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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

20 mai 2008 (*)

«Articles 56 CE à 58 CE – Libre circulation des capitaux – Imposition des dividendes – Compensation accordée à un organisme de placement collectif à caractère fiscal en raison de prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État sur les dividendes perçus par cet organisme – Limitation de cette compensation au montant qu’un actionnaire résident de l’État membre d’établissement de cet organisme ayant effectué un placement sans l’intermédiaire d’un tel organisme pourrait imputer sur l’impôt sur les revenus en vertu d’une convention préventive de la double imposition – Limitation de cette compensation en fonction de la participation d’actionnaires non-résidents dans le capital de cet organisme»

Dans l’affaire C-194/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 14 avril 2006, parvenue à la Cour le 26 avril 2006, dans la procédure

Staatssecretaris van Financiën

contre

Orange European Smallcap Fund NV,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts, L. Bay Larsen, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, P. Kūris, E. Juhász, E. Levits (rapporteur), A. Ó Caoimh, Mme P. Lindh et M. J.-C. Bonichot, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 avril 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Orange European Smallcap Fund NV, par MM. B. J. Kiekebeld, J. van Eijsden et D. Smit, belastingadviseurs,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. M. de Grave, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et A. Weimar, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 juillet 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 CE à 58 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) à Orange European Smallcap Fund NV (ci-après «OESF»), au sujet du montant de la compensation à accorder en vertu du régime fiscal particulier prévu par la législation néerlandaise en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal pour les impôts prélevés à l’étranger sur les dividendes perçus par OESF pendant l’exercice comptable 1997/1998.

 Le cadre juridique

3        Conformément à l’article 28 de la loi de 1969 relative à l’impôt sur les sociétés (Wet op de vennootschapsbelasting 1969, Stb. 1969, n° 469, ci-après la «loi relative à l’impôt sur les sociétés»), un organisme de placement collectif à caractère fiscal est défini comme tout organisme ayant la forme d’une société anonyme («naamloze vennootschap»), d’une société privée à responsabilité limitée («besloten vennootschap») ou d’un fonds commun de placement («fonds voor gemene rekening»), établi aux Pays-Bas, ayant pour objet et activité effective l’investissement et satisfaisant à certaines autres conditions.

4        Un tel organisme est soumis à l’impôt sur les sociétés, mais ses bénéfices sont imposés à un taux nul. Sous peine de perdre son statut, cet organisme est tenu de mettre, dans un certain délai, l’intégralité de son bénéfice distribuable, sous déduction de certaines réserves admises par la loi, à la disposition de ses actionnaires.

5        Lorsqu’un tel organisme perçoit des dividendes distribués par une société établie aux Pays-Bas, une retenue à la source est prélevée sur ces dividendes en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1965 relative à l’impôt sur les dividendes (Wet op de dividendbelasting 1965, Stb. 1965, n° 621, ci-après la «loi relative à l’impôt sur les dividendes»).

6        Toutefois, conformément à l’article 10, paragraphe 2, de cette loi, cet organisme peut, sur demande introduite dans un délai de six mois à compter de la fin d’un exercice comptable, obtenir le remboursement de l’impôt retenu sur ces dividendes.

7        S’agissant des dividendes perçus dans d’autres États sur lesquels ces derniers ont retenu un impôt, ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, la législation néerlandaise limite l’imputation de cet impôt étranger sur l’impôt sur les sociétés néerlandais au montant correspondant à la part de ce dernier proportionnellement attribuable aux dividendes en question. Selon ladite juridiction, dans la mesure où un organisme de placement collectif à caractère fiscal est imposé à un taux nul, aucun impôt sur les sociétés n’est attribuable aux dividendes provenant de l’étranger, de sorte que l’imputation de l’impôt étranger ayant frappé ces dividendes est impossible.

8        L’article 28 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés ainsi que l’article 6 de l’arrêté royal relatif aux organismes de placement collectif (Besluit beleggingsinstellingen), du 29 avril 1970 (Stb. 1970, n° 190), tel qu’applicable à l’époque des faits au principal (ci-après l’«arrêté royal»), instaurent un régime particulier en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal. Ce régime vise à rapprocher la charge fiscale sur les revenus d’investissement transitant par ces organismes de celle qui pèse sur les placements directs des particuliers, en prévoyant un mécanisme de compensation, afin de tenir compte de l’impôt étranger retenu sur les dividendes distribués auxdits organismes.

9        Ainsi, l’article 28, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, dans sa version applicable à l’époque des faits au principal, habilitait le pouvoir exécutif à déterminer, par une mesure générale d’administration, «les règles en vertu desquelles les organismes de placement collectif reçoivent une compensation en raison de la retenue hors des Pays-Bas d’un impôt sur le produit de valeurs mobilières et de créances revenant auxdits organismes, laquelle ne peut pas dépasser le montant de l’impôt qui, en cas de placement direct, serait imputable sur l’impôt sur les revenus, en vertu de la loi instituant le cadre fiscal du Royaume [Belastingregeling voor het Koninkrijk] ou d’une convention préventive de la double imposition, par des détenteurs d’actions ou de participations résidant ou établis aux Pays-Bas».

10      L’article 6 de l’arrêté royal est libellé comme suit:

«1.      Lorsque, au moment où une distribution est effectuée concernant l’année qui précède celle à laquelle se rapporte la compensation [visée à l’article 28, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à l’impôt sur les sociétés], les investisseurs participant au capital d’un organisme de placement collectif sont exclusivement des personnes physiques résidant aux Pays-Bas ou des assujettis à l’impôt sur les sociétés établis aux Pays-Bas, [cette] compensation [...] est égale au montant de l’impôt visé à [l’article 28, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à l’impôt sur les sociétés] qui serait imputable sur l’impôt sur les revenus si le produit de valeurs mobilières et de créances perçu par l’organisme de placement collectif pendant l’année à laquelle se rapporte la compensation avait été exclusivement perçu par des personnes physiques résidant aux Pays-Bas. […]

2.      Lorsque les investisseurs participant au capital d’un organisme de placement collectif ne comprennent pas, au moment visé au paragraphe 1, exclusivement des personnes ou assujettis mentionnés audit paragraphe, la compensation est calculée en utilisant la formule

T = B x (7 Sr)/(10 S – 3 Sr),

T représente la compensation;

B représente le montant de l’impôt visé au paragraphe 1;

Sr représente le montant libéré, au moment visé au paragraphe 1, des actions ou participations au capital de l’organisme de placement collectif détenues, directement ou par l’intermédiaire d’autres organismes de placement collectif, par des personnes physiques résidant aux Pays-Bas ou des assujettis à l’impôt sur les sociétés, autres que des organismes de placement collectif, établis aux Pays-Bas, et

S représente le montant libéré, au moment visé au paragraphe 1, de l’ensemble des actions ou des participations au capital de l’organisme de placement collectif en circulation.

[…]»

11      D’après les explications de la juridiction de renvoi, lorsqu’un organisme de placement collectif à caractère fiscal distribue à ses actionnaires, en tant que bénéfice, les dividendes perçus aux Pays-Bas ou à l’étranger, ces actionnaires sont soumis à un impôt néerlandais sur les dividendes que cet organisme doit retenir. En ce qui concerne lesdits actionnaires résidant ou établis aux Pays-Bas, cet impôt constitue un précompte. La retenue sur les dividendes est en effet imputable sur l’impôt sur les revenus ou sur l’impôt sur les sociétés dont ces actionnaires sont redevables et est remboursée dans la mesure où elle dépasse le montant de l’impôt concerné. Quant aux autres actionnaires, l’impôt retenu sur les dividendes ne fait l’objet d’une restitution que si cela est prévu par une convention préventive de la double imposition ou par la loi instituant le cadre fiscal.

