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Avis juridique important

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61999C0451

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 septembre 2001. - Cura Anlagen GmbH contre Auto Service Leasing GmbH (ASL). - Demande de décision préjudicielle: Handelsgericht Wien - Autriche. - Leasing de voitures - Interdiction d'utiliser dans un État membre au-delà d'un certain délai un véhicule immatriculé dans un autre État membre - Obligations d'immatriculation et de paiement d'une taxe à la consommation dans l'État membre d'utilisation - Obligation d'assurance auprès d'un assureur agréé dans l'État membre d'utilisation - Obligation de contrôle technique - Restrictions à la libre prestation des services - Justifications. - Affaire C-451/99.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-03193


Conclusions de l'avocat général


1. La présente demande de décision préjudicielle du Handelsgericht Wien (Autriche) concerne la compatibilité de certaines règles nationales sur l'immatriculation de véhicules automobiles avec les dispositions du traité CE sur la libre prestation de services et la libre circulation des marchandises.

2. En droit autrichien, tout résident faisant entrer un véhicule automobile immatriculé à l'étranger dans le pays afin de l'y utiliser doit remettre la plaque d'immatriculation aux autorités dans les trois jours et ne peut par la suite utiliser le véhicule sans le réimmatriculer en Autriche. La personne qui introduit une demande d'immatriculation doit être un résident ou, du moins, il doit avoir un principal établissement en Autriche, le véhicule doit être assuré par un assureur agréé, il doit subir certains contrôles techniques et une taxe sur la consommation de carburant pouvant aller jusqu'à 16 % de sa valeur doit être acquittée.

3. Des questions se posent sur la légalité de ces dispositions dans un cas où un véhicule immatriculé en Allemagne, pays où il a subi le contrôle technique et où des taxes ont été versées pour sa mise en circulation, est donné en leasing par une société allemande à une société autrichienne pour une période de trois ans. En vertu du contrat de leasing, la société allemande demeure propriétaire du véhicule et la société autrichienne ne peut pas le réimmatriculer à son nom. La question qui se pose au juge national est de savoir si le contrat est nul parce qu'il ne respecte pas les conditions de la loi autrichienne ou si ces conditions sont elles-mêmes nulles pour incompatibilité avec le droit communautaire.

La législation autrichienne applicable

4. Les principales lois autrichiennes invoquées en l'espèce sont le Kraftfahrgesetz (loi sur les véhicules automobiles, ci-après le «KFG») et le Normverbrauchabgabegesetz (loi relative à la taxe sur la consommation type, ci-après le «NoVAG»).

5. En vertu de l'article 79 du KFG, les véhicules immatriculés dans un autre pays peuvent, en général, être utilisés en Autriche pendant un an au plus, à condition de ne pas y être stationnés de façon permanente.

6. Toutefois, en vertu de l'article 82, paragraphe 8, un véhicule immatriculé à l'étranger est, sauf preuve contraire, réputé stationné de façon permanente en Autriche s'il est introduit dans le pays par une personne dont la résidence principale ou le siège social est situé en Autriche et qu'elle l'utilise dans ce pays. Dans ce cas, le véhicule ne peut être utilisé que pendant les trois jours suivant immédiatement son entrée dans le pays. Passé ce délai, les documents et la plaque d'immatriculation doivent être remis aux autorités et toute utilisation ultérieure du véhicule est subordonnée à son immatriculation, conformément à l'article 37 du KFG.

7. L'article 37, paragraphe 2, fixe un certain nombre de conditions, dont il faut prouver le respect pour pouvoir immatriculer un véhicule. En particulier:

- le véhicule doit être légalement en possession du demandeur de l'immatriculation, qui doit avoir sa résidence principale ou son siège social (ou, dans le cas de sociétés établies à l'étranger, un établissement principal) en Autriche;

- conformément aux articles 59, paragraphe 1, et 61, paragraphe 1, le véhicule doit être couvert par une assurance obligatoire contractée auprès d'un assureur agréé pour fournir ce type d'assurance en Autriche;

- le véhicule doit aussi être couvert par un certificat d'inspection délivré (en Autriche), conformément à l'article 57, sous a), du KFG, établissant qu'il respecte les conditions applicables en matière de sécurité de pollution;

- en cas de première immatriculation d'un véhicule acheté dans un autre État membre de l'Union européenne, il faut produire un certificat établissant que toutes les taxes applicables, y compris la taxe sur la consommation type, ont été acquittées.

8. En vertu du NoVAG, la taxe sur la consommation type doit être versée pour tous les véhicules fournis à titre onéreux, donnés en leasing en vertu d'un contrat commercial ou immatriculés pour la première fois en Autriche (articles 1er et 2, sous réserve des exceptions visées à l'article 3).

9. Conformément à l'article 5, le montant de la taxe est calculé pour l'essentiel en fonction du prix payé pour le véhicule s'il est fourni neuf ou selon sa valeur normale, TVA exclue, dans les autres cas. Le taux appliqué en vertu de l'article 6 est en général:

- pour les cyclomoteurs d'une cylindrée supérieure à 125 cc, 0,02 % de la base d'imposition pour tout cc de cylindrée supérieur à 100 cc;

- pour les véhicules autres que les cyclomoteurs, 2 % de la base d'imposition pour chaque litre de consommation de carburant par 100 km au-delà de 3 litres par 100 km pour les moteurs à essence ou 2 litres par 100 km pour les moteurs Diesel.

Le montant est arrondi au pourcentage entier le plus proche et ne peut dépasser 16 % de la base d'évaluation.

Les dispositions du traité CE applicables

10. Les dispositions du traité CE visées dans l'ordonnance de renvoi sont l'article 28 CE et les articles 49 CE et suivants.

11. L'article 28 CE, qui relève du titre relatif à la libre circulation des marchandises dans la Communauté, interdit les restrictions quantitatives à l'importation et les mesures d'effet équivalent entre les États membres. Les articles 49 CE et suivants font partie du chapitre consacré aux services dans le titre relatif à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux.

12. L'article 49 CE dispose notamment que:

«les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation».

13. En vertu de l'article 50 CE, les «services» sont les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

La procédure au principal et la demande de décision préjudicielle

14. ASL Auto Service-Leasing GmbH (ci-après «ASL») est une société de leasing automobile établie à Pullach, dans la banlieue de Munich, en Allemagne. Elle dispose apparemment d'un parc de quelque 50 000 véhicules qu'elle donne en leasing à ses clients. Cura Anlagen Gesellschaft mbH (ci-après «Cura Anlagen») est établie à Salzbourg, en Autriche.

