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CONCLUSIONS DE MME KOKOTT – AFFAIRE C-499/13

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 6 novembre 2014 (1)

Affaire C-499/13

Marian Macikowski, en qualité d’huissier de justice près le Sąd Rejonowy w Chojnicach

contre

Dyrektor Izby Skarbowej w Gdańsku

[demande de décision préjudicielle formée par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne)]

«Droit fiscal – Taxe sur la valeur ajoutée – Articles 193, 199, paragraphe 1, sous g), ainsi que 204 à 206 de la directive 2006/112/CE – Livraison d’un bien immobilier par voie de vente forcée – Obligation de l’huissier de justice instrumentant de calculer, percevoir et verser la TVA – Responsabilité en cas de non-versement de la TVA – Principe de proportionnalité – Principe de neutralité fiscale»





I –    Introduction

1.        Toute loi fiscale reste impuissante si son application effective n’est pas garantie. Il n’est donc pas étonnant que les États membres de l’Union européenne prêtent une attention toute particulière à cet aspect. Ils ne manquent notamment pas d’idées s’agissant de créer de multiples obligations afin d’assurer la perception effective des taxes et impôts par le Trésor.

2.        La demande de décision préjudicielle sur laquelle la Cour est appelée à statuer dans la présente affaire a pour origine une livraison soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), réalisée par voie de vente forcée d’un bien immobilier. Le droit polonais fait peser sur l’huissier de justice intervenant dans le cadre d’une telle vente des obligations particulières en ce qui concerne la TVA due à ce titre, parce que l’on considère improbable que le débiteur visé par la procédure de vente forcée sera en mesure de payer la taxe lui-même. Si l’huissier de justice ne s’acquitte pas de ces obligations, il engage sa responsabilité.

3.        La Cour devra préciser si de telles obligations de l’huissier de justice sont conformes à la législation de l’Union en matière de TVA.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

4.        Au cours de la période pertinente aux fins du litige au principal, la TVA était perçue dans l’Union sur le fondement de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (2) (ci-après la «directive TVA»).

5.        Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, «[e]st considéré comme ‘assujetti’ quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité».

6.        Le titre XI de la directive TVA est consacré aux «[o]bligations des assujettis et de certaines personnes non assujetties». Le chapitre 1 («Obligation de paiement») de ce titre contient, aux articles 192 bis à 205, des dispositions relatives aux «[r]edevables de la taxe envers le Trésor».

7.        L’article 193 de la directive TVA énonce:

«La TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 et de l’article 202.»

8.        En application de l’article 199, paragraphe 1, de la directive TVA, «[l]es États membres peuvent prévoir que le redevable de la taxe est l’assujetti destinataire des opérations suivantes:

[…]

g)      les livraisons d’un bien immeuble vendu par le débiteur d’une créance exécutoire dans le cadre d’une procédure de vente forcée».

9.        L’article 204, paragraphe 1, de la directive TVA dispose:

«Lorsqu’en application des articles 193 à 197 et des articles 199 et 200, le redevable de la taxe est un assujetti qui n’est pas établi dans l’État membre dans lequel la TVA est due, les États membres peuvent lui permettre de désigner un représentant fiscal en tant que redevable.

En outre, lorsque l’opération imposable est effectuée par un assujetti qui n’est pas établi dans l’État membre dans lequel la TVA est due et qu’il n’existe, avec le pays du siège ou d’établissement de cet assujetti, aucun instrument juridique relatif à l’assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 76/308/CEE et par le règlement (CE) no 1798/2003, les États membres peuvent prendre des dispositions prévoyant que le redevable de la taxe est un représentant fiscal désigné par l’assujetti non établi.

[…]»

10.      L’article 205 de la directive TVA indique:

«Dans les situations visées aux articles 193 à 200 et aux articles 202, 203 et 204, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA.»

11.      Les articles qui suivent sont consacrés aux «[m]odalités de paiement». L’article 206 de la directive TVA précise:

«Tout assujetti qui est redevable de la taxe doit payer le montant net de la TVA lors du dépôt de la déclaration de TVA prévue à l’article 250. Toutefois, les États membres peuvent fixer une autre échéance pour le paiement de ce montant ou percevoir des acomptes provisionnels.»

12.      Dans le cadre du chapitre 5 («Déclarations») du titre XI, l’article 250 de la directive TVA prévoit:

«1.      Tout assujetti doit déposer une déclaration de TVA dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, et dans la mesure où cela est nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées.

[…]»

13.      L’article 252 de la directive TVA est rédigé comme suit:

«1.      La déclaration de TVA doit être déposée dans un délai à fixer par les États membres. Ce délai ne peut dépasser de plus de deux mois le terme de chaque période imposable.

2.      Les États membres fixent la durée de la période imposable à un, deux ou trois mois.

Les États membres peuvent toutefois fixer des durées différentes pour autant qu’elles n’excèdent pas un an.»

