoute que, aux fins de déterminer la nature du revenu, au sens de la loi relative à l’impôt sur le revenu, constitué du produit en cause, il convient de décider à quelle entité finlandaise ladite SICAV doit être assimilée, en vérifiant qu’une interprétation fondée sur la forme juridique de l’entité telle que celle de la commission fiscale centrale n’est pas contraire aux articles 63 et 65 TFUE, et se demande, notamment, si des OPCVM de formes juridiques différentes, établis conformément à la directive OPCVM, doivent être assimilés entre eux aux fins de l’imposition des produits perçus par les investisseurs.

23

C’est dans ce contexte que le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 63 et 65 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation [des dispositions nationales] selon laquelle le revenu versé à une personne physique résidant en Finlande par un [OPCVM] ayant son siège dans un autre État membre et revêtant la forme statutaire au sens de la directive [OPCVM] [...] n’est pas, aux fins de l’imposition sur le revenu, assimilé à un revenu versé par un fonds d’investissement finlandais qui revêt la forme contractuelle au sens de cette directive [...], au motif que la forme juridique de l’[OPCVM] ayant son siège dans l’autre État membre ne correspond pas à la structure juridique du fonds d’investissement national ? »

Sur la question préjudicielle

24

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une pratique fiscale d’un État membre selon laquelle, aux fins de l’imposition sur le revenu d’une personne physique résidant dans cet État membre, le revenu versé par un OPCVM revêtant la forme statutaire établi dans un autre État membre n’est pas assimilé au revenu versé par les OPCVM établis dans le premier État membre, au motif que ces derniers ne revêtent pas la même forme juridique.

25

Selon la jurisprudence de la Cour, les États membres doivent exercer leur compétence en matière de fiscalité directe dans le respect du droit de l’Union et, notamment, des libertés fondamentales garanties par le traité FUE (voir, en ce sens,arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne, C-591/17, EU:C:2019:504, point 56 et jurisprudence citée).

26

L’article 63, paragraphe 1, TFUE interdit de manière générale les entraves aux mouvements de capitaux entre les États membres (arrêt du 16 septembre 2020, Romenergo et Aris Capital, C-339/19, EU:C:2020:709, point 31 ainsi que jurisprudence citée). Les mesures interdites par cette disposition, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents de cet État membre d’en faire dans d’autres États (arrêt du 30 avril 2020, Société Générale, C-565/18, EU:C:2020:318, point 22).

27

En particulier, une différence de traitement, lorsqu’elle conduit à un traitement moins avantageux des revenus d’un résident d’un État membre ayant pour origine un autre État membre, par rapport au traitement des revenus ayant pour origine le premier État membre, est susceptible de dissuader un tel résident d’investir ses capitaux dans un autre État membre (voir, en ce sens, arrêts du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C-436/08 et C-437/08, EU:C:2011:61, point 80 ; du 24 novembre 2016, SECIL, C-464/14, EU:C:2016:896, point 50, ainsi que du 20 septembre 2018, EV, C-685/16, EU:C:2018:743, point 63).

28

Cela étant, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, l’article 63 TFUE ne porte toutefois pas atteinte au droit qu’ont les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.

29

Cette disposition, en tant qu’elle constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, elle ne saurait être interprétée en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État dans lequel ils investissent leurs capitaux est automatiquement compatible avec le traité FUE. En effet, la dérogation prévue à l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE est elle-même limitée par l’article 65, paragraphe 3, TFUE, qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article « ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63 [TFUE] » (arrêt du 21 juin 2018, Fidelity Funds e.a., C-480/16, EU:C:2018:480, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

30

La Cour a également jugé qu’il y a lieu, dès lors, de distinguer les différences de traitement permises au titre de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE des discriminations interdites par l’article 65, paragraphe 3, TFUE. Or, pour qu’une législation fiscale nationale puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement qui en résulte concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (arrêt du 30 avril 2020, Société Générale, C-565/18, EU:C:2020:318, point 24).

31

Il convient donc d’examiner, tout d’abord, l’existence d’une différence de traitement, ensuite, la comparabilité éventuelle des situations, et, le cas échéant, enfin, la possibilité de justifier le traitement différencié.

Sur l’existence d’une différence de traitement

32

Il ressort de la décision de renvoi que la question préjudicielle est soulevée dans le cadre d’un litige ayant trait à l’imposition du revenu versé à E par une SICAV de droit luxembourgeois, à savoir un OPCVM revêtant la forme statutaire, au sens de la directive OPCVM. Or, en Finlande, les OPCVM relevant de la directive OPCVM revêtent une forme contractuelle et ne peuvent revêtir une forme statutaire.

33

E estime que le revenu versé par une SICAV devrait être imposé comme le revenu d’un OPCVM de droit finlandais revêtant la forme contractuelle. En revanche, la commission fiscale centrale considère que, dans la mesure où une SICAV, un OPCVM revêtant la forme statutaire, s’apparente à une société par actions établie en Finlande, le revenu versé par celle-ci devrait être traité comme les dividendes versés par de telles sociétés.

