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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 3 juillet 2007 (1)

Affaire C-194/06

Staatssecretaris van Financiën

contre

Orange European Smallcap Fund NV

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Libre circulation des capitaux – Imposition des dividendes – Exonération de charge des dividendes de parts dans des sociétés établies dans l’État membre – Compensation de la charge fiscale retenue à la source sur les dividendes de parts dans les sociétés établies dans un autre État membre – Limitation de cette compensation au montant qu’un actionnaire résident pourrait imputer en vertu d’une convention préventive d’une double imposition – Limitation de cette compensation en fonction de la participation d’actionnaires non-résidents dans le capital de la société de placement»





1.        La présente procédure préjudicielle concerne le régime d’imposition néerlandais des organismes de placement collectif établis aux Pays-Bas. Ce régime est conçu de manière à ce que l’imposition due à cet État membre sur les dividendes qui sont perçus par ces organismes ne soit pas supportée par ceux-ci mais, après distribution de leurs bénéfices, par l’ensemble de leurs actionnaires. À cet effet, l’impôt sur les dividendes versés aux organismes de placement collectif par des sociétés établies aux Pays-Bas et retenu à la source par ces sociétés est remboursé à ces organismes.

2.        Les organismes de placement collectif reçoivent également, de la part du Royaume des Pays-Bas, une compensation au titre de l’impôt retenu à l’étranger sur les dividendes provenant d’autres pays. Cette compensation est soumise à deux limitations. Premièrement, elle est limitée au montant de l’impôt étranger qu’une personne physique résidant aux Pays-Bas aurait pu déduire de l’impôt néerlandais en vertu d’une convention préventive d’une double imposition passée entre le Royaume des Pays-Bas et le pays d’investissement. Deuxièmement, la compensation est réduite en fonction de la participation dans le capital de l’organisme concerné d’actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis aux Pays-Bas.

3.        Le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) pose plusieurs questions préjudicielles visant à lui permettre d’apprécier la compatibilité de ces deux limitations avec les règles du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux.

4.        Dans les présentes conclusions, nous rappellerons les grandes lignes de la jurisprudence relative à l’encadrement de la compétence des États membres en matière de fiscalité des dividendes et de prévention d’une double imposition. Nous indiquerons en quoi, au vu de cette jurisprudence, ces deux restrictions sont, à notre avis, contraires aux dispositions des articles 56 CE et 58 CE.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit communautaire

5.        Aux termes de l’article 56, paragraphe 1, CE, dans le cadre des dispositions du chapitre dont cet article fait partie, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

6.        L’article 57, paragraphe 1, CE prévoit des mesures transitoires en ce qui concerne les pays tiers. Il dispose:

«L’article 56 [CE] ne porte pas atteinte à l’application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux.»

7.        Enfin, l’article 58 CE énonce:

«1.   L’article 56 [CE] ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:

a)      d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;

b)      de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.

[…]

3.     Les mesures et procédures visées [au paragraphe 1] ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 [CE].»

B –    Le droit national

8.        Le régime fiscal des organismes de placement collectif est prévu, en droit néerlandais, à l’article 28 de la loi relative à l’impôt des sociétés de 1969 (Wet op de vennootschapsbelasting) et à l’article 6 de l’arrêté relatif aux organismes de placement collectif (Besluit beleggingsinstellingen).

9.        Selon l’article 28 de la loi relative à l’impôt des sociétés, un organisme de placement collectif est défini comme étant tout organisme ayant la forme d’une société anonyme, d’une société à responsabilité limitée ou d’un fonds commun de placement, qui est établi aux Pays-Bas et qui a pour objet ainsi que pour activité effective l’investissement (2).

10.      Le régime particulier auquel sont soumis les organismes de placement collectif est conçu de manière à rapprocher le plus possible la charge fiscale sur le revenu des investissements effectués par ces organismes de celle qui pèse sur les investissements réalisés directement par des particuliers. Le rendement des investissements de tels organismes est donc imposé, autant que faire se peut, comme s’il s’agissait d’un produit dont leurs actionnaires bénéficieraient directement. Ce rapprochement est réalisé ainsi.

11.      Les bénéfices d’un organisme de placement collectif sont soumis à l’impôt sur les sociétés mais sont imposés à un taux nul. En contrepartie, ces bénéfices doivent, en principe, être distribués intégralement aux actionnaires dans les huit mois qui suivent la fin de l’année fiscale concernée.

12.      Lorsqu’un organisme de placement collectif détient des participations dans des sociétés établies aux Pays-Bas et reçoit des dividendes de ces sociétés, il bénéficie d’un remboursement de l’impôt néerlandais qui a frappé ces dividendes, prélevé par une retenue à la source effectuée par les sociétés distributrices.

13.      Lorsqu’un organisme de placement collectif reçoit des dividendes de sociétés établies dans d’autres pays et qui ont fait l’objet d’une imposition dans ces pays, le système est le suivant.

14.      En droit néerlandais, les règles ordinaires visant à éviter une double imposition ne prévoient pas l’imputation de l’impôt étranger. Le Royaume des Pays-Bas limite, de fait, l’imputation de l’impôt étranger sur l’impôt sur les sociétés au montant de la part de l’impôt sur les sociétés néerlandais qui est attribuable proportionnellement aux dividendes en question.

15.      Dans la mesure où les bénéfices d’un organisme de placement collectif sont imposés à un taux nul et où, partant, aucun impôt n’est attribuable proportionnellement aux dividendes provenant d’autres pays, la réglementation néerlandaise prévoit un système dit «de compensation» de l’impôt prélevé à l’étranger, à concurrence du montant de l’impôt néerlandais qui serait attribuable à ces dividendes.

16.      Ce système de compensation connaît cependant deux limitations, qui sont contestées dans le litige au principal.

17.      D’une part, la compensation n’est accordée que si, dans le cas d’investissements directs effectués par des actionnaires résidant ou établis aux Pays-Bas, ceux-ci pourraient se prévaloir d’un droit à l’imputation de l’impôt étranger sur l’impôt néerlandais, en vertu de la loi instituant le cadre fiscal ou d’une convention préventive d’une double imposition.

18.      D’autre part, le montant de la compensation est réduit en fonction de la participation, dans le capital de l’organisme de placement collectif, d’actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis aux Pays-Bas.

19.      Conformément à l’article 6 de l’arrêté relatif aux organismes de placement collectif, lorsqu’un tel organisme comprend des actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis aux Pays-Bas, le montant de la compensation est calculé selon la formule suivante:

T = B x 7 Sr / (10 S – 3 Sr)

T représente la compensation; B représente le montant de l’impôt qui serait déductible si tous les actionnaires étaient imposables aux Pays-Bas; Sr représente le montant versé, à la date pertinente, sur les actions ou sur les parts dans l’organisme de placement collectif qui sont détenues directement ou par l’intermédiaire d’autres organismes de placement collectif par des personnes physiques résidant aux Pays-Bas ou par des organismes établis aux Pays-Bas et assujettis à l’impôt sur les sociétés, autres que des organismes de placement collectif; S représente le montant versé, à cette même date, sur toutes les actions ou parts de l’organisme de placement collectif en circulation.

20.      Les actionnaires d’un organisme de placement collectif sont, quant à eux, soumis à l’impôt néerlandais sur les bénéfices distribués par cet organisme, qui fait l’objet d’une retenue à la source de la part de l’organisme distributeur.

21.      En ce qui concerne les actionnaires résidant ou établis aux Pays-Bas, cette retenue constitue un précompte. La retenue sur les bénéfices est imputable sur l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés dont ils sont redevables et elle est remboursée dans la mesure où elle dépasse le montant de ce dernier. En ce qui concerne les actionnaires résidant ou établis dans un autre pays, l’impôt retenu ne fait l’objet d’une restitution que si cela est prévu par une convention préventive d’une double imposition ou par la loi néerlandaise instituant le cadre fiscal.

22.      La juridiction de renvoi indique que, en vertu de ce régime, ce n’est pas l’organisme de placement collectif qui est imposé sur les dividendes qu’il perçoit mais, après distribution de son bénéfice, les actionnaires de celui-ci.

II – Les faits et la procédure dans le litige au principal

23.      La société Orange European Smallcap Fund NV (3) a pour objet l’investissement de fonds en valeurs mobilières et autres actifs, selon le principe de la répartition des risques. Elle est établie à Amsterdam. Sur le plan fiscal, elle est considérée comme un organisme de placement collectif, au sens de l’article 28 de la loi relative à l’impôt des sociétés.

24.      Elle gère, dans son portefeuille, des titres émis par des entreprises européennes cotées en bourse. La juridiction de renvoi précise que, lors de l’exercice comptable concerné, les participations détenues par OESF dans des sociétés établies hors des Pays-Bas ne lui permettaient pas de décider des activités de ces sociétés.

