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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE KOKOTT

présentées le 30 mars 2006 (1)

Affaire C-470/04

N

contre

Inspecteur van de Belastingdienst Oost/kantoor Almelo

[demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof te Arnhem (Pays-Bas)]

«Liberté d’établissement – Citoyenneté de l’Union – Fiscalité directe – Imposition de plus-values sur des participations substantielles en cas de départ pour un autre État membre»





I –    Introduction

1.     Dans la procédure au principal, N conteste la fixation et les modalités de recouvrement de l’impôt sur le revenu appliqué aux bénéfices tirés d’une participation substantielle en cas de transfert du domicile dans un autre État membre. Comme la juridiction saisie du litige, le Gerechtshof te Arnhem (Pays-Bas), doute de la compatibilité de la réglementation néerlandaise en cause avec les dispositions du traité CE relatives à la citoyenneté de l’Union et à la liberté d’établissement, elle a saisi la Cour de cinq questions préjudicielles (2).

2.     En droit néerlandais, le départ du territoire national est assimilé à la cession de titres de participation. L’impôt sur la plus-value est dès lors liquidé à la date du départ, mais son paiement n’est exigé qu’après dix ans ou à la date de la cession effective. L’obligation initialement imposée au redevable de fournir une garantie pendant ce sursis a été abrogée.

3.     Dans l’affaire De Lasteyrie du Saillant (3), la Cour a déjà été confrontée à une législation française analogue, relative au régime fiscal applicable en cas de transfert du domicile dans un autre État. Indépendamment de la possibilité d’extrapoler les conclusions de cet arrêt à la réglementation néerlandaise, qui est légèrement différente, il y a lieu de déterminer si N peut véritablement invoquer la liberté d’établissement en l’espèce. Il est vrai que, au moment de son départ des Pays-Bas, il était le titulaire exclusif des parts sociales de trois sociétés ayant leur siège à Curaçao (Antilles néerlandaises). Par ailleurs, il a cependant, dans un premier temps, passé plusieurs années dans son nouveau lieu de résidence, en Grande-Bretagne, sans exercer aucune activité économique.

4.     C’est pourquoi la juridiction de renvoi soulève en premier lieu la question de savoir dans quelle mesure de telles réglementations sont contraires aux droits que N tire de sa qualité de citoyen de l’Union. Implicitement, elle évoque de la sorte les rapports entre les dispositions sur la citoyenneté de l’Union et la liberté d’établissement.

5.     Les autres questions se rapportent aux conditions de la libération des garanties fournies ainsi qu’à la justification des restrictions aux libertés de circulation qui peuvent éventuellement découler du régime fiscal appliqué en cas de départ pour un autre pays.

II – Dispositions nationales applicables

6.     D’après la loi relative à l’impôt sur les revenus de 1964 (Wet inkomstenbelasting 2001, ci-après la «Wet IB»), le revenu imposable des redevables établis sur le territoire national inclut les bénéfices tirés d’une participation substantielle. L’article 20a, paragraphe 1, de la Wet IB précise que la notion de bénéfice tiré d’une participation substantielle englobe notamment les avantages résultant de la cession d’actions [point b]. D’après l’article 20a, paragraphe 3, de la Wet IB, il y a participation substantielle lorsque le redevable détient directement ou indirectement 5 % d’une société de capitaux. D’après l’article 20a, paragraphe 6, sous i), de la Wet IB, la perte de la qualité de contribuable national – c’est-à-dire le départ du pays – est assimilée à une cession de titres.

7.     Conformément à l’article 20c, point 1), de la Wet IB, le gain résultant de la cession est normalement constitué par la différence entre le prix d’achat et le prix de vente. Si l’imposition est déclenchée par le départ du pays, la valeur vénale de la participation à cette date se substitue au produit de la cession [article 20c, point 4)]. En cas d’établissement du domicile aux Pays-Bas, le montant de référence sera, au lieu du prix d’achat, la valeur vénale des titres à la date d’entrée aux Pays-Bas [article 20c, point 7), de la Wet IB].

8.     L’article 20c, point 18), de la Wet IB autorise notamment l’adoption d’un arrêté ministériel établissant les conditions d’un dégrèvement lorsqu’un redevable qui a été imposé au moment de son départ revient aux Pays-Bas après moins de dix ans.

9.     L’article 25 de la loi de 1990 relative au recouvrement (Invorderingswet 1990, ci-après l’«IW») prévoit que, en cas de départ du pays, il peut être sursis au paiement de l’impôt sur le bénéfice tiré d’une participation substantielle pendant une période de dix ans, sous réserve qu’une garantie soit constituée; les modalités de ce sursis sont fixées dans un arrêté ministériel. L’article 28, de l’IW exclut l’application d’intérêts de recouvrement pendant la période de sursis.

10.   L’article 26, paragraphe 2, de l’IW autorise l’adoption d’un arrêté ministériel précisant les termes du dégrèvement partiel appliqué aux impôts dont le paiement a été reporté, à savoir à concurrence de l’impôt éventuellement versé aux Pays-Bas sur les dividendes [point a)], à concurrence de l’impôt sur le bénéfice payé à l’étranger [point b)] et enfin à concurrence du montant restant dû après dix ans [point c)]. L’autorisation a été mise en œuvre par l’adoption de l’arrêté d’exécution de l’IW.

11.   À la suite de l’arrêt De Lasteyrie du Saillant, le secrétaire d’État aux Finances néerlandais a déclaré le 13 avril 2004 qu’il n’était plus nécessaire de constituer une garantie en cas de sursis au paiement accordé à cause du départ pour un autre État membre de l’Union européenne. Le 1er janvier 2005, de nouvelles dispositions légales sont entrées en vigueur pour adapter la situation juridique avec effet rétroactif au 11 mars 2004 (4).

12.   Par ailleurs, l’article 26, paragraphe 5, de l’IW, combiné au règlement d’exécution, qui a également été modifié, prévoit depuis lors un dégrèvement d’impôt lorsque la participation est vendue dans les dix ans à compter du départ et que sa valeur a diminué dans l’intervalle autrement que par distribution de réserves bénéficiaires ou restitution des versements ou investissements. L’impôt bénéficiaire du sursis est alors diminué d’un quart de la différence entre la valeur au moment du départ et la valeur actuelle. Enfin, un dégrèvement est accordé lorsqu’une convention préventive de double imposition prévoit que le bénéfice tiré de la cession est imposé dans un autre État.

III – Les faits et les questions préjudicielles

13.   Le 22 janvier 1997, N a transféré son domicile des Pays-Bas au Royaume-Uni, où il a entrepris en 2002 l’exploitation d’une ferme agricole incluant une pommeraie. À la date de son départ des Pays-Bas, il était l’associé unique de trois sociétés à responsabilité limitée de droit néerlandais («besloten vennootschappen»), dont la direction est assurée depuis le 22 janvier 1997 à partir de l’île de Curaçao (Antilles néerlandaises).

14.   Pour 1997, N a déclaré un revenu imposable de 15 664 697 NLG. Mis à part les revenus d’un immeuble d’habitation réservé à son propre usage (765 NLG), ce revenu imposable était constitué avant tout par les bénéfices tirés de participations substantielles (15 663 932 NLG). L’avis d’imposition fondé sur cette déclaration portait sur un montant de 3 918 275 NLG, auxquels s’ajoutaient 228 429 NLG au titre des intérêts «fiscaux».

15.   À sa demande, N a obtenu un sursis au paiement contre constitution d’une garantie. La garantie a été formée par un droit de gage sur sa participation dans l’une de ses sociétés. Lorsque, à la suite de l’arrêt De Lasteyrie du Saillant, le secrétaire d’État aux Finances eut annoncé que, aucune garantie ne pouvait désormais plus être exigée, l’administration fiscale écrivit à N le 7 juin 2004 que le droit de gage pouvait être considéré comme levé.

16.   N a attaqué l’avis d’imposition pour l’année 1997 en faisant valoir que l’imposition du bénéfice tiré d’une participation substantielle était contraire aux articles 18 CE et 43 CE. La violation ne résulterait pas seulement de l’entrave causée à sa liberté de circulation par l’obligation de constituer une garantie. Elle découlerait déjà du déclenchement de l’imposition par le départ du pays. N a également contesté les intérêts appliqués au montant de la dette fiscale ainsi que la réglementation relative au remboursement des dépens dans les procédures de droit administratif se rapportant à l’application du droit communautaire.

17.   L’administration fiscale a répondu en substance que, faute d’activité économique transfrontalière, N ne pouvait invoquer les droits qu’il tire du traité. En toute hypothèse, la levée du droit de gage aurait mis fin à toute restriction. La réglementation appliquée serait au demeurant cohérente et justifiée.

18.   Par ordonnance du 27 octobre 2004, la juridiction saisie de cette affaire, le Gerechtshof te Arnhem, a soumis à la Cour au titre de l’article 234 CE les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Un habitant d’un État membre qui transfère son domicile de cet État membre pour aller s’établir dans un autre État membre peut-il, dans le cadre d’une procédure à l’encontre de l’État de départ, se prévaloir de l’application de l’article 18 CE au seul motif qu’une imposition décidée en raison de son émigration comporte ou peut comporter une entrave pour ce départ?

2)      En cas de réponse négative à la première question: un habitant d’un État membre qui transfère son domicile de cet État membre pour aller s’établir dans un autre État membre peut-il, dans le cadre d’une procédure à l’encontre de l’État de départ, se prévaloir de l’application de l’article 43 CE dans le cas où il n’est pas immédiatement établi ou admissible qu’il exercera dans cet autre État membre une activité économique telle que visée dans cet article? Aux fins de la réponse à la question précédente, importe-t-il que cette activité sera exercée dans un délai prévisible? Si oui, à quelle durée ce délai peut-il être fixé?

3)      En cas de réponse affirmative à la question 1) ou à la question 2): l’article 18 CE ou l’article 43 CE s’oppose-t-il à la réglementation néerlandaise en cause, en vertu de laquelle un impôt sur le revenu/cotisations à la sécurité sociale peut être décidé en raison de l’obtention fictive d’un bénéfice tiré d’une participation, au seul motif qu’un résident néerlandais, qui cesse d’être un contribuable national parce qu’il transfère son domicile dans un autre État membre, est réputé avoir cédé ses actions faisant partie d’une participation?

4)      En cas de réponse affirmative à la question 3) en raison du fait que l’octroi d’un sursis de paiement d’une imposition est subordonné à la constitution d’une garantie: l’entrave en question peut-elle être levée avec effet rétroactif par la libération de la garantie qui a été constituée? Importe-t-il aussi, pour répondre à cette question, de savoir si la libération de la garantie a lieu sur la base d’une réglementation légale ou d’une ligne directrice, adoptée ou non dans le cadre de la mise à exécution? Importe-t-il aussi, pour répondre à cette question, de savoir si une compensation est offerte pour le préjudice éventuellement né de la constitution d’une garantie?

5)      En cas de réponse affirmative à la question 3) et de réponse négative à la première question posée sous 4): cette entrave peut-elle alors être justifiée?»