34

Il convient donc de vérifier, en premier lieu, si, en accordant au revenu versé par la SICAV de droit luxembourgeois en cause au principal, un traitement différent de celui accordé à un revenu versé par un OPCVM de droit finlandais, ce premier revenu est soumis à un traitement fiscal moins avantageux.

35

En vertu de l’article 32 de la loi relative à l’impôt sur le revenu, les revenus du capital comprennent le produit des actifs, le bénéfice réalisé par une cession d’actifs et d’autres revenus pour lesquels il peut être considéré qu’ils ont été produits par des actifs. Parmi les exemples de revenus du capital explicitement énumérés par le législateur finlandais à cet article 32 figurent tant les participations aux bénéfices versées par les OPCVM que les dividendes versés par les sociétés par actions. Selon les indications figurant dans la demande de décision préjudicielle, les revenus du capital sont en principe imposés à hauteur de 30 % en ce qui concerne la partie de ces revenus qui est inférieure à 30000 euros et de 34 % pour la partie de ces revenus qui dépasse cette somme.

36

Or, si les participations aux bénéfices distribuées par les OPCVM de droit finlandais font l’objet d’une imposition au niveau du bénéficiaire, en tant que revenus du capital, les revenus versés par une SICAV de droit luxembourgeois sont traités comme des dividendes versés par une entité établie dans un État autre que la République de Finlande, au sens de l’article 33 quater de la loi relative à l’impôt sur le revenu et sont imposés, en vertu de son troisième alinéa, comme des revenus professionnels, à un taux progressif pouvant s’élever jusqu’à 50 %.

37

Une telle différence de traitement est susceptible de conduire à un traitement moins avantageux des revenus distribués par une SICAV de droit luxembourgeois par rapport au traitement du revenu distribué par des OPCVM de droit finlandais.

38

En second lieu, il convient de considérer que le traitement fiscal réservé au revenu versé par la SICAV de droit luxembourgeois en cause au principal à E ne s’apparente pas non plus à celui réservé au revenu versé par des fonds d’investissement alternatifs, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/61, qui ne relèvent pas de la directive OPCVM, et qui revêtent la forme d’une société par actions. Ainsi que le gouvernement finlandais l’a précisé dans sa réponse écrite aux questions posées, de tels fonds peuvent être créés selon le droit finlandais.

39

Il ressort du dossier dont dispose la Cour que les revenus des sociétés par actions établies en Finlande font l’objet d’une double imposition, une fois au niveau de la société, en tant que revenus des sociétés, et une fois au niveau du bénéficiaire, en tant que revenus du capital. Afin d’atténuer les effets de la double imposition, les mesures prévues aux articles 33 bis et 33 ter de la loi relative à l’impôt sur le revenu aménagent l’imposition au niveau du bénéficiaire, notamment en exonérant une partie des revenus de l’impôt sur le revenu du capital.

40

À cet égard, dans sa réponse aux questions posées par la Cour, le gouvernement finlandais précise que, si une société par actions exerçait une activité d’investissement de type analogue aux fonds d’investissement, elle ne serait pas exonérée d’impôt, mais serait normalement soumise à l’impôt sur les sociétés, et le produit qu’elle distribue serait soumis aux règles relatives à l’imposition des dividendes, qui sont fondées sur une double imposition partielle.

41

Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, tel n’est pas le cas d’une SICAV de droit luxembourgeois. En effet, il ressort de cette décision que, selon la commission fiscale centrale, une telle SICAV constitue, aux fins de l’application de l’article 33 quater de la loi relative à l’impôt sur le revenu, une entité qui n’est pas visée par la directive 2011/96, telle que modifiée, qui réside dans un État membre de l’EEE autre que la République de Finlande, qui est soumise à une convention en vue d’éviter une double imposition et qui n’est pas tenue de verser un impôt au taux minimum de 10 % sur les revenus qu’elle a réalisés. Ainsi, les mesures au niveau national visant à atténuer la double imposition ne s’appliquent pas aux revenus versés par elle.

42

Dans ces conditions, il convient de considérer que les revenus versés par la SICAV de droit luxembourgeois en cause au principal à un bénéficiaire résidant en Finlande font l’objet d’un traitement moins favorable que les revenus versés tant par les sociétés par actions que par les OPCVM de droit finlandais revêtant la forme contractuelle.

43

Cette différence de traitement est susceptible de dissuader les résidents finlandais de faire des investissements dans des États membres autres que la République de Finlande, et de la sorte, de restreindre la libre circulation des capitaux.

Sur l’existence d’une situation objectivement comparable

44

Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt, une telle différence de traitement ne saurait être admise que si elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables.

45

Il convient de constater que la SICAV de droit luxembourgeois en cause au principal et un OPCVM de droit finlandais sont deux types d’OPCVM au sens de la directive OPCVM.

46

Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive OPCVM, leur objet exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d’autres actifs financiers liquides des capitaux recueillis auprès du public, leur fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques et leurs parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de ces organismes.