14.      Enfin, l’article 273 de la directive TVA, lequel figure dans le chapitre 7 («Dispositions diverses») du titre XI, dispose:

«Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3.»

B –    Le droit polonais

15.      L’article 18 de la loi relative à la taxe sur les biens et les services (ustawa o podatku od towarów i usług), du 11 mars 2004 (ci-après la «loi polonaise sur la TVA»), énonce:

«[…] les huissiers de justice assurant la mise en œuvre des actes d’exécution au sens du code de procédure civile doivent verser la taxe au titre de la livraison, réalisée par voie d’exécution forcée, des biens dont le débiteur est propriétaire ou qui sont en sa possession en violation des dispositions de droit applicables.»

16.      L’article 8 de la loi portant code des impôts (ustawa Ordynacja podatkowa), du 29 août 1997 (ci-après le «code polonais des impôts»), définit le «płatnik» comme, entre autres, «une personne physique, une personne morale ou une entité ne disposant pas de la personnalité morale, qui est tenue en vertu des dispositions de droit fiscal de calculer la taxe, de la percevoir auprès de l’assujetti, et de la verser à l’administration fiscale dans le délai applicable».

17.      L’article 30 du code polonais des impôts est rédigé comme suit:

«1.      Le [‘płatnik’] qui n’a pas satisfait aux obligations définies à l’article 8 est responsable pour la taxe qui n’a pas été perçue ou pour la taxe qui a été perçue, mais qui n’a pas été versée.

[…]

3.      Le [‘płatnik’] […] répond sur l’ensemble de ses biens des sommes dues, visées au paragraphe 1 […].

4.      Si, dans une procédure fiscale, l’administration fiscale confirme l’existence de la situation visée au paragraphe 1 […], cette administration rend une décision quant à la responsabilité fiscale du [‘płatnik’] […], dans laquelle elle détermine le montant des sommes dues au titre de la taxe non perçue, ou de la taxe perçue mais non versée.»

III – Le litige au principal et la procédure devant la Cour

18.      Le litige au principal porte sur la question de savoir si M. Macikowski répond de la TVA due au titre d’une vente forcée.

19.      Au mois de février 2007, M. Macikowski a, en sa qualité d’huissier de justice, procédé, dans le cadre d’une procédure d’exécution à l’encontre d’une entreprise sise en Pologne, à la saisie et vente forcée d’un bien immobilier appartenant à ladite entreprise. Le montant d’adjudication a été intégralement versé par les acquéreurs sur le compte de dépôt auprès du tribunal et le transfert de propriété est devenu définitif au mois d’août 2007.

20.      Au mois de juin 2009, l’administration fiscale a pris, sur le fondement des dispositions combinées de l’article 18 de la loi polonaise sur la TVA et de l’article 30, paragraphes 1, 3 et 4, du code polonais des impôts, une décision déclarant M. Macikowski responsable en sa qualité de «płatnik» pour ne pas avoir acquitté la TVA due au titre de la vente du bien immobilier. Selon l’administration fiscale, il aurait dû établir dès le mois de novembre 2007 une facture incluant la TVA relative à l’opération, puis acquitter la taxe au nom du fournisseur assujetti du bien immobilier. M. Macikowski a finalement informé l’administration fiscale au mois de septembre 2009 de ce qu’il avait versé la taxe.

21.      M. Macikowski a attaqué la décision retenant sa responsabilité en qualité de «płatnik» devant le Dyrektor Izby Skarbowej w Gdańsku (directeur de la chambre fiscale de Gdańsk), après que ladite décision avait été maintenue malgré la réclamation qu’il avait formée auprès de l’administration fiscale. Il faisait notamment valoir qu’il n’avait pas pu disposer du produit de la vente aux enchères du bien immobilier, dans la mesure où ce produit s’était trouvé sur le compte de dépôt du tribunal. Il lui avait été impossible d’acquitter la taxe tant que le plan de partage, qu’il avait présenté à la fin du mois d’octobre 2008, n’avait pas été confirmé de façon définitive par le tribunal.

22.      Le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), désormais saisi du litige, doute de la conformité des dispositions polonaises précitées au droit de l’Union et s’est tourné le 16 septembre 2013 vers la Cour, en lui déférant les questions préjudicielles suivantes sur le fondement de l’article 267 TFUE:

«1)      Le système de la taxe sur la valeur ajoutée résultant de la directive TVA, et en particulier de son article 9, de son article 193, lu en combinaison avec l’article 199, paragraphe 1, sous g), s’oppose-t-il à une disposition de droit national telle que l’article 18 de la loi polonaise sur la TVA, qui prévoit des exceptions aux règles générales applicables à cette taxe pour ce qui est des opérateurs tenus de calculer et de percevoir cette taxe, par la désignation d’un ‘płatnik’, c’est-à-dire d’un opérateur tenu, à la place de l’assujetti, de calculer le montant de la taxe, de percevoir cette taxe auprès de l’assujetti, et de la verser dans les délais à l’administration fiscale?