19.   Au demeurant, la juridiction de renvoi observe que: «En ce qui concerne la réponse à la question de savoir si, dans le cas où un contribuable obtient gain de cause dans une procédure pour une violation du droit communautaire, le régime néerlandais du remboursement des dépens (un système forfaitaire) est contraire au droit communautaire, la juridiction de céans se rallie [en néerlandais: ‘sluit […] aan’] à la question qui a été posée à cet égard à la Cour par le Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch dans l’affaire C-376/03».

20.   Après le prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire D. (C-376/03) (5), N a attiré l’attention de la juridiction de renvoi par lettre du 12 juillet 2005 – dont une copie a été transmise à la Cour – sur le fait que cet arrêt n’avait pas répondu à la question de la validité du régime applicable aux dépens. Cette question n’ayant pas été expressément soulevée en l’espèce, il y aurait un risque que la Cour néglige à nouveau de l’examiner. N a dès lors suggéré au Gerechtshof te Arnhem de compléter sa demande de décision préjudicielle. La juridiction de renvoi n’a cependant pour l’heure pas eu recours à cette possibilité.

21.   Des observations écrites ont été présentées par N, par les gouvernements allemand, danois, italien et néerlandais, ainsi que par la Commission des Communautés européennes. Il n’y a pas eu d’audience.

IV – Appréciation juridique

A –    Observation liminaire

22.   C’est de propos délibéré que la juridiction de renvoi soulève en premier lieu la question de l’interprétation de l’article 18 CE. Son intention est d’obtenir ainsi une clarification des rapports entre la liberté générale de circulation des citoyens de l’Union et les libertés fondamentales spécifiques, comme la liberté d’établissement. En toile de fond, il y a la crainte que les formes spécifiques de la liberté de circulation des personnes, c’est-à-dire la libre circulation des travailleurs, la liberté d’établissement et la libre prestation de services, ne perdraient une grande partie de leur importance si la citoyenneté de l’Union offrait la même protection et pouvait être examinée en priorité.

23.   La Commission ne partage manifestement pas ces craintes. Elle propose dans ses observations écrites de ne répondre qu’à la première question et de renoncer à l’examen au regard de la liberté d’établissement.

24.   La Cour a déjà élaboré une jurisprudence bien définie sur les relations entre les garanties en cause. D’après cette jurisprudence, la liberté de circulation énoncée en termes généraux à l’article 18 CE trouve une expression spécifique dans les articles 39 CE, 43 CE et 49 CE (6). C’est pourquoi la Cour s’appuie en premier lieu sur ces garanties plus spécifiques et ne se réfère à la liberté générale de circulation des citoyens de l’Union que si les dispositions plus spéciales ne s’appliquent pas (7). La Cour respecte cet ordre de priorité dans son analyse même lorsque la question se rapporte expressément en première ligne à la citoyenneté de l’Union (8).

25.   Mis à part des considérations systématiques à caractère général, l’examen prioritaire des libertés fondamentales spécifiques se justifie également par le fait que la liberté de circulation s’entend sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application. Il convient donc d’examiner d’abord la deuxième question. Ce n’est que si la liberté d’établissement n’est pas applicable en l’espèce qu’il faudra aborder la première question relative à l’interprétation de l’article 18 CE.

26.   Indépendamment du point de savoir quelles dispositions sont d’application, il faut rappeler tout d’abord que, même si la fiscalité directe relève en l’état actuel du droit communautaire de la compétence des États membres, ces derniers doivent néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit communautaire (9).

B –    Sur la deuxième question préjudicielle

27.   Conformément à l’article 43, second alinéa, CE, la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 48, second alinéa, CE, sur le territoire d’un autre État membre.

28.   Par sa deuxième question, le Gerechtshof te Arnhem voudrait savoir si la liberté d’établissement peut être invoquée lorsque, au moment du transfert du domicile, on ne sait pas encore si l’intéressé exercera une activité économique indépendante dans l’État membre dans lequel il s’établit. La juridiction de renvoi soulève encore la question de l’importance qu’il faut attacher à une activité économique qui est entamée à une date ultérieure. Elle se réfère à cet égard à l’exploitation agricole que N a reprise, alors que quelque cinq ans déjà s’étaient écoulés depuis son départ des Pays-Bas pour la Grande-Bretagne.

29.   N considère toutefois que ce n’est pas là sa seule activité économique. Selon lui, sa qualité d’associé unique dans trois entreprises relève également de la notion d’activité au sens de l’article 43 CE. Cet argument doit être examiné en premier lieu, sans qu’il soit besoin pour l’heure de s’attarder à la prise en charge ultérieure de l’exploitation agricole.

1.      La détention de participations sociales prise en tant qu’activité économique au sens de l’article 43 CE

30.   À l’appui de sa thèse selon laquelle la détention de participations dans des entreprises constitue une activité économique pertinente aux fins de la liberté d’établissement, N renvoie à l’arrêt Baars (10), dans lequel la Cour a défini la liberté d’établissement comme suit:

«En effet, il ressort de l’article 52, second alinéa, du traité [devenu article 43, second alinéa, CE] que la liberté d’établissement comporte la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés, dans un État membre par un ressortissant d’un autre État membre. Exerce ainsi son droit d’établissement le ressortissant d’un État membre qui détient dans le capital d’une société établie dans un autre État membre une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d’en déterminer les activités.»

31.   Il n’en résulte cependant que la liberté de constituer ou d’acquérir une entreprise dans un autre État membre et de diriger cette entreprise à partir du lieu de son siège. Ce droit est mis en cause lorsque l’entreprise elle-même – par exemple en cas de déplacement de son siège social – se voit imposer des restrictions ou lorsque l’exercice des fonctions de direction se trouve entravé. Il s’oppose également à des restrictions qui rendent plus difficile pour un investisseur d’acquérir une participation déterminante dans une entreprise ayant son siège dans un autre État membre et d’exercer ainsi une activité économique par le truchement de cette entreprise.

32.   De telles entraves ne sont cependant pas en cause en l’espèce. Il n’y a pas de lien entre la mesure litigieuse et l’activité économique que N poursuit par le biais des entreprises établies dans les Antilles néerlandaises. Le fait générateur de l’imposition est en effet constitué ici par le déplacement du domicile (privé) de N Or, on ne saurait déduire de la définition précitée de la Cour que cette opération relèverait du champ d’application de la liberté d’établissement.

33.   Il serait certes concevable de considérer la détention de participations dans des entreprises comme une activité économique distincte et différente de celle d’un entrepreneur. Cette activité pourrait le cas échéant être considérée comme exercée par N à partir de son domicile au Royaume-Uni.

34.   La mesure dans laquelle la simple détention de parts sociales constitue une activité économique a déjà été évaluée par la Cour dans le cadre du droit de la concurrence et au regard de l’application de la sixième directive sur la TVA. Dans le récent arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (11), elle a déclaré que la simple détention de participations, combinée à l’exercice de droits sociaux et à la perception de dividendes, ne constituait pas une activité économique susceptible de faire de l’associé une entreprise au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. En revanche, il en irait tout autrement si le détenteur de la participation s’immisce directement ou indirectement dans la gestion de l’entreprise. La Cour avait d’ailleurs jugé auparavant déjà que la détention de participations n’était pas une activité économique soumise à la TVA (12).

35.   Un recours par analogie à ces critères ne permettra d’appliquer la liberté d’établissement que si N exerce une influence sur la gestion de l’entreprise de par sa seule qualité d’associé et depuis son domicile en Grande-Bretagne. Les indications fournies par la juridiction de renvoi et par les intéressés ne nous renseignent pas à ce sujet. L’hypothèse paraît cependant démentie par le fait que, d’après les constatations contenues dans la demande de décision préjudicielle, la gestion effective des sociétés est assurée aux Antilles néerlandaises et non en Grande-Bretagne. Par ailleurs, N ne semble occuper aucune fonction dans les organes de direction des sociétés.

36.   Même si nous considérons le simple fait de détenir des participations comme une activité économique, il reste que le départ du pays entraîne également un déplacement du domicile privé. Pour délimiter les champs d’application de la liberté d’établissement et de la liberté générale de circulation des citoyens de l’Union (article 18, paragraphe 1, CE), il faut donc vérifier si N a transféré son domicile pour exercer une activité économique au Royaume-Uni ou s’il a fait usage de sa liberté de circulation indépendamment de toute activité économique (13). Bien que l’examen doive porter prioritairement sur la liberté d’établissement, cette dernière devrait cependant céder le pas si l’activité économique n’était que le corollaire du changement de résidence.

37.   Une personne physique qui transfère son domicile dans un autre État membre emporte en général des biens meubles avec elle. Les dispositions restreignant la liberté de circulation entravent donc indirectement le transfert de ces biens. Pourtant, ce n’est pas à l’aune de la libre circulation des marchandises que de telles situations doivent être mesurées en premier lieu, car leur composante essentielle est constituée par l’exercice de la liberté de circulation des personnes (14).

38.   La juridiction de renvoi a par ailleurs fort justement évité d’examiner le régime fiscal applicable en cas de transfert du domicile dans un autre État membre au regard de la libre circulation des capitaux. En effet, ainsi que la Cour l’a récemment déclaré, le simple transfert du domicile n’entraîne pas automatiquement et à lui seul un transfert de capitaux (15). En toute hypothèse, un éventuel transfert de capitaux doit céder le pas devant l’exercice de la liberté de circulation des personnes.

39.   Le même raisonnement s’applique au rapport entre la liberté d’établissement et la liberté générale de circulation. Lorsqu’une personne physique transfère son domicile dans un autre État membre en emmenant avec elle ses biens constitués par des titres de sociétés, c’est avant tout la liberté de circulation au titre de l’article 18 CE qu’elle exerce. C’est à titre simplement accessoire que l’activité économique éventuellement liée à la détention des titres se trouvera affectée.

40.   En revanche, l’activité économique que N poursuit par le truchement de ses participations se concentre au lieu d’établissement de ses entreprises. La thèse défendue par N conduirait à une multiplication artificielle des établissements en ajoutant au siège de l’entreprise les domiciles privés des associés. De surcroît, N pourrait fort bien avoir des résidences dans plusieurs États membres. Celles-ci constitueraient également autant d’établissements commerciaux venant s’ajouter au siège antillais de l’entreprise.

41.   Les arrêts Daily Mail (16), ICI (17) et X et Y (18) invoqués par N ne contredisent nullement ces constatations. Ces affaires ne concernaient pas des personnes physiques, mais des sociétés de capitaux. Comme ces dernières ne poursuivent en règle générale que des objectifs économiques, leur situation est différente de celle de personnes physiques, pour lesquelles le domicile est utilisé avant tout à des fins privées. À la différence des personnes physiques, les sociétés de capitaux ne peuvent en outre pas se prévaloir de la citoyenneté de l’Union. En cas de transfert du siège d’une telle société, le seul point de rattachement est constitué par l’activité économique et donc par l’exercice de la liberté d’établissement.