15. Les deux sociétés ont conclu un contrat en février 1999, en vertu duquel ASL a donné une voiture en leasing à Cura Anlagen pour une période de 36 mois et une somme fixe mensuelle (dont une partie était destinée à couvrir l'assurance obligatoire incluse dans le leasing), majorée d'un taux supplémentaire par tranche de 1 000 km au-delà d'une certaine distance parcourue. Le contrat comportait des conditions spéciales pour l'Autriche, prévoyant notamment que le véhicule serait immatriculé au nom de ASL, que Cura Anlagen n'avait pas le droit de l'immatriculer à son nom en Allemagne ou ailleurs et que, en principe, il était destiné à être utilisé exclusivement en Autriche.

16. En mai 1999, Cura Anlagen a engagé une procédure contre ASL devant le Handelsgericht afin que celle-ci soit tenue d'immatriculer le véhicule en Autriche à son nom ou d'autoriser l'immatriculation au nom de Cura Anlagen et, en toute hypothèse, de verser la taxe environnementale de 2 460 euros, ou encore afin d'obtenir l'annulation du contrat au motif que le véhicule ne pouvait pas être utilisé légalement en Autriche.

17. Quelques détails supplémentaires peuvent être tirés de la requête déposée par Cura Anlagen devant le Handelsgericht. D'après ce document, les parties ont conclu le contrat en supposant que Cura Anlagen pouvait légalement utiliser la voiture en Autriche pour l'ensemble de la période de trois ans, bien qu'elle était immatriculée en Allemagne au nom de ASL. Toutefois, peu de temps après avoir introduit la voiture en Autriche, Cura Anlagen a appris qu'elle ne pouvait pas y utiliser la voiture munie d'une immatriculation allemande mais qu'elle devait l'immatriculer en Autriche et acquitter la taxe sur la consommation type. Elle affirme que, si les parties avaient connu les dispositions applicables et si elles en avaient tenu compte, elles auraient pu veiller à ce que la voiture soit immatriculée en Autriche, au nom de Cura Anlagen ou au nom de ASL, bien que cette dernière opération eût exigé que ASL implante un établissement en Autriche. Tel n'étant toutefois pas le cas, le contrat devrait être ou modifié afin qu'il puisse être exécuté ou annulé pour absence de base économique ab initio. Cura Anlagen reconnaît, comme ASL, que la législation autrichienne restreint la libre prestation de services transfrontaliers dans la Communauté, mais elle considère que ces restrictions sont justifiées par des raisons d'intérêt public.

18. ASL a fait pour l'essentiel valoir à titre de défense devant la juridiction nationale que Cura Anlagen a pleinement le droit d'utiliser la voiture en Autriche conformément aux conditions du contrat de leasing dans son état actuel, étant donné que les dispositions autrichiennes l'empêchant prétendument d'agir de la sorte ne peuvent pas être appliquées. En tant que restrictions à la libre prestation de services, elles sont incompatibles avec les articles 49 CE et suivants. Elles ne sont pas justifiées par des raisons d'intérêt public et ne peuvent donc pas être appliquées. ASL a ainsi demandé au Handelsgericht d'obtenir confirmation de son argumentation en demandant à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel.

19. Le Handelsgericht a suspendu la procédure le 10 novembre 1999 et a demandé à la Cour de statuer sur la question suivante:

«Les articles 49 CE et suivants (ou 28 CE) doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'application des dispositions légales d'un État membre A qui interdisent à une entreprise établie sur son territoire d'y utiliser plus de trois jours ou plus d'une année un véhicule donné en leasing (location) par une entreprise de leasing établie dans un État membre B où il est immatriculé au nom de ladite entreprise de leasing sans disposer pour ce véhicule d'une deuxième immatriculation dans l'État membre A?»

20. ASL, les gouvernements autrichien, belge, danois et finlandais, ainsi que la Commission ont déposé des observations devant la Cour. Seuls ASL, le gouvernement belge et la Commission étaient représentés à l'audience.

Recevabilité

21. Le gouvernement autrichien fait valoir que la demande de décision préjudicielle est irrecevable en soutenant que la question posée - notamment en ce qu'elle concerne l'article 28 CE - n'est pas pertinente pour trancher le litige devant le Handelsgericht et que la procédure nationale a, par ailleurs, la même nature hypothétique que dans l'affaire Foglia .

22. S'agissant du premier aspect, il sera plus approprié d'examiner la pertinence de l'article 28 CE lorsque nous examinerons la nature des restrictions invoquées. Qu'il nous suffise de préciser que la question préjudicielle ne se réfère pas uniquement à cet article. Le gouvernement autrichien affirme cependant aussi que le litige au principal concerne l'interprétation et l'exécution d'un contrat de droit privé et non l'application d'une quelconque disposition du KFG. Il n'existe donc d'après lui aucune relation entre la question soulevée et la nature spécifique de la procédure au principal.

23. Cet argument ne semble pas convaincant. Il est vrai que le Handelsgericht n'a pas été invité strictement parlant à appliquer ou à écarter l'application des dispositions litigieuses du KFG ou du NoVAG. Il ne fait cependant aucun doute qu'il est important pour une juridiction qui est appelée à ordonner l'exécution ou l'annulation d'un contrat de savoir si les dispositions nationales qui semblent s'opposer à cette exécution sont valables ou non.

24. Le gouvernement autrichien n'avance aucun élément spécifique sur le second aspect pour étayer son argument selon lequel le litige est monté de toutes pièces.

25. Bien que certains éléments du dossier puissent faire penser qu'il est possible que la situation ayant donné naissance à la procédure au principal ait été construite en vue d'obtenir une décision sur une question de droit communautaire d'intérêt général, il ne semble faire aucun doute qu'il existe un véritable contrat et qu'il doit être ou exécuté ou annulé, avec les conséquences qui s'ensuivent pour les parties. La décision que doit prendre le juge national dépend au moins en partie d'une véritable question de droit communautaire. Cette affaire pourrait donc être comparée par exemple à l'affaire Leclerc-Siplec , dans laquelle la Cour s'est déclarée compétente pour répondre à la question dont elle était saisie, dans la mesure où elle était pertinente au regard de l'objet de la procédure nationale, bien que et le demandeur et le défendeur fussent entièrement d'accord sur la solution souhaitée.