2)      En cas de réponse positive à la première question:

2.1)      Le principe de proportionnalité, principe général du droit de l’Union, s’oppose-t-il à une disposition de droit national telle que l’article 18 de la loi polonaise sur la TVA, dont il résulte notamment que la taxe sur la livraison, réalisée par voie d’exécution forcée, de biens immeubles dont le débiteur est propriétaire ou qui sont en sa possession en violation des dispositions de droit applicables, est calculée, perçue et versée par l’huissier de justice qui assure la mise en œuvre des actes d’exécution, et qui assume, en qualité de ‘płatnik’, la responsabilité de l’inexécution de cette obligation?

2.2)      Les articles 206, 250 et 252 de la directive, ainsi que le principe de neutralité résultant de cette dernière, s’opposent-ils à une disposition de droit national, telle que l’article 18 de la loi polonaise sur la TVA, en application de laquelle le ‘płatnik’ désigné par cette disposition est tenu de calculer, de percevoir et de verser le montant de la TVA due au titre de la livraison, réalisée par voie d’exécution forcée, de biens dont le débiteur est propriétaire ou qui sont en sa possession en violation des dispositions de droit applicables, et de s’acquitter de cette obligation au cours de la période imposable applicable à l’assujetti, pour une somme qui constitue le produit entre le revenu provenant de la vente du bien, duquel la TVA est retranchée, et le taux applicable à cet impôt, sans que soit déduit de cette somme le montant de la taxe payée en amont durant la période courant dès le début de la période imposable jusqu’à la date de la perception de la taxe auprès de l’assujetti?»

23.      Dans le cadre de la procédure devant la Cour, M. Macikowski, la République de Pologne et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Le directeur de la chambre fiscale de Gdańsk, la République de Pologne ainsi que la Commission ont participé à l’audience qui s’est tenue le 4 septembre 2014.

IV – En droit

24.      Pour bien comprendre la problématique de la présente affaire, il est essentiel de distinguer deux ensembles différents d’obligations pesant sur un huissier de justice en vertu de la législation polonaise.

25.      D’une part, dans le cadre d’une vente forcée, l’huissier de justice est tenu, conformément à l’article 18 de la loi polonaise sur la TVA et à l’article 8 du code polonais des impôts, de calculer, pour le compte de l’assujetti, le montant de la taxe, de la percevoir auprès de l’assujetti et de la verser, dans les délais, à l’administration fiscale. L’huissier de justice doit donc, à l’aide de fonds appartenant à l’assujetti, assurer l’exécution de l’obligation fiscale de ce dernier (ci-après l’«obligation de perception»).

26.      D’autre part, dans certaines circonstances, l’huissier de justice répond personnellement de la taxe. En effet, s’il ne s’acquitte pas de son obligation de perception, l’huissier de justice doit, conformément à l’article 30, paragraphes 1 et 3, du code polonais des impôts, payer la taxe sur son propre patrimoine (ci-après la «responsabilité»).

A –    Sur l’obligation de perception

27.      Par la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir d’abord si les dispositions de la directive TVA font obstacle à l’obligation de perception de l’huissier de justice.

1.      Sur les articles 193 et 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA

28.      La juridiction de renvoi doute en première ligne de ce que les dispositions polonaises en cause soient conformes aux articles 193 et 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

29.      Selon la règle de base énoncée à l’article 193 de la directive TVA, la TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens imposable. Ledit article ajoute cependant que la taxe peut également être due «par une autre personne» en application des articles 194 à 199 et de l’article 202 de la directive TVA. L’une de ces exceptions est énoncée à l’article 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. Celui-ci autorise les États membres à désigner, en cas de livraison d’un bien immeuble vendu dans le cadre d’une procédure de vente forcée, l’acquéreur du bien immeuble comme redevable de la taxe, à condition d’avoir la qualité d’assujetti.

30.      M. Macikowski est d’avis que la question de la personne tenue de payer la taxe est réglée de façon définitive aux articles 193 à 205 de la directive TVA. D’après lui, les États membres ne peuvent imposer le paiement de la taxe qu’aux personnes y visées. Or, fait-il valoir, l’huissier de justice instrumentant dans le cadre d’une procédure de vente forcée ne relève d’aucune de ces dispositions.

31.      Ce point de vue méconnaît cependant qu’il convient de distinguer entre le redevable au sens de la directive TVA, qui est débiteur de la dette fiscale, et une personne telle que le «płatnik» au sens du code polonais des impôts, à qui n’est imposée que l’obligation de perception de la TVA due par le redevable. Les articles 193 à 205 de la directive TVA régissent exclusivement la question de savoir qui a la qualité de redevable.