12      La convention en matière fiscale conclue le 16 juin 1959 entre la République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas, telle que modifiée par les protocoles des 13 mars 1980 et 21 mai 1991, ne prévoyait pas, pour l’exercice comptable 1997/1998, de droit à l’imputation de l’impôt allemand retenu sur les dividendes payés en Allemagne à un résident néerlandais. Aucune convention préventive de la double imposition n’était en vigueur pendant l’exercice comptable 1997/1998 entre le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      OESF est une société à capital variable établie à Amsterdam (Pays-Bas) et ayant pour objet social l’investissement de fonds en valeurs mobilières et en autres actifs selon le principe de la répartition des risques, afin de faire bénéficier ses actionnaires du produit de ses investissements. Cette société gère activement un portefeuille de titres émis par des entreprises européennes cotées en Bourse. D’après la juridiction de renvoi, lors de l’exercice comptable 1997/1998, les participations détenues par OESF dans des sociétés établies hors des Pays-Bas ne lui permettaient pas de décider des activités desdites sociétés.

14      Les actionnaires de OESF sont des personnes physiques et morales. Au cours de l’exercice comptable 1997/1998, la majorité de ces actionnaires étaient des particuliers résidant aux Pays-Bas ainsi que des organismes établis aux Pays-Bas et soit assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés, soit non assujettis à cet impôt. Le reste du capital était essentiellement détenu par des particuliers établis aux Antilles néerlandaises et dans d’autres États membres (à savoir le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) ainsi que par des organismes établis en Belgique. Enfin, OESF comptait parmi ses actionnaires des organismes et des particuliers résidant en Suisse ainsi que des particuliers résidant aux États-Unis.

15      Pour ce qui concerne l’exercice comptable 1997/1998, OESF a reçu des dividendes relatifs à des participations dans des sociétés étrangères pour un montant correspondant à 5 257 519,15 NLG. Elle a été imposée à l’étranger sur ces dividendes, par voie de retenue à la source, à concurrence d’un montant correspondant à 735 320 NLG, dont 132 339 NLG d’impôt allemand et 9 905 NLG d’impôt portugais.

16      En raison du paiement de ces impôts étrangers, OESF a demandé à pouvoir bénéficier de la compensation visée à l’article 28, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, lu conjointement avec l’article 6 de l’arrêté royal. Cette compensation, telle que calculée par OESF, s’élèverait à 518 270 NLG, en prenant comme base de calcul l’intégralité du montant susmentionné de 735 320 NLG correspondant au total des impôts étrangers.

17      L’autorité fiscale compétente n’a que partiellement accédé à cette demande, retenant comme base de calcul un montant de 593 076 NLG, soit ledit montant de 735 320 NLG diminué des impôts allemand (132 339 NLG) et portugais (9 905 NLG), et a fixé le montant de la compensation à 418 013 NLG. À la suite d’une réclamation, cette décision a été confirmée.

18      Saisi d’un recours par OESF, le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) a annulé ladite décision et porté le montant de la compensation litigieuse à 622 006 NLG. Cette juridiction a estimé que tant l’exclusion des impôts retenus en Allemagne et au Portugal de la base de calcul de la compensation que la diminution de cette dernière en proportion de la participation dans le capital de OESF d’actionnaires résidant ou établis en dehors des Pays-Bas constituaient une entrave injustifiée à la libre circulation des capitaux.

19      Le Staatssecretaris van Financiën s’est pourvu en cassation contre la décision du Gerechtshof te Amsterdam devant la juridiction de renvoi, contestant cette décision en ce qui concerne, d’une part, la prise en compte des impôts retenus en Allemagne et au Portugal pour le calcul de la compensation et, d’autre part, l’absence de réduction de la compensation en fonction des participations détenues dans le capital de OESF par des actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis aux Pays-Bas.

20      Estimant que la solution du litige au principal nécessite une interprétation du droit communautaire, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)       L’article 56 CE, lu conjointement avec l’article 58, paragraphe 1, CE, doit-il être interprété en ce sens qu’il prohibe toute réglementation d’un État membre qui, prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés auxdits organismes, restreint […] ladite compensation:

a)      au montant qu’une personne physique résidant aux Pays-Bas aurait pu imputer en vertu d’un traité conclu en matière fiscale avec cet autre État membre;

b)      si et dans la mesure où l’actionnariat des organismes de placement collectif à caractère fiscal est constitué de personnes physiques ne résidant pas aux Pays-Bas ou d’organismes non assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés?

2)      Si la première question appelle une réponse totalement ou partiellement affirmative:

a)      La notion d’«investissements directs» au sens de l’article 57, paragraphe 1, CE vise-t-elle la détention d’un paquet d’actions émises par une société lorsque le détenteur de celles-ci ne les détient que comme investissement et que la taille de ce paquet ne lui permet pas d’exercer une influence déterminante sur la gestion ou le contrôle de cette société?

b)      Une restriction à la circulation des capitaux liée au prélèvement d’impôts, qui serait illicite si elle affectait des opérations transnationales au sein de la Communauté [européenne], serait-elle pareillement illicite, en vertu de l’article 56 CE, si les mêmes opérations étaient – dans des circonstances par ailleurs identiques – effectuées à destination et en provenance d’États tiers?

c)      Si la deuxième question, sous b), appelle une réponse négative, faut-il interpréter l’article 56 CE en ce sens qu’il s’oppose à une limitation apportée par un État membre à une compensation fiscale en faveur d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal [...] destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un État tiers sur les dividendes versés à cet organisme, alors que ladite limitation est motivée par la circonstance que l’actionnariat dudit organisme n’est pas exclusivement composé de personnes résidant dans l’État membre en question?

3)      Pour la réponse aux questions qui précèdent, y a-t-il lieu de tenir compte du fait que:

a)      la retenue fiscale effectuée dans un autre État sur des dividendes versés à partir de cet État est plus élevée que la retenue frappant les dividendes redistribués aux actionnaires étrangers dans l’État membre où l’organisme de placement collectif à caractère fiscal est établi;

b)      les actionnaires étrangers de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal résident ou sont établis dans un État avec lequel l’État membre d’établissement de cet organisme a conclu un traité prévoyant, sur une base de réciprocité, l’imputation des retenues effectuées à la source sur les dividendes;

c)      les actionnaires étrangers de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal résident ou sont établis dans un autre État membre de la Communauté?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question, sous a)

21      Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui, en prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur le territoire de cet État membre, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés à ces organismes, restreint cette compensation au montant qu’une personne physique résidant sur ledit territoire aurait pu imputer en vertu d’une convention préventive de la double imposition conclue avec cet autre État membre.

22      S’agissant de l’affaire au principal, une telle législation a pour effet que les impôts sur les dividendes prélevés à la source en Allemagne et au Portugal ne sont pas pris en compte dans le calcul de ladite compensation, puisque, à l’époque des faits au principal, la convention conclue entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne ne prévoyait pas un droit à l’imputation de l’impôt prélevé en Allemagne sur l’impôt néerlandais sur les revenus, tandis qu’aucune convention n’avait été conclue entre le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise.