25.      Les actionnaires d’OESF sont des personnes physiques et morales. Pendant l’exercice comptable pertinent en l’espèce, ces actionnaires étaient, pour la majorité d’entre eux, résidents ou établis aux Pays-Bas. Quelques-uns étaient résidents ou établis dans d’autres États membres (Belgique, Allemagne, France, Luxembourg et Royaume-Uni) ou dans des pays tiers (États-Unis et Suisse).

26.      Au cours de l’exercice comptable 1997/1998, OESF a reçu des dividendes au titre de ses participations dans des sociétés étrangères pour un montant de 5 257 519,15 NLG. Elle a été imposée à l’étranger sur ces dividendes, par retenues à la source, à concurrence d’un montant total de 735 320 NLG. Ce montant comprenait des impôts perçus en Allemagne et au Portugal, respectivement de 132 339 NLG et de 9 905 NLG.

27.      OESF a demandé à l’administration fiscale néerlandaise le bénéfice d’une compensation au titre de ces impôts étrangers, calculée sur la base du montant total de 735 320 NLG.

28.      L’administration fiscale a estimé que les impôts acquittés en Allemagne et au Portugal devaient être exclus de la base de calcul. Cette exclusion trouve sa justification dans le fait que, en ce qui concerne l’exercice comptable en cause, la convention passée entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne ne prévoyait pas de droit à l’imputation de l’impôt allemand retenu sur les dividendes originaires d’Allemagne versés à un résident néerlandais, et aucune convention préventive d’une double imposition n’avait été passée entre le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise.

29.      L’administration fiscale a donc pris comme base de calcul de la compensation la somme de 593 076 NLG. Puis, en application de la méthode énoncée à l’article 6 de l’arrêté relatif aux organismes de placement collectif, applicable lorsque les actionnaires ne sont pas exclusivement des personnes physiques ou morales résidant ou établies aux Pays-Bas, elle a fixé le montant de la compensation à 418 013 NLG.

30.      Le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), saisi du recours formé par OESF, a annulé la décision de l’administration fiscale et a fixé ce montant à 622 006 NLG. Cette juridiction a estimé que tant l’exclusion des impôts retenus en Allemagne et au Portugal de la base de calcul de la compensation que la diminution de celle-ci à proportion de la participation d’actionnaires résidant ou établis à l’étranger dans le capital d’OESF constituaient une entrave injustifiée à la libre circulation des capitaux.

31.      Le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) s’est pourvu en cassation contre cet arrêt. Il a contesté la position du Gerechtshof te Amsterdam en ce qui concerne tant la prise en compte des impôts prélevés en Allemagne et au Portugal que la réduction de la compensation en fonction de la participation d’actionnaires résidant ou établis en dehors des Pays-Bas.

III – Le renvoi préjudiciel

32.      Le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 56 CE, considéré avec l’article 58, paragraphe 1, CE, doit-il être interprété en ce sens qu’il prohibe toute réglementation d’un État membre qui, prévoyant au bénéfice des organismes de placement collectif à caractère fiscal une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés auxdits organismes, restreint – pour les motifs décrits au point 5.2.1 in fine du présent arrêt – ladite compensation:

a)      au montant qu’une personne physique résidant aux Pays-Bas aurait pu imputer en vertu d’un traité conclu en matière fiscale avec l’autre État membre;

b)      si et dans la mesure où l’actionnariat des organismes de placement collectif à caractère fiscal est constitué de personnes physiques ne résidant pas aux Pays-Bas ou d’organismes non assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés?

2)      Si la première question appelle une réponse totalement ou partiellement affirmative:

a)      La notion d’‘investissements directs’, à l’article 57, paragraphe 1, CE comprend-elle le fait d’être titulaire d’un paquet d’actions émises par une société, lorsque le titulaire ne les détient que comme investissement et que la taille de ce paquet ne lui permet pas d’exercer une influence déterminante sur la gestion ou le contrôle de cette société?

b)      Une restriction à la circulation des capitaux, liée au prélèvement d’impôts, qui serait illicite si elle affectait des opérations transnationales au sein de la Communauté, serait-elle pareillement illicite, en vertu de l’article 56 CE, si les mêmes opérations étaient – dans des circonstances par ailleurs identiques – effectuées vers et au départ d’États tiers?

c)      Si la deuxième question, sous b), appelle une réponse négative, faut-il interpréter l’article 56 CE en ce sens qu’il s’oppose à une limitation apportée par un État membre à une compensation au bénéfice d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal, laquelle compensation est destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un État tiers sur les dividendes versés audit organisme, alors que ladite limitation est motivée par la circonstance que l’actionnariat de l’organisme n’est pas exclusivement composé de personnes résidant dans l’État membre en question?

3)      Est-il important de tenir compte, pour répondre aux questions qui précèdent,

a)      du fait que la retenue fiscale effectuée dans un autre pays sur des dividendes versés à partir de ce pays est plus élevée que la retenue frappant les dividendes redistribués aux actionnaires étrangers dans l’État membre où l’organisme de placement collectif à caractère fiscal est établi;

b)      du fait que les actionnaires étrangers de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal résident ou soient établis dans un pays avec lequel l’État membre d’établissement de l’organisme a conclu un traité prévoyant, sur une base réciproque, l’imputation des retenues effectuées à la source sur les dividendes;

c)      du fait que les actionnaires étrangers de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal résident ou soient établis dans un autre État membre de la Communauté?»

IV – Analyse

33.      Préalablement à l’examen des questions posées par la juridiction de renvoi, il paraît utile de rappeler les grandes lignes de la jurisprudence relative à l’encadrement de la compétence des États membres en matière de taxation des dividendes, en particulier celles qui concernent les mécanismes destinés à prévenir les situations d’une double imposition des bénéfices d’une société et l’impact des conventions bilatérales.

A –    Les grandes lignes de la jurisprudence

1.      Le cadre général

34.      La taxation des dividendes relève de la fiscalité directe qui, à ce jour, ne fait pas l’objet, dans le traité, d’une attribution de compétence expresse à la Communauté. Les États membres peuvent donc définir souverainement les conditions de leur pouvoir d’imposition, c’est-à-dire le taux, l’assiette, les modalités de recouvrement et le champ d’application de leur pouvoir de taxation, de manière unilatérale ou conventionnelle, par le biais de conventions interétatiques.

35.      Pour autant, comme le rappelle régulièrement la Cour, cette compétence n’est pas sans limite. En effet, elle doit être exercée dans le respect du droit communautaire, notamment des libertés de circulation prévues par le traité (4).

36.      L’encadrement de la compétence des États membres par ces libertés de circulation s’est traduit par deux principes. Le premier d’entre eux est l’interdiction des mesures discriminatoires: le contribuable originaire d’un autre État membre ne doit pas faire l’objet d’un traitement fiscal discriminatoire de la part de l’État membre d’accueil. Le second principe est celui de l’interdiction, par l’État membre d’origine, des entraves à l’exercice d’une liberté de circulation par un de ses ressortissants. Il s’agit de la prohibition des «entraves à la sortie».

37.      Dans le cadre de la liberté de circulation des capitaux appliquée à l’imposition des bénéfices de sociétés, ces deux principes se traduisent dans la jurisprudence par la prohibition, d’une part, de mesures fiscales d’un État membre faisant obstacle à la collecte, par des sociétés étrangères, de capitaux dans cet État et, d’autre part, de mesures fiscales d’un État membre dissuadant les contribuables de cet État d’investir leurs capitaux dans des sociétés établies à l’étranger, avec cette particularité que, à la différence des autres libertés de circulation garanties par le traité, ces prohibitions ne se limitent pas aux échanges intracommunautaires, mais s’étendent également aux échanges avec les pays tiers.

38.      Conformément au principe de non-discrimination, qui est mis en œuvre par les différentes libertés de circulation prévues par le traité, un État membre ne peut pas appliquer des règles fiscales différentes à des situations comparables ou la même règle fiscale à des situations différentes. En outre, ce principe ne prohibe pas seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité (5). Il s’oppose également à toutes celles qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent au même résultat.

39.      Dans le domaine de la fiscalité directe, le principe de non-discrimination et la compétence réservée des États membres se sont confrontés, en particulier, à propos de mesures nationales prévoyant un traitement distinct en fonction de la résidence du contribuable.

40.      D’une part, en effet, le critère de la résidence fiscale est celui qui, en principe, délimite les compétences respectives de taxation des États membres. Ainsi, les États membres, d’une manière générale, imposent les contribuables personnes physiques et morales qui résident sur leur territoire et taxent les contribuables non-résidents sur les bénéfices qui résultent d’une activité exercée sur celui-ci. De même, ils prévoient des avantages fiscaux dont le bénéfice est limité aux contribuables résidents, tels que les mesures destinées à prendre en compte leur situation personnelle et familiale, qu’ils sont les mieux placés pour apprécier. La Cour a admis, à cet égard, que la situation de contribuables résidents et celle de contribuables non-résidents, d’une manière générale, n’étaient pas comparables (6).