32.      Or, les dispositions polonaises relatives à l’obligation de perception n’ont pas pour effet de transformer l’huissier de justice en redevable au sens de la directive TVA. Il est uniquement tenu de régler, à l’aide des fonds du débiteur visé par la procédure d’exécution forcée, une dette fiscale pesant sur ce dernier au titre d’une seule opération bien déterminée. Lors de la livraison d’un bien immobilier par voie de vente forcée, le débiteur, en tant que fournisseur, garde la qualité de redevable, rien d’autre ne découle des indications de la juridiction de renvoi. Par conséquent, les dispositions polonaises régissant l’obligation de perception de l’huissier de justice ne dérogent pas aux articles 193 et 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

33.      Ainsi, les dispositions combinées des articles 193 et 199, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA ne font pas obstacle à une disposition de droit national mettant, en cas de livraison d’un bien immobilier par voie de vente forcée, à la charge de l’huissier de justice instrumentant dans le cadre de cette vente forcée l’obligation de calculer, percevoir et verser la TVA due pour le compte du redevable.

2.      Sur l’article 204 de la directive TVA

34.      M. Macikowski fait cependant par ailleurs valoir que l’article 204 de la directive TVA fait obstacle à la réglementation polonaise en cause dans la mesure où celle-ci désigne par la loi l’huissier de justice comme représentant fiscal sans que ce cas ne soit prévu audit article.

35.      Aux termes de l’article 204, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive TVA, les États membres peuvent permettre la désignation d’un représentant fiscal en tant que redevable lorsque le véritable redevable de la taxe est un assujetti qui n’est pas établi dans l’État membre dans lequel la TVA est due. Selon le deuxième alinéa de ladite disposition, l’assujetti ne peut être obligé de désigner un représentant fiscal que s’il n’existe, avec son pays d’établissement, aucun instrument juridique relatif à l’assistance mutuelle, ce qui n’est pas le cas à l’intérieur de l’Union. Ainsi qu’il ressort du considérant 7 de la directive 2000/65/CE (3), sur laquelle l’article 204 de la directive TVA repose, le représentant fiscal soit devient redevable à la place de l’assujetti non établi, soit n’intervient qu’en tant que mandataire. Le représentant fiscal sert ainsi d’interlocuteur au Trésor lorsque l’assujetti est établi à l’étranger (4).

36.      La règle édictée à l’article 204 de la directive TVA a été instaurée dans le but de faciliter le système de la TVA, dans la mesure où, contrairement à ce qui était le cas auparavant, les États membres ne peuvent plus imposer aux assujettis établis dans un pays du marché intérieur de désigner un représentant fiscal (5). Un effet non des moindres en a été d’éliminer un obstacle à l’accès au marché. L’article 204 de la directive TVA empêche ainsi que des opérateurs économiques établis dans l’Union ne soient dans l’impossibilité de s’acquitter directement eux-mêmes de leurs obligations auprès de l’administration fiscale étrangère et doivent recourir à un représentant pour ce faire (6).

37.      Or, dans le cas présent, l’obligation de perception pesant sur l’huissier de justice n’a pas pour effet de lui conférer la qualité de représentant fiscal au sens de l’article 204 de la directive TVA. Il ne devient pas de ce fait lui-même redevable au sens de la directive TVA – comme nous l’avons vu (7) –, et n’agit pas davantage en qualité de représentant général de l’assujetti. L’obligation de perception de l’huissier de justice porte exclusivement sur une seule opération imposable. Il ne représente pas l’assujetti de façon générale devant l’administration fiscale nationale pour tout ce qui concerne la TVA. On ne voit d’ailleurs pas comment l’obligation de perception de l’huissier de justice peut aller à l’encontre de l’objectif de l’article 204 de la directive TVA, dans la mesure où il n’en découle pas d’obligations pesant spécifiquement sur des assujettis étrangers.

38.      Par conséquent, l’article 204 de la directive TVA ne fait donc pas non plus obstacle à l’obligation de perception de l’huissier de justice.

3.      Sur la nécessité d’une autorisation par le droit de l’Union

39.      La question de la conformité de la réglementation en cause à la directive TVA n’est cependant pas pour autant résolue. En effet, comme la Commission le fait très justement observer, le droit polonais fait peser sur l’huissier de justice des obligations en matière de TVA qui ne sont pas prévues dans la directive TVA.

40.      Il est vrai qu’il existe des cas dans lesquels la dette fiscale n’est pas réglée par le redevable au sens strict lui-même, sans qu’une base juridique spécifique ne soit prévue dans la directive TVA, ni même nécessaire. Ainsi, par exemple, les représentants d’une personne morale ou les administrateurs judiciaires dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité doivent, du seul fait qu’ils représentent un contribuable assujetti à la TVA ou en gèrent le patrimoine, prendre soin de ce que la taxe due par ce dernier soit réglée. Il ne fait pas de doute qu’aucune autorisation par la directive TVA n’est nécessaire s’agissant de ces obligations, dans la mesure où elles relèvent du droit civil, lequel n’a pas été harmonisé.