42.   Les constatations faites par la Cour dans son arrêt De Lasteyrie du Saillant ne font pas non plus obstacle à cette conclusion. La Cour, qui ne disposait pas d’informations détaillées sur l’activité économique de l’intéressé, a en effet fondé sa décision exclusivement sur le fait que, pour la juridiction de renvoi, la liberté d’établissement s’appliquait au litige dont elle était saisie (19). La question de la forme prise par l’activité économique de l’intéressé à l’époque n’a donc pas été abordée. Partant, la Cour n’a pas eu à prendre position sur le point de savoir si le départ pour un autre pays d’une personne physique n’ayant d’autre activité économique que la détention de participations dans des entreprises doit être apprécié par priorité au regard de la liberté d’établissement ou au regard de la liberté générale de circulation.

2.      La possibilité de se prévaloir de la liberté d’établissement à l’encontre de l’État de départ lorsqu’un laps de temps relativement long s’est écoulé entre l’émigration et le début de l’activité économique

43.   La juridiction de renvoi soulève en substance la question de savoir si la liberté d’établissement peut être invoquée lorsque, au moment du départ, l’engagement d’une activité économique dans l’État de destination n’était pas prévisible et que cette activité n’a de fait été entamée que bien plus tard.

44.   L’article 43 CE s’oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice par les ressortissants communautaires de la liberté d’établissement garantie par le traité (20).

45.   Or, il est de jurisprudence constante que la liberté d’établissement a deux objectifs: d’une part, elle assure le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil et interdit à ce dernier d’entraver l’exercice d’une activité économique indépendante par des ressortissants d’autres États membres; d’autre part, elle interdit à l’État membre d’origine de faire obstacle à l’établissement de ses ressortissants dans un autre État membre (21).

46.   Dans la situation visée en premier lieu, les obligations de l’État membre d’accueil s’appliquent au plus tard à partir du moment où un ressortissant d’un autre État membre veut y exercer une activité économique indépendante. Le temps que l’intéressé a déjà passé à cette date dans l’État membre d’accueil est dépourvu d’importance.

47.   Cependant, c’est du deuxième cas de figure qu’il s’agit dans la procédure au principal. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi soulève tout d’abord la question de savoir si la liberté d’établissement ne peut être invoquée que lorsque l’activité économique indépendante est déjà engagée ou que son début est prévisible.

48.   Il faut observer d’emblée que la date du départ précède généralement celle de l’établissement dans l’État membre d’accueil. Si, comme l’ont soutenu les gouvernements allemand et néerlandais, l’article 43 CE n’ouvrait en principe aucun droit avant le début de l’établissement, il serait pratiquement exclu d’invoquer la liberté d’établissement contre les mesures restrictives imposées au départ du pays, ce qui est clairement contraire à la jurisprudence que nous avons citée (22).

49.   D’ailleurs, la Cour a déjà constaté que, à l’instar de l’article 39 CE, l’article 43 CE s’applique dès avant l’engagement d’une activité économique; ces dispositions garantissent notamment qu’un ressortissant d’un État membre puisse se rendre dans un autre État membre et y séjourner à la recherche d’un emploi salarié ou non salarié (23).

50.   La possibilité de se prévaloir de la liberté d’établissement à l’encontre de l’État d’origine en cas de départ de cet État ne saurait donc être subordonnée à l’existence d’un établissement dans l’État membre d’accueil. Au contraire, il importe dans une telle situation de tenir également compte en principe de ce que peut apporter l’avenir.

51.   Cependant, pour éviter que le champ d’application de la liberté d’établissement ne devienne trop diffus, il faut que, dans une telle situation d’anticipation, on puisse constater, sur la base de critères objectifs, l’existence d’un lien concret entre la mesure litigieuse et l’engagement d’une activité indépendante. Pour qu’il y ait un tel lien, il peut suffire par exemple que la mesure nationale revête le caractère d’une réglementation professionnelle (24).

52.   Par contre, si l’on a affaire, comme dans le cas des prescriptions fiscales néerlandaises litigieuses, à des dispositions générales qui ne réglementent pas l’accès à une activité professionnelle indépendante ou son exercice, le lien avec la liberté d’établissement doit être établi par d’autres voies. Ainsi que les gouvernements allemand et néerlandais l’ont observé à juste titre, il faudra alors que, au moment où l’intéressé invoque la liberté d’établissement, il y ait des indices concrets de l’engagement d’une activité indépendante dans un autre État membre. Une simple possibilité hypothétique que cela arrive un jour ne suffira pas pour se prévaloir de la liberté d’établissement.

53.   Les éléments concrets établissant l’engagement imminent d’une activité économique indépendante et le laps de temps nécessaire à cette fin ne peuvent être déterminés en termes généraux, car ils dépendent des circonstances de l’espèce. Il résulte cependant de toute manière de la demande de décision préjudicielle que, aucun élément de ce genre n’était apparu au moment du départ de N en 1997.

54.   Les dispositions fiscales litigieuses ont toutefois pour particularité de ne pas se contenter de frapper des personnes comme N une seule fois, par l’impôt imposé au moment du départ. Elles prolongent au contraire leurs effets sur une période qui peut aller jusqu’à dix ans. Pendant ce temps, la dette fiscale dont le paiement a été suspendu poursuit une existence latente; avant la nouvelle réglementation, il fallait même fournir une garantie. Enfin, l’impôt devra être payé si les participations sont vendues dans les dix ans à compter du départ.

55.   Ces effets du régime fiscal applicable en cas de départ du territoire national ont continué d’entraver N lorsqu’il a voulu entamer une activité indépendante. Ainsi n’a-t-il par exemple initialement pas pu disposer d’une partie de ses biens, puisqu’ils avaient été fournis en garantie. En conséquence, lorsqu’il a entrepris une activité économique indépendante en 2002 au Royaume-Uni, N pouvait invoquer la liberté d’établissement, y compris à l’encontre de son État d’origine.

56.   Il est vrai que, au moment de la fixation de l’impôt, l’administration fiscale néerlandaise n’était pas encore en position de tenir compte du futur exercice de la liberté d’établissement. Elle aurait cependant pu supprimer les effets des mesures litigieuses à compter de la date à laquelle il a effectivement été fait usage de la liberté d’établissement. Elle serait même tenue de le faire s’il apparaissait que ces mesures restreignent cette liberté de façon injustifiée.

57.   Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question préjudicielle dans le sens suivant: la liberté d’établissement consacrée à l’article 43 CE n’est pas rendue applicable par le seul fait que l’associé unique d’une société de capitaux, une personne physique, transfère son domicile privé d’un État membre dans un autre. Un ressortissant d’un État membre peut cependant se prévaloir de l’article 43 CE à l’encontre de son État membre d’origine s’il quitte ce dernier et si, au moment où il invoque cette liberté fondamentale, des éléments concrets indiquent qu’il entamera une activité économique indépendante dans un autre État membre. L’article 43 CE peut être opposé à l’État membre d’origine pendant toute la période où la mesure faisant grief prise par cet État à l’occasion du départ de l’intéressé produit des effets et entrave l’établissement dans l’État membre d’accueil.

C –    Sur la première question du renvoi

58.   Par cette question, le Gerechtshof te Arnhem voudrait savoir si un ressortissant d’un État membre qui transfère son domicile de son pays d’origine dans un autre État membre peut se prévaloir de l’article 18 CE à l’encontre de son État d’origine, au motif que l’impôt fixé à l’occasion de son départ constitue ou peut constituer une entrave à ce changement de domicile.

59.   Compte tenu de la réponse proposée à la deuxième question, cette question garde son importance. En effet, s’il est vrai que la situation doit être examinée par priorité au regard de la liberté d’établissement, cette liberté n’est cependant applicable qu’à partir de l’engagement d’une activité économique au Royaume-Uni. Avant cela, seule l’application de la liberté générale de circulation des citoyens de l’Union peut être envisagée.

60.   L’article 18, paragraphe 1, CE reconnaît aux citoyens de l’Union «le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application».

61.   Selon la juridiction de renvoi, la présente affaire se distingue de celles traitées dans la jurisprudence par le fait que les obstacles éventuels au séjour ne trouvent pas leur source dans l’État membre d’accueil, comme dans les affaires D’Hoop (25) et Lindfors (26). D’autre part, l’émigration de N a mis fin à la relation économique avec l’État d’origine, telle qu’elle existait dans l’affaire Pusa (27).

62.   N et la Commission pensent que l’article 18 CE consacre un droit général de libre circulation que les citoyens de l’Union peuvent faire valoir à l’encontre de restrictions imposées par l’État membre d’origine. Cette thèse est combattue avant tout par le gouvernement allemand. Selon ce dernier, l’article 18 CE énonce simplement un droit de circulation et de séjour au sens strict, sans contenir d’interdiction générale de restriction.

63.   La Cour souligne de façon constante dans sa jurisprudence que le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (28).

64.   Dans son arrêt Pusa, la Cour a constaté qu’un citoyen de l’Union ayant fait usage de son droit de libre circulation, au titre de l’article 18 CE, ne doit pas faire l’objet de la part de son État d’origine d’un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s’il n’avait pas fait usage de ce droit. Il faut en effet éviter que l’intéressé ne soit dissuadé d’avoir recours au droit de séjour garanti par l’article 18 CE (29). Selon la Cour, une réglementation nationale pénalisant l’exercice de la libre circulation serait contraire aux principes qui sous-tendent le statut de citoyen de l’Union, à savoir la garantie d’un même traitement juridique dans l’exercice de sa liberté de circuler (30).

65.   Pour les libertés fondamentales classiques, la Cour de justice a le plus souvent qualifié de restrictions ces inégalités de traitement entre situations transfrontalières et situations strictement internes (31). Nombreux sont les éléments qui plaident en faveur de la thèse que de telles mesures constituent également une restriction interdite lorsqu’elles entrent dans le champ d’application de l’article 18 CE (32). L’article 18, paragraphe 1, CE constitue donc l’aune à laquelle il faut évaluer toutes les mesures qui entravent le droit du citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement dans d’autres États membres (33) ou qui constituent un obstacle susceptible de le dissuader de faire usage de ce droit (34).

66.   Il est en tout cas certain que les États membres n’ont pas le droit de faire obstacle à l’exercice par leurs ressortissants de la liberté de circulation garantie par l’article 18 CE en associant à cet exercice des conséquences désavantageuses qui ne se produiraient pas s’ils restaient dans le pays (35).

67.   Cette jurisprudence montre par ailleurs que, contrairement aux allégations du gouvernement allemand, l’article 18 CE n’englobe pas seulement les restrictions au droit d’entrer sur le territoire, d’y résider ou de le quitter au sens strict (36). La liberté de circulation des citoyens de l’Union est en effet une liberté fondamentale, qui est d’interprétation extensive (37). L’article 18 CE serait privé d’effet utile s’il ne lui restait que ce champ d’application restreint, à l’exclusion d’autres réglementations susceptibles de faire obstacle à la liberté de circulation (38).

68.   Il reste à déterminer dans quelle mesure l’application de l’article 18 CE vis-à-vis de l’État d’origine exige la persistance d’un lien économique avec cet État.