41.      D’autre part, une réglementation nationale d’un État membre qui réserve des avantages fiscaux aux résidents du territoire national profite principalement aux nationaux de cet État, puisque, le plus souvent, les non-résidents sont majoritairement des ressortissants d’autres pays. Une réglementation fondée sur le critère de la résidence est donc susceptible de constituer une discrimination indirecte en raison de la nationalité (7).

42.      C’est cette confrontation qui est exprimée à l’article 58 CE, aux termes duquel l’article 56 CE ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis, à condition toutefois que ces dispositions ne constituent pas un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements.

43.      Une réglementation nationale qui fait une distinction entre les contribuables en fonction de la résidence ou du lieu où ils investissent leurs capitaux ne peut donc être considérée comme compatible avec les articles 56 CE et 58 CE que si cette différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables aux fins de l’application de la mesure fiscale en cause.

44.      À défaut, si les situations en présence sont objectivement comparables, une telle distinction, selon la jurisprudence, n’est conforme au droit communautaire que si elle est justifiée par un des motifs énoncés à l’article 58, paragraphe 1, sous b), CE ou par une raison impérieuse d’intérêt général, telle que la nécessité de sauvegarder la cohérence du régime fiscal, et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause soit atteint (8).

2.      Les mesures destinées à prévenir ou à atténuer une double imposition

45.      Dans plusieurs arrêts, la Cour a précisé la portée de cet encadrement général de la compétence des États membres en matière de fiscalité directe dans le cas des mesures étatiques, unilatérales ou conventionnelles, visant à prévenir ou à atténuer une double imposition des bénéfices distribués par les sociétés.

46.      À titre liminaire, il convient de rappeler que les bénéfices d’une société sont susceptibles de faire l’objet d’une double imposition dans différents cas de figure. Ainsi, ils peuvent faire l’objet d’une «imposition en chaîne» ou d’une «double imposition économique» lorsqu’ils sont imposés auprès de deux contribuables différents, une première fois auprès de la société dans le cadre de l’imposition sur les bénéfices puis, une seconde fois, auprès de l’actionnaire auquel ils sont distribués, dans le cadre de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, selon que cet actionnaire est une société ou un particulier.

47.      Ces bénéfices peuvent également faire l’objet d’une «double imposition juridique», lorsqu’un même contribuable est imposé deux fois sur le même revenu. Cette situation peut se produire quand l’actionnaire qui reçoit les dividendes est soumis, d’une part, à une retenue à la source sur ces dividendes par l’État membre dans lequel la société distributrice est établie et, d’autre part, à l’impôt sur le revenu au titre de ces dividendes dans son État de résidence.

48.      La présentation de la jurisprudence en cette matière conduit à partir de la prémisse selon laquelle une double imposition n’est pas, d’une manière générale, contraire au droit communautaire.

49.      En effet, aucune mesure de répartition des compétences entre les États membres visant à éliminer les doubles impositions n’a été adoptée dans le cadre du traité. Les doubles impositions ne sont prohibées que par quelques directives, telles que la directive 90/435/CEE du Conseil (9), qui ne sont pas pertinentes en l’espèce (10). En outre, abstraction faite de la convention 90/436/CEE (11), les États membres n’ont conclu aucune convention multilatérale à cet effet, au titre de l’article 293 CE.

50.      Deux conséquences découlent de cette prémisse. D’une part, si une double imposition résulte de l’exercice par les États membres de leurs compétences respectives, telles que l’imposition du contribuable par son État de résidence sur l’ensemble de ses revenus et l’imposition de ce même contribuable par l’État sur le territoire duquel les dividendes ont été dégagés, à hauteur de ces dividendes, elle ne constitue pas, en tant que telle, une infraction au droit communautaire (12).

51.      D’autre part, en l’absence de mesures et de convention multilatérale à cet effet, les États membres sont libres de fixer les critères de répartition entre eux du pouvoir de taxation et de prendre, de manière unilatérale ou au moyen de conventions bilatérales, les mesures nécessaires afin de prévenir les cas d’une double imposition. Toutefois, dans l’exercice de cette compétence, les États membres, dans le cadre tant de mesures unilatérales que conventionnelles, doivent respecter les exigences du droit communautaire et, en particulier, celles découlant des libertés de circulation (13).

52.      Plusieurs affaires ont permis à la Cour d’illustrer la portée de cette obligation en ce qui concerne la taxation par les États membres, d’une part, des dividendes entrants, en tant qu’État de résidence de l’actionnaire, et, d’autre part, des dividendes sortants, en tant qu’État de la source de ces dividendes.

53.      En ce qui concerne la taxation des dividendes entrants, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un État membre impose les contribuables résidents sur l’ensemble des dividendes qu’ils perçoivent et prend des dispositions afin de prévenir ou d’atténuer la double imposition économique de ces dividendes, il ne peut pas limiter le bénéfice de ces dispositions aux dividendes d’origine nationale, mais doit étendre cet avantage aux dividendes versés par des sociétés établies dans les autres États membres (14).

54.      La Cour a jugé que cette égalité de traitement s’impose au motif que, au vu de la finalité de telles dispositions, la situation d’un contribuable percevant des dividendes originaires d’autres États membres était comparable à celle d’un contribuable percevant des dividendes d’origine nationale dans la mesure où, dans les deux cas, ces dividendes étaient susceptibles de faire l’objet d’une imposition en chaîne ou d’une double imposition économique que lesdites dispositions avaient précisément pour but de prévenir ou d’atténuer (15).

55.      En ce qui concerne la taxation des dividendes sortants, il est également de jurisprudence établie que, à partir du moment où un État membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais également les actionnaires non-résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, cet État doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit national afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne, les actionnaires non-résidents soient soumis à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les actionnaires résidents (16).

56.      Dans ce cas de figure, l’égalité de traitement s’impose à l’État membre de la source des dividendes, parce que cet État a décidé d’exercer sa compétence fiscale non seulement sur les dividendes versés aux actionnaires résidents, mais également sur les dividendes distribués aux actionnaires non-résidents (17).

3.      L’incidence des conventions bilatérales

57.      L’examen de la jurisprudence relative à l’incidence de conventions bilatérales en matière fiscale permet de tirer quatre enseignements qui sont pertinents pour la présente affaire.

58.      Le premier de ces enseignements est que les droits découlant des libertés de circulation garanties par le traité au sein de l’Union européenne sont inconditionnels et qu’un État membre ne saurait faire dépendre leur respect du contenu d’une convention conclue avec un autre État membre (18). En d’autres termes, un État membre ne saurait soumettre ces droits à une convention de réciprocité passée avec un autre État membre dans le but d’obtenir des avantages correspondants de cet État (19).

59.      Le deuxième enseignement est que, en présence d’une mesure fiscale d’un État membre entravant une liberté de circulation prévue par le traité, une convention bilatérale peut être prise en compte lorsqu’elle neutralise cette entrave (20). La Cour examine si l’application combinée de la législation en cause et de la convention bilatérale laisse subsister une restriction à la liberté de circulation applicable (21) ou renvoie cette appréciation au juge national (22).

60.      Le troisième enseignement est que, lorsqu’un contribuable non-résident se trouve dans la même situation qu’un contribuable résident, il doit, en vertu du principe du traitement national, bénéficier, dans les mêmes conditions que les contribuables résidents, des avantages découlant d’une convention bilatérale passée entre l’État membre de résidence et un pays tiers (23).

61.      Le quatrième enseignement est que le droit communautaire n’impose pas à un État membre d’étendre à un contribuable non-résident, qui ne se trouve pas dans une situation comparable à celle d’un contribuable résident, le bénéfice d’une convention bilatérale passée avec un pays autre que celui de ce contribuable non-résident (24). En d’autres termes, le droit communautaire, en matière fiscale, n’impose pas à un État membre d’accorder à un résident d’un autre État membre le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée.

62.      C’est au regard de ces grandes lignes de la jurisprudence que nous allons examiner les questions préjudicielles posées par le Hoge Raad der Nederlanden.

B –    Sur les questions préjudicielles

1.      Introduction

a)      Sur la liberté de circulation applicable

63.      À titre liminaire, il convient de rappeler que la perception, par un actionnaire résidant ou établi dans un État membre, de dividendes en provenance de sociétés non-résidentes constitue un mouvement de capitaux au sens de l’article 56 CE (25).

64.      Il ressort de la jurisprudence qu’une législation nationale qui soumet la perception de dividendes à un impôt dont le taux dépend de l’origine, nationale ou non, de ces dividendes, indépendamment de l’ampleur de la participation que l’actionnaire détient dans la société distributrice est susceptible de relever aussi bien de l’article 43 CE, relatif à la liberté d’établissement, que de l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux (26). Toutefois, lorsque la participation de l’actionnaire dans le capital d’une société ne lui permet pas d’exercer une influence certaine sur les décisions de cette société ni d’en déterminer les activités, seules les dispositions de l’article 56 CE trouvent à s’appliquer (27).