26. De plus, contrairement à la situation qui se présentait dans l'affaire Foglia, la question est soulevée devant une juridiction de l'État membre en question. On peut sans doute regretter que le gouvernement autrichien ne soit pas partie à la procédure au principal, mais cet inconvénient peut être compensé par son droit de soumettre des observations à la Cour. Le fait qu'il n'ait pas participé à l'audience indique peut-être qu'il a suffisamment eu l'occasion de défendre sa position.

27. Nous ne voyons donc aucune raison pour la Cour de se déclarer incompétente en l'espèce.

Nature des restrictions alléguées

28. La juridiction nationale souhaite savoir si la législation autrichienne en cause est interdite par les dispositions du traité CE (articles 49 CE et suivants) relatives à la libre prestation de services ou par celles (articles 28 CE et suivants) consacrées à la libre circulation des marchandises.

29. La plupart des parties qui ont déposé des observations estiment que les éléments de fait de la présente procédure concernent la libre prestation de services et non la libre circulation des marchandises, opinion que nous partageons.

30. Le leasing ou la location de véhicules automobiles est susceptible de relever sans conteste de la définition de l'article 50 CE, dans la mesure où il s'agit d'une activité commerciale fournie normalement contre rémunération. En outre, bien que cette activité implique sans aucun doute des marchandises - les véhicules en cause -, elles ne sont pas fournies elles-mêmes par le bailleur au locataire; la fourniture porte plutôt sur l'utilisation des marchandises qui demeurent la propriété du bailleur et, logiquement, la fourniture de l'utilisation de marchandises est un service. ASL a par ailleurs souligné à l'audience qu'un leasing assorti d'un ensemble de services annexes représente nettement plus que la voiture elle-même; en l'espèce, il incluait l'assurance.

31. Comme le fait observer la Commission, la Cour a jugé dans l'affaire ARO Lease que la location de véhicules en leasing constitue une prestation de services au sens de la sixième directive TVA et que ces services consistent principalement en «la négociation, l'établissement, la signature et la gestion des contrats et en la mise à la disposition matérielle des clients des véhicules convenus, lesquels restent la propriété de la société de leasing».

32. La Commission soutient par ailleurs que la notion de fourniture ou prestation de «services» doit avoir une définition uniforme en droit communautaire. De nouveau, nous partageons cette opinion; nous ne voyons aucune raison justifiant des définitions distinctes qui auraient pour seule conséquence de jeter la confusion sur la situation juridique d'activités éventuellement proches de cette définition. En outre, comme le fait observer le gouvernement autrichien, la Cour a considéré dans l'arrêt Eurowings Luftverkehrs que le crédit-bail d'un aéronef constitue un service au sens de l'article 50 CE.

33. Quoi qu'il en soit, la question de la qualification en tant que marchandise ou service revêt une importance mineure, puisque les principales questions que nous devons examiner consistent à savoir s'il existe une véritable restriction aux échanges (qu'ils portent sur des marchandises ou des services) et si ces restrictions peuvent être justifiées. L'existence de restrictions ne dépend pas de la nature de l'opération et les motifs de justification pouvant être admis sont largement identiques.

Les restrictions alléguées

34. Bien que, telle qu'elle est libellée, la question posée par la juridiction nationale concerne uniquement la légalité de l'obligation d'immatriculation et les délais auxquels elle est soumise, les autres conditions liées à l'immatriculation doivent aussi être prises en compte pour examiner cette légalité.

35. Les observations soumises à la Cour se concentrent dans une large mesure sur la question de savoir si les dispositions autrichiennes en cause peuvent être justifiées. Il peut néanmoins s'avérer utile de vérifier tout d'abord dans chaque cas si elles ont effectivement pour effet de restreindre la prestation transfrontalière de services de leasing automobile.

36. S'agissant de la justification possible des restrictions, rappelons que les dispositions combinées des articles 55 CE et 46, paragraphe 1, CE autorisent uniquement les restrictions à la libre prestation de services instituées par des «dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique». De plus, il est de jurisprudence constante que les restrictions qui s'appliquent sans distinction selon la nationalité ou l'État membre d'établissement peuvent aussi échapper à l'interdiction si elles sont objectivement justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général. Ces restrictions doivent respecter le principe de proportionnalité: elles doivent être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint .

L'obligation d'immatriculation

- Existence d'une restriction

37. L'obligation d'immatriculer (réimmatriculer) en Autriche un véhicule qui y est introduit par une personne établie dans cet État membre afin de l'y utiliser restreint-elle en soi la liberté des entreprises de leasing automobile opérant en dehors de l'Autriche d'offrir leurs services dans cet État membre?

38. Le gouvernement finlandais est d'avis que l'obligation d'immatriculation ne peut pas être considérée comme entravant la prestation de services entre États membres, à moins que des conditions plus strictes soient imposées aux véhicules importés.

39. Nous ne pouvons partager cette thèse. L'obligation d'immatriculer (réimmatriculer) en Autriche a pour effet qu'il est plus difficile pour l'entreprise de leasing automobile allemande d'offrir ses services en Autriche qu'en Allemagne, ou que cette opération est plus aisée pour ses consoeurs autrichiennes. La Cour a jugé de façon constante que l'article 49 CE interdit «toute restriction, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues» .

40. Dans ces circonstances, la question de savoir si les délais particuliers en cause restreignent la libre prestation de services ne doit pas être examinée séparément. Nous pouvons néanmoins faire observer que le délai d'un an fixé à l'article 79 du KFG n'affectera normalement pas la fourniture transfrontalière de services. Dès lors qu'il s'applique, comme en l'espèce, aux véhicules qui ne sont pas stationnés de façon permanente en Autriche, il est appelé à affecter uniquement dans la majorité des cas les opérations de leasing dans lesquelles le locataire est établi en dehors du pays mais qu'il y utilise le véhicule de façon prolongée. Il nous semble que, dans de telles conditions, le service offert par le bailleur au locataire ne comporte aucun élément transfrontalier.

- Justification

41. Pour trancher la question de savoir si l'obligation d'immatriculation peut être justifiée, il est néanmoins nécessaire d'examiner à la fois si elle peut être justifiée en principe et si le délai fixé est susceptible de trouver une justification.