69.   Dans l’affaire Pusa, l’intéressé avait continué de percevoir une pension de son État d’origine, la République de Finlande, après avoir déménagé en Espagne. En Finlande, une fraction de ce revenu était protégée contre la saisie. Le montant protégé était calculé en tenant compte de l’impôt sur le revenu dû à l’intérieur du pays, mais non de celui dû en Espagne. La réglementation nationale se basait donc sur un fait interne, à savoir la saisie de la pension versée en Finlande. Cependant, dans cette hypothèse aussi, il n’y avait plus de relation d’emploi actif dans l’État d’origine.

70.   C’est précisément aux citoyens de l’Union qui ne sont pas économiquement actifs que l’article 18 CE reconnaît un droit de libre circulation (39). Cela va à l’encontre de la thèse qui subordonne la possibilité d’invoquer la liberté de circulation à l’encontre de l’État d’origine à l’existence d’un lien économique actuel.

71.   La mesure doit cependant continuer de faire grief au citoyen de l’Union au moment où ce dernier veut opposer l’article 18 CE à son État d’origine. Ce grief peut certes être économique, mais il peut également résulter d’autres désavantages faisant obstacle au départ.

72.   L’imposition litigieuse se fonde sur des circonstances nées pendant le séjour de N aux Pays-Bas, à savoir l’apparition d’une plus-value sur des participations substantielles. L’impôt est fixé avec effet rétroactif à la date immédiatement antérieure au départ. Les conséquences de la fixation de l’impôt perdurent toutefois pendant une période qui peut aller jusqu’à dix ans après le départ (40). N continue donc d’être affecté par la mesure nationale litigieuse, qui n’a été prise que parce qu’il a exercé sa liberté de circulation.

73.   Il y a donc lieu de répondre à la première question qu’un ressortissant d’un État membre qui transfère son domicile de son État d’origine dans un autre État membre peut se prévaloir à l’encontre de l’État d’origine de la liberté de circulation garantie par l’article 18, paragraphe 1, CE lorsqu’une mesure fiscale prise à l’occasion de son départ le pénalise par rapport à des redevables nationaux qui n’ont pas fait usage de leur liberté de circulation.

D –    Sur les troisième et cinquième questions

74.   Les troisième et cinquième questions visent en substance à déterminer si et dans quelles conditions il faut considérer comme contraires aux articles 18 CE et 43 CE des mesures comme la fixation – en cas d’émigration – de l’impôt litigieux sur les plus-values non encore réalisées sur des participations substantielles. Tel serait le cas si ces mesures restreignaient de façon injustifiée l’exercice de la liberté de circulation.

1.      Restriction

75.   Pour évaluer les effets des dispositions néerlandaises litigieuses, il faut distinguer entre la situation juridique en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2004 et celle qui s’est appliquée à partir de 2005. Dans un premier temps, il convient d’évaluer les conséquences que la fixation de l’impôt intervenant en cas d’émigration peut avoir dans les conditions actuellement en vigueur. En une deuxième étape, il conviendra d’aborder d’autres éléments – en particulier, l’obligation de constituer une garantie – qui aggravaient encore les effets de la fixation de l’impôt, et ce jusqu’à ce que le droit applicable ait été modifié.

76.   Dans son arrêt De Lasteyrie du Saillant, la Cour a déjà constaté qu’est de nature à entraver l’exercice de la liberté d’établissement une réglementation prévoyant l’imposition des plus-values latentes du seul fait qu’un redevable transfère son domicile à l’étranger (41). Elle discrimine en effet ceux qui ont fait usage de leur liberté de circulation par rapport aux redevables qui ont leur domicile dans le pays. Tandis que, pour ces derniers, l’impôt frappant la plus-value tirée d’une participation substantielle n’est fixé qu’après la cession des titres, dans le cas de N, la même imposition est fixée dès son départ.

77.   L’inégalité de traitement de ceux qui ont fait usage de leur liberté de circulation viole également l’article 18 CE (42).

78.   Il est vrai que N est tenu de payer l’impôt en question non pas de suite, mais seulement s’il vend sa participation dans un délai de dix ans à compter de l’émigration (43). Mis à part ce délai plus long, la réglementation néerlandaise ne diffère cependant pas sensiblement de la réglementation française. Même prise isolément, la fixation de l’impôt au moment du départ constitue une charge pesant uniquement sur ceux qui font usage de leur liberté de circulation.

79.   La déclaration fiscale exigée dans ce contexte est une formalité supplémentaire, qui est de nature à entraver le départ (44). Certes, ainsi que le gouvernement néerlandais l’a observé, un redevable établi dans le pays pourra lui aussi être à un moment ou à un autre appelé à présenter une déclaration fiscale relative à la plus-value tirée d’une participation substantielle. Toutefois, selon toute apparence, cette obligation ne s’applique au redevable national que, au moment de la cession effective de sa participation. S’il garde ses titres, il n’est pas tenu de fournir de déclaration fiscale sur la plus-value latente (non encore réalisée).

80.   Deux autres aspects étaient encore à prendre en compte, au moins jusqu’à la modification de la réglementation en 2004. En premier lieu, le sursis au paiement de l’impôt fixé en cas d’émigration n’était accordé que contre constitution d’une garantie. La Cour a déjà déclaré, au sujet d’une mesure analogue, qu’elle entraînait un renforcement de l’effet restrictif de l’imposition (45).

81.   En deuxième lieu, les moins-values survenues après le départ n’étaient initialement pas prises en compte pour réduire la dette fiscale. De la sorte, l’impôt sur la plus-value fictive fixé au moment de l’émigration et échu à l’occasion d’une cession ultérieure des titres pouvait quelquefois dépasser celui qu’il aurait fallu payer si la cession avait été effectuée à la même date dans le pays d’origine. En effet, dans le pays d’origine, l’impôt aurait été perçu sur la plus-value effectivement réalisée au moment de la cession (laquelle plus-value pouvait être moins élevée).

82.   La réforme de la réglementation en 2004 a apporté des améliorations sur ces deux points. Nous verrons dans le cadre de la réponse à la quatrième question si la restriction a été complètement éliminée par la libération de la garantie qui a fait suite à cette réforme.

83.   Il est impossible de se prononcer de façon concluante sur le point de savoir si la modification de l’article 26, paragraphe 5, de l’IW permet d’assurer une parfaite égalité de traitement en ce qui concerne les moins-values survenant après le départ du pays. Cette disposition prévoit l’application à la dette fiscale dont le paiement avait été suspendu d’un dégrèvement égal à un quart de la différence entre la valeur au moment de l’émigration et la valeur au moment de la cession. Partant, la cession effectuée dans le pays d’origine et celle effectuée à l’étranger ne donneraient lieu à une imposition identique que si le taux d’imposition était égal à 25 %. Le dossier ne dit pas si tel est bien le taux dans tous les cas. Il serait également permis de nourrir certains doutes si le dégrèvement fiscal était laissé à la discrétion de l’administration (46).

84.   Il appartient à la juridiction nationale, seule compétente pour l’interprétation du droit national, de déterminer si les dispositions applicables à l’émigration vers un autre État membre peuvent, lorsque les plus-values effectivement réalisées sont d’un même montant, entraîner une imposition égale à celle qui s’appliquerait dans un cas de figure comparable, mais à caractère strictement interne (47).

85.   Enfin, N voit une discrimination dans le fait que la décision litigieuse prévoit le paiement d’intérêts «fiscaux». Ces intérêts sont dus lorsque plus de quinze mois s’écoulent entre la période d’imposition et la date de fixation de l’impôt. Ils doivent être distingués des intérêts «d’exécution», qui courent pendant le laps de temps séparant l’adoption de la décision d’imposition du paiement de l’impôt. Ces intérêts «d’exécution» ne s’appliquent pas en l’espèce, car il a été sursis au paiement.

86.   Les intérêts «fiscaux» sont la conséquence normale de l’adoption d’une décision d’imposition. Comme la juridiction de renvoi le souligne à juste titre, ils n’ajoutent rien à l’entrave à la libre circulation résultant de l’imposition appliquée en raison du départ du pays. À l’instar des autres éléments de la dette fiscale, les intérêts «fiscaux» ne sont dus que si la participation est cédée dans les dix ans à compter de l’expatriation. Si elle était effectuée à l’intérieur du pays, la cession entraînerait également la délivrance d’un avis d’imposition et l’application d’intérêts «fiscaux», suivant les mêmes modalités.

87.   Cependant, pour que la perception des intérêts «fiscaux» ne pénalise pas l’émigrant, il faut, d’une part, réduire les intérêts exigés à proportion de la remise partielle de la dette fiscale, lorsque celle-ci est accordée au titre de l’article 26, de l’IW. Il faut, d’autre part, qu’il n’y ait pas de différence significative dans la durée des procédures selon que l’impôt est fixé à l’occasion du départ pour l’étranger ou à l’occasion de la cession des titres dans le pays, car une telle différence entraîne en règle générale la perception d’intérêts plus élevés dans le cadre des situations transfrontalières.

2.      Justification

88.   Une réglementation nationale qui restreint la liberté d’établissement n’est valide que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et si elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. Elle doit en outre être propre à atteindre le but poursuivi, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (48). Les mêmes critères s’appliquent à la justification de l’atteinte portée à la liberté de circulation des citoyens de l’Union (49).

a)      Raisons impérieuses d’intérêt général

89.   Il convient en un premier temps d’examiner si les dispositions litigieuses sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général. La juridiction de renvoi fait valoir que, au vu de la genèse de leur adoption, les dispositions relatives au régime fiscal applicable en cas d’expatriation poursuivraient deux objectifs. Elles entendraient, d’une part, assurer une imposition cohérente, sur la base du principe de territorialité, des plus-values sur participation substantielle apparues pendant le séjour dans le pays. Elles viseraient, d’autre part, à prévenir les transferts de domicile motivés par des raisons purement fiscales.

90.   Les gouvernements qui sont intervenus à la procédure ont souligné avant tout que le régime fiscal applicable en cas d’expatriation garantirait une répartition des recettes fiscales qui est à la fois équitable et conforme au principe de territorialité. Comme autres justifications, ils ont également fait valoir le respect de la cohérence du système fiscal et l’efficacité des contrôles fiscaux.

–       La répartition du pouvoir d’imposition suivant le principe de territorialité

91.   Comme nous l’avons vu, c’est aux États membres qu’incombe en l’état actuel du droit communautaire la perception des impôts directs (50). Ils peuvent en particulier déterminer les faits imposables. Faute d’harmonisation par le droit communautaire, il leur appartient également de fixer les critères de répartition de leurs compétences fiscales en concluant des conventions de double imposition ou en adoptant des mesures unilatérales (51). L’article 293, deuxième tiret, CE les invite expressément à engager des négociations en vue d’éliminer la double imposition à l’intérieur de la Communauté.

92.   Dans son arrêt Marks & Spencer, la Cour a constaté que la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres est un objectif légitime, qui peut justifier de restreindre la liberté d’établissement (52). Le principe de territorialité (53) – consacré par le droit fiscal international et reconnu par le droit communautaire – peut à cet égard servir de principe directeur, sur lequel les États membres doivent se fonder dans le cadre de la répartition des pouvoirs d’imposition.