65.      Il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que la participation d’OESF dans le capital des sociétés distributrices, pendant l’exercice comptable pertinent, ne lui permettait pas de déterminer les activités de ces sociétés. C’est donc à l’aune des dispositions du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux et seulement au regard de celles-ci que nous examinerons la compatibilité des limitations litigieuses avec le droit communautaire.

b)      Sur le contenu des questions préjudicielles et l’ordre de leur examen

66.      La juridiction de renvoi pose trois séries de questions préjudicielles. Par sa première question, sous a) et b), elle interroge la Cour sur la compatibilité des deux limitations en cause avec les dispositions des articles 56 CE et 58 CE.

67.      Par sa deuxième question, sous a) à c), à laquelle nous rattachons la troisième question, sous b) et c), elle cherche à savoir quelles conséquences il convient de tirer du fait qu’un organisme de placement collectif comme OESF a investi dans des pays tiers et a lui-même des actionnaires qui résident ou sont établis dans des pays tiers.

68.      Enfin, par sa troisième question, sous a), la juridiction de renvoi demande si la circonstance que la retenue fiscale effectuée dans un autre pays est plus élevée que la retenue frappant les dividendes redistribués aux actionnaires étrangers dans l’État membre où l’organisme de placement collectif est établi a une incidence sur les réponses aux questions qui précèdent.

69.      Nous allons examiner successivement ces trois séries de questions.

2.      Sur la première série de questions préjudicielles

a)      Sur la première question, sous a)

70.      Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre comme la législation néerlandaise en cause qui, prévoyant au bénéfice d’organismes de placement collectif une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés auxdits organismes, restreint cette compensation au montant qu’une personne physique résidant sur le territoire néerlandais aurait pu imputer en vertu d’une convention préventive d’une double imposition conclue avec l’autre État membre.

71.      Par cette question, ladite juridiction cherche à savoir si le refus, par l’autorité fiscale néerlandaise, de prendre en compte les impôts acquittés par OESF en Allemagne et au Portugal sur les dividendes originaires de ces États est contraire aux articles 56 CE et 58 CE.

72.      La juridiction de renvoi expose qu’elle soumet cette interrogation à la Cour au regard du fait qu’un organisme de placement collectif qui reçoit des dividendes de sociétés établies aux Pays-Bas bénéficie du remboursement intégral de l’impôt néerlandais sur les dividendes retenu à la source par ces sociétés.

73.      OESF et la Commission des Communautés européennes soutiennent, au vu de cette constatation, que le régime litigieux fait une différence de traitement non justifiée entre les impôts retenus à la source en Allemagne et au Portugal et ceux retenus à la source aux Pays-Bas et qu’il est, par conséquent, contraire au droit communautaire.

74.      OESF fait aussi valoir que ce régime est également contraire aux articles 56 CE et 58 CE parce que, en cas d’investissement dans tout État membre autre que l’Allemagne et le Portugal, l’organisme de placement collectif reçoit une compensation destinée à prévenir ou à atténuer la double imposition des dividendes.

75.      Le gouvernement néerlandais expose, quant à lui, que le régime litigieux est conforme au droit communautaire. En effet, selon lui, ce régime ne ferait aucune distinction en fonction de l’origine des dividendes parce que le remboursement de l’impôt néerlandais constituerait, en réalité, une exonération, de sorte que les organismes de placement collectif ne seraient imposés ni sur les dividendes nationaux ni sur les dividendes étrangers. Dès lors, la double imposition qui grève les dividendes provenant d’Allemagne et du Portugal procéderait, en l’espèce, de l’exercice, par chacun de ces États membres, de leurs compétences en matière fiscale et la situation en l’espèce serait comparable à celle de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kerckhaert et Morres, précité.

76.      Le gouvernement néerlandais expose également que la circonstance que l’imposition prélevée en Allemagne et au Portugal ne donne pas lieu à une compensation, contrairement aux retenues à la source effectuées dans d’autres États membres comme l’Italie, serait inhérente au contenu des conventions bilatérales passées avec ces autres États, de sorte que, sous cet aspect, la situation en l’espèce serait comparable à celle de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt D., précité.

77.      Nous partageons l’opinion du gouvernement néerlandais en ce qui concerne la première partie de son analyse. Contrairement à OESF et à la Commission, nous ne croyons pas que le régime fiscal litigieux doive être considéré comme contraire au droit communautaire lorsque nous comparons le traitement, dans ce régime, des dividendes provenant d’Allemagne et du Portugal avec celui des dividendes originaires des Pays-Bas.

78.      En revanche, comme OESF, nous sommes d’avis que le régime en cause est bien contraire aux articles 56 CE et 58 CE en ce qu’il applique aux dividendes provenant d’Allemagne et du Portugal un traitement moins favorable que celui réservé aux dividendes originaires des autres États membres. Selon nous, la limitation du bénéfice de la compensation prévu par ce régime aux impôts retenus à la source dans les États membres autres que l’Allemagne et le Portugal ne peut pas être considérée comme une différence de traitement inhérente aux conventions bilatérales passées entre le Royaume des Pays-Bas et les États membres, au sens de l’arrêt D., précité.

79.      Nous allons reprendre successivement chacun de ces points.

80.      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu du régime fiscal litigieux, un organisme de placement collectif est imposé sur ses bénéfices à un taux nul et que ses actionnaires sont imposés sur l’ensemble des bénéfices qui leur sont distribués par celui-ci, quelle que soit leur provenance, c’est-à-dire tant les dividendes versés par des sociétés établies aux Pays-Bas que ceux d’origine étrangère. Les bénéfices distribués à un organisme de placement collectif par des sociétés établies en Allemagne et au Portugal font donc partie des bénéfices imposés aux Pays-Bas lors de leur distribution aux actionnaires de cet organisme, par voie de retenue à la source effectuée par celui-ci.

81.      Il est également constant que l’impôt sur les dividendes néerlandais, retenu à la source par les sociétés établies aux Pays-Bas, est remboursé à l’organisme de placement collectif et que cet organisme reçoit, de la part du Royaume des Pays-Bas, une compensation au titre des impôts retenus à la source dans les États membres autres que l’Allemagne et le Portugal.

82.      Dans ces conditions, il est plus avantageux, pour un organisme de placement collectif, d’investir dans des sociétés établies aux Pays-Bas ainsi que dans des États membres autres que l’Allemagne et le Portugal que dans des sociétés établies dans ces deux derniers États. En effet, alors que les dividendes originaires des Pays-Bas ne sont imposés qu’une seule fois au niveau des actionnaires et alors que les dividendes originaires des États membres autres que l’Allemagne et le Portugal donnent lieu à une compensation au titre de l’impôt retenu à la source, les dividendes provenant de ces deux derniers États demeurent grevés d’une double imposition.

83.      Cette différence de traitement peut donc dissuader les organismes de placement collectif d’investir en Allemagne ainsi qu’au Portugal et constituer un obstacle à la collecte, par des sociétés établies dans ces deux États membres, de capitaux aux Pays-Bas auprès de tels organismes.

84.      Cependant, conformément à la jurisprudence, de telles restrictions ne sont contraires aux dispositions des articles 56 CE et 58 CE que si elles sont la conséquence d’une discrimination, ostensible ou déguisée, c’est-à-dire si elles sont imputables à un même régime fiscal d’un État membre qui appliquerait une règle différente à des situations comparables ou la même règle à des situations différentes.

85.      Lorsque nous comparons le traitement, dans le régime fiscal litigieux, des dividendes originaires d’Allemagne et du Portugal avec celui des dividendes d’origine néerlandaise et que nous nous situons au niveau de l’organisme de placement collectif, nous constatons que ces dividendes, quelle que soit leur origine, ne sont pas imposés par le droit néerlandais.

86.      En effet, comme l’indique le gouvernement néerlandais, le remboursement de l’impôt néerlandais sur les dividendes, prélevé par voie de retenue à la source par les sociétés distributrices établies aux Pays-Bas, équivaut, en réalité, à exonérer l’organisme de placement collectif de cet impôt. La retenue à la source effectuée par lesdites sociétés ne constitue, en effet, qu’une modalité de recouvrement de l’impôt sur les dividendes dus par leur bénéficiaire (28). Dans la mesure où un organisme de placement collectif est imposé sur ses bénéfices à 0 %, il est logique que cette retenue à la source lui soit remboursée (29).

87.      De même, les dividendes versés à un tel organisme par des sociétés établies en Allemagne et au Portugal ne sont pas imposés par le droit néerlandais au niveau de cet organisme. À ce stade, le droit néerlandais n’applique donc pas aux dividendes originaires d’Allemagne et du Portugal un traitement différent de celui réservé aux dividendes néerlandais.

88.      Ensuite, lorsque nous examinons le régime fiscal litigieux au niveau des actionnaires d’un organisme de placement collectif, nous constatons que ceux-ci sont imposés par le droit néerlandais sur l’ensemble des bénéfices versés par cet organisme, sans qu’il soit fait de distinction en fonction de l’origine des dividendes reçus par celui-ci. Ledit régime, à ce stade, ne prévoit pas non plus de règles différentes pour les dividendes originaires d’Allemagne et du Portugal et ceux d’origine néerlandaise.