23      Il résulte de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité d’une telle législation avec les dispositions du traité CE sur la libre circulation des capitaux au regard du fait que, conformément à la loi néerlandaise, un organisme de placement collectif à caractère fiscal établi aux Pays-Bas qui reçoit des dividendes de sociétés établies dans ce même État membre bénéficie du remboursement intégral de l’impôt néerlandais sur les dividendes retenu à la source par ces sociétés.

24      À cet égard, OESF et la Commission des Communautés européennes font valoir que, dans la mesure où le Royaume des Pays-Bas rembourse intégralement l’impôt retenu sur les dividendes distribués par les sociétés néerlandaises, il doit également compenser l’impôt sur les dividendes retenu en Allemagne et au Portugal.

25      À défaut, le Royaume des Pays-Bas soumettrait ces derniers dividendes à un traitement défavorable par rapport à celui accordé aux dividendes versés par des sociétés néerlandaises.

26      Ce traitement défavorable aurait pour effet, d’une part, de dissuader OESF d’investir en Allemagne et au Portugal et, d’autre part, de rendre plus difficile, pour les entreprises établies dans ces États membres, la collecte de capitaux aux Pays-Bas, de sorte qu’il constituerait une restriction à la libre circulation des capitaux interdite, en principe, par le traité.

27      Le gouvernement néerlandais fait en revanche valoir qu’il ne saurait être reproché au Royaume des Pays-Bas d’accorder un traitement différent aux dividendes provenant de sociétés allemandes ou portugaises par rapport à ceux provenant de sociétés néerlandaises, dans la mesure où, en ne prélevant pas d’impôt sur les dividendes perçus par OESF, quelle que soit l’origine de ceux-ci, la loi fiscale néerlandaise procède à un traitement identique de ces dividendes.

28      En outre, le régime de remboursement en cause au principal ne viserait pas à décharger de manière générale un organisme de placement collectif à caractère fiscal d’un prélèvement sur les dividendes qui lui sont versés. En effet, dans les situations internes, l’impôt sur les dividendes opérerait comme un précompte aux fins de l’impôt sur les sociétés. Étant donné que les organismes de placement collectif à caractère fiscal établis aux Pays-Bas sont assujettis à l’impôt sur les sociétés à un taux nul et que, par conséquent, l’impôt néerlandais sur les dividendes n’est pas dû sur les dividendes perçus par ces organismes, l’impôt prélevé à la source sur les dividendes revenant auxdits organismes leur serait remboursé.

29      Il convient dès lors de vérifier si, au regard du fait qu’un organisme de placement collectif à caractère fiscal établi aux Pays-Bas qui reçoit des dividendes de sociétés établies dans ce même État membre bénéficie du remboursement intégral de l’impôt néerlandais sur les dividendes retenu à la source par ces sociétés, une législation nationale telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée par les articles 56 CE et 58 CE.

30      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à chaque État membre d’organiser, dans le respect du droit communautaire, son système d’imposition des bénéfices distribués et de définir, dans ce cadre, l’assiette imposable ainsi que le taux d’imposition qui s’appliquent dans le chef de l’actionnaire bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, Rec. p. I-11673, point 50, et Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 47).

31      Dès lors, les dividendes distribués par une société établie dans un État membre à une société établie dans un autre État membre sont susceptibles de faire l’objet d’une imposition à plusieurs niveaux. En premier lieu, ces dividendes peuvent faire l’objet d’une imposition en chaîne dans l’État membre d’établissement de la société distributrice, qui existe lorsque les bénéfices distribués sont imposés, dans un premier temps, au titre de l’impôt sur les sociétés dû par cette société et, dans un second temps, au titre d’un impôt prélevé sur les dividendes versés à la société bénéficiaire. En deuxième lieu, ces dividendes peuvent faire l’objet d’une double imposition juridique, qui existe lorsqu’ils sont de nouveau imposés dans le chef de la société bénéficiaire dans l’État où celle-ci est établie. En troisième lieu, l’imposition, dans l’État où est établie la société bénéficiaire, des dividendes perçus par celle-ci, alors que la société distributrice de ces dividendes a été imposée sur les bénéfices distribués, peut également donner lieu à une imposition en chaîne dans cet État membre.

32      En outre, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation communautaire, les États membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir de taxation, en vue, notamment, d’éliminer les doubles impositions (arrêts du 12 mai 1998, Gilly, C-336/96, Rec. p. I-2793, points 24 et 30; du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C-307/97, Rec. p. I-6161, point 57, ainsi que du 8 novembre 2007, Amurta, C-379/05, non encore publié au Recueil, point 17). Or, abstraction faite de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), de la convention du 23 juillet 1990 relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées (JO L 225, p. 10) et de la directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts (JO L 157, p. 38), dont l’application dans l’affaire au principal n’a pas été invoquée, aucune mesure d’unification ou d’harmonisation visant à éliminer les situations de double imposition n’a été adoptée, à ce jour, dans le cadre du droit communautaire.

33      En ce qui concerne la législation en cause au principal, le Royaume des Pays-Bas a décidé de soumettre les organismes de placement collectif à caractère fiscal à l’impôt sur les sociétés, mais à un taux nul, à condition que l’intégralité des bénéfices de ces organismes, sous déduction de certaines réserves admises par la loi, soit distribuée à leurs actionnaires.

34      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 85 à 87 de ses conclusions, il s’ensuit que, quelle que soit l’origine des dividendes, le droit néerlandais ne soumet pas ceux-ci à l’impôt dans le chef d’organismes tels que OESF. En effet, s’agissant, d’une part, des dividendes provenant d’une société établie aux Pays-Bas, l’impôt initialement retenu sur ces dividendes, qui constitue, selon les explications fournies par le gouvernement néerlandais, un précompte sur l’impôt sur les sociétés, est remboursé, étant donné qu’aucun montant n’est dû au titre de ce dernier impôt par un organisme de placement collectif à caractère fiscal. En ce qui concerne, d’autre part, les dividendes provenant de sociétés établies en Allemagne et au Portugal, aucun impôt n’est prélevé aux Pays-Bas dans le chef d’un tel organisme.

35      Par conséquent, en n’imposant pas, dans le chef des organismes de placement collectif à caractère fiscal, les dividendes provenant d’Allemagne et du Portugal, le Royaume des Pays-Bas applique à ces dividendes un traitement équivalent à celui appliqué aux dividendes provenant de sociétés néerlandaises, ces derniers n’étant pas non plus imposés dans le chef de ces organismes. En outre, en s’abstenant d’imposer les dividendes provenant des autres États membres, le Royaume des Pays-Bas prévient, tout comme pour les dividendes payés par les sociétés néerlandaises, une imposition en chaîne résultant de l’exercice de sa propre compétence fiscale.

36      Dès lors, contrairement à ce qu’affirment OESF et la Commission, la législation néerlandaise telle que celle en cause au principal ne procède pas à un traitement différencié des dividendes provenant d’Allemagne et du Portugal par rapport à ceux distribués par des sociétés néerlandaises.

37      Si, dans ces conditions, les dividendes provenant d’Allemagne et du Portugal sont soumis à une charge fiscale plus lourde que celle pesant sur les dividendes distribués par des sociétés néerlandaises, ce désavantage n’est pas imputable à la législation néerlandaise en cause au principal, mais résulte de l’exercice parallèle, par les États membres d’établissement des sociétés distributrices et l’État membre d’établissement de la société bénéficiaire, de leur compétence fiscale, caractérisé par le choix des premiers de soumettre les dividendes distribués à une imposition en chaîne et par celui du dernier de s’abstenir de toute imposition des dividendes dans le chef des organismes de placement collectif à caractère fiscal (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2006, Kerckhaert et Morres, C-513/04, Rec. p. I-10967, point 20).