93.   Il n’y a cependant pas de définition précise du principe de territorialité. Ce principe a notamment pour conséquence pratique que, en règle générale, les États ne peuvent assujettir à l’intégralité de leur système fiscal que les personnes établies sur leur territoire, tandis qu’ils devront imposer les revenus de source nationale versés à des personnes établies à l’étranger dans le cadre du régime d’assujettissement partiel.

94.   Le principe de territorialité a également trouvé un écho dans les modèles de convention élaborés par l’OCDE, sur la base desquels les États membres peuvent se répartir le pouvoir d’imposition de façon rationnelle (54). C’est ainsi que, sauf certaines exceptions qui sont dépourvues de pertinence en l’espèce, les gains réalisés à l’occasion de la cession de biens sont imposés, conformément à l’article 13, paragraphe 5, de la convention modèle de l’OCDE concernant le revenu et la fortune, dans l’État contractant dont le cédant est un résident. C’est conformément à ce principe que l’article 13, paragraphe 4, de la convention préventive de double imposition conclue entre les Pays-Bas et le Royaume-Uni en 1980 (55) répartit le pouvoir d’imposition.

95.   Par dérogation, l’article 13, paragraphe 5, de cette même convention (56) permet à chaque État contractant d’imposer, sur la base de ses propres dispositions fiscales, les cessions de biens effectuées par une personne établie dans l’autre État contractant, mais qui a résidé sur le territoire du premier État à un moment quelconque des cinq années immédiatement antérieures à la date de la cession.

96.   À première vue, la convention préventive de double imposition semble tolérer ici une rupture avec le principe de territorialité. Si nous nous en tenons à son libellé, les Pays-Bas pourraient imposer le gain tiré d’une cession pendant cinq ans encore après l’émigration. Indépendamment du point de savoir si la convention doit véritablement être interprétée de cette façon, force est de constater que les dispositions néerlandaises litigieuses ne vont pas aussi loin. Elles prévoient simplement le recouvrement, en cas de cession, de l’impôt sur les plus-values enregistrées dans le pays, dont le montant a été liquidé au moment du départ et dont le paiement a été suspendu.

97.   Les dispositions néerlandaises appliquent donc bien un critère de territorialité, qu’elles associent à un élément temporel, à savoir le séjour sur le territoire national pendant la période où le gain imposable est apparu. Ainsi, même si l’impôt ne vient à échéance qu’à un moment où le redevable ne réside plus aux Pays-Bas, le régime fiscal applicable en cas d’émigration peut néanmoins être mis en harmonie avec le principe de territorialité.

98.   Au demeurant, sous réserve de respecter la cohérence fiscale et d’éviter les doubles impositions illicites, les États membres sont libres de déterminer la façon dont ils entendent faire jouer les éléments temporels et territoriaux aux fins de la répartition des pouvoirs d’imposition.

99.   L’écart entre le délai de cinq ans dans la convention préventive de double imposition et le délai de dix ans prévu par le droit national n’est pas de nature à modifier l’appréciation des dispositions légales au regard du droit communautaire (57). La contradiction devra le cas échéant être levée sur la base du droit national (58).

100. L’appréciation que nous portons ici sur le régime fiscal appliqué en cas d’émigration semble à première vue contredire l’arrêt De Lasteyrie du Saillant. Dans ce dernier, la Cour a rejeté une justification fondée sur la volonté de préserver la répartition du pouvoir d’imposition (59). Les dispositions litigieuses dans cette affaire visaient en effet, d’après le gouvernement français, exclusivement à prévenir l’évasion fiscale et n’entendaient nullement «assurer de manière générale l’imposition des plus-values, en cas de transfert du domicile d’un contribuable hors de France, pour autant qu’il s’agit de plus-values acquises lors du séjour de ce dernier sur le territoire français» (60).

101. Les dispositions néerlandaises ne visent quant à elles pas seulement à prévenir l’évasion fiscale. Elles veulent également permettre la perception effective des impôts néerlandais, conformément à la façon dont les pouvoirs d’imposition ont été licitement répartis entre les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Si les impôts n’étaient pas fixés avant le départ pour l’étranger, le gain réalisé pendant le séjour aux Pays-Bas devrait en effet être déterminé a posteriori. Or, selon la date de la cession, il se pourrait que cette détermination doive intervenir encore plusieurs années après, ce qui ne manquerait pas d’entraîner des difficultés pratiques notables, ainsi que le gouvernement allemand le souligne à juste titre.

–       Cohérence du système fiscal

102. D’après la jurisprudence, la justification fondée sur la volonté de préserver la cohérence du régime fiscal exige qu’il y ait un lien direct entre l’octroi d’un avantage fiscal et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal (61). Il y a par conséquent lieu de considérer comme licites en particulier des règles qui évitent qu’un même revenu ne soit imposé plusieurs fois ou pas du tout (62).

103. Les gouvernements allemand et néerlandais observent que la fixation de l’impôt au moment du départ vise à prévenir un avantage injustifié. En l’absence des dispositions litigieuses, cet avantage pourrait se produire lorsque l’État d’origine n’est plus en mesure, en cas de cession ultérieure, d’imposer les gains constatés jusqu’à la date du départ et que, simultanément, l’État d’accueil ne peut imposer les gains nés avant l’entrée sur son territoire.

104. Théoriquement, le législateur néerlandais aurait également pu donner à l’impôt en question la forme d’un impôt périodique sur les plus-values non réalisées, dû à la fin de chaque exercice fiscal. Il affirme cependant avoir décidé de reporter l’imposition jusqu’à la date à laquelle les plus-values sont réalisées par la cession des titres. Ce report s’entendrait cependant sous condition que l’imposition soit effectivement possible au moment de la cession.

105. Pour apprécier l’argument de la cohérence, il convient de rappeler tout d’abord l’arrêt X et Y (63), relatif à une réglementation dont l’objectif était analogue celui des présentes règles fiscales applicables en cas d’émigration. Les dispositions en cause dans cette affaire prévoyaient l’imposition de la plus-value sur des actions détenues dans une société établie sur le territoire national, à l’occasion de la cession de ces actions à une société contrôlée par le même associé, mais ayant son siège à l’étranger. L’imposition visait à garantir que la participation ne soit pas transférée à l’étranger sans que la plus-value latente ait été imposée. La Cour a envisagé dans cette affaire de faire jouer la justification pour des raisons de cohérence du système fiscal et, si elle a finalement rejeté cet argument, c’est uniquement parce que l’imposition immédiate n’était pas le moyen le moins contraignant (64).

106. Le fait est qu’en l’espèce la cohérence du régime fiscal ne serait plus garantie si le départ pour l’étranger rendait impossible la perception de l’impôt sur la fraction de la plus-value qui est née pendant le séjour dans l’État d’origine. Sur ce point, les préoccupations de cohérence fiscale et de répartition du pouvoir d’imposition sur la base du principe de territorialité se recoupent.

107. La cohérence du système fiscal néerlandais résulte également du fait que, pour les redevables s’établissant sur le territoire national, la plus-value réalisée sur une participation substantielle est imposée sur le fondement de la valeur de la participation à la date de l’entrée sur le territoire («step-up»). Cette méthode est conforme au principe de territorialité, puisqu’elle ne tient compte que de la plus-value obtenue pendant la durée du séjour sur le territoire national.

108. On ne saurait enfin nier la cohérence des règles néerlandaises au seul motif qu’elles prévoient (65) la défalcation des impôts payés à l’étranger (66). En effet, dès lors que les limites tracées par le droit communautaire sont respectées, les États membres sont libres de renoncer à des créances d’impôt dans certaines circonstances, en particulier dans le cadre d’un rapport de réciprocité établi par voie de convention préventive de double imposition. De telles exceptions partielles sont en réalité favorables à la cohérence, dans la mesure où elles visent à prévenir les doubles impositions. Elles ne nient en aucune façon la créance fiscale et sa mise en œuvre sur un plan général.

–       Prévention de l’évasion fiscale et efficacité des contrôles fiscaux

109. Les dispositions néerlandaises relatives au régime fiscal applicable en cas d’émigration veulent également empêcher les redevables de se soustraire à l’impôt en transférant momentanément leur domicile à l’étranger. Cet objectif est en principe tout aussi légitime (67) que celui de l’efficacité des contrôles fiscaux (68).

b)      Proportionnalité

110. Les mesures doivent en outre répondre au principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elles doivent être propres à atteindre le but qu’elles poursuivent sans excéder ce qui est nécessaire à cette fin (69).

–       Situation juridique initiale

111. Il convient d’examiner tout d’abord la version initiale de la réglementation litigieuse, où le sursis au paiement appelait encore la constitution d’une garantie. Sous cette forme, les mesures litigieuses étaient certes propres à atteindre le but poursuivi, mais elles n’étaient pas nécessaires à cette fin.

112. Il est vrai que la constitution d’une garantie facilite la perception de l’impôt auprès d’un résident étranger. Lorsque, après le départ du pays, la cession des titres rend l’impôt exigible, le fisc peut faire appel à la garantie. Il n’y a de la sorte aucun risque d’évasion et l’efficacité des contrôles fiscaux est assurée. En effet, le souhait de récupérer la garantie le moment venu incitera le redevable à garder le contact avec l’administration fiscale de son État d’origine, même après le transfert de son domicile dans un autre État membre.

113. Il y a cependant des moyens moins contraignants, qui sont moins coûteux pour le redevable et entravent moins l’exercice de la liberté de circulation. La directive 77/799/CEE (70) permet ainsi, d’une part, à un État membre de solliciter des autorités compétentes d’un autre État membre toutes les informations susceptibles de lui permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu (71). D’autre part, la directive 76/308/CEE (72) impose aux États membres de se donner mutuellement assistance lors du recouvrement de créances relatives à certains impôts sur le revenu et sur la fortune.

114. Dans la pratique, ces instruments de coopération peuvent ne pas toujours fonctionner de façon satisfaisante et sans heurts. Les États membres ne sauraient cependant tirer des carences dans la coopération entre leurs administrations fiscales une justification pour restreindre les libertés fondamentales.

115. Il est également injustifiable que, dans leur version initiale, les dispositions litigieuses ne permettent pas de tenir compte de façon adéquate des moins-values apparues après le départ du pays.

–       Nouvelle situation juridique

116. Dans sa version actuelle, le régime fiscal néerlandais applicable en cas d’émigration respecte par contre le principe de proportionnalité. L’entrave résulte uniquement de la fixation de l’impôt en cas de départ. Mais le sursis au paiement de l’impôt est alors accordé sans qu’il soit besoin de constituer une garantie. D’autre part, un dégrèvement est prévu pour tenir compte des moins-values apparues a posteriori.

117. Certes, il serait disproportionné de fixer l’impôt à l’occasion du départ dans le seul but de parer au risque d’évasion fiscale. On ne saurait en effet fonder une présomption générale d’évasion fiscale ou de fraude fiscale sur le fait qu’une personne physique veut transférer son domicile dans un autre État membre (73).

118. Les dispositions litigieuses visent cependant également à assurer une imposition cohérente sur la base du principe de territorialité. Dans le cadre des modalités nouvelles, la fixation de l’impôt ne constitue plus une entrave disproportionnée au départ. Elle est apte à et nécessaire pour effectivement soumettre à l’impôt le gain réalisé en cas de cession ultérieure de la participation substantielle.