42. S'agissant de la justification de l'obligation au niveau des principes, la Commission et les États membres font valoir des considérations d'ordre public et de sécurité routière, dont nous pensons aussi qu'elles doivent être prises en compte. Il est essentiel à de nombreux égards que les véhicules utilisés sur la voie publique soient facilement identifiables au moyen de plaques d'immatriculation individuelles. Les registres tenus par les États membres comportent des détails relatifs à l'immatriculation, tels que l'identité du propriétaire et/ou du détenteur légal du véhicule et ils permettent de procéder à des vérifications si nécessaire en cas d'infraction de la circulation ou de soupçon de crime, et de faire respecter des obligations légales, telles que l'assurance obligatoire, le passage au contrôle technique et le paiement des taxes applicables. Ces mesures combattent la fraude ainsi que le crime et elles permettent par-dessus tout de faire respecter les règles de sécurité routière et de sanctionner les infractions à ces règles.

43. ASL soutient que l'immatriculation dans l'État membre d'origine est suffisante. Elle souligne que tous les véhicules immatriculés dans un État qui est partie à la convention internationale de Paris de 1926 sur la circulation automobile, à l'accord européen de Genève de 1949 complétant la convention sur la circulation routière ou à la convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière peuvent être utilisés librement en Autriche (à condition qu'ils n'aient pas été introduits dans le pays par un résident autrichien pour y être utilisés). En plus de ceux munis de plaques d'immatriculation plus exotiques, des dizaines de milliers de véhicules immatriculés en Hongrie, en Turquie, en Yougoslavie, en Croatie, en Allemagne et en Italie sont ainsi conduits chaque jour en Autriche par des touristes, des travailleurs frontaliers et des hommes d'affaires étrangers. Dans le cas des véhicules immatriculés en Allemagne, un accord de coopération judiciaire en matière policière et administrative entre la République fédérale d'Allemagne et la république d'Autriche fait en sorte que les informations nécessaires sont immédiatement disponibles.

44. Cet argument emporte la conviction dans une certaine mesure. Du fait du développement des ressources et des technologies de l'information et de la coopération policière et administrative accrue, il sera facile dans un futur prévisible pour les autorités autrichiennes d'obtenir des informations - y compris, par exemple, l'identité du locataire si nécessaire - à propos d'un véhicule immatriculé en Finlande ou au Portugal, en Grèce ou en Irlande, comme c'est le cas aujourd'hui d'un véhicule immatriculé en Autriche. Il ne semble toutefois pas que nous en soyons déjà là aujourd'hui. De plus, même si l'on pouvait supposer qu'il en est déjà ainsi entre la république d'Autriche et la République fédérale d'Allemagne, on ne pourrait en tirer aucune conséquence en droit communautaire, qui aurait pour effet d'instituer une discrimination entre les entreprises de leasing automobile opérant en Autriche selon qu'elles seraient établies en Allemagne ou dans un autre État membre.

45. En outre, comme la Commission et les États membres le soulignent, l'État membre d'immatriculation n'est pas seulement le dépositaire d'informations relatives au véhicule, mais il est aussi responsable du contrôle technique et il est habilité à percevoir diverses taxes à son propos. La taxation des véhicules automobiles n'a pas été harmonisée et diffère considérablement d'un État membre à l'autre . Ainsi que la Commission l'a souligné dans sa communication interprétative sur les procédures de réception et d'immatriculation de véhicules précédemment immatriculés dans un autre État membre , un particulier ne peut pas être autorisé à immatriculer son véhicule dans l'État membre de son choix, sans quoi tous les véhicules seraient immatriculés dans le pays où le taux des taxes est le plus faible. Bien que cette remarque concernait la propriété privée des véhicules, des considérations similaires s'appliquent aux contrats de leasing - toutes les sociétés de leasing s'établiraient dans l'État membre où la taxation est la plus faible.

46. La Commission a considéré dans la même communication qu'une personne doit immatriculer son véhicule dans l'État membre où elle a sa résidence normale, au sens de la directive 83/182/CEE , c'est-à-dire pour l'essentiel le lieu où elle demeure habituellement en raison d'attaches personnelles et professionnelles. Les dispositions autrichiennes semblent être fondées sur le même principe, bien qu'elles se concentrent sur l'utilisateur plutôt que sur le propriétaire et sur le fait de l'utilisation dans le pays.

47. Cette approche nous semble parfaitement justifiée. Si un véhicule est utilisé pour l'essentiel dans un État membre par une personne ou entité qui y est établie, la seule règle raisonnable est de considérer que l'immatriculation doit être réalisée dans cet État membre, celui-ci devant aussi être responsable du contrôle technique et de la perception des taxes jugées nécessaires pour financer les infrastructures routières et les mesures de protection de l'environnement rendues nécessaires par l'utilisation du véhicule. Pour expliciter ce point, on peut imaginer les difficultés pratiques et les distorsions de recettes fiscales qui s'ensuivraient si tous les véhicules donnés en leasing au Danemark (où les taxes sur les véhicules semblent être les plus élevées de la Communauté) étaient immatriculés en Italie (où elles semblent être les plus faibles). L'obligation d'immatriculation est donc en soi pleinement justifiée afin de promouvoir la sécurité routière et de combattre l'évasion fiscale.

48. Toutefois, si de telles raisons impérieuses d'intérêt public justifient qu'un véhicule donné en leasing et introduit en Autriche par un résident autrichien pour y être utilisé doive également y être immatriculé, nous sommes d'avis qu'une obligation de réimmatriculation dans les trois jours va nettement au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin et qu'elle est donc disproportionnée.

49. Même si l'on suppose, ce qui est assez peu plausible, que les autorités concernées sont à même d'assurer l'accomplissement des formalités nécessaires quasi instantanément, il ne paraît toujours pas raisonnable de refuser à l'utilisateur du véhicule une période de grâce plus longue pour introduire sa demande. Comme ASL l'a souligné, de nombreuses voitures immatriculées à l'étranger peuvent être utilisées en Autriche pour des périodes plus longues et nous ne voyons aucune raison pour insister afin que la réimmatriculation se fasse pratiquement au passage de la frontière au seul motif que l'usager réside dans le pays. Il pourrait toutefois être acceptable d'exiger qu'une demande d'immatriculation soit introduite dans un délai relativement bref, à condition que le locataire puisse continuer à utiliser le véhicule muni de l'immatriculation initiale jusqu'à ce que les formalités soient accomplies, de sorte qu'il n'y ait pas d'interruption inutile dans la jouissance du véhicule. Les charges supplémentaires imposées lorsque les véhicules sont pris en leasing dans un autre État membre doivent se limiter au strict minimum.