38      La Commission fait toutefois valoir que, en sa qualité d’État membre de résidence de la société bénéficiaire des dividendes, il appartient au Royaume des Pays-Bas de compenser la pression fiscale étrangère exercée sur ces dividendes au même titre qu’il compense la pression fiscale interne que subissent lesdits dividendes.

39      Cette thèse ne peut être accueillie. Il résulte certes de la jurisprudence que, lorsqu’un État membre connaît un système de prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, il doit accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes (arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, point 55 et jurisprudence citée).

40      Dans le cadre de tels systèmes, la situation d’actionnaires résidents d’un État membre percevant des dividendes d’une société établie dans ce même État est comparable à celle d’actionnaires résidents dudit État percevant des dividendes d’une société établie dans un autre État membre, dans la mesure où tant les dividendes d’origine nationale que ceux d’origine étrangère sont susceptibles de faire l’objet d’une imposition en chaîne (voir arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, point 56).

41      Toutefois, la qualité d’État membre de résidence de la société bénéficiaire des dividendes ne saurait entraîner l’obligation, pour cet État membre, de compenser un désavantage fiscal résultant d’une imposition en chaîne entièrement effectuée par l’État membre sur le territoire duquel est établie la société distributrice de ces dividendes, dans la mesure où le premier État membre n’impose ni ne prend en compte de manière différente, dans le chef des organismes de placement collectif établis sur son territoire, les dividendes perçus.

42      Il s’ensuit que, dans une situation où la charge fiscale plus lourde exercée sur les dividendes distribués par des sociétés établies en Allemagne et au Portugal à un organisme de placement collectif à caractère fiscal établi aux Pays-Bas par rapport à celle grevant les dividendes distribués à ce même organisme par des sociétés également établies dans ce dernier État membre ne résulte pas d’une différence de traitement imputable au régime fiscal de celui-ci, mais découle, d’une part, du choix de la République fédérale d’Allemagne et de la République portugaise d’appliquer une retenue à la source sur ces dividendes et, d’autre part, du choix du Royaume des Pays-Bas de ne pas imposer lesdits dividendes, le fait, pour ce dernier État membre, de ne pas prévoir une compensation pour la retenue à la source décidée par les deux premiers États ne constitue pas une restriction à la libre circulation de capitaux.

43      Toutefois, OESF souligne également que ses investissements en Allemagne et au Portugal reçoivent un traitement différent de ceux effectués dans d’autres États membres pour lesquels il est possible de bénéficier de la compensation prévue à l’article 28, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, lu conjointement avec l’article 6 de l’arrêté royal, afin de prévenir l’imposition en chaîne intervenue dans ces États membres. Selon OESF, les articles 56 CE et 58 CE interdisent une telle différence de traitement en fonction du siège de la société distributrice des dividendes.

44      Le gouvernement néerlandais rappelle que, dans la mesure où un organisme de placement collectif à caractère fiscal est imposé à un taux nul, aucun impôt sur les sociétés n’est attribuable aux dividendes provenant d’un autre État membre, ce qui rend impossible, pour cet organisme, l’imputation de la retenue à la source ayant frappé ces dividendes. Afin d’éviter qu’un investissement à l’étranger effectué par l’intermédiaire d’un tel organisme soit considéré comme moins attrayant qu’un placement direct, l’objectif de ladite compensation serait de rapprocher la charge fiscale sur les revenus d’investissement transitant par les organismes de placement collectif à caractère fiscal de celle qui pèse sur les placements directs effectués par des particuliers.

45      Par conséquent, le législateur aurait pris comme référence, pour le calcul du montant de ladite compensation, la situation où les investissements ont lieu sans l’intermédiaire d’un tel organisme. Pour cette raison, en cas de dividendes perçus à l’étranger, cette compensation serait limitée aux cas où il existe, en vertu d’une convention en matière fiscale, un droit d’imputer le prélèvement fiscal étranger sur l’impôt néerlandais.

46      En outre, il résulterait de l’arrêt du 5 juillet 2005, D. (C-376/03, Rec. p. I-5821), que la situation où un investisseur reçoit un dividende originaire d’Allemagne ou du Portugal diffère de celle où le dividende provient d’un État membre avec lequel le Royaume des Pays-Bas a conclu une telle convention, telle la République italienne. La compensation à accorder étant indissolublement liée au droit de l’actionnaire d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal d’imputer, en vertu d’une telle convention, l’impôt étranger prélevé à la source, cette compensation devrait, à l’instar du droit d’imputation, être considérée comme faisant partie intégrante de cette convention, et non comme un avantage qui peut en être détaché.

47      Ainsi qu’il ressort du point 42 du présent arrêt, le droit communautaire n’impose pas à un État membre de procéder à une compensation du désavantage résultant d’une imposition en chaîne provenant exclusivement de l’exercice parallèle des compétences fiscales dont disposent les différents États membres. Toutefois, dès lors que cet État membre a décidé de prévoir une telle compensation, cette faculté doit être exercée conformément au droit communautaire.

48      À cet égard, il convient de relever que, comme il a été rappelé aux points 30 et 32 du présent arrêt, il appartient aux États membres d’organiser leur système d’imposition des bénéfices distribués et de définir, dans ce cadre, l’assiette imposable ainsi que les taux d’imposition applicables dans le chef de l’actionnaire bénéficiaire, et que, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation communautaire, les États membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir de taxation.

49      Par conséquent, en présence de disparités entre les législations fiscales des différents États membres qui découlent de cette situation, un État membre peut être amené, par voie conventionnelle ou unilatérale, à appliquer aux dividendes provenant des différents États membres un traitement différencié qui tienne compte de ces disparités.

50      S’agissant des conventions fiscales bilatérales conclues par les États membres, la Cour a précédemment rappelé que le champ d’application d’une telle convention est limité aux personnes physiques ou morales mentionnées dans celle-ci (voir arrêts précités D., point 54, et Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, point 84).

51      Dans ces arrêts, la Cour a jugé que, lorsqu’un avantage prévu par une convention fiscale bilatérale ne peut être analysé comme un avantage détachable de cette convention, mais contribue à son équilibre général, le fait que les droits et obligations réciproques issus de ladite convention ne s’appliquent qu’à des personnes résidentes de l’un des deux États membres contractants étant une conséquence inhérente aux conventions bilatérales, le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que l’avantage en question ne soit pas conféré à un résident d’un troisième État membre, dans la mesure où celui-ci ne se trouve pas dans une situation comparable à celle des résidents couverts par ladite convention (voir, en ce sens, arrêts précités D., points 59 à 63, et Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, points 88 à 93).

52      En l’occurrence, en ce qui concerne le versement d’une compensation pour une retenue opérée à la source dans un autre État membre sur les dividendes perçus par un organisme de placement collectif à caractère fiscal établi aux Pays-Bas, l’application de l’article 28, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à l’impôt sur les sociétés aboutit à un traitement différencié des dividendes provenant des différents États membres.

53      Il est constant, dans le contexte juridique qui caractérise l’affaire au principal, que les situations dans lesquelles une compensation est accordée sont celles où le Royaume des Pays-Bas s’est engagé dans le cadre d’une convention fiscale conclue avec l’État membre ayant opéré la retenue à la source à permettre aux personnes physiques d’imputer ladite retenue sur l’impôt néerlandais sur les revenus dont elles sont redevables.