89.      Au vu de cette analyse, la circonstance que les dividendes originaires d’Allemagne et du Portugal font l’objet d’une charge fiscale plus lourde que les dividendes d’origine néerlandaise ne résulte pas d’une différence de traitement imputable au régime fiscal des Pays-Bas, mais découle de la décision des gouvernements allemand et portugais d’imposer OESF sur les dividendes versés à cet organisme par des sociétés établies sur leur territoire respectif.

90.      La situation, en l’espèce, est donc différente, à notre avis, de celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Manninen, précité, auquel se sont référées la juridiction de renvoi ainsi qu’OESF et la Commission. En effet, dans cette affaire, la réglementation finlandaise octroyait aux personnes assujetties à l’impôt à titre principal en Finlande un avoir fiscal au titre des dividendes versés par les sociétés établies dans cet État membre. Cet avoir fiscal avait pour objectif de prévenir la double imposition économique de ces dividendes. Il s’agissait d’imputer l’impôt dû par la société distribuant lesdits dividendes au titre de l’impôt sur les sociétés sur celui dû par l’actionnaire au titre de l’impôt sur le revenu.

91.      Ledit avoir fiscal se distingue doublement du système de remboursement en cause dans la présente affaire.

92.      D’une part, comme nous l’avons vu, ce remboursement n’a pas pour objet de prendre en compte l’impôt sur les sociétés dû par les sociétés établies aux Pays-Bas, mais d’exonérer un organisme de placement collectif de l’impôt sur les dividendes. D’autre part, la législation en cause dans l’affaire Manninen, précitée, prévoyait un traitement différent pour des situations comparables en ce que l’avoir fiscal était réservé aux dividendes versés par des sociétés nationales, alors qu’un actionnaire finlandais était également imposé en Finlande sur les dividendes originaires d’autres États membres et qu’aucune disposition n’était prise par le droit finlandais pour tenir compte de l’impôt sur les sociétés acquitté par les sociétés distributrices à l’étranger.

93.      De même, l’exonération à laquelle aboutit le régime litigieux est différente de celle prévue par la loi néerlandaise en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Verkooijen, précité, auquel OESF et la Commission se sont également référées. Cette loi prévoyait, en effet, une exonération de l’impôt sur le revenu auquel sont soumis les dividendes versés à des personnes physiques actionnaires, à la condition que les dividendes soient distribués par des sociétés ayant leur siège aux Pays-Bas.

94.      Dans la mesure où ces actionnaires étaient imposés aux Pays-Bas sur l’ensemble des dividendes qu’ils percevaient, y compris sur ceux originaires d’autres États membres, la limitation de l’exonération aux dividendes nationaux constituait bien une différence de traitement des dividendes nationaux et des dividendes originaires des autres États membres.

95.      Or, comme nous l’avons indiqué, le régime fiscal néerlandais des organismes de placement collectif ne traite pas de manière différente les dividendes originaires des Pays-Bas et ceux provenant d’Allemagne et du Portugal.

96.      Par conséquent, la question qui se pose en l’espèce est de savoir si le Royaume des Pays-Bas, dans une telle situation, était obligé par le droit communautaire de prévoir une compensation de l’impôt retenu à la source en Allemagne et au Portugal en raison du fait que les dividendes originaires des Pays-Bas ne se trouvaient pas grevés d’une double imposition.

97.      Nous ne le croyons pas parce que le droit communautaire, dans une telle situation, ne fait obligation ni à l’Allemagne et au Portugal ni aux Pays-Bas de renoncer à leur pouvoir de taxation. Nous sommes d’avis, comme le gouvernement néerlandais, que la situation en l’espèce peut être rapprochée de celle de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kerckhaert et Morres, précité.

98.      Comme dans cette affaire, nous nous trouvons confronté à une situation dans laquelle les dividendes originaires d’autres États membres font l’objet d’un traitement identique par la législation nationale contestée et sont grevés par une double imposition en raison de l’exercice, par ces États, de leur pouvoir de taxation à la source. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux ne s’opposent pas à une législation d’un État membre qui, dans le cadre de l’impôt sur le revenu, soumet au même taux uniforme d’imposition les dividendes d’actions de sociétés établies sur le territoire dudit État et les dividendes d’actions de sociétés établies dans un autre État membre, sans prévoir de possibilité d’imputation de l’impôt prélevé par voie de retenue à la source dans cet autre État membre.

99.      Cette réponse nous semble transposable en l’espèce. La circonstance que le Royaume des Pays-Bas ait à la fois la qualité d’État de résidence du contribuable, lorsque nous examinons le régime litigieux au niveau de la taxation des organismes de placement collectif, ainsi que celle d’État de la source des dividendes, lorsque nous examinons ce régime au stade de la taxation des actionnaires de ces organismes, ne modifie pas cette analyse.

100. En revanche, nous ne suivons pas l’opinion du gouvernement néerlandais lorsque nous comparons le traitement, dans le régime fiscal litigieux, des dividendes originaires d’Allemagne et du Portugal avec celui des dividendes originaires d’autres États membres.

101. Ainsi que nous l’avons indiqué précédemment, les libertés de circulation s’opposent à toute législation d’un État membre qui prévoit sans justification une règle différente pour des situations identiques ou une même règle pour des situations différentes. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (30), cette prohibition des mesures discriminatoires ne vise pas seulement les différences de traitement entre un contribuable résident qui investit dans l’État de résidence et un contribuable résident qui investit dans un autre État de l’Union. Elle s’applique également aux mesures nationales qui prévoient un régime différencié entre les États membres et qui traitent les investissements dans un État de l’Union de manière moins favorable que ceux effectués dans un autre État membre.

102. Certes, dans l’arrêt D., précité, il a été jugé que le droit communautaire n’imposait pas aux Pays-Bas d’étendre à D., ressortissant allemand résidant en Allemagne, le bénéfice de la convention bilatérale passée entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique. D. ne pouvait donc pas prétendre au bénéfice de l’abattement sur l’impôt sur la fortune dû aux Pays-Bas qu’un contribuable résidant en Belgique se trouvant dans sa situation se serait vu accorder en application de cette convention bilatérale.

103. Dans cette affaire, la Cour a estimé que la différence de traitement ainsi faite entre D. et un contribuable résidant en Belgique n’était pas contraire au droit communautaire, parce qu’ils ne se trouvaient pas dans la même situation. La Cour a fondé cette appréciation sur un double constat: d’une part, ce contribuable, en tant que personne physique résidant en Belgique, était visé dans ladite convention et, d’autre part, le fait que les droits et les obligations réciproques prévus par celle-ci s’appliquent exclusivement aux personnes résidentes de l’un des deux États membres contractants était une conséquence inhérente aux conventions bilatérales préventives d’une double imposition. Elle en a déduit que la disposition de la convention belgo-néerlandaise ouvrant le bénéfice de l’abattement à un résident en Belgique ne constituait pas un avantage détachable du reste de celle-ci, mais en faisait partie intégrante et contribuait à son équilibre général (31).

104. Il s’ensuit que c’est la nécessité de préserver l’équilibre et la réciprocité des engagements convenus de manière bilatérale qui justifie de limiter le champ d’application de telles conventions aux personnes physiques et morales visées par celles-ci. C’est donc cette exigence qui conduit à considérer que la différence de traitement ainsi créée entre des ressortissants d’États membres différents qui, lorsqu’il est fait abstraction des dispositions de ces conventions, se trouvent dans la même situation n’est pas discriminatoire.

105. Dans la mesure où la jurisprudence dégagée dans l’arrêt D., précité, apparaît ainsi comme une exception au principe de non-discrimination, elle doit, à notre avis, faire l’objet d’une interprétation stricte. C’est pourquoi nous ne croyons pas que cette jurisprudence soit transposable en l’espèce.

106. En effet, lorsque nous examinons la situation d’un organisme de placement collectif qui investit en Allemagne ou au Portugal et celle d’un organisme de placement collectif qui investit dans un autre État membre comme l’Italie, nous constatons que ni le premier organisme ni le second ne se trouvent visés par une convention bilatérale préventive d’une double imposition.

107. La circonstance que l’organisme investissant en Italie bénéficie d’une compensation pour la retenue à la source effectuée sur les dividendes originaires de cet État ne résulte donc pas de l’application automatique de la convention bilatérale passée entre le Royaume des Pays-Bas et la République italienne, mais d’une décision unilatérale du gouvernement néerlandais d’étendre le bénéfice de cette convention aux organismes de placement collectif. Il ne peut donc pas être affirmé que le droit de tels organismes à l’imputation des impôts retenus à la source dans un État membre ayant conclu une convention bilatérale avec le Royaume des Pays-Bas fait partie intégrante de cette convention et contribue à son équilibre général. L’extension du droit à la compensation aux dividendes originaires d’Allemagne et du Portugal ne met donc pas en péril l’équilibre et la réciprocité des engagements contenus dans les conventions bilatérales passées par le Royaume des Pays-Bas.