41.      Dans le cas présent, en revanche, l’obligation de perception de l’huissier de justice repose sur une obligation particulière relevant du droit fiscal, en vertu de laquelle une dette fiscale doit ponctuellement être réglée à l’occasion d’une transaction déterminée, et non sur un pouvoir de représentation de portée générale. Or, à cet égard, l’article 206, première phrase, de la directive TVA dispose déjà que la TVA doit être payée par le redevable. Si un État membre souhaite pouvoir réclamer, dans le cadre d’une obligation de perception telle que celle en cause en l’espèce, le paiement de la TVA, outre au redevable, à encore une autre personne, une autorisation en ce sens dans la directive TVA est donc nécessaire.

a)      L’article 273 de la directive TVA

42.      L’article 273 de la directive TVA pourrait servir de base juridique à l’obligation de perception en cause en l’espèce. Cet article autorise les États membres à prévoir, au-delà des dispositions de la directive TVA, d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude. Selon le texte dudit article, la mise en place de telles obligations ne doit toutefois pas affecter les échanges entre les États membres, ni entraîner une inégalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis. En outre, l’article 273, deuxième alinéa, de la directive TVA interdit d’imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées dans la directive TVA.

43.      L’obligation de perception pesant sur l’huissier de justice est une obligation au sens de l’article 273, premier alinéa, de la directive TVA. Elle vise à garantir le paiement de la taxe due au titre d’une livraison réalisée par voie de vente forcée. Cela sert l’objectif mentionné audit article d’assurer l’exacte perception de la TVA et d’éviter la fraude, étant donné que le versement de la TVA par le redevable lui-même, c’est-à-dire le fournisseur du bien immobilier, est dans cette situation peu certain.

44.      L’obligation de perception de l’huissier de justice ne semble, de plus, pas affecter les échanges entre les États membres ou entraîner une inégalité de traitement des opérations intérieures et étrangères. À supposer que l’huissier de justice soit également tenu d’établir pour la livraison une facture faisant ressortir la TVA, il n’y a pas lieu de considérer cela comme une obligation supplémentaire prohibée au sens de l’article 273, deuxième alinéa, de la directive TVA, dans la mesure où l’obligation, existante, d’établir une facture est uniquement transférée à l’huissier de justice, mais n’est pas assortie de nouvelles exigences.

45.      Il est vrai que, dans son arrêt Federation of Technological Industries e.a., la Cour a jugé, à propos de la disposition ayant précédé l’article 273 de la directive TVA, qu’il n’était pas possible d’imposer, sur la base de cette disposition, des obligations supplémentaires à des personnes autres que les «redevables de la TVA, et [les] personnes solidairement tenues de l’acquitter, déterminés en vertu de la directive» (8). L’article 273 de la directive TVA interdirait donc d’imposer des obligations à une personne comme l’huissier de justice, qui n’est pas redevable de la TVA. Dans des arrêts rendus par la suite, la Cour a cependant élargi la portée de cette disposition. Ainsi, elle examine dans ce cadre également des obligations imposées à des assujettis qui se prévalent uniquement d’un droit à déduction de la TVA, mais ne sont pas redevables de la taxe au titre des opérations en cause (9). Selon des arrêts plus récents, des actes que les assujettis doivent accomplir avant même d’exercer effectivement une activité économique sont également susceptibles de relever de l’article 273 de la directive TVA (10).

46.      À supposer même que des obligations ne puissent être imposées en vertu de l’article 273 de la directive TVA qu’à des assujettis, cette condition est en l’espèce satisfaite, étant donné que l’huissier de justice n’est pas seulement tenu d’une obligation de perception en ce qui concerne la taxe due par le fournisseur du bien immobilier, mais est, en plus, lui-même assujetti au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, du fait qu’il fournit des services imposables consistant en la réalisation de ventes forcées.

47.      L’article 273 de la directive TVA constitue donc une base juridique adéquate de l’obligation de perception pesant sur l’huissier de justice.

b)      La proportionnalité

48.      Il faut cependant encore examiner si la réglementation en cause est également conforme au principe de proportionnalité.

49.      Lorsqu’ils exercent un pouvoir que leur reconnaît le droit de l’Union, les États membres doivent, conformément au principe de proportionnalité, avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d’atteindre efficacement l’objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation de l’Union en cause (11). Par conséquent, les mesures adoptées sur le fondement de l’article 273 de la directive TVA ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs d’assurer l’exacte perception de la taxe et de prévenir la fraude (12).

50.      En ce qui concerne le caractère nécessaire de l’obligation de perception, les États membres ont certes la possibilité de renverser, pour les cas de livraison d’un bien immobilier par voie de vente forcée, la charge de la dette fiscale en application de l’article 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA et d’empêcher ainsi que le fournisseur se soustraie à la dette fiscale. Cette mesure ne constitue cependant en tout état de cause pas une mesure tout aussi appropriée pour réaliser les objectifs poursuivis par l’obligation de perception, dès lors que ladite disposition ne peut être appliquée qu’aux livraisons effectuées à des destinataires assujettis.