50. Il importe aussi d'examiner la question de la durée du contrat de leasing. Il a en l'occurrence été conclu pour trois ans et il peut s'agir là d'une période habituelle pour ce type de contrat. Toutefois, des véhicules sont aussi loués, sans doute à des conditions différentes, pour des périodes plus brèves. Les documents soumis à la Cour ne permettent pas d'établir clairement si la brève durée d'une location suffirait pour prouver, dans le cadre de l'article 82, paragraphe 8, du KFG, que le véhicule n'a pas été stationné de façon permanente en Autriche ni, dans l'affirmative, quelle doit être la durée de cette brève période pour que cette preuve soit établie. Plus la période serait brève, plus l'exigence d'une réimmatriculation du véhicule en Autriche afin de l'y utiliser - avec la nécessité d'accomplir ultérieurement la procédure inverse à la fin de la location - semblerait injustifiablement restrictive.

51. La Cour n'est pas invitée à préciser ce qui pourrait être considéré comme un délai d'immatriculation justifiable et elle n'a donc pas besoin de statuer spécifiquement sur ce point. Il lui est cependant demandé si les délais en cause (trois jours et un an) sont compatibles avec la libre prestation de services. De ce point de vue, le délai de trois jours semble tout sauf raisonnable. En revanche, le délai d'un an, bien qu'il ne soit pas susceptible en pratique, comme nous l'avons déjà indiqué, d'avoir la moindre répercussion sur les opérations de leasing transfrontalier, semble loin d'être déraisonnablement court.

52. L'approche suivie par la directive 83/182 pourrait servir d'élément de comparaison à titre d'indication générale, bien que cette directive ne s'applique expressément pas au cas dans lequel l'importateur du véhicule est résident du pays d'importation. Les franchises fiscales prévues dans cette directive sont accordées en principe pour une durée de six mois par période de douze mois, qu'elle soit continue ou non . Dès lors, une limite de six mois fixée pour l'immatriculation de véhicules pris en leasing dans un autre État membre pourrait être considérée comme n'étant pas déraisonnablement brève. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un domaine dans lequel les États membres doivent pouvoir disposer, en l'absence de réglementation communautaire particulière, d'une certaine marge d'appréciation. Afin d'assurer des contrôles efficaces, ils peuvent raisonnablement souhaiter imposer un délai plus bref lorsque l'utilisateur du véhicule est un résident du pays, mais ce délai ne peut être à ce point bref qu'il rende impraticable ou indûment lourd le respect des obligations imposées, eu égard à toutes les formalités qui doivent être accomplies.

L'obligation liée à la résidence ou à l'établissement

- Existence d'une restriction

53. Nul ne semble contester que le fait qu'un véhicule utilisé en Autriche par une personne qui y est établie doive aussi être immatriculé au nom d'une personne établie dans ce pays a pour effet de rendre plus difficile ou moins attrayant pour une entreprise de leasing automobile établie en dehors de l'Autriche d'y offrir ses services.

54. Cette obligation signifie soit que le bailleur doit avoir un établissement en Autriche, soit qu'il doit autoriser le locataire (ou une autre personne établie en Autriche) à immatriculer le véhicule à son nom. La première branche de l'alternative a été reconnue comme étant une restriction à la libre prestation de services, parce qu'elle implique à la fois des inconvénients et des dépenses, alors que la seconde branche a pour conséquence que, en tant que propriétaire du véhicule, le bailleur doit abandonner certaines prérogatives qu'il s'attendrait normalement à conserver.

- Justification

55. L'immatriculation suppose un nom sous lequel le véhicule est immatriculé. Il est de l'intérêt de chacun que ce nom soit celui de la personne responsable du véhicule, assurant ainsi le degré le plus élevé de contrôle, tant pour cette personne que pour les autorités. Lorsqu'un véhiculé est donné en leasing pour une période relativement longue, la responsabilité est cependant partagée entre le bailleur et le locataire de façon durable. Les informations fournies par la Commission en réponse à une question de la Cour montrent que des solutions différentes sont adoptées par les différents États membres. L'immatriculation sous les deux noms servirait sans doute au mieux les intérêts de chacun, mais l'on pourrait considérer que l'on empiéterait sur les droits du propriétaire du véhicule si l'immatriculation à son nom était entièrement exclue.

56. Les dispositions autrichiennes ne semblent pas interdire l'immatriculation au nom du bailleur, mais elles l'obligent, dans ce cas, à avoir un établissement en Autriche. Le gouvernement autrichien souligne qu'il peut souvent être nécessaire, en cas d'infraction de la circulation routière, d'exiger de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé de fournir des informations sur l'identité du conducteur à un moment déterminé. Il serait difficile d'obtenir ces informations si la personne en cause était établie dans un autre État membre. La Commission considère qu'il suffirait que, et ce sans faire obstacle à la libre prestation de services du bailleur, le véhicule soit immatriculé au nom de ce dernier avec indication des coordonnées du locataire, celui-ci devant (conjointement) respecter toutes les obligations découlant de l'immatriculation et de l'utilisation du véhicule.

57. L'argumentation du gouvernement autrichien est raisonnable. Si un véhicule stationné en Autriche et utilisé par une personne établie dans ce pays était uniquement immatriculé au nom de la société de leasing établie à des centaines, voire même des milliers de kilomètres de là, il pourrait être extrêmement difficile d'effectuer un contrôle correct. D'un autre côté, les préoccupations de la Commission relatives aux droits du propriétaire sont elles aussi justifiées. Si la seule façon pour le bailleur de conserver ses droits est de faire immatriculer le véhicule à son nom, l'obligation de résidence ou d'établissement en Autriche va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi.

58. Il est possible cependant que la Cour n'ait pas reçu une information complète sur les détails des dispositions autrichiennes et la décision finale quant à leur caractère proportionnel devrait être laissée à la juridiction autrichienne qui est la mieux placée pour porter un jugement. Si l'immatriculation conjointe est possible à la fois au nom d'une partie résidant en Autriche (le locataire) et d'une autre qui n'est pas résidente (le bailleur), s'il existe des immatriculations distinctes pour la propriété et la possession ou s'il existe quelque autre moyen pour enregistrer et sauvegarder les droits du bailleur, l'obligation de résidence ne semblerait alors pas disproportionnée - en fait, elle ne semblerait même pas faire obstacle à la libre prestation de services. Toutefois, si une telle possibilité n'existe pas, cette obligation va selon nous au-delà de ce qui est nécessaire et elle constitue par conséquent une restriction prohibée à la libre prestation de services.