108. Dans ces conditions, nous sommes d’avis que la Cour doit assurer le respect du principe de non-discrimination, qui constitue le fondement même du marché intérieur et qui s’impose aux États membres lorsqu’ils exercent leurs compétences en matière fiscale. Selon nous, à partir du moment où le législateur néerlandais a décidé d’octroyer à des organismes de placement collectif une compensation pour les retenues à la source appliquées aux dividendes originaires de certains États membres, alors que, comme il l’indique lui-même, il n’y était pas tenu par les conventions bilatérales passées avec ces États, il ne pouvait pas exclure de cet avantage les dividendes provenant d’autres États membres, comme l’Allemagne et le Portugal.

109. Par conséquent, nous proposerons à la Cour de répondre à la première question, sous a), que les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre comme la législation néerlandaise en cause qui, prévoyant au bénéfice d’organismes de placement collectif une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés auxdits organismes, restreint cette compensation au montant qu’une personne physique résidant sur le territoire néerlandais aurait pu imputer en vertu d’une convention préventive d’une double imposition conclue avec l’autre État membre.

b)      Sur la première question, sous b)

110. Par sa première question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre qui, prévoyant au bénéfice d’organismes de placement collectif une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés auxdits organismes, restreint cette compensation si et dans la mesure où l’actionnariat de l’organisme concerné est constitué de personnes physiques ne résidant pas aux Pays-Bas ou d’organismes non assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés.

111. Par cette question, ladite juridiction cherche à savoir si la réduction de la compensation accordée à OESF à proportion de la participation dans le capital de celle-ci d’actionnaires résidant ou établis dans des États membres autres que les Pays-Bas (Belgique, Allemagne, France, Luxembourg et Royaume-Uni) et dans des pays tiers (États-Unis et Suisse) est conforme à la liberté de circulation des capitaux.

112. La juridiction de renvoi expose qu’elle soumet cette interrogation à la Cour au regard du fait qu’un organisme de placement collectif qui investit aux Pays-Bas bénéficie du remboursement des retenues à la source sur les dividendes d’origine nationale indépendamment du lieu de résidence ou d’établissement de ses actionnaires.

113. Contrairement à la Commission, nous ne croyons pas que le régime litigieux soit contraire au droit communautaire sous cet aspect. Ainsi que nous l’avons vu dans le cadre de l’examen de la compatibilité de la première limitation avec le droit communautaire, l’exonération des organismes de placement collectif de l’impôt néerlandais sur les dividendes n’obligeait pas le Royaume des Pays-Bas à prévoir un système d’imputation des retenues à la source sur les dividendes étrangers.

114. Par conséquent, la circonstance qu’un organisme de placement collectif subisse une diminution de la compensation destinée à tenir compte des retenues à la source sur les dividendes originaires d’autres pays en fonction de la participation à son capital d’actionnaires étrangers n’est pas contraire au droit communautaire au regard du fait que cet organisme est exonéré de l’impôt néerlandais sur les dividendes indépendamment du lieu de résidence ou d’établissement de ses actionnaires.

115. En revanche, nous sommes d’avis que la limitation litigieuse est contraire aux articles 56 CE et 58 CE lorsque nous examinons ses effets dans les mouvements de capitaux entre un organisme de placement collectif et ses actionnaires.

116. Tout d’abord, en effet, la limitation en cause restreint ces mouvements de capitaux. Ainsi, un organisme de placement collectif dont tous les actionnaires résident ou sont établis aux Pays-Bas et qui investit à l’étranger bénéficie d’une compensation des impôts retenus à la source à hauteur de l’impôt néerlandais qui serait applicable aux dividendes étrangers. En revanche, un organisme de placement collectif dont une partie des actionnaires sont étrangers voit sa compensation réduite en fonction de la participation de ces actionnaires dans son capital.

117. Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon le régime fiscal en cause, le montant des bénéfices distribués aux actionnaires est calculé en prenant en compte le remboursement de l’impôt retenu à la source sur les dividendes versés par des sociétés établies aux Pays-Bas ainsi que la compensation octroyée au titre des retenues à la source effectuées à l’étranger sur les dividendes originaires d’autres États. Le montant du bénéfice à distribuer ainsi établi est ensuite réparti entre les actionnaires de l’organisme de placement collectif en fonction de leur participation dans le capital de celui-ci et ces actionnaires sont imposés sur ces dividendes aux Pays-Bas, par une retenue à la source effectuée par l’organisme.

118. Il s’ensuit que la limitation de la compensation de l’impôt étranger en fonction de la participation d’actionnaires étrangers dans le capital de l’organisme concerné pénalise indistinctement tous les actionnaires de celui-ci, puisqu’elle a pour effet de réduire le montant total du bénéfice à répartir.

119. Une telle limitation fait donc obstacle à la collecte, par un organisme de placement collectif, de capitaux dans d’autres États membres et dans des pays tiers, et elle dissuade les investisseurs étrangers d’acquérir des parts de celui-ci.

120. Ensuite, contrairement à ce que soutient le gouvernement néerlandais, ces restrictions ne sauraient être justifiées par le fait que les actionnaires résidant ou établis à l’étranger ne seraient pas dans la même situation que les actionnaires résidant ou établis aux Pays-Bas. En effet, comme le souligne la juridiction de renvoi, tous les actionnaires d’un organisme de placement collectif sont imposés aux Pays-Bas sur les dividendes distribués par cet organisme, quel que soit le lieu de leur résidence ou de leur établissement. Il s’ensuit qu’un organisme de placement collectif investissant à l’étranger et comprenant des actionnaires étrangers se trouve, à cet égard, dans la même situation qu’un organisme de placement collectif investissant à l’étranger et dont les actionnaires sont tous résidents ou établis aux Pays-Bas.

121. Par conséquent, et conformément à la jurisprudence dégagée dans les arrêts précités Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation ainsi que Denkavit Internationaal et Denkavit France, à partir du moment où le Royaume des Pays-Bas a décidé d’octroyer aux organismes de placement collectif une compensation au titre de l’impôt retenu à l’étranger et de taxer les actionnaires de ces organismes indépendamment de leur résidence ou de leur lieu d’établissement, il devait étendre le bénéfice de cette compensation aux organismes de placement collectif comprenant des actionnaires non-résidents (32).

122. Nous proposerons donc à la Cour de répondre à la première question, sous b), que les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre comme la législation néerlandaise en cause qui, prévoyant au bénéfice d’organismes de placement collectif une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés auxdits organismes, restreint cette compensation si et dans la mesure où l’actionnariat de l’organisme concerné est constitué de personnes physiques ne résidant pas aux Pays-Bas ou d’organismes non assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés.

3.      Sur la deuxième série de questions préjudicielles

123. La juridiction de renvoi expose qu’elle se trouve confrontée à deux interrogations.

124. Premièrement, elle cherche à savoir s’il y a lieu de faire une distinction entre les dividendes originaires d’un État membre de la Communauté ou de l’Espace économique européen (EEE) et les dividendes provenant d’un pays tiers. Elle expose être face à cette interrogation parce que OESF, pendant l’exercice comptable concerné, a reçu des dividendes d’une société établie en Suisse.

125. Deuxièmement, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’interdiction prévue à l’article 56 CE a la même portée en ce qui concerne les mouvements de capitaux en provenance et à destination de pays tiers qu’au sein de l’Union européenne et de l’EEE. Elle souhaiterait voir préciser, à cet égard, si cet article impose à un État membre de renoncer à un avantage dans le cadre de mouvements de capitaux avec un pays tiers, alors que celui-ci, par hypothèse, n’est pas lié par le traité et n’est donc pas tenu de faire un sacrifice similaire. En raison de cette absence de réciprocité, il s’agirait donc de déterminer si des restrictions pourraient être justifiées par des motifs qui ne seraient pas retenus dans le cadre intracommunautaire.

126. C’est au vu de ces considérations que la juridiction de renvoi demande, par sa deuxième question, sous b), si l’article 56 CE a la même portée en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers que dans le cadre intracommunautaire puis, par sa deuxième question, sous c), si, en cas de réponse négative à la question précédente, l’article 56 CE s’oppose à la première limitation, dans la mesure où celle-ci est destinée à tenir compte de retenues à la source effectuées dans un pays tiers, alors que cette limitation est motivée par la circonstance que l’actionnariat de l’organisme concerné comprend également des actionnaires étrangers.

127. Par sa deuxième question, sous a), la juridiction de renvoi demande si la notion d’«investissements directs» visée à l’article 57, paragraphe 1, CE, qui permet aux États membres de maintenir les restrictions aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination des pays tiers existant au 31 décembre 1993 lorsqu’elles impliquent de tels investissements, comprend le fait d’être titulaire d’un paquet d’actions d’une société qui ne permet pas d’exercer une influence déterminante sur la gestion ou le contrôle de celle-ci.