51.      Les explications de la juridiction de renvoi font toutefois douter du caractère proportionnel. En effet, il n’est possible à l’huissier de justice de s’acquitter dûment de ses obligations qu’avec le concours du tribunal compétent pour la vente forcée. Celui-ci doit d’abord débloquer le produit de la vente, ce qui – selon les indications de la juridiction de renvoi – ne se fait pas toujours dans le délai imposé par la législation fiscale à l’huissier de justice pour le versement de la taxe. Le tribunal lui-même agit uniquement au regard des seules règles de procédure civile et n’est pas obligé de tenir compte des obligations pesant sur l’huissier de justice en ce qui concerne le versement de la TVA.

52.      La République de Pologne conteste vigoureusement la description faite par la juridiction de renvoi, selon laquelle il n’est pas toujours possible à l’huissier de justice de s’acquitter de ses obligations dans les délais. Il n’appartient cependant pas à la Cour de trancher cette contestation, afférente au droit national. Dans le cadre de la répartition des compétences entre la Cour et les juridictions nationales, il faut prendre en compte le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (13). Or, au regard des développements qui y figurent, l’obligation de perception mise à la charge de l’huissier de justice ne peut en tout cas être considérée comme proportionnelle que s’il est objectivement possible à un huissier de justice faisant preuve de toute la diligence requise de respecter ses obligations. Ce n’est pas le cas si les agissements d’un tiers, tel que le tribunal, sur lesquels il n’a aucune influence l’en empêchent. Une obligation impossible à exécuter ne peut déjà pas être considérée comme une mesure appropriée à la réalisation efficace des objectifs poursuivis.

53.      Les États membres peuvent par conséquent prévoir, sur le fondement de l’article 273 de la directive TVA, une obligation de perception telle que celle en cause, pour autant qu’il soit effectivement possible à un huissier de justice faisant preuve de toute la diligence requise de s’acquitter de cette obligation.

4.      La réponse à la première question préjudicielle

54.      Il convient par conséquent de répondre à la première question préjudicielle que la directive TVA ne fait pas obstacle à une disposition de droit national mettant, en cas de livraison d’un bien immobilier par voie de vente forcée, à la charge de l’huissier de justice instrumentant dans le cadre de cette vente forcée l’obligation de calculer, percevoir et verser la TVA due, à condition que les agissements d’un tiers sur lesquels il n’a aucune influence n’empêchent pas l’huissier de justice de respecter ses obligations.

B –    Sur la responsabilité

55.      La deuxième question préjudicielle (question 2.1) porte sur la responsabilité de l’huissier de justice. Si celui-ci ne s’acquitte pas de son obligation de perception, il répond de la taxe sur l’ensemble de ses biens. La juridiction de renvoi demande en substance si cette règle satisfait aux exigences découlant du principe de proportionnalité.

1.      La base juridique

56.      Pour répondre à cette question, il faut d’abord déterminer si la responsabilité pesant ainsi sur l’huissier de justice trouve une base juridique dans la directive TVA.

57.      La République de Pologne et la Commission considèrent une nouvelle fois que c’est l’article 273 de la directive TVA qui constitue la base juridique de cette responsabilité.

58.      Or, c’est l’article 205 de la directive TVA qui réglemente la responsabilité d’un tiers pour la taxe due par un autre assujetti. Selon ledit article, les États membres peuvent, tout spécialement dans la situation en cause en l’espèce, visée à l’article 193 de la directive TVA, «prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA». C’est exactement de cela qu’il s’agit lorsque l’huissier de justice répond sur son patrimoine personnel de la dette fiscale du débiteur visé par la procédure d’exécution forcée, s’il ne s’acquitte pas de son obligation de perception.

59.      Lors de l’audience, la République de Pologne et la Commission ont contesté que l’article 205 de la directive TVA fût applicable, au motif qu’il ne s’agissait pas d’une situation dans laquelle le Trésor pouvait au choix se tourner vers l’huissier de justice ou le redevable, c’est-à-dire le fournisseur assujetti. Si la taxe n’avait pas été perçue ou versée dans les délais, l’administration fiscale ne pouvait la réclamer qu’à l’huissier de justice.

60.      Cet argument implique que la responsabilité de la dette fiscale est transférée au seul huissier de justice. Or, si tel était le cas, le droit polonais serait contraire aux articles 193 à 205 de la directive TVA. Ces dispositions déterminent de façon exhaustive à qui appartient la qualité de redevable vis-à-vis du Trésor et ne prévoient aucun cas dans lequel un fournisseur serait déchargé a posteriori de la dette fiscale dont il est tenu en vertu de l’article 193 de la directive TVA du fait que, dans une situation déterminée, la responsabilité en passe à un tiers. Dans le cas présent, le fournisseur ne peut donc pas être déchargé de sa dette fiscale.

61.      Il ne ressort toutefois nullement des déclarations de la juridiction de renvoi que, en droit polonais, la dette fiscale du fournisseur s’éteigne en cas de responsabilité de l’huissier de justice. Si le fait générateur de responsabilité se réalise, l’huissier de justice est par conséquent à considérer comme un redevable supplémentaire.