47

Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 45 de ses conclusions, la qualification juridique de certaines situations aux fins du droit commercial n’est pas nécessairement transposable à des fins fiscales. Il convient donc de relever, à l’instar du gouvernement finlandais, que le seul fait que les OPCVM résidents et non-résidents sont des OPCVM, au sens de la directive OPCVM, n’est pas déterminant pour établir la comparabilité des situations en cause.

48

En effet, d’une part, cette directive n’a pas harmonisé l’imposition applicable aux OPCVM et aux produits qu’ils distribuent. Il résulte notamment des considérants 4 et 83 de ladite directive que, si elle établit des règles minimales communes en ce qui concerne l’agrément, le contrôle, la structure, l’activité et les informations que doivent publier les OPCVM, elle ne porte pas atteinte aux règles nationales en matière fiscale.

49

D’autre part, il découle de la jurisprudence de la Cour que le caractère comparable ou non d’une situation transfrontalière avec une situation interne doit être examiné en tenant compte de l’objectif poursuivi par les dispositions nationales en cause ainsi que de l’objet et du contenu de ces dernières, et que seuls les critères de distinction pertinents établis par la législation en cause doivent être pris en compte aux fins d’apprécier si la différence de traitement résultant d’une telle législation reflète une différence de situation objective (arrêt du 21 juin 2018, Fidelity Funds e.a., C-480/16, EU:C:2018:480, points 50 et 51 ainsi que jurisprudence citée).

50

À cet égard, il ressort de la réponse écrite du gouvernement finlandais aux questions de la Cour, et sous réserve de la vérification par la juridiction de renvoi, que l’objectif du traitement fiscal de l’activité des fonds d’investissement prévu par la législation fiscale finlandaise peut être considéré comme la mise en œuvre d’une imposition unique au niveau de l’investisseur. Les dispositions relatives au traitement fiscal des dividendes perçus par les personnes physiques visent, quant à elles, à ce que le revenu d’une société soit imposé également au niveau des actionnaires de celle-ci, tout en prévoyant l’atténuation de la double imposition de ce revenu.

51

Or, à l’égard de tels objectifs, il semble que la SICAV de droit luxembourgeois se trouve dans une situation qui est objectivement comparable à celle d’un OPCVM de droit finlandais. Ainsi qu’il ressort du dossier dont la Cour dispose et sous vérification par la juridiction de renvoi, ces deux organismes sont exonérés d’impôt sur le revenu et le produit versé par ceux-ci fait l’objet d’une imposition uniquement au niveau des bénéficiaires.

52

Certes, à la différence d’un OPCVM de droit finlandais, une SICAV de droit luxembourgeois revêt une forme statutaire et est, à ce titre, assimilée à une société par actions dont les revenus distribués sont imposés conformément à l’article 33 quater, troisième alinéa, de la loi relative à l’impôt sur le revenu.

53

Toutefois, il y a également lieu de relever, ainsi qu’il a été rappelé au point 35 du présent arrêt, que, parmi les exemples de revenus du capital énumérés à l’article 32 de la loi relative à l’impôt sur le revenu, figurent tant les participations aux bénéfices versées par les OPCVM que les dividendes versés par les sociétés par actions. Par conséquent, le législateur finlandais ne semble pas avoir subordonné la distinction entre les revenus du capital, d’une part, et les revenus professionnels, d’autre part, à la forme juridique de l’organisme distributeur, mais a, au contraire, considéré que tant les produits distribués par des organismes ayant une forme contractuelle que ceux ayant une forme statutaire constituent des revenus du capital.

54

Il s’ensuit que la forme statutaire d’une SICAV de droit luxembourgeois ne place pas cet organisme dans une situation différente par rapport à un OPCVM de droit finlandais revêtant une forme contractuelle à l’égard du traitement fiscal du produit distribué.

55

Il en résulte que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la différence de traitement entre les revenus respectifs versés par une SICAV de droit luxembourgeois et un OPCVM de droit finlandais concerne des situations objectivement comparables.

Sur l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général

56

Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, une restriction à la libre circulation des capitaux peut être admise si elle se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif [voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C-135/17, EU:C:2019:136, point 70, ainsi que du 30 janvier 2020, Köln-Aktienfonds Deka, C-156/17, EU:C:2020:51, point 83 et jurisprudence citée].

57

Or, en l’occurrence, il suffit de constater que le gouvernement finlandais n’a pas invoqué de telles raisons, la juridiction de renvoi n’en ayant pas fait état non plus.

58

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une pratique fiscale d’un État membre selon laquelle, aux fins de l’imposition sur le revenu d’une personne physique résidant dans cet État membre, le revenu versé par un OPCVM revêtant la forme statutaire établi dans un autre État membre n’est pas assimilé au revenu versé par les OPCVM établis dans le premier État membre, au motif que ces derniers ne revêtent pas la même forme juridique.

Sur les dépens

59

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

 

Les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une pratique fiscale d’un État membre selon laquelle, aux fins de l’imposition sur le revenu d’une personne physique résidant dans cet État membre, le revenu versé par un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) revêtant la forme statutaire établi dans un autre État membre n’est pas assimilé au revenu versé par les OPCVM établis dans le premier État membre, au motif que ces derniers ne revêtent pas la même forme juridique.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le finnois.