54      Cependant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 107 de ses conclusions, le versement de la compensation prévue à l’article 28, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, lu conjointement avec l’article 6 de l’arrêté royal, résulte non pas de l’application automatique d’une telle convention fiscale bilatérale, mais de la décision unilatérale du Royaume des Pays-Bas d’étendre le bénéfice de telles conventions aux organismes de placement collectif à caractère fiscal.

55      Si, pour les raisons indiquées aux points 48 et 49 du présent arrêt, une telle décision unilatérale ne saurait, en elle-même, être considérée comme contraire au droit communautaire, il convient de vérifier si le traitement différencié qui en résulte n’entraîne pas une restriction à la libre circulation des capitaux.

56      Or, à cet égard, il y a lieu de relever que, en excluant de la compensation relative à l’imposition à la source des dividendes perçus à l’étranger ceux provenant de certains États membres, une législation telle que celle en cause au principal rend l’investissement dans ces États membres moins attractif que l’investissement dans les États membres dont les prélèvements fiscaux sur les dividendes donnent lieu à cette compensation. Une telle législation est dès lors susceptible de dissuader un organisme de placement collectif de procéder à des investissements dans les États membres dont les prélèvements sur les dividendes ne donnent pas lieu à la compensation, de sorte qu’elle constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 56 CE.

57      Toutefois, aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE, «[l’]article 56 CE ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres […] d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne […] le lieu où leurs capitaux sont investis».

58      Il importe également de relever que la dérogation prévue à l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE est elle-même limitée par l’article 58, paragraphe 3, CE, qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article «ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 [CE]» (voir arrêt du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 28).

59      Dès lors, il y a lieu de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE des discriminations interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale opérant une distinction entre les contribuables selon le lieu où leurs capitaux sont investis puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/98, Rec. p. I-4071, point 43; Manninen, précité, point 29, et du 8 septembre 2005, Blanckaert, C-512/03, Rec. p. I-7685, point 42).

60      Ainsi que l’explique le gouvernement néerlandais, par la compensation qu’elle prévoit, la législation néerlandaise en cause au principal vise à assimiler, autant que possible, le traitement fiscal des dividendes que reçoit un actionnaire qui a procédé à un placement direct et celui des dividendes perçus par un actionnaire qui a investi par l’intermédiaire d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal, afin de prévenir le fait que l’investissement à l’étranger effectué par un tel organisme soit considéré comme moins attrayant qu’un placement direct.

61      Or, au regard d’une telle législation, la situation d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal, lorsqu’il reçoit des dividendes en provenance des États membres avec lesquels le Royaume des Pays-Bas a conclu une convention prévoyant le droit, pour les actionnaires personnes physiques, d’imputer l’impôt sur les dividendes prélevé par ces États membres sur l’impôt sur les revenus dont ils sont redevables aux Pays-Bas, est différente de celle dans laquelle cet organisme se trouve lorsqu’il reçoit des dividendes qui proviennent des États membres avec lesquels le Royaume des Pays-Bas n’a pas conclu une telle convention, dividendes pour lesquels ce droit n’est donc pas prévu.

62      En effet, ce n’est que s’agissant des investissements dans les États membres avec lesquels le Royaume des Pays-Bas a conclu une telle convention fiscale bilatérale que, en l’absence de la compensation prévue par les dispositions en cause au principal, le choix d’effectuer un investissement par l’intermédiaire d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal risquerait d’être moins avantageux pour un actionnaire personne physique qu’un placement direct.

63      En revanche, en ce qui concerne les États membres avec lesquels le Royaume des Pays-Bas n’a pas conclu une telle convention, le choix, pour une personne physique, d’effectuer un investissement par l’intermédiaire d’un tel organisme ne comporte pas de risque de perdre un avantage dont elle aurait bénéficié si elle avait opté pour un placement direct dans lesdits États membres. Par conséquent, cette situation n’est pas objectivement comparable à celle où le Royaume des Pays-Bas a conclu une telle convention fiscale.

64      Il s’ensuit que, dans le cas d’une législation telle que celle en cause au principal, par laquelle, afin d’assimiler autant que possible le traitement fiscal des placements directs et ceux effectués par l’intermédiaire des organismes de placement collectif, un État membre a décidé d’octroyer à ceux-ci une compensation pour les retenues fiscales opérées à la source sur les dividendes originaires des États membres à l’égard desquels il s’est engagé, dans le cadre de conventions bilatérales, à permettre aux personnes physiques d’imputer lesdites retenues sur l’impôt sur les revenus dont elles sont redevables en application de son droit national, les articles 56 CE et 58 CE ne s’opposent pas à ce que cet État membre exclue cette compensation en ce qui concerne les dividendes provenant d’autres États membres, avec lesquels il n’a pas conclu de conventions bilatérales comprenant de telles dispositions, dans la mesure où il ne s’agit pas de situations objectivement comparables.

65      Au regard de ce qui précède, il convient de répondre à la première question, sous a), que les articles 56 CE et 58 CE ne s’opposent pas à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui, en prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur le territoire de cet État membre, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés à ces organismes, restreint cette compensation au montant qu’une personne physique résidant sur le territoire de ce premier État membre aurait pu imputer, en raison de prélèvements similaires, en vertu d’une convention préventive de la double imposition conclue avec cet autre État membre.

 Sur la première question, sous b)

66      Par sa première question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre qui, telle la législation en cause au principal, en prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés à ces organismes, réduit cette compensation si et dans la mesure où l’actionnariat desdits organismes est constitué de personnes physiques ne résidant pas dans le premier État membre ou d’organismes non assujettis, dans celui-ci, à l’impôt sur les sociétés.

67      S’il ressort de la réponse à la première question, sous a), que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le droit communautaire n’impose pas à un État membre de prévoir en faveur d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés à cet organisme, dès lors que le premier État membre a néanmoins décidé de prévoir une telle compensation, cette faculté doit être exercée conformément au droit communautaire.

68      Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, OESF compte parmi ses actionnaires des personnes physiques et morales qui résident ou sont établies dans d’autres États membres ainsi que dans des pays tiers.

69      Dès lors, il convient d’examiner, premièrement, si le fait de réduire la compensation au prorata de la part du capital de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal détenue par des actionnaires résidant ou établis dans d’autres États membres constitue une restriction à la libre circulation des capitaux et, dans l’affirmative, si cette restriction peut être justifiée. Deuxièmement, il y a lieu de vérifier si la réponse apportée concernant les situations où les actionnaires d’un tel organisme résident ou sont établis dans d’autres États membres s’applique également aux situations où lesdits actionnaires résident ou sont établis dans des pays tiers.

70      Il s’impose de constater que, en ce qui concerne le calcul du montant de la compensation accordée conformément aux dispositions en cause au principal afin de tenir compte des retenues fiscales opérées à la source sur les dividendes originaires des autres États membres, la législation néerlandaise instaure une différence de traitement entre les organismes de placement collectif à caractère fiscal dont tous les actionnaires résident ou sont établis aux Pays-Bas et les organismes, tel OESF, dont une partie des actionnaires résident ou sont établis dans un autre État membre. Dans le premier cas, ladite compensation correspond, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de l’arrêté royal, au montant qu’une personne physique résidant aux Pays-Bas aurait pu imputer, au titre desdites retenues, sur l’impôt sur les revenus dont elle est redevable dans cet État membre. Dans le second cas, conformément à l’article 6, paragraphe 2, de l’arrêté royal, ce montant est réduit au prorata de la participation des actionnaires des autres États membres dans le capital des organismes concernés.