L'obligation d'assurance

- Existence d'une restriction

59. Si un véhiculé donné en leasing à une personne qui est établie en Autriche et qui l'utilise dans ce pays doit être assuré auprès d'un assureur autorisé à y exercer son activité, cette obligation restreint-elle la liberté des entreprises de leasing automobile établies à l'étranger d'offrir leurs services en Autriche?

60. Il semble clair qu'une telle règle affecte au moins potentiellement la liberté, pour des entreprises de leasing automobile qui peuvent avoir des accords préférentiels avec des assureurs établis en dehors de l'Autriche, de donner en leasing des véhicules à des clients établis dans ce pays, étant donné qu'elle peut les contraindre à conclure des contrats moins favorables et que, en toute hypothèse, elle restreint leur libre choix de l'assureur. La question qui se pose toutefois est également celle de savoir ce que l'on entend par assureur agréé pour exercer ses activités en Autriche, question sur laquelle nous nous pencherons lorsque nous examinerons le caractère éventuellement justifiable de cette obligation.

61. Pour déterminer si cette obligation est restrictive dans chaque cas individuel, il faut se reporter aux conditions du contrat de leasing - l'assurance est-elle de la responsabilité du bailleur ou du locataire? Dans le présent cas d'espèce, la voiture a semble-t-il été assurée par ASL auprès d'un assureur allemand, une commission mensuelle spécifique étant incluse dans la location facturée à Cura Anlagen, ce qui serait une situation habituelle dans les leasings comportant un ensemble de services. Tel peut ne pas être le cas pour tous les leasings à long terme (alors que c'est susceptible de l'être pour toute location à court terme), mais le fait que, dans certains cas, il puisse ne pas y avoir de conséquences réelles sur les affaires du bailleur ne modifierait en rien la nature restrictive de l'obligation en principe. En tout état de cause, elle affectera toujours son libre choix en matière de contrat d'assurance pour ses véhicules.

- Justification

62. La justification éventuelle d'une restriction du type de celle examinée ci-dessus doit être appréciée à la lumière des directives communautaires qui régissent, de manière très détaillée, la fourniture de services d'assurance et, en particulier, d'assurance de véhicules automoteurs, en gardant à l'esprit que le respect de l'obligation d'assurer tout véhicule utilisé sur la voie publique est contrôlé et garanti par les autorités de l'État membre dans lequel il est immatriculé.

63. Ainsi que la Commission l'a souligné, la réponse dépend dans une large mesure du sens de l'expression «auprès d'un assureur agréé pour la branche de l'assurance automobile [en Autriche]» («mit einem zum Betrieb dieses Versicherungszweiges in Österreich berechtigten Versicherer») .

64. Si elle signifie que l'assureur doit avoir son principal établissement en Autriche et disposer d'un «agrément officiel» («behördlichen Zulassung») dans ce pays, en tant qu'État d'origine au sens des directives sur l'assurance non-vie , on est manifestement en présence d'une restriction injustifiable. Toutefois, si l'assureur doit simplement être autorisé en vertu de ces directives à offrir ses services en Autriche, la restriction, bien que toujours présente dans les faits, pourrait sembler justifiable.

65. L'article 7, paragraphe 1, de la directive 73/239, tel qu'il a été modifié, dispose que: «L'agrément est valable pour l'ensemble de la Communauté. Il permet à l'entreprise d'y réaliser des activités, soit en régime d'établissement, soit en régime de libre prestation de services».

66. En vertu notamment de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil , de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 84/5/CEE , et des articles 2 et 5, paragraphe 1, de la directive 90/232/CEE , l'assurance obligatoire en matière de véhicules automoteurs doit, pour chaque véhicule stationné dans chacun des États membres, être valable pour l'ensemble de la Communauté et garantir la couverture exigée dans chacun des États membres par sa législation, et il doit être possible pour les personnes impliquées dans un accident de circulation routière de connaître dans les meilleurs délais le nom de l'entreprise d'assurance concernée.

67. Toutefois, bien qu'il doive donc être possible en principe pour tout assureur établi et ayant un agrément officiel dans un État membre de fournir des assurances en matière de véhicules automoteurs dans tout autre État membre sans y disposer d'un établissement, une condition importante figure à l'article 12 bis de la directive 88/357 . En vertu de cette disposition, un tel assureur doit en particulier devenir membre du bureau national et du Fonds national de garantie de l'État membre dans lequel il souhaite offrir ses services et participer à leur financement. De plus, il doit désigner «un représentant résident ou établi sur son territoire qui réunira toutes les informations nécessaires en relation avec les dossiers d'indemnisation et disposera de pouvoirs suffisants pour représenter l'entreprise auprès des personnes qui ont subi un préjudice et qui pourraient réclamer une indemnisation, y compris le paiement de celle-ci, et pour la représenter ou, si cela est nécessaire, pour la faire représenter, en ce qui concerne ces demandes d'indemnisation, devant les tribunaux et les autorités de cet État membre», la désignation du représentant ne constituant pas en soi l'ouverture d'une succursale, d'une agence ou d'un établissement de l'assureur.

68. ASL a produit ce qu'elle déclare être une liste officielle complète des assureurs agréés pour fournir l'assurance en cause en Autriche, chacun d'entre eux, à l'exception de deux, ayant leur principal établissement en Autriche, a-t-elle affirmé à l'audience. Que ce dernier élément soit exact ou non, la Cour ne dispose pas de suffisamment d'informations pour apprécier si la liste est établie conformément aux dispositions communautaires visées ci-dessus. Il appartient au juge national de trancher cette question. Le non-respect de ces règles constituerait à l'évidence une restriction injustifiée avant tout pour la libre prestation de services d'assurance mais, dans les circonstances du présent cas d'espèce, elle constituerait aussi une restriction à la libre prestation de services de leasing automobile transfrontalier.

L'obligation de contrôle technique

- Existence d'une restriction

69. Si un véhicule qui est appelé à être donné en leasing en Autriche a déjà satisfait aux contrôles techniques et environnementaux en Allemagne, l'obligation de le soumettre à des contrôles supplémentaires en Autriche constitue-t-elle une restriction à la libre prestation de services de leasing automobile transfrontalier?