119. On ne voit pas de quelle autre façon moins contraignante, et praticable sur les plans juridique et factuel, il serait possible d’imposer la plus-value accumulée à la date du départ. Il ne semble en particulier guère possible que l’État d’origine fixe l’impôt après le départ, à la date de la cession effective.

120. Même s’il était juridiquement possible de ne fixer la part d’impôt revenant aux Pays-Bas qu’a posteriori, à la date de la cession, cela ne constituerait nullement un moyen plus bénin et moins contraignant pour les redevables. En effet, ces derniers seraient tenus de conserver des justificatifs à la fois pour la détermination de la valeur a posteriori et pour établir les coûts déductibles du gain accumulé à la date du départ. En dernière analyse, la fixation provisoire de l’impôt à une date aussi rapprochée que possible est donc également dans l’intérêt du redevable.

121. Enfin, nous soulignons encore une fois que, de par leur objectif et – depuis 2005 – de par leur aménagement, les dispositions néerlandaises se distinguent nettement des dispositions françaises dont la Cour avait eu à connaître dans l’affaire De Lasteyrie du Saillant. Elles visent en effet non pas simplement à prévenir l’évasion fiscale, mais à permettre que la charge fiscale soit imposée de façon cohérente et conforme au principe de territorialité.

122. Depuis la disparition de l’obligation de constituer une garantie, il ne subsiste plus que l’entrave insignifiante résultant de la fixation provisoire de l’impôt. En toute hypothèse, il n’y aura pas de double imposition si (conformément à la méthode «step up») l’État d’accueil ne prétend pas imposer les plus-values nées avant le transfert du domicile. Partant, même en tenant compte de l’arrêt De Lasteyrie du Saillant, les libertés fondamentales ne s’opposent pas à ce que l’imposition des plus-values tirées d’une participation substantielle soit aménagée de la façon prévue par la réglementation néerlandaise en vigueur depuis 2005.

123. Il convient donc de répondre à la troisième et à la cinquième question du renvoi en ce sens que les articles 18, paragraphe 1, CE et 43 CE ne s’opposent pas à une disposition nationale en vertu de laquelle l’impôt sur la plus-value d’une participation substantielle est fixé juste avant le transfert du domicile dans un autre État membre:

–       à condition que le paiement de cet impôt soit suspendu sans autres conditions jusqu’à la cession effective de la participation et

–       à condition que l’impôt effectivement perçu à l’occasion d’une cession intervenant après le départ ne soit pas supérieur à celui qui aurait été perçu dans les mêmes conditions à l’intérieur du pays.

E –    Sur la quatrième question du renvoi

124. Cette question vise en substance à savoir ce que l’État membre doit faire pour éliminer les conséquences potentielles du fait que, en violation du droit communautaire, le paiement de l’impôt ne pouvait initialement être suspendu que contre constitution d’une garantie.

125. Avant de répondre, il faut souligner que la fixation de l’impôt est maintenue et reste, comme nous l’avons vu, parfaitement licite. Le fait qu’elle était initialement associée à l’obligation de constituer une garantie n’affecte pas sa validité. Il faut tracer une distinction très nette entre la fixation de l’impôt, d’une part, et le fait que le sursis de paiement n’était accordé que contre constitution d’une garantie, d’autre part.

126. Selon les constatations faites par la juridiction de renvoi, la garantie exigée en violation du droit communautaire a été libérée. Par ailleurs, l’obligation de constitution de garantie a été supprimée de la réglementation en vigueur. Certes, N conteste que les titres donnés en garantie aient été libérés en bonne et due forme, mais c’est une question qui devra être tranchée par la juridiction de renvoi sur la base du droit national.

127. Il ne reste donc à la Cour qu’à déterminer si la libération de la garantie conduit, pour reprendre les termes employés par la juridiction de renvoi, à lever l’entrave avec effet rétroactif. En substance, cette question revient à demander s’il suffit de libérer la garantie ou si le droit communautaire exige en plus que soient éliminées toutes les conséquences négatives de sa constitution.

128. À cet égard, il faut observer que la constitution d’une garantie peut entraîner des coûts. Si la garantie est déposée en espèces, l’intéressé sera privé des intérêts. Les garanties bancaires entraînent le paiement de commissions. Le dépôt en gage de biens tels que des titres de sociétés peut enfin réduire la confiance dans la solvabilité du redevable, auquel s’appliqueront alors des conditions de crédit moins favorables. De telles conséquences financières ne sont pas compensées par la simple libération de la garantie.

129. Toutefois, selon toute apparence, N ne fait valoir aucune conséquence de ce genre. On pourrait donc soutenir que la quatrième question du renvoi soulève un problème hypothétique, que la Cour n’est pas tenue de trancher. Cependant, nous examinerons rapidement cette question, dans un souci d’exhaustivité.

130. La libération d’une garantie présente certaines similitudes avec la restitution de taxes contraires au droit communautaire. Il est de jurisprudence constante que ses modalités ressortissent au droit national, pour autant qu’elles ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (74).

131. D’après le principe d’équivalence, le fisc néerlandais serait tenu non seulement de libérer la garantie, mais également de rembourser les coûts liés à sa constitution si le droit national le prévoit dans des situations internes comparables. Il ne peut s’ajouter à cela aucun droit supplémentaire, y compris sur la base du principe d’effectivité. L’essentiel est en effet la libération de la garantie elle-même, que le droit national n’a manifestement pas entravée. Le principe d’effectivité n’ouvre pas de droit général à l’élimination de toutes les conséquences préjudiciables.

132. Ainsi la Cour a-t-elle déjà statué que les conséquences accessoires de la restitution de taxes indûment perçues, telles que le versement d’intérêts, sont toutes du ressort du droit national (75). Considérer que le principe communautaire d’effectivité impose aux États membres de compenser tous les inconvénients et toutes les pertes provoqués par une violation du droit communautaire aboutirait au demeurant à tourner les conditions particulières auxquelles la Cour a subordonné la mise en jeu de la responsabilité des États membres pour violation du droit communautaire.

133. Les principes applicables à la responsabilité des États membres pour violation du droit communautaire (76) constituent aussi un point d’ancrage possible pour d’éventuels droits autres que celui à la libération de la garantie. La responsabilité est mise en jeu lorsque trois conditions sont remplies: la règle de droit violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, la violation est suffisamment caractérisée et il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État et le dommage subi par les personnes lésée (77).

134. L’hypothèse qu’il ait pu y avoir une violation suffisamment caractérisée avant le prononcé de l’arrêt De Lasteyrie du Saillant paraît difficile à défendre, puisque la façon dont le régime fiscal applicable en cas d’expatriation doit être appréciée au regard du droit communautaire était encore largement indéterminée avant cette date.

135. Il convient donc de répondre à la quatrième question dans le sens suivant: si un État membre a, en violation du droit communautaire, subordonné le sursis de paiement d’une imposition à la constitution d’une garantie, il pourra être tenu non seulement de libérer la garantie, mais également de dédommager le redevable des frais exposés pour la constituer, dans la mesure où le droit national prévoit une telle possibilité dans des cas comparables. En principe, il peut également y avoir un droit à dédommagement sur le fondement des principes relatifs à la responsabilité des États membres en cas de violation du droit communautaire.

F –    Sur le régime applicable au remboursement des dépens

136. Le dispositif de la demande de décision préjudicielle ne mentionne que les cinq questions reproduites ci-dessus et qui sont toutes relatives aux dispositions fiscales applicables en cas d’émigration. Le problème est de savoir comment interpréter la référence, dans les motifs de la décision de renvoi, à la question soulevée dans l’affaire D., précitée, au sujet de la validité du régime de remboursement forfaitaire des dépens de la procédure.

137. Les termes employés par la juridiction de renvoi («se rallie à la question qui a été posée à cet égard» – en néerlandais: «sluit […] aan») pourraient signifier qu’elle entend également soulever cette question, au moins dans la mesure où elle n’a pas encore été tranchée par l’arrêt D. Cependant, il serait également possible d’interpréter l’ensemble de ce passage en ce sens que, eu égard à la demande de décision préjudicielle dans l’affaire D., la juridiction de renvoi renonce à ce que la Cour examine cette question une nouvelle fois. C’est manifestement cette deuxième option qui a été retenue par tous les intervenants à la procédure, puisque ce point n’a été abordé par aucun d’entre eux.

138. Nous aussi sommes d’avis que la juridiction de renvoi n’entendait pas soulever cette question une nouvelle fois. Nous en voulons pour preuve qu’elle ne fournit ni information ni motifs précis à ce sujet, dans une demande de décision préjudicielle qui est par ailleurs solidement étayée. Au demeurant, elle n’a pas complété sa demande après le prononcé de l’arrêt D., en dépit du fait que la Cour n’y prend pas position sur la question du remboursement des dépens.

139. Dans l’hypothèse où l’on considérerait néanmoins que la question a été soulevée, elle serait à notre avis irrecevable en la forme.

140. Ni l’article 234 CE ni les autres dispositions relatives à la procédure ne fournissent d’indication concrète sur la forme que doit avoir la demande de décision préjudicielle. Il est certes recommandé, mais non obligatoire, de regrouper les questions dans une partie distincte et clairement identifiée de la décision de renvoi (78). D’autre part, lorsque les questions sont formulées de façon imprécise, la Cour a le droit de dégager les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation, compte tenu de l’objet du litige (79).

141. Il faut cependant, en vertu d’une jurisprudence constante, que la juridiction de renvoi définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’elle pose ou que, à tout le moins, elle explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (80). Les informations fournies dans les décisions de renvoi ne doivent pas seulement permettre à la Cour d’apporter des réponses utiles, elles doivent également donner aux gouvernements des États membres ainsi que, aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour (81).

142. La décision de renvoi ne précise ni la situation juridique aux Pays-Bas, ni le montant réel des dépens ou celui du remboursement dont ils peuvent faire l’objet.

143. Il est certes déjà arrivé que la Cour complète des informations insuffisantes en s’appuyant sur celles qu’elle pouvait tirer d’autres procédures de décision préjudicielle. En l’occurrence, elle pourrait ainsi s’appuyer sur la demande de décision préjudicielle présentée par le Gerechtshof te ’s-Hertogenbosch dans l’affaire D.

144. Ces affaires répondaient cependant à des cas de figure particuliers. Dans son arrêt Crispoltoni e.a., la Cour s’est référée à une procédure mettant en cause les mêmes parties (82). Dans les arrêts Albany (83) et Brentjens’ (84), il s’agissait d’une réglementation qui faisait l’objet d’une série de demandes préjudicielles. La Cour a observé que les informations manquantes, dont elle avait connaissance grâce à l’une des affaires parallèles, avaient été communiquées aux intéressés dans le rapport d’audience (85). En l’espèce, il n’y a cependant pas eu de rapport d’audience, puisqu’il n’y a pas eu d’audience.