71      La compensation ainsi octroyée au titre des retenues fiscales à la source effectuées sur les dividendes originaires d’autres États membres fait partie du montant du bénéfice à distribuer aux actionnaires de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal concerné, qui est réparti entre ceux-ci en fonction de leur participation respective dans le capital de cet organisme.

72      Ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 118 de ses conclusions, il s’ensuit que la réduction de la compensation relative à l’impôt étranger au prorata de la participation dans le capital d’un tel organisme d’actionnaires qui résident ou sont établis dans un autre État membre désavantage indistinctement tous les actionnaires de celui-ci, puisqu’elle a pour effet de réduire le montant total du bénéfice à répartir.

73      Partant, dans un contexte législatif tel que celui en cause au principal, il est plus avantageux pour un organisme de placement collectif à caractère fiscal d’attirer les actionnaires qui résident ou sont établis dans l’État membre où il est lui-même établi, dans la mesure où moins la participation dans son capital d’actionnaires qui résident ou sont établis dans d’autres États membres est importante, plus le bénéfice à distribuer aux actionnaires est élevé.

74      Une telle réduction crée dès lors une restriction à la libre circulation des capitaux, prohibée en principe par l’article 56 CE, dans la mesure où elle est susceptible de faire obstacle à la collecte, par un organisme de placement collectif à caractère fiscal, de capitaux dans d’autres États membres que celui où il est établi et est également de nature à dissuader les investisseurs de ces autres États membres d’acquérir des parts dans le capital de celui-ci.

75      Le gouvernement néerlandais rappelle toutefois que, en ce qui concerne le calcul du montant de la compensation à accorder à un organisme de placement collectif à caractère fiscal, l’article 28, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à l’impôt sur les sociétés se réfère à la situation qui serait celle d’un actionnaire effectuant un placement direct à l’étranger.

76      Selon ce gouvernement, s’agissant de la possibilité d’imputer les prélèvements opérés à la source sur des dividendes perçus à l’étranger, la situation d’un résident néerlandais, soumis à l’impôt néerlandais sur les revenus ou à l’impôt néerlandais sur les sociétés, diffère de celle d’un non-résident, non soumis à ces impôts, dans la mesure où seuls les actionnaires redevables de l’impôt sur les revenus ou de l’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas peuvent procéder à l’imputation desdits prélèvements.

77      Dès lors, il serait compatible avec l’article 56 CE lu conjointement avec l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE, dans la mesure où cette dernière disposition autorise les États membres à établir une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence, d’effectuer une distinction, en ce qui concerne le montant de ladite compensation accordée à un organisme de placement collectif à caractère fiscal, selon que les actionnaires de celui-ci sont, en ce qui concerne les dividendes reçus, redevables de l’impôt sur les revenus ou de l’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas, ou ne le sont pas.

78      À cet égard, il convient de relever que, ainsi que l’indique le gouvernement néerlandais lui-même, le Royaume des Pays-Bas impose les dividendes distribués par un organisme de placement collectif à caractère fiscal dans le chef tant de ses actionnaires qui résident ou sont établis aux Pays-Bas que de ceux qui résident ou sont établis dans un autre État membre. Dès lors, il ne saurait être considéré qu’un tel organisme dont le capital est partiellement détenu par des actionnaires qui résident ou sont établis dans d’autres États membres se trouve dans une situation différente de l’organisme dont tous les actionnaires résident ou sont établis aux Pays-Bas

79      Par conséquent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 121 de ses conclusions, à partir du moment où le Royaume des Pays-Bas a décidé d’octroyer aux organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur son territoire une compensation au titre des retenues fiscales opérées à l’étranger et d’exercer sa compétence fiscale sur l’ensemble des dividendes distribués par ces organismes à leurs actionnaires, que ceux-ci résident ou soient établis dans cet État membre ou dans d’autres États membres, il doit étendre le bénéfice de cette compensation aux organismes de placement collectif à caractère fiscal comprenant des actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis dans ledit État membre (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France, C-170/05, Rec. p. I-11949, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

80      Le gouvernement néerlandais fait en outre valoir que, dans la mesure où la compensation accordée auxdits organismes est distribuée aux actionnaires de ceux-ci et comprise dans les revenus de ces derniers aux fins de la perception de l’impôt, les facteurs intervenant dans la formule de calcul de cette compensation auraient un rapport avec les taux de l’impôt perçu aux Pays-Bas sur les dividendes distribués par un tel organisme à ses actionnaires.

81      Selon ce gouvernement, les taux auxquels le Royaume des Pays-Bas impose les distributions de bénéfices des sociétés dans le chef de leurs actionnaires qui résident ou sont établis dans cet État membre et qui y sont soumis à l’impôt sur les revenus ou à l’impôt sur les sociétés sont plus élevés que les taux prévus en ce qui concerne l’imposition des actionnaires qui résident ou sont établis à l’étranger. En effet, ces derniers ne payeraient aux Pays-Bas que l’impôt sur les dividendes à un taux réduit, correspondant généralement, en vertu des conventions en matière fiscale, à 15 %. Ce fait expliquerait la diminution du montant de la compensation à accorder à un organisme de placement collectif à caractère fiscal au prorata de la part du capital de celui-ci détenue par des actionnaires qui résident ou sont établis dans d’autres États membres.

82      À cet égard, quand bien même la législation en cause au principal viserait à effectuer une distinction entre les actionnaires des organismes de placement collectif selon qu’ils sont résidents ou non, afin que la compensation dont ces actionnaires profitent du fait de la distribution des bénéfices par ces organismes soit en rapport avec les taux de l’impôt auquel lesdits actionnaires sont respectivement soumis aux Pays-Bas, il convient de relever qu’une réduction de cette compensation au prorata de la part du capital desdits organismes détenue par des actionnaires qui résident ou sont établis dans d’autres États membres, ne permet pas d’atteindre un tel objectif. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 72 du présent arrêt, une telle réduction désavantage indistinctement tous les actionnaires des organismes de placement collectif à caractère fiscal, puisqu’elle a pour effet de réduire le montant total du bénéfice à répartir.

83      En revanche, la réduction de la compensation au prorata de la part du capital de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal détenue par des actionnaires qui résident ou sont établis dans d’autres États membres permet de prévenir une diminution des recettes fiscales relatives aux dividendes distribués par les organismes de placement collectif à caractère fiscal qu’impliquerait, pour le Royaume des Pays-Bas, le fait d’accorder ladite compensation sans avoir égard à la présence, dans l’actionnariat de ces organismes, d’actionnaires non-résidents, soumis, en ce qui concerne les dividendes distribués par lesdits organismes, à l’impôt dont le taux est inférieur à celui auquel sont soumis les actionnaires résidents.

84      Toutefois, il ressort d’une jurisprudence constante que la réduction de recettes fiscales ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale (voir, notamment, arrêt Manninen, précité, point 49 et jurisprudence citée).

85      Il s’ensuit que les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui, en prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur le territoire de cet État membre, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés à ces organismes, réduit cette compensation si et dans la mesure où l’actionnariat de ceux-ci est constitué de personnes physiques ou morales qui résident ou sont établies dans d’autres États membres, dès lors qu’une telle réduction désavantage indistinctement tous les actionnaires desdits organismes.

86      S’agissant de la question de savoir si la réponse apportée au point précédent peut être étendue aux situations où les actionnaires étrangers d’un organisme de placement collectif résident ou sont établis dans un pays tiers, le gouvernement néerlandais estime qu’un État membre peut faire une distinction entre une telle situation et celle où les actionnaires résident ou sont établis dans un autre État membre.