70. La réponse semble claire. Il y a restriction parce qu'une charge supplémentaire est imposée au motif que le véhicule doit être utilisé dans un État membre autre que son État d'origine. Dans le domaine comparable de la libre circulation des marchandises, la Cour a considéré dans son arrêt Schloh que le contrôle technique rendait l'immatriculation de véhicules importés plus difficile et plus onéreuse et qu'il avait donc un effet équivalent à une restriction quantitative aux échanges. Néanmoins, ce contrôle peut être justifié pour des raisons de protection de la santé humaine et de la vie s'il est nécessaire pour atteindre cet objectif et qu'il ne constitue pas une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée des échanges .

- Justification

71. Il ne fait aucun doute que le souci d'assurer que les véhicules utilisés sur la voie publique sont aussi sûrs que possible du point de vue technique et environnemental est une question impérieuse d'intérêt public. De plus, les États membres ont l'obligation spécifique d'effectuer des contrôles techniques périodiques de tous les véhicules immatriculés sur leur territoire, en vertu de l'article 1er de la directive 96/96/CE (bien que la question qui nous occupe en l'espèce concerne non pas les contrôles périodiques effectués après l'immatriculation en Autriche, mais l'imposition d'un contrôle initial en vue de cette immatriculation).

72. Le contenu minimal de ce contrôle obligatoire est précisé de façon détaillée à l'annexe II de cette directive. L'article 3, paragraphe 1, dispose que: «[l]es États membres prennent les mesures qu'ils estiment nécessaires pour qu'il puisse être prouvé que le véhicule a passé avec succès un contrôle technique respectant au moins les dispositions de la présente directive. Ces mesures sont communiquées aux autres États membres et à la Commission» et l'article 3, paragraphe 2, précise que: «[c]haque État membre reconnaît la preuve délivrée dans un autre État membre et établissant qu'un véhicule à moteur immatriculé sur le territoire de ce dernier, ainsi que sa remorque ou semi-remorque, ont passé avec succès un contrôle technique respectant au moins les dispositions de la présente directive, au même titre que s'il avait lui-même délivré cette preuve».

73. L'article 5 permet toutefois aux États membres d'imposer des contrôles plus larges, plus fréquents ou plus sévères que ceux fixés en tant que minimaux par la directive.

74. Ainsi, lorsqu'un véhicule a été soumis au contrôle technique dans un État membre, tous les autres États membres doivent reconnaître le certificat qui a été délivré à cette occasion, mais ils peuvent néanmoins exiger des tests supplémentaires, non couverts par ce certificat, aux fins de l'immatriculation sur leur territoire.

75. Bien qu'il soit antérieur à l'adoption de la directive 96/96, l'arrêt Schloh est aussi pertinent en l'espèce. La Cour a considéré dans cet arrêt que le fait qu'un véhicule a été utilisé sur la voie publique depuis le contrôle antérieur peut justifier que l'on vérifie, lors de l'immatriculation dans un autre État membre, qu'il n'a pas été accidenté et qu'il se trouve en bon état d'entretien, à condition qu'un contrôle similaire soit exigé des véhicules d'origine nationale présentés à l'immatriculation dans les mêmes circonstances.

76. Si l'on applique ces considérations au présent cas d'espèce, il s'ensuit que, lorsqu'un véhicule pris en leasing auprès d'une société allemande est immatriculé en Autriche parce que le locataire réside dans ce pays, et lorsque ce véhicule a été soumis au contrôle technique en Allemagne, les autorités autrichiennes peuvent néanmoins légitimement imposer un contrôle supplémentaire i) afin de vérifier le respect de toutes les conditions imposées aux véhicules immatriculés en Autriche, qui ne sont pas couvertes par l'annexe II de la directive 96/96 ou par les contrôles allemands et/ou ii) afin de vérifier que l'état du véhicule ne s'est pas détérioré depuis qu'il a été contrôlé en Allemagne s'il a été utilisé sur la voie publique entre-temps et à condition qu'un contrôle similaire soit imposé lorsqu'un véhicule précédemment contrôlé en Autriche est immatriculé dans ce pays.

La taxe sur la consommation type

- Existence d'une restriction

77. À première vue, la perception de cette taxe semble non discriminatoire puisque, apparemment, elle s'applique exactement de la même façon aux services de leasing automobile fournis en Autriche qu'aux services de leasing automobile transfrontalier.

78. Cela ne signifie toutefois pas en soi que la taxe ne décourage pas les échanges transfrontaliers; une mesure ne doit pas être discriminatoire pour être contraire à l'article 49 CE . De plus, comme le font observer ASL et la Commission, le fait que la taxe soit perçue une fois pour toutes signifie qu'une entreprise de leasing autrichienne pourra donner les véhicules en leasing à plusieurs reprises ou les vendre en Autriche sans paiement supplémentaire, alors qu'un concurrent allemand, qui peut ne pas avoir l'intention d'utiliser ou de disposer de son véhicule de cette façon, devra acquitter le même montant de taxe - jusqu'à 16 % de la valeur du véhicule - , éventuellement pour une période de location très brève. La taxe constitue donc une charge qui est susceptible de décourager les personnes qui ne souhaitent pas donner leur véhicule en leasing et/ou le vendre d'offrir leurs services de leasing à partir d'un pays autre que l'Autriche.

- Justification

79. Les taxes perçues sur les véhicules automobiles peuvent être réparties entre différentes catégories. La taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») est perçue sur la vente d'un véhicule ou sur la fourniture d'un service de leasing, en fonction de l'endroit où l'opération se déroule et sous réserve du respect des règles communautaires contenues dans la sixième directive TVA. D'autres taxes peuvent être perçues à l'occasion de l'immatriculation d'un véhicule ou de sa mise en circulation et/ou périodiquement du fait qu'il demeure immatriculé ou en circulation; ces taxes n'ont pas fait l'objet d'une harmonisation communautaire mais, en toute hypothèse, elles doivent être non discriminatoires .

80. ASL soutient que la taxe sur la consommation type est une augmentation déguisée du taux de TVA, contraire à l'article 12, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive TVA, qui autorise uniquement un taux normal et deux taux réduits. Le taux normal de TVA en Autriche est de 20 % et ASL affirme que la taxe sur la consommation type a été introduite en vue de compenser la suppression du taux précédemment accru de 32 % qui s'appliquait, notamment, à la vente ou à la location de véhicules automobiles. De surcroît, la taxe est un pourcentage de la valeur du véhicule.