128. Enfin, par sa troisième question, sous b) et c), elle interroge la Cour sur le point de savoir si la circonstance que les actionnaires étrangers de l’organisme de placement collectif concerné résident ou sont établis dans un autre État membre ou bien dans un pays avec lequel l’État membre d’établissement de l’organisme a conclu une convention prévoyant, sur une base réciproque, l’imputation des retenues à la source sur les dividendes a une incidence sur les réponses apportées aux questions précédentes.

129. Nous examinerons d’abord la deuxième question, sous b), en ce qu’elle vise les investissements d’OESF dans un pays tiers, ainsi que la deuxième question, sous c) et a), qui se rapporte uniquement à ces investissements. Nous analyserons ensuite la deuxième question, sous b), en ce qu’elle prend en considération le fait que les actionnaires d’OESF, pour une partie d’entre eux, résident ou sont établis dans un pays tiers, ainsi que la troisième question, sous b) et c), qui concerne cette situation.

130. La juridiction de renvoi pose à la Cour la deuxième question, sous a) à c), en considération du fait que OESF a reçu des dividendes d’une société établie en Suisse. Nous sommes d’avis que cette question n’est pas recevable, parce qu’elle n’est pas nécessaire à la solution du litige au principal. En effet, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que les retenues à la source effectuées par la Suisse sur les dividendes versés à OESF en provenance de ce pays ont été prises en compte dans le calcul de la compensation. Il ressort également de ces indications que les seules retenues à la source qui n’ont pas été prises en considération ont été effectuées dans des États membres, c’est-à-dire l’Allemagne et le Portugal.

131. Conformément à la jurisprudence (33), nous sommes donc d’avis qu’il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question, sous b), en ce qu’elle se rapporte aux investissements d’OESF en Suisse, ni à la deuxième question, sous c) et a), qui vise spécifiquement ces investissements.

132. Nous allons examiner à présent la deuxième question, sous b), en ce qu’elle se réfère à la participation dans le capital d’OESF d’actionnaires résidant ou établis dans des pays tiers, ainsi que la troisième question, sous b) et c).

133. Au regard des motifs pour lesquels la juridiction de renvoi pose ces questions, nous proposons à la Cour de les examiner ensemble et de les comprendre en ce sens que cette juridiction demande si les limitations en cause peuvent être justifiées par le fait qu’une partie des actionnaires de l’organisme de placement collectif concerné ne sont pas résidents ou établis dans un autre État membre ou dans un pays tiers avec lequel l’État membre d’établissement de cet organisme a conclu une convention prévoyant, sur une base réciproque, l’imputation des retenues effectuées à la source sur les dividendes.

134. Certes, comme nous l’avons rappelé précédemment, la Cour a admis qu’il ne saurait être exclu qu’une restriction des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers soit justifiée par un motif donné dans des circonstances où ce motif ne serait pas de nature à constituer une justification valide pour une restriction de mouvements de capitaux entre États membres.

135. La Cour a fourni des indications en ce qui concerne les motifs pouvant être retenus. Ces motifs découlent du fait qu’un État tiers ne se trouve pas tenu par le droit communautaire, notamment par l’ensemble des obligations de coopération en matière de fourniture de renseignement et d’assistance dans le recouvrement. Le gouvernement néerlandais soutient que ces motifs peuvent également être tirés de l’absence de réciprocité dans le respect des obligations de l’article 56 CE.

136. En tout état de cause, nous ne croyons pas que, dans les circonstances de l’espèce, les limitations litigieuses puissent être justifiées par un motif propre aux mouvements de capitaux avec les pays tiers. En effet, ainsi que nous l’avons exposé précédemment, les limitations litigieuses ont pour effet de réduire le montant global du bénéfice à distribuer entre tous les actionnaires, indépendamment de leur lieu de résidence ou d’établissement, et pénalisent ainsi ces derniers indistinctement. Par ailleurs, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi qu’une partie des actionnaires étrangers d’OESF, pendant l’exercice comptable pertinent, étaient résidents ou établis dans d’autres États membres.

137. Par conséquent, à supposer que les limitations litigieuses aient pu être justifiées par un motif propre aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers si tous les actionnaires de l’organisme de placement collectif concerné avaient été résidents ou établis dans un pays tiers, une telle justification ne peut pas être prise en considération en l’espèce.

138. Nous proposerons donc de répondre à la deuxième question, sous b), et à la troisième question, sous b) et c), que les limitations en cause ne sauraient être justifiées par le fait qu’une partie des actionnaires de l’organisme de placement collectif concerné ne sont pas résidents ou établis dans un autre État membre ou dans un pays tiers avec lequel l’État membre d’établissement de cet organisme a conclu une convention prévoyant, sur une base réciproque, l’imputation des retenues effectuées à la source sur les dividendes.

4.      Sur la troisième question, sous a)

139. Par sa troisième question, sous a), la juridiction de renvoi demande si le fait que la retenue fiscale effectuée dans un autre pays sur des dividendes versés à partir de ce pays est plus élevée que la retenue frappant les dividendes redistribués aux actionnaires étrangers dans l’État membre où l’organisme de placement collectif est établi a une incidence sur les réponses aux questions qui précèdent.

140. Ladite juridiction soumet cette question à la Cour parce que le taux de la retenue à la source effectuée au Portugal sur les dividendes versés à OESF en provenance de cet État membre a été de 17,5 %, alors que celui de la retenue à la source effectuée aux Pays-Bas sur les dividendes distribués aux actionnaires d’OESF s’est élevé à 15 %.

141. Nous sommes d’avis que cette circonstance est sans incidence sur les réponses que nous avons proposé d’apporter à la première série de questions préjudicielles.

142. En effet, en ce qui concerne la première limitation, la compensation accordée par le Royaume des Pays-Bas au titre des retenues à la source effectuées dans un État membre autre que l’Allemagne et le Portugal ne dépend pas du taux de ces retenues. Les retenues à la source effectuées au Portugal doivent donc faire l’objet d’un traitement équivalent et ouvrir droit à une compensation, indépendamment du fait que leur taux est supérieur à celui du précompte néerlandais sur les dividendes distribués aux actionnaires (34).

143. Le même raisonnement vaut pour la seconde limitation. La compensation accordée au titre des retenues à la source effectuées dans un autre État membre à un organisme de placement collectif dont tous les actionnaires résident ou sont établis aux Pays-Bas ne dépend pas non plus du taux de cette retenue à la source. Un organisme de placement collectif dont le capital est détenu en tout ou en partie par des actionnaires étrangers doit donc bénéficier de cette compensation, quel que soit le taux de la retenue à la source dans l’État membre de provenance des dividendes.

144. Nous proposons donc de répondre à la troisième question, sous a), que le fait que la retenue fiscale effectuée dans un autre État membre sur des dividendes versés à partir de cet État est plus élevée que la retenue frappant les dividendes redistribués aux actionnaires étrangers dans l’État membre où l’organisme de placement collectif est établi n’a pas d’incidence sur les réponses aux questions qui précèdent.

V –    Conclusion

145. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons de répondre de la manière suivante aux questions posées par le Hoge Raad der Nederlanden:

«1)      Les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre comme la législation néerlandaise en cause qui, prévoyant au bénéfice d’organismes de placement collectif une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés auxdits organismes, restreint cette compensation, d’une part, au montant qu’une personne physique résidant sur le territoire néerlandais aurait pu imputer en vertu d’une convention préventive d’une double imposition conclue avec l’autre État membre et, d’autre part, si et dans la mesure où l’actionnariat de l’organisme concerné est constitué de personnes physiques ne résidant pas aux Pays-Bas ou d’organismes non assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés.

2)      Ces restrictions aux mouvements de capitaux ne sauraient être justifiées par le fait qu’une partie des actionnaires de l’organisme de placement collectif concerné ne sont pas résidents ou établis dans un autre État membre ou dans un pays tiers avec lequel l’État membre d’établissement de cet organisme a conclu une convention prévoyant, sur une base réciproque, l’imputation des retenues effectuées à la source sur les dividendes.

3)      Le fait que la retenue fiscale effectuée dans un autre État membre sur des dividendes versés à partir de cet État est plus élevée que la retenue frappant les dividendes redistribués aux actionnaires étrangers dans l’État membre où l’organisme de placement collectif est établi n’a pas d’incidence sur les réponses aux questions qui précèdent.»


1 – Langue originale: le français.


2 – Selon la juridiction de renvoi, les autres conditions requises ne sont pas pertinentes en l’espèce.


3 – Ci-après «OESF».


4 – Arrêt du 6 mars 2007, Meilicke e.a. (C-292/04, non encore publié au Recueil, point 19 et jurisprudence citée).


5 – En ce qui concerne les sociétés au sens de l’article 48 CE, leur siège sert à déterminer leur rattachement à l’ordre juridique d’un État, à l’instar de la nationalité des personnes physiques (arrêt du 13 juillet 1993, Commerzbank, C-330/91, Rec. p. I-4017, point 13).