145. Ce n’est apparemment que dans l’affaire Europièces (86) que la Cour s’est bornée à relever qu’elle avait déjà pris connaissance d’une réglementation nationale dans le cadre d’une autre affaire, sans se soucier de savoir si les parties disposaient également des informations pertinentes. Mais, comme la jurisprudence ultérieure a insisté sur la possibilité pour les parties d’accéder aux informations, il ne faut attacher aucune importance déterminante à cet arrêt.

146. En raison de la façon dont la question a été soulevée, les parties ne pouvaient savoir avec certitude si le régime applicable aux dépens faisait ou non l’objet du renvoi préjudiciel ou alors elles ne disposaient pas des informations nécessaires pour prendre position. La validité de régimes analogues de règlement des dépens pourrait cependant revêtir de l’importance pour un grand nombre d’États membres. La Cour devrait donc se garder de répondre à cette question avant que les États membres n’aient eu une véritable possibilité de s’exprimer.

147. Le Gerechtshof te Arnhem garde la possibilité d’introduire une nouvelle demande relative à la réglementation des dépens, en fournissant les informations nécessaires. Il peut même être tenu de ce faire si sa décision sur les dépens ne peut faire l’objet d’aucun recours juridictionnel de droit interne, par exemple parce qu’il n’y a pas de voie de recours susceptible d’être dirigée exclusivement contre la décision relative aux dépens.

148. Cependant, pour le cas où la Cour souhaiterait malgré tout aborder au fond la question du régime applicable aux dépens, il nous semble que l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a, dans ses conclusions dans l’affaire D., déjà fourni un certain nombre d’indications pertinentes, auxquelles nous nous rallions (87). Il a en particulier observé que le principe de l’effectivité du droit communautaire pourrait bien s’opposer à un régime de remboursement forfaitaire des dépens lorsque ce régime rend dans la pratique extrêmement difficile l’exercice d’un droit tiré du droit communautaire. Seul le Gerechtshof te Arnhem peut dire si tel est le cas de la réglementation néerlandaise litigieuse, car la Cour ne dispose d’aucune information sur l’écart existant éventuellement entre le montant du droit à remboursement et les frais réellement exposés.

V –    Conclusion

149. En conclusion, nous proposons de répondre aux questions préjudicielles posées par le Gerechtshof te Arnhem dans le sens suivant:

«1)      La liberté d’établissement consacrée à l’article 43 CE n’est pas rendue applicable par le seul fait que l’associé unique d’une société de capitaux, une personne physique, transfère son domicile privé d’un État membre dans un autre. Un ressortissant d’un État membre peut cependant se prévaloir de l’article 43 CE à l’encontre de son État membre d’origine s’il quitte ce dernier et si, au moment où il invoque cette liberté fondamentale, des éléments concrets indiquent qu’il entamera une activité économique indépendante dans un autre État membre. L’article 43 CE peut être opposé à l’État membre d’origine pendant toute la période où la mesure faisant grief prise par cet État à l’occasion du départ de l’intéressé produit des effets et entrave l’établissement dans l’État membre d’accueil.

2)      Un ressortissant d’un État membre qui transfère son domicile de son État d’origine dans un autre État membre peut se prévaloir à l’encontre de l’État d’origine de la liberté de circulation garantie par l’article 18, paragraphe 1, CE, lorsqu’une mesure fiscale prise à l’occasion de son départ le pénalise par rapport à des redevables nationaux qui n’ont pas fait usage de leur liberté de circulation.

3)      Les articles 18, paragraphe 1, CE et 43 CE ne s’opposent pas à une disposition nationale en vertu de laquelle l’impôt sur la plus-value d’une participation substantielle est fixé juste avant le transfert du domicile dans un autre État membre:

–       à condition que le paiement de cet impôt soit suspendu sans autres conditions jusqu’à la cession effective de la participation et

–       à condition que l’impôt effectivement perçu à l’occasion d’une cession intervenant après le départ ne soit pas supérieur à celui qui aurait été perçu dans les mêmes conditions à l’intérieur du pays.

4)      Si un État membre a, en violation du droit communautaire, subordonné le sursis de paiement d’une imposition à la constitution d’une garantie, il pourra être tenu non seulement de libérer la garantie, mais également de dédommager le redevable des frais exposés pour la constituer, dans la mesure où le droit national prévoit une telle possibilité dans des cas comparables. En principe, il peut également y avoir un droit à dédommagement sur le fondement des principes relatifs à la responsabilité des États membres en cas de violation du droit communautaire.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Dans une affaire analogue, le Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch (arrêt du 15 septembre 2005, V-N 2005/47.11) a annulé les avis d’imposition sans même faire intervenir le droit communautaire, au motif que le régime fiscal applicable en cas d’émigration violait les dispositions combinées de la convention de Vienne sur le droit des traités et de la convention belgo-néerlandaise préventive de double imposition, qui était applicable dans cette affaire (voir, à ce propos, Kemmeren, E., «Pending Cases Filed by Dutch Courts I», dans: Lang, M., Schuch, J., Staringer, C., ECJ Recent Developments in Direct Taxation, Wien, 2006, p. 219, 230 et suiv.


3 – Arrêt du 11 mars 2004 (C-9/02, Rec. p. I-2409).


4 – Loi du 16 décembre 2004 (Staatsblad 2004, p. 654) et arrêté ministériel du 16 décembre 2004, nº WDB2004/756M (Staatscourant 2004, p. 249).


5 – Arrêt du 5 juillet 2005 (Rec. p. I-5821).


6 – Arrêts du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C-193/94, Rec. p. I-929, point 22); du 26 novembre 2002, Oteiza Olazabal (C-100/01, Rec. p. I-10981, point 26); du 6 février 2003, Stylianakis (C-92/01, Rec. p. I-1291, point 18), et du 16 décembre 2004, My (C-293/03, Rec. p. I-12011, point 33).


7 – Voir arrêts cités à la note 6. En revanche, si une liberté fondamentale spécifique est applicable, mais que la restriction est justifiée, il n’est pas nécessaire de se référer à la liberté générale de circulation, puisque la justification est dans cette hypothèse soumise aux mêmes critères.


8 – Arrêt du 15 septembre 2005, Ioannidis (C-258/04, Rec. p. I-8275, points 20 et suiv.).


9 – Pour la liberté d’établissement, voir arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C-446/03, Rec. p. I-10837, point 29), et De Lasteyrie du Saillant (précité à la note 3, point 44); pour la liberté de circulation des citoyens de l’Union, voir arrêt du 12 juillet 2005, Schempp (C-403/03, Rec. p. I-6421, point 19).


10 – Arrêt du 13 avril 2000 (C-251/98, Rec. p. I-2787, point 22). Voir, également, arrêts du 5 novembre 2002, Überseering (C-208/00, Rec. p. I-9919, point 77), et du 21 novembre 2002, X et Y (C-436/00, Rec. p. I-10829, point 37).


11 – Arrêt du 10 janvier 2006 (C-222/04, Rec. p. I-289, point 111).


12 – Voir arrêts du 20 juin 1991, Polysar Investments Netherlands, (C-60/90, Rec. p. I-3111, point 13); du 6 février 1997, Harnas & Helm (C-80/95 Rec. p. I-745, points 13 et 14); du 26 juin 2003, KapHag (C-442/01, Rec. p. I-6851, point 38), et du 26 mai 2005, Kretztechnik (C-465/03, Rec. p. I-4357, points 19 et 20). Dans ses conclusions du 27 octobre 2005 dans l’affaire Cassa di Risparmio di Firenze e.a., précitée, point 88, l’avocat général Jacobs a – à la suite des observations de la Commission – attiré l’attention sur le parallèle entre le droit de la concurrence et le droit de la TVA.


13 – Pour la délimitation entre libre circulation des marchandises et libre prestation de services en fonction du caractère essentiel de l’opération, voir arrêts du 24 mars 1994, Schindler (C-275/92, Rec. p. I-1039, point 22); du 14 octobre 2004, Omega (C-36/02, Rec. p. I-9609, point 26), et du 26 mai 2005, Burmanjer e.a. (C-20/03, Rec. p. I-4133, point 35).


14 – C’est ainsi que la Cour a inclus les dispositions relatives à l’immatriculation des véhicules automobiles emportés par un travailleur salarié lors d’un changement de domicile dans le champ d’application de la libre circulation des travailleurs, voire dans celui de la liberté de circulation des citoyens de l’Union, mais non dans le champ d’application de la libre circulation des marchandises. Pour l’article 39 CE, voir arrêt du 29 avril 2004, Weigel (C-387/01, Rec. p. I-4981, points 50 et suiv.); pour l’article 18, voir arrêt du 15 juillet 2004, Lindfors (C-365/02, Rec. p. I-7183, points 33 et suiv.).


15 – Arrêt du 23 février 2006, Van Hilten-van der Heijden (C-513/03, Rec. p. I-1957, point 49). Voir, également, conclusions de l’avocat général Léger du 30 juin 2005 dans cette même affaire (points 57, 58 et 68). Il est vrai que, d’après le libellé de la nomenclature figurant à l’annexe I, premier tiret, de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité (JO L 178, p. 5), même les transferts d’avoirs effectués par une seule personne pour son propre compte (par exemple, un émigrant) peuvent, dans certaines circonstances, constituer des mouvements de capitaux. Concernant l’état actuel de cette controverse dans la doctrine, voir: Hohenwarter, D., et Plansky, P., «Besteuerung von Erbschaften nach Wegzug in einen Drittstaat im Gemeinschaftsrecht – Schlussanträge des GA Léger in der Rs. Van Hilten-van der Heijden», Steuer und Wirtschaft International (SWI) 2005, 471, 420 et suiv.).


16 – Arrêt du 27 septembre 1988 (81/87, Daily Mail and General Trust, Rec. p. 5483).


17 – Arrêt du 16 juillet 1998 (C-264/96, Rec. p. I-4695).


18 – Arrêt du 18 novembre 1999 (C-200/98, Rec. p. I-8261).


19 – Arrêt précité à la note 3, point 41; voir, également, conclusions prononcées dans cette affaire par l’avocat général Mischo le 13 mars 2003 (points 15 à 20). Il ne se prononce finalement pas sur la liberté fondamentale applicable au cas précis.


20 – Arrêt du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32); du 14 octobre 2004, Commission/Pays-Bas (C-299/02, Rec. p. I-9761, point 15), et du 21 avril 2005, Commission/Grèce (C-140/03, Rec. p. I-3177, point 27).


21 – Voir, en ce sens, arrêts Daily Mail and General Trust (précité à la note 16, point 16), Baars (précité à la note 10, point 28) et De Lasteyrie du Saillant (précité à la note 3, point 42).


22 – Voir note 21 ci-dessus.


23 – Arrêt du 8 avril 1976, Royer (48/75, Rec. p. 497, points 31 à 33).


24 – Dans l’arrêt Kraus (précité à la note 20, points 18 et suiv.), la Cour s’est simplement appuyée sur le fait que la possession d’un titre universitaire acquis à l’étranger constitue un avantage pour la carrière professionnelle tant en qualité de salarié qu’en tant qu’indépendant. Cet élément a suffi à la Cour pour appliquer la liberté de circulation des travailleurs et la liberté d’établissement.