81. Quoi qu'il en soit, la question de la juridiction nationale concerne la compatibilité des règles autrichiennes avec les dispositions communautaires relatives à la libre prestation de services. Le fait qu'une taxe peut ne pas être conforme aux dispositions des directives TVA n'a, en soi, aucune incidence sur cette question. Par ailleurs, la question de la TVA ne semble même pas avoir été soulevée devant la juridiction nationale. Il ne serait pas opportun selon nous que la Cour statue sur la compatibilité avec les directives TVA d'une taxe officiellement environnementale dont le calcul comporte une composante ad valorem, lorsque cette question n'a pas été soulevée dans la procédure au principal et n'a aucune incidence sur la question déférée à titre préjudiciel, et lorsque les États membres n'ont pas eu pleinement l'occasion de déposer des observations à ce propos.

82. En toute hypothèse, bien que le montant de la taxe varie en fonction de la valeur du véhicule, il varie aussi de façon très significative selon sa consommation de carburant. Elle peut donc servir à décourager l'acquisition de véhicules qui affectent de façon excessive l'environnement, objectif qui a présidé à son introduction, d'après le gouvernement autrichien. En outre, s'agissant des véhicules en leasing, la composante ad valorem que comporte son calcul concerne la valeur du véhicule et non le montant facturé pour la fourniture du service . Elle ne peut donc pas être considérée comme une taxe sur le chiffre d'affaires perçue sur cette prestation dans le cadre des directives TVA.

83. Le gouvernement autrichien déclare que la taxe sur la consommation type a pour but de promouvoir les pratiques respectueuses de l'environnement lors de l'acquisition de véhicules automobiles privés dans le cadre d'une vente ou d'un leasing. Il n'y a aucune harmonisation communautaire à ce jour au niveau de ces taxes mais il ne fait aucun doute qu'elles contribuent à l'objectif communautaire visé à l'article 2 CE, à savoir la promotion d'un «niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement», et qu'elles correspondent en fait aux préoccupations publiques et internationales largement répandues dans ce domaine. En principe, une taxe de ce type est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt public et elle semble par ailleurs appropriée pour atteindre l'objectif qu'elle poursuit, puisqu'une taxe relativement élevée, qui croît en fonction de la consommation annoncée de carburant du véhicule, est susceptible d'encourager l'achat de véhicules présentant la consommation la plus faible.

84. ASL et la Commission ont toutefois attiré l'attention sur le fait que la taxe sur la consommation type est perçue au même taux, indépendamment de la durée d'utilisation ou d'immatriculation du véhicule en Autriche. L'amortissement de la taxe pour une entreprise de leasing automobile varie pourtant beaucoup en fonction de cette durée. Dès lors, si l'on sait qu'un véhicule sera immatriculé et stationné en Autriche pour une brève période seulement, il y aurait lieu de prendre des mesures pour que la taxe soit perçue pro rata temporis.

85. Nous partageons en principe cette thèse, bien qu'elle ne doive pas être considérée comme impliquant nécessairement un lien direct ou précis entre la taxe sur la consommation type et la durée ou l'étendue de l'utilisation nocive pour l'environnement du véhicule en Autriche. Ce qui importe, c'est que la mesure ne restreigne pas la libre prestation de services en allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un objectif légitime. En l'occurrence, il semble que le but poursuivi par la taxe est de décourager l'achat ou la possession de véhicules consommant beaucoup de carburant plutôt que leur utilisation (qui serait peut-être découragée de façon plus efficace par une taxe sur le carburant lui-même). Cet objectif pourrait néanmoins être atteint sans opérer de discrimination à l'égard des entreprises de leasing automobile étrangères en prévoyant, par exemple, que la taxe soit une taxe périodique en fonction du maintien de l'immatriculation du véhicule. Que ce soit de cette façon ou d'une autre, pour qu'elle constitue une disposition justifiable, cette taxe doit être perçue de façon telle qu'elle ne constitue pas une charge plus lourde pour les véhicules pris en leasing dans d'autres États membres que pour ceux pris en leasing en Autriche, compte tenu de la durée d'utilisation de chacun de ces véhicules dans ce pays.

Conclusion

86. Eu égard à l'ensemble des considérations émises ci-dessus, nous sommes d'avis que la Cour devrait répondre comme suit à la question posée par le Handelsgericht Wien dans le présent cas d'espèce:

«Une disposition nationale en vertu de laquelle un véhicule pris en leasing par une personne résidant ou établie dans l'État membre A auprès d'un bailleur établi dans l'État membre B en vue d'être utilisé dans le premier État membre doit être immatriculé dans cet État membre A au nom d'une personne qui y réside ou y est établie est en principe justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt public, bien qu'elle restreigne la libre prestation de services garantie par l'article 49 CE. Cette obligation ne peut toutefois pas être assortie d'autres conditions qui ont pour effet de restreindre encore cette liberté, à moins qu'elles ne soient aussi justifiées par des raisons similaires et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif qu'elles poursuivent. Les conditions qui ne sont pas permises pour ces motifs incluent:

- un délai d'immatriculation tellement bref qu'il rende le respect des dispositions impraticable ou indûment lourd, compte tenu de toutes les formalités qui doivent être accomplies;

- une interdiction d'immatriculation au nom du bailleur, lorsque celui-ci n'a ni résidence ni établissement dans l'État membre A, à moins que ses droits en tant que propriétaire ne soient adéquatement protégés d'une quelconque autre façon;

- une condition relative à l'assurance du véhicule, qui n'est pas conforme aux dispositions relatives à la libre prestation de services d'assurance dans la Communauté;

- une condition relative au contrôle technique, qui reproduit simplement les contrôles déjà effectués dans l'État membre B, à moins que ces contrôles ne visent les véhicules utilisés sur la voie publique depuis le contrôle précédent et qu'ils s'appliquent de la même manière lorsque le bailleur est établi dans l'État membre A;

- le paiement d'une taxe allant jusqu'à 16 % de la valeur du véhicule, à moins que des dispositions ne soient prises pour que cette taxe soit perçue de façon telle qu'elle ne constitue pas une charge plus lourde pour les véhicules pris en leasing dans l'État membre B que pour ceux pris en leasing dans l'État membre A, compte tenu de la durée d'utilisation de chacun de ces véhicules dans l'État membre A.»