62.      Partant, la réglementation polonaise concernant la responsabilité de l’huissier de justice est en principe autorisée par l’article 205 de la directive TVA.

2.      La proportionnalité

63.      Lorsqu’ils exercent le pouvoir que leur reconnaît l’article 205 de la directive TVA, les États membres doivent toutefois respecter notamment le principe de proportionnalité. Lors de l’adoption de mesures, sur la base de cette disposition, en vue de préserver le plus efficacement possible les droits du Trésor public, il ne faut par conséquent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (14). L’instauration d’un système de responsabilité sans faute sort des limites de ce cadre (15), car il est, selon la jurisprudence de la Cour, manifestement disproportionné de faire répondre une personne de manière inconditionnelle de la perte de recettes fiscales, alors que cette perte a été causée par les agissements d’un tiers sur lesquels elle n’a aucune influence (16).

64.      Selon les explications de la République de Pologne, un huissier de justice est un fonctionnaire public et jouit dès lors de la confiance du public. On peut donc légitimement attendre de sa part qu’il fasse preuve d’un soin et d’une diligence particuliers lorsque, dans le cadre de ses activités, il perçoit des taxes pour le compte du Trésor. Cela justifie également que l’on soit particulièrement exigeant en ce qui concerne la responsabilité de l’huissier de justice et que, en cas de manquement à ses obligations, une responsabilité sur son patrimoine personnel soit prévue.

65.      Comme nous l’avons cependant déjà exposé ci-dessus (17), il n’est, selon les déclarations de la juridiction de renvoi, pas exclu que des circonstances qui ne sont pas imputables à l’huissier de justice l’empêchent de faire en sorte que la taxe soit versée dans les délais. Or, sa responsabilité peut être engagée également dans ce type de cas. L’huissier de justice devrait donc répondre de la dette d’un tiers sans avoir lui-même commis de faute. La réglementation polonaise en cause ne peut cependant être considérée comme proportionnelle que si la responsabilité de l’huissier de justice sanctionne un comportement qui lui est personnellement imputable.

3.      La réponse à la deuxième question préjudicielle

66.      Partant, il convient de répondre à la deuxième question préjudicielle que le principe de proportionnalité ne fait pas obstacle à une disposition de droit national en vertu de laquelle un huissier de justice, obligé de calculer, percevoir et verser la taxe due au titre de la livraison d’un bien immobilier par voie de vente forcée, répond en cas d’inexécution de cette obligation sur l’ensemble de son patrimoine, à moins que l’inexécution n’ait été causée par les agissements d’un tiers sur lesquels il n’avait aucune influence.

C –    Sur la prise en compte de la taxe acquittée en amont

67.      La juridiction de renvoi souhaite enfin savoir, par sa troisième question (question 2.2), si la directive TVA fait obstacle à l’obligation de perception de l’huissier de justice dans le cas où ce dernier doit payer le montant de la taxe due sur la livraison du bien immobilier sans pouvoir en déduire le montant de la taxe payée en amont par le fournisseur durant la période allant du début de la période imposable jusqu’à la date de la perception de la taxe.

68.      Comme l’explique la juridiction de renvoi, il pourrait être contraire aux articles 206, 250 et 252 de la directive TVA, ainsi qu’au principe de neutralité fiscale, de ne pas prendre en compte la taxe acquittée en amont.

69.      Il découle de l’article 206 de la directive TVA qu’un redevable ne doit payer, lors du dépôt de la déclaration de TVA – réglementée plus en détail aux articles 250 et 252 –, que le montant de la TVA après déduction de la taxe en amont. Étant donné que l’huissier de justice acquitte la dette fiscale d’un tiers, il lui doit en principe être également possible d’imputer la taxe en amont sur le montant de la taxe à payer. Le montant effectivement à payer pourrait ainsi éventuellement être moindre, voire nul, et l’étendue de sa responsabilité se réduirait dans une même mesure.

70.      L’article 206, deuxième phrase, de la directive TVA autorise cependant les États membres à percevoir des acomptes provisionnels. Nous partageons à cet égard le point de vue de la République de Pologne, selon lequel la taxe payée par l’huissier de justice au titre d’une opération déterminée peut être analysée comme constituant un tel acompte provisionnel. Cet acompte provisionnel peut ensuite être pris en compte dans le cadre de la déclaration de TVA du fournisseur au titre de la période imposable en cause.

71.      Dans la mesure où M. Macikowski, invoquant l’arrêt Balocchi (18) à l’appui, y oppose que les États membres ne peuvent pas définir librement les modalités de calcul et de règlement des acomptes provisionnels, cet argument ne saurait être retenu. En effet, l’application des dispositions de droit national en cause dans ladite affaire était susceptible d’aboutir à ce que, en violation du droit de l’Union, des assujettis doivent payer la TVA sur des transactions futures (19). Or, dans le cas présent, la TVA doit être payée sur la base d’une opération qui a déjà eu lieu, à savoir la livraison d’un bien immobilier.