25 – Arrêt du 11 juillet 2002 (C-224/98, Rec. p. I-6191).


26 – Précité à la note 14.


27 – Arrêt du 29 avril 2004 (C-224/02, Rec. p. I-5763).


28 – Voir, entre autres, arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31); D’Hoop (précité à la note 25, point 28) et Pusa (précité à la note 27, point 16).


29 – Arrêt Pusa (précité à la note 27, points 18 et 19), avec une référence à l’arrêt D’Hoop (précité à la note 25, points 30 et 31).


30 – Arrêt Pusa (précité à la note 27, point 20), avec une référence à l’arrêt D’Hoop (précité à la note 25, points 34 et 35).


31 – Voir, en particulier, arrêt De Lasteyrie du Saillant (précité à la note 3, point 45). Dans le même sens, voir arrêts du 7 septembre 2004, Manninen (C-319/02, Rec. p. I-7477, points 20 et suiv.) et Marks & Spencer (précité à la note 9, point 34).


32 – Dans le même sens, voir conclusions de l’avocat général Jacobs du 20 novembre 2003 dans l’affaire Pusa, précitée, points 18 à 20 et 22, et du 30 juin 2005, Standesamt Stadt Niebüll (C-96/04, pendante devant la Cour, points 52 et suiv.), ainsi que conclusions de l’avocat général Geelhoed du 2 février 2006 dans l’affaire De Cuyper (C-406/04, pendante devant la Cour, points 104 à 108). Voir, en outre, nos conclusions prononcées le même jour que les présentes dans l’affaire Tas-Hagen et Tas (C-192/05, pendante devant la Cour, point 50).


33 – En ce sens, voir arrêt Schempp (précité à la note 9, point 43).


34 – En ce sens, voir arrêt Pusa (précité à la note 27, point 19).


35 – Voir point 22 des conclusions de l’avocat général Jacobs, Pusa (précitée à la note 27) et point 51 de nos conclusions dans l’affaire Tas-Hagen et Tas (précitée à la note 32).


36 – Voir conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Pusa (précitée à la note 27, point 21).


37 – Arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C-200/02, Rec. p. I-9925, point 31).


38 – Arrêt Pusa (précité à la note 27, point 19).


39– Arrêt du 17 septembre 2002, Baumbast et R (C-413/99, Rec. p. I-7091, points 81, 83 et 84). Dans le même sens, voir aussi arrêts du 7 septembre 2004, Trojani (C-456/02, Rec. p. I-7573, point 40), et du 15 mars 2005, Bidar (C-209/03, Rec. p. I-2119, point 37).


40 – Voir, également, points 54 et 55 ci-dessus.


41– Arrêt précité à la note 3, points 45 et 46.


42 – Voir point 65 ci-dessus.


43 – Il y a lieu de présumer que dix ans après le départ la dette fiscale est éteinte (voir article 26, de l’IW, précité au point 10).


44 – Concernant l’effet restrictif des obligations de déclaration et autres formalités, voir arrêt du 28 avril 1998, Safir (C-118/96, Rec. p. I-1897, points 26 et 28).


45 – Voir arrêt De Lasteyrie du Saillant (précité à la note 3, point 47).


46 – Dans son arrêt du 8 mai 1990, Biehl (C-175/88, Rec. p. I-1779, point 18), la Cour a constaté qu’il ne suffisait pas pour exclure toute restriction que l’établissement d’une situation conforme au droit communautaire soit laissée à l’appréciation de l’administration fiscale.


47 – Par contre, en cas de plus-values postérieures au départ, il n’y a pas lieu d’ajuster le montant de l’impôt à la hausse, puisque le droit d’imposition appartient dans cette hypothèse à l’État du nouveau domicile.


48 – Arrêts du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer (C-250/95, Rec. p. I-2471, point 26), De Lasteyrie du Saillant (précité à la note 3, point 49) et Marks & Spencer (précité à la note 9, point 35).


49 – Voir arrêts D’Hoop (précité à la note 25, point 36) et Pusa (précité à la note 27, point 16).


50 – Voir point 26 supra.


51 – Voir arrêts du 12 mai 1998, Gilly (C-336/96, Rec. p. I-2793, points 24 et 30); du 12 décembre 2002, De Groot (C-385/00, Rec. p. I-11819, point 93); D. (précité à la note 5, points 50 et 51) et Van Hilten-van der Heijden (précité à la note 15, point 47).


52 – Arrêt précité à la note 9, point 45.


53 – Idem, point 39. La même idée est déjà exprimée dans l’arrêt Futura Participations et Singer (précité à la note 48, point 22).


54 – Voir arrêt Van Hilten-van der Heijden (précité à la note 15, point 48).


55 – SI 1980/1961.


56 – Ce texte dispose: «The provisions of paragraph (4) shall not affect the right of either of the States to levy according to its own law a tax on gains from the alienation of any property derived by an individual who is a resident of the other State and has been a resident of the first-mentioned State at any time during the five years immediately preceding the alienation of the property».


57 – Il est permis de se demander si nous avons véritablement affaire à une contradiction. En effet, l’impôt est liquidé avant le départ et il sera simplement recouvré lorsque la cession effective mettra fin au sursis de paiement. On pourrait donc soutenir qu’il ne s’agit pas là d’un cas ressortissant au champ d’application de l’article 13, paragraphe 5, de la convention préventive de double imposition, puisque l’imposition a formellement lieu juste avant le départ et frappe une personne qui réside encore dans le pays.


58 – Le Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch (arrêt du 15 septembre 2005, V-N 2005/47.11) considère comme contraire à la convention – apparemment analogue – belgo-néerlandaise de prévention de la double imposition le fait que, après la conclusion de cette convention, une modification de la Wet IB a unilatéralement porté le délai d’imposabilité de cinq à dix ans (voir note 2 ci-dessus). Le gouvernement néerlandais observe que les Pays-Bas souhaitent que ce délai soit également porté à dix ans dans les conventions préventives de double imposition, à l’instar de celles qu’il a déjà passées avec le Royaume de Belgique et la République portugaise.


59 – Arrêt précité à la note 3, point 68.


60 – Idem, point 65.


61 – Arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann (C-204/90, Rec. p. I-249, points 21 à 23); du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson (C-484/93, Rec. p. I-3955, point 18), et du 18 septembre 2003, Bosal (C-168/01, Rec. p. I-9409, points 29 et 30).


62 – Voir nos conclusions du 18 mars 2004 dans l’affaire Manninen, précitée à la note 31, point 51.


63 – Arrêt du 21 novembre 2002, précité à la note 10.


64 – Idem, points 58 et 59.


65 – Article 26, paragraphe 2, de l’IW, dans la version en vigueur avant 2005, ou article 26, paragraphe 5, dans la version modifiée.


66 – C’est pourtant en ce sens que se prononce l’arrêt De Lasteyrie du Saillant (précité à la note 3, point 66), mais il faut sans doute tenir compte du fait que le but exclusif affirmé de la réglementation française est de prévenir les abus.


67 – Voir, en dernier lieu, arrêt Marks & Spencer (précité à la note 9, points 49 à 51).


68 – Arrêts Futura Participations et Singer (précité à la note 48, point 31) et du 13 décembre 2005, SEVIC Systems (C-411/03, Rec. p. I-10805, point 28).


69 – Voir la jurisprudence citée dans la note 48.


70 – Directive du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs, de certains droits d’accises et des taxes sur les primes d’assurance, dans sa version modifiée par la directive 2004/106/CE du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO L 359, p. 30).


71 – Voir arrêts du 28 octobre 1999, Vestergaard (C-55/98, Rec. p. I-7641, point 26), et du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt (C-422/01, Rec. p. I-6817, point 42).


72 – Directive du Conseil, du 15 mars 1976, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances résultant d’opérations faisant partie du système de financement du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, ainsi que de prélèvements agricoles et de droits de douane (JO L 73, p. 18), dans la version modifiée par la directive 2001/44/CE du Conseil, du 15 juin 2001 (JO L 175, p. 17).


73 – Arrêts De Lasteyrie du Saillant (précité à la note 3, point 50) et du 21 novembre 2002, X et Y (précité à la note 10, point 61).


74 – Voir arrêts du 16 décembre 1976, Rewe (33/76, Rec. p. 1989, point 5); du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C-312/93, Rec. p. I-4599, point 12); du 15 septembre 1998, Edis (C-231/96, Rec. p. I-4951, points 19 et 34), et du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 85).


75 – Arrêts du 15 septembre 1998, Ansaldo Energia e.a. (C-279/96 à C-281/96, Rec. p. I-5025, point 28), et Metallgesellschaft e.a. (précité à la note 74, point 85). Voir aussi arrêt du 10 septembre 2002, Prisco et CASER (C-216/99 et C-222/99, Rec. p. I-6761, points 70 et suiv.).


76 – Arrêts du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029); du 4 juillet 2000, Haim (C-424/97, Rec. p. I-5123, points 26 et 36 et suiv.), et du 4 décembre 2003, Evans (C-63/01, Rec. p. I-14447, points 82 et suiv.).


77 – Arrêts précités Haim (point 36) et Evans (point 83).


78 – Voir point 24 de la note informative sur l’introduction de procédures préjudicielles par les juridictions nationales (JO 2005, C 143, p. 1).


79 – Arrêt du 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board (83/78, Rec. p. 2347, point 26), et ordonnance du 27 février 2003, Oliehandel Koeweit e.a., (C-307/00 à C-311/00 Rec. p. I-1821, point 105).


80 – Arrêts du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C-320/90 à C-322/90, Rec. p. I-393, point 6); du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine (C-176/96, Rec. p. I-2681, point 22), et My (précité à la note 6, point 17), ainsi que ordonnances du 19 mars 1993, Banchero (C-157/92, Rec. p. I-1085, point 4); du 30 juin 1997, Banco de Fomento e Exterior (C-66/97, Rec. p. I-3757, point 7), et du 11 février 2004, Cannito e.a. (C-438/03, C-439/03, C-509/03 et C-2/04, Rec. p. I-1605, point 6).


81 – Arrêts Lehtonen et Castors Braine (précité à la note 80, point 23) et My (précité à la note 6, point 17) ainsi que ordonnances Banchero (précitée à la note 80, point 5) et Cannito e.a. (précitée à la note 80, point 8).


82 – Arrêt du 5 octobre 1994 (C-133/93, C-300/93 et C-362/93, Rec. p. I-4863, point 18).


83 – Arrêt du 21 septembre 1999 (C-67/96, Rec. p. I-5751, point 42).


84 – Arrêts du 21 septembre 1999 (C-115/97 à C-117/97, Rec. p. I-6025, point 41).


85 – Arrêts Brentjens’ (précité à la note 84, point 42) et Albany (précité à la note 83, point 43). En ce sens, voir également arrêt du 11 avril 2000, Deliège (C-51/96 et C-191/97, Rec. p. I-2549, point 38).


86 – Arrêt du 12 novembre 1998 (C-399/96, Rec. p. I-6965, point 24).


87 – Conclusions du 26 octobre 2004, points 107 à 112.