6 – Arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225, point 31).


7 – Voir, en ce qui concerne les personnes physiques, arrêt Schumacker, précité (points 28 et 29), et, pour les personnes morales, arrêt Commerzbank, précité (point 15).


8 – Arrêt du 7 septembre 2004, Manninen (C-319/02, Rec. p. I-7477, point 29).


9 – Directive du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6). Voir, également, directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts (JO L 157, p. 38), et directive 2003/49/CE du Conseil, du 3 juin 2003, concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents (JO L 157, p. 49).


10 – La directive 90/435, dans sa version en vigueur lors de l’exercice comptable en cause, était applicable aux sociétés qui détenaient dans le capital d’une société d’un autre État membre une participation minimale de 25 %. En outre, en vertu de son article 2, elle ne couvre que les sociétés qui sont assujetties à l’impôt sur les sociétés sans en être exonérées et nous savons que les organismes de placement financier, s’ils sont soumis à cet impôt, font l’objet d’une imposition à un taux nul.


11 – Convention du 23 juillet 1990, relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées (JO L 225, p. 10).


12 – Voir, à cet égard, arrêt du 14 novembre 2006, Kerckhaert et Morres (C-513/04, Rec. p. I-10967), à propos de la législation belge qui, dans le cadre de l’impôt sur le revenu, soumet au même taux uniforme d’imposition les dividendes d’actions de sociétés établies en Belgique et les dividendes d’actions de sociétés établies dans un autre État membre, sans prévoir de possibilité d’imputation de l’impôt prélevé par voie de retenue à la source dans cet autre État membre. La Cour a constaté que le régime fiscal en cause ne fait aucune distinction entre les dividendes de sociétés établies en Belgique et ceux de sociétés établies dans un autre État membre. Elle a estimé que les conséquences défavorables que pourrait entraîner l’application d’un tel système pour un contribuable percevant des dividendes ayant fait l’objet d’une retenue à la source dans un autre État membre découlent uniquement de l’exercice parallèle par deux États membres de leur compétence fiscale (point 20).


13 – Arrêt du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN (C-307/97, Rec. p. I-6161, points 57 et 58).


14 – Voir, à propos de l’octroi d’une exonération de l’impôt sur le revenu auquel sont soumis les dividendes versés à des personnes physiques actionnaires, arrêt du 6 juin 2000, Verkooijen (C-35/98, Rec. p. I-4071); à propos de l’application d’un taux d’imposition libératoire ou réduit de moitié, arrêt du 15 juillet 2004, Lenz (C-315/02, Rec. p. I-7063); à propos de l’octroi d’un avoir fiscal, arrêts précités Manninen et Meilicke e.a., et à propos d’une exonération de l’impôt sur les sociétés des dividendes d’origine nationale, alors que les dividendes d’origine étrangère étaient soumis à cet impôt et ne donnaient droit qu’à un dégrèvement pour l’éventuelle retenue à la source opérée dans l’État de résidence de la société distributrice, arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C-446/04, Rec. p. I-11753, points 61 à 71).


15 – Arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité (point 62). La même exigence ne s’impose pas automatiquement aux dividendes versés par des sociétés établies dans des pays tiers. Dans cet arrêt, la Cour a admis qu’il ne saurait être exclu qu’un État membre puisse démontrer qu’une restriction des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers soit justifiée par un motif donné dans des circonstances où ce motif ne serait pas de nature à constituer une justification valide pour une restriction de mouvements de capitaux entre États membres. Tel peut être le cas, notamment, dans une situation impliquant la vérification de l’impôt acquitté par des sociétés distributrices établies dans des pays tiers, dès lors que, les mesures législatives communautaires visant à la coopération entre autorités fiscales nationales, telles que la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15), n’étant pas applicables, la vérification de l’impôt acquitté par ces sociétés dans leur État de résidence peut s’avérer plus difficile que dans un contexte purement communautaire (points 169 à 171).


16 – Voir, à propos d’une législation d’un État membre prévoyant un système de crédit d’impôt au titre des dividendes versés par une société résidente à ses actionnaires résidents ainsi qu’aux actionnaires non-résidents lorsque cela est prévu par une convention préventive de double imposition, arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (C-374/04, Rec. p. I-11673), et, en ce qui concerne une législation nationale imposant les dividendes versés par des filiales résidentes à des sociétés mères établies dans un autre État membre et exonérant presque totalement les dividendes versés à des sociétés mères résidentes, arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France (C-170/05, Rec. p. I-11949).


17 – Arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité (point 70).


18 – Arrêt du 28 janvier 1986, Commission/France (270/83, Rec. p. 273, point 26).


19 – Idem.


20 – Arrêt Denkavit Internationaal et Denkavit France, précité (point 45 et jurisprudence citée).


21 – Ibidem (point 47).


22 – Arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité (point 71).


23 – Arrêt Saint-Gobain ZN, précité (point 59). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que l’établissement stable d’une société non-résidente doit bénéficier, comme les sociétés résidentes, de l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour les dividendes reçus de sociétés établies dans un pays tiers, prévue par une convention fiscale conclue avec ce pays tiers.


24 – Arrêt du 5 juillet 2005, D. (C-376/03, Rec. p. I-5821). Dans cette affaire, D., ressortissant allemand résidant en Allemagne, qui possédait 10 % du montant de sa fortune aux Pays-Bas et qui était assujetti à l’impôt sur la fortune dans cet État membre au titre des biens qu’il y possédait, avait demandé à bénéficier de l’abattement prévu par la loi néerlandaise en faveur des contribuables résidents. La Cour a jugé que cet impôt sur la fortune était assimilable à l’impôt sur le revenu, en ce qu’il était établi en fonction de la capacité contributive du contribuable. Elle en a déduit qu’un contribuable non-résident, qui ne détient qu’une faible partie de sa fortune aux Pays-Bas, ne se trouvait pas dans la même situation qu’un contribuable résident, de sorte qu’il ne pouvait pas prétendre au bénéfice de l’abattement en cause. La question se posait ensuite de savoir si D. faisait l’objet d’une discrimination au motif qu’un contribuable résidant en Belgique, se trouvant dans une situation analogue à la sienne, pouvait bénéficier de l’abattement litigieux en vertu de la convention passée entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique. La Cour a estimé qu’une telle différence de traitement n’était pas contraire au droit communautaire. Voir, également dans le même sens, arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, à propos de la différence de situation résultant du fait que, parmi les conventions bilatérales passées entre un État membre et d’autres États, seulement quelques-unes d’entre elles prévoyaient un crédit d’impôt en faveur des résidents des États contractants.


25 – Arrêt Verkooijen, précité (points 28 à 30).


26 – Arrêt du 24 mai 2007, Holböck (C-157/05, non encore publié au Recueil, point 24 et jurisprudence citée).


27 – Voir, en ce sens, arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité (point 38).


28 – Ce système de retenue à la source, selon les explications fournies par le gouvernement néerlandais, a pour but d’anticiper la perception de l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés payable sur les dividendes afin d’éviter toute dissimulation de la part des actionnaires.


29 – Le gouvernement néerlandais a exposé, dans ses observations écrites, que sa législation prévoyait, initialement, une exonération de l’impôt sur les dividendes, mais que cette exonération a dû être remplacée par le système litigieux à cause des contraintes administratives qu’elle imposait aux organismes de placement collectif, afin de justifier de leur situation auprès des sociétés distributrices avant chaque versement de dividendes.


30 – C-196/04, Rec. p. I-7995, points 43 à 46.


31 – Arrêt D., précité (points 59 à 62). La même analyse a été adoptée par la Cour dans l’arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, à propos de la différence de traitement infligée à des sociétés non-résidentes du Royaume-Uni, du fait que, parmi les conventions conclues par cet État membre avec les autres États membres, certaines prévoyaient un crédit d’impôt pour les sociétés résidentes desdits États membres, alors que d’autres n’en prévoyaient pas (points 84 à 91).


32 – Arrêt Denkavit Internationaal et Denkavit France, précité (point 37 et jurisprudence citée).


33 – Voir, notamment, arrêts Lenz, précité (point 52), et du 21 février 2006, Ritter-Coulais (C-152/03, Rec. p. I-1711, point 15 et jurisprudence citée).


34 – À cet égard, il convient de préciser que, contrairement à ce qui a été soutenu par OESF à l’audience, le gouvernement néerlandais n’est pas tenu de lui rembourser la totalité de l’impôt acquitté au Portugal si le régime fiscal litigieux, tel que nous l’avons compris, limite la compensation destinée à prendre en compte l’impôt retenu à la source sur les dividendes originaires de l’étranger au montant de l’impôt néerlandais qui serait attribuable à ces dividendes. La retenue à la source effectuée au Portugal doit ouvrir droit à une compensation dans les mêmes conditions que les retenues effectuées dans les autres États membres.