72.      En outre, le principe de neutralité fiscale n’interdit pas non plus de ne pas prendre en compte la taxe en amont. En vertu de ce principe, le mécanisme de déduction vise à soulager entièrement tout entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques (20). Comme la Cour l’a toutefois précisé, il s’agit là d’un instrument d’interprétation, n’ayant aucun rang supralégal (21). Or, le pouvoir des États membres de percevoir des acomptes provisionnels résulte expressément de l’article 206, deuxième phrase, de la directive TVA.

73.      Partant, il convient de répondre à la troisième question préjudicielle que les articles 206, 250 et 252 de la directive TVA ainsi que le principe de neutralité fiscale ne font pas obstacle à une disposition de droit national, en vertu de laquelle un huissier de justice, obligé de calculer, percevoir et verser la taxe due sur la livraison d’un bien immobilier réalisée par voie de vente forcée, doit payer cette taxe sans pouvoir déduire la taxe acquittée en amont par le redevable depuis le début de la période imposable.

V –    Conclusion

74.      Au regard des considérations exposées ci-dessus, nous proposons de répondre comme suit aux questions posées par le Naczelny Sąd Administracyjny:

La directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas obstacle à une réglementation nationale, mettant, en cas de livraison d’un bien immobilier par voie de vente forcée, à la charge de l’huissier de justice instrumentant dans le cadre de cette vente forcée l’obligation de calculer, percevoir et verser la TVA due, sans pouvoir déduire la taxe acquittée en amont par le redevable depuis le début de la période imposable, et en vertu de laquelle il répond en cas d’inexécution de cette obligation sur l’ensemble de son patrimoine, à condition que les agissements d’un tiers sur lesquels il n’a aucune influence n’empêchent pas l’huissier de justice de respecter ses obligations.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 347, p. 1.


3 – Directive du Conseil du 17 octobre 2000 modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la détermination du redevable de la taxe sur la valeur ajoutée (JO L 269, p. 44).


4 – Voir arrêt Athesia Druck (C-1/08, EU:C:2009:108, point 34), au sujet de l’article 2, paragraphe 3, de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté (JO L 326, p. 40).


5 – Voir considérants 3 et 4 de la directive 2000/65 (citée à la note 3).


6 – Voir, en ce sens, arrêts Commission/Finlande (C-249/05, EU:C:2006:411, point 46) et Commission/France (C-624/10, EU:C:2011:849, point 36).


7 – Voir point 32 des présentes conclusions.


8 – Voir arrêt Federation of Technological Industries e.a. (C-384/04, EU:C:2006:309, point 43), à propos de l’article 22, paragraphe 8, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).


9 – Voir arrêts Nidera Handelscompagnie (C-385/09, EU:C:2010:627, points 49 à 51), Klub (C-153/11, EU:C:2012:163, points 34, 50 et 51) ainsi que Mahagében et Dávid (C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, points 57 à 59). Voir également, déjà, arrêt Gabalfrisa e.a. (C-110/98 à C-147/98, EU:C:2000:145, points 52 à 54).


10 – Voir arrêt Ablessio (C-527/11, EU:C:2013:168, points 29 et 30).


11 – Voir arrêts Molenheide e.a. (C-286/94, C-340/95, C-401/95 et C-47/96, EU:C:1997:623, point 46), Teleos e.a. (C-409/04, EU:C:2007:548, point 52), X (C-84/09, EU:C:2010:693, point 36) et BDV Hungary Trading (C-563/12, EU:C:2013:854, point 30).


12 – Arrêts Gabalfrisa e.a. (EU:C:2000:145, point 52), Profaktor Kulesza, Frankowski, Jóźwiak, Orłowski (C-188/09, EU:C:2010:454, point 26), Ablessio (EU:C:2013:168, point 30) et Maks Pen (C-18/13, EU:C:2014:69, point 43).


13 – Voir, à titre d’exemple, arrêt Oberbank e.a. (C-217/13 et C-218/13, EU:C:2014:2012, point 52 et jurisprudence citée).


14 – Voir arrêts Federation of Technological Industries e.a. (EU:C:2006:309, points 29 et 30) ainsi que Vlaamse Oliemaatschappij (C-499/10, EU:C:2011:871, points 20 à 22).


15 – Voir arrêts Federation of Technological Industries e.a. (EU:C:2006:309, point 32) ainsi que Mahagében et Dávid (EU:C:2012:373, point 48).


16 – Voir arrêt Vlaamse Oliemaatschappij (EU:C:2011:871, point 24).


17 – Voir point 51 des présentes conclusions.


18 – C-10/92, EU:C:1993:846.


19 – Ibidem (point 27).


20 – Voir, à titre d’exemples, arrêts Zimmermann (C-174/11, EU:C:2012:716, pont 47) et NCC Construction Danmark (C-174/08, EU:C:2009:669, point 27 ainsi que jurisprudence citée).


21 – Arrêt Deutsche Bank (C-44/11, EU:C:2012:484, point 45).