87      À cet égard, ainsi que la Cour l’a relevé au point 31 de l’arrêt du 18 décembre 2007, A (C-101/05, non encore publié au Recueil), même si la libéralisation des mouvements de capitaux avec les pays tiers peut, certes, poursuivre des objectifs autres que celui de réaliser le marché intérieur, tels que ceux, notamment, d’assurer la crédibilité de la monnaie unique communautaire sur les marchés financiers mondiaux et de maintenir, dans les États membres, des centres financiers de dimension mondiale, force est de constater que, lorsque le principe de la libre circulation des capitaux a été étendu, par l’article 56, paragraphe 1, CE, aux mouvements de capitaux entre les pays tiers et les États membres, ces derniers ont choisi de consacrer ce principe dans le même article et dans les mêmes termes pour les mouvements de capitaux qui ont lieu à l’intérieur de la Communauté et ceux qui concernent des relations avec des pays tiers.

88      La Cour a également jugé que ne saurait être considéré comme déterminant l’argument selon lequel, si la notion de restrictions aux mouvements de capitaux était interprétée de la même manière dans les relations entre les États membres et les pays tiers que dans celles entre les États membres, la Communauté ouvrirait unilatéralement le marché communautaire aux pays tiers sans conserver les moyens de négociation nécessaires pour obtenir une telle libéralisation de la part de ces derniers (voir arrêt A, précité, point 38).

89      Toutefois, la Cour a constaté que les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers se déroulent dans un contexte juridique différent de ceux qui ont lieu au sein de la Communauté (voir arrêt A, précité, point 36). En effet, en raison du degré d’intégration juridique existant entre les États membres de l’Union européenne, et notamment de l’existence de mesures législatives communautaires visant à la coopération entre les autorités fiscales nationales, telles que la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15), l’imposition, par un État membre, d’activités économiques ayant des aspects transfrontaliers qui se situent au sein de la Communauté n’est pas toujours comparable à celle d’activités économiques ayant trait à des relations entre les États membres et les pays tiers (voir arrêts précités Test Claimants in the FII Group Litigation, point 170, et A, point 37).

90      Il ne saurait pas non plus être exclu qu’un État membre puisse démontrer qu’une restriction aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers est justifiée par un motif donné dans des circonstances où ce motif ne serait pas de nature à constituer une justification valide pour une restriction aux mouvements de capitaux entre États membres (arrêts précités Test Claimants in the FII Group Litigation, point 171, et A, point 37).

91      Dans la présente affaire, le gouvernement néerlandais ainsi que la Commission ont notamment soutenu que les États membres doivent pouvoir invoquer la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux en tant que raison impérieuse d’intérêt général justifiant une restriction aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers.

92      À cet égard, il convient de relever, d’une part, que le Royaume des Pays-Bas soumet à l’impôt sur les dividendes les dividendes distribués par un organisme de placement collectif à caractère fiscal établi sur son territoire aux actionnaires qui résident ou sont établis dans les pays tiers. Il y a lieu de constater, d’autre part, que la compensation accordée à un tel organisme est diminuée au prorata de la part du capital de celui-ci détenue par de tels actionnaires, sans que le traitement fiscal de ces actionnaires dans les pays tiers soit pertinent à cet égard. Dès lors, la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux ne saurait être invoquée en l’espèce.

93      Le gouvernement néerlandais estime également que la nécessité de prévenir la réduction de recettes fiscales doit pouvoir être invoquée afin de justifier une restriction aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers. En effet, si les problèmes liés notamment à la diminution de la base d’imposition peuvent être résolus en procédant, au niveau communautaire, à une harmonisation renforcée de la législation fiscale des États membres, il n’existerait pas de possibilité comparable d’harmoniser les législations fiscales dans les relations avec les pays tiers.

94      Il convient toutefois de rappeler que la réduction de la compensation au prorata de la part du capital d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal détenue par des actionnaires qui résident ou sont établis dans des pays tiers a pour effet de réduire le montant total du bénéfice à répartir aux actionnaires de cet organisme.

95      Par conséquent, à supposer qu’un tel motif puisse être invoqué afin de justifier une restriction aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, une telle justification ne peut pas être prise en considération en l’espèce, dans la mesure où ladite réduction produit des effets indistinctement à l’égard de tous les actionnaires de l’organisme de placement collectif concerné, qu’ils soient résidents ou établis dans les États membres ou qu’ils soient résidents ou établis dans des pays tiers.

96      Il s’ensuit que, dans un contexte juridique tel que celui en cause au principal, la réponse apportée concernant les situations où des actionnaires d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal résident où sont établis dans un autre État membre s’applique également aux situations où des actionnaires d’un organisme de placement collectif résident ou sont établis dans des pays tiers.

97      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question, sous b), que les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui, en prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur le territoire de cet État membre, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés à ces organismes, réduit cette compensation si et dans la mesure où l’actionnariat de ceux-ci est constitué de personnes physiques ou morales qui résident ou sont établies dans d’autres États membres ou dans des pays tiers, dès lors qu’une telle réduction désavantage indistinctement tous les actionnaires desdits organismes.

 Sur la deuxième question, sous a)

98      Par sa deuxième question, sous a), la juridiction de renvoi demande si la notion d’«investissements directs» au sens de l’article 57, paragraphe 1, CE vise la détention d’un paquet d’actions d’une société qui ne permet pas d’exercer une influence déterminante sur la gestion ou le contrôle de celle-ci.

99      Aux termes de l’article 57, paragraphe 1, CE, l’article 56 CE ne porte pas atteinte à l’application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés de capitaux.

100    En l’absence, dans le traité, de définition de la notion de «mouvements de capitaux» au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, la Cour a précédemment reconnu une valeur indicative à la nomenclature annexée à la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5). Constituent dès lors des mouvements de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE notamment les investissements directs, à savoir, ainsi qu’il ressort de cette nomenclature et des notes explicatives qui s’y rapportent, les investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique (voir, en ce sens, arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, points 179 à 181; du 23 octobre 2007, Commission/Allemagne, C-112/05, non encore publié au Recueil, point 18, et A, précité, point 46).

101    S’agissant de participations dans des entreprises nouvelles ou existantes, ainsi que le confirment ces notes explicatives, l’objectif de créer ou de maintenir des liens économiques durables présuppose que les actions détenues par l’actionnaire donnent à celui-ci, soit en vertu des dispositions de la législation nationale sur les sociétés par actions, soit autrement, la possibilité de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle (arrêt Commission/Allemagne, précité, point 18 et jurisprudence citée).

102    Il convient dès lors de répondre à la deuxième question, sous a), qu’une restriction relève de l’article 57, paragraphe 1, CE en tant que restriction aux mouvements de capitaux impliquant des investissements directs pour autant qu’elle se rapporte aux investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique.

 Sur la deuxième question, sous b) et c)

103    La juridiction de renvoi demande, par sa deuxième question, sous b), en substance, si l’article 56 CE a la même portée en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers et ceux qui interviennent dans le cadre intracommunautaire et par sa deuxième question, sous c), si le fait, pour un État membre, de réduire la compensation prévue en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur son territoire et destinée à tenir compte des retenues fiscales opérées à la source sur les dividendes originaires d’un pays tiers en fonction de la participation au capital de ces organismes d’actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis dans l’État membre concerné, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.

104    Ces questions, qu’il convient de traiter ensemble, visent à savoir si la réponse apportée à la première question, sous b), varie compte tenu du fait que les dividendes proviennent non pas d’un autre État membre, mais d’un pays tiers.

105    À cet égard, il ressort des points 79 et 96 du présent arrêt que, à partir du moment où le Royaume des Pays-Bas a décidé d’octroyer aux organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur son territoire une compensation au titre des retenues fiscales opérées à l’étranger et d’exercer sa compétence fiscale sur l’ensemble des dividendes distribués par ces organismes à leurs actionnaires, que ceux-ci résident ou soient établis dans cet État membre, dans d’autres États membres ou dans des pays tiers, il doit étendre le bénéfice de cette compensation aux organismes de placement collectif à caractère fiscal comprenant des actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis aux Pays-Bas.

106    En effet, ainsi qu’il a été relevé aux points 70 à 96 du présent arrêt, une règle selon laquelle une telle compensation est réduite au prorata de la part du capital d’un organisme de placement collectif détenue par des actionnaires résidant ou établis dans un autre État membre ou dans un pays tiers instaure une différence de traitement entre de tels organismes dont tous les actionnaires résident ou sont établis aux Pays-Bas et les organismes dont une partie des actionnaires résident ou sont établis dans un autre État membre ou dans un pays tiers, qui ne se justifie ni par le fait que ces organismes se trouveraient dans une situation différente ni par les objectifs de politique fiscale tels que ceux avancés par le gouvernement néerlandais.

107    Force est de constater qu’une telle règle est contraire aux articles 56 CE et 58 CE indépendamment de la question de savoir si les retenues fiscales qui donnent lieu à la compensation ont été prélevées dans un autre État membre ou dans un pays tiers, dans la mesure où, dans les deux cas, il existe une différence de traitement entre les organismes dont tous les actionnaires résident ou sont établis aux Pays-Bas et les organismes dont une partie des actionnaires résident ou sont établis dans un autre État membre ou dans un pays tiers et que les justifications avancées n’ont pas trait à l’État d’origine des dividendes perçus par lesdits organismes.

108    Il convient donc de répondre à la deuxième question, sous b) et c), que les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui, en prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif établis sur le territoire de cet État membre, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un pays tiers sur les dividendes versés à ces organismes, réduit cette compensation si et dans la mesure où l’actionnariat de ceux-ci est constitué de personnes physiques ou morales qui résident ou sont établies dans d’autres États membres ou dans des pays tiers, dès lors qu’une telle réduction désavantage indistinctement tous les actionnaires desdits organismes.

 Sur la troisième question, sous a)

109    Par sa troisième question, sous a), la juridiction de renvoi demande si le fait que la retenue fiscale effectuée dans un État membre sur des dividendes perçus dans celui-ci par un organisme de placement collectif établi dans un autre État membre est plus élevée que la retenue fiscale frappant, dans ce dernier État membre, les dividendes redistribués aux actionnaires étrangers a une incidence sur les réponses aux deux premières questions.

110    Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, cette question est motivée par le fait que, au cours de l’exercice comptable concerné, le taux de la retenue à la source effectuée au Portugal sur les dividendes versés à OESF dans cet État membre a été de 17,5 %, tandis que celui de la retenue à la source effectuée aux Pays-Bas sur les dividendes distribués aux actionnaires de OESF s’est élevé à 15 %.

111    Toutefois, considérant que les dividendes provenant du Portugal n’ont pas été pris en compte pour le calcul de la compensation accordée à l’organisme de placement collectif à caractère fiscal en cause au principal et compte tenu de la réponse apportée à la première question, sous a), il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question, sous a).

 Sur la troisième question, sous b)

112    Par sa troisième question, sous b), la juridiction de renvoi demande s’il convient de tenir compte, pour la réponse aux deux premières questions, du fait que les actionnaires étrangers d’un organisme de placement collectif résident ou sont établis dans un État avec lequel l’État membre d’établissement de celui-ci a conclu une convention prévoyant, sur une base de réciprocité, l’imputation des retenues fiscales effectuées à la source sur les dividendes. Toutefois, le lieu de résidence ou d’établissement des actionnaires de cet organisme n’étant pris en compte que pour la réduction de la compensation au prorata de la participation dans le capital dudit organisme d’actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis dans l’État membre d’établissement de celui-ci, il convient de considérer la présente question comme se rapportant uniquement à la première question, sous b).

113    Il y a lieu de constater à cet égard que le fait que l’État de résidence ou d’établissement des actionnaires de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal et le Royaume des Pays-Bas soient convenus de la possibilité d’imputer l’impôt que ce dernier prélève sur les dividendes distribués par ledit organisme à ces actionnaires ne change rien à la circonstance que le Royaume des Pays-Bas exerce sa compétence fiscale en imposant ces dividendes. Or, ainsi qu’il découle des points 79 et 96 du présent arrêt, c’est l’exercice, par un État membre, de sa compétence fiscale sur les dividendes versés par les organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur le territoire de cet État membre tant aux actionnaires qui résident ou sont établis dans ledit État membre qu’aux actionnaires qui résident ou sont établis dans d’autres États membres ou dans des pays tiers qui justifie, dans le cas où une compensation telle que celle en cause au principal est prévue, la nécessité de l’étendre aux organismes de placement collectif à caractère fiscal comprenant des actionnaires qui ne résident pas ou ne sont pas établis dans cet État membre.

114    Il convient dès lors de répondre à la troisième question, sous b), que le fait que les actionnaires étrangers d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal résident ou soient établis dans un État avec lequel l’État membre d’établissement de cet organisme a conclu une convention prévoyant, sur une base de réciprocité, l’imputation des retenues fiscales effectuées à la source sur les dividendes est sans influence sur la réponse apportée à la première question, sous b).

 Sur la troisième question, sous c)

115    Par sa troisième question, sous c), la juridiction de renvoi souhaite savoir s’il convient de tenir compte, pour la réponse aux deux premières questions, du fait que les actionnaires étrangers de l’organisme de placement collectif à caractère fiscal résident ou sont établis dans un autre État membre de la Communauté.

116    Compte tenu de la réponse apportée à la première question, sous b), il n’y a pas lieu de répondre à cette question.

 Sur les dépens

117    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 56 CE et 58 CE ne s’opposent pas à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui, en prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur le territoire de cet État membre, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre sur les dividendes versés à ces organismes, restreint cette compensation au montant qu’une personne physique résidant sur le territoire de ce premier État membre aurait pu imputer, en raison de prélèvements similaires, en vertu d’une convention préventive de la double imposition conclue avec cet autre État membre.

2)      Les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui, en prévoyant, en faveur des organismes de placement collectif à caractère fiscal établis sur le territoire de cet État membre, une compensation destinée à tenir compte des prélèvements fiscaux effectués à la source par un autre État membre ou par un pays tiers sur les dividendes versés à ces organismes, réduit cette compensation si et dans la mesure où l’actionnariat de ceux-ci est constitué de personnes physiques ou morales qui résident ou sont établies dans d’autres États membres ou dans des pays tiers, dès lors qu’une telle réduction désavantage indistinctement tous les actionnaires desdits organismes.

À cet égard, est sans influence le fait que les actionnaires étrangers d’un organisme de placement collectif à caractère fiscal résident ou soient établis dans un État avec lequel l’État membre d’établissement de cet organisme a conclu une convention prévoyant, sur une base de réciprocité, l’imputation des retenues fiscales effectuées à la source sur les dividendes.

3)      Une restriction relève de l’article 57, paragraphe 1, CE en tant que restriction aux mouvements de capitaux impliquant des investissements directs pour autant qu’elle se rapporte aux investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.